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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/216/2017

ATA/1570/2017 du 05.12.2017 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; DANCING ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; EXPLOITANT ; HONNEUR ; QUALITÉ POUR RECOURIR
Normes : Cst.29.al2; LPA.60.al1.letb; LRDBHD.8.al1; LRDBHD.8.al2; LRDBHD.9; LRDBHD.10; LRDBHD.63.al1; LRDBHD.63.al3; LRDBHD.63.al4; LRDBHD.70.al3; LRDBHD.70.al9; RRDBHD.65.al4
Résumé : Admission partielle du recours dirigé contre une décision du PCTN, selon laquelle le gérant d'un cabaret-dancing ne présentait pas les garanties suffisantes d'honorabilité pour qu'une mise en conformité d'une autorisation d'exploiter cet établissement public soit accordée. À teneur de la jurisprudence constante en la matière, la situation du recourant ne s'apparente pas à celles dans lesquelles le critère d'honorabilité n'était pas rempli, au vu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/216/2017-EXPLOI ATA/1570/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 décembre 2017

2ème section

 

dans la cause

 

A______ SA

et

Madame B______ et Monsieur C______
représentés par Me Nadia Isabel Clerigo, avocate

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

 



EN FAIT

1) a. Madame B______, née le ______ 1990, de nationalité suisse, est, selon le rôle de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), étudiante et domiciliée dans la commune D______. Elle est titulaire d’un certificat de capacité de cafetier (ci-après : diplôme).

2) Monsieur C______, né le ______ 1972, de nationalité suisse est, selon le rôle de l’OCPM, boulanger de profession et domicilié dans la commune E______. Il est administrateur de la société A______ SA, inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 5 décembre 2011 et ayant pour but les activités relatives à l’exploitation de cafés, restaurants, bars et discothèques et à l’organisation d’événements.

3) Le 1er décembre 2011, la société F______ SA (ci-après : société F______), inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 29 juillet 1968 et ayant pour but notamment la création, l’achat, la vente, l’exploitation et la gestion de dancings, clubs privés, bars, restaurants, cafés-brasseries et autres établissements similaires, a signé un contrat de gérance libre avec la société A______ SA et M. C______, agissant conjointement et solidairement entre eux, portant sur la gérance du dancing night-club à l’enseigne « G______ », devenu alors « H______ » (ci-après : cabaret-dancing H______) pour un loyer mensuel de CHF 8'000.- de mars à décembre 2012 et en 2013, CHF 10'000.- en 2014, CHF 12'000.- en 2015 et 2016 en sus des charges mensuelles de CHF 1'200.-.

La gérance prenait effet pour cinq ans, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016. Mme B______ était désignée par les gérants comme responsable de l’établissement.

4) Par décision du 18 mai 2015, le service du commerce, devenu le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN), a autorisé Mme B______ à exploiter le cabaret-dancing H______.

L’autorisation était personnelle et intransmissible. Elle était soumise à diverses autres conditions d’exploitation.

5) a. Le 29 juin 2016, Mme B______, au titre d’exploitante du cabaret-dancing H______, et M. C______, au titre de propriétaire de l’établissement, ont déposé au PCTN un formulaire de « mise en conformité LRDBHD des établissements autorisés en vertu de la LRDBH » (ci-après : formulaire 1) en vue de l’obtention d’une autorisation d’exploiter un établissement soumis à la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22), entrée en vigueur le 1er janvier 2016.

À la suite du changement de loi, les établissements disposant d’une autorisation d’exploiter délivrée par le PCTN qui était en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015 et continuant à être exploités aux mêmes conditions après le 1er janvier 2016 devaient requérir avant l’expiration d’une période de six mois une mise en conformité. La continuation de l’activité était autorisée à condition d’obtenir, au plus tard le 31 décembre 2016, une autorisation d’exploiter en application de la nouvelle loi.

Selon le formulaire 1 précité, une précédente autorisation d’exploiter le cabaret-dancing H______ avait été délivrée à Mme B______ le 13 octobre 2011. Le propriétaire de l’établissement, la société F______, avait confié à M. C______ et à la société A______ SA la gérance de celui-ci. Les conditions contractuelles étaient restées les mêmes depuis la délivrance de la dernière autorisation d’exploiter. Le contrat de bail n’avait pas été résilié et la destination des locaux n’avait pas été modifiée. L’exploitante et le gérant avaient confirmé l’exploitation de l’établissement dans la catégorie de cabaret-dancing. L’exploitante s’engageait à gérer de manière personnelle et effective l’établissement pour lequel elle sollicitait l’autorisation.

b. Parmi les documents à annexer à la requête figuraient notamment un extrait du casier judiciaire suisse et un certificat de bonne vie et mœurs de l’exploitante et du propriétaire.

c. Selon les extraits du casier judiciaire suisse des 3 juin et 10 octobre 2016, M. C______ a fait l’objet de cinq condamnations pénales par ordonnances pénales du Ministère public respectivement les 31 janvier 2008 (entrée en force le 5 mars 2008) à une peine pécuniaire de dix jours-amende à CHF 80.- avec sursis durant trois ans et une amende de CHF 500.- pour voies de fait et contrainte ; 2 juillet 2008 (entrée en force le 31 décembre 2008) à une peine pécuniaire de trente jours-amende à CHF 80.- et une amende de CHF 300.- pour voies de fait et dommage à la propriété ; 13 octobre 2008 (entrée en force le 3 novembre 2008) à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF. 80.- et une amende de CHF 1'500.- pour violation des règles de la circulation routière ; 3 janvier 2013 (entrée en force le 5 février 2013) à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 100.- avec sursis durant trois ans et une amende de CHF 2'200.- pour emploi d’étrangers sans autorisation ; et 5 janvier 2015 (entrée en force le 13 février 2015) à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 100.- pour emploi d’étrangers sans autorisation. Il a également été condamné le 29 août 2016 (entrée en force le 29 août 2016) à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 100.- pour emploi répété d’étrangers sans autorisation de travail.

Les trois infractions en matière de droit des étrangers avaient été commises dans le cadre de la gestion d’établissements publics voués à la restauration et au débit de boissons à consommer sur place. Les faits retenus par le Ministère public étaient respectivement le recrutement d’une serveuse dépourvue d’autorisation de travail dans un café-restaurant sous l’enseigne « I______ » durant neuf mois, du 1er septembre 2011 au 21 mai 2012 ; l’engagement de la même serveuse au même poste dans le café-restaurant « J______ », durant sept mois, du 1er janvier au 31 juillet 2013, et d’une autre serveuse au même poste, pendant presqu’un mois, du 18 juillet au 11 août 2013 ; et l’embauche de trois serveurs sans autorisation de travail durant trois semaines, du 24 juillet au 10 août 2015, sur un stand des Fêtes de Genève.

6) Par décision du 9 janvier 2017, déclarée exécutoire nonobstant recours, le PCTN a rejeté la requête susmentionnée.

M. C______, gérant de l’établissement, avait été condamné à trois reprises par le Ministère public pour avoir employé des étrangers dépourvus d’autorisation de travail. Ces infractions avaient un lien avec l’activité exercée par l’intéressé. Elles étaient graves et récentes. M. C______ n’offrait par conséquent pas les garanties d’une exploitation conforme aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail. Il ne répondait pas aux exigences d’honorabilité.

7) Par acte déposé le 20 janvier 2017, Mme B______, M. C______ et la société A______ SA ont interjeté recours contre la décision précitée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant, préliminairement, à la restitution de l’effet suspensif et à ce qu’ils soient autorisés à continuer l’exploitation de leur établissement jusqu’à droit jugé sur le fond. Ils ont également conclu, principalement, à l’annulation de la décision attaquée et à ce qu’il soit ordonné au PCTN de délivrer l’autorisation d’exploiter le cabaret-dancing H______ et, subsidiairement, au renvoi de la cause au PCTN pour une nouvelle décision.

Le PCTN avait abusé de son pouvoir d’appréciation. Les actes reprochés à M. C______ ne pouvaient pas être qualifiés de graves, ils concernaient uniquement la violation de prescriptions en matière de police des étrangers commise par des auxiliaires de l’intéressé. Les sanctions qui lui avaient été infligées n’étaient pas non plus lourdes et les infractions n’étaient pas répétées de manière systématique. M. C______ avait été autorisé à exploiter des établissements publics en 2015, malgré les condamnations pénales de 2013 et 2015. Ainsi, seule pouvait entrer en ligne de compte pour le refus de l’autorisation attaquée la condamnation du 29 août 2016. L’intéressé n’avait pas eu la volonté de contrevenir à ses obligations découlant de la législation sur le travail au noir et de celle sur les étrangers. Les faits qui lui étaient reprochés ne constituaient pas une violation de ses obligations en matière d’annonce des travailleurs. Il employait plus de septante personnes et n’avait jamais été sanctionné par les autorités compétentes, sauf dans le cadre des incidents précités.

Le PCTN avait violé leur liberté économique. Il avait refusé des autorisations concernant d’autres établissements gérés par M. C______. Ces décisions privaient ce dernier de ses revenus. Elles n’étaient en outre pas conformes au principe de la proportionnalité.

Le PCTN avait également violé l’interdiction de l’arbitraire. M. C______ remplissait les conditions de la garantie d’honorabilité, sa dernière condamnation pénale portant sur une activité qui avait duré deux semaines ne pouvait pas être à la base du refus de l’autorisation d’exploiter l’établissement en cause.

8) Par décision du 10 février 2017 sur effet suspensif (ATA/176/2017), la chambre administrative a autorisé, à titre provisoire, Mme B______ à continuer l’exploitation du cabaret-dancing H______ jusqu’à droit jugé sur le fond.

La décision attaquée rejetait une demande qui tendait au maintien et au renouvellement d’une autorisation déjà existante. Aucun motif n’imposait la cessation immédiate de l’activité concernant l’établissement. L’ordre public ou la protection des consommateurs et des travailleurs n’étaient pas menacés de manière imminente si l’intéressée continuait l’exploitation de son établissement. L’intérêt privé des intéressés à la continuation de l’exploitation primait l’intérêt public à l’exécution immédiate de la décision querellée. Au surplus, le service intimé ne s'opposait pas à la restitution de l'effet suspensif.

9) Le 23 février 2017, le PCTN a conclu au rejet du recours.

M. C______ était le propriétaire de l’établissement en cause. Il avait été condamné pour avoir employé des étrangers sans autorisation de travail. Il n’avait pas formé opposition contre l’ordonnance pénale du 3 janvier 2013 et avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Il avait réitéré l’infraction durant le délai de grâce. Il avait été à nouveau condamné le 5 janvier 2015. L’intéressé avait commis des infractions répétées et ses condamnations étaient en force. Le risque de récidive était élevé. Certes, M. C______ avait obtenu l’autorisation d’exploiter un établissement public après ses premières condamnations. Toutefois, cette autorisation avait été accordée sous l’ancien régime légal qui ne posait pas l’exigence d’honorabilité à l’égard des propriétaires et gérants d’établissements. M. C______ n’offrait pas la garantie de l’exploitation d’une entreprise de manière conforme aux prescriptions légales en vigueur.

La décision attaquée était conforme à l’esprit et au but de la législation en vigueur. Elle privait l’intéressé de la possibilité de gérer un établissement public et par conséquent de se charger des tâches relatives au personnel. Elle écartait le risque de nouvelles infractions aux prescriptions en matière de police des étrangers et de droit du travail au sein de l’établissement concerné. La sanction était propre à atteindre le but visé. En outre, l’autorité ne disposait d’aucun autre moyen pour prévenir ce risque. Le propriétaire avait par ailleurs la possibilité de désigner de nouveaux gérants pour continuer l’exploitation de l’établissement. L’intéressé pouvait de son côté exercer une autre activité notamment dans le domaine de la restauration.

10) Le 29 mars 2017, Mme B______, M. C______ et la société A______ SA ont persisté dans les conclusions de leur recours.

M. C______ avait choisi l’exploitante de l’établissement avec qui il collaborait dans la gestion de celui-ci. Il était présent tous les jours d’ouverture. Il avait conclu un contrat de gérance. Il avait été impliqué dans la gestion de l’établissement, même si l’ancienne législation ne connaissait pas la notion de gérant. Les personnes impliquées dans la bonne marche du « club » étaient les mêmes sous l’ancien et le nouveau régime légal. Au moment du dépôt de la demande en cause, sa dernière condamnation pénale n’était pas définitive. Celle-ci s’est achevée par le prononcé de l’ordonnance pénale du 29 août 2016. Par ailleurs, le PCTN avait eu connaissance de cette condamnation dans le cadre d’une autre procédure de demande d’autorisation d’exploiter un établissement public. Il ne l’avait pas interpellé à ce sujet. Il avait violé son droit d’être entendu. Le refus de l’autorisation d’exploiter était fondé sur cette ordonnance pénale rendue après l’introduction de la demande relative au cabaret-dancing H______.

M. C______ exerçait son activité dans le milieu des établissements publics depuis vingt ans et n’avait jamais rencontré de problèmes particuliers avec les autorités. Il employait une cinquantaine de personnes.

Pour le surplus, ils ont repris leurs arguments antérieurs.

11) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 66 al. 1 LRDBHD ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. A qualité pour recourir toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA).

La qualité pour recourir fondée sur l’article 60 al. 1 let. b LPA nécessite la réalisation de trois conditions cumulatives, soit avoir un intérêt digne de protection, être particulièrement touché par la décision attaquée et disposer d’un intérêt actuel. Le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATA/343/2012 du 5 juin 2012 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011). Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée. L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATA/1465/2017 du 3 novembre 2017 ; ATA/188/2011 précité).

b. La requête en autorisation est valablement déposée, lorsqu’elle est faite au moyen de la formule officielle dûment remplie par l'exploitant (art. 19 al.1 let. a du règlement d’exécution de la LRDBHD du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01), signée par l'exploitant propriétaire. Si l'exploitant n'est pas propriétaire, le formulaire doit être contresigné par le propriétaire. En cas de gérance, le formulaire doit également comporter la signature du gérant au sens de l'art. 39 al. 2 (let. b). La décision est notifiée par écrit à l’exploitant (art. 31 al. 15 RRDBHD).

c. Le propriétaire est défini, dans la nouvelle législation, notion qui existait déjà dans la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (aLRDBH), mais sans être précisée, comme la personne physique ou morale qui détient le fonds de commerce de l'entreprise, soit les installations, machines et autres équipements nécessaires à l'exercice de l'activité de celle-ci, et qui désigne l'exploitant (art. 3 let. o LRDBHD ; art. 39 al. 1 RRDBHD). En cas de conclusion d'un contrat de gérance ou de bail à ferme, le propriétaire au sens de la loi est le gérant ou le fermier qui jouit des locaux et installations de l'établissement et en assume l'entière responsabilité (art. 39 al. 2 RRDBHD).

d. En l’espèce, la demande du 29 juin 2016 de mise en conformité de l’autorisation d’exploiter existante délivrée le 18 mai 2015 a été signée par l’exploitante et le gérant du cabaret-dancing H______. La décision attaquée a été notifiée à l’exploitante, le 9 janvier 2017. L’intéressée remplit les conditions de l’art. 60 al. 1 let. b LPA et a par conséquent la qualité pour recourir. Pour ce qui est de M. C______ et de la société A______ SA, gérant de l’établissement en cause et dès lors considéré comme propriétaire de l’entreprise, ils ont contresigné la demande sus-évoquée. Signataires à titre solidaire et conjoint du contrat de gérance libre du 1er décembre 2011, ils sont directement touchés dans leurs intérêts économiques dans la mesure où le refus d’autoriser l’exploitation de l’établissement en cause les expose à des frais de loyer se montant à plus de CHF 12'000.- par mois en sus de CHF 1'200.- de charges mensuelles pour l’année 2016 et, comme employeurs, à des salaires mensuels de leur personnel. Dans ces circonstances, ils ont un intérêt digne de protection à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée de sorte qu’il faut leur reconnaître également la qualité pour recourir.

Ainsi, le recours est recevable sous cet angle également.

3) Dans un premier grief de nature formelle, les recourants reprochent à l’autorité intimée la violation de leur droit d’être entendus dans la mesure où ayant eu connaissance de la condamnation pénale du gérant du 29 août 2016 dans le cadre d’une autre procédure de demande d’autorisation d’exploiter un établissement public, celle-ci n’a pas requis leurs observations sur l’ordonnance pénale en cause.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 141 V 557 consid. 3.1 ; 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_396/2016 et 2C_397/2016 du 14 novembre 2016 consid. 4.1 ; 2C_998/2015 du 20 septembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_52/2016 du 7 septembre 2016 consid. 3.1) et de participer à l'administration des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 1C_279/2016 du 27 février 2017 consid. 6.1). Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; 132 V 368 consid. 3.1).

b. Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Il n'est toutefois pas une fin en soi ; il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_734/2016 du 18 juillet 2017 consid. 1.1 ; 6B_259/2016 du 21 mars 2017 consid. 5.1.1 ; 4A_153/2009 du 1er mai 2009 consid. 4.1).

c. Le Tribunal fédéral admet à certaines conditions la possibilité de réparer après coup une violation du droit d'être entendu, en particulier lorsque la décision entachée est couverte par une nouvelle décision qu'une autorité supérieure – jouissant d'un pouvoir d'examen au moins aussi étendu – a prononcée après avoir donné à la partie lésée la possibilité d'exercer effectivement son droit d'être entendu (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; 118 Ib 111 consid. 4b ; 116 Ia 94 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1062/2015 du 21 décembre 2015 consid. 4.1).

d. En l’espèce, l’autorité intimée a fondé sa décision sur trois condamnations pénales du recourant portant sur les infractions commises en matière de législation de police des étrangers parmi lesquelles figure celle du 29 août 2016. Le recourant ne prétend pas que l’ordonnance pénale en cause lui est inconnue. Au contraire, il soutient qu’elle a été produite dans une autre procédure de demande d’autorisation d’exploiter un établissement public le concernant. L’autorité intimée ne l’a certes pas invité à présenter ses observations sur l’ordonnance précitée, ce qui pourrait constituer une violation de son droit d’être entendu. Toutefois, il ne démontre pas en quoi ses observations qui devaient porter sur un des éléments pris en considération par le PCTN pour rendre sa décision auraient pu exercer une influence déterminante sur la décision à rendre. Le recourant ne conteste du reste pas les faits qui lui sont reprochés d’avoir employé des personnes sans autorisation de travail. Par contre, il confirme que ces personnes ont travaillé durant la période des Fêtes de Genève 2015 et ont été engagées par son directeur chargé du recrutement. Par ailleurs, la chambre de céans, qui dispose d’un plein pouvoir de cognition en fait et en droit, a procédé à une instruction de la cause au cours de laquelle l’intéressé a eu l’occasion de s’exprimer sur l’ordonnance pénale en cause et a répliqué aux observations détaillées de l’autorité intimée à ce sujet notamment.

Dans ces circonstances, le droit d’être entendus des recourants n’a pas été violé. Le cas échéant, il a été valablement réparé par la chambre de céans.

Le grief des recourants sera dès lors écarté.

4) L’objet du présent litige porte sur l’examen de la conformité au droit de la décision du PCTN rejetant une demande tendant au maintien et au renouvellement d’une autorisation déjà existante d’exploiter le cabaret-dancing H______. L’analyse de la décision attaquée ne portera que sur la condition de l’honorabilité de M. C______, celle de l’exploitante n’étant pas remise en cause par l’autorité intimée.

5) a. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut notamment être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

b. En l’espèce, les recourants reprochent au PCTN d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation, violé l’interdiction de l’arbitraire et leur liberté économique.

6) a. Le 1er janvier 2016, sont entrés en vigueur la LRDBHD et le RRDBHD, abrogeant respectivement l’aLRDBH et son règlement d’exécution du 31 août 1988 (aRRDBH).

b. L’autorisation d’exploitation délivrée sous l’ancien droit n’a pas cessé de déployer ses effets à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, comme cela ressort a contrario de l’art. 65 al. 4 RRDBHD. Toutefois, en vertu de l’art. 70 al. 3 LRDBHD, les personnes au bénéfice d’une autorisation d’exploiter délivrée sur la base de l’ancienne législation peuvent poursuivre l’exploitation de leur établissement et offrir les mêmes prestations, à condition qu’elles obtiennent dans les douze mois à compter de l’entrée en vigueur de la LRDBHD – à savoir jusqu’au 31 décembre 2016 – les éventuelles autorisations complémentaires ou de remplacement nécessaires, leur permettant d’offrir lesdites prestations. Si le département constate que les conditions d’octroi de l’autorisation d’exploiter prévues par la LRDBHD ne sont pas remplies par un établissement autorisé en application de l’ancienne législation, il impartit un délai raisonnable à l’exploitant et, au besoin, au propriétaire de l’établissement, pour qu’il soit remédié à cette situation. Il statue à l’expiration du délai fixé, qui peut toutefois être prolongé si les circonstances le justifient. Les délais cumulés ne peuvent pas dépasser douze mois (art. 70 al. 9 LRDBHD).

7) a. L'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département (art. 8 al. 1 LRDBHD). Cette autorisation doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d'exploitant ou de propriétaire de l’entreprise, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (art. 8 al. 2 LRDBHD).

b. Dans le cadre de l’octroi de l’autorisation d’exploiter une entreprise, l’art. 10 LRDBHD détaille les conditions relatives au propriétaire, à savoir que celle-ci est délivrée à condition que son propriétaire offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l’entreprise est exploitée conformément aux dispositions de la LRDBHD et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail, ainsi qu'aux dispositions pénales prohibant les crimes ou délits dans la faillite et la poursuite pour dettes. S’il est l’employeur des personnes qui travaillent au sein de l’entreprise, le propriétaire doit en outre démontrer au moyen d’une attestation officielle ne pas avoir de retard dans le paiement des cotisations sociales. Lorsque le département est en possession d'indices factuels permettant de présumer le non-respect des conditions de travail en usage, le département demande au propriétaire employeur de signer auprès de l’office l’engagement de respecter les conditions de travail en usage à Genève et fait dépendre sa décision de la signature dudit engagement.

La disposition précitée donne les critères permettant d’examiner l’exigence d'honorabilité du propriétaire. Sous l’ancien droit, cette exigence n’était pas prévue en la personne du gérant d’un établissement public, cependant elle l’était pour l'exploitant, de sorte qu'il y a lieu de se référer notamment à la jurisprudence rendue dans l’examen de cette condition en relation avec l’exploitant.

8) a. Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la condition d’honorabilité de l’aLRDBH que « cette condition est rédigée de façon à permettre une appréciation nuancée de l’honorabilité requise en fonction du genre d’établissement que le requérant entend exploiter ; elle met l’accent sur les principales matières dans lesquelles le requérant doit présenter toute garantie » (MGC 1985 35/III 4240 ; ATA/205/2005 du 12 avril 2005).

Dans la définition de la notion d'honorabilité, que l'on retrouve dans d'autres textes légaux genevois – loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14) ; loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques du 22 janvier 2004 (LVEBA - I 2 24) ; loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49) – il s'agit avant tout de déterminer si le comportement de la personne exerçant ou voulant exercer une activité soumise à autorisation, est compatible avec ladite activité. Dans ce cadre, la chambre administrative s’est prononcée à plusieurs reprises sur la condition d’honorabilité telle qu’elle figurait à l’art. 5 al. 1 let. d aLRDBH.

b. Elle a ainsi retenu que cette condition n'était pas remplie lorsque l'exploitant avait été condamné à une peine d’emprisonnement d’une durée de trois mois, avec sursis pendant trois ans, pour des actes d’ordre sexuel commis dans son propre établissement public (ATA/377/2000 du 6 juin 2000), lorsqu'il s’était vu reprocher le développement d’un trafic de produits stupéfiants dans lequel il avait servi d’intermédiaire (ATA/294/2001 du 8 mai 2001) ou lorsqu'il avait été condamné pour deux escroqueries à une assurance sociale à la peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis pendant cinq ans (ATA/369/2001 du 29 mai 2001), ou encore avait fait l'objet d'une condamnation à deux mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour abus de confiance, vol au préjudice de son employeur et d’une collègue et induction de la justice en erreur (ATA/733/2004 du 21 septembre 2004). Enfin, n'a pas été jugée à même d’exploiter un établissement public une personne qui avait fait l’objet de nombreuses plaintes et dénonciations pénales au cours des quinze années précédentes et de quatorze rapports de dénonciations et trois sanctions administratives en application de l’aLRDBH au cours des quatre dernières années (ATA/552/2004 du 15 juin 2004).

La chambre administrative a, par ailleurs, confirmé le refus de l’autorisation d’exploiter notifié à une personne ayant été condamnée à deux mois d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour avoir vendu un véhicule automobile qui ne lui appartenait pas, compte tenu de l’écoulement du temps. Pour autant que l’intéressée ne commette pas de nouvelle infraction, elle devait être autorisée à exploiter un établissement public si elle déposait une nouvelle demande au début de l’année 2005, soit deux ans après sa condamnation pénale (ATA/272/2004 du 30 mars 2004).

Dans des arrêts du 29 juillet 2014, la chambre administrative a confirmé des refus d’autorisation d’exploiter opposés à un même exploitant pour deux cafés-restaurants différents (ATA/599/2014 et ATA/600/2014 du 29 juillet 2014). La condition d’honorabilité n’était pas remplie, le requérant ayant été condamné à deux reprises : une première fois à une peine pécuniaire de vingt-trois jours-amende à CHF 60.-, avec sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 300.- pour avoir violé les règles de la circulation routière en qualité de conducteur dans l’incapacité de conduire un véhicule automobile avec un taux d’alcool qualifié ; une seconde fois, à une peine pécuniaire de deux cents jours-amende à CHF 50.- avec sursis à l’exécution de la peine et un délai d’épreuve de trois ans ainsi qu’à une amende de CHF 2'500.-, pour complicité de faux dans les titres.

La condition d'honorabilité a également était niée à un exploitant ayant été condamné à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende à CHF 50.-, avec sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 1'500.-, pour usure (ATA/957/2014 du 2 décembre 2014).

c. À l'inverse, la chambre administrative a considéré que l'autorité avait mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant, ayant fait l'objet, entre 2010 et 2013, de plusieurs rapports de police établis suite à des contrôles de l'établissement et ayant donné lieu à des sanctions pour infractions à l’aLRDBH, ne présentait pas les garanties suffisantes en matière d'honorabilité dans la mesure où les infractions retenues à son encontre ne revêtaient pas une gravité particulière, qu'elles n'avaient pas donné lieu à des sanctions pouvant être qualifiées de lourdes et qu'il ne ressortait pas du dossier qu'elles seraient réitérées de manière systématique (ATA/1161/2015 du 27 octobre 2015).

9) a. Les travaux préparatoires de la LRDBHD relèvent quant à eux que celle-ci a, entre autres, pour objectif le renforcement de la protection des travailleurs. Le projet de loi a ainsi intégré plusieurs références au droit du travail, rappelant que les employeurs devaient respecter la législation sur le travail, quels que soient les horaires d’exploitation, devant fournir une attestation démontrant qu’ils n’ont pas de retard dans le paiement de leurs cotisations sociales et pouvant être soumis à un contrôle des conditions de travail en tout temps (PL 11282, p. 44, consultable en ligne sur http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11282.pdf).

De même, le projet de LRDBHD avait pour objectif de rendre plus efficaces les mesures et sanctions à l’égard des contrevenants, notamment s’agissant des conditions d’exploitation commerciales des établissements et des droits des employés (PL 11282, p. 34). Le système des sanctions était simplifié et renforcé : le projet de loi considérait comme graves les infractions relatives aux horaires d'ouverture et de fermeture, à la législation sur la vente d'alcool, à la législation sur les denrées alimentaires et les objets usuels, ainsi que les animations organisées sans autorisation. Cette nouvelle disposition garantissait des sanctions plus sévères à l’encontre des contrevenants, s’agissant de ces infractions (PL 11282, p. 43).

b. Ainsi, alors que l’art. 70 aLRDBH indiquait qu’en cas d’infraction à la législation ou aux conditions particulières de l’autorisation, le département [pouvait], en tenant compte de la gravité de l’infraction ou de sa réitération, prononcer, à l’encontre de l’exploitant : la suspension de l’autorisation d’exploiter pour une durée de dix jours à six mois (let. a), le retrait de l’autorisation d’exploiter (let. b), le nouvel art. 63 LRDBHD indique qu’en cas d’infraction à la LRDBHD et à ses dispositions d’exécution, ainsi qu'aux conditions de l’autorisation, le département prononce, en tenant compte de la gravité de l’infraction ou de sa réitération, les mesures suivantes à l’encontre de l’exploitant :

a) l'obligation de suivre une formation complémentaire, définie par le règlement d'exécution, en lien avec le domaine dans lequel l'infraction a été commise ;

b) la suspension de l’autorisation d’exploiter, pour une durée maximum de six mois ;

c) le retrait de l’autorisation d’exploiter.

La LRDBHD précise que sont notamment considérées comme graves les infractions aux dispositions de la LRDBHD relatives aux horaires d'ouverture et à la vente d'alcool, à la législation sur le travail (usages, LTr [loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce du 13 mars 1964 - RS 822.11]) et aux assurances sociales, les inconvénients engendrés pour le voisinage, ainsi que les animations organisées sans autorisation (art. 63 al. 3 LRDBHD). Lorsqu’il a prononcé le retrait d’une autorisation d’exploiter, le département ne peut entrer en matière sur une nouvelle demande d’autorisation déposée par l'exploitant et/ou le propriétaire pendant un délai de deux ans à compter du jour où la décision de retrait est entrée en force (art. 63 al. 4 LRDBHD).

10) L'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation constituent des violations du droit, qui peuvent être revues par les autorités de recours. Cela signifie qu'une autorité judiciaire de recours qui contrôle la conformité au droit d'une décision vérifiera si l'administration a, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère la loi, respecté le principe de la proportionnalité – et les autres principes constitutionnels tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité, la bonne foi –, mais s'abstiendra d'examiner si les choix faits à l'intérieur de la marge de manœuvre laissée par ces principes sont « opportuns » ou non (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 569 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 174-175 n. 524). L’autorité commet un abus de son pouvoir d'appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux précités (Benoît BOVAY, op. cit., p. 566).

11) Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées). Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. II, 2014, n. 38, n. 126, n. 137 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3ème éd., 2013, n. 226 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 552 ss).

12) En règle générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/1184/2015 du 3 novembre 2015 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 184).

Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de l'art. 8 Cst., de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi garanties par les art. 5 et 9 Cst. L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n'est possible qu'à des conditions strictes, soit en présence d'une base légale suffisamment claire, d'un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l'égalité de traitement et des droits acquis (ATF 138 I 189 consid. 3.4 ; 119 Ia 254 consid. 3b et la jurisprudence citée). La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (ATF 125 I 182 consid. 2b/cc ; 122 V 405 consid. 3b/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_366/2016 du 13 février 2017 consid. 2.1 ; 2C_273/2014 du 23 juillet 2014 consid. 4.1 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. I, p. 281 ss n. 167 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 198 ss ; René WIEDERKEHR/Paul RICHLI, Praxis des allgemeinen Verwaltungsrecht, 2012, p. 282 n. 843 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 135 n. 420).

13) En l’occurrence, le PCTN a motivé son refus d’autoriser l’exploitation du cabaret-dancing H______ sur la base des faits ayant fondé les ordonnances pénales des 3 janvier 2013, 5 janvier 2015 et 29 août 2016 prononcées contre le gérant.

a. Au cours de la présente procédure, l’intéressé n’a pas contesté avoir employé les personnes sans autorisations de travail valables en Suisse pendant les périodes évoquées dans les ordonnances pénales précitées, étant précisé qu’il répond également des fautes commises par ses auxiliaires, notamment celles de son directeur qui était chargé du recrutement du personnel de l’établissement concerné. Les infractions qui ont été retenues ont un lien étroit avec l’activité pour laquelle l’autorisation est sollicitée. Elles sont expressément mentionnées à l’art. 9 LRDBHD. Les condamnations qui ont été prononcées reposent en outre sur des faits commis dans l’exercice de son activité de gérant d'un établissement public, même s’il ne s’agit pas de l'objet de la requête en autorisation d'exploiter ici en cause. De plus, l’intéressé a été condamné pour réitération des infractions qui lui sont reprochées. Les condamnations en cause sont en conséquence de nature à mettre sérieusement en doute les capacités du recourant à garantir que l’entreprise sera exploitée, notamment, en conformité avec les prescriptions en matière de police des étrangers.

Toutefois, selon la jurisprudence précitée, les cas où la chambre de céans a retenu que la condition de l’honorabilité n’était plus remplie s’accompagnaient de la commission d’autres infractions pénales, à l’instar d’actes d’ordre sexuel commis dans l’établissement (ATA/377/2000 précité), le développement d’un trafic de stupéfiants en servant d’intermédiaire (ATA/294/2001 précité), une escroquerie à l’assurance sociale (ATA/369/2001 précité), la vente d’un véhicule automobile n’appartenant pas à l’intéressé (ATA/272/2004 précité), le faux dans les titres (ATA/599/2014 et ATA/600/2014 précités), usure (ATA/957/2014 précité). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

b. Selon la jurisprudence de la chambre administrative, rendue après l’entrée en vigueur de la nouvelle LRDBHD, des condamnations pénales pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 140.20) pouvaient, selon leur degré de gravité et leur ancienneté, ne pas entacher l’honorabilité de l’exploitant.

La chambre de céans a notamment, s’agissant d’un exploitant qui avait employé dix personnes sans autorisations de travail valables en Suisse pour des périodes comprises entre deux mois et cinq ans et demi, entre le 1er juin 2010 et le 15 mars 2016, considéré que la condamnation pénale à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende à CHF 190.- reposait sur des faits commis dans l’exercice de l’activité d’exploitant de l'établissement faisant l'objet de la requête en autorisation d'exploiter, et était grave dans la mesure où elle portait sur de nombreux cas et pendant de longues périodes. La condamnation en cause était en conséquence de nature à mettre sérieusement en doute les capacités du recourant à garantir que l’entreprise serait exploitée, notamment, en conformité avec les prescriptions en matière de police des étrangers. La chambre administrative a néanmoins considéré, en tenant compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, que le PCTN avait abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que le recourant ne présentait pas les garanties suffisantes en matière d'honorabilité en qualité d’exploitant pour que l'autorisation d'exploiter l'établissement dont il est propriétaire soit délivrée (ATA/1349/2017 du 3 octobre 2017).

Dans un autre cas, soit celui d’un gérant qui avait employé à plein temps, du 1er janvier 2010 au 31 mars 2015, un cuisinier sans autorisation d’exercer une activité lucrative en Suisse, condamné à une peine pécuniaire de nonante-cinq jours-amende à CHF 80.-, avec sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de trois ans, les faits ayant été commis dans l’exercice de son activité d’exploitant d’un établissement faisant l'objet de l’une des requêtes en autorisation d'exploiter, la chambre administrative a considéré que l’infraction était grave dans la mesure où elle portait sur une longue période, alors que l’intéressé savait qu’il agissait en violation de la loi. La condamnation en cause était ainsi de nature à mettre sérieusement en doute les capacités du recourant à garantir que l’entreprise serait exploitée, notamment, en conformité avec les prescriptions en matière de police des étrangers. Cependant, dans ce cas également, compte tenu de toutes les circonstances, la chambre administrative avait estimé que le PCTN avait mésusé de son pouvoir d’appréciation (ATA/1409/2017 du 17 octobre 2017).

c. En l’espèce, il est douteux que la prise en compte des faits retenus contre l’intéressé dans les ordonnances pénales précitées et qui ont été commis avant l’entrée en vigueur de la LRDBHD, ceux-ci remontant respectivement du 1er septembre 2011 au 21 mai 2012, 1er janvier au 31 juillet 2013, 18 juillet au 11 août 2013 et du 24 juillet au 10 août 2015, alors que l’aLRDBH ne comportait pas l’exigence d’honorabilité en la personne du gérant d’un établissement public, soit compatible avec le principe de la non-rétroactivité, même si sous l’angle de l’existence d’une base légale claire, l’art. 10 LRDBHD prévoit que le gérant doit offrir par ses antécédents et son comportement la garantie d’une exploitation conforme de l’entreprise. La totalité des infractions reprochées au recourant se sont en effet déroulées sous l’aLRDBH. Les autres conditions fondant une exception à l’interdiction de la rétroactivité, soit un intérêt public prépondérant et le respect de l’égalité de traitement et des droits acquis ne semblent pas remplies. En effet, s’agissant de l’intérêt public prépondérant notamment, le législateur genevois n’a pas, dans le cadre de la LRDBHD, considéré comme graves les infractions contre la LEtr, mais il a mis l’accent sur les conditions d’exploitation commerciales des établissements et les droits des employés. En outre, depuis sa dernière condamnation d’août 2016, le recourant a pris des mesures en engageant une société fiduciaire pour s’occuper de la gestion des autorisations de travail de ses employés. Il a ainsi veillé à ne plus se trouver en situation de récidive de violation des dispositions de la LEtr. Par ailleurs, l’autorité intimée ne conteste pas qu’aucun autre type d’infractions notamment en rapport avec les conditions d’exploitation de l’établissement ou de cotisations sociales de ses employés n’ont été commises par l’intéressé.

Dans ces conditions et vu les circonstances particulières du cas d’espèce, compte tenu de la jurisprudence précitée, du durcissement voulu par le législateur à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle LRDBHD, du principe de non-rétroactivité susmentionné, du fait que l’art. 63 al. 3 LRDBHD ne fait pas mention des violations de la LEtr, que la sanction maximale prévue, tant par l’aLRDBH que par la LRDBHD, limite la suspension de l’autorisation d’exploiter à six mois au maximum (art. 63 al. 1 let. b LRDBHD), le PCTN a violé le principe de la proportionnalité, singulièrement le sous-principe de la nécessité, et a abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne présentait pas les garanties suffisantes en matière d'honorabilité en qualité de gérant de l’établissement en cause pour que l'autorisation d'exploiter l'établissement dont il est propriétaire soit délivrée.

L’attention du recourant est toutefois expressément attirée sur le fait que toute réitération tomberait sous l’art. 63 al. 1 LRDBHD et pourrait, cas échéant, entraîner la révocation ou le non renouvellement de l’autorisation.

14) Les considérants qui précèdent conduisent à l’admission partielle du recours, dans la mesure où il n'est pas possible en l'état de donner suite à la conclusion principale des recourants et d'ordonner l'octroi de l'autorisation sollicitée, mais qu'il convient de renvoyer la cause au département pour analyse des autres conditions du maintien et du renouvellement de l’autorisation d’exploiter le H______.

15) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux recourants, pris conjointement et solidairement, dès lors qu'ils y ont conclu et qu'ils ont encouru des frais pour leur défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2017 par Madame B______, Monsieur C______ et la société A______ SA contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 9 janvier 2017 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

renvoie la cause au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour examen et nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Madame B______, Monsieur C______ et à la société A______ SA, pris conjointement et solidairement, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nadia Isabel Clerigo, avocate des recourants ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Junod, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :