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Décisions | Chambre civile

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C/6809/2024

ACJC/1285/2025 du 22.09.2025 sur OTPI/108/2025 ( SDF ) , MODIFIE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6809/2024 ACJC/1285/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 22 SEPTEMBRE 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'une ordonnance rendue par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 février 2025, représentée par Me Laïla BATOU, avocate, BOLIVAR & BATOU, rue des Pâquis 35, 1201 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représenté par Me Gandy DESPINASSE, avocat, rue de Carouge 60, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/108/2025 du 10 février 2025, reçue par A______ le 13 février 2025, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) – statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale – a dit que la garde des enfants C______, né le ______ 2015, D______, née le ______ 2016, et E______, née le ______ 2023, continuerait à être exercée par A______ (ch. 1 du dispositif), réservé à B______ un droit aux relations personnelles avec les enfants C______, D______ et E______, qui s'exercerait tous les samedis de 12h à 18h, hors de la présence de A______ et sans que la présence d'un tiers ne soit nécessaire, sauf accord contraire entre les parties (ch. 2), rejeté la requête de mesures provisionnelles pour le surplus (ch. 3), réservé la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 6 mars 2025 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre cette ordonnance, concluant à l'annulation du chiffre 2 de son dispositif et, cela fait, à ce que la Cour réserve à B______ un droit de visite sur les enfants C______, D______ et E______, à exercer tous les samedis de 14h à 18h, avec la prestation "Passage" au Point rencontre, sauf accord contraire entre les parties, les frais de l'instance devant être laissés à la charge de l'Etat de Genève. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu'il soit dit que le droit de visite réservé à B______ les samedis de 14h à 18h s'exercerait en sa présence ou en présence d'un tiers de confiance, sauf accord contraire entre les parties.

b. Par arrêt du 24 mars 2025, la Cour a admis la requête de A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance attaquée et dit qu'il serait statué sur les frais avec l'arrêt rendu sur le fond.

c. Dans sa réponse du 10 avril 2025, B______ a conclu au rejet de l'appel et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

d. Les parties se sont encore déterminées spontanément à sept reprises, persistant dans leurs conclusions respectives.

A l'appui de leurs nombreuses écritures devant la Cour, elles ont allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles.

e. La cause a été gardée à juger le 21 juillet 2025, ce dont les parties ont été informées le même jour.


 

C. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Les époux A______, née le ______ 1984 en Colombie, de nationalité colombienne, et B______, né le ______ 1971 au Pérou, de nationalités péruvienne et espagnole, ont contracté mariage le ______ 2013 au Pérou.

Trois enfants sont issus de cette union : C______, né le ______ 2015, D______, née le ______ 2016, et E______, née le ______ 2023.

A______ est également la mère de F______, née le ______ 2003 d'une précédente union.

b. En 2015, la famille s'est installée à Genève, où B______ résidait déjà avant le mariage.

c. A______ allègue avoir été victime de violences psychologiques, et parfois physiques, de la part de son époux, ce dès le début du mariage. Sa fille aînée F______ aurait également subi des violences psychologiques tout au long de la vie commune, ainsi qu'un épisode d'agression à caractère sexuel de la part de son beau-père lorsqu'elle était encore mineure. B______ aurait par ailleurs exigé de son épouse et de sa belle-fille qu'elles travaillent, sans rémunération, dans l'une ou l'autre de ses blanchisseries, dès qu'elles avaient un moment de libre.

Pour ces faits, A______ et F______ ont déposé plainte pénale contre B______ au printemps 2024. Cette plainte pénale fait l'objet de la procédure P/1______/2024 actuellement pendante devant le Ministère public.

B______ conteste l'ensemble des accusations portées contre lui par son épouse et sa belle-fille, reconnaissant toutefois que le couple a rencontré plusieurs épisodes de crises et de violentes disputes dès l'année 2016.

d. B______ a quitté le domicile conjugal en mars 2024. Il réside depuis dans les locaux d'une de ses blanchisseries, dans l'attente de trouver un nouveau logement.

e. Au début de la séparation, B______ voyait régulièrement ses enfants. A______ a toutefois rapidement limité les visites de son époux, au motif que B______ manipulerait les enfants lorsqu'il les voyait seul, en les incitant à faire pression sur elle pour qu'elle accepte de reprendre la vie commune.

Pendant plusieurs mois, B______ n'a vu ses enfants qu'à raison d'une heure par semaine, le samedi, dans un parc et en présence de A______, celle-ci refusant de le laisser voir les enfants seuls ou plus longtemps.

f. Par courrier expédié au greffe du Tribunal le 20 mars 2024, A______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, concluant à ce que la jouissance exclusive du domicile conjugal et la garde des enfants lui soient attribuées et à ce que les relations personnelles entre B______ et les enfants soient suspendues.

Le 9 juillet 2024, A______ a complété sa requête et conclu, notamment, à ce que le Tribunal accorde à B______ un droit de visite sur les enfants à exercer en milieu surveillé et condamne le précité à contribuer à l'entretien de sa famille.

g. Dans sa réponse du 18 septembre 2024, B______ a conclu à ce que le Tribunal attribue la jouissance exclusive du domicile conjugal ainsi que la garde des enfants à A______ et lui réserve un droit de visite devant s'exercer, au minimum, à raison d'un week-end sur deux et d'un mercredi sur deux, en alternance, ainsi que la moitié des vacances scolaires.

Le même jour, B______ a formé une requête de mesures provisionnelles, concluant à ce que le Tribunal attribue la garde des enfants à leur mère et lui réserve un droit de visite devant s'exercer deux demi-journées toutes les deux semaines, les mercredis et samedis après-midi.

h. Lors de l'audience du 25 septembre 2024, A______ a déclaré s'opposer à ce que son époux voie davantage C______, D______ et E______, au motif que les enfants et elle-même avaient subi des violences psychologiques tout au long du mariage, en ce sens que B______ avait isolé la famille du monde extérieur, en interdisant à son épouse d'avoir une vie sociale et de se faire des amis, et en empêchant les enfants de jouer avec d'autres enfants. Par ailleurs, B______ avait pour habitude de hurler sur les enfants en leur ordonnant de se taire et A______ craignait qu'il ne recommence si le droit de visite était exercé sans surveillance.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a ordonné l'établissement d'un rapport par le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP).

i. Lors des audiences des 6 novembre et 4 décembre 2024, les parties se sont mises d'accord sur le fait que B______ pourrait voir les enfants tous les samedis après-midi en présence d'une personne de confiance choisie par A______, l'époux souhaitant toutefois que le droit de visite se déroule de 12h à 18h alors que l'épouse demandait à ce qu'il soit fixé de 14h à 18h.

A l'issue de l'audience du 4 décembre 2024, le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles.

j. Dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal a relevé que le SEASP n'avait pas encore rendu son rapport d'évaluation sociale. Dans l'intervalle, il se justifiait de régler la situation des enfants à titre provisionnel, dans la mesure où la situation actuelle, qui perdurait depuis de nombreux mois, était délétère pour les enfants et pour la relation qu'ils entretenaient avec leur père. Les reproches formulés par A______ à l'encontre de B______ portaient essentiellement sur le comportement de celui-ci vis-à-vis d'elle et de sa fille majeure issue d'une précédente union. S'agissant de leurs enfants communs, A______ s'était limitée à exposer qu'elle ne faisait pas confiance à son époux et que celui-ci aurait, au début de la séparation, manipulé les enfants – qu'il voyait alors de façon régulière – pour que ceux-ci réclament son retour au logement familial. Elle n'alléguait pas que les enfants pourraient être en danger lorsqu'ils étaient avec leur père, ni que celui-ci ferait preuve de violence à leur encontre. Les interventions du SPMi effectuées par le passé n'avaient pas révélé d'inquiétudes particulières s'agissant des enfants mineurs des parties. En l'état, il n'existait ainsi aucun élément qui justifiait de maintenir des relations père-enfants aussi restreintes et contrôlées. Le droit de visite sollicité par B______, sur mesures provisionnelles, était raisonnable vu les circonstances, étant précisé que ce droit de visite pourrait s'exercer tous les samedis après-midi, de 12h à 18h, afin qu'il puisse manger au moins une fois par semaine avec ses enfants. Au surplus, il ne ressortait pas du dossier que la présence d'un tiers serait nécessaire durant l'exercice des visites, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de contraindre le père à voir les enfants sous la supervision de la mère ou d'une personne de confiance.

Sur le plan financier, il ressortait des explications des parties qu'en l'état, les factures essentielles de la famille continuaient à être acquittées par B______. Il n'était donc pas nécessaire de statuer sur la contribution d'entretien requise par l'épouse à titre provisionnel, l'instruction de la cause se poursuivant sur le fond.

k. Le 9 avril 2025, le SEASP a rendu son rapport d'évaluation sociale, aux termes duquel il a retenu qu'il était dans l'intérêt des enfants de prendre "sans délai" les mesures suivantes :

- attribuer la garde de C______, D______ et E______ à A______;

- réserver à B______ un droit de visite sur C______ et D______, à exercer hors la présence de la mère, selon les modalités suivantes, sauf accord contraire des parents et du curateur :

*  pendant deux mois, chaque samedi pendant quatre heures, de préférence autour de l'heure du repas ou en début d'après-midi, avec retour au domicile de la mère;

*  dès le troisième mois, chaque samedi pendant la journée complète, soit de 10h à 18h, avec retour au domicile de la mère;

*  dès le septième mois, en fonction de l'avis du curateur sur l'évolution de la situation et des capacités d'accueil du père, un week-end sur deux, du samedi matin 10h au dimanche soir 18h, avec retour au domicile de la mère;

*  quatre semaines de vacances par année, mais au maximum sept jours consécutifs, à partir de la rentrée 2025;

-       réserver à B______ un droit de visite sur E______, à exercer selon les mêmes modalités, mais sans l'ajout des nuits dès le septième mois au vu des besoins de la mineure en termes d'allaitement; le droit de visite pourrait s'effectuer à la journée jusqu'à ce que la mineure ne soit plus allaitée;

-       instaurer une curatelle de surveillance et d'organisation du droit de visite.

En substance, le SEASP a retenu qu'un important conflit opposait les parents, la mère ayant porté de sérieuses accusations de violence et d'emprise psychologique de la part du père tout au long du mariage. Ce climat avait également été vécu par les enfants qui, selon toute vraisemblance, avaient été confrontés à des scènes de violences verbales entre leurs parents. Suite à la séparation, la mère avait mis en place des suivis individuels pour chacun des enfants afin qu'ils puissent mettre des mots sur leurs ressentis et sur leurs émotions. Ces suivis s'étaient avérés bénéfiques pour les enfants, surtout pour les deux aînés, ainsi que l'avait confirmé leur pédiatre. A______ avait démontré sa capacité à prendre en charge les enfants et être à l'écoute de leurs besoins, de sorte que la garde pouvait lui être confiée.

Depuis la séparation, les relations père-enfant avaient été fortement restreintes. Au vu de l'audition des enfants et des propos tenus par leur psychothérapeute, l'on ne pouvait exclure que B______ ait posé un cadre très strict durant la vie commune et qu'il ait eu recours à des cris et à de la violence verbale pour imposer ses règles à la maison. Cela étant, les modalités actuelles des relations personnelles n'étaient pas satisfaisantes. Outre que le droit de visite était limité à une heure par semaine, la présence de la mère pendant les visites risquait d'alimenter un conflit de loyauté chez les enfants, en les confrontant à leurs deux parents qu'ils savaient en conflit ouvert. La mère avait proposé que des tiers de confiance accompagnent les enfants pendant les visites, mais ces personnes n'étaient pas suffisamment disponibles pour assurer un droit de visite stable et régulier. Il était donc nécessaire que les visites se déroulent hors la présence de la mère, dont les inquiétudes ne devaient pas priver les enfants d'un contact suivi avec leur père, auprès duquel ils avaient grandi. Il était ainsi dans l'intérêt des mineurs de prévoir un élargissement progressif des relations père-enfants. Il était également nécessaire d'instaurer une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, afin de suivre l'évolution de la situation, d'adapter les visites en fonction des besoins des mineurs, de rassurer les parents et de leur rappeler la bonne distance à adopter face à leurs enfants.

Le Tribunal a notifié le rapport du SEASP aux parties le 23 mai 2025.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours (art. 271 et 314 al. 2 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) à l'encontre d'une décision sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC; ATF
137 III 475 consid. 4.1) rendue dans une affaire non pécuniaire dans son ensemble, puisque portant sur les relations personnelles (cf. notamment arrêt du Tribunal fédéral 5A_983/2019 du 13 novembre 2020 consid. 1).

1.2 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), sa cognition est toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 2.2).

1.3 La maxime inquisitoire illimitée et la maxime d'office régissent les questions relatives aux enfants mineurs (art. 55 al. 2, 58 al. 2, 272 et 296 CPC). Le juge n'est pas lié par les conclusions des parties ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_757/2013 du 14 juillet 2014 consid. 2.1).

1.4 Dans les causes de droit de la famille concernant des enfants mineurs, l'instance d'appel admet les nova jusqu'aux délibérations (art. 317 al. 1bis CPC).

Les allégués nouveaux et les pièces nouvelles dont les parties se prévalent en appel sont dès lors recevables. Le rapport du SEASP du 9 avril 2025, notifié aux parties avant que la cause ne soit gardée à juger par la Cour, est par ailleurs un fait notoire connu du juge et des parties (art. 151 CPC).

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir octroyé à l'intimé un droit de visite non surveillé sur les enfants, en dépit des inquiétudes légitimes qu'elle avait soulevées en lien avec les capacités parentales de l'intéressé (agressivité, violences verbales et manipulation émotionnelle exercées par le père sur les enfants).

2.1.1 La question de savoir si des mesures provisionnelles peuvent être ordonnées dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, qui constituent déjà elles-mêmes des mesures provisionnelles (cf. ATF 137 III 475 consid. 4.1), est controversée en doctrine et n'a pas été tranchée par le Tribunal fédéral (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_590/2019 cité consid. 3.4), qui s'est limité à relever que de telles mesures ne devraient, si tant est que l'on considère qu'elles soient admissibles, être prononcées qu'avec retenue et en cas d'urgence (arrêt du Tribunal fédéral 5A_549/2016 du 18 octobre 2016 consid. 4.2).

La Cour de céans reconnaît la possibilité de prononcer valablement de telles mesures, notamment lorsque la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale risque de se prolonger (ACJC/1230/2024 du 8 octobre 2024 consid. 3.1; ACJC/178/2023 du 24 janvier 2023 consid. 4.1.1; ACJC/1454/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3.1 et les références citées).

Elles ne peuvent toutefois être ordonnées que pour autant que les conditions posées par l'art. 261 CPC soient réunies (ACJC/256/2021 du 2 mars 2021 consid. 5.1; ACJC/1684/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4.1; ACJC/763/2019 du 14 mai 2019 consid. 1.3; ACJC/1452/2018 du 19 octobre 2018 consid. 3.1).

2.1.2 Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable, d'une part, qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et, d'autre part, que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

L'octroi de mesures provisionnelles suppose d'une façon générale la vraisemblance du droit invoqué. Le requérant doit ainsi rendre plausible que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès (arrêt du Tribunal fédéral 5P.422/2005 du 9 janvier 2006 consid. 3.2, SJ 2006 I p. 371; BOHNET, CR CPC, 2ème éd. 2019, n. 7 ad art. 261 CPC). En outre, la vraisemblance requise doit porter sur un préjudice difficilement réparable, qui peut être patrimonial ou matériel (BOHNET, op. cit., n. 11 ad art. 261 CPC). La condition du préjudice difficilement réparable vise à protéger le requérant du dommage qu'il pourrait subir s'il devait attendre jusqu'à ce qu'une décision soit rendue au fond (ATF 116 Ia 446 consid. 2, JdT 1992 I p. 122). Elle suppose l'urgence, laquelle s'apprécie au regard des circonstances concrètes du cas (BOHNET, op. cit., n. 12 ad art. 261 CPC).

2.1.3 Lorsque les époux ont des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires d'après les dispositions sur les effets de la filiation (art. 176 al. 3 CC). Le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC).

Le droit aux relations personnelles est considéré à la fois comme un droit et un devoir des parents, mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant, qui doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci; dans chaque cas, la décision doit donc être prise de manière à répondre le mieux possible à ses besoins, l'intérêt des parents étant relégué à l'arrière-plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; 141 III 328 consid. 5.4). Si les relations personnelles compromettent le développement de l'enfant, le droit d'entretenir ces relations peut être retiré ou refusé en tant qu'ultima ratio (art. 274 al. 2 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_699/2021 du 21 décembre 2021 consid. 6.1 et la jurisprudence citée).

L'établissement d'un droit de visite surveillé nécessite des indices concrets de mise en danger du bien de l'enfant. Il ne suffit pas que celui-ci risque abstraitement de subir une mauvaise influence pour qu'un droit de visite surveillé soit instauré; il convient dès lors de faire preuve d'une certaine retenue lors du choix de cette mesure (ATF 122 III 404 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_874/2021 du 13 mai 2022 consid. 4.1.1). Le droit de visite surveillé tend à mettre efficacement l'enfant hors de danger, à désamorcer des situations de crise, à réduire les craintes et à contribuer à l'amélioration des relations avec l'enfant et entre les parents. Il constitue en principe une solution provisoire et ne peut donc être ordonné que pour une durée limitée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_874/2021 précité loc. cit.).

La fixation du droit aux relations personnelles relève de l'appréciation du juge du fait, qui jouit pour cela d'un large pouvoir et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 142 III 617 consid. 3.2.5).

2.2 En l'espèce, il est constant que depuis la séparation des parties, survenue en mars 2024, l'intimé n'a pu voir ses enfants que de façon très limitée, à raison d'une ou de quelques heures par semaine, cela uniquement en présence de l'appelante ou d'une personne de confiance choisie par celle-ci. Par ailleurs, dans la mesure où le rapport du SEASP a récemment été communiqué aux parties et que celles-ci n'ont pas encore été entendues par le Tribunal à ce sujet, il est probable que la procédure de mesures protectrices se prolonge encore plusieurs semaines. Il se justifie par conséquent de statuer sur la question des relations personnelles à titre provisionnel.

L'appelante fait grief au premier juge d'avoir réservé un droit de visite non surveillé à l'intimé. Dans son rapport du 9 avril 2025, le SEASP a toutefois relevé que, si l'on ne pouvait exclure que l'intimé ait pu adopter, pendant la vie commune, une attitude très sévère, voire colérique envers les enfants, il ne se justifiait pas de soumettre les visites paternelles à la supervision de l'appelante ou d'un tiers de confiance choisi par celle-ci. Le SEASP a, au contraire, souligné que la présence de l'appelante pendant les visites était préjudiciable pour les enfants, dans la mesure où cela les exposait aux disputes parentales et risquait d'alimenter chez eux un conflit de loyauté. En outre, les inquiétudes exprimées par l'appelante ne devaient pas empêcher les enfants d'entretenir des contacts réguliers et suivis avec leur père. Selon le SEASP, il convenait d'instaurer sans délai une curatelle de surveillance et d'organisation du droit de visite, afin de suivre l'évolution de la situation, de rassurer les parents et d'adapter les visites aux besoins de C______, D______ et E______.

Au vu de ces éléments, il apparaît conforme à l'intérêt des enfants de réserver à l'intimé un droit de visite devant s'exercer hors la présence de l'appelante ou d'un tiers de confiance, tous les samedis de 12h à 16h – ce qui permettra aux enfants de partager un repas par semaine avec leur père –, avec retour au domicile de la mère, et d'instaurer une curatelle de surveillance et d'organisation du droit de visite. Dans la mesure où l'instruction de la cause se poursuit devant le premier juge, il n'y a pas lieu, à ce stade, de prévoir un élargissement du droit de visite ainsi que le préconise le SEASP dans son rapport.

Le chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance attaquée sera dès lors annulé et il sera statué à nouveau dans le sens de ce qui précède.

3. 3.1 Les frais - qui comprennent les frais judiciaires et les dépens - sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 CPC). Le tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

3.2 L'annulation partielle de l'ordonnance attaquée ne commande pas de revoir la décision du Tribunal de statuer sur les frais dans la décision finale. Cette décision est conforme à la loi (art. 104 al. 3 CPC) et n'a fait l'objet d'aucun grief motivé devant la Cour, de sorte qu'elle sera confirmée.

Les frais judiciaires d'appel, comprenant l'émolument de décision sur effet suspensif, seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 105 al. 1 CPC; art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, vu l'issue et la nature litige (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).

L'appelante plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, la part de ces frais qui lui incombe sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève, sous réserve de l'art. 123 CPC. L'intimé sera condamné à payer 500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Compte tenu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens d'appel.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 6 mars 2025 par A______ contre l'ordonnance OTPI/108/2025 rendue le 10 février 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6809/2024.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de cette ordonnance et, statuant à nouveau sur ce point :

Réserve à B______ un droit de visite sur ses enfants C______, D______ et E______, qui s'exercera – sauf accord contraire entre les parties – hors de la présence de A______ ou d'un tiers de confiance, tous les samedis de 12h à 16h, avec retour des enfants au domicile de leur mère.

Instaure une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles.

Transmet la présente décision au Tribunal de protection et de l'enfant pour désignation du curateur.

Confirme l'ordonnance attaquée pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr. et les met à la charge des parties à raison d'une moitié chacune.

Dit que la part de ces frais incombant à A______ est laissée provisoirement à la charge de l'Etat de Genève.

Condamne B______ à payer 500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Mesdames Pauline ERARD et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites des art. 93 et 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.