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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/2921/2022

AARP/56/2024 du 08.02.2024 sur JTCO/67/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 21.03.2024, 6B_251/2024
Descripteurs : ACTE D'ORDRE SEXUEL SUR UN INCAPABLE DE DISCERNEMENT;APPRÉCIATION DES PREUVES
Normes : CP.191; CPP.10
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2921/2022 AARP/56/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 8 février 2024

 

Entre

A______, partie plaignante, comparant par Me B______, avocate,

appelante,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant joint,

 

contre le jugement JTCO/67/2023 rendu le 6 juin 2023 par le Tribunal correctionnel,

 

et

C______, domicilié ______ [GE], comparant par Me D______, avocat,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTCO/67/2023 du 6 juin 2023, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) a acquitté C______ des chefs d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 du Code pénal [CP]), de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), de viol (art. 190 al. 1 CP) et de vol (art. 139 ch. 1 CP). Le TCO a en outre débouté la précitée de ses conclusions civiles, laissé les frais de la procédure préliminaire et de première instance à charge de l'État et condamné ce dernier à verser CHF 14'283.70 au prévenu à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en procédure.

b. A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à la condamnation de C______ des chefs d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, subsidiairement de contrainte sexuelle ou de viol, et de vol. Elle conclut en outre à ce qu'il soit astreint à lui payer CHF 20'000.- à titre de tort moral et CHF 200.- à titre de dommages-intérêts matériels, le tout avec intérêts à 5% l'an dès le 26 octobre 2019.

Sur appel joint, le Ministère public (MP) entreprend partiellement ce jugement, concluant à culpabilité de C______ du chef d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et à sa condamnation à une peine privative liberté de deux ans, avec sursis pendant trois ans.

C______ conclut au rejet de l'appel et de l'appel joint. Après avoir déposé une demande de non-entrée en matière visant l'appel joint du MP, il l'a retirée lors de l'audience d'appel.

c. Selon l'acte d'accusation du 25 janvier 2023, tel que corrigé lors de l'audience de première instance, il est reproché ce qui suit à C______ :

À Genève, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2019, il a passé la soirée en boîte de nuit avec A______ et ils ont consommé de l'alcool. Cette dernière s'étant sentie mal et ayant le sentiment de perdre le contrôle de son corps, elle a décidé de rentrer chez elle en taxi. Malgré son refus, C______ l'a suivie dans le véhicule et l'a embrassée. L'ayant raccompagnée jusqu'à son domicile, il a entretenu avec elle une relation sexuelle complète alors que celle-ci était endormie, ce qu'il savait.

Le 26 octobre 2019 au matin, il a en outre emporté les lunettes de vue de A______ et CHF 200.- lui appartenant en quittant son domicile dans un but d'appropriation et de s'enrichir ainsi illégitimement.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. C______ est un citoyen suisse né le ______ 1994.

a.b. A______ est une citoyenne espagnole née le ______ 1997. Elle réside en Suisse depuis le mois de juin 2013 à tout le moins, mais ne dispose d'une autorisation de séjour que depuis le 27 février 2020. Aucun autre membre de sa famille ne réside en Suisse, ni n'y résidait au moment des faits objets de la présente procédure.

b.a. En juin et septembre 2013, C______ a pris contact avec A______ par le truchement de la messagerie WhatsApp. Dans ce cadre, il lui a fait des avances, ce à quoi la seconde a répondu : "Yo no me voy con desconocidos amigo mio {…} 99% des soirées se acaban en solitud" et "Jamas me acoste con un desconocido El sexo para mi es bastante importante y no lo hago con cualquiera", soit, en traduction libre : "je ne sors pas avec des inconnus mon ami {…} 99% des soirées se finissent dans la solitude" et "je n'ai jamais couché avec un inconnu le sexe est très important pour moi et je ne le fais pas avec n'importe qui".

b.b. En septembre 2019, les précités, qui étaient dans la même école, étaient toujours en contact. A______ venait alors de se séparer de son compagnon. Sur invitation de C______, ils s'étaient retrouvés au bord du lac puis celle-ci l'avait accompagné à l'anniversaire de son oncle et avait partagé un repas avec sa famille. Selon la première, il avait ensuite proposé de la ramener chez elle en voiture mais avait en réalité tenté de l'amener chez lui, avant de faire marche arrière devant son refus. Selon le second, elle était rentrée en bus.

c.a. Au cours de la journée du vendredi 25 octobre 2019, A______ a préparé ses examens et, vers 19h00, fumé un joint. C______ l'a contactée en soirée et lui a proposé d'aller en boîte, ce que celle-ci a accepté. Il lui a donné rendez-vous à Plainpalais. À 00h03 le 26 octobre 2019, il a envoyé le message : "T ou ?", ce à quoi elle a répondu à 00h05 : "Dans le 15 3 min et j arrive" puis, à 00h10 : "Tes où".

Les versions des parties divergent quant à la suite des évènements.

c.b. Selon C______, ils s'étaient donné rendez-vous vers 21h00-22h00 à Plainpalais. Vers minuit passé, ils avaient bu environ deux verres dans un bar à E______ [GE], puis A______ lui avait dit vouloir aller au club F______. Ils s'y étaient rendus à pied et y avaient rencontré des amis de la précitée. Ils avaient bu environ deux verres de whisky-coca ou de rhum-coca par personne, boissons qu'il avait payées en espèces. Ils avaient décidé de rentrer vers 03h30 du matin. Après être sortis du club, ils s'étaient demandé ce qu'ils allaient faire. Comme il y avait un bon feeling entre eux, s'étant notamment embrassés dans la boîte, A______ lui avait proposé de l'accompagner chez elle. Ils avaient pris un taxi et s'étaient à nouveau embrassés, à l'initiative de la plaignante. À cette occasion, il lui avait enlevé ses lunettes et les avait mises dans sa poche. Arrivés à son domicile, ils avaient rigolé en posant devant des portes et en faisant mine d'y habiter. Ils n'avaient croisé personne, bien qu'il y eût à ce moment-là de l'animation dans l'immeuble et du monde aux fenêtres. Ils étaient lucides. Finalement, ils étaient rentrés chez elle. Après avoir discuté sur son lit, ils s'étaient déshabillés et elle avait sorti un préservatif. Ils avaient ensuite entretenu plusieurs actes sexuels, tout d'abord un cunnilingus et une fellation, puis une pénétration vaginale dans diverses positions, le tout ayant duré environ 30 minutes. Au cours de leurs ébats, il avait perdu le préservatif, ce qu'il avait fait remarquer à sa partenaire, mais ne savait pas où il était passé. Ils s'étaient ensuite endormis.

c.c. Selon A______, elle avait reçu vers 20h00 ou 21h00 un message de C______ qui lui avait demandé si elle désirait sortir. Malgré un refus initial, il avait insisté en affirmant qu'il allait lui présenter du monde et que cela lui ferait du bien de se faire des nouveaux amis après sa rupture. Après un nouveau refus, elle avait finalement accepté après qu'il l'avait informée que d'autres filles seraient présentes. Elle était arrivée vers minuit au point de rendez-vous à Plainpalais. Elle avait alors vu le précité accompagné d'un ami et d'un couple. Ces trois personnes l'avaient informée qu'ils ne souhaitaient pas prolonger la soirée. Elle avait alors reproché à C______ de ne pas lui avoir dit la vérité et celui-ci s'était vexé. Elle lui avait dit qu'elle était d'accord de le suivre mais qu'elle rentrerait ou rejoindrait des copines si la soirée ne lui convenait pas, ce qu'il avait accepté. Après être parvenus à une boîte de nuit qui venait d'ouvrir non loin de là, elle était entrée seule, avec l'accord du videur, pendant que le prévenu gardait sa veste, afin de déterminer si l'ambiance lui convenait. Comme tel n'était pas le cas, notamment car une ancienne amie avec laquelle elle ne parlait plus depuis peu travaillait au bar, elle avait rejoint C______. Celui-ci lui avait indiqué qu'il avait déposé sa veste au vestiaire et qu'il lui avait commandé un verre. Agacée, elle avait insisté pour partir après qu'il avait bu sa propre boisson. La fille qu'elle connaissait lui avait remis sa veste et ils s'étaient rendus au club F______ où elle savait que certaines de ses amies se trouvaient. Sur place, alors qu'elle discutait avec ces dernières, C______ lui avait proposé d'aller chercher des boissons et elle lui avait demandé un redbull. Après qu'il était revenu avec la canette ouverte et un verre, elle avait bu tout en conversant. Une dizaine de minutes plus tard, elle avait commencé à se sentir mal. Elle avait senti qu'elle perdait le contrôle de son corps. Elle avait laissé son sac à une amie et s'était rendue aux toilettes. Comme son état ne s'améliorait pas, elle avait désiré rentrer séance tenante et était sortie, suivie par C______, bien qu'elle lui eût indiqué qu'elle ne voulait pas qu'il l'accompagnât. Elle avait tenté d'appeler un "G______" [service de taxi privé], mais n'y était pas parvenue. Le précité avait alors appelé un véhicule et elle lui avait demandé de ne pas monter avec elle, ce qu'il avait néanmoins fait, tout en précisant qu'il s'agissait juste de rentrer chez lui. À l'intérieur, elle avait senti qu'elle perdait tout contrôle sur son corps. Elle se souvenait néanmoins que C______ lui avait mis sa ceinture et que le chauffeur lui avait demandé de ne pas l'embrasser car il était visible qu'elle n'était pas bien. Ensuite, elle se rappelait uniquement être descendue et avoir vu le bâtiment où elle habitait. Elle n'avait pas de souvenir de la suite des évènements.

c.d. Sur un extrait de compte bancaire dont est titulaire C______, on peut constater que celui-ci a payé CHF 32.70 à H______ TAXI par carte à 02h09:34 le 26 octobre 2019.

c.e Entendu par la police le 17 novembre 2021, I______, résidant à l'époque au rez-de-chaussée de la maison voisine de celle de A______, a déclaré que vers 2h00 ou 3h00 le samedi 26 octobre 2019, il avait été réveillé par des gens qui toquaient à sa fenêtre. Il avait constaté qu'il s'agissait de la précitée et d'un homme qui semblait être son ami. Ils lui avaient demandé d'ouvrir la porte de l'immeuble et il leur avait indiqué qu'ils n'étaient pas au bon endroit. Comme ils ne comprenaient pas ce qu'il voulait dire, il s'était levé et avait ouvert. Il leur avait alors signalé que A______ habitait l'immeuble d'à-côté. Elle avait rigolé et lui avait dit qu'elle essayait d'ouvrir avec ses clés. Il leur avait indiqué du doigt la bonne maison puis était retourné dormir. Pour lui, les deux n'étaient pas dans leur état normal et avaient abusé de l'alcool. Le regard de A______ était en particulier étrange, comme le stade suivant l'état d'enivrement ; elle le regardait et ne le regardait pas en même temps. Il lui semblait qu'elle se tenait à l'homme mais il n'en était plus certain. Elle avait des taches, comme de la boue, sur son pantalon blanc. Elle pouvait néanmoins faire des phrases courtes et poser des questions. Il ne se souvenait pas qu'il eût parlé à l'homme autrement que par des gestes. Comme il avait pensé que c'était son copain, il ne s'était pas posé plus de questions que cela, d'autant qu'ils lui avaient indiqué que cela allait après qu'il le leur avait demandé. Il avait revu A______ deux jours après les faits. Elle l'avait interpellé au sujet d'une somme d'argent qu'elle avait perdue, mais n'avait pas évoqué de viol.

Sur un échange WhatsApp du 23 septembre 2021 entre A______ et I______, on peut lire la première demander au second s'il se rappelle d'elle, ce à quoi il répond par la négative, avant qu'elle lui remémore l'épisode de la fenêtre. Elle lui demande ensuite s'il pourrait témoigner car elle avait été violée. Ce à quoi I______ répond positivement en précisant qu'il se souvenait qu'elle n'était vraiment pas bien mais qu'il croyait qu'elle était fortement prise de boisson. Elle avait essayé d'ouvrir sa porte d'entrée mais il lui avait expliqué que c'était la mauvaise maison. Il a toutefois précisé ne pas se souvenir du visage de l'homme qui l'accompagnait.

c.f. Sur les images en trois dimensions, datant de 2019, du système d'information du territoire à Genève (SITG), on peut voir que les maisons sises no. ______ (où résidait A______) et no. ______ (où résidait I______) route 1______ se ressemblent, sauf pour ce qui est de la forme de leur toit. Les deux maisons bénéficiaient en revanche de deux entrées clairement distinctes distantes d'environ une quinzaine de mètres, l'entrée du numéro ______ faisant face à un petit parking alors que celle du numéro ______ se situe au bout du chemin en vis-à-vis d'un terrain de sport.

c.g. Selon J______, ancienne amie de A______, elles avaient brièvement parlé ensemble au F______ le soir des faits, puis elle l'avait vue dans une voiture avec un homme portant une veste qui s'était ensuite révélée être celle d'un de ses propres amis. Elle avait appelé A______ le lendemain matin et celle-ci lui avait dit qu'elle croyait que c'était la veste du copain qui l'accompagnait avec lequel elle s'était embrouillée.

d.a. Selon C______, ils s'étaient réveillés aux alentours de 08h30 le 26 octobre 2019. Il s'était habillé et elle lui avait demandé s'il voulait boire quelque chose. Il lui avait dit qu'il devait partir. Elle lui avait ouvert la porte et ils s'étaient fait un "smack", se promettant de se revoir en constatant qu'ils avaient passé un bon moment. Une fois à l'arrêt de bus, il avait mis la main dans sa poche et s'était rendu compte qu'il était en possession de ses lunettes. Il lui avait alors écrit pour les lui rendre et elle l'avait informé avoir perdu CHF 200.-. Il lui avait répondu qu'il ne savait pas ce qu'elle en avait fait, malgré son insistance. Ils avaient alors cessé de s'écrire.

d.b. Selon A______, elle s'était réveillée le 26 octobre 2019 entièrement nue sur son lit, avec de fortes céphalées, après que C______ lui avait fortement claqué les fesses, au point de lui faire une marque. Elle était devenue hystérique et lui avait demandé ce qu'il faisait là et ce qui s'était passé. Il avait répondu de manière confuse puis quitté les lieux en panique. Elle avait alors constaté que ses lunettes avaient disparu. Elle avait soupçonné qu'il s'était passé quelque chose de sexuel car elle avait mal au vagin et à l'anus, outre la présence de fluides sur elle et sur sa literie. Se sentant salie, elle s'était douchée et avait lavé tous les draps de son lit, puis s'était fait un thé en essayant de se rappeler ce qui s'était passé après être descendue du taxi. Ensuite, elle s'était recouchée et avait été réveillée par l'appel d'une amie qui lui avait indiqué qu'elle soupçonnait C______ d'avoir volé la veste d'une de ses connaissances au F______ et qui voulait savoir si c'était pour cette raison qu'ils étaient partis si rapidement. Pour sa part, elle s'était rendue compte que les CHF 200.- qu'elle gardait dans son porte-clés avaient disparu. Le 28 octobre 2019, elle avait recroisé le précité a un arrêt de bus et il lui avait rendu ses lunettes, affirmant les avoir emportées par erreur. Il s'en était suivi une dispute orale concernant la veste disparue et les évènements du matin du 26 octobre. Il l'avait subséquemment bloquée sur tous les moyens de communications et ils ne s'étaient jamais revus.

d.c. Dans une conversation écrite du 26 octobre 2019, on peut lire que A______ contacte C______ à 09h32 pour lui demander, dans une écriture approximative, s'il a pris les clés ainsi que la veste d'un homme qui se trouvait au F______. Après une brève discussion à ce sujet, les messages suivants sont échangés :

- (A______) "Pq {pourquoi ndr} tas vole Dea cles + veste // Et pq je suis a moitié a poile Wtf "

- (C______) "Mai tg {ta gueule ndr} wsh"

- (A______) "Bref // Je vx rien Savoir {émoticône de femme se frappant le front}"

- (C______) "Hier on a troo fais les fous // Jsauis trop dans le mal la // Faut pas me demander"

- (A______) "Mec , je me souviens de rien mais vraiment , dis moi, on a couché ?"

- (C______) "Meuf arret ac tes questions // Jai bu plus que toi"

- (A______) "Ok je prends ca comme un non"

- (C______) "Il c rien passé point bat // Bar"

- (A______) "Tant mieux"

- (C______) "Oue // Jme barrre demain jai ps envi de me prendre la tête".

Après un échange concernant la restitution des lunettes, incluant un bref appel de moins de deux minutes, A______ questionne C______ quant à la disparition de ses CHF 200.-. Dans ce cadre, elle écrit notamment : "Mec.tu te.souviens quand jai sortie les cle puisque tu m a dis que je me.suis.trompe de maiaon // Maison".

d.d. Le 26 octobre 2019, A______ a posté plusieurs tweets dont les contenus sont les suivants :

- "Si je ne me souviens pas cela NE compte PAS nul , nada, nothing, niente, RIEN" ;

- "Black out on et mon tel me le rappele fort avec mes photos de hier soir" ;

- "Deffinitivement l'alcool c'est pas fait pour moi" ;

- "no vuelvo a beber, siempre igual", soit, en traduction libre : "je ne bois plus jamais c'est toujours la même chose" ;

- "En ce moment je suis 99% alcool 1% de l'eau" ;

- "Black out on again" ;

- "Je me suis réveillée, jai un black out, i DON'T like this".

d.e. Dans un échange de messages écrits et vocaux non datés avec un dénommé "K______", produit par A______, on peut lire :

- (A______) "Mais ca me déjà arrivé // Qu un bâtard profite de mon état"

- (K______) "{deux émoticônes surprise et un émoticône forte colère" // MAIS ÇA SUR MA VIE JE PX TUER // C DU VIOLE !!!"

{message vocal non reproduit où "K______" fait référence à sa qualité de père d'une fille}

- (A______) "Je sais … // C de fils de pute // Le karma va payer cher // Le truc c que je me souviens de rieeeen // Genre jai eu un black out // Tu vois // Et le jour après j'étais encore bourré ou drogué jsp {je ne sais pas ndr}".

Après un bref échange relatif à la personne du suspect et à la nécessité que A______ se méfie encore plus lors de ses sorties, l'échange continue après que "K______" l'enjoint de ne pas "laisse bet" :

- (A______) "Tu veux que je fasse quoi ? // Je sais même pas c qu il y a eu // Je saia juste que j'étais au F______ // À 2h du matin // Et je me suis réveillée // Chez moi // J'étais toute noue // Et ce batard est parti genre 2 min apres que je me suis réveillée // Pcq il m a touché et j'étais encore dans l effet de jsp quoi mais jai dis " tu fais quoi la, wtf je suis bourrée encore"".

Dans un message vocal "K______" l'intime alors d'aller porter plainte pour viol, notamment afin de protéger d'autres victimes potentielles, ce à quoi la précitée répond :

- (A______) "Le gars a prit et il m a dit je m en vaia // Mais j'étais ecore mal tu voia // Bref // Ltb {laisse tomber ndr} // {quatre émoticônes dégoût}".

Dans un nouveau message vocal, "K______" insiste sur le fait de ne pas laisser un violeur en liberté, mentionnant le cas d'une proche lui ayant confié avoir été victime d'une viol plusieurs années après les faits, ce à quoi A______ répond :

- (A______) "Chuis conne gars // Le femmes on est connes // En face // De ce genre de situation // J'aurais eu d aller direct a l hôpital // Voir si j avais eu de rapport // Et porté plainte // Maia voila mtn c trop tard… {…}".

Un peu plus loin dans la conversation, "K______" demande à A______ quand les faits dont elle lui a fait part se sont produits, ce à quoi celle-ci répond :

- (A______) "Bon , tes l unique qui le sait // Appart ce gars bien entendu // La semaine passée // Vendredi passé".

d.f. Entendue par la police, L______, ancienne amie proche de A______, a déclaré que celle-ci lui avait dit avec beaucoup d'émotion qu'elle s'était faite droguer et violer, une nuit où elle était allée dormir chez elle peu après les évènements objets de la présente procédure. La précitée n'était pas une personne qui parlait beaucoup de ses problèmes personnels mais c'était arrivé durant une période où elle était un peu déstabilisée du fait du départ de ses frères et parents de Suisse pour la Bolivie, leur pays d'origine. Elle ne supportait par ailleurs pas bien l'alcool. À l'été 2020, elles s'étaient fâchées puis perdues de vue.

e.a. En septembre 2021, A______ a publié sur son compte Instagram une photo de C______, avec le visage partiellement recouvert, accompagnée du texte suivant : "Voilà, après plus d'un an dans le silence, je refuse de continuer à cacher ce violeur dans l'ombre. Je le dis sans aucune honte, cette ordure m'a drogué, violé et volé. Faites attention à vous les filles.".

e.b. Le 24 septembre 2021, C______ a déposé plainte en lien avec cette publication (procédure n° P/2______/2022). L'instruction de cette procédure a été suspendue dans l'attente du résultat de la présente cause.

e.c. Accompagnée de son avocate, A______ a dénoncé les faits à la Brigade des mœurs de la Police judiciaire le 10 novembre 2011.

Interrogée sur la temporalité de son dépôt de plainte, elle a déclaré qu'en 2019, elle avait beaucoup de problèmes personnels, qu'elle avait eu un choc et qu'elle n'avait pas de permis de séjour. Elle avait donc décidé de laisser passer les faits et de se concentrer sur ses études. Le 8 mars 2020, elle s'était rendue à une manifestation féministe avec une pancarte mentionnant qu'elle avait été violée par "un gars qui habitait [au quartier] M______ [GE]". Des participants l'avaient alors approchée et lui avaient conseillé de déposer plainte, en soulignant qu'elle pouvait le faire indépendamment de l'écoulement du temps et de l'absence de constat médical. Elle s'était alors dit qu'elle pourrait protéger de futures victimes en dénonçant les faits et avait réalisé sa publication Instagram. Après un échange avec sa psychologue, elle avait contacté le centre LAVI, qui l'avait mise en relation avec son avocate avec l'aide de laquelle elle avait finalement déposé sa plainte.

e.d. Selon C______, la plaignante s'était montée la tête car elle vivait dans un monde où l'image et les abonnés sur les réseaux sociaux comptaient plus que tout. Sans vouloir qualifier médicalement son comportement, il se posait des questions quant à une éventuelle mythomanie ou une personnalité borderline. Sa plainte était peut-être également une réaction au dépôt de la sienne.

f.a. La Dresse N______, médecin traitante de A______, a expliqué que celle-ci était venue en consultation le 5 novembre 2019 pour des problèmes de tristesse et de troubles du sommeil. Il s'agissait de symptômes classiques d'agression sexuelle. À l'époque, elle n'avait toutefois pas pu les mettre en relation avec un évènement particulier. Ensuite, jusqu'en mars 2020, elle l'avait suivie pour un épisode dépressif sévère ayant nécessité la prescription d'antidépresseurs, la pandémie de covid-19 ayant interrompu le suivi. Jusqu'en novembre 2022, sa patiente avait toutefois bénéficié d'un suivi psychothérapeutique par une psychologue spécialisée. À l'été 2023, elle présentait toujours des symptômes anxieux et une hyperphagie boulimique.

f.b. O______, psychologue, a indiqué que A______ présentait un stress post-traumatique et un état dépressif en lien avec un évènement traumatique survenu au cours d'une soirée lors de laquelle elle s'était sentie mal et où un garçon avait profité d'elle durant la nuit sans qu'elle puisse s'en souvenir. Elle présentait des cauchemars et une sensation de dégoût liés à cet épisode. Elle se refermait en outre physiquement lorsqu'elle l'évoquait.

f.c. Selon A______, ses troubles médicaux liés à son traumatisme l'avaient conduite à un échec scolaire et à la perte de sa bourse d'études. Elle s'était de plus refermée socialement, en particulier concernant les hommes, y compris les amis masculins de ses amies, ce qui avait eu une influence négative sur son réseau social. Le fait que C______ eût profité d'elle alors même qu'elle avait rencontré sa famille l'avait profondément ébranlée dans sa confiance envers autrui. Lors de l'audience d'appel, elle a déclaré aller mieux après avoir repassé par une phase dépressive suite au procès de première instance.

C. a. La Chambre d'appel et de révision (CPAR) a tenu audience le 21 décembre 2023, audience au cours de laquelle tant C______ que A______ ont été entendus. Leurs déclarations dans ce cadre ont, en substance, été rapportées ci-avant.

b.a. Par la voix de son conseil, A______ a plaidé que la mémoire de l'accusé était sélective et que sa version était contredite par les éléments de preuve au dossier. À cet égard, le témoignage de I______ et les messages qu'elle avait échangés avec C______ juste après les faits étaient révélateurs. Sa propre version était corroborée par des déclarations médicales. Il n'y avait de surcroît pas de bénéfice secondaire à dévoiler sur les réseaux sociaux qu'on avait été victime d'un viol, ni à lancer une procédure judiciaire imposant de dévoiler son intimité.

b.b. Selon le MP, la version des faits de la plaignante était crédible car exempte de contradictions essentielles et corroborée par les éléments de preuve disponibles, contrairement à ce qui était le cas des déclarations de l'accusé. S'agissant des circonstances du dévoilement, il fallait souligner que la victime n'avait tiré aucun bénéfice de ses révélations, au contraire. Les éléments au dossier montraient d'ailleurs que lesdites révélations précédaient la plainte de C______. Sur cette base, il fallait constater que la plaignante n'avait pas été en état de consentir à des relations sexuelles au moment des faits, ce qui devait mener à retenir l'infraction d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance.

b.c. Par la voix de son conseil, C______ a défendu que les déclarations du témoin I______ étaient à prendre avec la plus grande réserve dans la mesure où ce dernier avait été préalablement en contact avec la plaignante. La plainte de A______ était à appréhender sous l'angle de l'intérêt médiatique, et donc financier, lié à sa dénonciation et à sa focalisation sur son monde virtuel, faute de réseau social réel. Son dépôt de plainte était en outre directement lié à la menace de sa propre plainte pénale pour diffamation.

D. C______ est célibataire et sans enfant. Il a obtenu un Bachelor of Arts en Travail social de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale en septembre 2023. Il travaille comme accueillant social pour P______ pour un salaire mensuel moyen de l'ordre de CHF 5'500.-.

Selon son casier judiciaire, il a été condamné le 2 décembre 2014 par le Tribunal de police à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis pendant deux ans, pour lésions corporelles simples commises à réitérées reprises (art. 123 ch. 1 al. 1 CP). En audience d'appel, il a précisé qu'il s'agissait d'une histoire de mœurs liée à une plainte de sa petite amie de l'époque. Lors de son audition à la police, il avait toutefois répondu par la négative à la question de savoir si d'autres femmes s'étaient déjà plaintes de son comportement.

E. Me B______, conseil juridique gratuit de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 18 heures et 30 minutes d'activité de collaboratrice, soit deux heures d'entretien avec sa mandante et 16 heures et 30 minutes de travail sur le fond du dossier, y compris la préparation de sa plaidoirie. Cela hors débats d'appels, lesquels ont duré quatre heures et 40 minutes. Son travail dans la procédure préliminaire et de première instance a été indemnisé à hauteur de 33 heures et 40 minutes.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a).

Le principe de la libre-appréciation des preuves implique qu'il revient au juge de décider ce qui doit être retenu comme résultat de l'administration des preuves en se fondant sur l'aptitude de celles-ci à prouver un fait au vu de principes scientifiques, du rapprochement des divers éléments de preuve ou indices disponibles à la procédure, et sa propre expérience (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2) ; lorsque les éléments de preuve sont contradictoires, le tribunal ne se fonde pas automatiquement sur celui qui est le plus favorable au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2 ; 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1 ; 6B_1363/2019 du 19 novembre 2020 consid. 1.2.3). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a). Lorsque dans le cadre du complexe de faits établi suite à l'appréciation des preuves faite par le juge, il existe plusieurs hypothèses pareillement probables, le juge pénal doit choisir la plus favorable au prévenu (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.2).

2.1.2. Les déclarations de la victime alléguée constituent un élément de preuve que le juge doit prendre en compte dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier (arrêts du Tribunal fédéral 6B_265/2023 du 20 septembre 2023 consid. 2.1 ; 6B_1254/2022 du 16 juin 2023 consid. 4.1.3 ; 6B_591/2022 du 4 mai 2023 consid. 1.1.3). Les situations de "déclarations contre déclarations", dans lesquelles les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et les déclarations contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement conduire à un acquittement ; l'appréciation définitive des déclarations des participants incombe au tribunal du fond (arrêts du Tribunal fédéral 6B_265/2023 du 20 septembre 2023 consid. 2.1 ; 6B_924/2022 du 13 juillet 2023 consid. 2.1 ; 6B_720/2022 du 9 mars 2023 consid. 1.1). Il est notoire que les victimes d'abus sexuels peuvent ne pas se confier dans un premier temps et ne donner des informations sur les évènements que bien plus tard (cf. ATF 147 IV 409 consid. 5.4.1 et 5.4.2 ; AARP/392/2023 du 20 octobre 2023 consid. 2.2).

2.2. En l'espèce, il n'est pas débattu que l'appelante et l'intimé ont, lors de la nuit du 25 au 26 octobre 2019, visité deux boîtes de nuit et sont ensuite rentrés en taxi au domicile de la première où une relation sexuelle a eu lieu, incluant des pénétrations. Pour le reste, leurs versions sont irréconciliables.

L'intimé a été constant dans ses déclarations. Celles-ci entrent toutefois en conflit avec certains éléments de preuves. Premièrement, il a déclaré qu'il avait eu rendez-vous avec l'appelante vers 21h00-22h00 et qu'ils étaient rentrés chez elle vers 03h30 après avoir réfléchi à la suite de leur veillée. Or, les échanges de messages entre protagonistes et les extraits du compte bancaire de l'intimé permettent d'établir que la soirée a été sensiblement plus courte puisque la plaignante l'a rejoint au plus tôt vers 00h10 et qu'il a payé le taxi à 02h09:34, selon toute vraisemblance après leur arrivée chez l'appelante. Si ces divergences temporelles ne sont pas en soi une preuve qu'il a sciemment menti, le fait que leur sortie a duré moins de deux heures, y compris les deux trajets à pied pour rejoindre les discothèques, les passages aux vestiaires et la course en taxi, apparaît singulier à l'aune de son récit selon lequel leur soirée s'était déroulée dans une excellente ambiance. Ensuite, ses déclarations selon lesquelles l'immeuble était animé, avec du monde aux fenêtres, à leur arrivée au domicile de l'appelante sont difficilement conciliables avec le fait qu'ils ont jugé nécessaire de réveiller le témoin I______ pour lui demander de leur ouvrir la porte d'une maison qui n'était pas la bonne. L'intimé a d'ailleurs initialement affirmé n'avoir croisé personne, alors même qu'il se souvenait d'autres détails s'étant sensément produits au même moment, soit notamment qu'ils auraient posé devant des portes en prétendant y habiter pour s'amuser. En outre, le précité a fait état envers l'appelante de la rencontre avec le témoin le lendemain des faits puisque, sur leur conversation WhatsApp, on peut lire ce message : "Mec.tu te.souviens quand jai sortie les cle puisque tu m a dis que je me.suis.trompe de maiaon // Maison" (pièce C36). Enfin, il est malaisé de concilier le contenu des messages qu'il a adressés à la précitée le matin du 26 octobre 2019 avec sa version selon laquelle ils se seraient quittés en se promettant de se revoir et en soulignant avoir passé un bon moment. Ainsi, lorsque l'appelante lui demande : "Mec , je me souviens de rien mais vraiment, dis moi, on a couché ?", il lui répond : "Meuf arret ac tes questions // Jai bu plus que toi {…} Il c rien passé point bat // Bar" {…} "Oue // Jme barrre demain jai ps envi de me prendre la tête" (pièce C34). Dans l'ensemble, les messages de l'intimé semblent dénoter une volonté relativement sèche de couper les ponts avec l'appelante, réaction qui suscite des interrogations au regard de ce qu'il a décrit comme une soirée romantique avec une personne qu'il courtisait en 2013 déjà. S'agissant des échanges entre protagonistes, on peut d'ailleurs suivre le raisonnement du TCO lorsqu'il souligne qu'il est singulier que l'intimé ait refusé de laisser les enquêteurs accéder à son téléphone, prétextant initialement un oubli involontaire, alors même que c'est bien lui qui a initialement déposé plainte pénale pour diffamation à l'encontre de l'appelante et que leurs échanges avaient une pertinence certaine dans cette optique.

Les déclarations de l'appelante sont constantes et exemptes de contradictions. Contrairement à celles de l'intimé, elles comportent de surcroît de nombreux détails périphériques renforçant leur crédibilité. Elle a notamment fait mention d'interactions spécifiques avec le prévenu et avec des tiers : "Quand je suis revenue, j'ai dit que j'allais rentrer, car je me sentais très mal. Elle m'a dit qu'elle allait m'accompagner. Je lui ai dit qu'il ne fallait pas qu'elle s'inquiète, que le ______[videur] nous connaissait et que j'allais prendre un [taxi] G______ juste devant la boîte" (cf. pièce A4) et de ses pensées : "J'ai vu qu'au bar, il y avait une ancienne amie avec qui je ne parlais plus depuis peu et je ne voulais pas la voir" (cf. pièce A4). La présence de ces marqueurs de réalité d'un récit contraste avec la version succincte et imprécise des évènements qu'a fourni l'intimé quant à la période précédant leur arrivée au domicile de l'appelante.

Surtout, la version de la plaignante est corroborée par différents éléments de preuve résultant de l'instruction. En premier lieu, la durée réduite de la soirée laisse penser que le séjour au F______ a été bref et qu'il a été interrompu par un évènement impromptu, comme elle l'a toujours affirmé. En second lieu, ses déclarations selon lesquelles elle aurait fait un blackout sont appuyées non seulement par ses messages du lendemain à l'intimé, mais également par ceux adressés au dénommé "K______" et surtout par de nombreuses publications du 26 octobre 2019 sur Twitter (respectivement "X"). Ces éléments ne laissent aucun doute quant à la réalité de sa perte momentanée de mémoire, contrairement à qu'a soutenu la défense. En troisième lieu, son récit selon lequel l'intimé aurait déguerpi à son réveil est cohérent avec le contenu de leur conversation ultérieure par messages, outre qu'elle a évoqué les circonstances de son réveil et de son absence de souvenirs avec "K______". Or, un examen attentif du contenu de cette conversation permet de la dater d'environ une semaine après les faits, ce qui lui octroie une force probante indéniable. De surcroît, la témoin J______, qui a parlé avec l'appelante le matin du 26 octobre 2019, a déclaré que celle-ci l'avait informé s'être "embrouillée" avec l'homme qui l'avait accompagnée en discothèque. En quatrième lieu, la témoin L______, bien qu'en froid avec l'appelante, a déclaré que celle-ci lui avait mentionné peu après les faits, qu'elle s'était faite droguer et violer par une personne d'origine latino. Enfin, le fait que le préservatif que l'intimé affirme avoir partiellement utilisé lors de leurs rapports sexuels n'a pas été retrouvé, bien qu'il dise l'avoir abandonné sur place, est cohérent avec les messages de l'appelante et avec ses déclarations selon lesquelles elle ne détenait pas de preuve formelle qu'il l'eût pénétrée, même si tout le laissait penser. À cet égard, la version de l'intimé selon laquelle elle aurait accepté de continuer de coucher avec lui sans protection apparaît inusitée, s'agissant d'actes sexuels avec une personne qu'elle connaissait mal et dont elle avait auparavant refusé les avances.

Les circonstances du dévoilement, à savoir une publication sur Instagram en septembre 2021, soit près de deux ans après les évènements, ne sont pas inconciliables avec la véracité de son récit. En effet, il est notoire que les victimes d'actes sexuels non-désirés peuvent parfois les taire dans un premier temps. En octobre 2019, outre son blackout, l'appelante ne disposait pas d'un permis de séjour, ni d'assurance-maladie, alors que sa famille était éloignée de la Suisse. Dans ce contexte, il est compréhensible que l'appelante, honteuse et sans certitude sur ce qui s'était produit après qu'elle fût sortie du taxi, n'ait pas eu la volonté de contacter les autorités afin de déposer une plainte pénale pour une infraction grave à l'encontre de l'intimé, socialement bien mieux intégré qu'elle. Pour le surplus, contrairement à ce qu'a affirmé la défense, il est douteux que le fait de déclarer avoir été violée sur les réseaux sociaux soit une façon efficace de se faire de la publicité.

Dans l'ensemble, le récit de l'appelante apparaît hautement crédible, au contraire de celui de l'intimé. La Chambre de céans a ainsi l'intime conviction que les faits qu'elle a dénoncés se sont réellement produits et, qu'à l'opposé, le second a menti sur des aspects essentiels des évènements.

Eu égard à ceux survenus entre la descente du taxi et le réveil, au matin, de l'appelante nue dans son lit, il faut se fonder sur son récit et tenir ainsi compte du fait qu'elle avait quitté précipitamment le F______ car elle s'était sentie très mal et en perte de contrôle de son corps. L'intensité de cette altération de son état est d'ailleurs affermie par le fait qu'elle a subi un blackout total, symptôme particulièrement susceptible de survenir suite à la prise de certains stupéfiants
ou en raison d'une alcoolémie élevée (cf. Aaron M. WHITE, What Happened? Alcohol, Memory Blackouts, and the Brain, in : US National Library of
Medicine, 2003, chapitre "Blood Alcohol Concentrations and Blackouts" ; https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6668891/#sec-a.f.dtitle), laquelle est notoirement de nature à inclure une restriction des capacités physiques et intellectuelles (cf. en lien avec l'irresponsabilité selon l'art. 19 CP : ATF 122 IV 49 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1307/2021, du 9 janvier 2023 consid. 1.1.1). Quelle que soit l'origine de ses troubles, ces éléments laissent fortement penser que l'appelante se trouvait dans un état physique et psychique très dégradé lorsqu'elle était arrivée chez elle. Cette conclusion est étayée par le témoignage de I______ et ses messages échangés avec l'appelante. En effet, ceux-ci permettent d'établir que celle-ci s'était trompée de maison à son arrivée à son domicile, allant jusqu'à insister pour que le témoin, réveillé en pleine nuit, se levât afin de lui ouvrir la mauvaise maison. Or, le fait pour une personne de se tromper de bâtiment alors que les deux immeubles en cause disposent d'entrées séparées et sont clairement distincts, le domicile de l'appelante se situant au bout du chemin d'accès, apparaît exceptionnel, même en état d'alcoolisation aigu. Bien que tiré de son sommeil, le témoin I______ avait d'ailleurs remarqué que les protagonistes ne se trouvaient pas dans leur état normal. Selon ses déclarations à la police : "Au niveau de son regard, c'était, je ne sais pas comment expliquer… Il y a l'état ivre et il y a un stade après l'état ivre. Elle me regardait, mais elle ne me regardait pas en même temps, c'était bizarre. C'était comme si elle avait pris du cannabis." (pièce B51). De même, il avait écrit à l'appelante : "Oui je me souviens tu étais vraiment pas bien {…} // Je croyais que tu étais juste très bourré" (messages figurant sur la pièce A16). Le témoin a en outre noté qu'elle avait des taches sur son pantalon, ce qui laisse penser que la plaignante avait sans doute chu entre sa sortie du taxi et son échange avec ce dernier.

Au vu de ce qui précède, la Chambre de céans est intimement convaincue que l'appelante se trouvait dans un état de conscience fortement altéré au moment où les actes sexuels ont eu lieu, indépendamment de savoir si celui-ci a été provoqué par de l'alcool, des stupéfiants ou un mélange des deux.

La CPAR est enfin persuadée que l'intimé avait connaissance de l'état de conscience fortement altéré dans lequel se trouvait l'appelante au moment où il l'a raccompagnée dans son appartement dans la mesure où il savait qu'elle était auparavant partie prématurément de la discothèque parce qu'elle se sentait mal et qu'elle s'était ensuite trompée de bâtiment. Cette conviction est encore affermie par les messages que l'intimé lui a envoyés le lendemain : "Meuf arret ac tes questions // Jai bu plus que toi" {…} // Il c rien passé point bat // Bar" (pièce C34), qui laissent entendre qu'il savait que la plaignante n'était pas dans son état normal. C'est également à cet aune que doivent être perçues les déclarations crédibles de l'appelante quant au fait qu'il l'a réveillée avec une violente tape sur les fesses - selon toute vraisemblance parce qu'il craignait qu'elle fût inconsciente - avant de prendre la poudre d'escampette face à sa réaction de panique et d'esquiver ensuite toute discussion à ce sujet.

En conclusion, la Chambre de céans retient pour établi les faits suivants :

Le 25 octobre 2019, l'intimé et l'appelante se sont rencontrés à Plainpalais vers 00h10. Après s'être rendus dans une première discothèque et l'avoir quittée à la demande de la seconde, ils sont allés au club "F______", à nouveau à pied. Sur place, ils ont brièvement dansé et discuté avec des connaissances de la plaignante qui s'y trouvaient. Une quinzaine de minutes après avoir bu une boisson, celle-ci s'est sentie mal, comme si elle perdait le contrôle de son corps, et a exprimé le désir de rentrer au plus vite chez elle. Malgré le souhait clairement manifesté par l'appelante, l'intimé l'a suivie à l'extérieur et a hélé un taxi dans lequel il s'est introduit à sa suite. Peu avant 02h10, le véhicule est parvenu au domicile de l'appelante et les y a déposés. À ce moment, l'appelante se trouvait déjà dans un état psychique et physique très dégradé, au point qu'elle s'est trompée de maison et a tenté d'accéder au bâtiment sis au no. ______, avant de réveiller I______, qui résidait au rez-de-chaussée, pour qu'il lui ouvre. Devant son insistance, celui-ci s'est levé et a remarqué qu'elle se trouvait dans un état non-vigile avancé, mais a estimé que la situation était sous contrôle dans la mesure où elle pouvait communiquer et se trouvait avec un ami. Il leur a alors indiqué qu'elle vivait dans la maison d'à-côté et est retourné se coucher. Parvenus dans le logement de l'appelante, l'intimé, ayant conscience que celle-ci se trouvait dans un état fortement altéré, a entretenu avec elle un rapport sexuel avec pénétration, et partiellement sans préservatif, avant de s'endormir. À son réveil, il a constaté que la plaignante était inanimée et l'a frappée sur les fesses. Réveillée en sursaut, cette dernière a paniqué ; l'intimé a rapidement quitté les lieux. Confronté par la suite aux questions de l'appelante, il a coupé court, mais ayant remarqué qu'il était en possession de ses lunettes, il s'est décidé à les lui rendre le lendemain. Après quoi il l'a bloquée sur tous ses moyens de contact.

3. 3.1. Selon l'art. 191 CP, commet l'infraction d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, quiconque, sachant qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance, en profite pour commettre sur elle un acte d'ordre sexuel.

Est incapable de résistance la personne qui n'est durablement ou momentanément pas apte à s'opposer à des contacts sexuels non désirés, notamment en raison d'une sévère intoxication due à l'alcool ou à la drogue ; il est cependant nécessaire que la victime soit incapable de se défendre, et non seulement que cette capacité soit limitée ou que son degré d'inhibition soit réduit (ATF 148 IV 329 consid. 3.2 ; 133 IV 49 consid. 7.2 ; 119 IV 230 consid. 3a). L'exigence jurisprudentielle d'une incapacité de résistance ne recouvre ainsi pas exclusivement des états de perte de conscience complète mais délimite les situations visées par l'art. 191 CP de celles dans lesquelles celle-ci est simplement désinhibée ; une incapacité de résistance peut être retenue lorsqu'une personne, sous l'effet de l'alcool et de la fatigue ne peut pas, ou uniquement faiblement, s'opposer aux actes entrepris (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1330/2022 du 3 juillet 2023 consid. 3.1.3 ; 6B_164/2022 du 5 décembre 2022 consid. 2.1 ; 6B_1174/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.1 ; 6B_995/2020 du 5 mai 2021 consid. 1.1.2). L'incapacité de résistance doit en tous les cas être préexistante à l'acte d'ordre sexuel (ATF 148 IV 329 consid. 5.2).

Le Tribunal fédéral a retenu une incapacité de résistance dans le cas d'une personne en état d'alcoolisation avancé qui avait entraîné une difficulté à tenir debout et une amnésie (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_1174/2021 du 21 juin 2022 consid. 1.2 et 2.2.1), d'une personne dormant après avoir partagé avec l'auteur deux bouteilles de vin mousseux (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_238/2019 du 16 avril 2019 consid. 2.2), d'une personne qui était sous l'effet d'une forte alcoolisation, bien qu'ayant été en mesure de marcher environ 150 mètres jusqu'à son appartement, de déverrouiller la porte de celui-ci ainsi que de se démaquiller et de se brosser les dents (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_586/2019 du 3 juillet 2019 consid. 1.3 et 1.4.2) ou encore d'une femme alcoolisée et peu réveillée suite à une fête du nouvel an (cf. ATF 119 IV 230 consid. 3a). Dans un arrêt 6B_578/2018 du 20 mars 2019, le Tribunal fédéral a par ailleurs considéré qu'une Cour d'appel était tombée dans l'arbitraire en retenant qu'une victime ne se trouvait pas dans un état d'incapacité de résistance au moment de coucher avec deux inconnus parce qu'elle avait réussi à indiquer où était son logement et à ouvrir la porte de son appartement, alors même qu'elle ne se ne sentait pas bien, soit qu'elle était fatiguée, alcoolisée et qu'elle avait consommé un joint de marijuana, outre qu'elle se trouvait dans un état émotionnel fragile (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_578/2018 du 20 mars 2019 consid. 2.3.2).

Sur le plan subjectif, l'infraction de l'art. 191 CP requiert l'intention, soit notamment la connaissance par l'auteur de l'incapacité de résistance de la victime
(ATF 148 IV 329 consid. 3.2). Le dol éventuel suffit en ce sens que celui qui s'accommode de l'éventualité que la victime ne puisse pas être, en raison de son état physique ou psychique, en situation de s'opposer à une sollicitation d'ordre sexuel, mais lui fait subir malgré tout un acte d'ordre sexuel agit intentionnellement ; tel n'est en revanche pas le cas si l'auteur est convaincu, à tort, que la personne est capable de discernement ou de résistance au moment de l'acte (arrêts du Tribunal fédéral 6B_164/2022 du 5 décembre 2022 consid. 2.1 ; 6B_1174/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.1 ; 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 5.5 ; 6B_995/2020 du 5 mai 2021 consid. 1.1.2).

3.2. En l'espèce, il n'est pas contesté que des actes d'ordre sexuel avec pénétration ont eu lieu. Seules sont donc décisives les questions de savoir si l'appelante se trouvait en capacité d'y résister et, le cas échéant, de la connaissance par l'intimé de cet état d'incapacité.

Il est établi que la plaignante se trouvait dans un état psychique très dégradé au moment où a eu lieu la rencontre avec I______, au point de se tromper de bâtiment et d'insister pour rentrer dans l'immeuble voisin, puis de subir un blackout. Il est également établi qu'elle avait quitté précipitamment la discothèque où elle se trouvait car elle se sentait mal et avait l'impression de perdre le contrôle de son corps. Dans ces circonstances, on ne saurait retenir qu'elle était apte à résister à la réalisation d'actes sexuels, en partie sans protection, avec une personne qu'elle ne connaissait que très peu et dont elle avait antérieurement refusé les avances. Le seul fait qu'elle a pu tenir une brève conversation avec le témoin I______ ne permet pas d'écarter la thèse d'une intoxication aigüe à l'alcool ou aux stupéfiants dans la mesure où il est notoire qu'une personne fortement prise de boisson ou sous l'influence de certains stupéfiants est susceptible de mener une conversation basique. Quant à l'argument du TCO selon lequel la témoin J______ avait l'impression qu'elle allait bien, il est incongru dans la mesure où celle-ci s'était faite au moment de leur échange, lequel précède son départ précipité et qu'elle a en outre déclaré ne l'avoir vue que brièvement. S'agissant par ailleurs de la référence de ce tribunal au "témoin Q______", qui n'a pas été auditionné en procédure (seule la mention succincte d'un bref appel par la police figurant au dossier), elle n'est pas convaincante.

Sur le plan subjectif, il est établi que l'appelant avait pleinement connaissance de l'état de la plaignante. Il en a ainsi intentionnellement profité. Par ailleurs, celui qui, sachant qu'une connaissance qui a refusé son assistance se trouve dans un état de conscience dégradé au point de se tromper de bâtiment, en profite pour réaliser pour la première fois avec elle des actes sexuels accepte le risque de commettre l'infraction de l'art. 191 CP par dol éventuel. Face à cette situation, l'intimé devait manifestement savoir que le seul comportement adéquat de sa part consistait à ne pas entretenir d'actes sexuels avec l'appelante, vu son état de conscience dégradé.

Il s'ensuit que l'intimé a réalisé des actes d'ordre sexuels sur l'appelante, et notamment des pénétrations, alors que celle-ci n'était pas en capacité d'y résister, respectivement de refuser d'y consentir, ce dont le précité avait conscience. Les éléments constitutifs objectifs et subjectif de l'infraction de l'art. 191 CP sont en conséquence remplis.

En conclusion, l'intimé sera reconnu coupable d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et le jugement du TCO réformé en ce sens. L'appel et l'appel joint sont admis.

4. 4.1. Selon l'art. 139 al. 1 CP, se rend coupable de vol, quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier. Selon l'art. 137 ch. 1 CP, se rend coupable d'appropriation illégitime, quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s'approprie une chose mobilière appartenant à autrui, en tant que les conditions prévues aux art. 138 à 140 CP ne sont pas réalisées.

Ces infractions requièrent un acte d'appropriation, lequel se définit comme la volonté de se comporter comme le propriétaire d'une chose tout en privant le propriétaire réel des pouvoirs liés à cette qualité (ATF 129 IV 223 consid. 6.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1096/2021 du 13 juillet 2022 consid. 4.1 ; 6B_444/2019 du 14 novembre 2019 consid. 2.3). Cet acte d'appropriation doit par ailleurs être illicite en ce sens que l'auteur ne doit pas pouvoir le fonder sur un droit qui lui est reconnu par l'ordre juridique (ATF 129 IV 223 consid. 6.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1096/2021 du 13 juillet 2022 consid. 3.1).

Sur le plan subjectif, l'appropriation doit être volontaire, ce qui doit se manifester par un comportement extérieurement constatable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1096/2021 du 13 juillet 2022 consid. 4.1 ; 6B_444/2019 du 14 novembre 2019 consid. 2.3 ; 6B_382/2017 du 2 février 2018 consid. 4.1).

4.2. En l'espèce, il est possible que l'intimé ait dérobé à l'appelante ses CHF 200.- qui se trouvaient avec ses clés lorsque celle-ci a tenté d'ouvrir la mauvaise porte. Cependant, il est tout aussi plausible que cet argent soit tombé au sol sans que la plaignante ne s'en rende compte, vu son état de conscience gravement altéré, et qu'il ait ensuite été subtilisé par un tiers. Dans cette situation, le doute doit profiter à l'accusé de sorte qu'il convient de retenir qu'il ne s'est pas approprié cette somme.

S'agissant des lunettes de vue, l'intimé les a sans doute retirées du visage de l'appelante alors qu'ils se trouvaient dans le taxi, celle-ci n'étant pas en capacité de le faire, puis il les a mises dans sa poche. Dans la mesure où il a ensuite spontanément écrit à la plaignante pour l'informer qu'il avait retrouvé lesdites lunettes et qu'il comptait les lui rendre, l'intention d'appropriation, tout comme le dessein d'enrichissement illégitime font manifestement défaut.

Il s'ensuit que l'intimé ne remplit pas les éléments constitutifs de l'infraction de vol, ni même de celle d'appropriation illégitime. Partant, c'est à juste titre que l'autorité précédente l'a acquitté de ces chefs. Sur ce point, son jugement sera confirmé et l'appel rejeté.

5. 5.1.1. L'infraction d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance est réprimée d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

5.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution, ainsi que par les éléments subjectifs relatifs à l'acte, à savoir l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations de l'auteur ; à ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 149 IV 217 consid. 1.1 ; 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1), ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 149 IV 217 consid. 1.1 ; 144 IV 313 consid. 1.2). L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 ; 136 IV 1 consid. 2.6.4). Il en va de même de l'utilisation par le prévenu de son droit à ne pas coopérer volontairement à la procédure pénale (ATF 149 IV 9 consid. 5.1.3). Cependant, le droit à ne pas s'auto-incriminer n'empêche pas de retenir comme facteur aggravant dans la fixation de la peine l'absence de coopération du prévenu en procédure qui permet de conclure à une absence de remords ou de prise de conscience de sa faute (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1387/2021 du 29 septembre 2022 consid. 4.1.2 ; 6B_693/2020 du 18 janvier 2021 consid. 6.3 ; 6B_123/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.2.2 ; 6B_222/2020 du 10 juin 2020 consid. 4.2).

5.1.3. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Cette norme requiert uniquement une absence de pronostic défavorable, et pas un pronostic favorable (ATF 134 IV 97 consid. 6.3.4.2 ; 134 IV 1 consid. 4.2.2 et 4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_935/2022 du 16 juin 2023 consid. 3.1). La durée du délai d'épreuve se détermine quant à elle sur la base de la probabilité de récidive au vu notamment de la personnalité du condamné (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1040/2022 du 23 août 2023 consid. 4.4.1 ; 6B_1227/2015 du 29 juillet 2016 consid. 1.2.1).

5.2. Selon l'art. 391 al. 1 let. b CPP, l'autorité d'appel n'est pas liée par les conclusions des parties, sauf lorsqu'elle statue sur une action civile. Selon le second alinéa du même article, elle ne peut toutefois modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si l'appel a été interjeté uniquement en sa faveur, sous réserve de faits nouveaux ne pouvant être connus du tribunal de première instance.

Selon la lettre de cette norme, il suffit donc qu'un appel ou un appel joint ait été déposé à l'encontre d'un jugement de première instance pour que le ou les objet(s) qu'il vise puisse(nt) être librement examiné(s) par la juridiction d'appel, ce qui est cohérent avec le principe de détermination du cadre du litige d'appel à l'aune des conclusions des parties selon l'art. 404 al. 1 CPP (ATF 148 IV 89 consid. 4.3 ;
147 IV 167 consid. 1.2 ; 144 IV 383 consid. 1.1). Les différents objets possibles d'un tel litige sont listés à l'art. 399 al. 4 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_68/2022, du 23 janvier 2023 consid. 5.1 ; 6B_1385/2019 du 27 février 2020 consid. 5.2.2 ; 6B_461/2018 du 24 janvier 2019 consid. 8.2 ; 6B_548/2011 du 14 mai 2012 consid. 3). En présence d'un appel ou d'un appel joint d'une autre partie qu'un prévenu visant l'un de ses objets, l'interdiction de la reformatio in pejus ne trouve partant plus application à son égard, l'autorité d'appel n'étant pas liée pas les conclusions des parties stricto sensu (dans le même sens : ATF 148 IV 89 consid. 4.3 [qui fait référence à l'art. 399 al. 4 CPP] ; S. KELLER, Basler Kommentar StPO, 3ème éd. 2023, n. 4 ad art. 391 CPP ; R. CALAME, Commentaire romand CPP, 2ème éd. 2019 n. 3 ad art. 391 CPP). Cela vaut d'autant plus que, dans le cas contraire, un prévenu serait avantagé lorsque, comme en l'espèce, l'accusation dépose un appel joint en soutien à celui d'une partie plaignante et conclut à une peine déterminée, par rapport à la situation où seule cette dernière fait appel sur la culpabilité et où la juridiction saisie est, en cas d'admission de l'appel, libre de fixer la peine dans le cadre de la loi (ATF 139 IV 84 consid. 1.2).

5.3. En l'espèce, la culpabilité de l'intimé est importante. Il a profité de la situation et les conséquences de son acte sur la victime ont été importantes, l'appelante ayant de ce fait souffert d'un épisode dépressif sévère. En outre, il a fait preuve d'une volonté criminelle marquée pour parvenir à ses fins, dans la mesure où elle lui avait clairement indiqué ne pas souhaiter se retrouver seule en sa compagnie, et en particulier ne pas vouloir rentrer avec lui à son domicile. Son mobile de satisfaction sexuelle était purement égoïste.

Sa situation personnelle ne permet pas de comprendre son acte. Sa prise de conscience est nulle. Au cours de la procédure, il n'a d'ailleurs pas hésité à faire passer la plaignante pour une mythomane ayant des troubles psychiques et à déposer plainte contre elle pour diffamation, ce qui laisse entendre qu'il n'a aucunement réalisé la gravité de son acte ni l'importance de ses répercussions néfastes sur sa victime. Enfin, il a déjà été condamné pour des lésions corporelles simples commises à réitérées reprises à l'encontre d'une ex-partenaire.

Au vu de ce qui précède, une peine privative de liberté de trois ans apparaît adéquate au vu de la volonté criminelle de l'intimé et de son absence de résipiscence.

L'antécédent n'est pas spécifique et il n'existe pas d'autre élément permettant de conclure avec suffisamment de certitude à un pronostic défavorable. En conséquence, il se justifie de limiter la partie ferme de la peine à six mois et de le mettre au bénéfice du sursis pour le solde de celle-ci. Au vu de sa prise de conscience inexistante, la durée de ce sursis sera fixée à quatre ans.

En conclusion, l'intimé sera condamné à une peine privative de liberté de trois ans, dont six mois ferme et 30 mois avec sursis durant quatre ans.

6. 6.1. Selon l'art. 41 du Code des obligations (CO), la personne qui commet un acte illicite, intentionnellement ou par négligence, doit réparer le préjudice, dommage ou tort moral, en relation de causalité naturelle et adéquate avec son acte illicite. En cas de condamnation pénale, les conditions de l'acte illicite et de la faute doivent en principe être considérées comme remplies si la partie plaignante faisant valoir des prétentions civiles est lésée par celle-ci (AARP/392/2023 du 20 octobre 2023 consid. 8.1.2 ; en ce sens également : ATF 133 III 323 consid. 5.2.3).

Le tort moral se définit comme une compensation de la grave souffrance de nature non-pécuniaire liée à une atteinte ; cette compensation a en principe lieu par le biais d'une somme d'argent dont le montant se détermine en équité en tenant compte avant tout de la gravité objective de la lésion (1), de la gravité des souffrances consécutives à l'atteinte subie par la victime (2), de la culpabilité de l'auteur (3) et d'une éventuelle faute concomitante de la victime (4) (ATF 146 IV 231 consid. 2.3.1 ; 141 III 97 consid. 11.2 ; 132 II 117 consid. 2.2.2). En cas de viol consommé sur un adulte il se justifie en principe de lui octroyer une indemnité située entre CHF 15'000.- et CHF 75'000.- à titre de réparation de son tort moral (ATF 125 IV 199 consid. 6 (CHF 75'000.-) ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid. 8.4 et 8.5 (CHF 15'000.-) ; AARP/136/2022 du 2 mai 2022 consid. 9.1.3 (CHF 15'000.-) ; AARP/138/2021 du 25 mai 2021 consid. 7.1.3 (CHF 20'000.-) ; AARP/35/2020 du 17 janvier 2020 consid. 2.3 (CHF 40'000.-).

Une créance en dommages-intérêts porte intérêts compensatoires à 5% l'an
(ATF 131 III 12 consid. 9.1 et 9.5 ; 122 III 53 consid. 4a et 4b ; 121 III 176 consid. 5a).

6.2. En l'occurrence, il ressort des déclarations de la Dresse N______ et de la psychologue O______ que l'appelante a subi des troubles psychiques du fait de l'infraction dont elle a été victime, et en particulier de perturbations de son sommeil et d'un épisode dépressif sévère ayant nécessité la prescription d'antidépresseurs. Ces troubles ont eu un impact notable sur sa vie sociale, ils ont sans aucun doute contribué à son échec scolaire. La gravité objective de l'atteinte subie est de plus importante. Il en va de même de la culpabilité de l'auteur, comme développé plus haut. Il convient en outre de prendre en compte, d'une part, l'absence de tout remord de l'intimé et le fait que celui-ci a tenté de la faire passer pour une menteuse, ce qui était de nature à accroître sa souffrance, et, d'autre part, le fait qu'il n'a agi qu'à une seule reprise et sans cruauté au sens légal du terme, ce qui distingue clairement le cas d'espèce de ceux ayant donné lieu à l'octroi des indemnisations les plus élevées.

Dans ce contexte, l'octroi d'une indemnité de CHF 15'000.- pour tort moral apparaît adéquate. Cette somme portera intérêts compensatoires à 5% l'an dès le lendemain de la naissance de cette créance, soit dès le 27 octobre 2019.

7. 7.1.1. Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. Selon l'art. 426 al. 3 let. a CPP, le prévenu ne supporte pas les frais que le canton a occasionnés par des actes de procédure inutiles ou erronés. Seuls les actes d'emblée objectivement inutiles sont visés par cette disposition (arrêts du Tribunal fédéral 6B_780/2022 du 1er mai 2023 consid. 5.4 ; 6B_1321/2022 du 14 mars 2023 consid. 2.1). Selon l'art. 428 al. 3 CPP, si l'autorité d'appel rend une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure.

7.1.2. Selon l'art. 428 al. 1, première phrase, CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé ; pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_182/2022 du 25 janvier 2023 consid. 5.1 ; 6B_143/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.1 et 11.2). Seul le résultat de la procédure d'appel elle-même est déterminant (ATF 142 IV 163 consid. 3.2.1).

7.2.1. Eu égard aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, aucun acte des autorités pénales ne peut être qualifié de superflu. Il n'existe donc pas de motif de s'écarter de la règle générale de l'art. 426 al. 1 CPP.

Il s'ensuit que l'intimé sera condamné à payer à l'État CHF 3'525.- au titre des frais de la procédure préliminaire et de première instance.

7.2.2. En ce qui concerne la procédure d'appel, l'appelant joint l'emporte sur l'ensemble de ses conclusions et l'appelante sur l'essentiel de celles-ci. L'intimé est néanmoins acquitté du chef de vol.

Dans ces circonstances 5/6èmes des frais de la procédure d'appel, lesquels s'élèvent à CHF 2'485.-, y compris un émolument de jugement de CHF 2'000.-, seront mis à charge de l'intimé et 1/6ème à charge de l'appelante.

8. 8.1.1. La question de l'indemnisation doit être tranchée après celle des frais. Dans cette mesure, la question du règlement des frais préjuge de celle de l'indemnisation (ATF 147 IV 47 consid. 4.1 ; 145 IV 94 consid. 2.3.2 ; 144 IV 207 consid. 1.8.2).

L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que s'il est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

L'État ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail, et donc les honoraires, étaient ainsi justifiés (ATF 142 IV 45 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.1). L'État doit en principe indemniser la totalité des frais de défense, ceux-ci devant toutefois demeurer raisonnables compte tenu de la complexité et de la difficulté de l'affaire (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.2). L'indemnité doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule ; l'État n'est pas lié par une convention d'honoraires passée entre le prévenu et son avocat (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.2). La Cour de justice applique un tarif horaire maximal de CHF 450.- pour les chefs d'étude (AARP/230/2023 du 5 juillet 2023 consid. 5.1 ; AARP/182/2023 du 31 mai 2023 consid. 7.1.2) et de CHF 150.- pour les avocats-stagiaires (AARP/202/2023 du 19 juin 2023 consid. 7.1.2 ; AARP/177/2023 du 25 mai 2023 consid. 7.1). Ces montants s'entendent hors TVA ; ainsi, lorsqu'un avocat facture à son mandant des prestations aux tarifs maximaux susmentionnés hors TVA, celle-ci doit être ajoutée en sus, pour autant que lesdites prestations y soient effectivement assujetties (AARP/383/2023 du 3 novembre 2023 consid. 8.1).

8.1.2. L'art. 429 al. 3 CPP, entré en vigueur au 1er janvier 2024 prévoit que, lorsque le prévenu a chargé un défenseur privé de sa défense, celui-ci a un droit exclusif à l'indemnité prévue à l'al. 1, let. a, sous réserve de règlement de compte.

Le législateur fédéral n'a pas prévu de règle transitoire spécifique lors de la récente révision du CPP. Selon les principes généraux du droit, le droit applicable à une situation factuelle est, sauf règle spéciale, celui qui est en vigueur au moment où les faits juridiquement pertinents se sont produits (ATF 149 II 109 consid. 7.1 ;
148 II 444 consid. 3.2 ; 148 V 162 consid. 3.2.1 ; 148 V 21 consid. 5.3). Cette règle se retrouve d'ailleurs à l'art. 453 al. 1 CPP s'agissant des voies de droit pénales ("Rechtsmittelverfahren"), sans qu'il soit nécessaire de déterminer si cette règle se limite ou non à l'entrée en vigueur du CPP en tant que tel. Il serait par ailleurs inopportun que l'autorité supérieure modifie une décision de première instance relative à une indemnité qui était conforme au droit au moment où elle a été rendue, uniquement du fait que l'appel est tranché postérieurement au 1er janvier 2024.

Il s'ensuit que l'art. 429 al. 3 CPP n'est pas applicable à toutes les procédures d'appel qui, comme celle de la présente cause, ont été introduites avant cette date.

8.2.1. L'intimé a été acquitté du chef de vol. À ce titre, il fait valoir un total de 30 heures et 45 minutes d'activité d'avocat-stagiaire et de 21 heures d'activité de chef d'étude en lien avec la procédure de première instance. Ce total se compose de 28h15 de travail sur le fond du dossier ainsi que de présence en audience et de deux heures et 30 minutes de communications diverses pour l'avocat-stagiaire, respectivement de 14 heures et cinq minutes et 25 minutes des mêmes activités pour le chef d'étude.

Contrairement à ce qu'a retenu l'autorité précédente, l'ensemble du travail de l'avocat-stagiaire apparaît adéquat au vu de la complexité, moyenne, de la cause et étant tenu compte de sa moindre expérience, ce qui se reflète dans son taux horaire. Eu égard en revanche à l'activité du chef d'étude, la durée facturée apparaît excessive dans la mesure où sa tâche a avant tout consisté à encadrer son stagiaire et à représenter son mandant à l'audience sur la base d'une préparation du précité. À ce titre, un total de dix heures de travail apparaît suffisant.

Il convient donc de se fonder sur un montant de CHF 9'814.20, soit CHF 4'967.70 (30.75 x CHF 161.55 {TVA comprise}) + CHF 4'846.50 (10 x CHF 484.65 {TVA comprise}), et de le réduire de 5/6èmes pour tenir compte de la condamnation de l'intimé. Partant, l'État sera condamné au paiement d'une indemnité de CHF 1'635.70 sur le fondement de l'art. 429 al. 1 let. a CPP en lien avec les frais de défense en procédure préliminaire et de première instance de l'intimé, ainsi qu'avec son acquittement partiel.

8.2.2. L'intimé fait valoir un total de deux heures et 45 minutes d'activité de chef d'étude et trois heures et 40 minutes d'activité d'avocat-stagiaire en lien avec la procédure d'appel, cela hors débats d'une durée de quatre heures et 40 minutes où il a été représenté par un avocat chef d'étude. Ces durées apparaissent adéquate à l'aune d'une défense efficace d'un prévenu accusé d'une grave infraction sexuelle et de la complexité des faits.

Partant, il convient de se fonder sur un montant de CHF 4'226.20, soit CHF 3'634.90 (7.5 x CHF 484.65) + CHF 591.30 (3.66 x 161.55), et de le réduire de 5/6èmes pour tenir compte de sa condamnation. L'État sera ainsi condamné au paiement d'une indemnité de CHF 704.40 en lien avec les frais de défense de l'intimé en appel.

8.2.3. Les indemnités de CHF 1'635.70 et CHF 704.40 octroyées à l'intimé seront compensées avec la créance de l'État envers celui-ci en lien avec les frais de procédure (cf. art. 442 al. 4 CPP ; ATF 143 IV 293 consid. 1).

9. 9.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise aux juridictions genevoises, le règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ) s'applique. L'art. 16 al. 1 RAJ prescrit que le tarif horaire est de CHF 150.- pour un avocat collaborateur. Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues ; elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1113/2022 du 12 septembre 2023 consid. 2.1 ; 6B_1362/2021 du 26 janvier 2023 consid. 3.1.1 [considérant non-publié à l'ATF 149 IV 91]). L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 10% au-delà de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (AARP/255/2023 du 24 juillet 2023 consid. 12.1 ; AARP/207/2023 du 21 juin 2023 consid. 9.1). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au Palais de justice s'élève à CHF 75.- pour un avocat collaborateur (AARP/371/2023 du 27 octobre 2023 consid. 8.3 ; AARP/291/2023 du 18 août 2023 consid. 12.3).

9.2. L'activité de l'avocate de l'appelante en procédure d'appel apparaît adéquate, sous réserve des 18 heures et 30 minutes de travail sur le fond du dossier qui sont excessives et seront en conséquence réduites à dix heures pour tenir compte de la complexité moyenne de la cause mais aussi de la bonne connaissance qu'en avait la collaboratrice en charge du dossier après la procédure de première instance.

En conclusion, la rémunération de MB______ sera arrêtée à CHF 3'041.35, correspondant à 16 heures et 40 minutes d'activité au tarif de CHF 150.-/heure (CHF 2'499.-) plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 249.90), la vacation au Palais de CHF 75.- et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 217.45).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ et l'appel joint formé par le Ministère public contre le jugement JTCO/67/2023 rendu le 6 juin 2023 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/2921/2022.

Admet partiellement l'appel et entièrement l'appel joint.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte C______ de vol (art. 139 ch. 1 CP).

Déclare C______ coupable d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP).

Condamne C______ à une peine privative de liberté de trois ans.

Dit que la peine est prononcée ferme pour une durée de six mois, met pour le surplus (30 mois) C______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à quatre ans.

Avertit C______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Condamne C______ à payer à A______ CHF 15'000.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 27 octobre 2019, à titre de réparation de son tort moral (art. 49 CO).

Condamne C______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance qui s'élèvent à CHF 3'525.-.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'485.-, y compris un émolument de jugement de CHF 2'000.-, met 5/6èmes de ceux-ci à la charge de C______ et 1/6ème à charge de A______.

Condamne l'État de Genève à verser à C______ CHF 1'635.70 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en procédure préliminaire et de première instance.

Condamne l'État de Genève à verser à C______ CHF 704.40 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en procédure d'appel.

Compense à due concurrence la créance de l'État portant sur les frais de la procédure avec ces indemnités.

Prend acte de ce que l'indemnité procédure due à MB______, conseil juridique gratuit, a été arrêtée à CHF 6'305.85, TVA comprise, pour la procédure préliminaire et de première instance.

Fixe à CHF 3'041.35, TVA comprise, l'indemnité due à MB______ pour ses frais et honoraires en procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

3'525.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

220.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

190.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'485.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

6'010.00