Décisions | Tribunal pénal
JTDP/559/2023 du 11.05.2023 ( PENAL ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |
pouvoir judiciaire | ||
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE POLICE
Chambre 24
|
MINISTÈRE PUBLIC
A______, domiciliée ______[GE], partie plaignante
B______ SA, domiciliée ______[GE], partie plaignante, assistée de Me C______ et Me D______
contre
Madame E______, née le ______1965, domiciliée ______[GE], prévenue, assistée de Me F______
Monsieur G______, né le ______1951, domicilié ______[PARKISTAN], H______, prévenu, assisté de Me I______
CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :
Le Ministère public requiert et conclut à un verdict de culpabilité à l'encontre des prévenus pour toutes les infractions mentionnées dans l'acte d'accusation, à ce que G______ soit condamné à une peine privative de liberté de 24 mois, dont 12 fermes et 12 mois avec sursis pendant 2 ans, à ce que de E______ soit condamnée à une peine privative de liberté de 18 mois avec sursis complet. Il conclut à ce que les frais de la procédure soient mis à la charge des prévenus à raison d'une moitié chacun et à ce qu'il soit fait bon accueil aux conclusions civiles de la partie plaignante.
B______ SA (anciennement J______ SA, ci-après : K______), par la voix de son Conseil, conclut à un verdict de culpabilité s'agissant des deux prévenus et à ce que ses conclusions civiles du 6 février 2023 soient acceptées dans leur intégralité.
G______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement de toutes les charges visées dans l'acte d'accusation, au rejet de la partie plaignante de toutes les conclusions, à ce qu'une indemnité lui soit octroyée conformément aux conclusions déposées à l'audience de jugement et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat.
E______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement de tous les chefs d'accusation visés dans l'acte d'accusation, au déboutement de la partie plaignante de toutes ses conclusions, à ce qu'une indemnité lui soit octroyée conformément aux conclusions déposées à l'audience de jugement et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat.
A. Par acte d'accusation du 25 février 2022, étant précisé que les transactions afférentes à chaque navire sont détaillées dans ce document, de même que les attestations de stockage arguées de faux, il est en substance reproché à G______ et E______, en qualité de coauteurs et animateurs de la société L______ Ltd, ______, succursale de Genève (ci-après : M______), d'avoir, à Genève, entre le début de l'année 2004 et le ______ 2006 :
a. disposé sans droit de plusieurs milliers de tonnes métriques de riz en libérant et/ou en vendant la marchandise en faveur de M______ ou de créanciers tiers, puis employé à son profit ou au profit de tiers la contrevaleur obtenue de la cession et/ou de la vente de cette marchandise, qui devait exclusivement servir à rembourser les crédits transactionnels accordés respectivement par N______ AG, BV_____ et K______, marchandise transportée sur les navires M/V O______, M/V P______, M/V Q______, M/V R______, M/V S______, M/V T______, M/V U______, M/V V______, M/V W______ et M/V X______,
faits qualifiés d'abus de confiance au sens de l'art. 138 CP ;
b.a. falsifié les attestations suivantes, remises à N______ AG et selon lesquelles les sociétés, dont émanaient ces documents, affirmaient avoir réceptionné et pris en charge pour le compte exclusif de la banque susmentionnée des quantités considérables de riz :
- par photomontage de la signature et du timbre de la société, deux attestations datées des 16 juin 2004 et 20 décembre 2004, émanant supposément de la société Y______ SA et en lien avec la cargaison transportée sur le navire M/V O______,
- une attestation du 28 juin 2004, émanant supposément de la société Z______ Sàrl (ci-après : AA_____) et en lien avec la cargaison transportée sur le navire MV R______,
- quatre attestations des 16 juin 2004 et 9 mars 2005, émanant supposément de la société AB_____ en lien avec les cargaisons transportées sur les navires M/V Q______ et MV S______ ;
b.b. falsifié par photomontage de la signature, une attestation du 5 octobre 2005, émanant supposément de la société Y______ SA et remises à la BV_____, à teneur de laquelle Y______ SA affirmait avoir réceptionné et pris en charge pour le compte exclusif de la banque susmentionnée des quantités considérables de riz, en lien avec la cargaison transportée sur le navire M/V T______ ;
b.c. dans le cadre des travaux de révision des comptes au 30 septembre 2004 de M______, falsifié par photomontage, des attestations des 8, 9 et 21 décembre 2004 émanant des sociétés AC_____ SA, AD_____ SA et Y______ SA, remises à la société de révision AE_____ SA (ci-après : AE_____ SA ou le réviseur), selon lesquelles ces sociétés affirmaient détenir des quantités considérables de riz pour le compte de M______ ;
b.d. dans le cadre du bouclement des comptes au 30 septembre 2004 de M______, utilisé les fausses attestations de stocks visées sous b.a à b.c, augmentant ainsi de manière artificielle le stock inscrit à l'actif du bilan et faussant de la sorte le total du bilan,
faits qualifiés de faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP ;
c.a. induit astucieusement en erreur N______ AG, en remettant à la banque des connaissements en lien avec les cargaisons de riz transportées sur les navires M/V Q______ M/V R______ et M/V S______, afin d'obtenir de N______ AG le financement de milliers de tonnes métriques de riz, notamment par l'émission de lettres de crédit, faisant ainsi faussement croire à la précitée que ces financements étaient garantis par la marchandise, alors que la totalité desdites cargaisons avait déjà été relâchée, soit remise à des tierces personnes sur instructions des prévenus ;
c.b. induit astucieusement en erreur K______, en l'amenant à octroyer à M______ des facilités sur la base d'un examen des comptes de la société aux 30 septembre 2003 et au 30 juin 2004, qui ne reflétaient pas la réalité, dans la mesure où chacun des coaccusés avait falsifié les bilans, en confectionnant de fausses attestations de stock, afin d'améliorer fictivement la situation financière de M______, en particulier en augmentant artificiellement les stocks, ce qui améliorait le bilan de la société. Ces facilités n'auraient jamais été consenties si K______ avait eu connaissance des comptes exacts de M______,
faits qualifiés d'escroquerie au sens de l'art. 146 CP ;
d. causé la faillite de M______, qui a été dissoute par suite de faillite prononcée par le Tribunal de première instance de Genève le ______ 2006, de la manière suivante :
- en diversifiant les activités de la société dans des domaines tels que les autres grains, le ciment et les minéraux, et en particulier dans le domaine hautement conjoncturel de l'affrètement maritime, en procédant dès le 2ème semestre 2004 à des opérations hautement spéculatives, en particulier sur le marché du fret maritime,
- en augmentant les risques et le nombre des employés, générant ainsi une forte augmentation des dépenses, notamment de la masse salariale,
- en procédant à d'importantes rénovations des locaux de la société,
- en falsifiant les comptes au 30 septembre 2004 pour améliorer frauduleusement la situation financière de la société M______ en particulier en augmentant fictivement les stocks,
- gérant mal et de manière fautive la croissance de M______,
- en recourant massivement à l'emprunt, notamment le crédit fournisseur qui a progressé d'USD 5'172'959.- à USD 9'985'318.- entre le 30 septembre 2004 et le 30 septembre 2005, mais surtout auprès des banques, en l'occurrence la BV_____, N______ AG, K______, et AF_____ SA (ci-après : AG_____), dont la somme totale des crédits accordés a augmenté d'USD 29'624'062.- à USD 41'871'161.- aux mêmes dates,
- multipliant les opérations de négoce en faisant appel à plusieurs banques pour les financer, notamment auprès du K______ au début 2005,
- en falsifiant des attestations de sociétés-tierces pour pouvoir continuer les activités de négoce de M______ sans devoir rembourser les banques créditrices,
- en ne respectant pas les engagements contractuels de M______ auprès des banques, notamment en disposant, sans droit, des marchandises remises en nantissement,
- en induisant astucieusement en erreur les banques, soit N______ AG et K______, tel que décrits sous les rubriques c.a et c.b, afin de déterminer les banques à octroyer des crédits, malgré la situation financière obérée de M______,
- en générant un phénomène de « cavalerie » entre les différents crédits obtenus auprès des diverses banques et certains fournisseurs,
- en provoquant ainsi l'aggravation du surendettement puis l'insolvabilité de M______, les coaccusés n'ayant avisé les banques du surendettement de la société qu'en octobre 2005 alors que celui-ci est intervenu au plus tard en septembre 2005, ce qui a conduit à la falsification des documents afin de « gonfler » le montant des stocks et d'augmenter de manière fictive les actifs de la société,
faits qualifiés de gestion fautive au sens de l'art. 165 CP.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
I. Plaintes pénales et contexte procédural
a.a. Le 22 mai 2007, K______ a déposé plainte pénale contre M______, ses administrateurs et contre inconnu, notamment pour faux dans les titres, escroquerie, abus de confiance et gestion fautive, après avoir découvert que, tout au long de l'année 2006, M______ avait utilisé différentes méthodes, notamment l'usage de faux documents, pour obtenir des crédits et disposer indument de la marchandise financée par ses soins, précisant qu'au moins 22'000 tm de riz financées par la banque, pour un total d'USD 6'767'832.-, avaient disparu (pièces 10'000ss).
Suite à cette plainte, le Procureur général a ouvert le 25 mai 2007 une information pénale et a envoyé la procédure au Juge d'instruction qui a effectué des perquisitions et envoyé, le 2 août 2007, des ordonnances de saisies conservatoires à diverses banques, sises à Genève, dont N______ AG et la BV_____ (pièces 10'000ss, 20'012ss).
a.b. Le 16 août 2007, N______ AG s'est constituée partie plaignante dans le cadre de la présente procédure et a remis les documents requis par le Juge d'instruction (pièces 14'000ss). N______ AG a notamment expliqué que M______ avait obtenu des financements de la banque sur la base d'affirmations mensongères et d'une fausse documentation, et avait disposé sans droit de la marchandise garantissant les crédits octroyés par la banque dans le cadre de plusieurs opérations de trading de riz. N______ AG a fait valoir un dommage d'USD 6'950'408.- (pièces 14'000ss et 67'068).
a.c. La BV_____ en a fait de même le 10 octobre 2007, expliquant en substance que certains financements octroyés à M______ l'avaient été sur la base de documents comptables ne correspondant pas à la réalité, induisant en erreur la BV_____, et que M______ avait disposé, sans droit, de la marchandise nantie en faveur de la banque dans le cadre de certaines opérations de trading de riz. La BV_____ a fait valoir un dommage d'USD 5'667'273.67 (pièces 18'000ss et 67'046).
a.d. A la suite de l'enquête menée devant le Juge d'instruction, puis devant le Ministère public, le Procureur en charge du dossier a établi le 15 août 2013 un acte d'accusation à l'encontre de G______ et E______, lequel a été renvoyé le 20 août 2014 par le Tribunal correctionnel pour complément.
Le Ministère public a dès lors rendu le 14 octobre 2014 un nouvel acte d'accusation et renvoyé la procédure devant le Tribunal correctionnel.
a.e. Le 27 février 2015, le Tribunal correctionnel a rendu un jugement (JTCO/30/2015) qui a fait l'objet d'un appel de la part de G______ et de E______, lequel a été rejeté par arrêt (AARP/29/2016) de la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR) du 22 janvier 2016 (pièces 700'000ss).
Lors de l'audience en appel des 23 et 24 novembre 2015, la CPAR a écarté un chargé de pièces déposé par le Conseil de E______, un document intitulé « Notes de plaidoirie sur conclusions civiles » déposé par Me AH_____ le 20 novembre 2015, auquel était annexé un chargé de pièces composé de deux classeurs, et deux expertises privées établies le 20 novembre 2015 par AI_____ SA, à la demande du Conseil de E______, et par AJ_____ SA, à la demande du Conseil de G______. Elle a également rejeté la demande de traduction de certaines pièces, de réquisitions de preuve ainsi que la demande d'enregistrement des débats (pièces 700'000ss).
a.f. Par arrêt du 21 mars 2017 (6B_259/2016 et 6B_266/2016), le Tribunal fédéral a partiellement admis les recours déposés par G______ et E______, annulant l'arrêt de la CPAR et renvoyant la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle instruction et décision. En substance, le Tribunal fédéral a considéré que le refus de la CPAR de verser à la procédure les expertises privées et le curriculum vitae de l'expert privé constituaient une violation du droit d'être entendu, de même que le refus des réquisitions de preuve formulées en lien avec l'audition de témoins et la production de certaines pièces, décisions qui étaient aussi entachées d'arbitraire. Il a également retenu que le refus de la CPAR de verser les notes de plaidoirie des Conseils des précités violait le droit à un procès équitable et le principe d'égalité des armes. Le Tribunal fédéral a, vu l'admission des recours, enjoint l'autorité précédente à réexaminer la question de la traduction de certaines pièces en français. Il a enfin constaté que, d'après la Feuille officielle suisse du commerce, N______ AG avait procédé à un transfert de patrimoine en faveur d'AK_____ SA, ne précisant toutefois pas si ce transfert portait également sur les droits en lien avec la présente procédure. Dans cette mesure, le Tribunal fédéral ne considérait pas que AK_____ SA puisse se substituer dans le cadre de la présente procédure à N______ AG (pièces 701'162ss).
a.g. Par arrêt du 26 juin 2017 (AARP/218/2017), la CPAR a annulé le jugement du Tribunal correctionnel du 27 février 2015 et renvoyé la cause devant le Ministère public pour nouvelle instruction dans le sens des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral et pour décision sur la qualité de partie plaignante de N______ AG suite au constat du Tribunal fédéral en la matière (pièces 702'060ss).
La CPAR a réservé la question de la traduction de certaines pièces essentielles de la procédure et a versé à la procédure les rapports d'expertise privée de AI_____ SA et de AJ_____ SA, un chargé de pièces, les notes de plaidoirie susvisées, lesquelles exprimaient en substance les griefs formulés par G______ à l'égard du jugement rendu par le Tribunal correctionnel le 27 février 2015, ainsi que les deux classeurs de pièces y afférentes. A teneur de ces notes de plaidoirie, G______ a notamment conclu à l'annulation du jugement du Tribunal correctionnel, à son acquittement de l'ensemble des charges retenues à son encontre, au déboutement des conclusions civiles des parties plaignantes, à la levée du séquestre en relation avec les avoirs de AL_____ Ltd, et à l'octroi d'une indemnité pour ses frais de défense (pièces 702'060ss).
a.h. Entre le 12 octobre 2017 et le 23 juin 2021, le Ministère public a effectué divers actes d'enquête, lesquels seront repris ci-après sous point IX.
a.i. Suite aux recours formés par G______ et E______ devant la Chambre pénale des recours (ci-après : CPR) contre l'ordonnance du 30 avril 2018, par laquelle le Ministère public a confirmé la qualité de partie plaignante de N______ AG, la CPR a, par arrêt du 5 novembre 2018 (ACPR/633/2018), admis les recours, annulé l'ordonnance attaquée et rejeté la constitution de partie plaignante de N______ AG (pièces 703'115ss).
a.j. Le 25 février 2022, le Ministère public a établi un nouvel acte d'accusation à l'encontre de G______ et E______ et renvoyé la procédure devant le Tribunal de police (ci-après : le Tribunal).
II. Contexte général
b.a.a. Le 27 juin 2001, M______ a été inscrite au Registre du commerce de Genève en tant que succursale d'une entreprise étrangère et détenait un capital social d'USD 6'000'000.-, entièrement libéré. Cette société était active dans le trading de matières premières et agro-alimentaires, l'achat, la vente et la souscription de titres et papiers-valeurs (pièces 40'008/09).
Depuis la constitution de la succursale, G______ en était l'administrateur président et E______ l'administratrice et la directrice. Tous deux disposaient d'une signature collective à deux (pièces 40'008/09).
Ces derniers étaient également les ayants droit économiques de M______. G______ détenait 2/3 des actions de la société. Selon le contrat de vente d'actions conclu le 8 octobre 2002 entre AM_____ et E______, cette dernière en détenait 1/3, soit 2 millions d'actions à USD 1.- l'action, avant de les revendre à AM_____ le 22 décembre 2003 (pièces 1 et 2 du bordereau de pièces de Me F______ du 14 février 2023). A cet égard, AM_____ s'engageait à payer le prix de vente par l'abandon d'une créance d'USD 2'000'000.- qu'elle détenait contre E______ et par le règlement d'USD 1'000'000.-, à raison d'USD 150'745.44 à M______ au 30 juin 2004 au plus tard, d'USD 427'627.28, puis d'USD 424'627.28 à E______ respectivement aux 6 décembre 2004 et 30 avril 2005 au plus tard (pièce 2 du bordereau de pièces de Me F______ du 14 février 2023).
G______ avait l'intention d'acquérir la totalité du capital social de la société. Devant le Juge d'instruction, ce dernier a articulé le montant d'USD 9'000'000.- pour le rachat des actions de E______, avant de le corriger à USD 2'800'000.-, et a déclaré avoir pu verser environ USD 150'000.- à la précitée à ce titre (pièces 50'014/015, 50'028).
Du 27 juin 2001 au 21 septembre 2006, AN_____ et AO_____ disposaient d'une procuration collective à deux avec E______, limitée aux affaires de la succursale. AP_____ disposait d'une procuration identique du 27 juin 2001 au 17 janvier 2006 (pièce 40'008/09).
La faillite de M______ a été prononcée le ______2006 par le Tribunal de première instance de Genève. L'état de collocation, établi par l'Office des faillites le ______2007, présentait un passif de M______ totalisant CHF 32'898'974.17, dont une créance en faveur de K______ de CHF 7'778'241.40, colloquée en 3ème classe (pièces 40'008/09, 63'056ss).
b.a.b. Sous le volet bancaire, M______ était notamment titulaire des comptes bancaires suivants :
- n°1______ ouvert auprès de K______, pour lequel AO______, AQ_____, AR_____ et G______ disposaient de la signature collective à deux, étant précisé que ce dernier était également l'ayant droit économique du compte (pièces 10'085ss) ;
- n°2______ ouvert auprès de N______ AG, pour lequel E______ et G______ disposaient de la signature collective à deux, étant précisé que le précité était également l'ayant droit économique du compte (pièces 22'045ss) ;
- n°3______ en USD, 4______ en CHF, Z 3241.82.01 en EUR auprès de la BV_____ (pièce 18'021) ;
- n°5______ en EUR et USD auprès de AS_____, sise en Belgique, (devenue AT_____) engagé par les signatures de G______ et E______, du 7 juillet 2000 au 22 juin 2006 (pièces 28'034).
b.b.a. AU_____ SA (ci-après : AV_____) était une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève le 6 janvier 2004 et déployant une activité de services dans le domaine maritime (pièce 40'014).
AW_____ en était l'administratrice avec signature individuelle, tandis que G______ en était l'ayant droit économique, étant précisé que devant le Juge d'instruction, il a nuancé ses propos en expliquant n'être que l'ayant droit économique du compte bancaire d'AV_____ (pièces 40'014, 40'085, 50'373).
La société a été dissoute par suite de faillite le ______2007 (pièce 40'014).
b.b.b. Pour G______, cette société était au service de M______ et servait à acheter et vendre la marchandise sous un nom différent en fonction du marché (pièce 40'085). Le shipping des bateaux utilisés par M______ se faisait au nom d'AV_____, sur instruction de M______ qui finançait cette dernière (pièce 50'373). En effet, les paiements et le résultat comptable étaient intégrés aux comptes de M______ (pièce 40'085).
Selon E______, AV_____ était une société de services, basée à Genève, avec laquelle M______ avait une bonne et étroite collaboration. La société avait affrété des navires avec AV_____ de la même manière qu'avec d'autres armateurs, ce que AQ_____ et AO_____ ont confirmé (pièces 40'066, 40'106, 40'109). Les employés d'AV_____ avaient, durant une période, occupé les mêmes locaux que M______, ce qu'affirmait également AX_____ (pièces 40'066, 40'350).
Aux dires de AW_____, employée de M______ en qualité de "shipping coordinator" de 2002 à 2004, puis d'AV_____ de 2004 à 2006, AV_____ avait été créée par G______ qui souhaitait différencier l'activité de trading du transport en lien avec cette activité. Les actions qu'elle détenait de la société ne lui appartenaient pas, un contrat de fiducie ayant été conclu à cet égard devant notaire. Celles-ci étaient conservées chez M______ et devaient appartenir à G______. La comptabilité de la société était gérée par M______ qui payait également les charges courantes d'AV_____. Par ailleurs, elle avait reçu pour instruction de ne pas révéler l'appartenance d'AV_____ à M______ (pièces 40'133 et 40'314).
Pour AY_____, négociant de 1999 à début 2006 chez M______, G______ était tant l'animateur de M______ que d'AV_____. La séparation entre ses différentes sociétés n'était pas claire (pièces 50'388/389).
b.c. G______ était également l'ayant droit économique d'un compte bancaire au nom d'AZ_____ Ltd, qui était une société, sans employé, intervenant en tant qu'affréteur, uniquement au service de M______. BA_____ en était l'actionnaire et le directeur. En revanche, l'activité et le produit de l'activité appartenaient à M______. En effet, une partie des profits revenait à cette dernière qui avait financé les activités de shipping d'AZ_____ Ltd (pièces 40'085, 50'130ss). En revanche, selon un compte-rendu de visite de K______ du 26 août 2005, G______ n'avait pas avisé la banque de ses liens avec AZ_____ Ltd, indiquant lors d'une visite à la banque qu'il connaissait de longue date l'animateur de cette société, qu'il l'avait utilisée pour l'affrètement de navires à de nombreuses reprises, mais qu'il n'avait aucune participation ni directe, ni indirecte dans celle-ci (pièce 84'296).
b.d. Par ailleurs, E______ était l'ayant droit économique des avoirs détenus par la société AL_____ Ltd sur un compte bancaire, n°6______, ouvert auprès de N______ AG (pièces 22'471ss).
Aux dires de G______, AL_____ Ltd était uniquement au service de M______, servant à acheter ou vendre la marchandise sous des noms différents en fonction du marché. Elle n'avait pas d'existence propre (pièce 40'085).
Pour E______, cette société devait être utilisée par ses soins pour des besoins personnels mais en réalité elle avait été employée dans le cadre des activités de M______ (pièces 50'186/187).
III. Rôle et position de G______ et de E______ au sein de M______
c.a. Il ressort d'une manière générale des auditions de G______ et de E______, mais aussi celles de plusieurs employés de la société et des intervenants des banques plaignantes que M______ était dirigée par G______ et E______. Les employés de la société avaient un rôle d'exécutant. G______ était notamment en charge des finances et entretenait les contacts avec les fournisseurs de matières premières et les établissements bancaires. E______ était spécialisée en matière de commerce de riz et entretenait notamment les contacts avec les acquéreurs africains.
Plus particulièrement, il ressort des diverses déclarations recueillies au cours de la procédure les éléments suivants :
Déclarations des prévenus
c.b. Aux dires de G______, il avait « créé M______ à Genève en 1994 » et proposé à E______ de le rejoindre en 1995 pour « diriger l'activité depuis Genève » et être responsable du marché africain qu'elle connaissait bien, devenant en contrepartie détentrice du tiers du capital social. « Normalement, un contrat ne pouvait être signé sans que [lui-même] ou Mme E______ en soit informé ». Il passait environ 30% de son temps dans les bureaux de Genève mais pouvait être joint par les employés si nécessaire sur son téléphone portable. Il était seul en charge des contacts avec les banques pour la négociation des lignes de crédit dont l'utilisation et l'ouverture étaient gérées par le département des finances de M______, soit pour lui AO_____. En effet, il n'était pas impliqué quotidiennement dans l'utilisation de ces lignes de crédit (pièces 40'064, 40'083ss, 50'012, 50'028).
c.c. Selon E______, à sa création, M______ comptait trois personnes, à savoir G______, elle-même et une secrétaire. L'activité de la société se concentrait uniquement sur le négoce de riz, avant que celle-ci ne se diversifie, dès 2000, et s'occupe également du négoce de sucre, de ciment, de grains, et d'acier notamment. Cette diversification avait entraîné la création de départements, notamment un département des finances et un département de trading du riz. « Chaque département avait son responsable » (pièces 40'066ss).
Au niveau organigramme, G______ chapeautait le tout, venait régulièrement à Genève, soit quelques jours par mois en moyenne, et se chargeait des décisions importantes, par téléphone en cas d'absence. Il s'occupait également, en collaboration avec le département des finances, de la négociation des lignes de crédit avec les banques. Il « était en quelque sorte le directeur général et supervisait l'ensemble de l'activité de M______ ». Pour sa part, même si elle était directrice et administratrice de la société, alors que celle-ci ne comptait que trois personnes, et qu'elle occupait encore ces fonctions au moment de la diversification de M______, elle n'était en définitive en charge que du trading du riz, incluant la négociation du prix de la marchandise avec les vendeurs. En effet, G______ était impliqué dans la stratégie globale et ne rentrait pas « forcément dans le détail ou la décision de chaque achat ».
Elle n'avait pas de contact avec les banques et ne dialoguait pas avec ces dernières, de même qu'elle n'avait pas de vision globale de M______ et ne s'occupait pas de la trésorerie de la société. En effet, elle avait un rôle commercial, l'aspect financier étant géré par G______ assisté du département des finances, soit notamment par AO_____. Avant de conclure un contrat, elle demandait à cette dernière si la prise de position pouvait être conciliable du point de vue financier. En résumé, elle n'était pas impliquée dans la bonne marche des affaires de M______ sur un plan financier (pièces 40'066ss, 50'013, 50'034, 50'062ss, 50'086, 50'136).
Déclarations des employés de M______
c.d. AO_____, employée de M______ durant neuf ans, responsable du département des finances ayant compté cinq personnes, a expliqué qu'elle avait commencé à travailler pour M______ en 1997 et qu'au début, elle s'occupait de l'exécution des contrats liés au riz. A partir de 2002, elle était en charge de la gestion et de l'utilisation des lignes de crédit (pièce 50'409).
A la police, elle a indiqué que la société était dirigée par E______, qui en avait le titre et qui chapeautait le marché du riz, lequel avait, pendant longtemps, été l'activité principale de M______. G______ dirigeait également les activités, mais plutôt à la manière d'un consultant, ce dans tous les domaines d'activité de la société. Elle-même recevait des instructions autant de l'un que de l'autre, les décisions les plus importantes étant prises conjointement par E______ et G______, avec une influence plus marquée de la part de ce dernier qui lui donnait entre autres des instructions liées aux tâches administratives. Pour faire usage de son pouvoir de signature collective à deux, AO_____ demandait systématiquement l'autorisation à l'un d'eux. G______ était présent régulièrement à Genève et les employés restaient toujours en contact téléphonique avec lui (pièce 40'109).
Devant le Juge d'instruction le 22 juillet 2009, AO_____ a précisé que G______ avait une vue générale des finances de la société et qu'elle pouvait concevoir que E______ ait eu, à un moment donné, une relative bonne vision des engagements de la société, mais pas forcément « tout le temps ». G______ et E______ discutaient très fréquemment de tout ce qui concernait la société, mais la décision finale appartenait à G______. AO_____ avait elle-même une vision des finances de la société, était en contact quasi quotidiennement avec les banques et connaissait la position de chaque compte et les en-cours (pièce 50'112).
Lors de l'audience du 15 février 2011, l'intéressée a relevé que « la fonction financière était plutôt assumée par M. G______ et, dans une moindre mesure, Mme E______ qui n'avait pas vraiment de pouvoir de décision en matière financière ». Cette tâche était en réalité assumée par G______. S'agissant du paiement des frais courants, tels que les salaires et les dépenses de fonctionnement, les décisions de payer ou non ces frais étaient prises par G______ (pièces 50'411ss).
c.e. Selon AW_____, G______ et E______ disposaient du « pouvoir décisionnel », à l'exclusion des employés, une vingtaine environ, et prenaient toutes les décisions concernant la société, rien n'étant fait « sans leur aval ». Les employés étaient « tous des exécutants » et les précités « avalisaient toutes les décisions, que ce soit en matière de clientèle, de bateaux, de chargement ou de déchargement de marchandises ». C'était « surtout » G______ qui avait le pouvoir décisionnel de choisir un bateau et de le charger, la décision de décharger revenant à E______, G______ et AO_____ (pièces 40'132, 50'102/103).
c.f. AX_____, employé de M______ de 2002 à 2006 en tant que "CMA & Logistic Manager", ayant travaillé les deux dernières années comme trader, a indiqué que la société était dirigée par G______, son supérieur direct. Les bureaux de Genève étaient également dirigés par E______ qui s'occupait exclusivement du marché du riz. L'organisation hiérarchique de la société était relativement simple, soit dirigée par G______, qui dominait une structure relativement « plate » dans laquelle E______ était directrice. En effet, cette dernière intervenait dans une moindre mesure que G______ qui dirigeait tous les aspects de M______, y compris ceux financiers de la société, se chargeant entre autres de la trésorerie, des budgets, des tableaux des flux et des relations avec les banques, assisté d'AO_____. G______ était la personne de référence, dans la mesure où les différents départements de la société rapportaient au précité, y compris par téléphone en son absence, étant précisé que le département des finances et celui du trading étaient séparés et avaient très peu de contacts (pièces 40'350, 50'392ss).
c.g. Aux dires d'AY_____, G______ était « le grand patron » et E______ son « numéro 2 » ou « bras droit ». La structure de la société était « très pyramidale », les traders rapportant pour la plupart du temps à G______, qui prenait pour l'essentiel ses décisions seul, et dans une moindre mesure, pour les activités relatives au riz et au ciment, à E______. A ses yeux, G______ était le directeur financier puisqu'il prenait toutes les décisions sensibles et était en charge de la trésorerie, assisté dans ses tâches par AO_____. En son absence, E______ s'en référait normalement à G______, sauf pour les cas évidents. Ces derniers étaient de toute façon en contact permanent. E______ était constamment à Genève, sauf lors de ses voyages d'affaires. G______ était présent en moyenne trois jours par semaine depuis 2002. Il surveillait toute l'activité et fonctionnait de manière très hiérarchique dans le sens où il voulait un contrôle et une implication personnelle dans toutes les décisions. A titre d'exemple, lorsque M______ ne parvenait pas à vendre le riz au prix fixé par G______, ce dernier décidait de modifier les conditions de vente en baissant le prix. Aucun contrat n'était signé sans l'aval de l'un des deux dirigeants. E______ pour sa part contrôlait les affaires traitées sous le régime de tierce détention et la bonne exécution des contrats (pièces 40'121ss, 50'387ss, 50'400ss).
c.h. AQ_____, employée de commerce ayant travaillé chez M______ en qualité de responsable des ressources humaines et administratives de février 2001 à fin janvier 2006, a précisé que G______ était souvent à Genève et dirigeait la société, qu'il prenait « en dernier lieu, les décisions » et pouvait « changer après coup », des décisions qu'aurait pu prendre E______. Aucune décision de paiement ou autre décision suffisamment importante ne pouvait se faire sans son aval, étant précisé qu'il pouvait être joint quasiment en permanence, par téléphone portable en cas d'absence. E______, qui lui avait été présentée en tant que directrice générale, était à ses yeux la directrice de la succursale. Cette dernière était responsable des traders opérant sur le marché du riz, tandis que G______ était en charge des autres marchés. Les instructions venaient systématiquement de G______ ou d'E______. En définitive, c'était G______ qui avait le dernier mot, y compris concernant les achats et ventes de marchandises. Il prenait aussi les décisions en matière de recrutement du personnel (pièces 40'105, 50'534).
c.i. AR_____ a été employée de M______ de 2003 à fin août 2006, à la logistique du département riz, sous la responsabilité de E______, puis au département des finances, sous celle de AO_____, qui devait toutefois en référer systématiquement à G______. Ce dernier prenait toutes les décisions à caractère financier relatives aux comptes, à la trésorerie et au budget. G______ était hiérarchiquement au-dessus de E______ qui était, selon elle, directrice des achats. Lors de son engagement, elle avait été reçue d'abord par AQ_____, puis par G______, mais elle ne se souvenait pas de E______ qui était plutôt en charge des opérations de trading (pièces 40'137ss, 50'504/505).
c.j. AP_____, ancien employé de M______ de janvier 2000 à novembre 2005, avait travaillé pour la société en tant qu'employé de commerce en lien avec la vente de riz en Afrique. Le tandem G______ et E______ dirigeait M______. Il était sous les ordres de E______ qui était la seule à pouvoir vendre directement du riz « sans en référer préalablement au grand patron ». La précitée se chargeait de la vente du riz, tandis que G______, qui était présent à Genève presque toute les semaines, s'occupait plutôt des achats de marchandises. Les informations relatives aux comptes de la société étaient strictement du ressort de E______ et de G______, ainsi que du département financier (pièces 40'094ss).
c.k. AN_____, ancien trader chez M______ de 2001 à 2006, a déclaré que seuls E______ et G______ étaient habilités à traiter la négociation, les termes des contrats ainsi que le prix. Ce dernier avait la mainmise sur les achats, tandis que E______ n'intervenait à ce titre que dans une moindre mesure (pièce 40'116).
c.l. BB_____, comptable de M______ entre 2000 et 2005, avait été engagé et licencié par G______. Il n'avait pas beaucoup de contacts avec E______, ignorant si cette dernière dirigeait également la société. Il passait les écritures relatives aux stocks sur la base des informations fournies par G______. C'était ce dernier qui déterminait la stratégie et les choix de M______ et qui avait aussi la discussion finale avec le réviseur de la société (pièces 50'483ss).
Déclarations des représentants et employés des banques et d'AE_____ SA
c.m. Selon BC_____, employé de la BV_____ s'étant occupé du dossier de M______ depuis les années 1999, ses interlocuteurs principaux étaient G______, E______ et, dans une moindre mesure, AO_____, « plutôt une exécutante ». G______ prenait les décisions pour la société et E______ était son « bras droit » et « trader senior (…) en charge du département trading ». Cette dernière n'intervenait pas ou peu. Les décisions et négociations importantes étaient prises par G______. Les discussions en lien avec les comptes, le budget et la bonne marche des affaires se faisaient également avec le précité. Pour le financement des différentes opérations, son interlocuteur était AO_____ (pièces 40'266, 50'557/558).
c.n. BD_____, employé de N______ AG de 2002 à 2010, s'est occupé du portefeuille de M______ à partir de 2003, succédant à BE_____. Il était très régulièrement en contact téléphonique avec AO_____ et AR_____. Il avait eu plusieurs rendez-vous avec G______, soit 3 à 4 fois par année. Lors de ceux-ci, AO_____ et AR_____ pouvaient être présentes. En revanche, il n'avait pas de contact avec E______. Lorsque les discussions portaient sur la santé financière de M______, à savoir la trésorerie et la planification financière, c'était toujours avec G______, AO_____ le renvoyant systématiquement au précité (pièces 50'337, 50'463ss, 50'471ss).
c.o. BF_____, représentant de K______, a expliqué que courant 2004, la banque souhaitait entrer en relation commerciale avec M______, en prenant des informations usuelles auprès des animateurs de cette dernière et en obtenant ses états financiers. A cette occasion, il avait rencontré G______ mais il ne se souvenait pas de E______. Ses principaux interlocuteurs au sein de M______ étaient AO_____ et AR_____. Il discutait de la situation financière de M______ avec G______, E______ ne participant pas à ces discussions, contrairement à AO_____ qui était aussi présente à ces occasions. Durant la préparation des financements accordés à M______, il n'avait pas eu de contacts avec E______. Il n'avait des contacts avec cette dernière que lorsque les problèmes de la société étaient avérés (pièce 50'319, 50'424ss).
c.p. BG_____, expert-comptable chez AE_____ SA, ayant procédé à la révision des comptes de M______ de 1994 au 30 septembre 2004, était en contact au sein de la société avec le comptable, soit BB_____ puis BH_____, son successeur, et G______ qui prenait part à la discussion finale. En effet, E______ ou le comptable intervenait ponctuellement pour des explications (pièces 40'142ss et 50'343).
IV. De la situation comptable et économique de M______
Déclarations des représentants et employés d'AE_____ SA
d.a.a. A teneur des comptes audités par AE_____ SA, M______ a réalisé un bénéfice net d'USD 1'768'337.- et un bénéfice comprenant le bénéfice reporté d'USD 6'357'725.- en 2003, respectivement un bénéfice net d'USD 2'212'558.- et un bénéfice comprenant le bénéfice reporté d'USD 8'570'283.- en 2004 (pièces 10'076, 650'339). Les actifs de la société s'élevaient à USD 12'357'725.- en 2003 et à USD 14'570'283.- en 2004, le bénéfice d'exploitation étant d'USD 6'182'041.- pour l'exercice 2003 et d'USD 8'394'599.- pour l'exercice 2004 (pièces 10'075, 650'338).
Les découverts bancaires de M______ s'élevaient en 2003 à USD 31'939'449.-, en 2004 à USD 29'624'062 et en 2005 à USD 44'097'671.- (pièces 650'338).
Les notes de révision d'AE_____ SA pour l'exercice 2004, courant du 30 septembre 2003 au 30 septembre 2004, comprennent notamment la liste des débiteurs de la société au 30 septembre 2004 ("Bill book Debtor"), un listing des paiements intervenus entre la date de clôture de l'exercice et la fin de l'année civile ("Client between 01.10.2004 and 31.12.2004"), la liste des factures émises durant l'exercice ("Revenues") et les documents en lien avec l'évaluation des stocks à la date de bouclement des comptes (pièces 84'430 ss, 84'859 ss, 84'895 ss, 84'879 ss).
A teneur du compte de pertes et profits au 30 septembre 2005, non audité, la société a réalisé une perte d'USD 12'107'177.- et les actifs de la société d'élevaient à USD 2'463'106.- (pièce 14'361).
Les stocks de riz, soit sur bateaux (dits flottants) ou en magasin chez des entrepositaires en Afrique, étaient pris en compte à raison d'USD 27'616'321.- pour l'exercice 2003, d'USD 15'993'852.- pour l'exercice 2004 et d'USD 10'566'412.- ou USD 11'020'246.- (selon deux bilans aux montants distincts devant représenter la situation de la société au 30 septembre 2005), pour l'exercice 2005, non audité (pièces 10'072, 10'129, 14'361, 650'335).
La contrevaleur du stock global pour l'exercice au 30 septembre 2004 a été révisée par AE_____ SA au regard notamment des attestations des entrepositaires se trouvant à ______[GUINEE] et à ______[SENEGAL], soit respectivement AD_____ SA pour 10'894 tonnes métriques (ci-après : tm) et AC_____ SA pour 6'911 tm, donc à raison de 17'805 tm en tout, représentant une valeur marchande d'USD 3'561'000.-. La cargaison afférente au navire M/V O______ a aussi été prise en compte dans l'établissement des stocks au 30 septembre 2004 à raison de 7'029.19 tm, représentant une contrevaleur d'USD 1'785'414.- (pièces 84'880, 84'891).
d.a.b. Dans son rapport d'audit du 20 janvier 2005, le réviseur a en substance conclu qu'en 2004 les ventes de M______ ont augmenté, que cette dernière a commencé à faire du commerce avec d'autres marchandises que le riz, telles que les céréales et matériaux de construction comme le ciment et l'acier, ce qui expliquait une diminution de la marge brute qui était passée de 7.7% en 2003 à 6.20% en 2004, ainsi qu'une augmentation significative des frais. En 2004, M______ avait également dépensé des fonds en lien avec la rénovation des locaux à Genève, dont les améliorations locatives d'USD 348'688.- avaient été enregistrées dans les actifs (pièces 10'079, 650'342).
d.a.c. Pour l'exercice 2002, AE_____ SA a adressé le 4 février 2003 à M______, soit pour elle E______, des recommandations, notamment en lien avec l'évaluation de l'inventaire qui devrait être fait au plus bas du coût réel ou de la valeur de réalisation nette et non à la valeur de vente qui occasionnait une surévaluation des inventaires, lesquels avait nécessité de la part du réviseur d'importants ajustements. Elle recommandait entre autres que M______ adopte une approche plus proactive dans l'organisation du flux de traitement de l'information comptable. En effet, suite au développement de la société et de la réalisation d'un chiffre d'affaires significatif, l'organisation comptable de M______ ne s'était pas encore totalement adapté au volume et à la complexité des affaires (pièces 650'327ss).
Pour l'exercice 2003, les recommandations d'AE_____ SA, adressées le 11 mai 2004 à M______, soit pour elle à E______ et G______, avaient notamment trait au fait que M______ devait réconcilier les quantités des inventaires dans les entrepôts avec celles transmises au réviseur qui ne correspondaient pas. Il était dès lors conseillé à la société d'indiquer régulièrement dans son système de gestion des données de trading l'inventaire répertorié dans les entrepôts et d'obtenir plus rapidement les confirmations des inventaires de la part des sociétés entrepositaires. Sous l'angle comptable, AE_____ SA préconisait que le flux des factures et documents bancaires soit d'abord dirigé vers le comptable de M______ afin que celui-ci soit immédiatement comptabilisé dans le système de gestion et que le département comptable adopte une approche plus proactive dans l'organisation du flux de traitement de l'information comptable (pièces 650'314ss).
Pour l'exercice 2004, AE_____ SA a formulé le 8 février 2005 à M______, soit pour elle à E______ et G______, les mêmes recommandations que celles du 11 mai 2004 s'agissant des inventaires et de la gestion comptable. Le réviseur a également relevé une augmentation considérable des coûts d'entreposage, plus particulièrement en lien avec l'entreposage à ______[SENEGAL] et ______[GUINEE] au regard des petites quantités entreposées, de sorte qu'il conseillait à M______ dorénavant d'analyser ces coûts en détail et d'estimer si ceux-ci étaient nécessaires vu le bénéfice qui pourrait être attendu des marchandises à entreposer. AE_____ SA a aussi mis en évidence que les frais de voyage, de même que ceux du siège social n'étaient pas correctement documentés et avaient augmentés (pièces 650'320ss,).
d.b. BG_____ a relevé lors de son audition par la police que M______ utilisait un programme informatique qui permettait de « bien distinguer les opérations entre elles dans les comptes ». Ainsi, les paiements effectués dans le cadre d'une transaction étaient affectés aux lignes de crédit bancaires correspondantes. En 2004, AE_____ SA avait fait vérifier du stock au Libéria par BI_____. Une vérification systématique de la marchandise flottante par des confirmations documentaires, ainsi que la réalisation de la vente dans le cadre du nouvel exercice, étaient effectuées. Il n'avait pas constaté d'anomalie significative. Pour le surplus, il avait été surpris d'apprendre que M______ se soit trouvée en situation de faillite si rapidement. Cette société lui paraissait suffisamment profitable pour être viable à long terme (pièces 40'143, 40'144).
Devant le magistrat instructeur, BG_____ a précisé que le comptable de M______, BB_____, avait été licencié car le suivi des débiteurs était insuffisant et qu'il manquait de proactivité. BH_____ lui avait succédé en 2005 et BG_____ avait travaillé avec lui pour la clôture des comptes 2004. La révision, le fait de trois réviseurs ayant travaillé sur ce mandat, dont BJ_____ et BK_____, était sérieuse, et pas « facile » dans cette matière du négoce et dans des parties du monde éloignées et problématiques, comme l'Afrique. La situation de M______ au 30 septembre 2004 était saine, dans un climat d'expansion des activités de la société et une augmentation du chiffre d'affaires d'USD 130'000'000.- à USD 195'000'000.- (représentant la facturation et non l'encaissement). Il était question d'augmenter le capital d'USD 20'000'000.-, dont USD 12'000'000.- seraient prochainement libérés. Le poste « débiteurs » avait été correctement évalué à USD 28'000'000.- nets (sans les provisions), respectivement environ USD 34'000'000.- bruts, en 2004, le réviseur ayant fait des vérifications, constaté des encaissements et étant en possession de la liste des débiteurs. Le chiffre d'affaires avait été audité par sondages. Le poste "bank overdrafts" ne posait pas de problèmes, reposant sur une confirmation de toutes les banques après envoi d'une circulaire. La révision des stocks avait toujours été un souci du fait de leur localisation en Afrique ou sur des bateaux. La vérification de leur existence physique se faisait sur la base de confirmations obtenues de toutes les sociétés basées en Afrique. Le réviseur ne procédait pas à des prises d'inventaires. Le BI_____ avait toutefois été mandaté en 2003 pour inspecter et confirmer l'existence de ces stocks, après un choix des ports à vérifier. La baisse des stocks entre 2003 et 2004 n'avait pas fait l'objet de commentaires particuliers. C'était plutôt une bonne nouvelle car cela allégeait le total du bilan. M______ fournissait un listing de ses stocks. Des travaux de leur évaluation avaient été effectués, mais BG_____ ne savait pas dire si toutes les réponses avaient été reçues. M______ savait où se trouvaient ses stocks et en avait la maîtrise. N'ayant lui-même pas procédé à cette révision, il ne savait pas si M______ était en mesure de mettre en relation les stocks avec chaque financement, pensant que c'était le cas. Pour les stocks flottants, le réviseur cherchait en particulier les connaissements, sans se rappeler si le regroupement était fait avec les informations détenues par la banque. AE_____ SA avait accès au grand-livre de M______. Les bénéfices avaient été reportés d'année en année, sans aucune distribution de dividendes. Il avait constaté l'augmentation du nombre d'employés entre 2003 et 2004, pour atteindre 25 personnes et une masse salariale d'environ USD 2'500'000.-, et avait eu peur d'une expansion trop rapide de M______ (pièces 50'342ss).
d.c. Devant le magistrat instructeur, BJ_____ a expliqué avoir travaillé comme réviseur chez AE_____ SA de 2001 à 2005, sous la supervision de BG_____, et être en contact au sein de M______ avec AO_____, et AQ_____. Il établissait des fiches standard par « cycle, soit stock, clients et fournisseurs par exemple » et était l'auteur du relevé du stock du 15 décembre 2004, lequel distinguait les cargaisons en dépôt des bateaux (rubrique A) de bateaux flottants (rubrique B). Ce document récapitulait d'autres documents récoltés lors de la révision. Pour justifier un solde au bilan, M______ s'adressait à l'entrepositaire dans un processus d'échange écrit, à l'instar des confirmations bancaires, la réponse parvenant à M______ ou au réviseur directement. Le réviseur ne se déplaçait pas sur place pour vérifier la véracité des informations transmises par les entrepositaires. Le flux de trésorerie n'était pas vérifié dans le cadre de l'analyse des stocks, mais lors de celle des postes client ou banque. BJ_____ demandait en général des contrats et les factures de vente et procédait par sondages, ne vérifiant pas l'intégralité des transactions. Les recettes étaient comptabilisées à l'émission de la facture. Lors de son paiement, le débit sur le poste banque était balancé par un crédit sur le poste client. Le montant de CHF 15'993'853.- figurant sur la pièce 84'881 correspondait à la valorisation du stock au bilan au 30 septembre 2004, soit la somme des stocks en dépôt et sur bateaux. Les stocks afférents aux bateaux BL_____, O______ et R______ avaient changé de statut en cours de révision, passant de flottants à dépôt. La comptabilité analytique, consistant à prendre le solde initial du stock, plus les achats, moins les ventes, était tenue par M______. A teneur des recommandations d'AE_____ SA, il y avait apparemment eu un problème récurrent de préparation des travaux d'audit par le comptable de M______ concernant les stocks, pour les exercices 2002 à 2004 (pièces 50'659 ss).
Déclarations des employés de M______
d.d. AY_____, a déclaré que M______ était, au début des années 2000, leader sur le marché du riz. G______ avait débuté son activité d'affrètement en 2004, laquelle avait perduré jusqu'au premier trimestre 2005. Il avait commencé avec des bateaux à petit tonnage, puis de plus en plus grands. Au fur et à mesure de l'augmentation du nombre de bateaux, le risque avait également crû. G______ avait rencontré des problèmes « car le marché du fret s'était retourné ». En effet, trop de bateaux étaient concernés par ce marché, ce qui avait provoqué une baisse des prix. S'exprimant sur les frais généraux, AY_____ a confirmé que c'était un peu la « folie des grandeurs ». Il avait l'impression que trop de monde avait été engagé, trop rapidement et que la croissance de la société avait été mal gérée. Il n'y avait pas réellement de procédure pour l'engagement des collaborateurs, G______ procédant « au feeling ». Il y avait des postes dédoublés qui n'étaient pas justifiés par le marché ou l'activité de M______. À son engagement en 1999, il y avait huit ou neuf personnes, entre 15 et 18 jusqu'en 2004 puis davantage ensuite. Enfin, la situation difficile de M______ était aussi en lien avec l'évolution défavorable des marchés, intervenue en mars 2005 (pièces 40'125, 50'388ss).
d.e. BB_____ a expliqué qu'à cette période M______ avait augmenté progressivement le nombre de ses employés, d'une douzaine à 25, du fait du volume des affaires mais aussi pour améliorer la qualité, insuffisante. Durant ses années chez M______, cette société avait fait de petits profits. Il avait été en charge de passer les écritures et établir le bilan, n'étant en définitive pas sûr qu'il y en ait eu un, à l'exclusion d'autres documents, tels que des plans de trésorerie, un tableau des flux ou budget. Il réconciliait la compatibilité avec les relevés bancaires et enregistrait les factures. A son arrivée, la comptabilité n'était pas à jour. Le « petit » logiciel ramené par G______ d'Angleterre avait été remplacé par un logiciel BM_____, sous-exploité, dans lequel il n'avait en effet jamais réussi à intégrer tous les services de M______, les collaborateurs continuant à utiliser leur propre système, en particulier des feuilles de type EXCEL, ce qui entrainait un surcroît de travail pour lui. Il ignorait qui était en charge des finances et qui établissait les budgets et les tableaux de flux financiers, supposant que cela puisse être G______ avec AO_____. G______ suivait les cargaisons et avait « tout dans la tête », BB_____ ignorant comment cela se faisait, de même que le suivi du financement des opérations de trading. Il était possible d'avoir une comptabilité analytique par transaction qui permettait de savoir si l'opération concernée était profitable ou non. Il ne savait pas comment était assuré le suivi des stocks se trouvant dans différents pays. Il passait les écritures y relatives sur la base des informations fournies par G______, éventuellement AO_____ et vérifiait le bienfondé de certaines de ces informations avec E______. Le réviseur s'adressait à lui pour obtenir les confirmations de stock, sans qu'une procédure ne soit en place au sein de M______ pour les confirmations de soldes, dont de stock. Il n'y avait à son avis pas de relation de compte courant avec des acheteurs. Lorsqu'un revenu était comptabilisé, c'est que la facture avait été émise et pas forcément que le montant avait été encaissé.
Il ressort d'une note téléphonique du 27 octobre 2004 que BB_____ a contacté AE_____ SA pour lui demander de présenter des comptes « plus beaux », G______ voulant « ajouter les opérations « futures » brutes additionnées au chiffre d'affaires (!!!!!!!!!!!!) » (sic) (pièce 85'250). Interrogé sur ladite note, BB_____ a indiqué ne pas avoir reçu d'instructions de G______ pour embellir les comptes au 30 septembre 2004. Il ne se souvenait pas d'avoir reçu une telle demande (pièces 50'483 ss).
d.f. AX_____ a expliqué que lorsque BB_____ avait quitté la société, il n'avait pas été véritablement remplacé. Lui-même n'était pas informé officiellement par la hiérarchie des problèmes de trésorerie de la société, mais la situation s'était nettement ressentie et il y avait beaucoup de tension en 2005. Il pensait que la faillite était due à plusieurs facteurs, à savoir d'importants coûts fixes augmentés par l'engagement de plusieurs collaborateurs, passant de 10 ou 12 à son arrivée pour parvenir à 25 ou 27 collaborateurs, et les activités de fret ayant eu des conséquences négatives sur la bonne marche des affaires, conduites par G______ sous l'entité d'AV_____. La dégringolade d'AV_____ avait commencé lorsque le marché du fret s'était « retourné » (pièces 50'392ss).
d.g. AR_____ avait perçu des signes avant-coureurs de la faillite, notamment par la notification de commandements de payer émanant de fournisseurs de la société. Les activités d'AV_____ avaient eu une influence sur la marche des affaires de M______ puisque le coût du fret avait augmenté, diminuant d'autant les marges. Les premiers problèmes avec le fret avaient vraisemblablement débuté en 2004 ou 2005. De plus, elle avait remarqué des erreurs en lien avec la gestion des coûts, dans la mesure où M______ avait continué à engager du personnel et avait rénové ses locaux (pièces 40'138, 50'506ss).
d.h. AP_____ a expliqué qu'entre 2000 et 2004, les affaires de la société avaient évolué de manière très positive. Par la suite, la situation de M______ s'était détériorée en raison notamment de mauvaises affaires conclues dans le domaine du fret. Toutefois, il n'aurait jamais pensé que la société tombe en faillite (pièce 40'096).
d.i. AO_____ a précisé qu'au 30 septembre 2004, M______ avait réalisé un chiffre d'affaires d'USD 86'981'655.- pour le trading du riz, d'USD 43'071'019.- pour le trading de l'huile, d'USD 7'035'000.- pour le trading du blé, d'USD 3'258'151.- pour le trading de la farine, d'USD 11'191'853.- pour le trading du ciment et d'USD 4'609'154.- pour le trading du métal (pièces 71'806, 10'129).
Déclarations des employés de la BV_____
d.j. Selon BC_____ de la BV_____, il n'y avait eu aucun problème à signaler durant les premières années, à savoir entre 2000 à fin 2004. Début 2005, des problèmes étaient survenus au sein de M______, la banque constatant des retards de paiement. Cependant, G______ et E______ avaient été rassurants et lui avaient expliqué que « cela était normal car ils travaill[ai]ent avec l'Afrique » et que « tout allait bien ». La situation s'était réellement dégradée à partir de mars ou avril 2005, compte tenu non seulement des retards susmentionnés mais également des difficultés que la banque rencontrait pour établir un contact avec les collaborateurs de la société. La banque avait alors décidé de réduire son exposition aux risques (pièces 50'558ss).
Déclaration de la chargée de l'office des faillites
d.k. BN_____, chargée de faillites à l'Office des faillites de Genève et en charge du dossier de M______, a déclaré que E______ avait parfaitement collaboré et que son aide avait permis de recouvrer des créances à concurrence de CHF 400'000.- environ. La faillite était intervenue car la société était en rupture de paiements. Le passif total s'élevait à environ CHF 32'000'000.-. Au jour du prononcé de sa faillite, M______ était en rupture de trésorerie (pièces 50'538ss).
Déclarations des prévenus
d.l. G______ a expliqué l'historique de l'achat des réserves de riz chinois auprès de BO_____, de très bonne qualité, que le marché africain avait beaucoup apprécié. Avec le temps, la marge bénéficiaire s'était réduite du fait de l'augmentation du prix, puis d'un problème de qualité dû à une infestation et un défaut d'humidité en 2005. Le marché de l'affrètement connaissait des prix élevés en 2003, où la demande était très forte. À partir de 2004 - 2005, M______ avait diversifié le commerce de ses produits comprenant entre autres des grains, du ciment et des huiles végétales. Au cours du premier trimestre 2005, ce dernier domaine avait entraîné des pertes, toutefois compensées par les marges liées aux affrètements. En juin 2005, le marché de l'affrètement s'était effondré. En août 2005, des pertes risquaient d'être subies sur du riz chinois en stock en raison de vices inhérents et d'infestations. Les frais bancaires et les charges financières étaient élevées. En octobre 2005, il y avait eu beaucoup d'ordres de saisies, y compris à New-York, et G______ avait alerté toutes les banques. M______ se trouvait en situation de faiblesse, mais il n'y avait pas de déficit. En novembre 2005, il avait été décidé de ne plus faire d'opération de riz et d'essayer de réaliser tout ce qui était en cours, pour amortir la dette vis-à-vis des banques. Le nombre des employés avait été réduit, sans que cela n'affecte le déroulement des opérations. Les lignes de crédit ouvertes auprès de AG_____, K______, N______ et BV_____ s'élevaient à USD 85 mio au total, une ligne de crédit d'USD 10 à 15 mio ayant « même » été négociée avec la BP_____ en novembre 2005. Les affaires allaient bien. Il était allé voir les banques parce qu'il était préoccupé, prudent et voulait obtenir un « capital tampon » pour M______ (pièces 50'365ss, 50'596ss). Les difficultés financières de M______ s'expliquaient également par les difficultés de paiements des acheteurs africains, l'augmentation du prix du pétrole, et le fait que M______ ne parvenait pas à se faire payer les « surestaires » et les frais de stockage par les acheteurs (pièce 40'084).
S'agissant en particulier de son activité d'affréteur, M______ avait conclu, vers 2000, un accord avec AZ_____ Ltd portant sur le transport de marchandises qui s'était avéré florissant jusqu'en 2005. Cependant, « après mars 2005, le marché de l'affrètement s'[était] effondré », le coût de l'affrètement d'un navire qui représentait jusqu'alors USD 40'000.- passant de quelque USD 11'000.- à USD 14'000.- par jour. M______ avait ainsi dû payer, en avril ou mai 2005, des montants importants correspondant à la différence du coût de l'affrètement en fonction d'une garantie concédée à AZ_____ Ltd. G______ avait « réalisé l'ampleur et l'intégralité des problèmes », survenus en octobre 2005, et avait donc pris contact avec les banques. Ultérieurement, G______ a indiqué que le marché du shipping s'était effondré « en été 2005, peut-être un mois avant, perdant environ 23% ». Le jour d'affrètement réservé s'élevait à USD 42'000.-, mais n'ayant pu être sous-traité seulement qu'à USD 10'000.-, ce qui représentait pour M______ une perte « énorme », de l'ordre d'USD 8 mio (pièces 50'016 ss; 50'031; 50'039, 50'598).
d.m. Lors de sa déclaration à la police, E______ a indiqué qu'en 2004 et 2005, BH_____ était le comptable de M______ et il était en charge d'enregistrer toute la comptabilité de la société avant qu'AE_____ SA n'intervienne pour réviser les comptes de M______, ignorant toutefois si c'était AE_____ SA qui clôturait les comptes. Dans ce cadre, une comptabilité analytique était tenue par navire et établie par deux employés du département des finances de M______ (pièces 40'069 et 40'078).
M______ avait rencontré dès juin-juillet 2005 des difficultés commerciales. Cependant, elle ne s'en était rendu compte qu'en septembre 2005, période à laquelle G______ lui avait fait part et l'avait avisée qu'il fallait provisoirement arrêter de partir dans de nouvelles transactions et de se concentrer sur les affaires en cours, malgré le fait que des lignes de crédit étaient toujours ouvertes pour M______. Il était ainsi logique que volume d'affaires ait diminué. De plus, le solde des fonds propres en septembre 2005 s'élevait à USD 1'300'000.-, de sorte que M______ avait décidé de se séparer d'environ 11 employés sur 18 et de libérer un étage des locaux occupés par la société. Ultérieurement, elle a indiqué que les banques n'avaient pas été payées en octobre 2005 car la société rencontrait des problèmes de trésorerie. Les pertes cumulées de M______ entre les mois de mars 2005 et septembre 2006 se montant à USD 22'000'000.- étaient dues aux opérations sur le riz ayant rencontré des difficultés, ce qui était le cas de celles liées au M/V X______, soit une perte d'environ USD 5'700'000.-, au M/V W______, soit une perte d'environ USD 1'200'000.-, et au M/V T______, soit une perte d'USD 1'900'000.-. En définitive, la grosse perte engendrée avec BQ_____ Ltd (ci-après : GC______) avait été fatale à M______ (pièces 40'068ss, 40'077ss).
V. Rapports contractuels entre M______ et les banques, procédures de relâche
Contrats et autres actes conclus entre les banques et M______
N______ AG
e.a.a. Le 6 juin 2000, M______, agissant par G______ et E______, a conclu avec N______ AG un contrat de crédit pour des facilités maximales d'USD 20'000'000.- pour « avant tout l'achat et la vente de riz ». Dans ce cadre, M______ s'engageait à fournir à la banque les garanties suivantes :
« Dépôt de fonds et/ou investissements fiduciaires et/ou tous les actifs dans le dépôt titres calculé au taux des avances bancaires (comme dans le « Contrat général de mise en gage », à signer) ; et/ou
Pour un montant total d'au maximum USD 3'000'000.- gage des marchandises à flot et assurées (comme dans le « Contrat général de mise en gage », à signer) et/ou
Cession (comme dans la « Cession de prétentions (créances) » et « Liste des prétentions assignées au N______ », à signer) des droits de crédits documentaires irrévocables en faveur de l'Emprunteur, confirmés par la Banque et/ou émis ou confirmés par des banques acceptées par la Banque (cession notifiée des produits des crédits documentaires non négociables auprès des guichets de la Banque) ; et/ou
Cession (comme dans la « Cession de prétentions (créances) » et « Liste des prétentions assignées au N______ », à signer) des droits et privilèges sous l'assurance ______. »
Les conditions générales de vente, le contrat de mise en gage, la mise en gage des marchandises, la cession des prétentions, et la liste des prétentions assignées à N______ AG faisaient partie intégrante du contrat. M______ s'est également engagée à remettre à N______ AG les états financiers audités dans les quatre mois suivant la clôture de chaque exercice annuel, soit au 30 septembre de chaque année, ainsi qu'une copie des contrats de vente avant l'ouverture du crédit documentaire d'importation. Si l'engagement de M______ dépassait USD 10'000'000.-, alors la banque devait recevoir un crédit documentaire d'exportation dûment confirmé avant l'ouverture d'un crédit documentaire d'importation. N______ AG se réservait le droit d'examiner le financement de chaque transaction de manière individuelle et pouvait, si nécessaire refuser tout type de transaction, sans justification (pièces 14'054 ss et 650'407ss).
e.a.b. Le 6 mai 2003, M______, par les signatures de G______ et de E______, s'est en outre engagée à nantir au profit de N______ AG toutes les marchandises tenues en dépôt auprès de tiers. Tous les coûts et risques associés au transport et à l'entreposage des marchandises gagées étaient à la charge de M______ qui était également responsable de fournir la couverture d'assurance usuelle pour les marchandises gagées (pièces 14'057ss et 650'410ss).
A cette même date, G______ et E______ ont aussi signé pour le compte de M______ une liste des prétentions assignées à N______ AG, prévoyant la cession des créances suivantes avec tous les droits subsidiaires et préférentiels (pièce 2'000'873) :
- de tous les droits et créances découlant de la police d'assurance émise par BR_____ SA, relative aux opérations financées par la banque ;
- de tous les droits et créances découlant des polices d'assurance qui remplacent ou modifient la police susmentionnée, relatives aux opérations financées par la banque ;
- de tous les droits et créances découlant d'autres polices d'assurance, à savoir les polices couvrant les marchandises stockées dans les entrepôts, le transport et les ruptures de contrat, ainsi que les polices d'assurance-crédit et « BS_____ », relatives aux opérations financées par la banque ;
- de tous les droits et créances découlant des garanties bancaires liées aux opérations financées par la banque et/ou des crédits documentaires liés aux opérations financées par la banque.
e.a.c. Le 9 mars 2004, G______ et E______, représentant M______, ont signé avec N______ AG un nouveau contrat de crédit, pour financer des transactions commerciales à court terme dites "self-liquidating", à teneur duquel la limite totale des facilités accordées par la banque à M______ a été ramenée à USD 15'000'000.-. Les engagements correspondant à du riz embarqué étaient limités à USD 10'000'000.-, pour un taux d'avance de 90%, et les engagements correspondant à du riz débarqué et entreposé à USD 2'000'000.- pour un taux d'avance de 80%, de sorte que les engagements correspondant à la totalité des lots de riz (embarqués ou débarqués) ne pouvaient pas s'élever à plus de USD 10'000'000.-. La durée de l'entreposage ne devait pas dépasser 90 jours. Au-delà, la banque avait le droit de réduire son taux d'avance à 50%, voire à zéro si l'entreposage durait plus de 150 jours. La banque se réservait également le droit d'exiger des garanties supplémentaires correspondant à la diminution du taux d'avance. Ce contrat renvoyait à la cession de créances, aux "General Deed of Pledge" et "Pledge of Good" du 6 mai 2003 avec la précision que les droits de la banque n'étaient pas affectés d'une quelconque manière si les biens nantis étaient embarqués ("afloat") à bord, en transit ou entreposés. L'emprunteur ne pouvait disposer de ces biens qu'avec l'autorisation de la banque (pièces 14'054ss et 650'412ss).
BV_____
e.b.a. Le 4 mai 2000, M______, agissant par l'entremise de G______ et E______, a signé, outre les conditions générales, un "assignment of claims (Receivables)", un contrat fiduciaire et un « acte de nantissement pour marchandises remises en gage », conférant entre autres à la banque un droit de gage sur toutes les marchandises financées, entreposées ou à entreposer au nom de la banque, que la marchandise soit ou non représentée par des certificats, connaissements ou autres documents. M______ s'engeait à payer régulièrement entre autres les frais de manutention, les droits de garde ou d'entreposage, et les primes d'assurances en lien les marchandises gagées (pièces 18'021ss et 650'504ss).
e.b.b. Parallèlement, M______ a conclu avec la BV_____ les actes suivants (pièces 18'026ss et 650'511ss) :
- le 27 novembre 2000, un contrat de cession de créances ("Assignment of claims") prévoyant entre autres que M______ « assigne à la A______ […], comme sécurité de tous les montants qui seraient dus par le soussigné, peu importe leur base légale, la/les prétention(s) mentionnée(s) ci-après et/ou au dos de la présente cession, avec tous les droits de gage, cautionnements, réserver de propriété, etc. ». Les prétentions cédées sont désignées comme étant « toutes les prétentions présentes et/ou futures directement ou indirectement liées à tout financement accordé par la banque au cédant » ;
- le 16 janvier 2003 des « Conditions régissant les opérations à terme, les futures et les options » ;
- le 27 janvier 2004 un acte de nantissement général ("General pledge agreement"), précisant que la banque avait « le droit de décider à quelles prétentions les garanties s'appliquent ou contre quelles prétentions les procédures de réalisation sont entreprises ». La banque avait également « le droit de choisir et de vendre les gages dans l'ordre qu'elle juge préférable ».
K______
e.c.a. Courant 2004, K______ a souhaité entrer en relation commerciale avec M______ suite à sa bonne réputation en matière de trading, de sorte qu'elle a effectué des démarches actives en demandant à cette dernière de lui fournir divers renseignements sur la santé financière de la société avant de s'engager (pièce 50'319). Le 27 septembre 2004, M______ a dès lors remis à K______ une copie des comptes établis pour ses exercices au 30 septembre 2003 et au 30 juin 2004. Elle a également remis à K______ ses comptes au 30 septembre 2004, laissant apparaître des réserves de l'ordre d'USD 8'394'599.-, contre USD 6'182'041.- au 30 septembre 2003, et un solde, soit le total des actifs moins les passifs courants, d'USD 14'570'283.- pour l'année 2004, contre USD 12'357'725 en 2003 (pièces 10'075, 10'181 et 650'338).
e.c.b. Le 6 janvier 2005, M______, sous la signature de G______, autorisé à le faire par "resolution" du 25 janvier 2005 signée par lui-même et E______, a ouvert auprès de K______ un compte bancaire, recevant les conditions générales de la banque et remettant à la banque la documentation idoine, notamment la liste des signatures autorisées - ne comportant pas celle de E______ -, le formulaire A, et la copie des passeports des intéressés (pièces 10'085ss, 10'184ss, 10'201). A cette occasion, la banque et M______ ont également conclu un contrat de nantissement général (''General Pledge Agreement''), prévoyant notamment une mise en gage générale de tous les actifs de la société en faveur de la banque pour garantir des prêts. M______ s'engageait à maintenir en tous temps des actifs comme valeur de garantie afin de couvrir les prétentions garanties et à collaborer entièrement avec K______ à l'accomplissement de toutes les formalités nécessaires au transfert des actifs gagés, pour lesquels la banque avait le droit de choisir la méthode de réalisation. La banque avait en outre le droit de décider quelle prétention est remboursée ou quel actif gagé et/autre caution est réalisé en premier (pièces 10'194ss et 650'348ss).
e.c.c. K______ et M______ ont conclu à la même date un contrat de mise en gage général de marchandises et de cession des créances (''General deed of pledge of goods and assignment of claims'') qui cédait toutes les créances de M______ en relation avec les marchandises financées par la banque et qui mettait en gage toutes les marchandises dont la banque était en possession ou dont la banque pouvait disposer, que ces marchandises soient en entrepôt, entre les mains de transitaires ou qu'elles soient transportées, stockées ou transformées en d'autres lieux, ou encore dont la banque était propriétaire, notamment par le biais de connaissements et de certificats d'entreposage. M______ cédait aussi à la banque toutes les prétentions liées directement ou indirectement à ses biens et prétentions, incluant toutes prétentions en dommages et intérêts dirigées notamment à l'encontre des agents, des transporteurs, des sociétés d'entreposage et des compagnies d'assurance, découlant de la vente des biens gagés et de la vente de la marchandise financée par la banque à présent ou à l'avenir. La société s'engageait entre autres à informer rapidement K______ de toutes ventes, transferts ou autres dispositions de biens financés par la société, à prendre, à sa charge, toutes les mesures nécessaires pour prévenir de la détérioration des marchandises et à informer la banque de la nécessité de ces mesures (pièces 10'196ss).
e.c.d. Le 1er mars 2005, K______ a octroyé à M______ une facilité de crédit ("Credit facility letter") pour financer l'acquisition de produits agricoles, comme le riz et les céréales, d'un montant maximum d'USD 15'000'000.-, la limite accordée variant en fonction des modalités et du type de transactions. M______ pouvait utiliser les crédits accordés par la banque pour l'achat de marchandises au moyen de lettres de crédit ouvertes auprès de cet établissement contre la remise des documents d'expédition originaux émis à ordre de la banque, endossés en blanc, ou pour demander des avances liées à ces transactions. La banque pour sa part était habilitée à examiner toute transaction et à refuser, à sa seule discrétion, toute proposition qui était pas de sa convenance. Si nécessaire, la banques pouvait examiner et éventuellement accepter, au cas par cas et à sa seule convenance, les transactions qui ne correspondaient pas exactement aux conditions énoncées dans ce document. Dans ce cas, une telle transaction serait acceptée en utilisant celui-ci sans que la banque renonce pour autant aux termes et conditions pour toutes les autres transactions. Ce document renvoyait pour le surplus aux contrats signés le 6 janvier 2005, notamment en ce qui concernait l'acte de nantissement et de cession de créances. G______ et E______ ont contresigné les modalités prévues par la "Credit facility letter" de la banque le 16 mars 2005 (pièces 10'184 ss, 10'201ss, 650'353ss).
e.c.e. Le 10 juin 2005, M______ a fait parvenir à K______ une copie de ses comptes au 31 mars 2005, relevant des avoirs nets d'USD 15'927'774.- et un résultat de l'exercice d'USD 9'752'090.- (pièces 10'002, 10'100, 650'344).
Procédures de relâche
f. M______ finançait ses activités de trading de riz par des facilités que lui avaient notamment accordées N______ AG, BV_____ et K______. Il ressort des pièces de la procédure, en particulier des documents ayant pu être recueillis en lien avec plusieurs navires, que les transactions passées entre M______ et ses fournisseurs donnaient lieu à l'émission d'une lettre de crédit mettant à disposition de M______ un montant fixe et permettant à celle-ci d'acquérir la marchandise ainsi identifiée et de payer l'affrètement d'un navire. Chaque marchandise embarquée faisait l'objet d'un ou plusieurs connaissements maritimes ("Bill of Lading"), émis par le capitaine ou les agents représentatifs du navire. Ces documents étaient remis à la banque qui avait accordé le crédit et devaient servir à garantir ses engagements.
Parvenue à son port de destination, la marchandise était déchargée et, soit stockée chez un tiers qui émettait un ou plusieurs certificats d'entreposage de la quantité réceptionnée, soit relâchée en faveur d'un acheteur final, client de la société M______ si celui-ci avait payé le prix convenu. A teneur des ordres de déchargement, des contrats et des attestations de stockage figurant à la procédure, ainsi que des déclarations des prévenus et de divers témoins, il existait deux procédures de « relâche » possibles en cas de tierce détention :
- le contrat de tierce détention, intitulé "Collateral Management Agreement" (ci-après : CMA), avec une société de supervision internationale telle que BU_____ BT_____ (ci-après : BU_____). Dans ce cas, la marchandise ne pouvait être libérée qu'après paiement par l'acheteur du montant dû à M______ qui devait demander à la banque ayant octroyé le crédit d'autoriser la « relâche » de la marchandise ;
- l'accord de tierce détention simplifié avec un entrepositaire du port de destination, disposant d'une surface de stockage suffisante, lequel devait s'engager à ne relâcher la marchandise que sur instruction de la banque, tant et aussi longtemps que celle-ci n'était pas défrayée.
Déclarations des représentants des banques et de divers témoins
BV_____
g.a. BC_____ a indiqué que les opérations menées par la BV_____ avec M______ étaient de nature transactionnelle, qu'il s'agissait de « coup par coup ». Il n'avait jamais été question de financer les opérations sur la base du cash-flow ou de la trésorerie de M______ et il existait un « lien intime » entre le financement et la marchandise qui devait servir à garantir le remboursement de l'opération, ce que G______ savait « pertinemment » et ce qui avait été discuté à plusieurs reprises avec M______. Même en 2005, il n'avait jamais été question d'abandonner la relation transactionnelle au profit d'un compte-courant. Si trois banques participaient au financement d'une cargaison, les paiements du débiteur devaient alors être affectés proportionnellement aux financements accordés. La BV_____ avait remarqué que des fonds versés par M______ en remboursement provenait d'un autre compte bancaire de M______ ouvert auprès de la AS_____. Cependant, il n'avait jamais été question d'abandonner la relation transactionnelle avec M______ au profit d'un compte courant, la banque ne voulant pas augmenter son exposition aux risques. La préoccupation de la BV_____ était de déterminer où se trouvait les fonds provenant des ventes, à défaut de savoir où se trouvaient les stocks, pour pouvoir être remboursé par M______ (pièces 40'266ss, 50'558, 50'560).
S'agissant des procédures de relâche, le seul ordre de relâche qu'il connaissait était celui permettant de libérer effectivement la marchandise (pièces 40'267).
g.b. BW_____, représentant de la BV_____, a contesté que « les remboursements étaient opérés en fonction du cash-flow disponible de M______ […]. Le remboursement était lié au dénouement de l'opération ». En revanche, il reconnaissait que certains paiements provenaient néanmoins de comptes détenus par M______ (pièce 50'193).
g.c. BX_____, collaboratrice de BV_____ ayant repris la gestion du dossier M______ en 2005, a indiqué, s'agissant des procédures de relâche, que lorsque la marchandise arrivait à destination, il existait trois cas de figure. Le premier consistait à ce que la marchandise soit remise à un tiers détenteur qui l'entreposait et s'engageait à la garder pour le compte exclusif de la banque qui avait seul le pouvoir de donner l'instruction de libérer la marchandise. La deuxième solution consistait à ce que la marchandise fasse l'objet d'un CMA, soit d'un contrat de tiers détenteur qui s'engageait également à libérer la marchandise contre instruction de la banque. La différence résidait dans la location des entrepôts. A cet égard, les sociétés BU_____ ou BY_____ exerçait une surveillance accrue sur la marchandise entreposée. Enfin, le dernier cas de figure était celui où la marchandise était directement vendue et était présentée à la banque, soit une traite avalisée ou une lettre de crédit ou d'autres instruments financiers encore. La marchandise était parfois déchargée sur la base de "letter of indemnity" mais cela ne changeait rien à la relation entre M______ et la banque, puisque cette dernière avait des droits sur les actifs de la première. Ainsi, en résumé, soit la banque avait un droit sur la marchandise, soit elle avait un droit sur une créance, qui lui garantissait le paiement de la marchandise (pièces 50'326, 50'452).
La banque n'avait jamais accepté de relations de type compte courant avec M______. En effet, il devait exister pour chaque opération un collatéral individualisé qui garantissait le remboursement du financement. Chaque financement était détaillé par les montants nécessaires pour l'acquisition et les frais annexes, financés par la banque. En contrepartie, la banque avait la marchandise ou l'argent issu de la vente de cette dernière, qui devait alors revenir à la banque en remboursement du financement. A cet égard, l'argent provenait en majeure partie des acheteurs finaux, même si, à quelques reprises, M______ décidait de couvrir elle-même les positions qui était attribuées à une transaction précise. Il n'était pas question d'employer le produit d'une vente concernant une transaction précise au bénéfice d'une autre. En définitive, il n'y avait ni compte courant avec M______ ni avec les clients de M______. G______ avait informé la banque en octobre 2005 que la société rencontrait des problèmes financiers. G______ avait « expliqué que certaines marchandises qui devaient garantir le remboursement n'étaient plus disponibles (…) plus dans les entrepôts (…) [et] que le produit de la vente de certaines marchandises avait été utilisé à d'autres fins que celle de rembourser la banque ». Le précité avait promis qu'il allait collaborer à trouver des solutions et avait formulé plusieurs propositions à la BV_____, soit notamment : une garantie personnelle de G______, laquelle n'avait jamais été fournie par ce dernier et une cession d'une prétention civile de M______ à l'encontre d'AT_____, laquelle avait fait perdre de l'argent à la banque. G______ avait également fourni une garantie complémentaire portant sur des parts PPE appartenant à une société sœur, soit M______ SA, ce qui avait conduit la BV_____ a crédité USD 3'281'500.- sur le compte de M______, venant ainsi en déduction de ce que M______ devait à la BV_____. Ces parts avaient été vendues en 2009 sauf erreur et le produit de la vente avait été porté en diminution de la dette hypothécaire de M______ SA. Dans le cadre de cette vente la banque avait été pratiquement intégralement remboursée. La BV_____ n'avait pas imputé les CHF 3'200'000.- issus de la vente des parts PPE, aux encours concernant les bateaux U______, T______ et V______, mais avait été attribué aux encours global de M______. En revanche, aucun accord pour solde de tous compte n'avait été conclu avec G______ (pièces 50'326ss et 50'446ss).
g.d. BZ_____, collaborateur à la BV_____, a indiqué qu'il avait inspecté en mars 2006 les stocks de M______ au Togo, pour lesquels il avait reçu une confirmation de l'entrepositaire, et avait constaté leur présence. La BV_____ voulait trouver un acheteur pour ce stock, bien que M______ ait indiqué l'avoir déjà vendu, ce qui paraissait très peu probable, dans la mesure où la banque n'avait rien encaissé et que si tel avait été le cas, l'acheteur se serait manifesté pour prendre livraison de la marchandise. Cependant, E______ avait, au cours d'un téléphone qu'il avait entendu (fonction haut-parleur), fait pression sur ses interlocuteurs togolais pour qu'ils ne collaborent pas avec la BV_____ en leur faisant injonction de ne pas s'entretenir avec lui, ni de le recevoir. Le contrôle sur place, par sondages, se faisait par comparaison du certificat d'entreposage avec la marchandise, identifiable par les inscriptions sur les sacs, sans qu'il ne soit toutefois possible de vérifier, en cas de financements multiples, quelle part du stock avait été financée par quelle banque. L'entrepositaire, dont c'était la responsabilité, pouvait faire cette distinction. Sur le sac n'apparaissait pas le nom du bateau, mais celui du distributeur, selon les pays, ainsi que les dates de récolte et de validité. En principe, chaque part du stock faisait l'objet d'un connaissement et d'un certificat d'entreposage. Il existait toujours un lien entre le connaissement et le certificat d'entreposage (pièces 50'565 ss).
N______ AG
g.e.a. Selon BD_____, les représentants de N______ AG avaient été « très clairs » quant à la base strictement transactionnelle et aux conditions de relâche de la marchandise : les opérations étaient conduites transaction par transaction et les engagements de la banque toujours couverts par des collatéraux, soit des garanties constituées de stocks de riz ou de créances. Le "Credit Facility Agreement" signé par M______ le 9 mars 2004 précisait sous paragraphe "Purpose" que les opérations étaient faites transaction par transaction et qu'elles devaient se rembourser par elles-mêmes ("self-liquidating commercial transactions"). N______ AG ignorait que M______ pouvait être en relation de compte-courant avec ses propres clients ; elle n'y était même pas autorisée (pièce 50'335). Lors du renouvellement de la ligne de crédit en mars 2004, N______ AG avait demandé à M______ de cesser les paiements depuis ses propres comptes courants et avait exigé que ses clients paient directement sur les comptes courants ouverts auprès du N______ AG (pièces 50'471ss).
Après avoir réceptionné le paiement correspondant aux quantités de riz figurant sur les connaissements, N______ AG restituait lesdits connaissements à M______ ou à l'acheteur final. En revanche, cette dernière n'avait jamais accepté de restituer des connaissements contre des certificats d'entreposage. La banque recevait rarement les paiements directement des acheteurs finaux mais d'une banque de M______, notamment de la AS_____ (pièces 40'274 et 50'476).
Par ailleurs, une fois la marchandise déchargée, le connaissement avait moins d'importance et N______ AG devait s'en remettre aux entrepositaires, agissant avec ou sans CMA. Or, la banque ne parvenait pas à entrer en contact avec eux. En effet, la banque recevait les certificats d'entreposage et les états de stock de la part de M______, sans qu'elle puisse les obtenir directement auprès des entrepositaires (pièces 40'274 et 50'475).
g.e.b. Dans le cadre d'un courriel destiné au Conseil de N______ AG, BD_____ a complété le 17 juin 2008 la teneur de celui-ci de la manière suivante : « la plus grande partie des entrées de fonds a été faites suite à des transferts reçus de la banque AS______ avec comme donneur d'ordre L______. Après réception des fonds, nous relâchions des lots de riz pour une valeur plus ou moins correspondante. Il n'y a pas la possibilité de faire un lien précis entre les différents dossiers » (sic) (pièces 2'000'405ss).
K______
g.f. CA_____ et BF_____, représentants de K______, ont affirmé le 23 mars 2011 devant le Ministère public que la banque avait analysé la situation financière de M______ sur la base des comptes de 2004, qui ne présentaient pas d'anomalie financière et qui correspondaient aux informations qu'elle avait recueillies. La société avait alors une structure qui semblait saine et cohérente, ce qui avait également été le cas en 2005. A cet égard, BF_____ a précisé que K______ s'était également renseignée auprès de la BU_____, du courtier en assurances BR_____, des autres banques telles que N______ AG, BV_____, et AG_____. Les informations obtenues étaient concordantes et favorables. De plus, M______ employait de bons traders qui avaient une bonne réputation (pièces 50'424 et 50'433).
Selon CA_____, la banque considérait que la relation avec M______ avait été viciée depuis le début par des états financiers 2004 erronés et ne correspondant pas à la réalité. Ainsi, si la banque avait eu connaissance de la réelle situation financière de M______, elle n'aurait jamais accepté de financer la moindre opération (pièce 50'437).
BF_____ a ajouté que les opérations étaient suivies par K______, position par position, dans une « stricte relation de type financement de transactions » (pièce 50'424). La situation était claire. Ainsi, les produits des ventes provenant du ou des lot(s) financé(s) devai(en)t servir à rembourser les financements octroyés par la ou les banque(s) concernée(s). Le paiement effectué par l'acheteur devait directement aller sur le compte de M______ auprès de K______. Un ordre de relâche signifiait pour la banque une libération physique de la marchandise (pièces 40'260 et 40'262, 50'193). C'était M______ qui se chargeait du déchargement des bateaux, la banque n'intervenant pas dans ce processus. La marchandise était déchargée sur la base de connaissements ou de "letter of indemnity", les connaissements étant remis lorsque la marchandise avait été financée par lettre de crédit et que celle-ci avait été remise en échange du connaissement. K______ savait que d'autres banques finançaient également les cargaisons de M______ (pièces 50'433ss).
g.g. CB_____, analyste financier au K______ depuis 1996, a en substance confirmé qu'un ordre de relâche ne servait pas à remplir des formalités douanières mais servait à la libération physique de la marchandise et que le produit des ventes avait été abusivement encaissé par M______ auprès de la AS_____, sans le reverser sur un compte auprès de K______, dérogeant au principe d'un financement de type transactionnel (pièces 40'302ss).
Déclarations des employés de M______
g.h. AX_____ a indiqué s'être lui-même occupé du débarquement du riz jusqu'à début 2004, n'étant ensuite pas remplacé, son activité ayant été « on peut dire » reprise par E______. Il se rendait sur place en Afrique avant que le bateau n'arrive à destination afin d'organiser l'entreposage de la marchandise. Il devait trouver les entrepôts sous douane, mettre en place le contrat de CMA avec la société d'inspection et organiser le déchargement avec les partenaires locaux (pièce 40'350). Lorsque des opérations étaient conclues par M______, celle-ci avait des garanties qui devaient lui permettre d'être payée en début d'opération. Une fois que l'acheteur avait payé la marchandise, la banque donnait son accord pour la relâcher. En ce qui le concernait, la marchandise était relâchée lorsqu'il obtenait la signature de AO_____ et de E______. Dès qu'il était en possession de ces deux signatures, il transmettait l'autorisation de relâche à l'entrepositaire local. Il ne pouvait pas agir sans la signature des précitées. Il n'était pas au courant des paiements effectués par les acheteurs. Par ailleurs, M______ ne faisait pas crédit à ses clients qui devaient d'abord payer, la marchandise étant ensuite relâchée (pièces 40'350, 50'395 et 50'396).
g.i. Selon AY_____, M______ avait des clients bien connus avec lesquels elle traitait régulièrement. Il ne pouvait dès lors pas exclure qu'une sorte de roulement entre les différentes livraisons soit intervenu, ce qui n'avait toutefois jamais été le cas avec ses propres clients et ne se produisait pas avec des clients ponctuels. AY_____ était avisé lorsque la marchandise était payée par son client. Il était alors logique que la marchandise soit libérée. Les employés de « l'exécution » envoyaient alors, en accord avec le département des finances, soit essentiellement AO_____, et en principe avec l'aval de E______, une demande de relâche à la banque. Dans le cas précis de tierce détention, il appartenait à la banque de décider de libérer la marchandise. En revanche, il ignorait les modes opératoires des emprunts et remboursements que M______ effectuait (pièces 50'402, 40'122, 50'387).
Par ailleurs, les sociétés CC_____ Sàrl et la CD_____ (ci-après : CE_____), n'étaient pas ses clientes, mais celles de E______ qui s'occupait de la Guinée (pièce 50'402).
g.j. AW_____ - qui a remis à la police le 20 février 2009 huit classeurs liés à l'activité d'AV_____, dont le classeur "AV_____ 3" contenant des centaines d'ordres - a indiqué que les ordres de décharge ("requests of discharge") et les ordres de relâche ("requests for release") étaient nécessaires pour décharger la marchandise des bateaux, respectivement pour l'entreposer dans des magasins portuaires. Il fallait un ordre écrit pour libérer de la marchandise, ordre qui devait comporter en principe deux signatures et être soumis tant à AO_____ qu'à E______ ou G______. Il s'agissait d'un document interne qui, pour être transmis à l'extérieur, nécessitait de sa part un contact préalable direct par téléphone, puis par courrier électronique, avec les agents portuaires, étant précisé qu'elle ignorait si la marchandise à relâcher avait été payée ou non par le client final, ce qu'elle supposait néanmoins. Ces ordres n'étaient, à sa connaissance, en général pas modifiés et conservés dans des classeurs qui répertoriaient les différents bateaux et, sauf exception, aussitôt exécutés par l'envoi du courrier électronique à l'agent portuaire concerné. En principe, un ordre de décharge était suivi d'un ordre de relâche. Elle considérait que les "requests" n'attestaient pas du sort de la marchandise, faisant toutefois une différence par rapport aux "requests of release", puisque dans ce cas la marchandise était délivrée au client. Les sacs de riz déchargés restaient toujours la propriété de M______. Ils étaient reconnaissables en entrepôts, puisque M______ utilisait tel ou tel type de sac. Il se pouvait également qu'une partie du riz soit directement livrée au client, si elle en recevait l'instruction de la part de M______, précisant qu'elle supposait que tout devait être en ordre avec la banque et le client. Il n'était pas possible que du riz y soit mélangé, mais « c'est l'Afrique… ». Dans ce pays, le déchargement d'un bateau pouvait prendre jusqu'à trois ou quatre mois (pièces 40'311, 40'313, 40'316 et 40'317, 50'102, 50'103, 50'104).
g.k. Selon AR_____, les transactions étaient financées opération par opération, étant « catégorique » à cet égard. M______ tenait des tableaux de bord pour le suivi des opérations, financement par financement. Grâce à ces tableaux, il était possible de récapituler les stocks et les paiements, les banques finançant des « transactions spécifiques ». Il existait aussi des outils permettant le suivi de chaque banque individuellement, respectivement chaque navire. Elle n'était pas au courant, ni impliquée dans des cas où la marchandise, pour laquelle M______ aurait encaissé le prix, aurait pu être libérée à l'insu des banques (pièces 50'508, 50'509).
Les ordres de relâche retrouvés ("requests of release"), internes à M______, servaient à demander aux banques de libérer une partie de la marchandise stockée dans les entrepôts surveillés par BU_____. Il n'y avait aucune libération de marchandise sans paiement du client - attesté par l'obtention d'une lettre de crédit émise par l'acheteur ou tout autre titre de paiement ou par l'obtention d'un avis de crédit sur le compte de la société - M______ ne faisant pas crédit à ses acheteurs. Tous les cas de "release" correspondaient à un paiement de l'acheteur. Lorsque la banque avait accusé réception des fonds, M______ pouvait recevoir de sa part, en contrepartie, les connaissements, ce qui signifiait que l'opération était « dénouée ». Elle en déduisait que tel avait été le cas notamment pour les navires M/V O______, M/V Q______ et M/V R______ (pièces 40'139ss, 50'508, 50'571, 50'573).
g.l. A la police, AO_____ a d'abord expliqué que M______ ne pouvait donner directement l'instruction de libérer la marchandise que dans des cas très particuliers, notamment lorsque la banque n'était plus propriétaire de la marchandise ou lorsque le contrat d'entreposage simplifié n'était pas assez précis. Hormis, ces cas c'était la banque qui autorisait la libération de la marchandise (pièce 40'110). Par la suite, elle a indiqué qu'une fois la marchandise entreposée chez un transitaire selon les instructions de E______ et payée par le client, la précitée donnait directement au transitaire l'autorisation de libérer la marchandise correspondante, hormis dans les cas de contrat CMA ou de tiers détenteur. Selon les cas, c'était la banque qui donnait l'autorisation. Il y avait toujours une banque concernée par l'opération, sauf dans les cas de durée prolongée du financement et dans lesquels M______ repayait le financement à la banque et devenait propriétaire de la marchandise (pièces 40'324ss).
Les documents intitulés "request for discharge/release" étaient utilisés à l'interne pour suivre le déroulement d'une opération liée à un navire. Ceux-ci n'étaient envoyés à personne et restaient dans les dossiers d'exécution. Toutefois, si les navires étaient affrétés par AV_____, il était nécessaire que AW_____ reçoive une instruction pour le déchargement de la marchandise. La banque était informée de ces relâches (pièce 40'325). Parfois, les employés de M______ établissaient, sur instructions de E______, des décomptes de paiement par acheteur, indiquant le solde dû par chaque client à M______. Ce décompte était établi uniquement pour les clients qui commandaient de grandes quantités et qui réglaient par acomptes (pièce 40'324).
Entendue à deux reprises par les magistrats instructeurs, AO_____ a précisé que la banque ne finançait en général qu'une partie de la cargaison, le solde étant financé par d'autres établissements bancaires. Dans ce cas, il était difficile d'identifier quelle part de la marchandise revenait à telle ou telle banque. Il pouvait arriver qu'un lot soit vendu avant son chargement, même avant l'émission d'un instrument de paiement, soit une lettre de crédit, une garantie bancaire ou un transfert. Les banques auraient dû être informées des ordres de relâche, documents internes qu'elle signait sans vérification particulière, excepté l'entrée d'un paiement d'un client considéré, « parce que la banque souhaite toujours avoir un contrôle sur la marchandise ». Or, les ordres qu'elle recevait de G______ en matière d'affectation de montants reçus par des acquéreurs ne correspondaient pas toujours à la banque ayant financé l'opération. Les remboursements aux banques étaient parfois faits en fonction des liquidités de M______. C'était souvent le cas lorsque le financement se prolongeait. Fréquemment, des montants parvenaient sur le compte d'AS_____ et G______, voire E______, décidaient de leur répartition entre les différentes banques sur la base du cash-flow. Le texte des attestations des entrepositaires en Afrique avait été préparé à Genève « en accord avec G______, E______ ou [le département de] l'exécution » avant d'être remis aux entreprises concernées. Ces attestations avaient pour but de tranquilliser les banques au regard de marchandises financées par elles, stockées en Afrique mais pas encore vendues. AO_____ a reconnu qu'en 2004, elle s'était rendu compte que des relâches étaient intervenues et que des attestations ne correspondaient pas à la réalité, mais qu'il « fallait que l'on donne un certain confort à la banque, raison pour laquelle on a obtenu [de telles] confirmation[s] (…) C'est M. G______ qui m'instruisait en ce sens. Il en parlait avec Mme E______ qui, ensuite, faisait en sorte d'obtenir un tel certificat ». Les banques avaient un réel souci d'obtention d'informations au sujet du sort de la marchandise qu'elles avaient financée. Elle avait transmis de telles attestations, soit des confirmations de soldes, au réviseur externe dans le cadre de ses travaux d'audit (pièces 50'114ss et 50'410ss).
g.m. AQ_____ a expliqué que la marchandise était libérée une fois l'aval de la banque qui avait encaissé l'argent. Elle n'avait jamais entendu que M______ avait essayé de faire libérer de la marchandise à l'insu de la banque (pièce 40'106).
Déclarations des prévenus
h.a.a. Lors de son audition à la police, G______ a indiqué qu'en situation de tierce détention avec une banque, le suivi de la marchandise au sein de M______ était assuré conjointement par le service commercial et le service financier. Aucune relâche ne pouvait « normalement » être faite par la banque sans qu'elle ait reçu une confirmation du paiement. Deux ordres de relâche étaient ensuite émis pour le tiers détenteur, l'un par la banque, l'autre par le service commercial de M______. Aucune libération de marchandise ne devait être effectuée sans l'aval de la banque concernée. Cependant, il existait en Afrique une « certaine flexibilité opérationnelle » et il pouvait imaginer que certains acheteurs s'arrangeaient avec le tiers détenteur pour libérer de la marchandise à l'insu de la banque et du vendeur, ce qui était arrivé. G______ imputait les dysfonctionnements dénoncés par K______, soit au tiers détenteur, soit à la banque, étant précisé que M______ était tenue de conserver en tout temps, pour K______, un dépôt de garantie d'USD 1'000'000.- à 1'500'000.- pour parer aux risques liés aux opérations menées en Afrique. Le tiers détenteur pouvait être « une société de surveillance avec un contrat de gestion collatérale (CMA) ou un transitaire agissant dans un dépôt portuaire ou même dans les dépôts du receveur » (pièces 40'086ss).
h.a.b. Devant le Juge d'instruction et le Ministère public, G______ a contesté les charges qui lui avaient été signifiées, et confirmé ses précédentes déclarations. Les organes de M______ avaient agi correctement dans un contexte d'affaires difficile. Les opérations concernées s'étaient déroulées de manière correcte, en toute transparence, en interaction constante avec les établissements concernés qui faisaient preuve de flexibilité (pièces 50'010ss).
G______ a fait la distinction entre un gage concédé spécifiquement sur la marchandise dans le cadre d'une opération avec accord tripartite conclu entre M______, la banque de financement, ainsi qu'un tiers détenteur tel BU_____, et un droit de gage général d'une banque sur les actifs de M______. Le droit de gage général couvrait « le financement de marchandises sur la base d'un roulement de celles-ci, sans que ces dernières ne soient individualisées ou identifiées spécifiquement, tout comme sur la base de produits à recevoir de M______ » qui avait une liberté totale d'agir à son gré dans le remboursement de la ligne de crédit concédée par la banque. Il n'y avait donc pas de crédits concédés en particulier pour telle ou telle opération mais « une sorte de crédit commercial partiel, soumis à réévaluation en fonction de différents critères, au fur et à mesure de l'écoulement de la relation ». Il ne pensait pas que des libérations de marchandise soient intervenues sans que les banques en soient informées lorsqu'elles auraient dû l'être. Avec certaines banques, lorsque la ligne de crédit allait être dépassée, les créanciers exigeaient un gage spécifique, consacré par accord tripartite. Sinon d'une manière générale, les banques savaient très bien avec quels autres établissements M______ était en relation. Un créancier bancaire était « bien content » de savoir que M______ travaillait avec d'autres banques, de manière à répartir le risque. Avec N______ AG, la relation avait été « d'une certaine manière… menée sur une base transactionnelle », même si d'ordinaire les rapports avec les banques ne s'effectuaient pas sur un mode transactionnel, les banques faisant preuve de flexibilité au vu des longues années de collaboration. Les banques connaissaient l'existence d'un compte-courant avec CC_____ et CE_____, de même que celle du compte détenu par M______ auprès de la AS_____ de par le fait que cette dernière apparaissait au bilan de M______ et que les banques recevaient des paiements en provenance de ce compte. Il n'y avait pas de relations entre le financement à l'origine de biens à acheter et, plus tard, leur vente par M______ à ses clients. Il était toutefois possible, dans le cadre de relations clients continues avec M______ que certains d'entre eux aient effectué des prépaiements, dans la mesure où un client payait quand il pouvait (pièces 50'021ss, 50'035ss, 50'057).
Ultérieurement, G______ a exclu toute « jonglerie » en matière financière et prétendu que les remboursements des banques n'intervenaient qu'au moyen du cash-flow « opérationnel » de M______ et « non sur la base du produit de la vente des stocks » (pièces 50'091, 50'373).
Enfin, le 29 septembre 2011, G______ a tenu à « spontanément expliquer (…) [que] N______, au lieu de payer les bateaux qui étaient en cours de chargement, payait, à la requête de L______ LTD, les dettes de celle-ci auprès de BO_____ [CF_____]. (…) Ces montants ont été payés, pour le remboursement des dettes vis-à-vis de BO_____, plusieurs mois après les transport[s] de marchandise par les bateaux, par le biais de N______. Il s'agissait de biens déjà arrivés et partiellement vendus. Le remboursement a servi à payer le fret et BO_____. Ensuite, le N______, à notre demande, a payé des montants en compensation de dettes que les chinois devaient aux russes ». N______ a contesté cette explication (pièces 50'618ss).
h.b.a. Lors de son audition par la police le 9 août 2007, E______ a précisé que l'émission des lettres de crédit était gérée par le département des finances soit, en 2004-2005, par AO_____ et AR_____. Elle était, au côté de AP_____, la trader principale du département riz. G______ négociait le prix pour les grosses quantités et leur demandait d'établir les contrats et d'assurer le suivi des opérations, tant relationnelles que commerciales. S'agissant d'un contrat de tierce détention, le détenteur, par exemple BU_____, s'engageait à détenir la marchandise pour le compte de la banque et à ne s'en dessaisir que sur les instructions de celle-ci. Lorsqu'une vente intervenait, M______ en informait la banque et lui transmettait une demande écrite pour la relâche de la marchandise en faveur de l'acheteur. La banque intervenait auprès du tiers détenteur dans le cas où elle acceptait cette relâche, car elle seule pouvait en décider. Le tiers détenteur ne pouvait agir que sur les instructions de la banque. Les demandes de relâche se faisaient à partir du département des finances aussitôt que le débiteur avait payé M______. Si le débiteur était facturé mais n'avait pas encore payé, M______ ne présentait pas de demande de relâche à la banque. Lors d'un paiement de l'acheteur, le département des finances vérifiait que les données étaient conformes à l'opération. E______ procédait également à une vérification de ces éléments. Dans tous les cas, la décision de relâche était du ressort de la banque. Le fait que certains lots importants en quantité soient financés par plusieurs banques n'était pas un problème et même une pratique courante dont les banques étaient conscientes. Une demande de relâche était dans ces cas envoyée à la banque liée aux lots concernés. Lorsque le paiement d'un acheteur intervenait en espèces et que plusieurs opérations étaient en cours, comme c'était le cas pour CE_____ ou CC_____ Sàrl, il n'était pas directement possible de relier ce paiement à un lot de marchandise précis. Ainsi, un décompte client était tenu afin d'indiquer la position de ce dernier, M______ décidant ensuite, avec le client, en fonction des contrats en cours, à quoi le paiement allait être attribué (pièces 40'069 et 40'070).
h.b.b. Devant le Juge d'instruction et le Ministère public, E______ a contesté les charges qui lui ont été signifiées et a confirmé ses déclarations faites à la police, rappelant qu'elle n'avait pas de vue générale sur l'engagement de M______ auprès des banques. En effet, avant de conclure un contrat, elle demandait à AO_____ si la prise de position sur le riz pouvait être conciliable du point de vue financier. Elle suivait l'évolution d'un navire sans savoir quelle part de la cargaison était financée par quel établissement bancaire. Les ordres de relâche ou de décharge de marchandise étaient des documents internes à M______ qu'elle ne signait pas toujours. Ces ordres étaient établis par AW_____, soit le département fret, puis soumis pour signature et signé par un membre du département des finances, soit AO_____ soit AR_____. Sans signature du département des finances, aucune marchandise ne pouvait être libérée. Elle signait pour sa part ces ordres afin d'avaliser le côté commercial des transactions. Elle n'avait jamais vérifié au moment de signer les relâches si la marchandise était gagée ou non en faveur de telle ou telle banque et il ne lui appartenait pas de le faire. Elle serait toutefois étonnée d'apprendre que M______ aurait décidé de libérer de la marchandise sans obtenir le paiement d'un client. En cas d'accord tripartis, aucune relâche ne pouvait avoir lieu sans l'accord de la banque (pièces 50'011ss et 50'034ss).
E______ a d'abord confirmé qu'elle était parfaitement consciente que la marchandise sous CMA ne pouvait être libérée sans une instruction écrite du créancier gagiste. Elle a ensuite précisé, devant le Juge instructeur le 3 novembre 2010, que lorsque M______ faisait du commerce avec l'Afrique, il y avait un phénomène de stocks « flottants », à savoir du riz acquis auprès des fournisseurs, sans que l'on sache systématiquement à qui il était destiné. De tels stocks étaient permanents. Des quantités de riz étaient déchargées dans des ports africains qui ne pouvaient dès cet instant plus être distinguées en fonction du bateau, mais uniquement de leur qualité. Avec les différents transports organisés, M______ avait des niveaux de stocks d'environ 60 000 à 70 000 tm. Elle avait remboursé les banques au moyen des ventes réalisées. Toutefois, il n'y avait pas de corrélation systématique entre le produit de la vente et la marchandise financée. Lorsque l'acheteur prenait possession du riz, il était indifférent de savoir s'il provenait de tel ou tel bateau. M______ n'employait néanmoins pas le « bénéfice d'une vente financée dans un autre contexte, pour rembourser le crédit obtenu dans une autre opération ». En revanche, un remboursement de la banque pouvait également intervenir en fonction du cash-flow de M______. De nombreux paiements étaient en effet effectués par les acheteurs directement sur les comptes de M______, notamment auprès de la AS_____. Ensuite, c'était sur instruction de M______ qu'AS_____ par exemple payait la banque ayant financé la marchandise. Ainsi, le remboursement d'une banque pouvait intervenir en fonction du cash-flow de M______ auprès d'AS_____ (pièces 50'160 et 50'192ss).
h.b.c. Par ailleurs, interrogée par l'Office des faillites le ______2006, E______ a précisé que les marchandises traitées par M______ étaient « financées par les banques et appartenaient à celles-ci ; les primes d'assurance [étaient] également payées par les banques. Un éventuel remboursement au prorata [était] à encaisser directement par les banques qui [envoyaient] directement le "connaissement" (titre de propriété) à la compagnie d'assurance » (pièce 14'034).
VI. Expertise graphologique
i. Le 4 janvier 2012, sur mandat du Ministère public, CG_____ de l'Institut de police scientifique et de criminologie de l'Université de Lausanne a établi un rapport d'expertise ayant pour but de déterminer si les documents, qui lui ont été transmis, ont été produits par photomontage (pièces 40'359ss). A cet égard, il a procédé à l'analyse des documents suivants et a conclu que :
S'agissant des documents destinés à M______
Les signatures et les timbres de l'attestation émise par Y______ SA le 20 décembre 2004, portant sur 8'929.391 tm de riz en provenance du M/V O______ et sur 3'700 tm de riz, avaient assurément été produits par photomontage.
La signature et le timbre de l'attestation émise par Y______ SA le 16 juin 2004, portant sur 8'929.391 tm de riz en provenance du M/V O______, avaient probablement été produits par photomontage.
S'agissant des documents destinés à AE_____ SA
Les signatures et les timbres des attestations émises par AC_____ SA le 9 décembre 2004, portant sur 6'911 tm de riz, par AD_____ SA le 8 décembre 2004, portant sur 10'894 tm de riz, et par Y______ SA le 21 décembre 2004, portant sur 3'700 tm de riz, représentant une contrevaleur de USD 1'500'000.-, avaient assurément été produits par photomontage. CG_____ a précisé s'agissant de cette dernière attestation qu'elle avait pu être effectuée par un photomontage sur la base de l'attestation du 20 décembre 2004 de Y______ SA à M______, dont le photomontage avait été produit sur la base d'un document d'origine.
En revanche, il n'était pas possible de se prononcer sur les timbres et signatures des attestations de AC_____ SA du 31 janvier 2003, portant sur 8'406 tm de riz, et d'AD_____ SA du 28 novembre 2003, portant sur 3'823 tm de riz, ceux-ci pouvant aussi bien être des télécopies de documents authentiques ou résulter de photomontages.
S'agissant des documents destinés à la BV_____
La signature de l'attestation de Y______ SA du 5 octobre 2005, destinée à la BV_____, portant sur une cargaison de 2'246 tm de riz provenant du navire M/V T______, avait assurément été produite par photomontage, mais il n'était pas possible de se prononcer sur le timbre figurant sur cette pièce. En revanche, il n'était pas possible de se prononcer sur les timbres et signatures de l'attestation de Y______ SA du 28 janvier 2005, destinée à la BV_____, portant sur 3'600 tm de riz en provenance du M/V CH_____, ceux-ci pouvant aussi bien être des télécopies de documents authentiques ou résulter de photomontages.
VII. Opérations par banques et par bateaux
j.a. Dans le cadre des divers crédits octroyés par N______ AG, BV_____ et K______, les opérations dénoncées par les banques ayant financé la marchandise transportée sur chacun des navires concernés et visés par l'acte d'accusation peuvent être résumées comme suit :
N______
M/V O______
j.b.a. Le 15 décembre 2003, le M/V O______ a été affrété par CI_____ pour le transport d'une cargaison de 33'573 tm de riz chinois depuis le port de ______[CHINE], en Chine, à destination de l'Afrique de l'Est ou de l'Ouest (pièces 404'166, 14'215 à 14'219).
Entre le 25 décembre 2003 et le 2 janvier 2004, la cargaison a été chargée sur ce navire, dont 8'929 tm en faveur de CJ_____ sous les connaissements maritimes du 15 décembre 2003 ("freight prepaid") n°K2 portant sur 5'352 tm, K5 portant sur 2'000 tm et K6A portant sur 1'577 tm (pièces 14'217 à 14'219, 404'166, et 650'416 à 650'421).
Financement
j.b.b. L'achat de cette marchandise a été financé par N______ AG à la demande de M______ de la manière suivante :
- le 9 février 2004, en payant la lettre de crédit L/C 7______ d'USD 1'349'675.- en faveur de CJ_____ (pièce 14'214) ;
- le 9 février 2004, en payant à CI_____ le fret du navire à concurrence d'USD 562'587.- (pièces 14'215 et 14'216).
Entreposage et relâche
j.b.c.a. Le M/V O______ est arrivé à ______[GUINEE] entre le 10 et le 11 février 2004, s'est dirigé vers ______[SIERRA LEONE] et ______[GAMBIE], dès le 14 février 2004, pour revenir à ______[GUINEE] le 20 mars 2004 (pièces 65'082, 404'165 et 404'166).
A teneur des "request for release" et "request for discharge" figurant à la procédure, la totalité de la cargaison du M/V O______, soit plus de 33'500 tm de riz, a été déchargée et relâchée de la manière suivante :
- 7'218.01 tm relâchées et 13'494.04 tm déchargées à ______[GUINEE], essentiellement en faveur de CK_____ SA, entre le 10 et 11 février 2004 et entre les 23 mars et 8 avril 2004, étant précisé que les requêtes ont été signées et/ou approuvées par AO_____ et/ou E______ (pièces 77'126 à 77'127 et 77'110 à 77'118). La CL_____ a, le 20 juillet 2004, établi un « rapport de contrôle de surveillance et d'expertise » à la demande de la compagnie BR_____, assureur de CK_____ SA, dont il ressort que ces quantités de riz ont été débarquées à ______[GUINEE] du 11 au 14 février 2004, puis du 20 mars au 20 avril 2004, en sacs neufs d'environ 50 kg net chacun, et qu'un dommage global correspondant à 848'490 kg de riz chinois touchait ces deux lots (pièces 404'164 à 404'183) ;
- 2'702 tm en faveur de CM_____ le 20 février 2004 à ______[SIERRA LEONE], étant précisé que la requête a été signée par E______ et AO_____ (pièce 77'125) ;
- 10'297 tm en faveur d'CN_____, entre les 27 février et 10 mars 2004 à ______[GAMBIE], étant précisé que les requêtes ont signées et/ou approuvées par E______ et AO_____ (pièces 77'119 à 77'124).
j.b.c.b. Le 10 juin 2004, M______ a informé N______ AG que la marchandise transportée par M/V O______ se trouvait dans des entrepôts sous la garde de Y______ SA, que les certificats émis au nom de la banque avaient été transmis et que la marchandise avait été vendue aux acheteurs habituels de M______, soit CO_____ et CK_____ SA (pièce 84'695).
j.b.c.c. Le 18 juin 2004, soit ultérieurement à ces "requests", M______ a transmis à la banque un certificat de Y______ SA du 16 juin 2004, ayant fait l'objet de l'expertise graphologique décrite supra sous point VI, confirmant la réception et le stockage à ______[GUINEE] de 8'929 tm (recte) de riz en provenance du M/V O______, les chiffres se rapportant au tonnage et aux sacs concernés étant en effet inversés. A teneur de ce document, la marchandise était détenue pour le compte de N______ AG et l'entreprise d'entreposage s'engageait à ne pas s'en dessaisir sans la présentation d'au moins un tiers des connaissements originaux s'y rapportant (pièces 14'295, 650'493).
j.b.c.d. Le 2 juillet 2004, une réunion s'est déroulée entre N______ AG, soit pour elle BD_____ et CP_____, et G______ pour M______, laquelle avait pour but de clarifier la situation et de faire le point sur les opérations « stock » en cours. A cette occasion, N______ AG avait part de son inquiétude quant au fait de recevoir des certificats d'entreposages d'______[CÔTE D'IVOIRE], de ______[GUINEE] et de ______[TOGO] par des sociétés locales et souhaitait recevoir de nouveaux certificats émis par BU_____, BY_____ ou CQ_____ (et si possible dans le cadre d'une CMA à mettre en place) d'ici au 9 juillet 2004 ou recevoir rapidement le remboursement du riz (pièces 14'299ss).
j.b.c.e. Le 21 décembre 2004, M______ a transmis à la banque un nouveau certificat de Y______ SA du 20 décembre 2004, ayant fait l'objet de l'expertise graphologique décrite supra sous point VI, corroborant le précédent, corrigé au niveau des tonnage et nombre de sacs (pièces 14'312 à 14'313, 650'495, 84'628).
j.b.c.f. Le 4 mars 2005, à la demande de la banque, Y______ SA a transmis directement à N______ AG un ultime certificat en lien avec le stockage de ces 8'929 tm, à ______[GUINEE], confirmant l'engagement de ne pas relâcher la marchandise sans présentation d'au moins un tiers des connaissements originaux (pièces14'320 et 650'496).
j.b.c.g. Le 20 décembre 2005, AO_____, pour le compte de M______, a remis par télécopie à N______ AG une attestation de Y______ SA, datée du 17 octobre 2005 et adressée à la banque, selon laquelle le riz stocké pour le compte de M______ n'était, du fait de son trop long entreposage, plus consommable de sorte qu'il avait été évacué. Y______ SA n'a jamais répondu à la banque qui l'interrogeait sur l'identité de l'autorité qui avait déclaré le riz insalubre, se bornant à indiquer, par message électronique du 18 février 2008, que l'état de la marchandise était visible par tous et qu'une somme d'USD 45'026.- restait encore due (pièces 14'331, 14'345, 650'497).
Facturation et paiement
j.b.d. Il ressort des notes de révision des comptes au 30 septembre 2004 que M______ a émis le 9 février 2004, à l'intention de CK_____ SA, une facture n°40'713 relative à 9'500 tm transportées sur le M/V O______ pour un prix total d'USD 2'670'000.-. N______ AG a, pour sa part, produit en annexe de son courrier adressé au Ministère public le 17 juillet 2013 une copie des factures émises le 9 février 2004 par M______ à l'intention de CK_____ SA (n°40'713/1, deux factures différentes, n°40'713/2, idem, pour plus de 9'000 tm de riz chinois, demande de virement auprès de la AS_____). M______ a encore émis, le 16 septembre 2004 à l'intention du même acheteur, une deuxième facture n°40'830 d'USD 618'000.-, concernant 2'000 tm en lien avec le M/V O______ (pièces 84'900 et 84'901, 67'072 à 67'075).
Ces deux factures (n°40'713 et 40'830) ne figuraient pas dans la liste des débiteurs de M______ au 30 septembre 2004, pas plus que la facture n°40'826 du 10 septembre 2004, concernant encore CK_____ SA pour le M/V O______, pour USD 299'992.65, correspondant à 970.85 tm de riz. Il ressortait cependant de cette liste que CK_____ SA, qui avait payé à M______ durant la période sous contrôle au total USD 2'317'122.20, demeurait sa débitrice à concurrence d'USD 193'615.76 (pièces 84'839 et 84'900).
La facture n°40'715 du 26 février 2004 concernant CN_____, en lien avec le M/V O______, pour environ USD 3'237'000.- correspondant à 13'000 tm de riz, ne figurait pas dans la liste des débiteurs au 30 septembre 2004 (pièces 84'844 et 84'898).
A teneur des notes d'AE_____ SA au 30 septembre 2004, une quantité de 7'029.19 tm (de riz) pour une valeur d'USD 1'785'414.- apparaît sous la rubrique « stocks », en lien avec le O______ (pièce 84'880).
Déclarations
j.b.e. A la police, AO_____ a en substance reconnu qu'il y avait une contradiction entre le fait que les 11'000 tm auraient été vendues à CR_____ et que celles-ci auraient été détruites. Il y avait eu de « fausses informations », mais elle ignorait si cette destruction en faisait partie. En revanche, elle ne pouvait pas confirmer que le certificat d'entreposage émis par Y______ SA était un faux, ayant des doutes sur le fait que la marchandise puisse ne pas être encore livrée au moment de l'émission du certificat. Elle trouvait étrange et « illogique » que le document relatif à l'évacuation du riz du 17 octobre 2005 n'ait été transmis à la banque que deux mois après (pièce 40'332). Par ailleurs, elle a contesté avoir falsifié les attestations Y______ SA, ne se rappelant d'abord pas les avoir remis à N______ AG avant d'indiquer que c'était elle qui les avait remises à la précitée (pièce 50'414).
j.b.f. Lors de l'audience du 21 juillet 2009, G______ n'a en substance pas contesté avoir vendu l'entier de cette cargaison, ne pas en avoir informé les banques « Parce que c'est comme cela que les affaires fonctionnaient », et ne rien devoir tant à N______ AG qu'à la BV_____. L'argent obtenu par les ventes du riz transporté par le M/V O______ avait été utilisé « seulement au bénéfice de M______ » et en fin de compte des banques. Il n'avait jamais vu les certificats de Y______ SA (ndr : mentionnés supra) et doutait qu'ils fûssent faux. De tels documents n'étaient pas nécessaires pour obtenir un financement ni n'avaient servi de base pour cela. Il fallait s'adresser à E______ pour les spécificités particulières à chaque livraison. Il précisait la manière dont M______ pouvait identifier dans les magasins de stockage le riz de sa propriété, à savoir par l'usage de différents marqueurs comme le dragon ou des sacs roses ou bruns avec une rayure verte. Une dizaine de marques avaient été enregistrées dans de nombreux ports africains. S'agissant du riz stocké à ______[GUINEE], une partie de la marchandise, considérée comme avariée, avait néanmoins pu être vendue, seule une petite fraction ayant définitivement été perdue, ce qui n'avait pas lésé les banques ayant financé l'achat, lesquelles avaient été remboursées (pièces 50'087ss).
j.b.g. E______ a, quant à elle, contesté que l'attestation de Y______ SA du 16 juin 2004 fût un faux document. Par ailleurs, il pouvait arriver que les autorités locales confisquent du riz pour des raisons phytosanitaires et que des acquéreurs ne prennent pas possession de lots de marchandise (pièce 50'089ss).
j.b.h. BD_____ a confirmé qu'en octobre 2005, N______ AG avait reçu une confirmation de Y______ SA que le riz n'était plus consommable et avait dû être évacué, G______ ayant expliqué à son tour que cette situation était intervenue en raison d'une maladie, que ce n'était pas couvert par les assurances et qu'il avait découvert trop tard la situation, de sorte qu'il ne pouvait plus se retourner contre le fournisseur. Y______ SA avait avisé N______ AG du fait que M______ était au courant de la situation et qu'elle avait agi sur instructions de cette dernière. La perte de la banque s'élevait à USD 1'900'000.- (pièce 40'276).
N______ n'avait reçu aucun remboursement en lien avec cette opération (pièce 50'094).
M/V P______
j.c.a. En juin 2004, le M/V P______ a été affrété par CS_____ pour le transport d'une cargaison de riz chinois depuis le port de ______, en Thaïlande, à destination de l'Afrique (pièces 14'227, 404'186ss).
Le 1er juillet 2004, 2'350 tm de riz ont notamment été chargées sur le M/V P______ en faveur de CT_____ Ltd, sous connaissement n°KA-8, émis au nom et pour le compte de M______ (pièces14'227, 650'422).
Financement
j.c.b. En possession de ce connaissement, N______ AG a effectué les décaissements suivants :
- USD 159'835.-, le 11 juin 2004, en paiement du fret du navire, en faveur de CI_____, suite à une demande de M______ du 11 juin 2004 (pièces 14'225 et 14'226) ;
- USD 438'276.-, le 2 août 2004, en paiement de la lettre de crédit L/C 8______ (pièce 14'224).
Entreposage et relâche
j.c.c. Selon les "requests" figurant à la procédure, la cargaison du M/V P______ a été déchargée et relâchée de la manière suivante :
- 11'000 tm à ______[MADAGASCAR], entre les 6 et 25 août 2004, dont 6'000 tm en faveur de CU_____, étant précisé que les requêtes ont été signées par AO_____ et/ou AR_____ (pièces 77'060 à 77'064) ;
- 22'500 tm à ______[CAMEROUN], entre les 30 septembre et 15 octobre 2004, dont 6'000 tm en faveur d'CV_____ et 7'000 tm en faveur de CW_____, étant précisé que les requêtes ont été signées par AR_____ et E______ (pièces 77'053 à 77'057) ;
- 4'000 tm à ______[SENEGAL], entre les 2 et 4 novembre 2004, en faveur de la société CX_____, étant précisé que les requêtes ont été signées par AO_____ et E______ (pièces 77'049 à 77'051).
Le 18 mars 2005, AR_____ a transmis, pour le compte de M______, à la banque un fax du 10 mars précédent de CY_____ (aussi appelée FA______), agent manutentionnaire à ______[CAMEROUN], selon lequel ladite société détenait, pour le compte de M______, respectivement N______, 2'350 tm de riz déchargées du navire M/V P______, s'engageant à ne s'en dessaisir que « contre présentation des connaissements originaux ou d'un accord écrit de L______ Ltd et de sa banque » (ci-après : clause de garantie usuelle) (pièces 14'318 et 14'319).
Paiement
j.c.d. A teneur des notes de révision au 30 septembre 2004, CW_____ a versé, entre les 7 octobre et 12 novembre 2004, une somme d'EUR 1'673'000.-, sur le compte AS_____ de M______ à teneur d'une note manuscrite, en lien avec le M/V P______ (facture n°40'836) (pièce 84'860).
Entre les 6 octobre et 5 novembre 2004, CX_____ a versé en faveur de M______ une somme d'EUR 924'000.-, sur le compte AS_____ de M______ à teneur d'une note manuscrite, en lien avec ce navire (pièce 84'859).
La facture n°40'794 du 3 août 2004, adressée à CU_____ en lien avec le M/V P______ pour USD 2'670'000.-, correspondant à 10'000 tm de riz, figure dans la liste des débiteurs au 30 septembre 2014 et a été réglée à tout le moins à concurrence de USD 540'000.-, un autre paiement de USD 210'000.-, valeur 10 août 2004, n'étant pas attribué à une facture spécifique (pièces 84'901 et 84'838).
CV_____ a payé à M______ le 12 octobre 2004 une somme de USD 1'716'000.-, au vu d'une facture n°40'835 en lien avec le M/V P______ (pièce 84'860).
Déclarations
j.c.e. S'agissant de cette cargaison, G______ a déclaré le 21 juillet 2009 devant le Juge instructeur ne pas savoir si N______ AG et BV_____ avaient été informées ou non des déchargements, dont celui à ______[MADAGASCAR] en faveur de CU_____. Il croyait « même » que dans ce cas les banques avaient été payées avant d'affirmer que la marchandise financée par N______ AG avait fait l'objet de remboursements. A fin 2006, lorsque M______ avait dû cesser toutes opérations, il n'y avait pas un centime dû à N______ AG ensuite d'opérations de négoce sur riz. Le compte détenu auprès de AS_____ était un « compte collecteur central ». En référence au document de CY_____ (FA______) du 10 mars 2005 et les "requests for discharge and release", il ne pensait pas qu'un faux certificat ait existé. Il n'y avait pas de relâche possible sans l'autorisation expresse de M______. Il en inférait que ce certificat était très certainement conforme à la réalité. M______ avait toujours travaillé consciencieusement. Les ordres internes à M______ ne déployaient pas leurs effets à l'extérieur dans la mesure où ils auraient pu changer, n'étaient pas toujours finaux, « etc. » (pièces 50'093ss).
j.c.f. E______ n'avait rien à ajouter aux déclarations de G______, présumant que la marchandise transportée par le M/V P______ avait pu être livrée, ayant le souvenir que les documents y relatifs avaient été retournés à M______ par N______ AG (pièce 50'096).
j.c.g. Selon BD_____, N______ AG ignorait ce qui était advenu des 2'350 tm stockées par CZ_____ n'ayant fourni aucune explication (pièce 40'277).
N______ AG a contesté le remboursement par M______ du financement octroyé pour la marchandise transportée par ce navire (pièce 50'094).
M/V Q______
j.d.a. A teneur d'une "notice of readiness" et d'un "Laytime statement of facts" émis par DA_____ LTD le 10 avril 2003, le navire M/V Q______ a jeté l'ancre dans le port de ______[CHINE] le 29 mars 2003 où un chargement de 32'070.4 tm de riz chinois à son bord a commencé le 31 mars 2003 pour se terminer le 9 avril 2003. Il a accosté le 20 avril 2003 à Singapour, le 26 mai à ______[TOGO], le 17 juin à ______[CAMEROUN], le 28 juin à ______[CÔTE D'IVOIRE], le 26 juillet 2003 à ______[ARGENTINE] (Argentine) et était de retour le 31 août suivant à Singapour (pièces 75'725ss, 65'075, 404'153).
Le 2 octobre 2003, le riz blanc chinois chargé sur le navire M/V Q______ a fait l'objet de cinq connaissements à ordre, émis à ______[CHINE], pour un poids total de 7'500 tm, à destination de "West african port(s)", tous avec la mention "Freight pepaid", n°1-1 pour 2'500 tm, 1-2 pour 2'000 tm, 1-3 pour 1'000 tm, 1-4 pour 1'000 tm et 1-5 pour 1'000 tm (pièces 14'271 à 14'275, 650'458 à 650'467).
Selon une "notice of readiness" et un "Laytime statement of facts" émis par DB_____ les 4 et 17 octobre 2003, le navire M/V Q______ est arrivé à ______[CHINE] le 5 octobre 2003, pour entamer un processus de chargement de 24'061.337 tm de "rice in bags", terminé le 16 du même mois (pièce 75'730).
Le 16 octobre 2003, le riz blanc chinois longs grains chargé sur le navire M/V Q______ a fait l'objet de dix-sept connaissements à ordre, émis à ______[CHINE], pour un poids total de 23'965 tm, à destination de "West african port(s)", tous avec la mention "Freight pepaid" (K5A pour 2'500 tm, K5B pour 2'500 tm, K5C pour 2'000 tm, K5D pour 2'000 tm, K5E pour 1'000 tm, K5F pour 1'000 tm, K5G pour 1'087 tm, K2D pour 1'300 tm, K2C pour 1'000 tm, K2B pour 1'000 tm, K2A pour 1'000 tm, K1B pour 1'092 tm, K1A pour 1'000 tm, K3 pour 787 tm, K4B pour 1'500 tm, K4A pour 1'500 tm, K6 pour 1'699 tm) (pièces 14'254 à 14'270, 650'424 à 650'457).
Le navire M/V Q______ a accosté le 10 novembre 2003 à ______[MADAGASCAR] (Toamasina), puis le 5 janvier 2004 à ______[CÔTE D'IVOIRE], avant de se rendre en Argentine, sans revenir sur l'Afrique de l'Ouest à teneur des informations de mouvements figurant à la procédure, s'arrêtant au 11 juin 2009 (pièces 65'075, 404'127 à 404'128).
Financement
j.d.b. En possession de ces connaissements, N______ AG a financé 31'967 tm en effectuant les décaissements suivants au montant global d'USD 50'578'494.- :
- USD 596'048.-, le 9 mars 2004, pour le fret du navire (pièce 14'247) ;
- USD 408'466.-, le 10 mars 2004, suite à une remise documentaire, n°réf : 43-2024970, (pièces 14'233 et 14'234) ;
- USD 450'565.-, le 10 mars 2004, suite à une remise documentaire intervenue le 22 décembre 2003 (n°réf : 9______) (pièces 14'235 et 14'236) ;
- USD 118'492.-, le 10 mars 2004, suite à une remise documentaire intervenue le 23 janvier 2004 (n°réf : 10_____) (pièces 14'238 à 14'240) ;
- USD 366'715.-, le 10 mars 2004, suite à une remise documentaire intervenue le 23 janvier 2004 (n°réf : 11_____) (pièces 14'241 à 14'243) ;
- USD 662'871.-, le 10 mars 2004, suite à une remise documentaire intervenue le 18 décembre 2003 (n°réf : 12_____) (pièces 14'244 et 14'246) ;
- USD 1'202'381.-, respectivement USD 612'031.-, les 24 mars et 29 avril 2004, suite à une remise documentaire intervenue le 23 janvier 2004 (n°réf : 13_____) (pièces 14'228 à 14232) ;
- USD 1'160'925.-, le 7 mai 2004, suite à une remise documentaire intervenue le 23 janvier 2004 (n°réf : 14_____) (pièces 14'249 et 14'251).
Entreposage et relâche
j.d.c.a. La cargaison transportée par le M/V Q______ dès octobre 2003 a connu le sort suivant, sous cote "DG_____" du classeur 38 [ndr : à distinguer des ordres de "release" et "discharge" figurant à la procédure pour ce navire, pour la période antérieure du 22 mai 2003 au 17 juillet 2003, pour les ports de ______[TOGO], ______[CAMEROUN], puis d'______[CÔTE D'IVOIRE], en faveur d'DC_____ (8'000 tm sous CMA de BU_____), de ETS DD_____, de DE_____ en tant qu'entrepositaire (6'000 tm, dont 3'000 tm en faveur de DF_____) et de CE_____ (14'000 tm), pour du riz conditionné dans des "dragon bags"] (pièces 77'380 à 77'390) :
- entre les 10 novembre et 9 décembre 2003, 15'875 tm ont été déchargées à ______[MADAGASCAR], dont 14'875 tm ont été relâchées en faveur de DH_____ et DI_____, les sacs comportant les marques distinctives "dragon bags" et "green F/F", étant précisé que les ordres de décharge et de relâche ont été signés par G______ ou E______ et/ou AO_____ (pièces 77'137 à 77'141) ;
- 16'125 tm ont été déchargées à ______[CÔTE D'IVOIRE] le 5 janvier 2004, dont 11'824.55 tm ont été relâchées en faveur de CE_____ et DJ_____ les 22 janvier, 3 et 10 février 2004, les sacs comportant les marques distinctives "pink dragon F/F / 32.38 white bulog 2092.50 white bag beauty /1,699.675 pink bag beauty / 8,000 green bags", étant précisé que les ordres de décharge et de relâche ont été signés par E______ et AO_____ (pièces 77'133 à 77'136, 650'313).
j.d.c.b. Par un message électronique du 22 janvier 2004, AR_____, employée de M______ mais intervenant au nom de DK_____, a autorisé AB_____, agent maritime à ______[CÔTE D'IVOIRE], à relâcher 4'780 tm de riz provenant du M/V Q______ en faveur de CE_____, reprenant les références AJ-01 à AJ-04 figurant dans les factures mentionnées supra (pièces 14'338, 650'498).
Le 3 février 2004, AW_____, également employée de M______ et intervenant au nom de DK_____, a autorisé AB_____ à relâcher 6'954 tm supplémentaires de riz en faveur de CE_____ (pièces 14'339, 650'499).
Le 10 février 2004, AW_____, intervenant au nom d'AM GVA, a instruit AB_____ de relâcher 4'300 tm (86'000 pink dragon F/F bags) en lien avec le navire M/V Q______ en faveur de DJ_____ (pièces 14'340, 650'500).
Le 19 mai 2004, M______ a instruit un de ses clients, DL_____, au Burkina Faso, d'effectuer un paiement d'EUR 1'059'123.- sur son compte auprès de N______ AG et a indiqué à la banque que ce versement était à affecter au M/V Q______ (pièce 65'051).
Le 21 juin 2004, la banque a reçu, par l'intermédiaire de sa cliente, un document intitulé « Garantie » provenant d'AB_____, portant sur le déchargement et le stockage à ______[CÔTE D'IVOIRE] de 15'000 tm en provenance du navire M/V Q______, faisant référence aux connaissements émis le 16 octobre 2003, la marchandise restant l'entière propriété de M______ pour le compte exclusif de N______ AG avec la garantie ordinaire (pièces 14'296 et 14'298).
Le 28 juin 2004, N______ AG a reçu un deuxième document de « Garantie » émis par AA_____, portant sur le déchargement et le stockage de 28'724 tm de riz en provenance des navires M/V Q______ et M/V R______, dans ses magasins de transit sis à ______[TOGO], au Togo, marchandise restant l'entière propriété de M______ pour le compte exclusif de la banque et ne pouvant être libérée que sur présentation des connaissements originaux dûment endossés par N______ AG, étant toutefois rappelé que ce navire a accosté à ______[TOGO] lors de son précédent voyage de sorte que cette attestation ne concerne apparemment pas la marchandise financée par N______ AG entre mars et mai 2004 (pièce 14'301).
Le 9 mars 2005, N______ AG a reçu une troisième « Garantie » d'AB_____ concernant 14'180 tm provenant du M/V Q______, entreposées à ______[CÔTE D'IVOIRE] au nom de M______ pour le compte de la banque, faisant référence à des connaissements du 19 octobre 2003, comprenant un engagement de ne pas s'en dessaisir sans la présentation des connaissements originaux ou un accord écrit de la banque et de M______ (pièce 14'322).
j.d.c.c. Le 25 novembre 2005, AO_____ a transmis à N______ AG un fax d'AB_____ daté du 25 octobre 2005, ayant pour destinataire N______ AG, selon lequel le riz entreposé en ses locaux pour le compte de M______ avait été évacué en raison d'un état de détérioration avancée, précisant en outre que les frais d'entreposage et d'enlèvement demeuraient impayés. Parallèlement à ce document, M______ avait également transmis, dans le cadre du même envoi, une attestation de AA_____ du 20 octobre 2005, faisant référence à la garantie du 9 mars 2005 et informant M______ du fait qu'elle s'était déchargée de la supervision des lots de riz en raison de l'invalidité des connaissements prononcée par les armateurs (pièces 14'327 à 14'329).
Au cours d'un échange de courriers électroniques entre N______ AG et AB_____ courant janvier 2008, celle-ci indiquait que tout le riz débarqué du navire M/V Q______ le 5 janvier 2004 à ______[CÔTE D'IVOIRE] avait été « délivré » entre les 26 janvier et 17 février 2004. Les frais avaient été payés par les réceptionnaires CE_____ et DM_____. Les garanties émises subséquemment par AB_____ (portant sur 15'000 tm) l'avaient été à la demande de M______ (pièces 14'341 à 14'343).
Facturation et paiement
j.d.d. Il ressort des factures n°40'692 à 40'695 du 5 janvier 2004, adressées par M______ à CE_____, qu'environ 11'824 tm de riz provenant de la cargaison du M/V Q______ et déchargées à ______[CÔTE D'IVOIRE] ont été vendues à celle-ci pour plus d'USD 2'807'688, les numéros de connaissements figurant sur ces factures (AJ-01 à AJ-04) n'étant pas ceux ressortant des documents en possession de la banque, mais faisant référence aux ports de "______[CHINE] 16 oct. 2003", respectivement "______[CHINE] 2 oct. 2003" (pièces 67'009 à 67'012).
Selon une facture du 22 janvier 2004, M______ a vendu à la société DM_____ environ 4'300 tm de riz provenant de la cargaison du M/V Q______, pour USD 1'139'207.90 (soit XOF 596'444'400) (pièces 85'227, 84'897).
Les notes de révision d'AE_____ SA pour l'exercice 2004 révèlent que les factures suivantes, faisant expressément référence au navire M/V Q______, ne figurent pas dans la liste des débiteurs de M______ au 30 septembre 2004 (pièces 84'830ss) :
- la facture n°40'654 du 1er novembre 2003 à ETS DI_____, pour une somme d'USD 1'070'000.-, concernant 5'000 tm de riz ;
- la facture n°40'663 du 12 novembre 2003 à DR_____, pour USD 1'272'000.-, concernant 6'000 tm de riz ;
- la facture n°40'668 du 19 novembre 2003 à DH_____ SA, pour USD 1'033'595.40, concernant 4'875.45 tm de riz ;
- les factures n°40'692 à 40'695 du 5 janvier 2004 à CE_____, pour USD 2'807'688.70, concernant 11'824.55 tm de riz ;
- la facture n°40'699 du 22 janvier 2004 à DM_____, pour USD 1'139'208.80, concernant 4'300 tm de riz, étant précisé que cette société a versé le 24 septembre 2004 USD 2'387'825.- afférents à une autre facture (n°40'790) (pièces 84'896, 84'897, 84'839).
j.d.e. Le 10 juin 2004, M______ a indiqué à N______ AG qu'elle était en attente de paiements de la part de divers acheteurs en lien avec la marchandise transportée sur le M/V Q______. A cet égard, les montants lui seraient versés afin de rembourser le solde dû pour cette cargaison, soit USD 3'770'000.-. Dans l'intervalle, N______ AG pouvait conserver USD 1'079'000.-, récemment crédités en lien avec une autre opération financée par M______ (pièce 84'696).
Le 2 juillet 2004, M______ a informé N______ AG avoir reçu obtenu, en lien avec la marchandise transportée par les navires M/V Q______ et M/V R______, USD 540'000.-, USD 236'000.-, USD 253'000.-, USD 500'000.- (pièce 84'690).
Le 29 décembre 2004, M______ a avisé N______ AG de trois paiements en lien avec la marchandise transportée par le M/V Q______ opérés sur ses comptes auprès de la banque pour un montant total d'USD 1'627'116.-, USD 300'000.- (valeur au 9 décembre 2004), USD 300'000.- (valeur au 28 décembre 2004) et EUR 753'432.- (soit USD 1'027'116.-, valeur au 29 décembre 2004), correspondant à 11'487.37 tm de riz pour lesquelles M______ demandait la restitution des connaissements (K6, K4A, K4B, K3, 1-1, 1-2, 1-5, et 1-6). N______ AG a considéré dans sa plainte que le crédit de USD 1'617'231.58 (sic) (sur les USD 2'739'443.44 du financement initial) correspondait à 10'350 tm de riz (sur les 20'850 tm financés) (pièces 14'308 à 14'013).
Déclarations
j.d.f. A la police, AO_____ a notamment relevé que le certificat d'AB_____, certifiant en juin 2004 être en possession de 15'000 tm pour le compte de N______ AG, pourrait contenir une fausse information, dès lors que le stock avait été entièrement relâché avant, en janvier ou février 2004. Elle reconnaissait que cette situation était anormale et que N______ AG aurait dû être payée pour cette marchandise. Le certificat de stockage d'AB_____ portant sur 14'180 tm et remis à N______ AG le 9 mars 2005 contenait de nouveau une fausse information et avait été transmis soit par elle-même, soit par AR_____, soit directement par AB_____. Elle s'était rendue compte que les informations transmises à N______ AG étaient fausses mais elle était tenue de suivre les instructions données par E______ et G______. Elle n'était pas très à l'aise de devoir cacher des informations à N______ AG. Lorsque la banque lui posait des questions au sujet des transactions, elle s'adressait à E______ ou G______ pour savoir comment leur répondre. Ces derniers lui donnaient ensuite les instructions précises à communiquer. Les faux certificats d'entrepôts étaient établis par les transitaires sur instructions de E______ qui en parlait d'abord à G______. L'argent destiné à N______ AG avait dû être utilisé pour effectuer d'autres paiements auprès d'autres banques (pièces 40'330ss).
j.d.g. BD_____ a confirmé que 14'180 tm de riz avait été stockées à ______[CÔTE D'IVOIRE] auprès d'AB_____ et que N______ AG avait pour ce faire reçu de M______ un certificat d'entreposage en juin 2004 puis une confirmation de stock en mars 2005. Cependant, en janvier 2008, N______ AG avait été informée par AB_____ que la marchandise avait été remise à une société DM_____ sur instructions de M______ et avait reçu à cet égard une copie des instructions de la précitée datées de janvier et février 2004. La perte s'élevait à USD 2'475'000.- (pièces 40'277ss).
j.d.h. G______ a, devant le Juge instructeur le 4 juin 2009, mis en doute le fait qu'une partie de la cargaison, soit 15'875 tm de riz ait été déchargées à ______[MADAGASCAR]. La mention manuscrite apposée sur l'ordre de relâche n°3 du 24 novembre 2003, en faveur de la société DI_____, pouvait signifier que le produit de la vente avait été crédité sur le compte de M______ auprès de la AS_____, ou que cette dernière ait émis ou confirmé une lettre de crédit. L'encaissement sur un tel compte de la contrepartie de la marchandise entièrement financée par N______ AG dépendait du mode de financement, de l'opération entre le client et la banque, tout comme des circonstances en Afrique qui changeaient très rapidement. Il ne savait pas pour quel motif N______ AG n'avait jamais été informé du déchargement en janvier 2004 du solde de la cargaison à ______[CÔTE D'IVOIRE], respectivement de son entreposage auprès d'AB_____. Cela signifiait « aussi que la banque, le cas échéant, n'était pas intéressée à cela, travaillant sur une base ouverte et en confiance ». Il ignorait si le produit des ventes passées avec CE_____ et DM_____, reçu à fin janvier - début février 2004, avait été crédité sur le compte de M______ auprès de la AS_____. Il n'y avait rien de caché à cela. Ces fonds n'avaient pas été crédités sur un compte secret puisqu'il s'agissait d'un compte de M______ et que N______ AG avait reçu de nombreux transferts en provenance dudit compte. Il ne pouvait répondre précisément sur l'usage des fonds en question, puisqu'un flux continuel de deniers entrants et sortants avait cours, s'agissant de comptes-courants. La teneur de la garantie émanant d'AB_____ du 21 juin 2004 devait à son avis correspondre à la réalité puisqu'il n'y avait aucune raison que M______ sollicite de son entrepositaire quelque chose d'incorrect. Il pouvait aussi s'agir d'une erreur de la part de l'agent. Pour le certificat d'AB_____ du 9 mars 2005, il ne pensait pas davantage qu'il soit mensonger. En définitive, cela ne faisait aucune différence par rapport au mode de financement trouvé avec N______ AG. S'agissant du certificat du 25 octobre 2005 annonçant l'évacuation et la destruction du riz, G______ a observé qu'à cette époque M______ rencontrait déjà des problèmes, ce dont il avait informé les banques. Dans la mesure où ce document était adressé directement à N______ AG, la question devait lui être posée. Ce message du 25 octobre 2015 ne concernait sans doute pas N______ AG, sans quoi la banque aurait dû effectuer des investigations complémentaires. Il n'y avait rien de faux à indiquer dans ces garanties une banque chargée du financement de la marchandise comme disposant d'un droit de gage, ce qui n'était pas de nature à rassurer la banque et à la conforter dans l'existence toujours actuelle d'un stock physique des marchandises qu'elle avait financées. Le nom de N______ AG avait été porté sur les attestations en question dans le cadre d'une procédure standard et automatique ayant cours chez M______ sur la base de directives initiées par lui-même plus de 12 ans auparavant et bien connues de E______ (pièces 50'066 ss).
j.d.i. E______ lors de cette même audience a précisé qu'elle était certes informée du déchargement des marchandises, sans savoir toutefois quelle banque l'avait financée, voire si cette dernière en avait été avertie. Il ne lui apparaissait pas bizarre de ne pas avoir fait créditer la contrepartie du produit de ces ventes sur le compte de M______ auprès de N______ AG qui, à de multiples occasions, avait reçu des fonds de la AS_____. N______ AG avait financé des marchandises déjà embarquées des mois plus tôt au vu de la date des connaissements. Elle devait s'être rendue compte que cette marchandise avait dû être débarquée dans l'intervalle. La présentation des connaissements à la banque était nécessaire afin que celle-ci procède à des paiements, un tel document reflétant la date d'embarquement de la marchandise. En principe, la marchandise était relâchée une fois payée par un acheteur, c'est-à-dire son produit encaissé, respectivement une traite avalisée remise. Les certificats d'AB_____ des 21 juin 2004 et 9 mars 2005 devaient avoir été établis à la demande de AO_____. Elle ne savait pas s'ils étaient mensongers. Il y avait continuellement de la marchandise à ______[CÔTE D'IVOIRE] (pièces 50'066ss).
M/V R______
j.e.a. A teneur du "Laytime statement of facts" émis le 12 septembre 2003 par DO_____, 32'070.400 tm de riz ont été chargées sur le navire M/V R______, entre le 30 août et le 10 septembre 2003, dans le port de ______[CHINE], étant précisé que ce navire avait déjà effectué deux autres transports, un premier en juin 2002 et un second en janvier 2003 (pièces 75'735 et 75'736, pièces 39 et 40 du bordereau de pièces annexé aux notes de plaidoirie du Conseil de G______ du 20 novembre 2015).
Les connaissements K5A à K5G ont été émis le 10 septembre 2003, en mentionnant comme exportateur M______ pour le compte de DP_____ pour 15'000 tm de riz chinois (pièces 14'281 à 14'287, 650'471 à 650'484).
Financement
j.e.b. N______ AG a effectué les décaissements suivants, en lien avec les connaissements K5A (5'000 tm), K5B (2'500 tm), K5C (2'500 tm), K5D (2'000 tm), K5E (1'000 tm), K5F (1'000 tm), K5G (1'000 tm) :
- USD 2'281'480.-, le 15 mars 2004, suite à une remise documentaire intervenue le 18 décembre 2003 (n°réf : 43-2024956) (pièces 14'276, 14'277) ;
- USD 457'963.-, le 7 mai 2004, en paiement du fret du navire (pièces 14'279, 14'280, 650'469 et 650'470).
Entreposage et relâche
j.e.c. Au début du mois d'octobre 2003 au plus tard, le M/V R______ a accosté à ______[MADAGASCAR] où M______ a fait décharger, entre le 2 et le 27 octobre 2003, 11'000 tm de riz dans les entrepôts d'DC_____ ("requests for discharge" n°1 à 5), pour les faire relâcher ("requests for release" n°1 à 5) en plusieurs lots, totalisant 6'000 tm, jusqu'au 31 mars 2004 en faveur de DQ_____ et DR_____ (pièces 77'159 à 77'168), étant précisé que les diverses requêtes de relâche et de décharge ont été signées par AO_____.
A la mi-novembre 2003, le M/V R______ (sic) a accosté à ______[CAMEROUN], en Guinée, où 21'000 tm de riz ont été déchargées dans les entrepôts de CY_____, puis relâchées à raison de 11'500 tm en faveur de la société CW_____ et à raison de 5'000 tm en faveur de la société DF_____, ce entre les 21 novembre et 4 décembre 2003, étant précisé que les diverses requêtes de relâche et de décharge ont été signées par AO_____ et/ou E______ (pièces 77'153 à 77'158).
Le 28 juin 2004, AA_____ a émis une « Garantie » portant sur le déchargement et le stockage de 28'724 tm de riz, en provenance des navires M/V Q______ et M/V R______, dans ses magasins de transit sis à ______[TOGO]. Cette marchandise restait l'entière propriété de M______ pour le compte exclusif de la banque et comprenait les clauses de non dessaisissement déjà évoquées supra (pièce 14'301).
M______ a adressé le 11 mars 2005 au N______ AG une « confirmation » de AA_____ du 9 mars 2005 pour la détention d'un solde de 11'500 tm de riz en provenance des navires M/V R______ et M/V DS_____ (pièces 84'685 à 84'686).
Facturation et paiement
j.e.d. Les notes de révision d'AE_____ SA pour l'exercice 2004 révèlent que la facture n°40'663 du 12 novembre 2003 à DR_____, pour USD 1'272'000.-, concernant 6'000 tm de riz faisant expressément référence au navire M/V Q______ (sic), mais pour lequel il n'existe pas d'ordre de relâche, contrairement au M/V R______ à ______[MADAGASCAR], ne figurait pas dans la liste des débiteurs de M______ au 30 septembre 2004 (pièces 84'830ss).
Le 14 janvier 2004, M______ a facturé à la société DF_____ un montant d'EUR 846'000.- pour 4'700 tm de riz provenant du M/V R______. Cette facture n 40'696 figure dans la liste des débiteurs de M______ au 30 septembre 2004 pour un montant de EUR 23'285.05, compte tenu des versements intervenus (pièces 84'899, 84'853).
Le 10 juin 2004, M______ a indiqué à N______ AG qu'en lien avec la marchandise transportée sur le M/V R______, la banque pouvait prendre USD 400'000.- provenant de la négociation en lien avec le DS_____ en attente d'un remboursement du montant dû par M______ pour cette opération, soit USD 2'670'000.- (pièce 84'696).
Le 2 juillet 2004, M______ a informé N______ AG avoir reçu obtenu, en lien avec la marchandise transportée par les navires M/V Q______ et M/V R______, USD 540'000.-, USD 236'000.-, USD 253'000.-, USD 500'000.- (pièce 84'690).
Le 29 septembre 2004, AR_____ a avisé la banque de plusieurs paiements opérés sur ses comptes en lien avec les marchandises transportées par le M/V R______, soit USD 540'000.- (valeur 2 juillet 2004), USD 700'000.- en trois paiements de USD 300'000.- (valeur 27 août 2004), USD 100'000.- (valeur 3 septembre 2004), USD 300'000.- (valeur 7 septembre 2004) et EUR 377'231.- (valeur 30 septembre 2004), pour une somme totale d'USD 1'617'231.-, équivalente à 10'350 tm de marchandises. M______ a demandé en conséquence la remise des connaissements K5B, K5E, K5G (soit 4'500 tm pour les trois), K4A (1'500 tm), K4B (1'500 tm), K4C et K4D, les quatre derniers correspondant à de la marchandise transportée sur le M/V Q______ (pièces 14'302, 650'494).
Le 25 novembre 2005, AO_____ a transmis à N______ AG un fax d'AB_____ daté du 25 octobre 2005, ayant pour destinataire N______ AG, selon lequel le riz entreposé en ses locaux pour le compte de M______ avait été évacué en raison d'un état de détérioration avancée, précisant en outre que les frais d'entreposage et d'enlèvement demeuraient impayés. Parallèlement à ce document, M______ avait également transmis, dans le cadre du même envoi, une attestation de AA_____ du 20 octobre 2005, qui informait M______ que les connaissements relatifs aux lots de riz entreposés à ______[TOGO], selon garantie du 24 (sic) juin 2004 et confirmation du 9 mars 2005, avaient été invalidés selon les armateurs et qu'elle s'était ainsi déchargée de la supervision des lots (pièces 14'327 à 14'329).
Le 21 février 2008, sur interrogation de la banque, AA_____ a expliqué qu'elle ne pouvait pas répondre quant au devenir des stocks à ______[TOGO] vu l'ancienneté des faits, ajoutant que ses frais, soit EUR 87'000.-, demeuraient toujours en souffrance (pièce 14'346).
Déclarations
j.e.e. AO_____ a indiqué que l'attestation d'AA_____ du 28 juin 2004 certifiant être en possession de 28'724 tm de riz « ne reflét[ait] pas la réalité » (pièce 40'334).
j.e.f. BD_____ a relevé que le solde du riz invendu de 10'500 tm était entreposé auprès d'AA_____ au Togo et que N______ AG avait reçu de M______ en juin 2004 un certificat d'entreposage portant sur une quantité de 28'724 tm. Il imaginait que d'autres banques devaient être concernées par cette cargaison. En octobre 2005, AA_____ avait informé N______ AG du fait que la marchandise n'était plus sous leur contrôle, suite à l'invalidité des connaissements par les armateurs. Cette perte s'élevait à USD 1'400'000.- (pièce 40'277).
j.e.g. G______ a déclaré le 4 juin 2009 devant le magistrat instructeur ne pas pouvoir répondre à la question de savoir qui avait financé le riz chinois embarqué sur ce bateau, lequel avait effectué de nombreux voyages. Les ordres de relâche figurant à la procédure étaient des documents de planning et il doutait qu'ils aient été communiqués à quiconque en dehors de la société. Il ignorait où le produit des ventes de cette cargaison avait été encaissé. Il n'y avait jamais eu de droit de gage concédé en faveur de N______ AG. Le financement concédé par cette banque était « une sorte de crédit commercial partiel, soumis à réévaluation en fonction de différents critères, au fur et à mesure de l'écoulement de la relation ». Il pensait que la banque avait dû être informée des relâches. L'attestation d'AA_____ du 28 juin 2004 ne démontrait pas combien de tonnes métriques de riz avaient été déchargées, et dans quels ports. Elle était par ailleurs bien postérieure au voyage du M/V R______ concerné par la procédure. Aucun certificat « taxé de faux » n'avait été remis à une quelconque banque avec laquelle M______ travaillait (pièces 50'053ss).
j.e.h. E______ a indiqué ne pas savoir à quel voyage de ce navire correspondaient les ordres de décharge figurant en pièces 77'164 à 77'168 de la procédure. Elle ignorait si ce riz avait été vendu, et s'il s'agissait de celui financé par N______ AG. Elle ne savait rien des attestations remises à cette dernière, contestant avoir donné de quelconques instructions à AO_____ à cet égard (pièces 50'053ss).
M/V S______
j.f.a. Le M/V S______ a été affrété pour le transport d'une cargaison de 15'800 tm riz chinois depuis le port de ______[CHINE], en Chine, qu'il a quitté le 10 octobre 2003 à destination de l'Afrique de l'Ouest. Il a accosté à ______[CÔTE D'IVOIRE] le 1er décembre 2003 et n'y est plus revenu durant près de six ans à teneur du rapport DT_____ imprimé le 25 juin 2009 (pièces 404'121, 65'090).
Le 19 octobre 2003, 5'000 tm de riz ont notamment été chargées sur le M/V S______, sous connaissements "Freight prepaid" n°BF3100A, BF3100B et BF3100F, émis au nom et pour le compte de M______, et portant sur respectivement 3'000 kg [recte : tm], 1'500 kg [recte : tm] et 500 kg [recte : tm] (pièces 14'290 à 14'293, 650'487 à 650'492).
Financement
j.f.b. N______ AG a financé 5'000 tm de riz par un décaissement du 26 mars 2004 d'USD 789'253.- (pièces 14'288, 650'485).
Entreposage et relâche
j.f.c. Le M/V S______ est arrivé le 1er décembre 2003 à ______[CÔTE D'IVOIRE]. Entre les 1er et 5 décembre 2003, M______ a ordonné à AB_____ de procéder au déchargement de 15'800 tm de riz de ce navire (pièces 77'131, 77'132, 404'121, 650'312).
Sur ordre de M______, soit pour elle AO_____ et E______, AB_____ a, entre les 23 décembre 2003 et 6 janvier 2004, relâché la totalité de ce riz, avec la mention "total paid", en faveur de CE_____ (pièces 77'129, 77'130).
Le 10 juin 2004, M______ a indiqué à N______ AG que la marchandise transportée sur le M/V S______ était entreposée auprès d'AB_____, qu'elle avait été vendue à CE_____ et qu'elle était en attente du paiement de celle-ci la semaine prochaine (pièce 84'696).
Le 21 juin 2004, M______, soit pour elle AO_____, a fait parvenir à N______ une « Garantie » émise par AB_____ le 16 juin 2006, à ______[CÔTE D'IVOIRE], portant sur le déchargement et le stockage de 5'000 tm en provenance du navire M/V S______, restant l'entière propriété de M______ pour le compte exclusif de la banque et comprenant les clauses de relâche déjà mentionnées ci-dessus (pièce 14'297).
Le 2 juillet 2004, une réunion s'est déroulée entre G______ et N______ AG, décrite sous point j.b.c.d supra (pièces 14'299ss).
Le 9 mars 2005, AB_____ a confirmé sa « Garantie » portant sur le déchargement et le stockage à ______[CÔTE D'IVOIRE] de 5'000 tm en provenance du navire M/V S______, selon connaissements maritimes du 19 octobre 2003, restant l'entière propriété de M______ pour le compte exclusif de N______ AG (pièce 14'321).
Le 25 novembre 2005, M______ a transmis à N______ AG un fax d'AB_____ du 25 octobre 2005, selon lequel le riz entreposé en ses locaux pour le compte de M______ avait été évacué en raison d'un état avancé de détérioration et que les frais d'entreposage et d'enlèvement demeuraient impayés (pièces 14'327, 14'328).
Facturation et paiement
j.f.d. Le 28 novembre 2003, M______ a facturé à CE_____, sous n°40'700, une somme d'USD 3'002'000.-, concernant 15'800 tm de riz transportées sur le M/V S______. Cette facture ne figurait pas dans la liste des débiteurs de M______ au 30 septembre 2004, étant précisé que CE_____ a versé plus d'USD 10 millions au cours de l'exercice en sa faveur, qui pour sa part lui a facturé un montant quasi identique de sorte que CE_____ demeurait débitrice de USD 109'000.- au 30 septembre 2004 (pièces 84'897, 84'849ss, 85'120).
Par facture n°40'684 du 8 décembre 2003, M______ a facturé à CN_____ une somme de USD 2'797'400.-, pour 14'200 tm de riz en lien avec le M/V S______. Cette facture ne figurait également pas dans la liste des débiteurs de M______ au 30 septembre 2004 (pièces 84'896, 84'844, 85'121).
Déclarations
j.f.e. BD_____ a relevé que 5'000 tm de riz avait été entreposées à ______[CÔTE D'IVOIRE] auprès d'AB_____, quantité pour laquelle N______ AG avait reçu de M______ un certificat d'entreposage en juin 2004. Cependant, en octobre 2005, AB_____ avait avisé la banque que la marchandise avait été évacuée en raison de problèmes sanitaires, occasionnant une perte d'USD 800'000.- (pièce 40'278).
j.f.f. Au sujet de ce navire, G______ a répété au Juge d'instruction le 21 juillet 2009 les explications prévalant pour le navire Q______, s'agissant en particulier du fonctionnement des relations entre M______ et N______ AG. Il n'y avait rien de clandestin à ce que le prix de vente de la marchandise soit encaissé par M______ sur l'un de ses comptes. La garantie émise par AB_____ le 16 juin 2004 avait été établie pour M______ et non pour la banque. Il ne savait pas qui avait signé ce document ni même si la société dont il était censé émaner disposait « bien » d'un capital action. Un tel document ne pouvait pas servir à obtenir un financement. La marchandise déchargée à ______[CÔTE D'IVOIRE] provenait sans doute de plusieurs bateaux et n'était plus identifiable comme provenant de tel ou tel navire une fois entreposée. Ce document n'était pas important, comme en attestait l'absence de signature d'un directeur sur la lettre d'accompagnement (pièces 50'079ss).
j.f.g. E______ a expliqué que la marchandise était déjà embarquée, soit « flottante », au moment où la banque l'avait payée. N______ AG ne pouvait l'ignorer puisqu'il disposait des connaissements. Elle ignorait où le prix des ventes du riz de cette cargaison avait été encaissé. M______ travaillait très souvent avec AB_____ dans un courant d'affaires continues existantes. Le texte de l'attestation d'AB_____ de juin 2004 pouvait être « standard ». Il n'était pas de son ressort d'informer N______ AG que la marchandise avait été vendue (pièces 50'079 ss).
K______ et BV_____
M/V T______
j.g.a. Le 9 juin 2005, M______ a conclu un contrat de vente avec la société CC_____ Sàrl, sise à ______[GUINEE], portant notamment sur 12'000 tm de riz de Myanmar, contrat transmis le 21 juin 2005 à K______ (pièces 10'245 à 10'248).
Financement du K______
j.g.b.a. Le K______ a financé 7'862 tm (4'362 tm + 3'500 tm) de riz sur une cargaison totale de 11'728 tm transportées sur le M/V T______ depuis le port de DU_____, en Birmanie, vers ______[TOGO] au Togo, puis vers ______[GUINEE], où il est arrivé le 14 juin 2005, ayant été affrété par CI_____ (pièces 404'080ss, 10'209 à 10'218, 650'359 à 650'360, 10'223 et 10'224, 10'237ss).
Dans le cadre de ce financement, K______ a émis le 15 avril 2005 les lettres de crédit L/C 15_____ d'EUR 640'231.- et L/C 16_____ d'EUR 498'066.- (pièces 10'209, 650'359, 10'214 à 10'218).
K______ a opéré les décaissements suivants :
- USD 723'367.-, le 21 avril 2005, pour le fret en faveur de CI_____ (pièces 10'219, 10'220) ;
- USD 21'596.-, le 25 avril 2005, en faveur d'AZ_____ Ltd (pièces 10'221, 10'222) ;
- EUR 638'708.-, le 24 mai 2005, en exécution de la lettre de crédit L/C 15_____, et EUR 496'995.-, en paiement de la lettre de crédit L/C 16_____ (pièces 10'231, 10'232).
K______ était en possession de deux connaissements du 26 avril 2005 ("freight prepaid"), n°01/AFRICA portant sur 3'492 tm et n°03/AFRICA portant sur 4'351 tm, à destination de ______[TOGO], qu'elle avait reçus le 23 mai 2005 (pièces 10'223 et 10'224, 10'225 et 10'228).
Le 5 juillet 2005, après avoir, à la demande de M______, transmis ces connaissements à l'affréteur pour annulation et réémission, K______ a reçu le 7 juillet 2005 de CI_____ neuf nouveaux connaissements "freight prepaid", soit les connaissements CKY-01 (1'000 tm), CKY-02 (1'000 tm), CKY-03 (1'000 tm), CKY-04 (492 tm), CKY-05 (1'000 tm), CKY-06 (1'000 tm), CKY-07 (1'000 tm), CKY-12 (1'000 tm) et CKY-13 (351 tm), le port de destination étant ______[GUINEE] (pièces 10'233ss, 650'364).
Financement de la BV_____
j.g.b.b. BV_____ a financé 4'000 tm de riz vendues par DV_____, de la cargaison du M/V T______, en émettant le 4 février 2005 une lettre de crédit ______ d'une valeur d'USD 704'000.- (pièces 18'033 ss).
Dans le cadre de ce financement, la banque a payé, le 12 avril 2005, USD 404'800.- à titre de fret et, le 18 mai 2005, EUR 552'815.- pour la marchandise (pièces 18'039, 18'040).
BV_____ a reçu le 26 avril 2005 quatre connaissements totalisant 3'884 tm émis par CI_____ ("freight prepaid"), soit les connaissements CKY-08 portant sur 884 tm et CKY-09 à CKY-11 concernant chacun 1'000 tm, le port de destination étant ______[GUINEE] (18'041 à 18'044, 650'518).
Par ailleurs, le M/V T______ a également chargé 6'300 tm de riz en Inde fin avril 2005 (pièce 77'506).
Entreposage et relâche
j.g.c. Le 21 juin 2005, K______, M______ et BU_____ ont conclu un contrat de tierce détention de type CMA pour stocker la marchandise financée et comprenant une clause interdisant à M______ de transférer la propriété des marchandises durant la durée de garde sans un ordre de relâche écrit de la banque, précisant la quantité de marchandises à libérer, la date de livraison et le nom de la personne à qui celles-ci seront remises, le contrat portant initialement, selon avenants n°1 et 2 du 27 juin 2005 signés par les intéressés, sur 3'700 tm de riz (pièces 10'249ss, 10'291, 10'293, 650'366ss, 650'391ss). Le 13 octobre 2005, selon avenant n°3 signé par les intéressés, le contrat de tierce détention avec BU_____ a été étendu à 1'042 tm supplémentaires (pièce 10'298).
Entre les 5 juillet et 14 septembre 2005, BU_____ a établi quatre certificats d'entreposage portant sur un total de 4'758 tm stockées à ______[GUINEE] en provenance du M/V T______, certificats spécifiant que la relâche n'interviendrait que sur ordre écrit de K______ (pièces 10'294 à 10'297).
Le 10 octobre 2005, au regard du solde de la marchandise financée par cette banque (soit 3'100 tm), M______ a indiqué qu'un nouveau reçu d'entrepôt de BU_____ concernant 1'000 tm supplémentaires, ainsi qu'un reçu d'entrepôt d'un transitaire, vraisemblablement DW_____ SA, pour les 2'000 tm restantes, devraient parvenir à la banque. Ces marchandises seraient ensuite acheminées dans les entrepôts de BU_____ (pièces 10'300 à 10'302).
En décembre 2005, K______ a souhaité connaître l'identité des autres établissements bancaires qui avaient financé l'achat et l'entreposage de la marchandise transportée sur le navire susmentionné. M______ a transmis alors à la banque des copies d'un document intitulé "listing payment CC_____" et les factures n°5200/A à 5200/D, datées du 22 décembre 2005, adressées à ce client, dont les deux dernières, portant sur 5'824.55 tm de riz provenant du M/V T______ et correspondant à USD 1'834'733.25, devaient être payées auprès de K______ (pour 4'742.250 tm de riz blanc), respectivement de la BV_____ (pour 1'082.300 tm), et les deux premières, correspondant à près d'USD 700'000.- de frais de stockage, auprès de la BV_____ (pièces 10'304 ss).
Par "request for discharge" du 3 juin 2005, signée par AR_____ et E______, M______ a ordonné de décharger 6'500 tm de riz indien du M/V T______ en faveur de BU_____ dans le port d'______[CÔTE D'IVOIRE] (pièce 77'011).
Entre les 10 juin et 22 juillet 2005, M______ a émis plusieurs ordres de décharge dans le port de ______[GUINEE] relatifs à de la marchandise en provenance du M/V T______, portant au total sur 11'728.296 tm. Sur cette quantité, 4'000 tm avaient pour réceptionnaire CC_____ Sàrl et 7'728.296 tm BU_____ pour le compte de M______. Il sied de relever que le dernier ordre de décharge, qui récapitulait les quantités déchargées du M/V T______ à ______[GUINEE], indiquait, à côté de la quantité de 7'728.296 tm "BU_____ for the account of L______ LTD - Magasins _______" et, à côté de la quantité de 4'000 tm, « Société CC_____ ». Ces ordres ont été signés par AO_____ ou AR_____ et/ ou E______ (pièces 77'006 à 77'010).
Le 6 septembre 2005, BU_____ a établi un certificat d'entreposage portant sur 1'082 tm stockées à ______[GUINEE] en provenance du M/V T______ et qui confirmait que la relâche n'interviendrait que sur ordre écrit de la banque (pièce 18'045).
Le 5 octobre 2005, Y______ SA a fait parvenir à la BV_____, à la demande de M______, une attestation confirmant la réception et la prise en charge de 2'246 tm de riz à ______[GUINEE], précisant que cette marchandise était détenue pour le compte exclusif de la banque (pièce 18'046).
Selon un rapport du 24 octobre 2005, établi par BU_____ Guinée ______[GUINEE] SA à la demande de l'assureur maritime de DX_____, le M/V T______ a accosté à ______[GUINEE] en provenance d'______[CÔTE D'IVOIRE] le 18 juin 2005, le réceptionnaire étant CC_____ Sàrl. L'auteur du rapport a indiqué avoir constaté le 18 juin 2005 que la cargaison déchargée comprenait 11'728.208 tm de riz. Le déchargement avait été effectué par DW_____ SA et les sacs sains avaient été « livrés soit directement à CC_____, soit en magasin de stockage DY_____ ou DZ_____ ». Il était encore mentionné des « pertes totales cumulées » de 1'008.44 tm. Deux tableaux de décompte étaient annexés à ce rapport, portant respectivement les mentions « Situation entrée en magasin » et « Situation sous-palan », lesquels indiquent des quantités de 7'728.202 tm et de 4'000 tm (pièces 404'081 ss).
Le 26 janvier 2006, BU_____, qui avait enquêté sur mandat de la banque, a informé la BV_____ que selon Y______ SA (BU_____ ayant rencontré deux employés de cette société, dont le PDG), l'attestation du 5 octobre 2005, mentionnant 2'246 tm de riz stockées, était « le fait d'un pur montage » et que cette société n'était pas intervenue dans les opérations de déchargement du M/V T______ (pièce 18'047).
Paiement
j.g.d. Il ressort de l'analyse des comptes de M______ auprès de AS_____ et du compte de CC_____ Sàrl auprès de EA_____ SA que quelque USD 1'998'984.13.- ont été versés par CC_____ Sàrl, au travers de EA_____ SA, entre les 13 mai 2005 et 8 juin 2006, en lien avec le M/V T______, sur le compte AT_____. Ces montants correspondent également au listing des paiements de M______ du 22 décembre 2005, d'où il ressort que les opérations en lien avec les navires autres que le M/V T______ étaient bouclées le 29 mars 2005, respectivement le 20 avril 2005 (pièces 20'105 à 20'106, 48'403).
Le 17 février 2006, suite à une procédure judiciaire introduite par CC_____ Sàrl en Guinée, celle-ci, d'une part, et M______, ainsi que les banques K______, BV_____ et AG_____, d'autre part, ont signé un protocole d'accord en lien avec les quantités de riz dont BU_____ était dépositaire (soit, s'agissant de K______ et BV_____ en relation avec le M/V T______, respectivement 4'742 tm et 1'082 tm). Suite à cet accord, les banques ont relâché lesdites quantités en faveur de CC_____ Sàrl, qui a payé en échange un montant d'USD 2'200'000.-, que les trois banques devaient se partager (pièces 10'313 à 10'320).
Déclarations
j.g.e. EB_____, d'EA_____ SA, a en substance déclaré que CC_____ Sàrl lui vendait des quantités importantes d'or et qu'il payait cette dernière directement auprès de ses débiteurs dont M______. Au sein de M______, il était en contact avec E______ qui la contactait en général le jour même pour lui donner les instructions de virement, dans la mesure où il recevait rarement une copie des factures à régler. L'argent était viré sur un ou plusieurs comptes de M______ auprès notamment de la AS_____, d'AG_____ ou de la BP_____. Il ignorait comment M______ affectait ensuite ces montants (pièce 40'149).
j.g.f. AO_____ a expliqué que, même si elle ne se souvenait pas de ce cas, il était pour elle tout à fait normal que CC_____ Sàrl fasse des paiements vers d'autres banques, dans la mesure où les opérations étaient opérées auprès de différents établissements bancaires. En effet, celles-ci pouvaient avoir lieu sur plusieurs navires avec plusieurs banques en même temps. Les fonds provenant de CC_____ Sàrl étaient utilisés par M______ pour s'acquitter de factures en fonction de la nécessité les régler dans les délais prévus (pièces 40'111ss).
Le problème qui se posait avec CC_____ Sàrl était que cette dernière avait du retard dans l'exécution de l'opération, occasionnant des frais supplémentaires de "suresaries" et de stockage à sa charge. Cependant, la précitée ne voulait pas que les paiements qu'elle effectuait soient affectés au règlement de ces frais qu'elle voulait payer plus tard. Toutefois, cela créait au final une situation, dans laquelle CC_____ Sàrl prétendait avoir payé la totalité de la marchandise, ce qui n'était en réalité pas le cas. Les banques, y compris K______, devaient être conscientes de cette problématique (pièces 40'111ss).
j.g.g. AR_____ a déclaré qu'elle établissait la plupart des messages en lien avec les opérations sous la dictée de AO_____, étant précisé qu'il y avait toujours de la marchandise manquante en raison des vols et de l'endommagement de celle-ci. Les lots de riz se trouvant sur le M/V T______ étaient financés par deux ou trois banques différentes (pièce 40'139).
j.g.h. CA_____ a indiqué le 23 mars 2011 au magistrat instructeur avoir rencontré E______ en janvier 2006 dans les locaux de BU_____, à Genève. Elle lui avait fourni des explications quant à cette cargaison qui était pour partie en cours de dédouanement et pour partie en dépôt chez DW_____ SA. Il avait interpellé cette dernière société qui lui avait dit, par échange de courriers électroniques, qu'elle n'avait reçu aucune quantité de riz en stock dans ses entrepôts en lien avec ce navire. Elle a précisé que « toutes les quantités déchargées ont été livrées aux réceptionnaires, conformément aux instructions reçues de L______ LTD via AV_____ (message du 27 juillet 2005) ». Il avait alors envisagé le dépôt d'une plainte pénale (pièces 10'353 et 50'427).
Il était évident que la banque s'attendait à ce qu'il y ait plusieurs financements pour les cargaisons transportées sur les bateaux, mais qu'il lui importait d'obtenir les "Bill of Lading" correspondant aux marchandises financées (pièce 50'159).
j.g.i. BF_____ a précisé lors de son audition du 2 septembre 2010 qu'une quantité de 4'742.25 tm avait finalement été remise à BU_____. La différence, soit 3'100 tm, aurait dû être entreposée chez l'agent consignataire en zone portuaire. Il était supposé que cela soit la société DW_____ SA. L'absence de contrat CMA, similaire à celui de BU_____ avec DW_____ SA, tenait au fait qu'elle était une société accréditée par l'autorité portuaire qui délivrait des certificats d'entreposage, soit une procédure absolument fiable. Finalement, un protocole d'accord avait été négocié et signé avec CC_____ Sàrl et les banques concernées avaient encaissé un montant d'USD 2'200'000.-, n'incluant toutefois pas le lot de 3'100 tm (pièces 40'286, 50'160, 50'167 et 50'168).
j.g.j. CB_____ a relevé que, concernant cette opération, il manquait une quantité importante de riz financée, laquelle, selon G______, était impropre à la consommation. Or, K______ n'avait jamais connu une telle situation, dans de telles proportions sur le marché du riz, ce d'autant plus que les explications du précité n'étaient appuyées sur aucune documentation. De plus, si la marchandise s'était détériorée durant le transport, il en irait de la responsabilité du transporteur qui ferait intervenir son assurance. De plus, CC_____ Sàrl réclamait le riz qu'elle avait payé à M______, alors que la banque n'avait reçu aucun paiement (pièce 40'301).
j.g.k. G______ a déclaré qu'il n'était pas au courant des détails de cette opération, même s'il restait persuadé que l'acheteur avait reçu la livraison de la totalité de la marchandise avec une marge de plus au moins 5 à 10%. Il était exact que d'autres établissements bancaires que K______ avaient financé cette opération, étant précisé que les lots de riz étaient mélangés à bord du même navire et qu'il était impossible de les attribuer spécifiquement, de sorte que K______ n'avait pas le droit de réclamer le paiement exclusif (pièce 40'087).
G______ a également confirmé que M______ entretenait une relation de compte-courant avec CC_____ Sàrl, précisant que cela était la seule façon possible de fonctionner avec de nombreux clients. En effet, l'affectation des montants payés par les clients n'était pas toujours effectuée immédiatement à un bien particulier. Or, la société CC_____ Sàrl était supposée payer pour deux bateaux, à leur arrivée, y compris les surestaires, étant précisé que les premiers paiements effectués étaient toujours affectés au paiement de ces frais, faisant partie du fret. Selon la loi britannique, le créancier pouvait attribuer un virement dépourvu de référence à la créance de son choix. Le décompte CC_____ Sàrl du 22 décembre 2005 listait les montants payés par cette société qui n'avaient pas à être versés sur les comptes de M______ auprès des banques plaignantes (pièces 50'168 et 50'169).
j.g.l. E______ a expliqué que le bateau M/V T______ transportait au total 17'000 tm de riz. Le contrat de tierce détention conclu entre BU_____, M______ et K______ ne précisait pas la quantité qui était inscrite dans les attestations d'entreposage. Le fait que la quantité figurant sur ces attestations et celle figurant sur les lettres de crédit soient différentes s'expliquaient par le fait que les attestations d'entreposage n'incluaient pas le riz endommagé à cause du transport. Les quantités mentionnées sur les connaissements ne seraient dès lors jamais exactement celles reflétées sur les attestations d'entreposage émises par BU_____ (pièce 40'070).
Il était normal que DW_____ SA n'ait pas de marchandises dans ses magasins, dans la mesure où son rôle était celui d'un transitaire et manutentionnaire, payé par CC_____ Sàrl. La quantité facturée à cette dernière correspondait à celle figurant sur les connaissements et non à celle déchargée, vu la teneur du contrat de vente qu'elle avait signé. En effet, le 2 septembre 2010, E______ a indiqué que 11'728.20 tm de riz birman se trouvaient sur le bateau M/V T______ qui correspondaient, en fait, à la quantité vendue à la société CC_____ Sàrl et que les banques savaient pertinemment qu'elles ne finançaient qu'une partie de la cargaison.
M______ avait conclu, dans une brève période de temps, deux contrats avec CC_____ Sàrl. Les marchandises relatives au premier contrat, conclu le 4 avril 2005, avaient été transportées sur le bateau M/V EC_____, tandis que celles liées au second contrat l'avaient été sur le M/V T______. CC_____ Sàrl n'avait pas respecté ses obligations (notamment en lien avec du retard dans le débarquement – "surestaries" - liées au premier contrat et n'avait payé que partiellement le montant dû pour la marchandise), restant débitrice de M______, au 22 décembre 2005, d'un montant total d'USD 3'851'572.48. M______ avait exigé que cette somme soit payée préalablement à la livraison des marchandises sous CMA de BU_____ pour solder les positions de K______, BV_____ et AG_____. Du fait de ces problèmes de paiement, M______ avait décidé de n'exécuter que partiellement le contrat relatif à la marchandise transportée sur le M/V T______ et, avec l'accord des banques, avait déchargé et stocké la marchandise du M/V T______, vraisemblablement dans les entrepôts de CC_____ Sàrl, BU_____ n'ayant malheureusement pas la capacité nécessaire pour accueillir toute la marchandise. Cette marchandise n'aurait pas dû être débarquée puisque CC_____ Sàrl n'avait pas respecté ses obligations contractuelles de paiement mais elle était, d'une certaine manière, dans une situation de détresse. CC_____ Sàrl avait par la suite changé d'attitude et cherché tous les prétextes possibles et imaginables pour ne pas payer les montants dus, en particulier les surestaires. Finalement, un accord était intervenu entre CC_____ Sàrl et les banques concernées. Le montant payé par CC_____ Sàrl soldait les obligations de M______ envers lesdites banques. Le tableau intitulé "Listing payment CC_____" du 22 décembre 2005 indiquait que le montant restant dû aux banques correspondait exactement aux marchandises détenues pour ces dernières sous contrat CMA, et plus tard payé par CC_____ Sàrl dans le cadre de l'accord. Or, le montant dû par CC_____ Sàrl d'USD 3'800'000.- prenait en considération la totalité de la marchandise et la totalité des montants payés par CC_____ Sàrl. En acceptant le montant transigé d'USD 2'200'000.-, les banques acceptaient donc que M______ subisse une perte équivalente à la différence entre ces deux sommes.
Par ailleurs, M______ entretenait une relation de compte courant avec la société CC_____ Sàrl. Les montants payés par CC_____ Sàrl à M______ n'avaient pas à être directement crédités sur les comptes auprès des banques concernées mais sur le compte-courant de la société. Le décompte susmentionné du 22 décembre 2005 comprenait en fait toute la marchandise chargée sur le M/V T______, donc également les quantités financées par K______ qui n'avaient pas fait l'objet d'un CMA. CC_____ Sàrl avait pris toute la marchandise et il avait été décidé de laisser ouvert ce qui correspondait à la marchandise sous CMA (pièces 40'071ss, 50'160 ss).
M/V U______
Financement du K______
j.h.a.a. K______ a émis le 11 avril 2005 la lettre de crédit 17_____ portant sur USD 2'996'500.-, augmentée le 15 avril 2005 à USD 4'127'500.-, pour financer l'acquisition par M______ de 13'000 tm de riz à charger sur le navire M/V U______, le vendeur étant ED_____ (Pakistan) (pièces 10'471ss, 10'474).
Le 15 avril 2005, K______ a indiqué avoir payé USD 16'151.- à EE_____ afin de financer les frais de courtage liés au transport de la marchandise (pièce 10'017).
Hormis les marchandises liées aux deux connaissements ("freight prepaid"), en possession de K______, datés du 15 avril 2005 (LM-18 et LM-19), portant chacun sur 1'000 tm, émis par EF_____, pour une valeur estimée à USD 643'635.- et EUR 8'586.- au pro rata de la marchandise financée (soit l'équivalent d'USD 654'287.56), le reste du financement s'était déroulé sans problème (pièces 10'481 et 10'482, 10'017, conclusions civiles du 16 février 2015 p. 27).
Financement de la BV_____
j.h.a.b. La BV_____ a émis le 17 mars 2005 la lettre de crédit 18_____ d'USD 3'175'000.- pour financer l'acquisition par M______ de 10'000 tm à charger sur le navire M/V U______, le vendeur étant toujours ED_____ (Pakistan) (pièces 18'063 à 18'071, 650'520 à 650'528).
Dans le cadre de ce financement, la banque a payé, le 4 mai 2005, une somme d'USD 3'175'000.- en lien avec la lettre de crédit susmentionnée et, le 4 avril 2005, un montant d'USD 39'020.- à titre de "load expenses" (pièces 18'073, 18'072).
La BV_____ était en possession des connaissements DO-22 à 34, datés du 15 avril 2005, et se rapportant à 9'000 tm de riz (pièces 18'129 à 18'141).
Entreposage, relâche et paiement
j.h.b.a. Le 15 juillet 2005, CY_____ a confirmé la réception et l'entreposage de 2'000 tm de riz déchargées du navire M/V U______ à ______[CAMEROUN], comprenant la clause de garantie usuelle. Ce document, refusé par K______, car il permettait la relâche de la marchandise sur le seul ordre de M______, a été remplacé par un certificat d'entreposage du 10 août 2005, modifié selon les instructions de la banque (pièces 10'483, 10'484).
Le 14 décembre 2005, après deux relances de K______, CY_____ a indiqué ne pas avoir été en mesure de « maintenir ces marchandises réglées par les acheteurs qui ont insisté pour en prendre livraison, du moment où ils avaient la relâche de L______ LTD » (pièces 10'485 à 10'487).
Le 15 décembre 2005, suite à la demande de la banque visant à obtenir copie des ordres de relâche, CY_____ a indiqué que M______ « avait fait signer une lettre de garantie bien avant l'arrivée du navire M/V U______ à ______[CAMEROUN] ». Il était ajouté que M______ avait régulièrement effectué des demandes de relâche, notamment les 2, 3, 18, 19 et 28 août 2005, que CY_____ avait exécutées, pensant que la banque était d'accord. La confusion était due au fait que CY_____ avait également reçu, en lien avec le même navire, un ordre de relâche de la BV_____ (pièces 10'489 et 10'490, 83'673).
Selon K______, ces 2'000 tm pour lesquelles la banque détenait les connaissements, avaient disparu en raison des manquements de M______ et de CY_____ (pièces 10'019 et 10'492ss).
j.h.b.b. Le 20 février 2013, un accord amiable a été conclu entre CY_____ et K______, mettant fin au litige les opposant en lien avec l'entreposage « lacunaire » effectué par CY_____, la banque recevant la somme d'EUR 304'890.- (67'042ss, 304'890).
j.h.b.c. Le 30 juin 2005, CY_____ a transmis à la BV_____ une « Lettre de garantie » selon laquelle 10'000 tm de riz avaient été déchargées du M/V U______ et stockées par cette société à ______[CAMEROUN], M______ étant le propriétaire détenant cette marchandise pour le compte exclusif de la banque. Ce document prévoyait que la marchandise pouvait être relâchée sur ordre écrit de M______ (pièce 18'074).
Le 26 juillet 2005, après avoir reçu un encaissement pour une partie de la marchandise, BV_____ a autorisé CY_____ (autorisation à laquelle celle-ci faisait référence s'agissant d'une confusion en relation avec K______) à libérer 917 tm, de sorte que le solde de la cargaison financée par ses soins s'élevait à 9'083 tm (pièces 18'075, 83'675).
Le 28 septembre 2005, CY_____, se référant à sa « lettre de garantie » du 30 juin 2005, a indiqué à la BV_____ toujours détenir en ses magasins à ______[CAMEROUN] 9'083 tm de riz débarquées du M/V U______. Ce document prévoyait que la marchandise ne pouvait être relâchée que sur ordre écrit de la banque ou sur présentation des connaissements originaux (pièce 18'076).
Le 26 janvier 2006, après avoir vainement relancé CY_____ pour obtenir une confirmation que les 9'083 tm étaient toujours stockées dans leurs entrepôts, BU_____, mandatée par la banque, a rapporté qu'aucun sac n'avait été trouvé en provenance du navire M/V U______ dans les entrepôts désignés par CY_____ (pièce 18'078).
j.h.b.d. La BV_____ a toutefois pu encaisser un remboursement relatif à 1'000 tm de cette cargaison, de sorte que seul le sort de 8'083 tm de riz financées par la banque demeurait litigieux.
j.h.b.e. Il ressort de la procédure que la cargaison du M/V U______ a été déchargée, sur ordre de M______, les 19 avril 2005 et 20 mai 2005, à ______[TOGO], suite à deux ordres de décharge, portant au total sur 8'000 tm à raison de 5'000 tm à "BU_____ – CMA" et 3'000 tm à "EG_____" et signés par AR_____ et E______ (pièces 77'016, 77'017).
Le 25 mai 2005, suite à un nouvel ordre de décharge et de relâche dans le port de ______[TOGO], signé notamment par AR_____ et E______, 2'664.55 tm supplémentaires ont été livrées à "EG_____". Dans la rubrique "Commentaires" de ce document, figuraient les mentions "Total release to EG______ : 3'000 tm" et "Total discharge CMA/BU_____ : 7'000" (pièce 77'019).
Le 10 juin 2005, sur un nouvel ordre de décharge, signé par AR_____ et E______, 5'000 tm supplémentaires ont été déchargées à ______[CAMEROUN] et livrées à CY_____ en qualité de "forwarding agent" (pièce 77'020).
Ce sont ainsi 15'664 tm qui ont été déchargées de ce navire, de sorte qu'il subsistait un solde de 7'336 tm par rapport aux quantités financées par les banques (soit 23'000 tm).
Selon le rapport du 27 juin 2005 d'EH_____ SA, établi à la demande de BR_____, assureur maritime de M______, le M/V U______ a accosté à ______[CAMEROUN] le 13 juin 2005, en provenance de ______[TOGO], et continué sa route vers ______[GABON], au Gabon. L'auteur du rapport a indiqué avoir surveillé le débarquement d'une cargaison de 10'000 tm net du M/V U______, avec une perte partielle au déchargement de 73 tonnes et 590 kg (pièces 404'093 ss).
A teneur du courrier électronique transmis le 14 septembre 2005 par EI_____, employée de M______, six ordres de relâche ont été donnés à CY_____ en lien avec la cargaison du M/V U______. Ces ordres concernaient la remise de 10'000 tm de riz, correspondant aux connaissements DO 20 à 34 de la BV_____, en faveur de différents acheteurs, soit EJ_____, EK_____ et EL_____ (pièce 83'673).
Déclarations
j.h.c. CB_____ a en substance relevé que si CY_____ avait accepté de libérer la marchandise sans autorisation de la banque, c'était parce qu'elle avait l'habitude de travailler avec M______ et qu'elle n'avait pas une vision globale de la situation (pièce 40'302).
j.h.d. G______ a d'abord déclaré que CY_____ avait peut-être libéré par erreur un lot de 2'000 tm et que c'était vers cette dernière que la banque devait se tourner. En cas de problème avec un tiers détenteur, il appartenait à la banque de se tourner vers ce dernier. Il était aussi possible que le financement de la marchandise provienne de deux banques (pièce 40'089).
Au cours de l'instruction, G______ a indiqué qu'il n'excluait pas que des ordres de relâches aient été donnés en fonction de la vente de la marchandise détenue chez CY_____ (50'099). Au regard des 2'000 tm financées par K______, G______ a indiqué qu'il estimait que M______ avait « légitimement disposé des 2'000 tm restantes et que rien n'a disparu des livres de L______ LTD » et que ces 2'000 tm de riz avaient « été, très logiquement, vendues et encaissées par L______ LTD » (pièces 50'135, 50'136).
En lien avec le riz financé par la BV_____, G______ a précisé que cette marchandise « du M/V U______ a été vendue sur le marché et encaissée par L______ LTD » (pièce 50'137).
j.h.e. E______ a contesté que M______ ait violé ses obligations contractuelles, dans la mesure où il était normal que cette dernière fournisse des relâches au début du processus afin de permettre à l'agent maritime, en l'occurrence CY_____, de modifier les manifestes et de remplir les formalités douanières. En revanche, cela ne permettait pas à cette dernière de libérer la marchandise. De plus, dans le cas d'une libération de marchandise, M______ envoyait d'abord une demande de relâche formelle au K______, ce que M______ n'avait pas fait dans ce cas (pièce 40'075).
Elle n'avait également pas de souvenir spécifique relatif à la vente du lot de 2'000 tm (K______) sur une cargaison de 24'000 tm (sic). Elle n'était pas sûre qu'un tel lot puisse être distingué dans la documentation interne de M______ qui aurait pu être conservée (pièce 50'100).
M/V V______
Financement du K______
j.i.a. En lien avec le M/V V______, K______ a émis deux lettres de crédit le 19 juillet 2005, pour le financement de 8'250 tm de riz indien, soit :
- la lettre de crédit 19_____, portant sur USD 644'170.-, destinée à financer l'acquisition de 1'410 tm et 1'340 tm (soit au total 2'750 tm) auprès de EM_____ (Inde), à charger sur le M/V V______ dans un port d'Inde, à destination de ______[TOGO], (pièce 10'554) ;
- la lettre de crédit 20_____, portant sur USD 1'239'250.-, destinée à financer l'acquisition de 3'500 tm et 2'000 tm (soit au total 5'500 tm) auprès d'EN_____, à charger sur le M/V V______ dans un port d'Inde, à destination de ______[BENIN], au Bénin (pièce 10'558).
Dans le cadre de ce financement, K______ a payé les sommes de :
- USD 644'854.-, le 5 août 2005, en lien avec la lettre de crédit 19_____ (pièce 10'565) ;
- USD 1'229'437.-, le 1er septembre 2005, en lien avec la lettre de crédit 20_____ (pièce 10'566) ;
- EUR 473'928.02, à titre de fret du navire le 21 juillet 2005 (pièce 10'564).
Ce financement s'est déroulé sans difficultés hormis la marchandise reliée aux connaissements ("freight prepaid") FC______01, portant sur 1'150 tm, et FC______02, portant sur 1'350 tm, datés du 23 juillet 2005, (soit au total 2'500 tm) émis par CI_____, pour une valeur estimée à USD 568'848.- et EUR 143'837.- au pro rata de la marchandise financée (pièces 10'024, 10'567, 10'568).
Financement de la BV_____
S'agissant de la BV_____, elle a émis les lettres de crédit suivantes :
- une lettre de crédit, n°40______ du 27 mai 2005, portant sur USD 2'225'000.- pour acquérir 10'000 tm auprès de EO_____, à charger sur le M/V V______ dans un port d'Inde, à destination du Bénin (pièces 18'079 à 18'083) ;
- une lettre de crédit, n°22_____ du 28 juin 2005, portant sur USD 1'350'000.-destinée à financer l'acquisition de 5'000 tm de riz chinois auprès d'EP_____, à charger en Chine à destination de "african port (s)" (pièces 18'088 à 18'091).
Dans le cadre de ce financement, la BV_____ a payé USD 534'040.38 le 18 août 2005 (lettre de crédit n°21_____), USD 1'475'531.- le 27 juillet 2005 (lettre de crédit n°22_____), USD 347'500.- le 29 juin 2005 pour le fret, ainsi que USD 24'000.- en tant que "load expenses" (pièces 18'092 à 18'094, 18'121).
Ce financement s'est déroulé sans problèmes hormis la marchandise liée à deux connaissements, datés du 4 juillet 2005, "freight prepaid", soit les connaissements FD______04 et FD______05, portant respectivement sur 1'000 tm et 1'001.800 tm de riz chinois, soit au total 2'001.800 tm, émis par CI_____ (pièces 18'095,18'096).
Entreposage et relâche
j.i.b. Il ressort de la procédure, singulièrement du rapport du 6 janvier 2006 établi par la EQ_____, à ______[TOGO], à la demande de l'assureur maritime de M______, que le M/V V______, en provenance de ______[INDE] (Inde), y a accosté le 15 septembre 2005, en provenance de ______[SIERRA LEONE]. L'auteur du rapport a indiqué avoir surveillé le débarquement d'une cargaison de 24'128.200 tm, intervenu entre le 15 septembre 2005 et le 17 octobre 2005 (pièces 404'106ss).
Le 4 octobre 2005, ER_____ a adressé à la BV_____ un certificat confirmant le stockage de 2'368 tm de riz indien en lien avec les connaissements FE______02, FE______03, FE______07 du 27 juillet 2005, étant précisé que la marchandise ne serait relâchée que sur présentation des connaissements originaux ou sur ordre de la banque ou de M______ (pièce 18'097).
Le 12 janvier 2006, sur demande du K______, CI_____ a fait savoir qu'elle n'avait pas été impliquée dans les opérations de chargement et de déchargement du M/V V______ et qu'elle n'était pas en possession de documents ou d'informations quant au sort de cette marchandise (pièce 10'569).
Le 13 janvier 2006, M______ répondait à une demande spécifique de K______ et l'informait que des acheteurs avaient été contactés en lien avec ces marchandises, la banque réclamant alors avec insistance la remise de la documentation afférente à ces ventes (pièces 83'195ss).
Par ailleurs, au vu des pièces produites par K______, de la marchandise a été stockée sous CMA à ______[TOGO], notamment dans les magasins "______", auprès du magasin de la ES_____ (ci-après : ER_____), à teneur du contrat n°846/05-FD______CA/M______.
Le 19 janvier 2006, M______ a transmis à la banque les documents en lien avec la vente des marchandises correspondant aux connaissements FC______01 et FC______02, soit 2'500 tm pour le prix de EUR 525'000.-, qui devaient être payées par l'entremise de ET_____ (ci-après : EU_____) pour le compte de EG_____ (pièces 71'062 à 71'063), acheteur ayant déjà acquis une partie de la cargaison du M/V V______. K______ a transmis les documents concernés à EU_____ pour paiement le 20 janvier 2006. Le 6 février 2006, K______ est intervenue auprès de EU_____ pour l'informer que le paiement n'était toujours pas intervenu. Le 30 mars 2006, EU_____ a informé K______ que le tiré ne s'était pas manifesté et qu'il demandait le retour des documents au K______, qui les a réclamés le 4 avril 2006 (pièces 71'200 ss, 83'897).
Interpellée par K______, ER_____ a fait savoir le 12 avril 2006 qu'elle avait déjà informé BU_____ TOGO n'avoir jamais réceptionné 4'500 tm de riz transportées par le M/V V______, fait qui avait « été confirmé par Madame E______ [recte : E______] lors de son récent passage à ______[TOGO]. En un mot, ces connaissements nous sont étrangers ». ER_____ a relevé par ailleurs que les connaissements dont elle avait connaissance mentionnaient le port de ______[SIERRA LEONE] en Sierra Leone comme port de destination, tout en précisant que le M/V V______ y avait fait escale avant d'arriver à ______[TOGO]. En conséquence, ER_____ contestait avoir détenu du riz en lien avec K______, notamment pas les 2'500 tm concernées (pièce 83'889).
Le 15 juin 2006, la BV_____ a ordonné à ER_____ de libérer 2'368 tm de riz stockés en faveur de la EU_____ (pièce 18'123).
Paiement
j.i.c. Le 2 décembre 2005, le Conseil genevois de M______ a indiqué à la BV_____ que le riz transporté sur le M/V V______ avait été vendu et que le produit de ces ventes avait été versé à la banque (pièce 18'099).
Le 5 décembre 2005, la BV_____ a confirmé à M______ avoir reçu EUR 914'050.- le 7 octobre 2005, représentant à 3'000 tm de riz chinois. En revanche, elle n'avait pas reçu le montant en lien avec le solde de 2'000 tm de riz chinois (pièce 18'101).
Les 3, 6 et 8 février 2006, K______ a reçu trois virements de la société EV_____ Inc. de respectivement USD 130'000.-, USD 90'000.- et USD 129'000.- avec la mention "AS PER EW_____" (traduction libre : selon accord) (pièces 40'293 à 40'297).
Déclarations
j.i.d. Pour EX_____, représentant de la BV_____, le sort des 2'000 tm de riz chinois demeurait inexpliqué. Il contestait qu'un quelconque accord soit intervenu à cet égard avec M______ (pièces 50'195, 50'196, 50'197).
j.i.e. BF_____ a confirmé que K______ avait reçu USD 350'000.- en faveur de M______, montant qui était destiné à garantir partiellement le non remboursement des 3'100 tm transportés sur le navire M/V T______ et non à être affecté aux 2'500 tm transportées sur le navire M/V V______ (pièces 40'264 et 40'286).
j.i.f. G______ a expliqué que pour cette opération K______ avait entièrement été payée et qu'il ne comprenait pas pour quelle raison cette dernière réclamait de l'argent à M______. En effet, il avait donné instruction au K______ de prélever USD 350'000.- sur la position ouverte au nom de EV_____, fonds provenant de sa fortune personnelle, ce qui avait permis de régler entièrement cette marchandise. Les EUR 150'000.- que M______ avait reçus, avaient été versés à GC______ afin de régler une dette (pièces 40'090 et 40'165.1ss).
j.i.g. E______ a indiqué que les 2'500 tm de riz avaient été payés, sauf erreur en 2006, par la société EV_____ sur le compte du K______ qui était au courant que la marchandise avait été déchargée, vu les discussions qu'elle avait eues avec les représentants de la banque. Elle a par la suite expliqué que M______ n'avait pas pu payer K______ car la BV_____ avait exigé d'être remboursée préalablement. Les 2'500 tm de riz indien avaient été vendues à EG_____, qui n'avait cependant pas payé son dû au motif que la marchandise présentait trop d'avaries. De ce fait, les documents bancaires avaient été retournés impayés à K______. En fait, le riz indien financé par K______ avait été vendu, soit à EY_____, soit à EG_____ et le produit de la vente encaissé par M______ attribué à la BV_____ (pièces 40'077, 50'197, 50'198).
Les 2'000 tm de riz chinois financées par la BV_____ avaient été vendues par M______, ce qui avait été possible dans la mesure où ce riz n'était pas sous CMA. Il était « très simple de libérer le riz ». M______ en avait encaissé le prix, précisant que les avis de crédit adressés par son Conseil à la BV_____ l'étaient en faveur de M______ et non de la BV_____. L'argent ainsi encaissé par M______ n'avait pas été employé pour rembourser la BV_____ « car, en octobre 2005, la société avait des problèmes de trésorerie ». Selon elle, le cas du navire M/V V______ avait été réglé avec la BV_____ avec les nouvelles garanties proposées et acceptées (pièce 50'195).
M/V X______
Financement du K______
j.j.a. K______ a émis le 12 août 2005 une première lettre de crédit 23_____, d'une valeur d'USD 2'345'000.-, destinée au financement de 10'000 tm de riz, en provenance de ______[INDE] en Inde à destination de ______[TOGO] au Togo (pièces 10'356 à 10'059). A la suite d'une première cargaison de riz de 5'000 tm, qui s'était déroulée sans problème et qui avait été acheminée sur le M/V EZ_____ (connaissement KKD/TAVE/04), le montant de la lettre de crédit 23_____ a été ramené le 28 septembre 2005 à USD 1'182'500.- (pièces 10'360 à 10'366).
K______ a reçu trois connaissements datés du 11 octobre 2005 ("freight prepaid"), envoyés par FA_____, relatifs au chargement de 5'000 tm de riz indien sur le navire M/V X______, soit les connaissements KD______01 (2'000 tm), KKD______02 (2'000 tm) et KKD______03 (1'000 tm), dont le port de destination était ______[TOGO] (pièces 10'368 à 10'370).
En lien avec la lettre de crédit 23_____, K______ a payé, à la demande de M______, les sommes suivantes :
- le 19 septembre 2005, EUR 26'474.-, à titre de frais de chargement (pièces 10'371 à 10'372) ;
- le 19 septembre 2005, EUR 167'337.-, à titre de fret du navire, en faveur de GC______, société libérienne constituée en 2005, ayant son siège à ______[GRECE] et ayant comme administrateur FB_____, qui intervenait en tant qu'armateur dans le cadre de cette opération (pièces 10'373 à 10'375, 40'003, 401'091) ;
- le 28 octobre 2005, EUR 56'520.-, en faveur de GC______ (pièces 10'376 à 10'378).
Le 9 septembre 2005, K______ a émis une seconde lettre de crédit 24_____ d'USD 1'032'500.-, au bénéfice de CF_____ auprès d'EP_____, en relation avec l'acquisition de 3'500 tm de riz chinois à charger également sur le navire M/V X______ (pièces 10'380 à 10'383).
La banque était en possession du connaissement X______01-A, émis le 17 septembre 2005, portant sur 3'500 tm à destination de tout port en Afrique (pièce 10'385).
Le 20 octobre 2005, K______ a payé, en lien avec la lettre de crédit 24_____, la somme totale d'USD 1'033'593.-, en faveur de FC_____ auprès d'EP_____ (pièce 10'386).
Financement de la BV_____
j.j.b. La BV_____ a financé 10'000 tm de riz à transporter sur le M/V X______, en émettant les lettres de crédit suivantes, les fournisseurs de la marchandise étant EM_____ (Inde) et FD_____ (Inde) :
- le 29 septembre 2005, la lettre de crédit 25_____ de USD 1'182'500.-, destinée au financement de 5'000 tm de riz en provenance d'Inde à destination de ______[TOGO] (pièces 18'048 à 18'053) ;
- le 7 octobre 2005, la lettre de crédit 26_____ de USD 1'127'500.-, destinée au financement de 5'000 tm de riz en provenance d'Inde à destination de ______[TOGO] (pièces 18'054 à 18'057).
Dans le cadre de ce financement, la banque a payé les 24 et 25 octobre 2005 la totalité des montants des deux lettres de crédit, en plus des frais de fret d'EUR 283'350 et de "expenses" en USD 94'125.-, ces derniers postes n'étant pas documentés par des pièces (pièces 18'058 et 18'060).
La banque était en possession de deux connaissements ("freight prepaid"), émis le 11 octobre 2005 par FE_____, soit les connaissements KKD______04 et KKD______05, portant chacun sur 5'000 tm de riz à destination de ______[TOGO] (pièces 18'061 et 18'062).
Entreposage et relâche
j.j.c. Le 24 novembre 2005, M______, agissant par l'intermédiaire de G______, et GC______ ont conclu un "Deed of agreement", en relation avec le transport de marchandises effectué par cette dernière pour M______, qui reconnaissait devoir USD 3'200'000.- d'arriérés à GC______ (pièces 10'422 à 10'424).
Par une "letter of indemnity" du 25 novembre 2005, adressée au propriétaire du M/V X______, GC______ a instruit le déroutage du navire, de sorte que la marchandise financée par la BV_____ soit délivrée dans le port d'______[CÔTE D'IVOIRE] et non pas à ______[TOGO], ce sans que les connaissements originaux ne soient produits (pièces 84'558 à 84'559).
Par une seconde "letter of indemnity" du 2 décembre 2005, adressée au propriétaire du M/V X______, GC______ a instruit derechef le déroutage du navire, de sorte que la marchandise financée par K______ soit délivrée dans le port d'______[CÔTE D'IVOIRE] et non pas à ______[TOGO], ce sans que les connaissements originaux ne soient produits (pièces 84'554 à 84'555).
Le 12 décembre 2005, GC______ a refusé que le M/V X______ accoste à ______[CAMEROUN] pour décharger sa marchandise et a ordonné au navire de faire route vers ______[TOGO], alors qu'en novembre 2005, M______ avait conclu un contrat de vente avec les sociétés DF_____ et FF_____ Ltd portant sur 6'000 et 3'000 tm de riz qui devait être livrées à ______[CAMEROUN], et des crédits documentaires avaient été émis dans ce cadre. Tant la BV_____ que K______ ont été informés de ces ventes (pièces 74'065, 74'211ss, 84'328 à 84'333, 84'449 à 84'454, 84'482).
Le 12 décembre 2005, 1'000 tm de riz indien ont été déposées à ______[CÔTE D'IVOIRE], dans les locaux de BU_____, en application d'un contrat CMA n°27_____, conclu le 30 juin 2005. Ces 1'000 tm ont ensuite été vendues sans problème, et l'argent relatif à la vente versé sur le compte auprès de K______ (pièces 10'014, 10'392 à 10'409, 10'419).
Après le déchargement survenu à ______[CÔTE D'IVOIRE], il restait ainsi, en lien avec le navire M/V X______, 7'500 tm de riz financées par la banque, soit 4'000 tm de riz indien et 3'500 tm de riz chinois.
Paiement
j.j.d. Le 21 décembre 2005, DF_____ s'est opposé à l'émission des lettres de crédit en lien avec l'achat de la marchandise et a réclamé le remboursement de l'avance d'EUR 45'000.- octroyée à M______ (pièce 74'065).
j.j.e. Par courrier du 21 décembre 2005, K______ a sommé M______ de s'acquitter des sommes dues à GC______, notamment à titre de loyer du bateau, étant précisé que M______ en était le sous-affréteur (pièce 84'440).
Par courrier électronique du 22 décembre 2005, K______ a demandé à AG_____ les coordonnées de son avocat afin de définir des démarches communes à entreprendre à ______[TOGO]. Ladite banque acceptait alors que les trois établissements concernés, soit également la BV_____, agissent conjointement en tant que créanciers gagistes pour se prémunir des actions de GC______. Les banques se sont accordées pour obtenir des mesures provisionnelles dès l'accostage du M/V X______ à ______[TOGO] (pièces 84'426ss).
Le 23 décembre 2005, M______ a cédé, en contrepartie d'un prêt consenti à hauteur d'USD 280'000.-, à K______ une créance, qui lui avait été auparavant cédée par un acheteur final, soit FG_____ SA, portant sur 1'000 tm de riz indien transportées sur le M/V X______ (pièce 84'417).
Procédure judiciaire au Togo
j.j.f. Par courrier du 23 décembre 2005, adressé notamment à K______, M______ a proposé d'obtenir des autorités togolaises une mesure provisionnelle destinée à interdire le déchargement du navire à son arrivée à ______[TOGO] (pièce 84'431).
Le 22 décembre 2005, GC______ a obtenu du Tribunal de première instance de ______[TOGO] la saisie, à titre de sûretés, de 15'541 tm de riz de M______ transportées par le M/V X______, à concurrence d'USD 2'260'289.78 dus à titre de frais de location du navire (pièce 10'421).
Le 24 décembre 2005, le Président du Tribunal de première instance de ______[TOGO] a rendu une ordonnance provisionnelle interdisant le déchargement et l'immobilisation du navire jusqu'à règlement du différend opposant GC______ à M______, décision que M______ a transmise le 27 décembre 2005 par télécopie aux banques concernées, demandant à celles-ci d'informer directement l'agent portuaire concerné, ou par l'intermédiaire de leurs conseils, de leur position (pièces 84'409 à 84'411).
Suite à trois ordonnances n°34, 41 et 45 rendues les 4 avril, 8 et 12 mai 2006, la Cour suprême de ______[TOGO] a finalement autorisé, par ordonnance n°48 du 24 mai 2006, GC______ à vendre le riz saisi sur le M/V X______ (pièce 48'150 à 48'153).
Déclarations
j.j.g. BF_____ a confirmé avoir encaissé le produit de la vente de 1'000 tm de riz indien déchargé à ______[CÔTE D'IVOIRE] et que la banque avait été informée de la situation aux alentours du 20 décembre 2005. K______ avait soutenu la position de M______ auprès des tribunaux. A l'issue des diverses démarches judiciaires effectuées, K______ avait au final perdu le gage qu'elle avait en garantie des montants à M______. Par ailleurs, K______ avait payé, sauf erreur, les primes d'assurances au début du mois de juin 2006. Il appartenait à M______ de faire les démarches auprès des assureurs (pièces 50'270ss).
j.j.h. CA_____ a relevé que K______ avait saisi les assurances qui leur avait, de manière informelle, indiqué que le dommage n'était pas couvert et que cela résultait de décisions judiciaires (pièce 50'275).
j.j.i. BW_____ a confirmé que la BV_____ avait bien reçu le produit de la vente de 5'000 tm de riz indien déchargé à ______[CÔTE D'IVOIRE].
j.j.j. G______ a indiqué qu'après le déchargement d'une partie de la marchandise à ______[CÔTE D'IVOIRE], le reste de la marchandise devait être déchargée à ______[CAMEROUN], ce qui n'était finalement pas arrivé, GC______, en tant qu'affréteur du navire, ayant ordonné au navire de se rendre à ______[TOGO]. GC______ avait également obtenu de la justice togolaise le déchargement de la marchandise. Contrairement à ce que soutenait GC______, cette dernière avait reçu les montants figurant sur les factures qu'elle considérait comme fausses (pièces 40'088ss et 40'162.1ss).
j.j.k. E______ a expliqué que GC______ était intervenue à plusieurs reprises comme armateur pour M______ et que, dans ce contexte, cette dernière avait contracté une dette auprès de GC______ d'USD 3'200'000.-, selon un accord signé le 24 novembre 2005 entre M______ et GC______. Un échéancier de paiement était prévu et M______ s'était acquitté des deux premiers paiements avant que la marchandise soit illicitement déchargée par GC______ qui réclamait le 13 décembre 2005 à M______ USD 4'500'000.- contrairement à leur accord et qui ont avisé les banques, y compris K______, du fait qu'elle entendait saisir la marchandise. A cet égard, K______ avait fait valoir son droit de priorité (pièces 40'073ss, 50'270ss).
Le navire transportait 20'150 tm de riz dont 6'000 tm avait été déchargées à ______[CÔTE D'IVOIRE] le 26 novembre 2005, quantité parmi laquelle se trouvait 1'000 tm appartenant au K______ et 5'000 tm appartenant à la BV_____, étant précisé que ces banques avait reçus le produit des ventes relatives à cette marchandise.
Il était par la suite convenu que le navire accoste à ______[CAMEROUN] puisque M______ avait vendu une certaine quantité de riz pour laquelle K______ avait reçu des lettres de crédit. Cependant, le 15 décembre 2005, CY_____ avait informé M______ que le navire avait quitté ______[CAMEROUN] pour une destination inconnue, avec à son bord 14'150 tm de riz. En effet, sur instructions de GC______, la marchandise n'avait pas été déchargée et le navire s'était rendu au port de ______[TOGO], le 23 décembre 2005 avec l'intention de décharger la marchandise. M______, tout comme K______, avaient immédiatement fait appel à des avocats afin d'immobiliser la cargaison à bord du navire. A cet égard, elle était spécialement intervenue pour M______, aux côtés de BF_____.
Dans un premier temps, M______ avait obtenu une ordonnance du juge, ordonnant l'immobilisation de la marchandise. Cependant, entre temps, GC______ avait d'abord obtenu la saisie de la marchandise par le Tribunal de première instance de ______[TOGO], puis GC______ avait reçu le 27 décembre 2005 l'autorisation de décharger la marchandise. Suite à cette décision, M______ avait saisi le tribunal arbitral de Londres et avait poursuivi la procédure à ______[TOGO], dans laquelle M______ avait conclu au retour du bateau et de la marchandise à ______[CAMEROUN], tandis que les banques avaient demandé, à titre subsidiaire, le déchargement de la marchandise. Les banques n'étaient pas solidaires, dans la mesure où elles avaient mis en échec la stratégie mise en œuvre par M______. Le 3 février 2006, le juge avait ordonné le déchargement de la marchandise. Le 28 mars 2006, la Cour d'appel de ______[TOGO] avait donné raison aux banques, en ordonnant la mainlevée du séquestre obtenu par GC______ et la restitution du riz aux banques. GC______ avait demandé un sursis à l'exécution de l'arrêt, en prétendant que M______ avait fait valoir de fausses factures, sursis que GC______ avait obtenu. Selon elle, les factures produites par M______, considérées comme fausses par GC______, ne l'étaient pas, dans la mesure où elles avaient été payées, ce qui était corroboré par le fait que les connaissements mentionnaient que les frais de fret étaient déjà payés Une fois la marchandise déchargée, M______ ne pouvait plus intervenir dans la procédure, puisqu'elle n'intervenait que comme affréteur. En effet, à partir du moment où la marchandise avait été déchargée, les procédures judiciaires avaient été assumées par les banques. Au final, GC______ avait pris possession du riz et en avait disposé. Suite à cette situation, M______ avec l'aide des banques, s'était tournée vers les assurances qui ne pouvaient pas intervenir, la police d'assurance n'ayant pas été renouvelée. Un renouvellement des assurances étaient possible, sous réserve du paiement des primes. M______ avait demandé aux banques de payer les primes d'assurances, ce qu'elles n'avaient pas fait (pièces 40'073ss, 50'270ss).
K______
M/V W______
j.k.a. S'agissant du M/V W______, M______ et sa cliente CE_____ ont conclu le 2 mars 2005 un contrat portant sur la vente de 15'000 à 20'000 tm de riz en provenance de Chine (pièces 10'494, 48'281).
Financement
j.k.b. K______ a financé l'acquisition du riz vendu par M______ en émettant, le 18 avril 2005, la lettre de crédit 28_____ d'USD 2'273'800.- en faveur de CF_____, auprès de FH_____ pour le financement de 10'000 tm de riz. Par la suite, cette lettre de crédit a été augmentée à USD 3'410'700.- et portée à 15'000 tm de riz chinois à charger en Chine à destination de "african port(s)" (pièces 10'496 ss, 10'500 ss).
Dans le cadre de ce financement, la banque a versé :
- USD 31'013.01 et USD 1'305'063.14, les 25 et 26 avril 2005, à titre de fret du navire, étant précisé que la banque a par la suite encore payé EUR 32'779.60 et EUR 30'601.19 pour des frais d'assurance et d'inspection (pièces 10'503, 10'505, 10'528, 10'527) ;
- USD 3'410'741.-, le 2 juin 2005, en lien avec la lettre de crédit 28_____ (pièce 10'526).
La banque était en possession d'un connaissement n°001 émis le 26 avril 2005 par FI_____, portant sur 15'000 tm transportées par le M/V W______, à destination de ______[TOGO] (pièces 10'506, 650'401).
Le 3 août 2005, le connaissement n°001 a été annulé et remplacé par quatre connaissements ("freight prepaid"), soit les connaissements AB-01 (5'000 tm), AB-03 (5'000 tm), AB-04 (2'500 tm) et AB-05 (2'500 tm) (total 15'000 tm de riz chinois), émis par CI_____, datés du 26 avril 2005, la destination de la marchandise étant désormais ______[CÔTE D'IVOIRE] (pièces 10'508 ss).
Entreposage et relâche
j.k.c. Entre les 17 juin et 6 juillet 2005, M______ a émis six ordres de décharge dans le port d'______[CÔTE D'IVOIRE], signés par AO_____ et/ou AR_____ et/ou E______, relatifs à du riz chinois transporté sur le M/V W______ pour une quantité totale de 41'142 tm, pour le compte de M______, étant précisé que la mention "CMA" ne figure que sur deux de ces documents, lesquels totalisent 10'000 tm (pièces 77'000ss).
Entre les 4 et 15 juillet, puis 4 août 2005, BU_____ à ______[CÔTE D'IVOIRE] a émis trois certificats d'entreposage, concernant respectivement 6'000 tm, 3'225 tm, et 1'775 tm de riz chinois (soit au total 11'000 tm de riz), ayant fait l'objet d'avenants au contrat de tierce détention du 30 juin 2005 conclu entre BU_____, M______ et K______ (pièces 10'515ss).
Le 10 août 2005, la banque a reçu de sa cliente, plus particulièrement de son département finance, un certificat d'entreposage émis par FJ_____ SA (ci-après : FK_____) concernant 4'000 tm de riz chinois stockées à ______[CÔTE D'IVOIRE] pour le compte de la banque, ce qui fut confirmé le 6 décembre 2005 à la banque à l'occasion d'un entretien téléphonique avec FK_____ (pièces 10'524, 10'525).
Le 25 novembre 2005, K______ a adressé un fax à un certain M. FL_____ de FK_____ demandant au précité de lui attesté qu'il avait toujours en stock 4'000 tm de riz provenant du M/V W______, ce que ce dernier avait confirmé par entretien téléphonique du 6 décembre 2005 (pièce 50'282).
Le 21 décembre 2005, FK_____ a confirmé à K______ détenir 6'364 tm (sic) en magasin portuaire (pièce 83'231).
A teneur d'un décompte de livraison établi par FK_____ en lien avec la marchandise provenant du M/V W______ et livrée à CE_____, (document remis à BU_____, en tant que société contrôleuse de stock, le 16 janvier 2006, afin que cette dernière procède au recouvrement des frais de magasinage dus à FK_____) il ressort qu'entre le 25 juillet 2005 et le 3 septembre 2005, CE_____ s'est fait livrer au total 3'669.24 tm de riz sur les 19'919.320 stockés (pièces 50'244ss).
Paiement
j.k.d. Le 23 novembre 2005, M______ a adressé à K______ un fax comprenant la facture n°40'921 du 2 mars 2005 par laquelle 20'000 tm de riz chinois transportées sur le M/V W______ avaient été vendues à CE_____ pour le prix d'USD 6'720'000.-, ainsi qu'un décompte des paiements depuis le 6 septembre 2005 en lien avec ce navire (pièces 83'249 à 83'251).
Il ressort de l'analyse du compte de M______ auprès de AS_____, anciennement AS_____, que quelque USD 2'168'796.- ont été versés par CE_____ entre les 17 mars et 18 juillet 2005 en lien avec le M/V W______ sur ledit compte. Ces versements correspondent aux montants répertoriés par M______ sur la liste des paiements relative au M/V W______, ainsi qu'aux virements dont CE_____ se prévaut (pièces 83'243, 20'105 ss).
Le 5 décembre 2005, M______ a transmis par télécopie à CE_____ un décompte intitulé "LISTING PAYMENT CE_____ – MV W______" récapitulant les paiements effectués par CE_____ à M______ depuis le 17 mars 2005 auprès de AS_____, de K______ et de AG_____. CE_____ restait devoir un solde d'USD 953'302.83 (pièces 10'529, 10'530).
Le 8 décembre 2005, M______ a confirmé par télécopie à la banque qu'elle entretenait une relation de compte-courant avec CE_____ (pièce 10'531).
Le 27 décembre 2005, M______ a fait tenir à la banque un document quasi identique au décompte qu'elle avait transmis le 5 décembre à CE_____, mais sur lequel ne figurait plus la mention "MV W______" et le solde dû par CE_____ s'élevait à USD 913'894.91 (pièces 10'532, 10'533).
Le 28 décembre 2005, K______ a notifié à CE_____ la cession des droits résultant du contrat de vente conclu avec M______ le 2 mars 2005 (pièce 83'207).
Le 29 décembre 2005, CE_____ a transmis à K______ un tableau à teneur duquel elle avait versé USD 2'414'643.- et EUR 2'875'488.- (soit USD 3'407'137 au 29 décembre 2005) à M______ et proposait de payer le reliquat de 6'200 tm pour un prix encore à fixer. Il est relevé que les versements contenus dans le décompte de CE_____ correspondent aux enregistrements ressortant du listing établi par M______ (pièce 83'171).
Procédure judiciaire en Côte d'Ivoire
j.k.e. Le 29 décembre 2005, le Tribunal de première instance d'______[CÔTE D'IVOIRE] a autorisé CE_____ à assigner M______ et FK_____ en justice pour la libération de 3'460 tm de riz détenues par cette dernière en se fondant sur le décompte du 5 décembre 2005 (pièces 83'201ss).
Le 3 février 2006, le Tribunal de première instance d'______[CÔTE D'IVOIRE] a ordonné notamment à FK_____ la libération de 3'588 tm de riz en faveur de CE_____ (pièce 83'081).
Le 30 mai 2006, K______ a accepté de libérer le solde de la marchandise entreposée auprès de BU_____ en faveur de CE_____ contre un versement d'USD 566'659.70 (pièce 83'004).
Le 13 janvier 2006, M______ demandait à CE_____ le règlement d'au total USD 1'602'819.71, accusant à cette date réception d'USD 2'518'865.62 (pièce 83'117).
Déclarations
j.k.f. Selon AO_____, CE_____ avait une relation de compte-courant avec M______, comme pour CC_____ Sàrl, ce que devait savoir K______, dans la mesure où elle avait parlé des opérations dans leur ensemble avec des gestionnaires de cette banque. Elle ignorait pour quelle raison la mention "W______" figurait sur le relevé de compte intitulé "Listing Payment CE_____" (pièce 40'113).
j.k.g. AR_____ a relevé que le document intitulé "Listing Payment CE_____" concernait le M/V W______, dès lors que ce type de document était établi uniquement pour un seul navire. Elle ne pensait pas que la banque avait financé une opération déjà payée en partie (pièce 40'141).
j.k.h. AW_____ a relevé qu'après que M______ l'informe de son intention de décharger de la marchandise, elle remplissait un formulaire mentionnant que le navire, le port de déchargement, l'agent, le receveur et la quantité de marchandise à décharger, qu'elle faisait signer par le trader, la directrice des finances et par G______ ou E______. Par la suite, elle envoyait un courriel à leurs agents au port de déchargement pour leur confirmer l'opération, l'original du formulaire étant conservé par M______ (pièce 40'313).
j.k.i. BF_____ a indiqué que M______ avait demandé à la banque de financer l'entier de la marchandise livrée alors que près de la moitié avait apparemment déjà été payée par l'acheteur. De plus, M______ n'avait pas remis à la banque le contrat de vente conclu avec CE_____ qui avait disposé sans droit de 4'000 tm. Dans le cadre de cette opération, une base transactionnelle devait être appliquée, de sorte que le paiement de CE_____ aurait dû être réparti au pro rata entre AG_____ et K______ qui avaient financé la cargaison (pièce 40'262).
BF_____ a confirmé qu'une large partie du financement accordé par K______ s'était bien passée, le riz ayant été vendu notamment à FM_____ et CE_____, qui avaient payé la banque. En outre, une partie de la cargaison avait été libérée sur injonction des autorités locales et une autre partie faisait l'objet d'un accord avec CE_____. Ainsi, la plainte de la banque ne portait que « sur les 4'000 tm entreposées auprès de FN_____ SA » (pièce 50'212).
j.k.j. CA_____ a précisé que K______ ignorait totalement la situation de compte-courant entre M______ et CE_____ (pièce 50'214).
j.k.k. G______ a expliqué qu'il était logique que CE_____ ait versé USD 2'000'000.- dès le 17 mars 2005 à M______ auprès de la banque AS_____, dans la mesure où les paiements effectués par CE_____ étaient indépendants de l'argent dû au K______. M______ réglait son dû en fonction de son "cash flow", K______ ayant parfois été payée par le biais d'autres opérations ne la concernant pas directement. En l'occurrence, CE_____ avait payé une avance de plus d'USD 2'000'000.- sur l'achat de deux contrats. L'établissement du décompte pour le navire M/V W______ en décembre 2005 était intervenu alors que M______ était en pourparlers avec CE_____ dans le cadre de leurs difficultés de paiements. En effet, ce document permettait de montrer à CE_____ qu'en attribuant tous les paiements au navire M/V W______, il lui restait devoir encore un solde d'environ USD 900'000.- (pièce 40'090).
j.k.l. E______ a confirmé que CE_____ et M______ étaient en relation de compte courant, comme avec CC_____ Sàrl, ce que savait K______ et ce que confirmait le relevé de compte intitulé "Listing Payment CE_____". Le paiement de plus d'USD 2'000'000.- payé par CE_____ à M______ auprès de AS_____ dès le 17 mars 2005 concernait des opérations précédentes et non celle en lien avec la marchandise transportée par le M/V W______, la mention M/V W______ ayant été indiquée par erreur sur le relevé de compte qui faisait état des opérations en cours entre M______ et CE_____. M______ avait obtenu certains paiements, avec beaucoup de retard et de difficultés de la part de CE_____. Comme pour CC_____ Sàrl, il y avait eu avec CE_____ un problème de paiement initial. En effet, la précitée devait s'acquitter de la totalité du prix de vente avant l'arrivée de la marchandise à destination, ce qu'elle n'avait pas fait (pièces 40'076, 50'209 ss, 50'217).
Le 16 novembre 2010 devant le juge d'instruction, E______ a indiqué que K______ avait financé 15'000 tm de riz transportées par le M/V W______, AG_____ ayant quant à elle financé 5'000 tm de riz. Ce navire était arrivé le 17 juin 2005 à ______[CÔTE D'IVOIRE]. Il y avait deux réceptionnaires à l'arrivée, soit CE_____ et FM_____. Malgré les problèmes rencontrés avec CE_____ et pour éviter des frais d'immobilisation du bateau, M______ avait accepté, de même que les banques, que celui-ci soit déchargé. Entre les 27 et 29 juin 2005, 6'000 tm, puis, entre les 27 et 29 juin 2005, 3'225 tm supplémentaires avaient été entreposées dans le magasin n°1. Toujours entre les 27 et 29 juin 2005, 1'775 tm avaient été entreposées dans le magasin n°7. Ces quantités, soit 11'000 tm de riz chinois, étaient sous CMA de BU_____. Le solde de 4'000 tm était allé chez CE_____ et l'intéressée n'avait jamais vu le certificat d'entreposage de FK_____ y afférent. De surcroît, elle ignorait pourquoi cette quantité de 4'000 tm de riz chinois avait eu un traitement différent et n'était pas allée sous CMA, se souvenant que le financement de ce riz devait être pris sur la marge du K______ pour un montant d'environ USD 1 million (pièces 50'209 ss, 50'217).
VIII. Pièces versées à la procédure suite à l'arrêt de la CPAR du 26 juin 2017
Expertise de AJ_____ SA
k.a. Le 20 novembre 2015, FO_____ et FP_____, de AJ_____ SA, ont rendu une expertise privée, sur mandat du Conseil de G______.
En substance, les experts privés ont conclu que le mode de fonctionnement découlant des contrats conclus entre les banques et M______ était un financement transaction par transaction, supposant que l'acheteur des marchandises ouvre une lettre de crédit en faveur de M______ pour chaque transaction ou effectue un paiement contre une remise documentaire, la banque ne libérant la marchandise qu'une fois le paiement reçu sur ses comptes. Cependant, ce mode de fonctionnement n'était pas toujours observé, dans la mesure où la banque ne finançait pas toujours les coûts liés à une opération mais uniquement la marchandise et parfois le fret ou les frais d'inspection. En effet, le contrat entre le négociant et l'acheteur prévoyant la prise en charge d'autres coûts liés à la transaction, notamment les indemnités dues à l'armateur lorsque le temps de chargement ou de déchargement du bateau excédait celui prévu contractuellement, de sorte que les premiers paiements de l'acheteur étaient parfois d'abord imputés sur les frais que le négociant devait à l'armateur. Lorsque la banque ne finançait que partiellement la marchandise, le produit de la vente n'était pas toujours entièrement transféré sur ses comptes. Dans ce cas, le négociant ne remboursait que le montant dû spécifiquement à une banque. De plus, les marchandises se trouvant sur un même navire étaient quelques fois financées par plusieurs banques, de sorte que M______ devait choisir sur quelles banques elle devait diriger les paiements partiels reçus.
Par ailleurs, il n'était pas toujours possible d'obtenir des acheteurs une lettre de crédit, surtout de la part de ceux qui passaient par une banque africaine, de sorte que le paiement de la marchandise était effectué par plusieurs transferts bancaires ou par la remise de traites. Cependant, les traites avalisées par les établissements bancaires africains n'étaient pas présentables à l'escompte auprès des banques suisses, de sorte que M______ devait escompter ces traites auprès de la banque AS_____ qui transférait ensuite les montants sur les comptes de M______ ouverts auprès des parties plaignantes. Il semblait que cette manière de procéder fonctionnait depuis plusieurs années, signifiant que les banques créancières avaient fait preuve de souplesse pour continuer à commercer avec M______. Lorsqu'un acheteur faisait défaut au moment de la livraison, les banques acceptaient que la marchandise soit mise en dépôt, sous le contrôle de la BU_____ ou d'autres sociétés de ce type, et ne soit payée qu'au fur et à mesure des ventes partielles de marchandise.
Enfin, il pouvait arriver que plusieurs transactions soient en cours en même temps. En effet, pour des questions d'opportunité, le négociant pouvait choisir de réaffecter les marchandises entre les différents acheteurs. Les banques étaient dès lors remboursées avec le produit de la vente d'autres marchandises que celles qu'elles avaient initialement financées. Les banques ne pouvaient pas ignorer cette méthode de faire, dans la mesure où elles recevaient des paiements provenant de comptes ouverts auprès d'autres banques, d'autres acheteur que celui prévu, et de sociétés affiliées au preneur de crédit.
Expertise de AI_____ SA
k.b. Le 20 novembre 2015, FQ_____ de AI_____ SA a rendu une expertise privée, sur mandat du Conseil de E______, portant entre autres sur les aspects comptables en relation avec la révision des comptes effectuée par AE_____ SA.
En substance, l'expert privé a d'abord rappelé que, de manière générale, le réviseur avait pour tâche de contrôler les comptes et non de les établir, ce qu'AE_____ SA avait fait pour M______. Il a ensuite relevé que cette dernière disposait d'une comptabilité avec un volet analytique, de sorte que le stock comptable n'était pas établi sur la base d'attestations mais par la réconciliation en quantités et en valeurs entre le stock initial, plus les achats, moins les ventes de l'exercice. AE_____ SA avait d'abord contrôlé les stocks par la demande d'attestations, pour environ la moitié des quantités, et par la vérification des ventes subséquentes pour l'autre moitié, soit une vérification de 86% de la valeur des stocks au 30 septembre 2004. Par la réconciliation des quantités, AE_____ SA avait pu se conforter dans l'idée que les stocks retenus par M______ dans sa comptabilité présentaient une différence non significative par rapport aux stocks réels, ce qui ressortait de la liste des stocks. En effet, le résultat avait abouti à un stock comptable au 30 septembre 2004 de 63'430 tm contre un stock réel de 62'173 tm. AE_____ SA avait également procédé à des vérifications des opérations d'achat, de vente, d'assurance et de fret, par bateaux. Ainsi, cette dernière avait contrôlé 14 bateaux, correspondant à une vérification de 93.96% de la marge comptabilisée par M______ sur l'exercice au 30 septembre 2004.
S'agissant du M/V O______, FQ_____ a conclu il n'y avait pas de surévaluation du stock au 30 septembre 2004, dans la mesure où les quantités du M/V O______ étaient déjà comprises dans les stocks à terre et ne figuraient pas dans les floating stock. Si les stocks avaient été surévalués, c'était d'USD 3'561'000.- et non d'USD 5'346'414.-.
Enfin, l'expert privé a relevé qu'au 30 septembre 2004, y compris avec un abattement d'USD 3'600'000.-, M______ disposait d'USD 11'000'000.- de fonds propres, soit plus qu'au 30 septembre 2002, ne correspondant pas à une situation de surendettement.
IX. Actes du Ministère public postérieurs à l'arrêt de la CPAR du 26 juin 2017
Audition de l'expert privé
l.a. Entendu devant le Ministère public le 16 janvier 2019, FQ_____ a confirmé son rapport d'expertise, précisant avoir établi son rapport sur la base d'éléments du dossier après avoir lu le jugement du Tribunal correctionnel. Il considérait que la situation financière de M______ au 30 septembre 2005 aurait dû conduire cette dernière à envisager le surendettement. Au 30 septembre 2004, la situation n'était pas encore alarmante. En effet, même si l'on devait considérer que les stocks étaient surévalués, voire inexistants, il y avait encore USD 11'000'000.- de fonds propres (soit USD 14'600'000.- - USD 3'600'000.-) au 30 septembre 2004, de sorte que M______ n'était pas en situation de surendettement (pièces 500'030ss).
S'agissant des USD 3'561'000.- indiqués à la place des USD 5'346'000.- au 3ème paragraphe de la page 9 du rapport d'expertise, la différence s'expliquait par le fait que le même stock avait été comptabilisé deux fois (pièce 500'031).
Concernant l'établissement du stock, M______ prenait, en début d'année, le stock qu'elle avait en fin d'année et ajoutait les achats de marchandises, considérés comme des entrées, sous déduction des ventes de marchandises qui étaient considérées comme des sorties. La vérification du stock en matière de négoce par le réviseur se faisait par le contrôle des attestations établies par l'entrepositaire qui les adressait directement au réviseur afin d'éviter toutes manipulations. Cette méthode impliquait une confiance à l'égard de l'entrepositaire. Pour M______, AE_____ SA avait utilisé une méthode alternative, dans la mesure où il n'y avait pas d'attestations pour les stocks flottants de 2 des 3 bateaux. Le stock était dès lors évalué en partant du principe que la vente du stock était l'équivalent de la présence du stock au 30 septembre (pièce 500'031).
La valorisation du stock s'établissait sur la base du prix d'achat du stock en question, étant précisé que, si plusieurs achats avec des prix différents avaient été effectués durant l'année, il fallait faire une moyenne de ces prix. Si, dans l'intervalle, le prix du marché descendait en dessous du prix d'achat, il fallait prendre le prix le plus bas, soit la valeur du marché. En l'occurrence, AE_____ SA avait fait correctement son travail que ce soit sous l'angle de la révision ou celui de la comptabilisation, ce qui ressortait de la pièce 84'888. En effet, il n'y avait pas de variation significative entre le stock comptable et le stock réel (pièce 500'032).
En ce qui concernait l'analyse des ordres de relâche du navire M/V O______ figurant aux pages 18 et suivantes du jugement du Tribunal correctionnel, FQ_____ avait constaté des incohérences avec les pièces figurant au dossier. En effet, les factures à CK_____ SA avaient été comptabilisées en diminution du stock, de sorte qu'il ne pouvait pas y avoir à la fois du stock et le même stock qui serait vendu. En revanche, dans son analyse, il n'avait pas pris en compte les déclarations de G______ confirmant la vente du stock (pièce 500'033).
FQ_____ a également retenu que M______ avait un outil informatique permettant de suivre le PNL en fonction de la marchandise et des bateaux à la lecture de la pièce 85'069 démontrant qu'il y avait une analyse des transactions par bateau (pièce 500'033).
Enfin, il a relevé qu'AE_____ SA avait des problèmes pour obtenir à temps les attestations des entrepositaires, ce qui n'était pas une situation exceptionnelle en matière de négoce (pièce 500'034).
Expertise FR_____ et audition de l'expert
l.b.a. Sur mandat du Ministère public du 24 septembre 2020, FS_____ et FT_____ de FR_____ SA ont établi un rapport d'expertise comptable daté du 11 mars 2021. L'expertise avait pour but d'analyser la situation financière de la société du 30 septembre 2004 à l'ouverture de la procédure de faillite le ______2006.
Concernant la situation financière de la société, les experts ont observé, depuis septembre 2004, une dégradation de plusieurs ratios d'analyse du bilan de M______. Les ratios de solvabilité, notamment la solvabilité générale, comparaient les actifs disponibles ou liquidités d'une société à son endettement à court terme. Ce ratio devrait être supérieur à 1 pour que la société puisse régler ses dettes à court terme par ces actifs courants, sans avoir besoin d'autres ressources financières. En l'espèce, le ratio s'approchait de 1 pour la première fois en septembre 2005 pour descendre en dessous de cette valeur au 30 septembre 2006.
S'agissant de la période à partir de laquelle les administrateurs pouvaient concrètement percevoir les difficultés financières, les experts ont conclu que, d'un point de vue formel et en supposant que les comptes annuels étaient établis correctement, le surendettement comptable apparaissait pour la première fois lors du bouclement au 30 septembre 2006. A cette date, les capitaux propres de la société présentaient un solde négatif d'USD 7'916'016.- contre un solde positif d'USD 14'570'283.- le 30 septembre 2004 et d'USD 2'463'106.- le 30 septembre 2005. Au 30 septembre 2005, la société était en perte de capital, c'est-à-dire que les fonds propres de la société étaient inférieurs à la moitié des réserves légales et du capital libéré. Ainsi, au plus tard à cette date-là, les administrateurs auraient dû percevoir les difficultés financières.
Toujours en supposant que les comptes annuels étaient établis correctement, le surendettement comptable apparaissait pour la première fois lors du bouclement au 30 septembre 2006. Les comptes annuels jusqu'au 30 septembre 2004 avaient fait l'objet d'un audit, alors que les états financiers subséquents n'avaient pas été soumis à audit. Une dégradation significative de la situation financière pouvait déjà être observée au 30 septembre 2005, sur la base des comptes annuels non audités, M______ présentant des fonds propres inférieurs à la moitié des réserves légales et du capital libéré. Au 30 septembre 2004, la société présentait des capitaux propres d'USD 14'600'000.- et un résultat net de l'exercice 2003/2004 d'USD 2'2000'000.- ; la situation ne pouvait donc pas être qualifiée d'« alarmante ». Au regard des capitaux propres non corrigés au 30 septembre 2004, il faudrait un ajustement d'un montant très important pour engendrer un surendettement comptable.
Ainsi, une dégradation significative de la situation financière de M______ au 30 septembre 2005, s'expliquant par une très forte baisse de la marge brute et par une provision très importante d'USD 5'300'000.- de "shipping loss", aurait dû attirer l'attention des organes de direction et d'administration de la société et entraîner une prise de décision.
À la question de savoir quelle méthode avait été utilisée par la direction de la société pour s'assurer de l'existence réelle des stocks flottants et en dépôt à terre au 30 septembre 2004, les experts ont répondu qu'il semblait qu'à cette date, M______ avait suivi les quantités en stock à travers un suivi en dehors de la comptabilité générale (soit dans la comptabilité analytique, soit sur Excel, soit une combinaison des deux).
Pour les stocks à terre, les experts n'avaient pas relevé l'existence de procédure de confirmation de stocks détenus par des entrepôts dépositaires de la part de la société mais il semblait que les demandes de confirmation aient été réalisées par le réviseur au 30 septembre 2004, sans que les réponses, disponibles dans le dossier pénal, ne soient adressées directement au réviseur. Dans ces conditions et si les réponses aux confirmations n'étaient pas envoyées directement par les réviseurs et retournées directement à ce dernier, la véracité de ces confirmations ne pouvait être garantie. Autrement dit le risque de falsification des confirmations ne pouvait pas être exclu. Il était surprenant qu'une société ait uniquement connaissance de ses stocks au travers des confirmations reçues des entrepôts.
Pour les stocks flottants, ce type de confirmation n'était généralement pas disponible et les experts n'avaient pas pu identifier les moyens qu'avait utilisés la société pour s'assurer de l'existence réelle des stocks flottants. En effet, seule une note de révision intitulée "Summary of audit work" indiquait l'existence des stocks flottants "FV_____" et "P______", lesquels avaient été validés par AE_____ SA sur la base des ventes subséquentes à la période du 30 septembre 2004. En conclusion, la société aurait dû elle-même s'assurer de l'existence des stocks dans les entrepôts (au lieu de laisser l'initiative au réviseur). Il était alors incertain de savoir si de telles vérifications avaient eu lieu pour les comptes annuels non audités au 30 septembre 2005 et 30 septembre 2006. S'agissant de la méthode utilisée pour l'estimation des stocks, il était « très surprenant » qu'une société de négoce ait uniquement connaissance de ses stocks au travers des confirmations reçues des entrepôts.
Lors du bouclement annuel au 30 septembre 2004, le stock détenu dans les entrepôts a été audité pour valider leur existence, grâce aux confirmations reçues des entrepôts et demandées par les réviseurs. Ces derniers avaient réalisé un contrôle de cohérence sur les quantités achetées et vendues, similaire à la méthode d'inventaire permanent et le contrôle au 30 septembre 2004 n'avait pas identifié d'écart significatif. De plus, à teneur de la documentation comptable fournie, M______ n'avait pas procédé à une mauvaise classification des postes débiteurs/créanciers groupe ou des tiers, étant précisé qu'une classification erronée ne pouvait pas avoir d'impact sur la situation nette d'une société.
À la question de savoir si la situation de l'état des stocks aurait changé comptablement dans l'hypothèse où les attestations AC_____ SA du 9 décembre 2004, AD_____ SA du 8 décembre 2004 et Y______ SA du 21 décembre 2004 auraient été des faux documents, les experts ont relevé que les attestations de AC_____ SA du 9 décembre 2004 et AD_____ SA du 8 décembre 2004, adressés à AE_____ SA, avaient servis de preuve dans le cadre de l'audit de M______ et avaient permis à AE_____ SA de valider que 17'805 tm de riz étaient la propriété de M______ au 30 septembre 2004. Ainsi, si ces documents avaient été falsifiés et que ceux-ci ne représentaient pas une réalité des stocks de M______, un ajustement d'USD 3'953'968 devrait intervenir, réduisant dans cette mesure le résultat et les fonds propres.
L'attestation de Y______ SA du 21 décembre 2004, adressée à M______, avait également servi dans le cadre de l'audit, de sorte que si ce document avait été falsifié, une correction de valeur de la créance client FB______ d'USD 1'500'000.- était nécessaire, venant réduire dans cette mesure le résultat et les fonds propres.
Dans ces circonstances, c'était au total une réduction d'USD 5'453'968.- de l'exercice et des capitaux propres au 30 septembre 2004 qui aurait dû intervenir. De plus, si la falsification de ces documents était avérée, cette problématique soulèverait des interrogations sur l'existence et la valorisation des autres actifs et de l'exhaustivité des dettes à cette date, mettant en doute l'ensemble de l'information financière auditée.
Dans ce contexte, les experts ont également relevé l'existence de deux factures de vente du 9 février 2004, émises par M______, portant les numéros 40713/1, portant sur 5'000 tm de riz pour USD 1'410'000.-, et 40713/2, portant sur 4'500 tm de riz pour USD 1'260'000, lesquelles avaient été émises et enregistrées dans le chiffre d'affaires de l'exercice comptable de M______ au 30 septembre 2004 pour un montant total d'USD 2'679'000.-. De plus, les experts ont aussi repéré deux autres factures de vente avec des numéros identiques, portant sur des quantités et des montants différents, et qui n'avaient pas été enregistrées dans la comptabilité de l'exercice 2004 et 2005. En effet, ces factures portaient sur respectivement 5'338.2 tm de riz pour USD 1'505'372.40 et sur 4'161.8 tm de riz pour USD 1'165'304.-. Il semblerait que ces deux factures non comptabilisées aient été émises afin de sortir frauduleusement la marchandise du lieu de stockage et de pouvoir la vendre à des tiers, sans que cette vente ne soit enregistrée dans la comptabilité, et qu'elles soient en rapport avec une éventuelle falsification des attestations de stock de ______[GUINEE].
Il ressortait en outre du Grand livre de l'exercice 2005 que le stock de riz de ______[GUINEE] avait été sorti du stock comptable en deux fois, pour USD 1'785'414.- et USD 764'600.- les 1er décembre 2014 [recte : 2004] et 8 juin 2005, sans qu'il y ait une écriture de vente correspondante. Il en avait été de même pour le stock de ______[SENEGAL] qui avait été retiré du stock comptable pour USD 1'281'817.- le 1er octobre 2004. Ces opérations avaient dès lors généré des charges sur l'exercice 2005 d'USD 3'831'831.- au total sans aucun revenu correspondant, ce qui avait péjoré la marge brute au 30 septembre 2005.
Dans l'hypothèse où l'ensemble des postes « stocks navigants » et/ou « stocks entreposés » étaient falsifiés et donc inexistants, les stocks, les capitaux propres au 30 septembre 2004 et le résultat de l'exercice 2003/2004 auraient dû être corrigés d'un montant maximal d'USD 15'993'853.-, ce qui entrainerait un surendettement de M______ à cette date. Cependant, il était fort probable qu'une telle différence aurait entraîné des anomalies dans le niveau des marges brutes et très certainement attirer l'attention et les questions des banques finançant les opérations.
S'agissant de l'évaluation précise et fiable des stocks, celle-ci était impossible à faire, au vu des principes comptables retenus par le client.
Toutefois, afin d'obtenir une estimation prudente et admissible sur le plan comptable des « stocks flottants » et en dépôt, les experts ont, sur la base d'une comptabilité analytique, recomposé les achats et ventes de marchandises du stock "FV_____", et évalué, en valorisant le stock uniquement au prix d'achat, que ce stock était surévalué d'USD 1'517'000.-. La surévaluation du stock "P______" s'élevait à USD 706'400.-, alors que celui de "DS_______" était d'USD 762'965.-, en prenant en compte la valorisation du stock au prix d'achat.
En prenant en compte la problématique de l'inexistence des stocks en lien avec les attestations AD_____ SA et AC_____ SA des 8 et 9 décembre 2004 et de l'évaluation des stocks au prix de vente, la surévaluation des stocks s'élèverait à USD 6'940'333.- au 30 septembre 2004, ce qui était significatif par rapport à la valeur des stocks à cette date, soit 43% d'USD 15'993'852.
En prenant en considération les ajustements liés à la falsification des attestations de quantité de deux entrepôts et à la valorisation de trois stocks flottants ainsi qu'USD 1'500'000.- sur la créance FB______, le résultat et les capitaux propres au 30 septembre 2004 de M______ devraient être réduits d'USD 8'440'333.-. Dans cette mesure, la société aurait réalisé une perte d'USD 6'227'775.- et aurait eu des fonds propres d'USD 6'129'950. Ces chiffres ne conduisaient pas à un surendettement de la société mais aurait très certainement attiré l'attention des banques et des administrateurs.
À la question de savoir si la comptabilité avait été correctement établie par la société, les experts ont affirmé qu'il était difficile de se positionner sur cette question, au vu des pièces disponibles. Il convenait de relever que le réviseur avait, dans une lettre de recommandation envoyée à la suite de l'audit au 30 septembre 2004, indiqué que l'organisation interne de M______ et son système comptable n'étaient pas adéquats pour servir le volume d'affaires et la complexité des opérations traitées. Plusieurs points étaient en contradiction avec une tenue de comptabilité correcte, à savoir notamment des charges enregistrées sans justificatif et des dépenses avec des justifications économiques douteuses ou sans justificatif. Les experts ont également relevé un certain nombre d'éléments qui faisaient ressortir une proximité entre la société et le réviseur, dès lors que ce dernier avait préparé les procès-verbaux du Conseil d'administration de la société et des rapports de direction, qu'il avait été invité par un des administrateurs de la société à un mariage et qu'il était l'administrateur d'une société détenue par M______.
En revanche, dans l'hypothèse où les comptes annuels étaient justes, le ratio entre les fonds propres et les emprunts de M______ ne semblait pas anormalement bas pour une société spécialisée dans le négoce de matières premières, dès lors que le ratio des fonds propres de la société par rapport au total de bilan avait augmenté en passant de 16% au 30 septembre 2002 à 29% au 30 septembre 2004 pour en revanche chuter à 4% au 30 septembre 2005.
l.b.b. Entendu devant le Ministère public le 21 juin 2021, FS_____ a déclaré que le tableau des ratios figurant en page 3 du rapport d'expertise mettait en évidence le fait qu'entre 2002 et 2004, le ratio de la solvabilité générale avait augmenté alors qu'entre 2004 et 2005, il commençait à se dégrader, constat effectué sur la base de chiffres non audités. Le tableau relatif à la solvabilité réduite faisait état d'un ratio prenant en compte uniquement les actifs courants, moins le stock et les transitoires et permettant de constater que ces actifs avaient augmentés au fil des années. Pour lui le ratio clé était celui de la solvabilité générale (pièce 500'051).
La comptabilité générale de M______ ne laissait apparaître que quelques écritures en lien avec les stocks par année. Il avait essayé de relier des achats avec des entrées et les ventes avec les sorties du stock, sans y parvenir (pièce 500'052).
Concernant la comptabilité analytique de M______, FS_____ a relevé qu'avec son collègue, ils avaient constaté qu'AE_____ SA s'était référée à cette comptabilité, de sorte qu'ils avaient imaginé qu'elle existait, ce qui était logique en terme de contrôle de stock et de suivi des opérations. Cependant, ils n'avaient pas eu accès à cette comptabilité (pièce 500'052).
La pratique pour déterminer les stocks flottants consistait à se fonder sur le contrat conclu avec le partenaire et à utiliser les divers documents mentionnés dans celui-ci, tels que les connaissements, les bons de livraison, les FU_____ (pièce 500'052).
La méthode d'estimation prudente décrite en page 13 du rapport d'expertise était bien celle applicable à l'époque des faits à M______, étant précisé que malgré les corrections effectuées par l'audit à l'époque, le stock paraissait encore surévalué. En effet, il y avait un écart très important entre le prix d'achat et le prix valorisé de la marchandise. Cet écart ne s'expliquait pas par des éléments logistiques, tels que le coût additionnel de transport de la marchandise, dans la mesure où cet élément aurait été documenté, ce qui n'était pas le cas (pièce 500'053).
Sur présentation des notes de révision figurant en pièces 85'160ss, FS_____ a indiqué que ce document ne lui disait rien et que, concernant l'estimation du stock FV_____, s'il avait eu accès à toutes les factures permettant de justifier l'écart de 39%, les conclusions de l'expertise auraient été différentes. En revanche, il n'était pas surpris de ne pas avoir trouvé les factures sous-jacentes à son analyse des stocks, dans la mesure où il était usuel de ne pas joindre à un audit toute la documentation en lien avec l'activité commerciale d'une société. Dans cette mesure, il ne pouvait que se baser sur les dires d'AE_____ SA et sur la façon dont cette dernière expliquait avoir réalisé l'audit. Toutefois, il avait trouvé « des choses » dans la comptabilité qui n'auraient pas dû y figurer et il n'avait pas vu « des choses » qui auraient dû y être (pièce 500'053).
Sur présentation des notes de révision figurant en pièces 85'111ss, FS_____ a confirmé qu'il s'agissait d'une comptabilité analytique et que, si les chiffres présents sur ce document étaient justes et pouvaient être tracés, alors ce document reflétait le calcul de l'estimation du stock P______. En revanche, à la lecture de ce document, il n'était pas possible de déterminer qui l'avait établi, AE_____ SA ou M______ (pièce 500'054). Ses explications étaient identiques concernant les notes de révision figurant en pièces 85'162.
Par ailleurs, FS_____ a confirmé que le montant d'USD 15'993'853.- s'entendait si la société n'avait plus de stock et que tous les documents avaient été falsifiés. Le montant d'USD 3'953'968.- correspondait au montant de la correction qui aurait dû exister si les deux attestations étaient fausses (pièces 500'052ss,). S'agissant du montant d'USD 5'268'000.- figurant en page 16 du rapport d'expertise, il n'avait pas vu les contrats, de sorte qu'il n'était pas possible de déterminer si ce montant portait sur des engagements récents ou anciens. Si ces engagements avaient eu lieu avant la clôture du 30 septembre 2004, ils auraient dû être mentionnés dans les annexes et valorisés (pièce 500'053). Le montant d'USD 360'000.- de charges correspondants à des paiements effectués à G______ ne péjorait pas la situation de M______. Toutefois, il s'agissait d'une comptabilisation « pas courante », laquelle rendrait nerveuse tout auditeur (pièce 500'055).
Enfin, FS_____ a précisé que, dans le cadre de sa profession, il auditait à 80% des sociétés de trading et qu'il n'avait jamais vu une pratique selon laquelle « les affaires fonctionnaient comme cela », phrase justifiant apparemment qu'une banque qui aurait financé une marchandise n'aurait pas été informée immédiatement de l'évolution en lien avec celle-ci. A ses yeux ce n'était pas la pratique et il ne l'avait jamais vue (pièce 500'055).
Auditions des employés de M______
m. FW_____, ancien trader chez M______ de courant 2003 à septembre ou octobre 2004 en lien avec le trading de matériaux de construction, a expliqué qu'il voyait E______, responsable du négoce du riz au sein de M______, comme une employée de G______. Pour sa part, il dépendait hiérarchiquement de ce dernier qui l'avait engagé afin de diversifier l'activité de M______ et avec qui il prenait également les décisions importantes. Il était en contact avec AO_____ pour tout ce qui était en lien avec les paiements et les lettres de crédit. En effet, G______ et AO_____ étaient en relation avec les établissements bancaires s'agissant des lignes de crédit ou des prêts octroyés (pièces 500'064ss).
n. FX_____, ancien employé de M______ de juin 2002 à décembre 2005 pour étendre l'activité de la société au trading de grain, a indiqué que G______ était « le grand patron » et que E______ était en charge du trading du riz. C'était G______ qui prenait les décisions importantes et qui était en contact avec les banques aux côtés de AO_____, responsable des finances de M______ (pièce 500'062).
Ordres de dépôts
o.a. Le 26 août 2020, le Ministère public a adressé des ordres de dépôt à N______ AG, K______ et à la BV_____, leur demandant, entre autres, dans la mesure de leur existence, la production, de la liste de toutes les cargaisons financées pour M______ et toute information pertinente y relative, l'intégralité de la documentation concernant la mise en place et le suivi des financements et/ou lignes de crédit accordés à M______, l'intégralité des rapports de l'inspecteur en relation avec les transactions financées par leurs soins, l'intégralité de la correspondance échangée avec M______, d'autres banques des tiers détenteurs et/ou des dépositaires, toutes les informations permettant d'apprécier quand, comment et pour quelles raisons des provisions avaient été constituées par leur soins en lien avec les financements de M______, l'intégralité de la correspondance échangée notamment en relation avec les affaires X______, CC_____ Sàrl, CE_____, les couvertures d'assurance, les paiements de primes et les sinistres, l'exposé des mesures entreprises par leur soins afin de recouvrer les prétentions inventoriées à l'actif de la faillite de M______, l'intégralité des dossiers concernant notamment les affaires X______, CC_____ Sàrl, CE_____, P______, R______, Q______, T______, U______, S______, O______, V______, GC______ (pièces 210'000ss, 220'000ss, 230'000ss).
o.b. Le 22 mars 2021, N______ AG a versé à la procédure les pièces demandées qui étaient en sa possession (pièces 210'002 et 210'003).
K______, pour sa part, a indiqué en substance par courrier de son Conseil du 17 septembre 2020 que le dossier qu'elle avait transmis était complet et que pour le surplus une partie des productions requises ne présentait pas de lien avec la présente procédure et n'était pas circonscrite ou résultait encore de l'organisation interne de la banque (pièces 222'002ss).
Le 19 août 2020, la BV_____ a informé le Ministère public du fait qu'elle lui avait déjà transmis l'original des dossiers demandés qui était en sa possession le 2 mars 2012 (pièces 230'002ss).
Traductions
p. Le Ministère public, après détermination des parties à la procédure, a fait traduire de l'anglais au français les documents figurant à la procédure sous pièces 650'000 à 650'246.
X. Audience de jugement
C. a. Lors de l'audience de jugement, G______ ne s'est pas présenté aux débats pour des raisons médicales et a fait parvenir au Tribunal un certificat médical du 21 décembre 2022 établi par le Dr. FY_____ qui a en substance indiqué qu'en raison de nombreux problèmes de santé, notamment cardiaques, lombaires et neurologique, nécessitant un traitement médical constant et une surveillance de la part de sa famille, G______ ne voyageait plus depuis de nombreuses années. Ce dernier a été valablement représenté par son Conseil qui a pris les conclusions mentionnées en tête du présent jugement.
b. E______, s'agissant des pièces déposées par son Conseil, a précisé que, le 8 octobre 2000, elle avait conclu avec AM_____ un contrat afin d'acquérir un tiers des actions de M______. Le prix de vente devait être payé d'ici au 8 octobre 2005, mais le 23 décembre 2003, elle avait revendu ces actions à AM_____. Elle détenait une créance contre cette dernière, inscrite dans sa déclaration fiscale de décembre 2003. Cependant, elle n'avait jamais été payée et cette créance n'était plus d'actualité.
S'agissant des faits reprochés, E______ a maintenu ses précédentes déclarations et contesté la totalité des faits visés dans l'acte d'accusation du 25 février 2022.
Elle a précisé que ledit acte d'accusation mentionnait deux procédures de relâches possible en cas de tierces détentions (un contrat de tierce détention qui correspondait à un CMA et un accord de tierce détention simplifiée) alors que dans sa compréhension, une tierce détention est toujours un CMA. Elle ne connaissait pas les termes « tierce détention simplifiée ».
Interrogée au sujet des conclusions de l'expertise graphologique concernant les attestations et documents remis à l'expert, elle a affirmé qu'elle n'avait pas elle-même fabriqué ces pièces et qu'elle n'avait pas fait de demande dans ce sens. Elle avait des contacts avec les sociétés auteurs de ces attestations, comme d'autres employés de M______, et avait pu demander, tout comme d'autres départements, ce genre d'attestation car c'était « une pratique courante » chez M______, depuis longtemps, d'avoir ces attestations. Elle s'était rendue compte dans le cadre de la procédure, et notamment après ladite expertise, qu'il pouvait y avoir des problèmes avec certaines attestations. Elle ignorait toutefois si celles-ci pouvaient provenir de photomontages ou n'étaient pas conformes à la réalité, mais ne pensait pas que tel soit le cas.
Sur question de son conseil lui demandant de retracer les diverses périodes au sein de M______ pendant son activité, elle a indiqué qu'elle avait été engagée par G______ en 1995 pour faire du trading de riz. À l'époque, ils étaient deux personnes dans la société. Par la suite, M______ avait grandi et, à partir de 2001 ou 2002, G______ avait pris l'initiative et décidé de diversifier et de faire commerce d'autres matières que le riz. Il avait créé un département des finances qui avait pour but de faire le lien entre les établissements bancaires et les traders de M______. Elle avait continué à ne s'occuper que du trading de riz et ce jusqu'à la faillite de la société. Dans le cadre de son activité, elle partait souvent en voyage d'affaires, parfois 2 ou 3 semaines, car elle se rendait dans plusieurs destinations en Afrique. Il lui arrivait aussi de voyager en Asie. Elle n'avait pas de contacts avec les banques et les départements relataient directement à G______
Elle avait certes le titre de directrice de la société de Genève mais c'était un « titre historique et formel » qui datait de l'époque où il n'y avait qu'elle-même et une secrétaire. Elle n'était pas responsable de la gestion courante de M______, qui était de la responsabilité de G______. Ce dernier ne l'avait pas désignée à la tête du département des finances car elle était trader de riz et « il n'a[vait] jamais été question qu'[elle] fasse autre chose que cela ». Le rôle de ce département était de discuter les lignes de crédit avec les banques, de demander le financement des transactions aux banques et de gérer les remboursements. Il indiquait sur quel compte bancaire il fallait diriger ou faire payer les acheteurs. Les traders n'étaient pas au courant des détails de financements et des accords avec les banques, raison pour laquelle ils ne s'occupaient pas d'indiquer quel compte bancaire devait être crédité. Dans le commerce du riz, il était très courant qu'un navire soit financé par plusieurs banques.
Sur question de son Conseil et s'agissant des premières déclarations de AO_____ à la police, elle pensait que cette dernière avait eu peur pour elle-même.
Concernant les difficultés financières de la société, elle n'en était pas au courant avant que G______ ne lui l'annonce en octobre 2005. Cela avait été « une surprise et un choc ». Elle ne savait pas pourquoi il ne lui en avait pas parlé avant mais imaginait qu'il avait peut-être essayé de redresser la société. Elle pensait que M______ était tombée en faillite à cause de raisons conjoncturelles : il y avait eu une baisse du marché du riz et du marché du fret, des litiges avec des armateurs et des acheteurs qui avaient profité de la situation pour ne pas payer. La situation avait fait boule de neige. De plus, certaines banques avaient décidé d'intervenir dans les litiges et le K______ avait piloté le cas du navire X______, ce qui avait occasionné une perte de près de 5 millions de dollars.
Enfin, E______ a lu une déclaration dont elle a remis copie au Tribunal.
c. AO_____ a tout d'abord confirmé ses déclarations à la police des 14 août 2007 et 21 mars 2009 ainsi que celles devant le Juge d'Instruction et le Ministère public des 22 juillet 2009 et 15 février 2011. Elle se souvenait toutefois être allée deux fois à la police et une seule fois après auprès d'un Procureur.
Elle avait été employée de M______ durant 9 ans, d'abord aux opérations, puis au département finances, dont elle pensait qu'il avait été créé environ 5 ans après son arrivée.
Elle connaissait E______ qui était trader dans la société, même si elle avait compris qu'elle avait été nommée directrice de M______ Genève. Elle pensait qu'elle n'avait pas de contact avec les banques.
Interrogée par le Tribunal au sujet de ses déclarations à la police concernant des éventuelles fausses attestations, elle ne s'en souvenait « vaguement » mais avait « déjà eu des doutes avant ». Elle se souvenait que la police lui avait montré des documents et lui posait des questions, ne comprenant pas pourquoi on lui montrait des pièces dont elle ne me souvenait pas de l'existence. Elle ne se rappelait pas que la police l'avait confrontée à certaines pièces à propos desquelles elle avait exprimé des doutes, ni avoir douté de la véracité de certaines attestations qu'on lui soumettait. Interrogée sur son état d'esprit lors de son audition à la police d'août 2007, elle a répondu qu'il était difficile et impressionnant d'être soumise à un interrogatoire mais elle n'avait pas eu « particulièrement peur d'être impliquée dans une procédure pénale ».
Confrontée aux deux attestations d'AB_____ du 16 juin 2004 en lien avec le navire M/V S______ (pièce 14'297) et à ses déclarations à la police, AO_____ a affirmé qu'elle ne se souvenait pas de ses déclarations, même si « sur le moment c'est ce qu'[elle] pensait ». Elle a répété qu'elle ne se rappelait pas avoir dit à la police qu'elle avait des doutes sur certains certificats qui lui avaient été présentés et en particulier qu'elle se « rendait compte que les informations transmises au N_______ étaient fausses mais qu'[elle] était bien obligée de suivre les instructions de [ses] deux patrons ». Pour elle, c'était « incroyable ». Elle ne se souvenait pas non plus avoir déclaré : « je n'étais pas très à l'aise de devoir cacher des informations au N______ » et était étonnée de ce qui lui était lu, se demandant même si c'était elle qui avait « dit ça ». Elle suivait les instructions de G______ et fournissait aux banques les certificats qui lui étaient demandés. Elle a déclaré : « Aujourd'hui je tombe des nues lorsque vous me relisez une partie de cette déclaration ». Elle ne se souvenait pas de sa déclaration devant le Juge d'instruction le 22 juillet 2009 mais elle s'était peut-être rendue compte que, dans certains cas, certains certificats transmis à la banque contenaient des informations inexactes.
Elle n'avait jamais eu de contact avec E______ entre sa dernière déclaration au Ministère public et l'audience de jugement.
Concernant le fonctionnement de M______, elle prenait ses instructions auprès de G______ qui lui disait quelle transaction concernait quelle banque. Ensuite, il lui demandait d'aller voir E______ pour obtenir l'attestation demandée par les banques. E______ était le principal contact avec les transitaires. Chaque trader avait quelques contacts avec les transitaires et il lui semblait possible que d'autres traders du département riz aient eu des contacts avec des transitaires en Afrique mais c'était E______ qui s'occupait de l'Afrique de l'ouest.
Sur question de la partie plaignante, qui lui demandait si la déclaration de FW_____ selon laquelle G______ aurait pu l'« utiliser » pour faire passer des informations aux banques car elle était « bien vue », elle a répondu que son patron lui donnait des directives qu'elle respectait. Son rôle étant le contact avec les banques, il était logique qu'elle fasse le suivi. Lorsqu'elle avait évoqué « mes deux patrons » à la police, il s'agissait bien de G______ et de E______. Son patron était G______ et le deuxième patron ne pouvait être que E______ parce qu'elle suivait le statut des positions de riz et communiquait avec G______.
Sur question du Conseil de E______, AO_____ a déclaré que cette dernière voyageait beaucoup dans le cadre de son activité et faisait de courts séjours en Afrique plusieurs fois par année, environ une fois par mois.
d. K______ a déposé des conclusions civiles à titre de réparation du dommage matériel tendant principalement au versement, par G______ et E______, pris conjointement et solidairement, de CHF 7'405'894.30 avec intérêts à 5% dès le ______ 2006. A titre subsidiaire, elle concluait au versement de CHF 6'332'707.5530 avec intérêts à 5% dès le ______ 2006.
K______ a également requis une indemnité au sens de l'art. 433 al. 1 CPP d'au total CHF 759'071.63, correspondant aux frais et honoraires occasionnés par la procédure du 29 décembre 2005 au 22 décembre 2022.
e. Par courrier du 25 janvier 2023 adressé au Tribunal, la BV_____, dispensée sur sa demande de comparaître à l'audience de jugement, a souhaité conserver sa qualité de partie plaignante et a renoncé à déposer des conclusions civiles.
XI. Situations personnelles
D. a. G______ est né le ______ 1951 à ______, au Pakistan. Il est marié et père de deux filles majeures. Il a commencé à travailler en 1969 avec sa famille. En 1972, il a créé une société d'export de riz au Pakistan et obtenu en parallèle un MBA en suivant des cours du soir. Il a été actif principalement dans le domaine du riz entre 1978 et 1983, diversifiant ses activités et les étendant aux grains et huiles comestibles. Il commerçait avec beaucoup d'entreprises internationales, soit en qualité de vendeur ou de représentant. Il a quitté le Pakistan en 1996 suite à un remaniement gouvernemental pour l'Angleterre, conservant toutefois son domicile dans le premier de ces pays où il est retourné par la suite. Il est l'administrateur et l'ayant droit principal de la société FZ_____ Ltd et a une activité de conseil pour d'autres compagnies, dont il est administrateur pour certaines d'entre elles. Son revenu annuel est de l'ordre de PKR 30'000'000.-, soit environ CHF 101'420.-. Il a une fortune estimée à PKR 524'500'000.- et est propriétaire de biens immobiliers au Pakistan. Il a dû vendre l'immeuble dont il était propriétaire à Londres. La maison dans laquelle il vit appartient à son épouse, à ses filles et leurs enfants.
A teneur de son casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédent judiciaire.
b. E______, ressortissante suisse et pakistanaise, est née le ______ 1965 à ______, au Pakistan. Elle est célibataire, sans enfant. Elle n'a jamais vécu au Pakistan, son père ayant travaillé pour le GA_____. Elle a vécu en Suisse de 1972 à 1977, puis de 1980 à 1984. Après avoir effectué une licence en sciences économiques à ______[USA], est revenue en Suisse en 1988 ou 1989 et elle y vit depuis lors.
Après avoir exercé divers emplois dans différentes sociétés de négoce de matières premières, à l'automne 1995, elle a commencé à travailler pour M______ jusqu'au ______ 2006, en raison de la faillite de la société. De 2006 à 2014, elle n'avait pas vraiment trouvé de travail et s'était retrouvée deux ans au chômage. Depuis 2014, elle travaille comme employée de commerce dans une petite société de trading, nommée GB_____, et réalise un revenu annuel net de CHF 137'000.-.
Elle n'a pas de fortune et fait l'objet de poursuites pour plusieurs millions francs de la part de K______ et de N______ AG en lien avec la présente procédure. Elle ne fait pas l'objet de saisie de salaire.
Elle n'a pas de loyer, dans la mesure où elle vit à ______ chez des amis. Elle s'acquitte mensuellement de CHF 750.- à titre de primes d'assurance maladie.
E______ n'a aucun antécédent judiciaire en Suisse.
Culpabilité
1. La présomption d'innocence, dont le principe in dubio pro reo est le corollaire, est garantie expressément par les art. 6 par. 2 CEDH (RS 0.101) et 32 al. 1 de la Constitution fédérale (RS 101), ainsi que par l'art. 10 al. 3 CPP, selon lequel le tribunal doit se fonder sur l'état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation. Ainsi, en tant que règle d'appréciation des preuves, ce principe est violé si le juge se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles (ATF 127 I 38 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_958/2010 du 17 août 2011 consid. 4.1).
En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence, mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 et les arrêts cités).
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 120 Ia 31 consid. 2 p. 33 ss, ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87 ss).
Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3 ; art. 10 al. 2 CPP). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1230/2015 du 22 avril 2016 consid. 2; 6B_109/2014 du 25 septembre 2014 consid. 2.1 et 6B_398/2013 du 11 juillet 2013 consid. 2.1).
2. 2.1.1. Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux ; il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. Il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.1 p. 155 ; ATF 130 IV 58 consid. 9.2.1 p. 66 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_587/2012 du 22 juillet 2013 consid. 2.2). Ainsi, une personne peut être considérée comme auteur d'une infraction, même si elle n'en est pas l'auteur direct, c'est-à-dire si elle n'a pas accompli elle-même tous les actes décrits dans la disposition pénale (ATF 120 IV 17 consid. 2d p. 23 s.).
2.1.2. Le complice est un participant secondaire qui « prête assistance pour commettre un crime ou un délit » (art. 25 CP). La complicité suppose que le participant apporte à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cette assistance. Il n'est pas nécessaire que celle-ci soit une condition sine qua non de la réalisation de l'infraction, il suffit qu'elle accroisse les chances de succès de l'acte principal. Subjectivement, il faut que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte. A cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte. Le dol éventuel suffit pour la complicité (ATF 132 IV 49 consid. 1.1 p. 51 s.). La condamnation du complice ne présuppose pas que l'infraction principale ait fait l'objet d'un jugement, mais seulement qu'elle ait été commise et soit punissable (ATF 106 IV 413 consid. 8c p. 426 s.). Il suffit ainsi qu'il soit établi que les éléments objectifs de l'infraction principale sont réalisés.
Faux dans les titres
3. 3.1.1. A teneur de l'art. 251 ch. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre, sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
3.1.2. Sont des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique (art. 110 al. 4 CP).
3.1.3. L'art. 251 ch. 1 CP vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1406/2019 du 19 mai 2020 consid. 1.1. et les références citées).
Un simple mensonge écrit ne constitue pas un faux intellectuel. La confiance que l'on peut avoir à ne pas être trompé sur la personne de l'auteur est plus grande que celle que l'on peut avoir à ce que l'auteur ne mente pas par écrit; pour cette raison, la jurisprudence exige, dans le cas du faux intellectuel, que le document ait une crédibilité accrue et que son destinataire puisse s'y fier raisonnablement. Une simple allégation, par nature sujette à vérification ou discussion, ne suffit pas ; il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée (ATF 138 IV 130 consid. 2.1 p. 134 ; ATF 132 IV 12 consid. 8.1 p. 14 ss ; ATF 129 IV 130 consid. 2.1 p. 133 ss ; ATF 126 IV 65 consid. 2a p. 67 ss). Tel est le cas lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration. Il peut s'agir, par exemple, d'un devoir de vérification qui incombe à l'auteur du document ou encore de l'existence de dispositions légales comme les anciens art. 958 ss CO relatifs au bilan, qui définissent le contenu du document en question (ATF 132 IV 12 consid. 8.1 p. 15 ; ATF 129 IV 130 consid. 2.1 p. 134 ; ATF 126 IV 65 consid. 2a p. 68 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2012 du 18 avril 2013 consid. 9.3).
3.1.4. L'art. 251 CP vise d'une part le faux matériel, qui consiste dans la fabrication d'un titre faux, la falsification d'un titre ou l'abus de blanc-seing. Dans ces trois hypothèses, le véritable auteur du titre ne correspond pas à l'auteur apparent (ATF 142 IV 119 consid. 2.1; ATF 138 IV 130 consid. 2.1; ATF 129 IV 130 consid. 2.1, JdT 2005 IV 118). Autrement dit, le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité (ATF 132 IV 57 consid. 5.1.1). Commet un abus de blanc-seing l'auteur qui, en possession de la signature ou de la marque à main réelle d'autrui, l'utilise pour fabriquer un titre, de sorte que le contenu de ce document, complété ou rempli par l'auteur de l'infraction, ne correspond pas à la volonté de son signataire et n'est donc pas un titre authentique (DUPUIS et al., Petit Commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n°27 ad art. 251).
L'infraction peut se présenter sous la forme de la création d'un titre faux si la personne remplit frauduleusement une feuille blanche munie d'une signature réelle, mais elle peut aussi se présenter sous la forme d'une falsification si une personne complète indûment un texte déjà signé par le signataire, par exemple en insérant une phrase dans un espace libre (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, volume II, 3e éd., Berne 2010, n°80 ad art. 251).
3.1.5. De jurisprudence constante, la comptabilité commerciale et ses éléments (pièces justificatives, livres, extraits de compte, bilans ou comptes de résultat) sont, en vertu de la loi (anciens art. 662a ss CO ; nouveaux art. 957 ss CO en vigueur dès le 1er janvier 2013), propres et destinés à prouver des faits ayant une portée juridique. Ils doivent permettre aux personnes qui entrent en rapport avec une entreprise de se faire une juste idée de la situation financière de celle-ci et font donc preuve, de par la loi, de la situation et des opérations qu'ils présentent. Ils ont ainsi une valeur probante accrue ou, autrement dit, offrent une garantie spéciale de véracité (ATF 132 IV 12 consid. 8.1 p. 15 ; ATF 129 IV 130 consid. 2.2 et 2.3 p. 134 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2012 du 18 avril 2013 consid. 9.4). De tels documents dont le contenu est faux doivent dès lors être qualifiés de faux intellectuels. Il y a donc faux dans les titres lorsque la comptabilité ne satisfait pas aux exigences légales requises pour assurer sa véracité et la confiance en celle-ci. Cela vaut même si la comptabilité n'a pas encore été soumise à l'organe de révision et à l'assemblée générale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_496/2012 du 18 avril 2013 consid. 9.4 et 6B_541/2011 du 18 octobre 2011 consid. 4.2).
La comptabilité doit fournir une image exacte et complète de la situation économique réelle de la société. Le bilan doit rendre correctement compte des rapports financiers d'une entreprise à une date déterminée (ATF 132 IV 12 consid. 8.1 p. 15 ; ATF 129 IV 130 consid. 2.3 p. 135). Une fausse écriture constitue un faux dans les titres lorsqu'elle donne une fausse image globale de la comptabilité et viole de cette manière les règles et les principes de comptabilité qui ont été institués pour garantir la véracité de la déclaration et la crédibilité accrue de la comptabilité. Des violations minimes des règles civiles en matière de comptabilité ne suffisent cependant pas. De tels principes ont été expressément prévus dans les dispositions légales relatives à l'établissement régulier des comptes annuels du droit de la SA aux anciens art. 662a ss CO et dans les nouveaux art. 957 ss CO, en vigueur au 1er janvier 2013 (arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2012 du 18 avril 2013 consid. 9.5). La comptabilité doit, conformément à son but (cf. ancien art. 957 CO ; nouvel art. 957a al. 1 CO), refléter la situation financière réelle de l'entreprise. Elle doit par conséquent être exacte tant du point de vue formel que matériel (ATF 116 IV 52 consid. 2a p. 55). Elle se fonde souvent sur des décisions comportant une marge de manœuvre, notamment en matière d'estimation des actifs et passifs. Le bilan est faux lorsque l'état de la fortune et des bénéfices est présenté de manière plus favorable qu'en réalité ou lorsque les actifs sont nettement surévalués ou les passifs clairement sous-évalués et qu'ainsi l'évaluation dépasse la marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_496/2012 du 18 avril 2013 consid. 9.5 et 6B_778/2011 du 3 avril 2012 consid. 5.2.4). Lorsqu'un poste suppose une évaluation, la comptabilité ne peut être considérée comme fausse qu'en cas d'abus du pouvoir d'appréciation (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, volume II, 3ème édition, Berne 2010, n°40 ad art. 251 CP ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 111-392 StGB, 2ème édition, Bâle 2007, n. 54 ad art. 251 CP).
3.1.6. Sur le plan subjectif, le faux dans les titres n'est punissable que s'il est commis intentionnellement. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. Le dol éventuel suffit. Il faut non seulement que l'auteur crée ou utilise le faux volontairement, mais encore qu'il veuille ou accepte que le document contienne une altération de la vérité et qu'il ait une valeur probante à cet égard. L'auteur doit donc être conscient du fait que l'écrit est objectivement susceptible de servir de moyen de preuve. Il est également nécessaire que l'auteur veuille ou accepte l'idée de tromper autrui. L'auteur doit encore avoir agi dans un dessein spécial, qui peut être alternativement le dessein de nuire à autrui (porter atteinte aux intérêts pécuniaires d'autrui ou aux droits d'autrui) ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_223/2012 du 14 décembre 2012 consid. 2.4 et les références citées).
3.2.1. A titre préliminaire, le Tribunal relève qu'il appréhendera avec réserve les déclarations de AO_____ à la police, dans la mesure où ses déclarations devant cette autorité ont été faites sur la base de présentation de pièces et de questions précises et orientées des inspecteurs, l'amenant parfois à faire des déductions sur-le-champ. De plus, par la suite, elle a nuancé ses dires devant le Juge d'instruction et le Ministère public pour indiquer enfin, lors de l'audience de jugement, qu'elle ne se souvenait pas avoir tenus de tels propos à la police et qu'elle était même étonnée par les mots qui avaient été retranscrits dans sa bouche. Le Tribunal ne les retiendra comme probantes que dans la mesure où elles sont confirmées par d'autres éléments de preuve figurant au dossier.
3.2.2. S'agissant du rôle des parties au sein de M______, il est établi, notamment à teneur de l'extrait du registre du commerce, qu'au moment des faits, G______, l'ayant droit économique et administrateur président de M______ avec signature collective à deux, et E______, administratrice et directrice avec également une signature collective à deux, étaient les organes de la société.
En ce qui concerne le rôle actif de G______ et de E______ au sein de M______, il y a lieu de se fier aux nombreuses déclarations concordantes des prévenus, des employés de la société et des représentants des banques, à teneur desquelles le premier s'occupait, en plus d'être le dirigeant principal de M______, de la gestion financière de la société, tandis que la seconde était à la tête du département affilié au trading du riz.
Plus particulièrement, G______ était en charge des finances de la société, de l'engagement du personnel, des contacts avec AE_____ SA, avec les fournisseurs des matières premières et avec les diverses banques, entre autres pour la négociation et la conclusion des lignes de crédit.
E______, quant à elle, s'occupait essentiellement de la négociation et de la vente du riz ainsi que de tous les aspects en lien avec le transport, le déchargement, l'entreposage et la livraison de celui-ci. En effet, tel que décrit dans la partie « EN FAIT » aux points c.a. et suivants, elle signait en grande partie les ordres de déchargement et de relâche, et avait les contacts les entrepositaires africains, de même qu'avec les acheteurs de la marchandise. En revanche, même si elle avait formellement la casquette de directrice de M______, elle ne s'occupait en réalité pas des aspects financiers de la société, qui était de la seule compétence de G______. En l'occurrence, elle avait peu de contact avec les banques concernées, hormis en lien avec une question spécifique au trading de riz. Elle ne s'occupait également pas de la négociation et de la conclusion de crédit avec les banques ni n'avait des contacts avec les réviseurs de M______.
Attestations destinées aux banques
3.2.3.1. Sous l'angle du faux dans les titres, le Tribunal retient que les attestations émanant prétendument de Y______ SA des 16 juin 2004, 20 décembre 2004 et 5 octobre 2004 destinées au K______ et à la BV_____, sont fausses et doivent être considérés comme des faux matériels. En effet, il ressort de l'expertise graphologique dont il n'y pas lieu de s'écarter, que ces attestations ont été établies par photomontage des signatures et/ou tampons de Y______ SA. Il s'agit en l'occurrence d'un procédé consistant à reprendre un document original émanant d'une société et à réutiliser les signatures et tampons de ce document par photomontage sur un texte confectionné de toutes pièces ou sur un texte d'origine réutilisé mais modifié sur certains points.
S'agissant des attestations émanent prétendument d'AB_____ des 16 juin 2004 et 9 mars 2005, de AA_____ du 28 juin 2004 relatives aux marchandises transportées sur le M/V Q______ et M/V R______, et d'AB_____ des 16 juin 2004 et 9 mars 2004 en lien avec la marchandise transportée sur le M/V S______, destinées à N______ AG, le Tribunal a acquis la conviction que ces documents ne reflètent pas la réalité au regard de la chronologie des évènements entourant ces deux transports, résultant des éléments matériels figurant à la procédure.
En effet, l'attestation AA_____ du 28 juin 2004 confirmant le stockage à ______[TOGO] de 28'724 tm de riz transportées par M/V Q______ et M/V R______ a été transmise à N______ AG, alors qu'en réalité, pour le riz transporté par le M/V Q______, la marchandise avait déjà été déchargée à ______[TOGO], le 18 mai 2003, soit avant le financement octroyé par N______ AG. Pour la marchandise transportée par le M/V R______, celle-ci avait été déchargée notamment à ______[MADAGASCAR] et à ______[CAMEROUN], en octobre 2003, puis entre mars 2003 et mars 2004, et avait été vendue avant l'émission de cette attestation. Les certificats AB_____ en lien avec le M/V Q______ avaient quant à eux été établis après que la marchandise ait été relâchée, respectivement vendue, en faveur de CE_____ en janvier et février 2004 et en faveur de DM_____ en février 2004. Enfin, les attestations en lien avec le M/V S______ avaient quant à elles été établies après que la marchandise ait été relâchée, respectivement vendue, à ______[CÔTE D'IVOIRE] au profit de CE_____ entre décembre 2003 et janvier 2004.
L'établissement des attestations susmentionnées destinées aux banques avaient pour objectif de conforter ces dernières quant au fait que le financement octroyé à M______ était garanti, ce qui n'était en réalité pas le cas ou plus le cas. Ces documents ont également servi à l'évaluation des stocks de M______ dans le cadre de l'établissement de ses comptes au 30 septembre 2004, faussant de la sorte la comptabilité de la société.
Attestations destinées à AE_____ SA
3.2.3.2. Concernant les attestations émanant de AC_____ SA du 9 décembre 2004, de AD_____ SA du 8 décembre 2004 et de Y______ SA du 21 décembre 2004, destinées à AE_____ SA, il est établi que celles-ci résultaient également de photomontage à dires d'expert, de sorte qu'il s'agissait également de faux matériels. Ces documents avaient été utilisés par AE_____ SA pour évaluer les stocks ayant servi à l'établissement des comptes au 30 septembre 2004, influant de la sorte sur la valeur globale des stocks. En effet, selon l'expertise financière établie par FR_____, qu'il n'y pas lieu de remettre en question, les attestations AC_____ SA et AD_____ SA avaient, entre autres, permis à AE_____ SA de valider que 17'805 tm de riz étaient la propriété de M______. De plus, ces faux documents avaient augmenté d'USD 5'453'968.- l'exercice et les capitaux propres de M______ au 30 septembre 2004. Ainsi, le bilan établi et audité sur cette base devait également être considéré comme un faux dans les titres intellectuel à teneur de la jurisprudence.
Le Tribunal a également acquis la conviction que, quand bien même les prévenus n'ont pas eux-mêmes procédé à la falsification des attestations, ils en ont été à l'origine en donnant notamment les instructions nécessaires à cet égard. En effet, il ressort de la procédure, qu'ils étaient les seuls à avoir un intérêt quelconque à l'établissement de tels documents, ce qui est notamment corroboré par l'échange de courriels entre N______ AG et AB_____, cette dernière informant la banque que les garanties émises suite à la relâche de la marchandise entre les mois de janvier et février 2004 l'avaient été à la demande de M______. Plus particulièrement concernant E______, cette dernière connaissait le parcours du riz et les étapes de déchargement de celui-ci et devait se rendre compte que, si le riz était déchargé et/ou vendu à une certaine date, les attestations démontrant prétendument l'entreposage de ce même riz à une date ultérieure ne reflétaient pas la réalité.
Sous l'angle des éléments constitutifs subjectifs, les prévenus ont agi dans l'intention de se procurer un avantage illicite, à savoir améliorer la situation financière de M______.
Ils ont agi en qualité de coauteur, dans la mesure où, même si c'était G______ qui chapeautait le tout, E______, de par ses fonctions et compétences au sein de M______ en tant que spécialiste et responsable du trading du riz, ne pouvait pas ignorer que ces certificats étaient des faux, acceptant de la sorte leur confection et destination. En effet, c'était elle qui signait les ordres de relâches et qui avait des contacts avec les entrepositaires.
Ainsi, les prévenus seront reconnus coupable de faux dans les titres au sens de l'art. 251 ch. 1 CP.
Escroquerie et abus de confiance
4. 4.1.1. À teneur de l'art. 146 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
4.1.2. Par tromperie, il faut entendre tout comportement destiné à faire naître chez autrui une représentation erronée des faits, qui divergent de la réalité (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2.; 135 IV 76 consid. 5.1.). La tromperie peut être réalisée non seulement par l'affirmation d'un fait faux, mais également par la dissimulation (par commission ou omission improprement dite) d'un fait vrai (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.2.; 140 IV 11 consid. 2.3.2.). La tromperie peut consister en un comportement explicite ou être réalisée par actes concluants (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2.; 127 IV 163 consid. 3b).
Il y a tromperie astucieuse, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier. L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2). Le degré de prudence que l'on peut attendre de la dupe dépend de la situation personnelle de cette dernière (ATF 135 IV 76 consid. 5.2.). La question de la coresponsabilité se pose tout particulièrement lorsque l'infraction est commise au détriment d'une banque (ARZT, Basler Kommentar Strafrecht II, N 70ss ad art. 146 CP).
Selon la jurisprudence, les banques doivent faire preuve d'une vigilance accrue, compte tenu notamment de la spécialisation de leurs organes ou collaborateurs. Cela ne signifie pas pour autant qu'elles doivent être soumises à des exigences si élevées qu'elles auraient à prendre toutes les mesures de prudence possibles et imaginables. Ainsi lorsque la tromperie vise une banque, son caractère astucieux ne peut être nié que si les circonstances du cas d'espèce laissent apparaître que l'établissement bancaire a fait preuve de légèreté, par exemple pour avoir accepté de s'exécuter sur la base d'un document grossièrement falsifié (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1086/2019, 6B_1093/2019 du 6 mai 2020 consid. 5.1).
La dupe doit être dans l'erreur, en ce sens qu'elle doit se faire une fausse représentation de la réalité. Il n'est pas nécessaire de pouvoir préciser exactement ce que la dupe se représente; il suffit qu'elle ait une certaine conscience que tout est correct (ATF 118 IV 38 consid. c).
Pour que le crime d'escroquerie soit consommé, l'erreur dans laquelle la tromperie astucieuse a mis ou conforté la dupe doit avoir déterminé celle-ci à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires, ou à ceux d'un tiers sur le patrimoine duquel elle a un certain pouvoir de disposition (arrêt 6B_944/2016 du 29 août 2017, consid. 3.3.) La dupe doit conserver une certaine liberté de choix (CORBOZ, Les infractions en droit suisse, N 28 ad art. 146 CP). L'erreur créée ou confortée par la tromperie doit motiver l'acte (ATF 119 IV 210 consid. 3d, arrêt 6B_552/2013 du 9 janvier 2014 consid. 2.3.2.). Lorsque l'auteur d'une escroquerie utilise un titre faux pour tromper la victime, il y a concours entre l'escroquerie et le faux dans les titres (Petit Commentaire du code pénal, n°48 ad art. 146 CP).
L'escroquerie n'est consommée que s'il y a un dommage (arrêts 6B_130/2016 du 21 novembre 2016 consid. 2.1.; 6B_552/2013 du 9 janvier 2014 consid. 2.3.2.; CORBOZ, op.cit., n°32 ad art. 146 CP).
Le dommage se définit comme une lésion du patrimoine sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif, mais aussi d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique (ATF 129 IV 124 consid. 3.1.; 123 IV 17 consid. 3d; arrêt 6B_787/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.4.).
Un rapport de causalité ou de motivation doit exister entre les différents éléments constitutifs précités : la tromperie astucieuse doit causer l'erreur; l'erreur doit causer l'acte de disposition et l'acte de disposition doit causer le dommage (ATF 128 IV 256 consid. 2e/aa; 115 IV 32 consid. 3a). Il faut donc un lien entre la tromperie et le dommage (ATF 120 IV 135 consid. bb) ou, autrement dit, que la tromperie astucieuse motive l'acte qui lèse le patrimoine (ATF 128 IV 256 consid. 2e/aa).
4.1.3. Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle, l'intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. Le dol éventuel est suffisant. L'auteur doit en outre agir dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ATF 134 IV 210 consid. 5.3.).
4.2.1. Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées, la peine étant une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire.
Cette infraction suppose que l'on soit en présence d'une valeur confiée, ce qui signifie que l'auteur doit avoir acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou à un autre rapport juridique, il ne peut en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il ait reçu la chose ou la valeur patrimoniale à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, en particulier, de la conserver, la gérer ou la remettre (ATF 133 IV 21 consid. 6.2). Le comportement délictueux consiste à utiliser, sans droit, à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui avaient été confiées. Il y a emploi illicite d'une valeur patrimoniale confiée lorsque l'auteur l'utilise contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 121 IV 23 consid. 1c p. 25; 119 IV 127 consid. 2 p. 128). L'alinéa 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données. Est ainsi caractéristique de l'abus de confiance au sens de cette disposition le comportement par lequel l'auteur démontre clairement sa volonté de ne pas respecter les droits de celui qui lui fait confiance (ATF 129 IV 257 consid. 2.1 et les arrêts cités).
4.2.2. Les valeurs patrimoniales consistent en tout avantage économique susceptible d'être estimé en argent. Elles incluent les choses fongibles devenues propriété de l'auteur par mélange, ainsi que les valeurs incorporelles que représentent les créances pécuniaires, comme les avoirs bancaires par exemple, y compris les créances futures cédées et les créances en délivrance d'actions nominatives attribuées (P. DE PREUX /L. HULLIGER, CR CPII, éd. 2017, n°31 ad. art. 138).
Les cessions de créances futures sont valables pour autant qu'à leur naissance, elles soient suffisamment déterminées ou tout au moins déterminables quant à la personne du débiteur cédé, à leur fondement juridique et à leur contenu, et que la cession ne porte pas une atteinte trop grande à la liberté économique et à la personnalité du cédant, au sens de l'art. 27 al. 2 CC. Ce critère peut être établi à l'aide de faits et circonstances extérieurs à l'acte de cession (ATF 113 II 163 consid. 2a à 2d).
Celui qui cède une créance future, à naître d'un contrat de vente, et s'engage à faire verser le produit de ladite vente au cessionnaire, se rend coupable d'abus de confiance au sens de l'art. 140 ch. 1 al. 2 aCP s'il emploie ce produit pour éteindre par compensation une dette personnelle, sans avoir la volonté et la possibilité de verser au cessionnaire le montant de la créance cédée. Dès sa naissance, une telle créance ne fait par conséquent pas partie du patrimoine du cédant, pour lequel elle constituait une créance appartenant à autrui. Si le débiteur est encore inconnu au moment de la cession, le cessionnaire n'est pas en situation de recouvrer la créance cédée. Ainsi si les parties ont passé dans le cadre de la cession, un accord spécial aux termes duquel le cédant s'engageait à faire verser le produit de la vente au cessionnaire, il lui incombe de faire en sorte que celui-ci parvienne à son cocontractant soit directement soit par son intermédiaire (ATF 118 IV 32 consid. 2b).
A titre d'exemple, la jurisprudence cantonale vaudoise a considéré qu'un contrat de cession général conclu avec une banque en garantie d'un crédit avait pour conséquence que la banque en question avait confié les créances cédées, sur les valeurs patrimoniales, à son débiteur dans le but de pourvoir à leur encaissement sur un compte de ladite banque. Dès lors que la banque confie ses créances au débiteur dans le seul but précité et que celui-ci en dispose sans droit, en les encaissant sur un compte ouvert auprès d'une autre banque, en vidant de sa substance la garantie destinée à couvrir le prêt accordé et en s'enrichissant illicitement en diminuant ses autres dettes, l'abus de confiance était réalisé (arrêt de la Cour de cassation pénale vaudoise du 23 juin 2006 n°240 ; arrêt de la Cour de cassation pénale vaudoise du 9 novembre 2009 n°468 consid. 6.c).
4.2.3. Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime (ATF 133 IV 21 consid. 6.1.2 p. 27), lequel peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 32 consid. 2a p. 34). Celui qui dispose à son profit ou au profit d'un tiers d'un bien qui lui a été confié et qu'il s'est engagé à tenir en tout temps à disposition de l'ayant droit s'enrichit illégitimement s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer immédiatement en tout temps. Celui qui s'est engagé à tenir le bien confié à disposition de l'ayant droit qu'à un moment déterminé ou à l'échéance d'un délai déterminé ne s'enrichit illégitimement que s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer à ce moment précis (ATF 118 IV 27 consid. 3a p. 29s).
4.2.4. Lorsque l'auteur parvient à se faire confier une chose mobilière ou des valeurs patrimoniales par le biais d'une tromperie astucieuse avant de les détourner à son profit ou au profit d'un tiers, la jurisprudence considère que les faits sont cumulativement constitutifs d'escroquerie et d'abus de confiance. Il faudrait en l'occurrence retenir la qualification d'escroquerie et considérer que cette dernière absorbe celle d'abus de confiance (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Petit Commentaire du Code pénal, éd. 2017, n°55 ad. art. 138 et les références citées).
En lien avec N______ AG
4.3.1. Concernant l'escroquerie commise au préjudice de N______ AG reprochée aux prévenus sous points 5.2 à 5.13 et 9.2 à 9.13 de l'acte d'accusation, le Tribunal retient que les prévenus ont trompé astucieusement cette dernière, en l'amenant à financer une marchandise, transportée sur les navires M/V Q______, M/V R______ et M/V S______, alors que celle-ci avait en réalité déjà été vendue et/ou relâchée au profit d'un tiers. Les prévenus ont fait croire à la banque que son financement était garanti, alors que tel n'était pas le cas. En effet, il ressort des éléments matériels figurant à la procédure que la marchandise du M/V Q______ avait été vendue à DI_____, DH_____, CE_____ et DJ_____ et relâchée entre le 10 novembre 2003 et 10 février 2004, avant que N______ AG procède au premier versement en lien avec cette opération. Ainsi, le financement de cette dernière n'était plus garanti. Afin de conforter la banque dans l'acceptation du financement de la marchandise et des garanties octroyées à cet égard, les prévenus ont remis à N______ AG dix-sept connaissements pour lesquels la contrevaleur de la marchandise n'existait en réalité plus ainsi que de fausses attestations d'entreposage, notamment celle émanant prétendument d'AB_____ du 21 juin 2004.
S'agissant de la marchandise transportée sur le M/V R______, il en est allé de même. Celle-ci avait été relâchée entre le 14 novembre 2003 et le 4 décembre 2003 à ______[MADAGASCAR] et ______[CAMEROUN] en faveur de DR_____, DQ_____, DF_____ et DT______ avant que le premier versement de N______ AG n'intervienne le 15 mars 2004. Afin d'être confortée dans le cadre du financement de cette opération et des garanties apportées, cette dernière avait reçu sept connaissements vidés de leur substance ainsi que de fausses attestations d'entreposage, notamment celle émanant prétendument de AA_____ du 9 mars 2005.
La tromperie en lien avec la marchandise transportée sur le M/V S______ était identique, à savoir que celle-ci avait été vendue à CN_____ et CE_____ les 28 novembre 2003 et 8 décembre 2003 et relâchée au plus tard le 6 janvier 2004, soit avant le premier versement de la banque effectué le 26 mars 2004. N______ AG, afin d'être confortée, avait aussi reçus trois connaissements dépourvus en réalité d'utilité ainsi que de fausses attestations d'entreposage, notamment celles émanant prétendument d'AB_____ du 16 juin 2004 et confirmée le 9 mars 2005.
Le Tribunal relève à cet égard que l'émission de ces documents intervenait opportunément avant la réunion du 2 juillet 2004, laquelle s'est déroulée entre N______ AG, soit pour elle BD_____ et CP_____, et G______ pour M______, N______ AG se posant des questions en lien avec les stocks relatifs aux opérations de trading en cours.
Par le stratagème adopté par les prévenus, N______ AG a octroyé des crédits à M______, sans aucune garantie, ce qui a occasionné un dommage à la banque d'au total USD 4'094'043.- (soit USD 5'578'494.- + USD 2'281'480.- + USD 457'963 + USD 789'253.- - USD 3'095'916.- - USD 1'917'231.-) (pièce 50'356), M______ s'enrichissant dans la même mesure.
Les prévenus ont agi intentionnellement, à dessein, dans un but d'enrichissement illégitime afin d'améliorer la situation financière de M______.
S'agissant de la participation des prévenus, le Tribunal relève que ces derniers ont agi en coactivité, chacun occupant un rôle précis dans le modus operandi, à savoir que G______ se chargeait du contact avec la banque, tandis que E______ intervenait au niveau de la vente et de la relâche de la marchandise. Ces démarches ne se faisaient pas sans discussion et accord préalable du département des finances de M______, si bien que E______ ne pouvait pas ignorer que N______ AG finançait une marchandise déjà vendue et libérée.
Par ailleurs, le Tribunal relève que ces faits sont également constitutifs d'abus de confiance. En effet, les prévenus sont parvenus à obtenir le financement de l'achat de marchandises déjà vendues, par le biais d'une tromperie astucieuse et sachant que ce financement était assorti d'un gage de la marchandise et d'une clause de cession de créances futures en faveur de N______ AG, considérée comme étant une valeur patrimoniale confiée comme décrit sous chiffre 4.4.1. ci-après, avant de les détourner au profit de M______. Dans ces circonstances, l'abus de confiance est absorbé par l'escroquerie.
Ainsi, les prévenus seront reconnus coupable d'escroquerie pour les faits visés sous chiffres 5.1 à 5.13 et 9.1 à 9.13 de l'acte d'accusation.
En lien avec K______
4.3.2. S'agissant de l'escroquerie en lien avec K______ reprochée aux prévenus dans l'acte d'accusation sous point 5.14 à 5.14 [recte : 5.16] et 9.14 à 9.16, le Tribunal parvient à la conclusion qu'il n'est pas établi que les chiffres présentés par M______ au 30 septembre 2003 et au 30 juin 2004 soient falsifiés comme le soutient le Ministère public ni que les prévenus aient falsifié les bilans en question, notamment par de fausses attestations de stock afin d'améliorer fictivement la situation financière de la société en augmentant frauduleusement les stocks.
En l'occurrence, il ressort des pièces produites par K______ (pièces 10'171ss et 10'181) et de sa plainte pénale, au chiffre 13 de la page 4 (pièce 10'003), que cette dernière a octroyé les facilités de crédit à M______ sur la base des comptes de la société au 30 septembre 2003 et 30 juin 2004, étant précisé que le compte bancaire de M______ a été ouvert auprès de cette banque le 6 janvier 2005, jour où le contrat de nantissement général et le contrat de mise en gage général de marchandise et de cession de créance ont également été conclus. Or, au regard des pièces figurant à la procédure et des conclusions de l'expertise rendues par FR_____, il n'est pas établi que les "balance sheets" au 30 septembre 2003 et 30 juin 2004 ne reflètent pas la réalité et aient été basés sur des faux documents. En effet, le Tribunal précise que les faux documents transmis à AE_____ SA, figurant sous chiffre 4.7 et 4.8 de l'acte d'accusation et retenus par le réviseur, datent de décembre 2004. Ceux-ci sont donc postérieurs aux comptes de M______ arrêtés au 30 septembre 2003 et 30 juin 2004. De plus, les attestations qualifiées de fausses par le Tribunal et mentionnées au point 4.9 de l'acte d'accusation renvoyant au points 4.2 à 4.6, sont datées des mois de juin 2004 à mars 2005. Seules quatre attestations falsifiées sont antérieures au 30 juin 2004 et datent d'au maximum 15 jours avant l'établissement des comptes, soit les attestations émanant de Y______ SA du 16 juin 2004, de AA_____ du 28 juin 2004 et les deux attestations émanant d'AB_____ du 16 juin 2004. Cependant, il n'est pas démontré ni retenu par l'expertise financière de FR_____ que ces seules attestations aient pu influencer les comptes au 30 juin 2004 ni dans quelle mesure, ce d'autant plus qu'elles n'ont nullement pu influencer les comptes au 30 septembre 2003. A ces éléments s'ajoutent le fait que l'expertise en question, qui a analysé les comptes de M______ depuis 2002, considère que la situation comptable de cette dernière, à cette période, ne présentait pas de problème.
Ainsi, au moment où K______ a conclu les contrats avec M______, et avant l'ouverture de son compte en janvier 2005, il n'est pas établi que K______ se soit fondée sur des documents falsifiés ou ne représentant pas la réalité de la situation économique de M______. Dans cette mesure, il n'est pas non plus établi que les prévenus aient eu l'intention de tromper K______ par ce biais, ce d'autant plus que la volonté d'initier des relations commerciales était le fait de K______ et non de M______, la banque ayant été la première à entrer en contact avec la précitée en raison de sa bonne réputation en matière de trading.
Il découle de ce qui précède que les prévenus n'ont pas induit astucieusement en erreur K______ par le biais de faux documents afin de l'amener à octroyer à M______ des crédits, aucune tromperie ni astuce ne pouvant être retenues en l'espèce.
Par ailleurs, le Tribunal relève qu'il n'a pas lieu de déterminer si le "balance sheet" au 30 septembre 2004 et les documents subséquents ont été falsifiés et permettaient de retenir une infraction d'escroquerie à l'égard des prévenus, puisque l'acte d'accusation ne vise pas cette période.
Les prévenus seront dès lors acquittés d'escroquerie en lien avec les faits visés sous chiffres 5.14 à 5.14 [recte : 5.16] et 9.14 à 9.16 de l'acte d'accusation.
Abus de confiance au préjudice de N______ AG, K______ et de la BV_____
4.4.1. En l'espèce, à la lecture des contrats produits par N______ AG, K______ et la BV_____ et dans le cadre de l'octroi des lignes de crédit, M______ s'est engagée à nantir au profit de ces établissements bancaires les marchandises financées par leur soin ainsi qu'à céder leurs créances futures en lien avec la vente de ces marchandises.
Contrairement à ce qui a été plaidé par la défense, tant les contrats de nantissement que de cession de créance étaient suffisamment déterminés, ou à tout le moins déterminables, quant à la personne du débiteur cédé, à leur fondement juridique et à leur contenu, compte tenu d'une part, de la teneur de ceux-ci et d'autre part, des circonstances entourant leur ratification. En effet, M______ était parfaitement au courant des conditions auxquelles les banques acceptaient d'accorder des lignes de crédit, vu que ces financements avaient pour but, dans le cadre d'une activité de négoce, l'achat d'une quantité précise de riz pour un montant déterminé.
De plus, sur la base des éléments matériels figurant à la procédure, entre autres des connaissements maritimes, des lettres crédit, des nombreux ordres de relâche et de décharge ("request for discharge", "request for release", "request for discharge and release") signés en grande partie par E______ et/ou AO_____ et/ou AR_____, le Tribunal a acquis la conviction que le financement concédé par les banques se faisait sur un rapport transactionnel.
En l'occurrence, le financement octroyé par la banque était directement en lien avec l'achat d'une quantité précise de marchandise, transportée par un navire spécifique, pour un prix déterminé. Cette marchandise était représentée par des connaissements maritimes, conférant au détenteur de ceux-ci le droit de prendre possession de la marchandise. La banque ayant procédé au financement de la marchandise se voyait remettre ces connaissements. Par la suite, la marchandise arrivée au port de destination était déchargée soit pour être directement remise à un acheteur qui avait payé la marchandise sur le compte bancaire de M______, ouvert auprès de la banque finançant l'opération, soit être entreposée dans des locaux pour le compte de la banque, étant précisé que, dans certains cas, un contrat de tierce détention, intitulé CMA, était conclu entre M______, la banque et la société entreposant la marchandise. Aucun déchargement ni aucune relâche ne pouvait se faire sans l'aval de la banque, ce qu'a du reste reconnu G______ dans un premier temps en déclarant : « Normalement, aucune relâche ne peut être faite par la banque sans avoir reçu confirmation du paiement. De même, aucune libération de marchandise ne doit être effectuée sans l'aval de la banque ». Il a certes dans un second temps soutenu que M______ pouvait disposer des revenus de la marchandise financée par les banques et de rembourser celle-ci en fonction du cash-flow. Pour sa part, E______ a d'abord déclaré que la décision de relâche de la marchandise était du ressort de la banque, que le financement par plusieurs banques de certains lots de riz ne posait pas de problème puisque la demande de relâche était adressée à la banque liée par les lots concernés et que si les ordres de relâche ou décharge n'étaient pas signés par un membre du département finances de M______, la marchandise n'était pas libérée. Elle a ensuite indiqué qu'il n'y avait pas toujours de lien entre la marchandise financée par la banque et le produit de la vente, la banque étant parfois remboursée en fonction du cash-flow de M______. Ces éléments sont également corroborés par les déclarations d'AQ_____ qui a expliqué que la marchandise était libérée une fois l'aval de la banque qui avait encaissé l'argent, d'AR_____ qui était catégorique quant au fait que les transactions étaient financées opération par opération, et d'AO_____ qui a indiqué à la police qu'il y avait toujours une banque concernée par l'opération.
Par ailleurs, le Tribunal relève que les ordres de décharge et de relâche ne peuvent pas être considérés comme de simples documents internes à M______ sans portée. En effet, ces ordres illustrent les décisions concrètement prises par le département de trading du riz et le département des finances de M______, puis exécutées par les divers intervenants auprès de la marchandise, notamment les entrepositaires, ce qui ressort notamment des autres éléments du dossier, comme la liste des débiteurs ou encore le témoignage d'AW_____ qui a entre autres déclaré que ces ordres étaient nécessaires pour décharger la marchandise des bateaux, respectivement pour l'entreposer dans des magasins portuaires.
Au regard de ce qui précède, les banques concernées par la présente procédure voulaient bel et bien individualiser chaque transaction et ainsi recevoir le produit de la vente de la marchandise, ce que savait parfaitement les prévenus. M______ s'était accommodée de cette façon de procéder, laquelle avait fonctionné durant plusieurs années sans problème. M______ ne pouvait dès lors pas disposer librement tant de la marchandise gagée que du produit de la vente de celle-ci cédée aux banques. Il appartenait à cette dernière d'encaisser, pour le compte de la banque et non le sien, le produit de la vente du riz.
Le fait qu'il y ait eu parfois des entorses à ce procédé prévu contractuellement, en raison des difficultés rencontrées dans les pays africains en matière de stockage et de paiement des transactions, ne permet pas de remettre en cause le caractère transactionnel des opérations, résultant de la volonté contractuelle des parties.
Ainsi, les cessions de créances futures conclues par M______ avec les banques concernées constituaient une valeur patrimoniale confiée.
4.4.2. Dans ce contexte contractuel, le Tribunal relève qu'il ressort des pièces de la procédure que les prévenus ont disposé, sans droit et à l'insu des banques ayant financé la marchandise, de plusieurs milliers de tonnes métriques de riz nantis en faveur des banques et du produit de la vente du riz, lequel était, en partie, versé sur un compte bancaire ouvert auprès de la AS_____ au nom de M______ qui ne rétrocédaient pas les montants dus aux banques en lien avec la cargaison financée, vidant ainsi de sa substance la garantie destinée à couvrir le prêt accordé. Les banques n'ont jamais obtenu la contrepartie du riz financé et nanti.
4.5. Plus particulièrement, les prévenus ont agi de la sorte dans le cadre des opérations suivantes :
Opérations financées par N______ AG
4.5.1. M/V O______
Il résulte des avis produits par N______ AG que cette dernière a décaissé le 9 février 2004 USD 1'912'262.- pour l'achat de 8'929 tm de riz et s'est vue remettre trois connaissements pour cette marchandise, laquelle faisait partie d'une cargaison contenant au total 33'500 tm, transportée sur le navire M/V O______, qui est arrivé à ______[GUINEE] le 10 février 2004.
Entre le 10 février 2004 et le 12 avril 2004, la totalité de la cargaison a été déchargée à ______[GUINEE] au profit de CK_____ SA qui avait reçu des factures pour l'achat de la marchandise les 9 février 2004 et 16 septembre 2004, à ______[SIERRA LEONE] en faveur de CM_____ et à ______[GAMBIE] pour CN_____.
Il ressort de la liste des débiteurs de M______ que CK_____ SA a payé USD 2'317'122.20 et restait débitrice d'USD 193'615.76. La facture adressée à CN_____, n°40'715, ne figurait pas dans la liste des débiteurs de M______, de sorte qu'il peut être considéré qu'elle a été réglée.
Alors que l'ensemble de la cargaison, comprenant la marchandise financée par N______ AG, avait été déchargée au profit d'acheteurs, M______ a transmis à la banque des attestations d'entreposage de Y______ SA des 16 juin 2004, 20 décembre 2004 et 4 mars 2005 certifiant que les 8'929 tm de riz étaient entreposés pour le compte de N______ AG, étant précisé que les deux premières attestations ont été considérées par le Tribunal comme étant des faux dans les titres (c.f. 3.2.3.1. supra). Le 20 décembre 2005, N______ AG recevait de M______ une attestation de Y______ SA du 17 décembre 2005 l'informant que la marchandise stockée était impropre à la consommation.
Dans le cadre de ses déclarations, G______ n'a pas contesté avoir vendu l'entier de cette cargaison et ne pas en avoir informé les banques. Il a également confirmé que le produit des ventes avait été utilisé au bénéfice de M______.
Ainsi, il est établi que les prévenus ont disposé, sans droit et à l'insu de N______ AG de 8'929 tm de riz nantis en faveur de cette dernière, et ont utilisé, sans droit et à l'insu de N______ AG, au profit de M______, le montant d'USD 1'912'262.-, issu du produit des ventes de la marchandise financée par la précitée à hauteur de 8'929 tm. Or, les prévenus savaient que la marchandise était gagée et que le produit des ventes était destiné au remboursement de la banque qui disposait pour ce faire d'une cession de créances futures.
4.5.2. M/V P______
A teneur des avis produits par N______ AG, cette dernière a financé au total USD 598'111.- les 11 juin 2004 et 2 août 2004 pour l'achat de 2'350 tm de riz, et s'est vue remettre un connaissement pour cette marchandise, laquelle faisait partie d'une cargaison transportée sur le navire M/V P______.
Entre le 6 et le 25 août 2004, 11'000 tm de riz ont été déchargées à ______[MADAGASCAR], dont 6'000 tm ont été relâchées au profit de CU_____. Entre le 30 septembre 2004 et le 15 octobre 2004, 22'000 tm de riz ont été déchargées à ______[CAMEROUN], dont 6'000 tm ont été relâchées en faveur d'CV_____ et 7'000 tm en faveur de CW_____. Enfin, entre le 2 et le 4 novembre 2004 4'000 tm de riz ont été déchargées au profit de CX_____.
Selon les notes de révisions au 30 septembre 2004 de M______, la facture n°40'794 du 3 août 2004 adressée par M______ à CU_____, le lendemain du décaissement opéré par N______ AG, pour le paiement d'USD 2'670'000.- figure dans la liste des débiteurs, étant précisé que CU_____ s'est à tout le moins déjà acquittée d'USD 540'000.-. CV_____ a quant à elle versé le 12 octobre 2004 USD 1'716'000.- à M______ auprès de la AS_____. CW_____ et CX_____ en ont fait de même les 6 et 7 octobre 2004 et 5 et 12 novembre 2004 à hauteur d'EUR 1'673'000.- et d'EUR 924'000.-.
Alors que l'ensemble de la cargaison, comprenant la marchandise financée par N______ AG, a été déchargée au profit d'acheteurs qui avait en grande partie déjà payé M______, cette dernière a transmis à la banque une attestation d'entreposage de CY_____ du 10 mars 2005 confirmant la détention de ce riz à ______[CAMEROUN]. Il est précisé qu'aux yeux du Tribunal, compte tenu de ce qui précède, cette attestation ne reflétait pas la réalité mais qu'à teneur de l'acte d'accusation, les prévenus n'ont pas été poursuivis pour faux dans les titres en lien avec ce document.
Ainsi, les prévenus ont disposé, sans droit et à l'insu de N______ AG de 2'350 tm de riz nantis en faveur de cette dernière, et ont utilisé, sans droit et à l'insu de N______ AG, au profit de M______, le montant d'USD 598'111.-, issu du produit des ventes de la marchandise financée par la précitée à hauteur de 2'350 tm. Or, les prévenus savaient que la marchandise était gagée et que le produit des ventes était destiné au remboursement de la banque qui disposait pour ce faire d'une cession de créances futures.
Opérations financées par la A______ et K______
4.5.3. M/V T______
Il résulte des pièces figurant à la procédure que K______ a financé au total USD 744'963.- et EUR 1'135'703.- les 21 et 25 avril 2005 et le 24 mai 2005 pour l'achat de 7'862 tm de riz, et s'est vue remettre neuf connaissements pour cette marchandise (remplaçant les 2 initialement transmis). Cette marchandise faisait partie d'une cargaison transportée sur le navire M/V T______, transportant également 4'000 tm de riz financés par la BV_____ pour USD 404'800.- et EUR 552'815.- les 12 avril 2005 et 19 mai 2005. La BV_____ avait quant à elle en sa possession quatre connaissements.
Le 3 juin 2005, 6'500 tm ont été déchargées à ______[CÔTE D'IVOIRE] en faveur BU_____, puis, entre le 10 juin 2005 et le 22 juillet 2005, 4'000 tm de rit ont été déchargées à ______[GUINEE] au profit d'CC_____ Sàrl, avec laquelle M______ avait conclu un contrat de vente le 9 juin 20015 portant sur 18'500 tm de riz au total. A cette même période 7'728 tm de riz ont été déchargées au profit de BU_____ pour le compte de M______, étant précisé qu'un contrat de tierce détention avait été conclu les 21 et 27 juin 2005, avenants au contrat inclus, entre BU_____, K______ et M______ portant sur l'entreposage d'au total 4'742 tm de riz, pouvant être libérés uniquement sur ordre de la banque. Entre le 19 juin 2005 et le 18 août 2005, 11'726 tm de riz ont été déchargées, dont 4'000 tm ont été livrées à CC_____ Sàrl et 1'008 tm ont été endommagées.
Suite à un accord intervenu avec CC_____ Sàrl, 4'742 tm détenus par BU_____ pour le compte de K______ et 1'082 tm détenus pour le compte de la BV_____ ont été vendues à un prix réduit à CC_____ Sàrl qui a payé au total USD 2'200'000.-, montant reversés aux banques concernées au pro rata de la quantité vendue. Ainsi, seuls 5'030 tm (11'864 tm - 5'824 tm -1'008 tm) de riz financés par K______ et la BV_____ restaient problématiques.
Selon l'analyse des comptes bancaires de M______ auprès de la AS_____, CC_____ Sàrl a versé à M______ entre le 13 mai 2005 et le 8 juin 2006 USD 1'998'984.13 au travers de EA_____ SA, montant qui n'a jamais été reversé aux banques concernées.
Par ailleurs, alors que la marchandise, comprenant la marchandise financée par les deux banques, a été déchargée au profit d'acheteurs ou entreposée auprès de BU_____, M______ a transmis à la BV_____ une attestation d'entreposage de Y______ SA du 5 octobre 2005 confirmant la détention de 2'246 tm de riz pour le compte de la BV_____, étant précisé que les deux premières attestations ont été considérées par le Tribunal comme étant des faux dans les titres (c.f. 3.2.3.1. supra).
Compte tenu de ce qui précède, les prévenus ont disposé, sans droit et à l'insu de K______ et de la BV_____ de 5'030 tm de riz nantis en faveur de ces dernières. Ils se sont également appropriés, au profit de M______, sans droit et à l'insu des deux banques, USD 294'620.- (USD 744'963.-/ 7'862 tm = USD 94.75 / tm, puis USD 94.75 x 3'120 tm = USD 294'620.-) et EUR 450'684.- (EUR 1'135'703.- / 7'862 tm = EUR 144.45/tm, puis EUR 144.45 x 3'120 tm = EUR 450'684.-), revenant à K______, et USD 295'301.60 (USD 404'800.-/ 4000 tm = USD 101.20/tm, puis USD 101.20 x 2'918 tm = USD 295'301.60) et EUR 403'267.60 (EUR 552'815.- / 4000 tm = EUR 138.20/tm, puis EUR 138.20 x 2'918 tm = EUR 403'267.60), revenant à la BV_____, tout en sachant que la marchandise financée par ces banques était gagée et que le produit des ventes était destiné au remboursement de ces dernières qui disposaient pour ce faire d'une cession de créances futures.
4.5.4. M/V U______
Il ressort de pièces de la procédure que le financement de la marchandise par K______ et transportée sur le navire M/V U______ n'a pas posé de problème, hormis concernant 2'000 tm, de riz pour lesquels K______ s'est vu remettre deux connaissements pour une valeur estimée à USD 643'635.- et EUR 8'586.- au pro rata de la marchandise financée (soit l'équivalent d'USD 654'287.56).
Par certificat d'entreposage du 15 juillet 2005, remplacé par un certificat du 10 août 2005, CY_____ (2M) confirmait la détention de 2'000 tm de riz qui ne seraient libérés que sur ordre de la banque. Or, les 14 et 15 décembre 2005, cet entrepositaire informait K______ du fait qu'elle avait remis la marchandise à l'acheteur et qu'elle avait reçu plusieurs ordres de relâche de la part de M______, pensant que la banque avait donné son accord. De plus, le Tribunal a acquis la conviction que l'attestation de CY_____ du 15 juillet 2005 à K______ ne reflétait pas la réalité, dans la mesure où le riz a été relâché entre le 30 juin 2005 et le 28 août 2005. Toutefois, à teneur de l'acte d'accusation, les prévenus n'ont pas été poursuivis pour faux dans les titres en lien avec ce document.
CY_____ et K______ ont trouvé un accord, à la suite duquel la première a versé à la seconde EUR 304'890.-.
G______ a confirmé que les 2'000 tm de riz avait été vendus et le produit de cette vente encaissé par M______.
Il résulte de ce qui précède que M______ a fait pression auprès de l'entrepositaire afin d'obtenir la libération de 2'000 tm de riz et de la vendre à l'insu de K______.
Ainsi, sur cette base, il est établi que les prévenus se sont appropriés, sans droit et à l'insu de K______ 2'000 tm de riz et qu'ils se sont appropriés USD 654'287.56, étant précisé qu'EUR 304'890.- devront venir en déduction du dommage, tout en sachant que la marchandise était gagée et que le produit de vente de celle-ci faisait l'objet d'une clause de cession de créances futures.
Concernant la marchandise financée par la BV_____, également transportée sur le navire M/V U______, seuls 8'083 tm de riz restaient litigieux sur les 10'000 tm financés pour un total d'USD 3'214'020.-.
Alors que CY_____ attestait le 28 septembre 2005 détenir 9'083 tm pour le compte de la BV_____, BU_____ a informé la banque le 26 janvier 2006 qu'après une visite dans les locaux de cet entrepositaire, aucun sac de riz en provenance du M/V U______ n'avait été trouvé. Ainsi, il en résulte que la marchandise avait été libérée et vendue à l'insu de la BV_____. A cet égard, G______ a confirmé la vente de cette marchandise et la réception du produit de la vente par M______.
Il en découle que les prévenus ont disposé, sans droit et à l'insu de la BV_____ de 8'083 tm de riz nantis en faveur de cette dernière, et ont utilisé, sans droit et à l'insu de la banque, au profit de M______, le montant d'USD 2'597'876.20 (USD 3'214'057 / 10'000 tm = USD 321.40/tm, puis USD 321.40 x 8'083tm = USD 2'597'876.20), issu du produit des ventes de la marchandise financée par la précitée à hauteur de 8'083 tm. Or, les prévenus savaient que la marchandise était gagée et que le produit des ventes était destiné au remboursement de la banque qui disposait pour ce faire d'une cession de créances futures.
4.5.5. M/V V______
A teneur des éléments matériels figurant au dossier, le financement de la marchandise par K______ et transportée sur le navire M/V V______ n'a pas posé de problème, hormis concernant 2'500 tm, pour lesquels K______ s'est vu remettre deux connaissements, FC______01 et FC______02, datés du 23 juillet 2005 pour une valeur estimée à USD 568'848.- et EUR 143'837.- au pro rata de la marchandise financée.
Le 23 juillet 2005, M______ a facturé à EG______ au total EUR 525'000.- pour 2'500 tm de marchandise en lien avec les connaissements FC______01 et FC______02 et financées par K______. Cependant, il est établi, selon les dires de E______, que K______ n'a pas reçu le remboursement des fonds en lien avec cette marchandise, dans le mesure où, in fine, M______ les a encaissés pour les attribuer à la BV_____. En effet, le Tribunal retient que les trois virements des 3, 6 et 8 février 2006 de la société EV_____ Inc. étaient en lien avec le navire M/V X______ et non M/V V______, tel que relevé par BF_____.
Ainsi, sur cette base, les prévenus se sont appropriés, sans droit et à l'insu de K______, 2'500 tm de riz qu'ils ont vendu et dont le produit de la vente est revenu à la BV_____, tout en sachant que la marchandise était gagée et que le produit de vente de celle-ci faisait l'objet d'une clause de cession de créances futures en faveur de K______.
Concernant la marchandise financée par la BV_____ pour au total USD 1'847'185.-, également transporté sur le navire M/V V______, seuls 2'001.800 tm de riz chinois sur les 5'001.800 tm restaient litigieux, faisant l'objet deux connaissements, FD______04 et FD______05, datés du 4 juillet 2005, en mains de la banque.
Contrairement à ce que soutenait le conseil de M______ le 2 décembre 2005, la BV_____ n'avait reçu que le paiement pour 3'000 tm de riz, celui pour les 2'001.800 tm de riz était manquant, ce qui est confirmé par les déclarations de E______ selon lesquelles l'argent encaissé par M______ n'avait pas servi à rembourser la BV_____ en raison de problème de trésorerie de la société.
Il en découle que les prévenus ont disposé, sans droit et à l'insu de la BV_____ de 2'001.800 tm de riz nantis en faveur de cette dernière, et ont utilisé, sans droit et à l'insu de la banque, au profit de M______, le montant d'USD 739'524.97 (USD 1'847'185.- / 5'000 tm = USD 369.43/tm, puis USD 369.43 x 2'001.800 tm = USD 739'524.97), issu du produit des ventes de la marchandise financée par la précitée à hauteur de 2'001.800 tm. Or, les prévenus savaient que la marchandise était gagée et que le produit des ventes était destiné au remboursement de la banque qui disposait pour ce faire d'une cession de créances futures.
Opération financée par K______
4.5.6. M/V W______
Il résulte des avis produits par K______ que cette dernière a financé au total USD 4'746'817.15.- et EUR 63'380.- (soit USD 82'368.60 au 26 avril 2005) les 25 et 26 avril 2005, 2 juin 2005 et 19 septembre 2005 pour l'achat de 15'000 tm de riz, et s'est vue remettre quatre connaissements pour cette marchandise, laquelle faisait partie d'une cargaison transportée sur le navire M/V W______, déchargée à ______[CÔTE D'IVOIRE] entre le 17 juin 2005 et le 6 juillet 2005. Seuls 4'000 tm de riz entreposés auprès de FK_____ en faveur de la banque restaient litigieux. En effet, le Tribunal rappelle que le reste de la marchandise avait été entreposée sous CMA auprès de BU_____ également en faveur de la banque et que suite à une procédure judiciaire menée à ______[CÔTE D'IVOIRE], K______ avait accepté de libérer le solde de cette marchandise contre le paiement d'USD 566'659.70.
Le 2 mars 2005, M______ a adressé une facture à CE_____ d'USD 6'720'000.- portant sur 20'000 tm de riz suite au contrat de vente conclu avec cette dernière à la même date. Sur ce montant, CE_____ s'est acquittée en faveur de M______ d'USD 2'414'643.- et d'EUR 2'875'488.- (soit environ USD 3'407'137 au 29 décembre 2005), ce qui ressort entre autres de la liste de paiements établie par M______ relative au M/V W______. USD 2'168'796 ont été versés sur le compte de M______ auprès de la AS_____ entre le 17 mars 2005 et le 18 juillet 2005.
Nonobstant, les explications fournies par les prévenus, selon lesquelles CE_____ et M______ entretenait une relation commerciale de type compte-courant, le Tribunal a acquis la conviction que les versements susmentionnés, opérés par CE_____ à M______, étaient en lien avec le contrat de vente conclu entre ces derniers et le financement initial de la marchandise effectué par K______. Or, il est établi que K______ n'a jamais reçu le remboursement équivalent à 4'000 tm de riz qu'elle a financés, alors qu'à teneur du décompte établi par FK_____ et des déclarations de E______, cette marchandise avait été libérée en faveur de CE_____.
Il en découle que M______, sans l'accord de K______, a soit libéré les 4'000 tm de riz en faveur de CE_____, sans avoir obtenu le paiement total de la marchandise, privant de la sorte K______ de son gage sur la marchandise, soit M______ a libéré cette dernière après avoir été entièrement payée, conservant pour elle le produit total de la vente au détriment de la banque.
Ainsi, les prévenus ont disposé, sans droit et à l'insu de K______ de 4'000 tm de riz nantis en faveur de cette dernière et/ou se sont appropriés de la sorte de la contre-valeur de cette marchandise, soit USD 1'287'782.86 (USD 4'829'185.75 / 15'000 tm = 321.94/tm, puis 321.94 x 4'000 tm = USD 1'287'782.86) tout en sachant que celle-ci était gagée et que le produit des ventes était destiné au remboursement de la banque qui disposait d'une cession de créances futures.
4.6. Compte tenu de ce qui précède, les prévenus ont agi en coactivité, chacun occupant un rôle bien précis, à savoir que G______ s'occupait, avec son département des finances, de gérer les paiements opérés par les acheteurs finaux du riz, et leur destination, pendant que E______ se chargeait ou chargeait un employé de M______ d'ordonner la libération de la marchandise en faveur des acheteurs finaux et des contacts avec les entrepositaires. Cette dernière devait se rendre compte que la marchandise était vendue et relâchée sans l'accord des banques, dans la mesure où les prétendues attestations d'entreposage remises aux banques étaient ultérieures à la relâche de la marchandise et que c'était elle-même qui signait en grande partie les ordres de relâche après avoir eu un retour du département des finances.
En conséquence, les prévenus se sont rendus coupable d'abus de confiance, en ayant agi avec conscience et volonté, afin de procurer à M______ un enrichissement illégitime, à savoir les montants revenant aux banques suite aux cessions de créances futures conclues avec ces dernières. Il n'est du reste pas établi à teneur des éléments figurant à la procédure que les prévenus ont eu la possibilité et la volonté de verser aux banques concernées l'équivalent des montants utilisés sans droit.
Les prévenus seront dès lors reconnus coupables d'abus de confiance en lien avec les opérations concernant les navires M/V O______, M/V P______, M/V T______, M/V U______, M/V V______, M/V W______.
4.7. M/V X______
Concernant l'opération en lien avec ce navire et financée par la BV_____ et K______, la situation est différente. Il ressort des éléments figurant à la procédure, en particulier des déclarations de E______, de BW_____ et de BF_____, que sur les 23'500 tm de riz financés par K______ pour 13'500 tm et par la BV_____ pour 10'000 tm, seuls 12'500 tm de riz sont encore litigieux, soit 7'500 tm de riz en lien avec le financement opéré par K______ et 5'000 tm de riz en lien avec celui effectué par la BV_____. En effet, 5'000 tm de riz avait été déchargées et vendues à ______[CÔTE D'IVOIRE] dont le produit de la vente avait été versé à la BV_____. Il en était allé de même pour 1'000 tm dont le produit de la vente avait été versé à K______.
Dans ce cadre, il n'est pas établi que M______ s'est volontairement dessaisie du solde de la marchandise se trouvant sur le navire M/V X______, soit au total 12'500 tm de riz, au profit de GC______ qui réclamait à M______ le remboursement d'USD 3'200'000.-, ni que M______ se soit appropriée la contrevaleur cédée de la marchandise financée par les banques. En effet, M______ destinait cette marchandise en grande partie à FF_____ Ltd et à DF_____, sociétés avec lesquelles elle avait conclu des contrats de vente, ce dont était au courant K______ et la BV_____. De plus, des crédits documentaires avaient été émis mais manifestement pas encaissés en raison d'une décision de saisie de la marchandise obtenue judiciairement par GC______ selon l'ordonnance du 22 décembre 2005 du Tribunal de première instance de ______[TOGO]. En outre, M______ a tenté, avec le concours des banques concernées, de récupérer le solde de la marchandise financée par K______ et par la BV_____ par le biais de procédures judiciaires, lesquelles ont abouti, par ordonnance du 24 mai 2006 de la Cour suprême de ______[TOGO], à ce que GC______ soit autorisée à vendre la marchandise saisie. Aucun élément matériel ne permet également de retenir que les prévenus souhaitaient utiliser cette marchandise à titre de compensation avec la dette de M______ envers GC______.
En conséquence, l'abus de confiance relatif aux faits en lien avec le navire M/V X______ ne sera pas retenu à l'encontre des prévenus, le doute devant leur profiter.
Gestion fautive
5. 5.1.1. Selon l'art. 165 ch. 1 CP, le débiteur qui, de manières autres que celles visées à l'art. 164 CP, par des fautes de gestion, notamment par une dotation insuffisante en capital, par des dépenses exagérées, par des spéculations hasardeuses, par l'octroi ou l'utilisation à la légère de crédits, par le bradage de valeurs patrimoniales ou par une négligence coupable dans l'exercice de sa profession ou dans l'administration de ses biens, aura causé ou aggravé son surendettement, aura causé sa propre insolvabilité ou aggravé sa situation alors qu'il se savait insolvable, sera, s'il a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui, puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
5.1.2. La faute de gestion peut consister en une action ou une omission, qui soit en rapport de causalité naturelle et adéquate avec le surendettement ou son aggravation (CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 3ème éd., n°15 et 38 ad art. 165 CP). Dans la gestion d'une société anonyme par exemple, on doit examiner si le prévenu a violé un devoir prévu par le Code des obligations compte tenu du rôle dévolu à chaque organe (ATF 116 IV 26 consid. 4b).
La notion de surendettement, qui s'applique au débiteur soumis à la poursuite par la voie de la faillite, découle de l'art. 725 al. 2 CO et signifie que, sur le plan comptable, les dettes ne sont plus couvertes, ni sur la base d'un bilan d'exploitation, ni sur la base d'un bilan de liquidation, autrement dit que les passifs excèdent les actifs. L'existence d'une situation d'insolvabilité ou d'un surendettement est une conditions objective de punissabilité de l'infraction de gestion fautive (arrêts du Tribunal fédéral 6B_829/2019 du 21 octobre 2019 consid. 2.3; 6B_231/2021 du 16 août 2022 consid. 3.1).
Pour dire si l'acte a causé ou aggravé la situation, la jurisprudence se réfère à la notion de causalité adéquate. Il n'est pas nécessaire que les actes reprochés à l'auteur soient seuls à l'origine du surendettement, ni qu'ils en soient la cause directe. Peu importe quel est l'acte qui, en définitive, a provoqué le passage à l'état d'insolvabilité (ATF 123 IV 195). Il suffit que l'acte de gestion fautive ait joué un rôle causal en contribuant à l'apparition du surendettement ou à son aggravation et qu'il ait été propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner un tel résultat (ATF 115 IV 38 consid. 2 p. 41; 6B_231/2021 consid. 3.1). Un seul acte de gestion fautive suffit pour réaliser l'infraction (DONATSCH, Strafrecht III, Delikte gegen den Einzelnen, 9e éd., Zurich 2008, p. 338). S'il est reproché à l'accusé plusieurs fautes de gestion en relation avec la même faillite ou le même acte de défaut de biens, il faut considérer qu'il s'agit d'une seule infraction à l'art. 165 ch. 1 CP (ATF 123 IV 195; ATF 109 IV 116 consid. c). La pluralité des actes peut être prise en considération dans le cadre de la fixation de la peine (B. CORBOZ, op. cit., n. 30 ad art. 165 CP). En revanche, il n'est pas nécessaire de prouver un rapport de causalité entre le comportement fautif d'une part et la faillite ou la délivrance de l'acte de défaut de biens d'autre part (ATF 102 IV 23 consid. 4).
Une faute de gestion n'est pas punissable si, en réalité, elle n'a pas eu de conséquences négatives ou si ces conséquences étaient tellement imprévisibles qu'elles sortent du cadre de la causalité adéquate. Il est possible que la causalité ne puisse pas être établie si la faute de gestion est très antérieure au surendettement. En revanche, l'auteur ne peut pas échapper à la répression en faisant valoir qu'il y avait déjà surendettement, puisqu'il suffit que la situation patrimoniale se soit aggravée (B. CORBOZ, op. cit., n°41 ad art. 165 CP).
5.1.3. L'infraction de gestion fautive est intentionnelle, le dol éventuel était suffisant (6B_829/2019 consid. 2.3).
5.2.1. A titre liminaire, le Tribunal rappelle qu'à teneur de l'expertise financière établie par FR_____ et des éléments matériels figurant au dossier, la situation comptable de M______ au 30 septembre 2004 telle que présentée à AE_____ SA ne reflétait pas la réalité financière de la société. En falsifiant, en faisant falsifier ou en acceptant la falsification des attestations émanant de AC_____ SA du 9 décembre 2004, d'AD_____ SA du 8 décembre 2004 et de Y______ SA du 21 décembre 2004, ainsi que le bilan de M______ au 30 septembre 2004, tel que retenu sous chiffre 3.2.3.2. supra, les prévenus ont faussement amélioré les finances de la société en augmentant fictivement ses stocks. De plus, l'expertise financière a relevé l'existence d'autres indices permettant de douter de la fiabilité des comptes de M______ au 30 septembre 2004, tels que la production de deux factures de vente du 9 février 2004, avec des numéros identiques, portant sur des quantités de marchandises différentes, lesquelles n'avaient pas été enregistrées dans la comptabilité de l'exercice 2004 et 2005 et qui laissait entendre que ces deux factures avaient été émises afin notamment de sortir frauduleusement la marchandise du lieu de stockage et de pouvoir la vendre à des tiers, sans que cette vente ne soit enregistrée dans la comptabilité. A ces éléments s'ajoutent également le fait qu'AE_____ SA a, dans ses recommandations, toujours attiré l'attention de M______ sur la problématique liée à l'évaluation des inventaires et aux quantités y relatives ainsi qu'au système comptable.
S'agissant de l'hypothèse de la falsification des postes « stocks naviguant » et des « stocks entreposés » traitée par l'expertise financière en page 12 de son rapport, le Tribunal constate que l'expertise part du postulat que tous les stocks sont falsifiés et donc inexistants. Cette hypothèse n'est pas retenue par le Tribunal, dans la mesure où l'existence d'autres faux pertinents, exceptés notamment ceux visés dans l'acte d'accusation et les factures visées dans l'expertise, n'est pas établie par la procédure. Il en va de même des hypothèses évoquées par l'expert en pages 13 à 15 de son rapport relatives aux stocks flottants et en dépôt à terre au 30 septembre 2004.
Concernant les stocks en lien avec les navires M/V FV_____ et M/V DS______, ces éléments ne seront pas pris en considération, dès lors qu'ils ne sont pas visés par l'acte d'accusation ni instruit par la procédure. Plus particulièrement en ce qui concerne les stocks en lien avec le navire M/V P______, le Tribunal rappelle, tel que retenu sous chiffre 4.5.2. supra, que l'attestation du 10 mars 2005 établie par CY_____ (transmise à N______ AG le 18 mars 2005 portant sur la détention de 2'350 tm de riz à ______[CAMEROUN]) ne reflétait pas la réalité.
Nonobstant cette fausse comptabilité, M______ n'était pas en situation de surendettement au 30 septembre 2004, y compris en tenant compte des ajustements effectués en raison des attestations AC_____ du 9 décembre 2004, AD_____ SA du 8 décembre 2004 et Y______ SA du 21 décembre 2004, considérées comme des faux par Tribunal. En effet, celles-ci ont eu pour conséquence d'accroître le résultat et les fonds propres de M______ d'USD 5'453'968.- au 30 septembre 2004. Toutefois, une réduction de ce montant sur le résultat de la société n'a pas conduit au surendettement de M______. Même en prenant en considération les ajustements liés à la falsification des attestations de quantité, à la valorisation de trois stocks flottants et aux USD 1'500'000.- sur la créance FB______, totalisant USD 8'440'333.-, la société qui aurait réalisé une perte d'USD 6'227'775.- et qui aurait eu des fonds propres d'USD 6'129'950.-, n'était pas en situation de surendettement. En revanche, elle aurait dû très certainement attiré l'attention des banques et des administrateurs de M______. Toutefois, AE_____ SA a averti les dirigeants de M______, dans ses recommandations, du fait que l'organisation interne de la société et son système comptable n'étaient pas adéquats pour servir le volume d'affaire et la complexité des opérations traitées, dans la mesure où M______ avait connu un essor rapide et une diversification de ses activités, ce qui dénotait le décalage du système financier de cette dernière avec sa situation économique.
En définitive, la santé financière de M______ au 30 septembre 2004 n'était pas alarmante, même si elle présentait une certaine fragilité. A teneur des déclarations des prévenus ainsi que de divers témoins, dont AY_____, la santé financière de M______ s'est significativement dégradée au printemps 2005 et son surendettement est intervenus au plus tard au 30 septembre 2005 sur la base des comptes annuels non audités. En effet, les capitaux propres de la société présentaient un solde négatif d'USD 7'916'016.- contre un solde positif d'USD 14'570'283.- le 30 septembre 2004 et d'USD 2'463'106.- le 30 septembre 2005.
5.2.2. Dans un tel contexte, G______, qui est le principal acteur de la gestion financière de M______, a contribué à l'aggravation de la situation financière de la société ayant conduit à son surendettement. En effet, tout en étant conscient du fait que les finances de la société se dégradaient, il n'a pas hésité à continuer les opérations de négoce de riz entre mars et août 2005 en lien entre autres avec les navires M/V T______, M/V U______, M/V V______, M/V X______, M/V W______, opérations financées par les établissements bancaires qui croyaient, notamment sur la base de fausses attestations d'entreposage, que leur financement était garanti par la marchandise. Or, ce n'était pas le cas, puisque M______ avait disposé, en partie, sans droit, de la marchandise. Durant cette période, il a également recouru à l'emprunt, notamment auprès du K______ en mars 2005 à hauteur d'USD 15'000'000.-, augmentant ainsi considérablement le risque financier de M______, ce qui ressort des bilans de la société mettant en évidence le fait qu'entre le 30 septembre 2004 et le 30 septembre 2005, les découverts bancaires sont passés d'USD 29'624'062.- à USD 44'097'671.-. Même si G______ a pris la décision, en novembre 2005, d'arrêter les opérations de négoce de riz et de réaliser seulement les opérations en cours, il a, selon ses propres dires, négocié une ligne de crédit, à cette même période, auprès de la BP_____ et a demandé aux établissements bancaires, l'obtention d'un « capital tampon » pour M______, par prudence et parce qu'il était préoccupé, estimant toutefois que les « affaires allaient bien ».
Enfin, contrairement à ses obligations légales, G______ n'a pas conservé les pièces de la comptabilité ayant trait aux opérations de négoce de riz transporté par bateau, ce qui a eu pour corolaire de donner une fausse image de la santé financière de M______ et de contribuer au surendettement de la société, dans la mesure où si ces documents avaient été produits AE_____ SA ou d'autres intervenants auraient été en mesure d'alerter les dirigeants de M______ de la dégradation significative de la santé financière de la société.
Ainsi, le prévenu sera reconnu coupable de gestion fautive au sens de l'art. 165 ch. 1 CP.
5.2.3. En revanche, ces reproches ne peuvent pas être retenus à l'encontre de E______, dans la mesure où il demeure un doute insurmontable quant au fait qu'elle ait pu réaliser les conséquences des agissements de G______ et des fausses attestations sur la santé financière de M______, ayant conduit au surendettement de la société. En effet, nonobstant sa fonction de directrice de M______, il ressort de la procédure, entre autres des nombreux témoignages, tels que celui de BF_____, BC_____, BD_____, que la gestion comptable de la société et le contact avec les banques en lien avec la négociation de l'ouverture de lignes de crédit étaient de la compétence exclusive de G______. Dans les faits et aux yeux tant des employés de M______ et que des tiers, ce dernier était « le grand patron » de la société, E______ n'étant que son bras droit en charge du trading du riz. La précitée n'a jamais été en charge des finances de la société. Il n'est pas démontré par la procédure que E______ avait concrètement la possibilité de s'impliquer dans la comptabilité de M______ et d'être alarmée par la dégradation significative de la situation financière de la société, vu la main mise opérée par G______ sur ce volet. Aux yeux du Tribunal, le fait que les recommandations émises par AE_____ SA ont été transmises à E______ n'est pas suffisant pour retenir son implication pénale, étant précisé que ces recommandations ne faisaient pas état de la situation alarmante de M______. De plus, le Tribunal relève que les explications fournies par E______ à l'audience de jugement en lien avec son rôle de directrice sont plausibles. Plus particulièrement, elle a indiqué que sa nomination en tant que directrice de la société avait été nécessaire au début de son existence, vu que la société n'était composée que d'elle-même, de G______ et d'une secrétaire, et que la situation avait perduré par la suite pour des raisons formelles. En effet, G______ n'étant pas domicilié en Suisse, il fallait une personne résidente dans ce pays qui soit inscrite au registre du commerce. Si au moment de la création de M______, E______ avait plus facilement l'opportunité d'avoir un regard sur la comptabilité de la société et d'exercer effectivement sa fonction de directrice, tel n'était plus le cas au moment des faits dont est saisi le Tribunal, puisque M______ s'était entre temps grandement développée et était divisée en départements, et que E______ s'est retrouvée en charge du département du trading du riz, écartée des autres aspects de la société par G______.
Ainsi, E______ sera acquittée du chef de gestion fautive, le doute profitant à la prévenue.
5.2.4. S'agissant des autres éléments retenus dans l'acte d'accusation sous l'angle de la gestion fautive, le Tribunal retient qu'il n'est pas établi, à teneur des éléments figurant au dossier, que la diversification des activités économiques de M______, notamment en matière d'affrètement maritime ou de négoce de ciment, et que les opérations spéculatives menées par la société sur le marché du fret, aient contribué au surendettement de cette dernière, l'instruction de la procédure n'ayant pas particulièrement porté sur ces éléments. De plus, l'activité déployée par M______, laquelle comportait, par définition, des opérations spéculatives en particulier celles opérées en Afrique, à savoir le trading de matière premières et agro-alimentaire, s'était diversifiée en 2004, alors que la société ne présentait pas encore de difficultés économiques. Il n'est en outre pas possible de déterminer, sur la base des éléments du dossier, si la société n'avait pas de réelles expériences en la matière, ce d'autant plus que M______ disposait déjà d'une solide réputation en matière de trading, ce qui ressortait des divers témoignages figurant à la procédure, notamment ceux de BF_____ et AY_____.
Il n'est également pas établi que l'augmentation de la masse salariale ne se justifiait pas et aurait conduit M______ à une situation de surendettement. Au contraire, l'augmentation du nombre d'employés pouvait s'expliquer par l'accroissement de M______ et la diversification de ses activités. Il ressort des éléments figurant à la procédure, en particulier des déclarations concordantes d'AO_____ et des prévenus, qu'au moment des faits M______ disposait d'une structure, divisée en départements, un département des finances ayant été créé vraisemblablement en 2002 pour s'occuper des relations avec les banques. Parallèlement, M______ avait aussi un département trading du riz et trading des autres matières. En effet, M______ était dans une dynamique d'accroissement, ce qui a nécessité une augmentation de personnel.
Concernant l'augmentation en 2004 des coûts financiers et des charges par rapport à l'année précédente, incluant la rénovation des locaux à Genève, il ne peut pas être déterminé à teneur des éléments figurant à la procédure, notamment de l'expertise financière établie par FR_____, que l'augmentation de ces postes ait joué un rôle causal dans l'apparition du surendettement de M______, même si AE_____ SA avait attiré l'attention de la société sur le fait que, pendant l'année se terminant au 30 septembre 2004, les frais du siège social avaient considérablement augmenté.
Il ne peut dès lors être retenu que les prévenus aient mal géré et de manière fautive la croissance de M______.
Enfin, il ne sera également pas retenu un comportement de gestion fautive en lien avec le fait que les prévenus ont astucieusement induit en erreur N______ AG en laissant constituer des nantissements sur des marchandises qui n'étaient déjà plus disponibles au moment de l'octroi du crédit, malgré la situation financière obérée de M______, dans la mesure où le nantissement des marchandises indisponibles n'est pas en lien causal avec le surendettement de M______ ou son aggravation mais en lien avec le préjudice subi par la banque qui n'avait plus de garantie au moment de l'octroi du crédit.
Peine
6. 6.1. Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la lex mitior). Il en découle que l'on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur.
Pour déterminer quel est le droit le plus favorable, il y a lieu d'examiner l'ancien et le nouveau droit dans leur ensemble et de comparer les résultats auxquels ils conduisent dans le cas concret (ATF 134 IV 82 consid. 6.2.1). De même, l'article 389 CP, concrétisant le principe de la non-rétroactivité et l'exception de la lex mitior, précise que les dispositions du nouveau droit concernant la prescription de l'action pénale et des peines sont applicables également aux auteurs d'actes commis ou jugés avant l'entrée en vigueur du nouveau droit si elles lui sont plus favorables que celles de l'ancien droit.
6.2. En l'espèce, les infractions commises par les prévenus se sont déroulées avant l'entrée en vigueur du nouveau droit des sanctions le 1er janvier 2018. Le Tribunal fera application du nouveau droit, dans la mesure où celui-ci est plus favorable aux prévenus. En effet, selon l'ancien droit au moment des faits, les articles 138 ch. 1, 146 al. 1, 165 ch. 1 et 251 ch. 1 aCP prévoyaient uniquement la réclusion et/ou l'emprisonnement mais pas de peine pécuniaire, type de peine entrée en vigueur le 1er janvier 2007 et prévoyant un plafond de 360 jours-amende en lieu et place des 180 jours-amende actuellement en vigueur. Il va de même du sursis, dont les conditions d'octroi se sont assouplies notamment depuis le 1er janvier 2007.
7. 7.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1.; 136 IV 55 consid. 5; 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1249/2014 du 7 septembre 2015 consid. 1.2).
7.1.2. Si en raison d'un ou plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines du même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois pas excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).
Lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement - d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner - la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 317 consid. 1.1.2 p. 317; cf. ATF 127 IV 101 consid. 2b p. 104; arrêt 6B_688/2014 du 22 décembre 2017 consid. 27.2.1; arrêt 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 2.1).
7.1.3. Aux termes de l'art. 40 CP, la durée minimale de la peine privative de liberté est de trois jours; elle peut être plus courte si la peine privative de liberté est prononcée par conversion d'une peine pécuniaire (art. 36) ou d'une amende (art. 106) non payées (al. 1). La durée de la peine privative de liberté est de 20 ans au plus. Lorsque la loi le prévoit expressément, la peine privative de liberté est prononcée à vie (al. 2).
7.1.4 Selon l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus. Il peut exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, être réduit jusqu'à 10 francs. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
7.1.5. A teneur de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Pour l'octroi du sursis, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2).
Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur au sens de l'art. 42 CP, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s. ; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.1 p. 5). Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'émission du pronostic (arrêt du Tribunal fédéral 6B_978/2017, consid. 3.2).
7.1.6. Le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (art. 43 al. 1 CP). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (art. 43 al. 2 CP). Tant la partie suspendue que la partie à exécuter doivent être de six mois au moins (art. 43 al. 3 CP).
Les conditions subjectives permettant l'octroi du sursis (art. 42 CP), à savoir les perspectives d'amendement, valent également pour le sursis partiel prévu à l'art. 43 CP dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. En revanche, un pronostic défavorable exclut également le sursis partiel. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 53).
7.1.7. Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).
7.1.8. A teneur de l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle.
La disposition en cause ne fixe pas de délai. Selon la jurisprudence, l'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés. Le juge peut toutefois réduire ce délai pour tenir compte de la nature et de la gravité de l'infraction (ATF 140 IV 145 consid. 3.1; 132 IV 1 consid. 6.1 et 6.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_29/2021 du 30 septembre 2021 consid. 1.2).
7.1.9. Les art. 5 CPP et 29 al. 1 Cst. garantissent notamment à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Le caractère raisonnable s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4). On ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, inévitables dans une procédure. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3; 130 I 312 consid. 5.2). Enfin, il appartient au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 130 I 312 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_870/2016 du 21 août 2017 consid. 4.1).
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la constatation de la violation du principe de célérité doit être dûment prise en considération (arrêts du Tribunal fédéral 6B_790/2017 du 18 décembre 2017 consid. 2.3.2; 6B_195/2017 du 9 novembre 2017 consid. 3.7). S'agissant des conséquences d'une telle violation, celle-ci conduit, le plus souvent, à une réduction de peine, parfois à l'exemption de toute peine et en ultima ratio, dans les cas extrêmes, au classement de la procédure (ATF 143 IV 373 consid. 1.4.1; 135 IV 12 consid 3.6; arrêt du Tribunal fédéral 6B_189/2017 du 7 décembre 2017 consid. 5.3.1).
Le Tribunal fédéral a retenu une violation du principe de célérité dans un cas où l'instruction avait connu une période d'inactivité de 13 ou 14 mois, quand bien même celle-ci avait été contrebalancée par une activité procédurale intense (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1450/2020 du 5 septembre 2022), une attente de 8 mois entre la mise en accusation et l'ouverture des débats (arrêt du Tribunal fédéral 1B_188/2012 du 19 avril 2012 consid. 4.2) et un délai de 10 ou 11 mois pour transmettre le dossier à l'autorité de recours (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3).
Lorsque les conditions de l'art. 48 let. e CP et d'une violation du principe de célérité sont réalisées, il convient de prendre en considération les deux facteurs de réduction de peine de manière cumulative (6B_189/2017 du 7 décembre 2017, consid. 5.3.1 et les références citées).
7.2.1. La faute de G______ est lourde. Il a trompé la confiance que les banques avaient octroyée à M______ et s'en est pris à leur patrimoine ainsi qu'à celui des créanciers de la société en contribuant à la faillite de cette dernière. Il n'a pour ce faire pas hésité à produire de fausses attestations. Il a occupé un rôle de n°1, majeur, au sein de M______ en étant informé de tout ce qui se passait dans la société qu'il gérait et en prenant toutes les décisions.
Ses agissements ont été nombreux, se sont poursuivis sur plusieurs années et ont occasionné un préjudice financier très important, ce qui dénote une activité délictuelle intense.
Son mobile est égoïste. Il a agi par appât du gain et dans une volonté, malgré une situation économique difficile et incertaine, de continuer et de développer une activité de trading de matières premières qui s'était bien portée durant plusieurs années, et ce sans aucune considération pour les établissements bancaires qui lui faisait confiance.
La situation personnelle du prévenu était bonne au moment des faits. En effet, il disposait d'une grande réputation dans l'univers du trading de matières premières, si bien qu'il aurait pu et dû agir autrement.
Sa collaboration a été mauvaise. Le prévenu n'a nullement pris conscience de la gravité de ses agissements, ne faisant preuve d'aucune remise en question, allant jusqu'à se considérer comme étant aussi une victime de ses déboires commerciaux en partie causés par les banques elles-mêmes ainsi que par l'effondrement du marché du fret. Il n'a également pas cherché à réparer ou à diminuer le préjudice conséquent qu'il avait occasionné.
Il y a concours d'infractions.
Le prévenu n'a pas d'antécédent judiciaire, facteur neutre dans le cadre de la fixation de la peine.
Le Tribunal tiendra compte, dans le cadre de la fixation de la peine, de l'écoulement important du temps depuis les faits qui sont très anciens. En revanche, il ne retiendra pas une violation du principe de célérité, dans la mesure où si la durée de la procédure a certes été très longue, celle-ci reste exceptionnelle compte tenu des circonstances particulières de la procédure. En effet, cette durée s'explique par la complexité et la multitude des faits, par les nombreux actes d'instruction indispensables ordonnés, ainsi que par les recours et l'appel formés par les parties, ayant notamment entraîné, suite à l'arrêt du Tribunal fédéral, un renvoi de la procédure devant le Ministère public pour complément. Nonobstant cette situation particulière, la procédure n'a pas connu de temps morts excessifs pouvant être reprochés aux autorités. Ainsi, le délai entre le début de la procédure et le présent jugement est justifié par les circonstances.
Compte tenu de ce qui précède et des unités pénales que le Tribunal entend fixer, le prévenu sera condamné à une peine privative de liberté, assortie du sursis, dont les conditions sont réalisées, vu son absence d'antécédent et de pronostic défavorable.
Ainsi, le prévenu sera condamné à une peine privative de liberté de 20 mois, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 4 ans.
7.2.2. La faute de E______ est conséquente mais de moindre gravité que celle de G______, dans la mesure où elle occupait une position moins importante au sein de la société que le précité et qu'elle n'était pas impliquée dans la gestion financière de M______. En effet, son rôle durant la période pénale se limitait à celui de responsable du département du trading du riz. Il n'en demeure pas moins que, par ses agissements dans le cadre de son activité de trader, elle a trompé les banques qui faisaient confiance à M______, s'en prenant de la sorte à leur patrimoine et n'hésitant pas à produire de fausses attestations.
Ses actes ont été nombreux, se sont poursuivis sur plusieurs années et ont occasionné un préjudice financier important, ce qui dénote une activité délictuelle intense.
Son mobile est égoïste. Elle a agi par appât du gain, ne faisant pas grand cas des conséquences de ses actes pour les établissements bancaires.
La situation personnelle de la prévenue était bonne au moment des faits, disposant d'une bonne réputation et d'une solide expérience en matière de trading, de sorte qu'elle aurait pu et dû agir autrement.
Sa collaboration lors de la procédure, à l'instar de sa prise de conscience, a été bonne, même si elle ne reconnaît pas les faits reprochés. En effet, en cours de procédure, elle a remis notamment un certain nombre de documents concernant M______ et a étroitement collaboré avec l'Office des faillites, ce qui avait permis la récupération de sommes importantes.
Il y a concours d'infractions.
La prévenue n'a pas d'antécédent judiciaire, facteur neutre dans le cadre de la fixation de la peine.
Le Tribunal tiendra compte, dans le cadre de la fixation de la peine, de l'écoulement important du temps depuis les faits qui sont anciens. En revanche, tel que développé sous chiffre 7.2.1. supra, il ne retiendra pas une violation du principe de célérité.
Compte tenu de ce qui précède et des unités pénales que le Tribunal entend fixer, la prévenue sera condamnée à une peine pécuniaire, assortie du sursis, dont les conditions sont réalisées, vu son absence d'antécédent et de pronostic défavorable.
Ainsi, la prévenue sera condamnée à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 80.- le jour, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 3 ans.
Conclusions civiles
8. 8.1.1. A teneur de l'art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale. Conformément à l'art. 126 al. 1 let. a et b CPP, le Tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu.
Il renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile, lorsque la partie plaignante n'a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (art. 126 al. 2 CPP).
8.1.2. Chacun est tenu de réparer le dommage qu'il cause à autrui d'une manière illicite, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence (art. 41 al. 1 CO). La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO).
La responsabilité délictuelle instituée par l'art. 41 CO requiert que soient réalisées cumulativement quatre conditions, soit un acte illicite, une faute de l'auteur, un dommage et un rapport de causalité naturelle et adéquat entre l'acte fautif et le dommage (ATF 132 III 122).
8.2. En l'espèce, il sera donné une suite favorable aux conclusions civiles de K______ dans son principe. En revanche, dans sa quotité, le montant des conclusions civiles sera arrêté à USD 3'153'082.40 (soit USD 294'620.- + USD 542'128 [correspondant au montant d'EUR 450'684.- converti en USD sur la base d'un taux de conversion au 15 juin 2005] + USD 654'287.56 – USD 368'368.- [correspondant au montant d'EUR 304'890.- converti en USD sur la base d'un taux de conversion au 15 juillet 2005] + USD 568'848.- + USD 173'784.- [correspondant au montant d'EUR 143'837.- converti en USD sur la base d'un taux de conversion au 15 juillet 2005] + USD 1'287'782.86). Ce montant concorde avec le dommage subi par K______ en lien avec les abus de confiance perpétrés par les prévenus dans le cadre des diverses opérations de trading de riz et retenus par le Tribunal. En revanche, ce dernier n'a pas pris en considération le dommage allégué par K______ afférent à l'opération en lien avec le navire M/V X______, dans la mesure où ces faits n'ont pas été retenus (c.f. 4.7. supra). Le Tribunal ne retiendra également pas le montant d'USD 306'507.66 relatif au manco résultant de l'accord conclu avec CC_____ Sàrl en lien avec le navire M/V T______, puisque K______ a été d'accord de vendre la marchandise à CC_____ Sàrl pour ce prix (c.f. 4.5.3. supra). Enfin, il ne prendra pas en considération USD 951'879.72, correspondant à la contre-valeur du solde de la marchandise libérée sous CMA en lien avec le navire M/V W______, dans la mesure où K______ avait accepté de libérer celle-ci à CE_____ contre le paiement d'USD 566'659.70 (c.f. 4.5.6. supra).
Le montant dommage requis par K______ en lien avec l'escroquerie ne sera pas pris en considération, le Tribunal n'ayant pas retenu cette infraction à l'encontre des prévenus.
Concernant le montant du dommage requis par K______ en lien avec la gestion fautive, le montant de la perte résultant de la faillite, soit USD 7'405'894.30, en lien avec la gestion fautive ne sera pas retenu. En effet, à teneur des éléments figurant à la procédure, le Tribunal relève qu'il n'est pas en mesure de déterminer le calcul auquel a procédé l'office des faillites pour arrêter le montant de la créance à CHF 7'778'241.40 dans l'état de collocation, étant précisé que ledit office n'a pas retenu le montant produit par K______ dans le cadre de sa production dans la faillite de M______. De plus, faute de calcul précis, il n'est pas également possible pour le Tribunal de procéder à la déduction du montant du dommage en lien avec le navire M/V X______.
Les prévenus seront dès lors, conjointement et solidairement, condamnés à verser, au K______, USD 3'153'082.40, avec intérêts à 5% dès le ______ 2006. Pour le surplus, le Tribunal renverra K______ à agir par la voie civile s'agissant de la réparation du solde de leur dommage matériel au sens de l'art. 41 CO.
Frais et indemnités
9. 9.1.1. En vertu de l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
9.1.2. Une condamnation aux frais n'est admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte. Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1268/2018 du 15 février 2019 consid. 4.1).
9.2. En l'espèce, les frais engendrés par la procédure l'ont été en raison du comportement fautif et illicite des prévenus, étant souligné qu'une partie des faits ayant donné lieu à une condamnation et ceux ayant abouti à un acquittement s'inscrivent dans un même contexte. En effet, l'attitude des prévenus relative la gestion des opérations de trading de riz, ayant entre autres conduit à leur condamnation pour abus de confiance et faux dans les titres, était propre à éveiller les soupçons, selon lesquels ils avaient induit astucieusement en erreur K______, ce d'autant plus au regard de l'expertise établie par FR_____ mettant en lumière des problématiques comptables au sein de M______. De plus, s'agissant plus particulièrement de E______, son comportement en lien avec ce qui précède, conjugué à sa position de directrice de M______, étaient également propre à éveiller les soupçons quant à son implication dans la gestion fautive de M______.
En conséquence, nonobstant l'acquittement partiel des prévenus, ces derniers seront condamnés, à raison de deux tiers pour G______ et d'un tiers pour E______, aux frais de la procédure, qui s'élèvent au total à CHF 266'141.40, y compris un émolument de jugement de CHF 2'000.-, nonobstant l'acquittement partiel de ces derniers.
10. 10.1.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. a et c CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.
10.1.2. Selon l'art. 430 al. 1 let. a CPP, l'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité ou la réparation du tort moral lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
Cette disposition est le pendant de l'art. 426 al. 2 CPP en matière de frais. Une mise à charge des frais selon l'art. 426 al. 1 et 2 CPP exclut en principe le droit à une indemnisation. La question de l'indemnisation doit être tranchée après la question des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation. Il en résulte qu'en cas de condamnation aux frais, il n'y a pas lieu d'octroyer de dépens ou de réparer le tort moral (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357).
10.2. En application de ce qui précède, les conclusions en indemnisation des prévenus seront rejetées, dans la mesure où leur comportement a contribué à l'ouverture de la présente procédure pénale.
11. 11.1. A teneur de l'art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (let. a), si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 (let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale ; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s'acquitte pas de cette obligation, l'autorité pénale n'entre pas en matière sur la demande (art. 433 al. 2 CPP).
La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat. Les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante (arrêts du Tribunal fédéral 6B_924/2017 du 14 mars 2018 consid. 3.1 et les références citées).
Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3.). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv; RS/GE E 6 10), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. Sur cette base, la Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d'étude, de CHF 350.- pour les collaborateurs et de CHF 150.- pour les stagiaires (arrêt de la Cour de justice AARP/38/2018 du 26 janvier 2018 consid. 7).
L'indemnité fondée sur l'art. 433 CPP pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure ne produit pas d'intérêts (ATF 143 IV 495 du 13 décembre 2017 consid. 2.2.4.).
Le lien établi par la jurisprudence entre les frais de procédure et les indemnités doit conduire à considérer - en faisant une interprétation de l'art. 418 CPP conforme à la systématique du Code - que, lorsque le juge fait application de l'art. 418 al. 1 et répartit proportionnellement les frais de procédure entre diverses personnes, les indemnités accordées doivent être réparties dans des proportions identiques. Si en revanche, les frais de procédure sont mis solidairement à la charge des prévenus, alors l'indemnité fondée sur l'art. 433 CPP peut l'être également (ATF 145 IV 268 consid. 1.2 p. 270).
11.2. En l'espèce, K______ ayant obtenu gain de cause et les prévenus ayant été condamnés aux frais de la procédure, l'activité juridique déployée pendant près de dix-huit ans par les Conseils de cette dernière donnera lieu à une juste indemnité, laquelle sera mise à la charge des prévenus conjointement et solidairement. Toutefois, sur la base des notes d'honoraires produites, il n'est pas possible de déterminer quel a été le tarif horaire appliqué pour chaque activité déployée du 29 décembre 2005 au 26 janvier 2015, du 7 mars au 25 septembre 2015 et du 26 septembre 2015 au 13 décembre 2019, étant précisé que les tarifs horaires mentionnés à l'appui des conclusions fondées sur l'art. 433 CPP excèdent ceux retenus par la Cour de justice. De plus, les notes d'honoraires produites pour ces périodes ne détaillent pas l'activité déployée par quel avocat. Dans cette mesure, le Tribunal arrêtera une indemnité ex aequo et bono de CHF 378'665.60 s'agissant de l'activité déployée du 29 décembre 2005 au 26 janvier 2015. Pour l'activité déployée du 7 mars 2015 au 25 septembre 2015, l'indemnité sera arrêtée à CHF 4'943.55. Quant à l'activité déployée du 26 septembre 2015 au 13 décembre 2019, un total de CHF 102'329.90 sera retenu.
Pour la période du 1er janvier 2020 au 22 décembre 2022, une indemnité de CHF 23'037.- sera retenue au regard des factures produites à l'appui de la demande d'indemnisation et en prenant en compte un tarif horaire de CHF 400.-.
Enfin, le Tribunal retiendra une indemnité de CHF 13'300.- correspondant, au regard de la complexité de l'affaire, à 33h15 d'activités déployées en lien avec l'audience de jugement, à un tarif horaire de CHF 400.- (soit 24h de préparation d'audience, auxquelles s'ajoutent 9h15 d'audience).
Ainsi, les prévenus seront condamnés à verser à K______ une indemnité totale de CHF 522'276.05 (TVA comprise) pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, à raison de deux tiers pour G______ et d'un tiers pour E______ (art. 433 al. 1 CPP).
12. 12.1. A teneur de l'art. 267 al. 1 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le Ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit. La restitution à celui-ci des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n'ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation sont statuées dans la décision finale (art. 267 al. 3 CPP).
12.2. En l'espèce, compte tenu du verdict de culpabilité et des frais de la procédure, le séquestre des avoirs sur la relation 29_____ au nom d'AL_____ Ltd auprès de N______ AG sera levé et ces avoirs seront affectés aux frais de la procédure.
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant contradictoirement :
Acquitte E______ d'escroquerie pour les faits visés aux points 9.14 à 9.16 de l'acte d'accusation (art. 146 al. 1 CP) et de gestion fautive (art. 165 ch. 1 CP).
Déclare E______ coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP), d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP), de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP).
Condamne E______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende (art. 34 CP).
Fixe le montant du jour-amende à CHF 80.-.
Met E______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).
Avertit E______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).
Acquitte G______ d'escroquerie pour les faits visés aux points 5.14, 5.13, 5.14 [recte : 5.14, 5.15, 5.16] de l'acte d'accusation (art. 146 al. 1 CP).
Déclare G______ coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP), d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP), de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et de gestion fautive (art. 165 CP).
Condamne G______ à une peine privative de liberté de 20 mois (art. 40 CP).
Met G______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 4 ans (art. 42 et 44 CP).
Avertit G______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).
Condamne E______ et G______, conjointement et solidairement, à payer à B______ SA la somme d'USD 3'153'082.40, plus intérêts à 5% dès le ______ 2006, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).
Renvoie pour le surplus B______ SA à agir par la voie civile s'agissant de la réparation du solde de leur dommage matériel au sens de l'art. 41 CO (art. 126 al. 2 CPP).
Condamne E______, à raison d'un tiers, et G______, à raison de deux tiers, à payer à B______ SA la somme de CHF 522'276.05 à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).
Rejette les conclusions en indemnisation de E______ et de G______ (art. 429 CPP).
Lève le séquestre des avoirs sur la relation 29_____ au nom de AL_____ Ltd auprès de N______ AG et en affecte le produit aux frais de la procédure (art. 267 al. 3 CPP).
Condamne E______, à raison d'un tiers, et G______, à raison de deux tiers, aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 266'141.40, y compris un émolument de jugement de CHF 2'000.- (art. 426 al. 1 CPP).
Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).
La Greffière | La Présidente |
Voies de recours
Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).
Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.
Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).
L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).
Etat de frais
Frais du Ministère public | CHF | 263784.40 |
Convocations devant le Tribunal | CHF | 195.00 |
Frais postaux (convocation) | CHF | 77.00 |
Emolument de jugement | CHF | 2000.00 |
Etat de frais | CHF | 50.00 |
Frais postaux (notification) | CHF | 35.00 |
Total | CHF | 266141.40 |
========== |
Notification à E______, soit pour elle son Conseil,
Me F______
Par voie postale
Notification à G______, soit pour lui son Conseil,
Me I______
Par voie postale
Notification à A______
Par voie postale
Notification à B______ SA, soit pour elle son Conseil,
Me C______
Par voie postale
Notification au Ministère public
Par voie postale