Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/304/2021

ATA/684/2022 du 28.06.2022 sur JTAPI/1215/2021 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;TRAVAUX DE CONSTRUCTION;ZONE AGRICOLE;TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION;PERMIS DE CONSTRUIRE;CONFORMITÉ À LA ZONE;DÉCISION D'EXÉCUTION;REMISE EN L'ÉTAT;DÉNONCIATION(EN GÉNÉRAL);PREUVE ILLICITE;CONSTATATION DES FAITS;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;JONCTION DE CAUSES;PROPORTIONNALITÉ;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;ÉGALITÉ DANS L'ILLÉGALITÉ
Normes : LPA.19; LPA.20; LPA.22; Cst.29.al2; LPA.70.al1; LPA.44; LPA.45; LPA.10A; LPA.59.letb; LPA.53.al1.leta; LPA.59.letb; LPA.61; CPP.141; LAT.22; LCI.1.al1; RCI.1.letc; LAT.16; LAT.16a; LaLAT.20; LAT.24c; LAT.24d; LaLAT.27d; LPRVers.6; LForêts.11; LEaux.15.al1; LIC.129; LCI.130; Cst.5.al2; LCI.3.al3; Cst.8
Résumé : Recourant qui n'a pas donné suite à un précédent ordre de remise en état de deux bâtiments sis en zone agricole qu'il avait agrandis. Le nouvel ordre de remise en était constitue toutefois une mesure d'exécution par rapport à ces deux bâtiments. L'objet du litige porte uniquement sur les nouveaux aménagements (deux bâtiments, deux chemins et deux cours servant de parking). Le API était en droit de renoncer aux mesures d'instruction sollicitées et de ne pas ordonner la jonction des causes concernant ses voisins. Pas nécessaire d'ordonner la production de la dénonciation et du reportage photographique. Les moyens informatiques modernes (SITG) permettent de détecter automatiquement l'implantation de constructions non autorisées sur le territoire. Les preuves sont donc licites. Les conditions de l'art. 24d al. 1 et 3 ne sont pas remplies, de sorte que les aménagements réalisés ne sont pas autorisables. Pas de violation du principe de la proportionnalité et du principe de l'égalité de traitement. Pas d'égalité dans l'illégalité. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/304/2021-LCI ATA/684/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 juin 2022

3ème section

dans la cause

 

 

Monsieur A______
représenté par Me Butrint Ajredini, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er décembre 2021 (JTAPI/1215/2021)


EN FAIT

1) En 2001, Monsieur A______ a acquis, au cours d'une vente aux enchères immobilière, la parcelle n° 26, sise sur la commune de Versoix à l'adresse ______

Cette parcelle a ensuite fait l'objet d'un morcellement en deux lots : la parcelle n° 6'083 et la parcelle n° 6'084, feuille 45.

La parcelle n° 6'084 se trouve pour partie en zone de bois et forêts et pour partie en zone agricole. Elle est entièrement incluse dans le périmètre de protection des rives de La Versoix.

Sur ce terrain, d'une surface de 4'230 m2, étaient érigés au moment de l'achat une dépendance n° 1______ de 39 m2 et une habitation n° 2______ de 41 m2.

2) Le 29 juin 2006, M. A______ a déposé auprès du département des constructions et des technologies de l'information, devenu le département du territoire (ci-après : DT ou le département) une demande d’autorisation de construire, enregistrée sous DD 3______.

Elle visait à régulariser les travaux d'agrandissement du bâtiment n° 1______, entrepris sans autorisation en 2002, afin que la situation soit conforme aux plans détenus par le département.

3) Le 23 novembre 2006, le département a refusé de délivrer l'autorisation requise aux motifs que le projet n'était pas conforme notamment aux art. 24c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), 42 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1), 11 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) et 15 de la loi sur les eaux (LEaux - L 2 05).

Une autorisation n'était pas envisageable car M. A______ n'exerçait pas la profession d'agriculteur. La transformation en cause n'était pas destinée à une activité agricole. En outre, la transformation réalisée excédait les possibilités d'agrandissements admissibles et ne pouvait pas être autorisée sous cet angle non plus. La transformation ne respectait pas la distance à la lisière de la forêt et se situait dans la zone inconstructible de 30 m le long des rives de La Versoix. Enfin, les préavis de certaines instances spécialisées consultées étaient défavorables.

Aucun recours n'a été formé à l'encontre de cette décision.

4) Par décision du 5 avril 2007, le département a ordonné à M. A______ de remettre sa parcelle en état (procédure d'infraction I/4______).

L’instruction du dossier avait révélé que les travaux soumis à son examen étaient déjà achevés au moment où la demande d'autorisation de construire DD 3______ avait été déposée. La surface brute de plancher (ci-après : SBP) du bâtiment n° 1______ était passée de 52,64 m2 à environ 140 m2 après transformation.

La décision de refus notifiée le 23 novembre 2006 était en force et les transformations non autorisées devaient être supprimées.

Un délai de nonante jours lui était imparti à cet égard et une amende de CHF  10'000.- lui était infligée, laquelle tenait compte de la gravité subjective et objective de l’infraction commise.

5) Par arrêt du 5 février 2008 (ATA/43/2008), le Tribunal administratif, devenu la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative), a confirmé l'ordre de remise en état, mais réduit l'amende à CHF 5'000.-, arrêt confirmé par le Tribunal fédéral (1C_117/2008 du 12 août 2008).

6) Le 13 novembre 2020, le département a informé M. A______ avoir été saisi d’une plainte accompagnée d’un reportage photographique, dont il ressortait que les travaux de remise en état des constructions visées dans la procédure d’infraction I/4______ n’avaient pas été effectués et que d’autres constructions et aménagements avaient été réalisés sur la parcelle sans autorisation.

Étaient visés l’absence d’exécution des travaux de remise en état des constructions des bâtiments n°s 1______ et 2______ et les aménagements extérieurs (terrasses, murets, etc.), qui avaient été refusés, conformément à l’ordre du département du 5 avril 2007, la construction d'un bâtiment, cadastré sous le n° 5______, ainsi que l’aménagement d’un chemin et d’une cour, utilisée comme parking extérieur, situés au nord-est du bâtiment n° 1______, vers la limite de propriété, et la construction d'un autre bâtiment, non cadastré, l'aménagement d'un chemin et d'une cour, laquelle était utilisée comme parking extérieur également, situés au nord-est du bâtiment n° ______ (recte : n° 5______) et proche de la limite de propriété avec la parcelle n° 6'083.

Ces éléments, pour lesquels d'une part, un ordre de remise en état confirmé par le Tribunal fédéral avait été prononcé et, d'autre part, aucune autorisation de construire n’avait été sollicitée, étaient susceptibles d'être assujettis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Un délai de dix jours lui était imparti pour présenter ses observations et explications éventuelles quant aux faits constatés.

La nouvelle procédure d'infraction a été ouverte sous I-6______.

7) Le 25 novembre 2020, M. A______ a sollicité de consulter son dossier et un délai de réponse.

Cela faisait seize ans que sa compagne et lui-même habitaient la maison. Ils étaient sous le choc du courrier reçu. Ils étaient âgés de 72 et 66 ans, sa compagne était atteinte de la maladie de Parkinson et lui-même venait d’être opéré d’un cancer du poumon. Il souhaitait trouver une solution « agréable et humaine ».

8) Par décision du 11 décembre 2020, le département a indiqué à M. A______ qu’il était déjà en possession de toutes les pièces consultables du dossier d’infraction I-6______. Une consultation était toutefois possible sur rendez-vous.

Le département lui a par ailleurs ordonné, dans un délai de six mois, de :

- remettre en état les bâtiments n°s 1______ et 2______, ainsi que leurs aménagements extérieurs (terrasses, murets, etc.) conformément à leur situation d’origine, selon les plans de l’existant contenus dans la DD 3______/1 refusée le 23 novembre 2006 ;

- démolir et évacuer le bâtiment cadastré sous le n° 5______, ainsi que supprimer et évacuer le chemin et la cour utilisée comme parking extérieur, réalisés au nord-est du bâtiment n° 1______ vers la limite de propriété ;

- démolir et évacuer le bâtiment, non cadastré, ainsi que supprimer et évacuer le chemin et la cour utilisée comme parking extérieur, réalisés au nord-est du bâtiment n° 5______ et proche de la limite de propriété avec la parcelle n° 6'083 ;

- remettre le terrain en état naturel, une fois ces éléments réalisés.

Un reportage photographique devait être fourni dans ce délai, attestant de la remise en état de l’ensemble. La sanction administrative ferait l’objet d’une décision séparée à l’issue du traitement du dossier I-6______.

Compte tenu de la situation de la parcelle, hors de la zone à bâtir, le dépôt d’une requête en autorisation de construire était « superfétatoire », les travaux envisagés ne pouvant en aucun cas être régularisés.

9) Par acte du 26 janvier 2021, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l'octroi d'un délai pour déposer une demande d’autorisation de construire concernant les aménagements sur sa parcelle.

Plus de douze ans s’étaient écoulés depuis la décision de remise en état. Dans cet intervalle, son état de santé s’était détérioré et un cancer des poumons avait été détecté, en cours de traitement. Il souffrait d’épisodes dépressifs sévères. Sa compagne était atteinte de la maladie de Parkinson, ce qui réduisait son indépendance. Alors qu’ils étaient atteints dans leur santé, leurs maisons avaient été aménagées pour leurs besoins.

Les aménagements existants pouvaient être autorisés comme habitations sans rapport avec l'agriculture au sens de l'art. 24d al. 1 et 3 LAT, étant relevé que les bâtiments d'habitation n'avaient été que légèrement agrandis. En effet, s'agissant du bûcher existant, il n'était plus nécessaire à son usage antérieur, dès lors que le droit foncier rural ne s'appliquait plus. Les bâtiments se prêtaient à l'utilisation prévue et leur aspect extérieur n'avait pas été modifié. En outre, l'agrandissement des bâtiments était nécessaire et M. A______ avait pris en charge tous les coûts. L'exploitation agricole des terrains environnants n'était pas menacée, dans la mesure où tous les bâtiments environnants étaient utilisés comme maisons d'habitation ou à un autre titre que l'agriculture.

La cour et le chemin existaient depuis soixante ans et étaient uniquement recouverts de matière provenant du Salève, afin de permettre l’accès aisé des services de secours et d’incendie à leur parcelle. Cet élément était important tant pour eux que pour leurs voisins.

Il estimait être traité de manière différente par rapport à d’autres propriétaires qui avaient vu leurs demandes accordées pour des aménagements bien plus imposants.

Par ailleurs, il avait obtenu par le passé l'autorisation d'abattre des arbres à la lisière de la forêt. Il était par conséquent contradictoire de refuser une extension insignifiante des m2 habitables d'une villa individuelle achetée comme telle. Il existait également une différence de traitement par rapport à un cas à Bernex concernant l’association Forêt Genève, au sujet de laquelle il joignait un article de presse, qui avait eu l’autorisation d’abattre un hectare de forêt et de construire un hangar en zone de bois et forêts, pourtant protégée,.

Le principe de la proportionnalité n'était pas respecté. La réalisation des travaux avait été commandée par le fait que les bâtiments existants n'avaient plus d'affectation agricole, mais étaient destinés depuis trente ans à l'habitation. Les travaux avaient été réalisés en raison de ses circonstances familiales et celles de sa compagne, car ils ne souhaitaient plus vivre ensemble, mais rester proches l'un de l'autre dans le but de préserver leur configuration familiale et s'occuper de leurs familles respectives. En outre, les modifications entreprises avaient favorisé la nature et le paysage sans compter qu'elles avaient permis de retirer de l'amiante et de raccorder les égouts aux canalisations existantes. La parcelle étant inadaptée à l'agriculture en raison du non-assujettissement à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11). Les travaux avaient uniquement consisté à étendre le bâtiment jusqu'à l'emprise de la pergola de l'ancienne construction, de sorte que ni le paysage ni l'environnement n'avaient été affectés. La remise en état du bâtiment en un atelier/bûcher alors même que la construction n'avait pas été autorisée et que la parcelle n'était plus sujette à l'agriculture depuis des décennies était également disproportionnée. Enfin, cela impliquerait des frais conséquents et des démarches particulièrement difficiles pour des personnes qui voyaient leur santé se dégrader.

10) Le 31 mars 2021, le département a conclu au rejet du recours.

11) Dans un courrier reçu par le TAPI le 17 mai 2021, M. A______ a sollicité plusieurs actes d'instruction, avant de pouvoir répliquer.

Il demandait la suspension de la procédure jusqu'à décision du TAPI sur les actes d'instructions demandés, la jonction de la procédure avec d'autres causes pendantes par-devant le TAPI, relatives au plateau de Richelien à Versoix, concernant notamment les parcelles n°s 262, 7'061, 6'083 et 54. Il convenait d'ordonner au département de produire son dossier, la plainte et le reportage photographique qui l'accompagnaient, ainsi que de révéler l'identité du dénonciateur, et d'ordonner au bureau d'ingénieurs ayant réalisé l'aménagement des canalisations à Richelien, entre 2007 et 2015, de produire tout document ou renseignement permettant de savoir sur quelles bases le réseau de canalisation avait été dimensionné, et si une augmentation des capacités de ce réseau était prévue.

Il convenait aussi de demander aux Services industriels de Genève (ci-après : SIG) des renseignements sur la capacité de la fibre optique qui avait été aménagée à l'avenue de Richelien et si les installations étaient prévues pour supporter une augmentation du nombre d'habitations sur ce plateau.

Son audition devait être ordonnée, ainsi que celle de sa compagne, du maire de Versoix, et des ingénieurs ayant réalisé les canalisations et ceux ayant installé la fibre optique.

Enfin, un transport sur place était nécessaire et devait également concerner les autres parcelles faisant l'objet d'une procédure pendante par-devant le TAPI.

La question centrale était de savoir pourquoi l'État n'avait jamais déclassé le plateau de Richelien, alors que celui-ci était utilisé depuis des décennies « comme zone de construction de villas résidentielles, de bureaux, d'ateliers en tout genre et de centres de protection civile, soit des activités incompatibles avec la zone ».

12) Le 18 mai 2021, le TAPI a rappelé à M. A______ que la procédure administrative était régie par la maxime d'office, si bien qu'il lui appartenait de décider de son déroulement. Les indications fournies par l'intéressé n'étaient pas suffisantes pour se déterminer sur la demande de jonction et un courrier avait été envoyé au département pour qu'il produise son dossier. Concernant les autres actes d'instruction sollicités, il serait avisé en temps utile de la nécessité d'une audience ou d'un transport sur place, de même que de l'audition de témoins.

13) Le 31 mai 2021, le département a produit son dossier.

14) Le 28 juin 2021, M. A______ a répliqué, persistant dans ses précédentes conclusions et explications.

Il existait dans le secteur de nombreuses constructions habitées qui ne s'intégraient pas au paysage aussi bien que les siennes, mais qui ne faisaient pourtant pas, étonnamment, l'objet d'un ordre de démolition. En outre, le dossier produit par le département ne contenait ni la dénonciation ni le reportage photographique.

Dans le cadre de la demande de jonction, les causes actuellement pendantes étaient celles de Madame B______ (A/837/2021 et A/963/2021) et de Monsieur C______ (A/184/2021).

Son droit d'être entendu avait été violé de ce fait, dans la mesure où il n'avait pas eu accès à l'entier du dossier et ne pouvait se prononcer sur la validité des preuves recueillies par le département.

S'agissant du point 1 de la décision querellée, la mesure d'exécution avait été prise plus de treize ans après la confirmation par le Tribunal fédéral de la décision du 5 avril 2007. Il était donc disproportionné de requérir l'exécution d'une telle décision, l'État ayant laissé perdurer la situation, lui permettant de croire « de bonne foi, que la politique cantonale d'aménagement du territoire s'était modifiée en raison de la pénurie sévère de logements sur le canton ».

L'utilisation agricole des terrains environnants n'était pas menacée par les différents aménagements, dès lors que tous les bâtiments environnants étaient utilisés comme maison d'habitation ou à un autre titre que l'agriculture. Aucun intérêt prépondérant ne s'opposait au maintien des bâtiments, dès lors que ceux-ci ne lésaient ni les rives de la Versoix ni la forêt située aux abords de la parcelle.

Au contraire, en réalisant les aménagements contestés, il avait préservé les biotopes de la Versoix et évité une pollution du cours d'eau. En effet, le toit contenait, avant les travaux, de l'amiante et les égouts étaient raccordés directement au cours d'eau.

Il était en outre disproportionné de solliciter l'exécution d'une mesure prononcée plus de treize ans après la décision. En outre, son état de santé et celui de sa compagne s'étaient péjorés, et il était démesuré de leur demander de démolir leur maison, qui plus était en pleine période de pandémie.

Une mesure moins incisive était possible et consistait à l'autoriser à vivre, avec sa compagne, dans leur logement jusqu'à leur décès, et ordonner à ce moment, que la parcelle soit remise en état aux frais de la succession.

S'agissant des « nouvelles constructions » dont faisait état le département, il s'agissait de petites constructions permettant le stockage, lesquelles répondaient à la définition de « constructions de peu d'importance ». Il était ainsi disproportionné d'ordonner leur démolition. Son état de santé et les coûts qu'une démolition engendrerait s'y opposaient. En outre, à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral, il n'avait jamais reçu d'avertissement avant la mesure d'exécution et il avait ainsi considéré que les habitations construites sur sa parcelle étaient désormais tolérées par l'État. Il pensait ainsi de bonne foi être autorisé à construire les petits cabanons de stockage.

L'intérêt public ne faisait pas le poids face à son intérêt privé, l'État ayant attendu plus de treize ans pour rendre une mesure d'exécution sur cette parcelle, démontrant ainsi que les constructions étaient non seulement tolérables, mais surtout admissibles, s'inscrivant dans le paysage de Versoix.

Contrairement aux affirmations du département, la zone où se trouvait la parcelle comportait de nombreuses villas habitées et des bureaux, lieux où l'activité agricole n'existait pas. Une ligne de bus desservait le lieu, ce qui revenait à admettre que l'État avait considéré le secteur comme une zone habitée et habitable et non comme « un périmètre hors zone à bâtir très important pour l'environnement ». À titre d'exemple, à moins de 500 m de sa parcelle, la construction d'une habitation contigüe avait été autorisée par la DP 7______.

15) Le 15 juillet 2021, le département a dupliqué, persistant dans ses argumentation et conclusions.

16) Par jugement du 1er décembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Il n'était pas utile de procéder aux différentes mesures d'instruction requises, dans la mesure où les pièces et les écritures versées à la procédure ainsi que la consultation du système d'information du territoire à Genève (ci-après : SITG) et les informations qui y figuraient étaient suffisantes.

Il n'y avait pas lieu de procéder à la jonction de la cause avec les causes A/837/2021, A/963/2021 et A/184/2021 puisque ces procédures se rapportaient à des faits distincts et concernaient des parties et des parcelles différentes.

Parmi les pièces figurant au dossier, seule la plainte, accompagnée d'un reportage photographique ne s'y trouvait pas. Dans la mesure où ces éléments avaient seulement incité le département à ouvrir une procédure et que seules la consultation du SITG et les photographies aériennes, ainsi que les écritures de M. A______ avaient été retenues pour motiver la décision litigieuse, le département était fondé à ne pas permettre la consultation d'autres éléments. L'intéressé, assisté d'un avocat, avait par ailleurs parfaitement identifié les éléments reprochés par le département. Il avait pu se prononcer avant toute prise de décision et se déterminer sur les griefs formulés à son encontre, puis recourir en toute connaissance de cause.

Enfin, si les informations figurant dans la dénonciation avaient été utilisées directement dans la décision de remise en état, tant l'intérêt privé du tiers dénonciateur que l'intérêt public de l'autorité s'opposaient à l'intérêt privé de M. A______ à la consultation de ce document. La dénonciation n'avait eu pour effet que d'entraîner l'ouverture d'une procédure administrative. C'était l'analyse de photos aériennes au moyen du SITG de sa parcelle qui avait révélé des nouvelles constructions et l'absence de remise en état pourtant ordonnée et confirmée en dernier lieu par le Tribunal fédéral en 2008. Ces violations des prescriptions du droit des constructions avaient entraîné la demande de remise en état subséquente.

Le point 1 de la décision concernait une mesure d'exécution de l'ordre de remise en état prévu dans la décision de refus rendue en 2006 et de l'ordre de remise en état de 2007, entrés en force à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 août 2008. Le fait que M. A______ n'ait pas reçu, selon ses dires, d'« avertissement » avant l'ordre de remise en état ne permettait de modifier cet élément, dès lors qu'il savait que les constructions étaient illégales et qu'il devait procéder à leur remise en état. Partant, il ne pouvait, par son recours, revenir sur ces éléments ou sur leur proportionnalité, laquelle avait déjà été examinée dans le jugement et les arrêts successifs précités. Ainsi, cette partie de la décision querellée n'était pas sujette à recours et le grief y relatif devait être déclaré irrecevable.

Les points 2 à 4 concernaient les nouveaux aménagements réalisés par l'intéressé, en bleu sur l'image aérienne produite par le département dans ses observations du 31 mars 2021. Il s'agissait de deux bâtiments et leurs chemins d'accès respectifs en terre du Salève. M. A______ indiquait que, selon lui, il n'était pas nécessaire de déposer une demande d'autorisation de construire pour les deux petits bâtiments de stockage.

Or, l'ensemble des aménagements litigieux étaient des constructions/installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT et nécessitaient une autorisation au sens de cette disposition et de l'art. 1 LCI.

Aucune des conditions de l'art. 24d al. 1 LAT n'étaient remplies. Il en allait de même des conditions supplémentaires de l'art. 24d al. 3 LAT, qui ne pouvaient trouver application en l'espèce, dès lors que l'art. 24d al. 1 LAT n'était pas applicable. M. A______ n'apportait par ailleurs aucun élément à cet égard, mais semblait simplement considérer que tel était le cas. Or, les bâtiments en cause n'étaient pas des bâtiments d'habitation agricole conservés dans leur substance, mais des nouvelles constructions de stockage et des chemins d'accès, réalisés sans autorisation par l'intéressé, ce qu'il ne contestait pas. Il avait procédé à des travaux complémentaires alors même qu'il savait ceux-ci assujettis à autorisation de construire, laquelle ne pouvait être accordée, compte tenu de la législation applicable.

Il en allait de même au regard de la loi sur la protection générale et l’aménagement des rives de la Versoix du 5 décembre 2003 (LPRVers - L 4 19) et de la LForêts, qui s'opposaient également à toute autorisation de construire sur la parcelle concernée. En effet, les constructions se trouvaient à moins de 20 m de la lisière de la forêt et dans la zone de protection de la Versoix.

Enfin, le fait que la parcelle ne soit plus assujettie à la LDFR ne modifiait pas la législation applicable à cette zone.

Les constructions n'étaient donc pas autorisables.

Les quatre premières conditions nécessaires à la validité d'un ordre de mise en conformité étaient réalisées. En effet, M. A______ qui avait procédé aux travaux, ne soutenait pas, ni n'avait démontré, que les installations litigieuses auraient été autorisées au moment de leur mise en place. S'il n'avait déposé aucun document permettant de les dater, ni d'ailleurs de chiffrer leur coût, il ressortait toutefois de la comparaison des images du SITG que les constructions dont la remise en état était exigée dataient de 2011 au plus tard, étant précisé que la jurisprudence fédérale imposait désormais une remise en état même après la fin de la prescription trentenaire en zone agricole. S'agissant de la quatrième condition portant sur la bonne foi du département, l'arrêt du Tribunal fédéral de 2008 confirmait justement la nécessité de procéder aux remises en état exigées et leur proportionnalité, au regard des zones dans lesquelles se trouvait la parcelle, soit en zones agricole et protégée. Au contraire et comme le département le relevait à juste titre, M. A______ l'avait mis devant le fait accompli et avait réitéré son comportement, en procédant sciemment à de nouveaux travaux non autorisés.

Sur la problématique de la proportionnalité de la mesure, l'intérêt public à la protection de ce secteur, qui se situait en zone agricole et dans le périmètre de protection des rives de la Versoix, à proximité de la lisière de la forêt était considérable et l'intérêt au maintien de la zone agricole, surtout à Genève, primait par principe celui des particuliers. Cette solution se justifiait d'autant plus que M. A______ avait réalisé des travaux complémentaires alors même qu'il n'ignorait pas devoir obtenir avant ceux-ci une autorisation de construire et qu'il savait qu'il devait remettre en état, les constructions selon l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 août 2008, soit les bâtiments n°s 1______ et 2______, ainsi que leurs aménagements extérieurs (terrasses, murets).

Son intérêt privé, atteint par l'ordre de remise en état, relevait essentiellement de la convenance personnelle, les installations édifiées étant des espaces de stockage et des chemins d'accès. À cet égard, le seul fait de les maintenir pour son confort ne saurait justifier leur édification, étant encore précisé que le département ne requérait pas la remise en état du chemin du Moulin Neuf, bien qu'il différât du cadastre. Partant, les services de secours pourraient toujours accéder facilement à la parcelle, contrairement à ses craintes. S'agissant de son état de santé, celui-ci ne l'empêchait pas, faute de documents à cet égard, de charger une entreprise tierce de procéder à la remise en état et l'ordre de remise en état ne concernait que des bâtiments utilisés comme stockage, et non des habitations.

S'agissant des deux bâtiments, de 12 et 18 m2, que M. A______ qualifiait de peu d'importance, leur démolition s'avérerait d'autant plus aisée. Pour le surplus, l'intéressé n'alléguait pas que les coûts de destruction seraient élevés.

Le TAPI ne voyait pas quelle mesure moins incisive que la remise en état du terrain naturel permettrait de protéger les intérêts publics compromis et remédier à l'atteinte portée au sol. M. A______ ne démontrait pas que la remise en état consistant à restituer la parcelle à son état d'origine serait impossible ou qu'elle entraînerait des surcoûts disproportionnés. L'approche restrictive du Tribunal fédéral s'agissant du principe de séparation entre l'espace bâti et l'espace non bâti devait demeurer d'application stricte et avait encore été confirmée dans un arrêt récent qui avait écarté l'application de la prescription trentenaire en zone agricole.

17) Par acte du 18 janvier 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation ainsi qu'à l'annulation de la décision du 11 décembre 2020. Un délai devait lui être octroyé pour déposer une demande d’autorisation de construire concernant les aménagements sur sa parcelle.

Le TAPI avait violé son droit d'être entendu en n’ayant pas ordonné un transport sur place. En effet, cette mesure d'instruction était nécessaire pour se rendre compte de l'étendue des travaux qui avaient été effectués et pour se rendre compte de l'aménagement particulier de son habitation en raison de son état de santé. De plus, les investissements et aménagements sur le plateau de Richelien (réseau des transports publics, les canalisations et la fibre optique) auraient pu être vus. Les aménagements voisins auraient également pu être observés en vue d'une jonction des causes. À ce sujet, le TAPI aurait dû vérifier d'office l'état d'avancement des causes en question. Le fait que celles-ci ne concernaient pas les mêmes parties ni les mêmes parcelles n'aurait pas dû être retenu dans la mesure où cela concernait également la destruction d'habitations existantes sur des parcelles voisines. Le TAPI n'avait en outre pas examiné la question des diverses auditions sollicitées (la sienne, celle de sa compagne, du maire de Versoix et des ingénieurs ayant réalisé les installations de fibre optique et des canalisations), ainsi que la question de la production par le bureau d'ingénieurs ayant réalisé l'aménagement des canalisations à Richelien entre 2007 et 2015 de tout document ou renseignement permettant de savoir sur quelles bases le réseau de canalisation avait été dimensionné, et si une augmentation des capacités de ce réseau était prévue. Il en était de même de la demande de renseignements aux SIG concernant la capacité de la fibre optique sur le plateau de Richelien.

N'ayant pas eu accès à l'entier du dossier, notamment la plainte et le reportage photographique, son droit d'être entendu avait été violé. Son intérêt privé à savoir si les photographies avaient été prises en violation de ses droits de propriété devait prévaloir. Le département aurait pu caviarder la plainte. En outre, au vu du temps qu'avait mis le département à transmettre son dossier au TAPI, il semblait qu'il ait fondé sa décision sur la plainte et que ce n'était que dans le but de gagner du temps qu'il avait retardé autant que possible l'envoi du dossier, puis par pure convenance, qu'il avait indiqué fonder sa décision sur les pièces accessibles sur le SITG. Il n'avait par conséquent pas pu se prononcer sur la validité des preuves recueillies.

Il était disproportionné d'ordonner une remise en état après avoir attendu treize ans. Par ailleurs, outre le fait que certains services de l'État avaient préavisé favorablement le projet dans le cadre de la DD 3______ et que plusieurs voisins s'étaient vu accorder des autorisations pour des aménagements bien plus imposants, la réalisation des travaux avait été motivée par le fait que les bâtiments existants, construits il y a plus de trente ans, n'avaient plus d'affectation agricole. Par ailleurs, compte tenu de leur état de santé actuel, leurs « maisonnettes » constituaient le seul havre de paix leur permettant d'oublier leurs douleurs quotidiennes. Le chemin et la cour, existants depuis plus de soixante ans, étaient uniquement recouverts de matière du Salève et permettaient aux services de secours d'accéder à la propriété.

M. A______ a repris ses différents arguments précédemment formulés dont ceux sur le fait que les modifications entreprises avaient favorisé la nature et le paysage, ce que ses voisins avaient salué, la contradiction entre l'autorisation d'abattage d'arbres octroyée et l'extension insignifiante des m2 habitables d'une villa individuelle achetée comme telle, la différence de traitement par rapport au cas à Bernex, l'art. 24d al. 1 et 3 LAT, son état de santé et celui de sa compagne et le fait que la parcelle n'était pas soumise à la LDFR.

L'arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2019 du 28 avril 2021, cité par le TAPI, prévoyant que l'obligation de rétablir un état conforme au droit ne s'éteignait pas après trente ans s'agissant d'une construction illégale hors de la zone à bâtir concernait une situation totalement différente. M. A______ s'était uniquement limité à rénover sa maison de manière à prendre en considération la flore et la faune.

Au vu de ces éléments, une mesure moins incisive et proportionnelle devait être prise, consistant en l'octroi d'un très long délai de remise en état afin qu'il puisse y vivre jusqu'à la fin de ses jours ou jusqu'à ce que son état de santé ne lui permette plus de vivre dans son logement. Rien ne justifiait l'empressement actuel, compte tenu de la tolérance de l'État pendant treize ans.

Les aménagements existants pouvaient être autorisés comme habitations sans rapport avec l'agriculture au sens de l'art. 24d al. 1 et 3 LAT. En outre, il ne s'agissait pas d'un changement complet d'affectation puisque les bâtiments d'habitation avaient uniquement été légèrement agrandis. La légère extension des équipements avait été nécessaire (traitement de l'amiante, canalisations, aménagement des chemins et cours existants depuis plus de soixante ans) et tous les coûts avaient été pris en charge par M. A______. L'exploitation agricole des terrains environnants n'était pas menacée dans la mesure où tous les bâtiments environnants étaient utilisés comme maisons d'habitation et/ou à un autre titre que pour l'agriculture. Enfin, aucun intérêt prépondérant ne s'y opposait.

18) Le 27 janvier 2022, le TAPI a produit son dossier sans formuler d'observations.

19) Le 24 février 2022, le département a conclu au rejet du recours.

Le TAPI avait correctement délimité l'objet du litige en considérant que le point 1 de la décision du 11 décembre 2020 n'était pas sujette à recours.

L'intérêt privé du tiers dénonciateur primait l'intérêt de M. A______ à la divulgation de la plainte et du reportage photographique. En effet, leur contenu n'avait pas servi à fonder l'ordre de remise en état. La question de la licéité ou de l'illicéité de la preuve n'était donc pas pertinente. Au surplus, l'ensemble des constructions et aménagements litigieux s'avérait visible depuis le chemin du Moulin-Neuf, soit depuis le domaine public communal, et depuis le SITG.

Tous les arguments portant sur la prétendue disproportion de l'ordre de remise en état des bâtiments n°s 1______ et 2______ et de leurs aménagements extérieurs n'étaient pas pertinents puisqu'il s'agissait d'une mesure d'exécution d'une décision entrée en force.

Il ressortait clairement des photographies aériennes que les cours utilisées comme parking n'étaient pas existantes depuis soixante ans, mais postérieures à 2011. M. A______ n'expliquait de plus pas en quoi sa parcelle, avant les modifications illégales, ne permettait pas un accès aux services de secours. À propos de son état de santé, rien ne l'empêchait de mandater une entreprise tierce pour les travaux de remise en état.

Compte tenu de la localisation de la parcelle, hors zone à bâtir et dans un périmètre protégé, il n'existait pas d'autre mesure moins incisive que l'ordre de remise en état.

Le département ne voyait pas en quoi le principe de l'égalité de traitement aurait été violé s'agissant d'une autorisation donnée en zone bois et forêt à une construction conforme à cette zone.

L'ordre de remise en état ne concernait pas des parties habitables si bien que le délai fixé pour ce faire était adéquat.

Enfin, les conditions de l'art. 24d LAT n'étaient pas réalisées dans la mesure où les constructions existantes n'avaient jamais servi à l'agriculture. La décision du 23 novembre 2006 venait confirmer l'impossibilité d'ériger de nouvelles constructions non conformes à la zone sur la parcelle litigieuse.

20) Le 25 mai 2022, M. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Les auditions sollicitées étaient pertinentes pour l'issue du litige tout comme le transport sur place dans la mesure où les données du SITG ne permettaient pas de se rendre compte de l'étendue des aménagements réalisés par la commune, le canton voire l'État en ce qui concernait les raccordements de l'eau, d'électricité et internet.

Alors que le canton de Genève connaissait une pénurie de logements d'habitation, il ne faisait aucun doute que les aménagements réalisés (raccordement aux transports publics, raccordements SIG, internet, etc.) n'auraient pas été réalisés si les habitants de Versoix au lieu-dit « Richelien » seraient à terme délocalisés.

Il était vrai qu'il n'existait pas, en principe, d'égalité dans l'illégalité. Toutefois, s'il était à prévoir que l'administration allait persévérer dans l'inobservation de la loi, le citoyen pouvait y prétendre, ce qui était le cas au vu des aménagements réalisés.

La consultation de la dénonciation et du reportage photographique permettrait à M. A______ de faire valoir ses droits par-devant les autorités pénales s'il venait à constater une violation de domicile. En outre, l'identité du tiers dénonciateur aurait pu être sauvegardée au moyen d'un caviardage de la dénonciation. Il s'agissait donc d'une preuve recueillie de manière illégale et devant être écartée du dossier.

Le chemin de la cour existait depuis près de soixante ans. Il l'avait remis en l'état avec des matières du Salève, afin de préserver l'environnement tout en permettant aux services de secours de bénéficier de cet accès.

Auparavant, ledit accès était rendu difficile en raison de son état boueux et de son manque d'aménagement. La remis en état avait été saluée par les voisins, ce que les auditions pourraient démontrer.

21) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 149 LCI).

2) Le recourant considère que le TAPI a violé la maxime d'office et son droit d'être entendu en n'ayant pas procédé aux différents actes d'instruction sollicités, lesquels auraient permis de se rendre compte des investissements et aménagements publics réalisés sur le plateau de Richelien et par le voisinage et d'obtenir des renseignements sur les causes pendantes par-devant le TAPI en vue d'une jonction. Ils auraient été utiles dans le cadre de l'examen du grief de l'égalité dans l'illégalité. En outre, les auditions sollicitées et la production des documents portant sur le réseau de canalisations et sur l'aménagement de la fibre optique n'avaient pas été discutées par le TAPI.

3) a. Selon l'art. 19 LPA, l'autorité établit les faits d'office. Elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. À teneur de l'art. 20 al. 1 LPA, l'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties. Elle recourt s'il y a lieu aux moyens de preuve énumérés à l'art. 20 al. 2 LPA, notamment en ordonnant la production de documents (let. a), en entendant les parties (let. b) et des témoins (let. c) et en procédant à un examen (let. d).

Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; elle oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1021/2013 du 28 mars 2014 consid. 5.2 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2). Le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA) comprend en particulier l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2. ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 consid. 3c et les références citées).

En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phrase LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 2b et les références citées).

b. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Selon l'art. 18 LPA, la procédure administrative est en principe écrite, toutefois si le règlement et la nature de l'affaire le requièrent, l'autorité peut procéder oralement. Par ailleurs, les garanties minimales en matière de droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. ne comprennent en principe pas celui d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_15/2020 du 30 janvier 2020 consid. 2).

En tout état, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 141 V 557 consid. 3.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

c. Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

d. En l'espèce, le recourant ne peut valablement et de bonne foi, soutenir que le TAPI n'a pas examiné la question de l'utilité des auditions et de la production de documents portant sur le réseau de canalisations et de la capacité de la fibre optique, dans la mesure où l'instance inférieure a considéré que les écritures, les pièces de la procédure, ainsi que les données résultant de la consultation du SITG étaient suffisantes pour trancher le litige. Le TAPI a ainsi considéré que ces mesures d'instruction n'étaient pas nécessaires pour répondre aux différents griefs recevables soulevés par le recourant.

En outre, comme il le sera expliqué ci-dessous, le litige ne porte pas sur les bâtiments n°s 1______ et 2______, servant d'habitations au recourant et à sa compagne, de sorte que le transport sur place sollicité pour constater notamment l'aménagement particulier de sa demeure en raison de son état de santé n'est ni pertinent ni nécessaire. À ce propos, les données résultant du SITG et les photographies produites par l'intimé sont suffisantes comme il le sera démontré ci-dessous. Le fait que la commune et l'État aient procédé à des aménagements et équipements publics sur le plateau de Richelien, sis en zone agricole, n'est aucunement pertinent dans la mesure où il n'est pas contesté que les parcelles voisines abritent des bâtiments d'habitation, ce qui explique et justifie d'ailleurs les équipements publics aménagés. Au surplus, la décision attaquée ne prive pas le recourant du droit d'habiter dans sa maison.

S'agissant de la question de la jonction de la présente cause avec celles concernant ses voisins, outre le fait que les causes en question concernent d'autres parties et que le recourant n'a pas démontré en quoi elles seraient similaires à l'objet du litige, il n'est pas établi que le niveau d'avancement de l'instruction soit semblable. Le contraire semble être le cas puisque le recourant n'a pas produit de jugement rendu par le TAPI concernant ses voisins.

Au vu de ces éléments et des questions à résoudre, le TAPI était en droit de renoncer aux mesures d'instruction sollicitées et de ne pas ordonner la jonction des causes.

Le grief est infondé.

4) Le recourant estime que le TAPI a violé son droit d'être entendu dans la mesure où il n'a pas eu accès à la dénonciation, accompagnée du reportage photographique. Il n'aurait ainsi pas pu se prononcer sur la validité des preuves recueillies.

a. Comme vu ci-dessus, le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) comporte le droit d'avoir accès au dossier et de prendre connaissance des pièces sur lesquelles l'autorité fonde sa décision.

b. La LPA prévoit l'accès général au dossier, sauf si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants permettent de l'interdire (art. 44 et 45 LPA). Il n'existe pas en la matière de norme spécifique et concrète garantissant l'anonymat, et seule est interdite l'instruction d'une dénonciation anonyme (art. 10A LPA). Le Tribunal fédéral a précisé que l’intérêt de la personne dénoncée à connaitre l'identité de ses dénonciateurs peut se voir limiter par les intérêts publics de l'État ou les intérêts légitimes du tiers dénonciateur. Toutefois, il ne peut être accepté un intérêt général pour garantir la confidentialité de tout informateur ; il convient de se déterminer par une pesée des intérêts en examinant les intérêts du dénoncé et du dénonciateur (ATF 129 I 249 ; ATA/583/2022 du 31 mai 2022 consid. 2a ; ATA/235/2014 du 8 avril 2014 consid. 13a).

c. En l'espèce, la production requise n’a pas pour but d’établir les faits – l'existence du bâtiment, cadastré sous le n° 5______, du chemin et de la cour utilisée comme parking extérieur au nord-est du bâtiment n° 1______, du bâtiment non cadastré, du chemin et de la cour utilisée comme parking extérieur au nord-est du bâtiment n° 5______ – ayant conduit le département à prononcer l’ordre de remise en état du 11 décembre 2020. L’existence de ces aménagements non autorisés n’est pas contestée par le recourant et les arguments divergents des parties quant à l’application de la loi à cette situation seront examinés plus loin. La production de la dénonciation et des photos qui l’accompagnent n’est donc pas nécessaire à la solution du litige s’agissant de statuer sur le bien-fondé de l’ordre de remise en état.

Le recourant semble toutefois soutenir que la décision querellée n'aurait pas pu être prise sans la dénonciation, les installations en cause n'ayant pu être aperçues qu'au prix de la commission d’infractions pénales. La production requise poursuit ainsi l’objectif d’établir les circonstances ayant permis la dénonciation, à l’effet d’entraîner l’invalidation des décisions querellées en raison de vices de forme. Or, le grief de l’illicéité en cascade des preuves (théorie des fruits de l’arbre empoisonné) sera examiné et écarté pour des motifs développés plus loin (infra consid. 8), sans qu’il soit nécessaire d’ordonner la production de la dénonciation en cause.

Le recourant ne parvient ainsi pas à établir d’intérêt privé à connaître la dénonciation et les illustrations qui l’accompagnent. Il ne saurait donc a fortiori faire prévaloir un tel intérêt sur celui du département à ne pas dévoiler ses sources et sur celui du dénonciateur à demeurer anonyme à son égard.

Le grief est mal fondé.

5) a. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1400/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si une recourante ou un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/247/2022 du 8 mars 2020 consid. 2b ; ATA/355/2019 du 2 avril 2019 consid. 2b).

b. Le recours n'est pas recevable contre les mesures d'exécution des décisions (art. 59 let. b LPA). L'interdiction d'attaquer les mesures d'exécution vise à soustraire au contrôle juridictionnel les actes qui, sans les modifier ni contenir d'éléments nouveaux, ne servent qu'à assurer la mise en œuvre de décisions exécutoires au sens de l'art. 53 al. 1 let. a LPA. Le contrôle incident de ces dernières s'avère par conséquent exclu (ATA/654/2017 du 13 juin 2017 consid. 4a et les arrêts cités). La notion de « mesures » à laquelle se réfère le texte légal s'interprète largement et ne comprend pas seulement les actes matériels destinés à assurer l'application de décisions, mais également toutes les décisions mettant ces dernières en œuvre (ATA/1438/2017 du 31 octobre 2017 consid. 3b).

Une décision de base ne peut en principe pas être remise en cause, à l'occasion d'une nouvelle décision qui exécute l'acte de base (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 398 et 399 n. 1150). Le contrôle des décisions administratives en force est aussi en principe exclu, que ce soit par un tribunal ou par une autorité administrative, notamment à l'occasion d'une nouvelle décision qui exécute la décision de base (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 231 n. 640). Si un recours n'est pas formé contre une décision de principe, le requérant est forclos pour se prévaloir de sa non-validité au moment où il voudra mettre en cause les décisions prises en conséquence de cette première décision. La décision de principe ne peut donc pas être revue incidemment à l'occasion d'un recours contre des décisions d'exécution (ATA/1438/2017 précité consid. 5b les références citées).

La jurisprudence a admis certaines exceptions à ce principe lorsque l'acte d'exécution met en cause des droits constitutionnels inaliénables et imprescriptibles ou lorsque la décision inexécutée est frappée de nullité absolue (ATF 119 Ib 492 consid. 3c/cc). Cela ne signifie pas pour autant que le recours formé pour violation d'un tel droit serait recevable dans tous les cas ; celui-ci doit au contraire être invoqué en relation avec une atteinte qui apparaît en soi comme particulièrement grave parce qu'elle concerne des aspects fondamentaux de la personnalité ou de la dignité humaine (ATF 118 Ia 209 consid. 2c).

c. En l'espèce, comme l'a retenu à juste titre le TAPI, la légalité de la remise en état des bâtiments n°s 1______ et 2______, ainsi que de leurs aménagements extérieurs (terrasses, murets, etc.), a déjà été discutée dans le cadre de la procédure judiciaire ayant débouché sur l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_117/2008 précité. Le point 1 de la décision du 11 décembre 2020 se rapportant à ces éléments ne sert donc qu'à assurer la mise en œuvre de la décision exécutoire du 5 avril 2007. Le contrôle incident du bien-fondé de ce point est par conséquent exclu, selon l'art. 59
let. b LPA et la jurisprudence précitée.

C'est également pour ce motif que la chambre de céans considère que le TAPI était en droit de ne pas procéder aux différents actes d'instruction requis.

Les griefs portant ainsi sur ces aménagements sont donc irrecevables.

6) Le litige porte sur la conformité au droit de l'ordre de remise en état du département du 11 décembre 2020, confirmée par le jugement attaqué, en tant qu'il vise la démolition et l'évacuation du bâtiment cadastré sous le n° 5______, ainsi que la suppression et l'évacuation du chemin et de la cour utilisée comme parking extérieur, réalisés au nord-est du bâtiment n° 1______ vers la limite de propriété, la démolition et l'évacuation du bâtiment, non cadastré, et la suppression et l'évacuation du chemin et de la cour utilisée comme parking extérieur, réalisés au nord-est du bâtiment n° 5______ et proche de la limite de propriété avec la parcelle n° 6'083 et la remise en état naturel, une fois ces éléments réalisés, avec la production d'un reportage photographique dans le délai de six mois, attestant de la remise en état de l’ensemble.

7) a. En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l'espèce.

b. Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

8) Le recourant semble se plaindre de la contamination des preuves.

a. La LPA ne règle pas le sort des preuves obtenues illégalement. Pour la doctrine, la problématique doit être traitée en relation avec le principe du procès équitable inscrit à l’art. 29 al. 1 Cst. et 6 § 1 la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Selon certains auteurs, les preuves obtenues par des moyens illégaux ne peuvent être utilisées que si elles auraient pu être recueillies d’une façon légale ou si un intérêt public important le justifie (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 239 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 297 ; ATA/583/2022 du 31 mai 2022 consid. 4a ; ATA/576/2014 du 29 juillet 2014 consid. 6a). D’autres précisent que les moyens de preuve obtenus sans respecter des prescriptions d’ordre doivent faire l’objet d’une pesée d’intérêts pour être exploités : il s’agit de mettre en balance, d’une part, l’intérêt public à la manifestation de la vérité et, d’autre part, l’intérêt de la personne concernée à ce que le moyen de preuve ne soit pas exploité (Christoph AUER, Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, 2008, ad art. 12 PA). D’autres, enfin, plaident pour une application analogique des règles très détaillées contenues à l’art. 141 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), lesquelles seraient l’expression du procès équitable selon l’art. 29 al. 1 Cst. (voir les références doctrinales citées au consid. 3.1 de l’ATF 139 II 95). En procédure civile, le législateur n’a pas renvoyé au système prévu pour la procédure pénale, mais a opté pour une formulation laissant au juge un large pouvoir d’appréciation. À teneur de l’art. 152 al. 2 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), le tribunal ne prend en considération les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si l’intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant.

b. S’agissant du Tribunal fédéral, il déduit du droit à un procès équitable l’interdiction de principe d’utiliser des preuves acquises illicitement (ATF 139 II 7 résumé in SJ 2013 I 179 ; ATF 136 V 117 consid. 4.2.2). L’exclusion de tels moyens n’est toutefois pas absolue, le juge devant opérer une pesée des intérêts en présence (ATF 131 I 272 consid. 4). Ces règles sont également applicables aux procédures régies par la maxime inquisitoire, telle la présente procédure (art. 19 LPA, qui parle à tort de maxime d'office). L’utilisation de moyens de preuves acquis en violation de la sphère privée ne doit en outre être admise qu’avec une grande réserve (ATF 139 II 7, résumé in SJ 2013 I 179 ; ATF 120 V 435 consid. 3b ; ATA/576/2014 précité consid. 6b).

c. S’agissant de la portée de l’illicéité d’une preuve (effet en cascade), sous l’ancien droit de procédure pénale, le Tribunal fédéral avait déjà abordé la question de la théorie des fruits de l’arbre empoisonné (fruits of the poisonous tree ; arrêt du Tribunal fédéral 6P.91/2003 du 19 janvier 2004 consid. 3), mais laissé la question ouverte. Il avait par la suite jugé que l’éventuelle illicéité d’une écoute téléphonique n’étendait pas ses effets au verdict de culpabilité dès lors que celui-ci aurait presque certainement été obtenu sans elle puisque l’observation des agissements de la prévenue aurait également conduit à son arrestation et à sa confrontation aux accusations d’un autre protagoniste (ATF 133 IV 329 consid. 4.6). L’art. 141 al. 4 CPP, entré en vigueur le 1er janvier 2011, prévoit que si un moyen de preuve est recueilli grâce à une preuve non exploitable, il n’est pas exploitable lorsqu’il n’aurait pas pu être recueilli sans l’administration de la première preuve. Selon les travaux préparatoires, la preuve supplémentaire n’est inexploitable que si elle n’avait pas pu être administrée sans l’administration préalable de la preuve obtenue illégalement, ou en d’autres termes si « la première preuve était la condition sine qua non pour obtenir la seconde ». Ainsi donc, par exemple, serait exploitable la déposition d’un témoin qui a été trouvé grâce à une déposition du prévenu, laquelle n’est pourtant pas exploitable parce que l’autorité pénale a omis de l’informer de ses droits. En effet, ce témoin aurait pu être trouvé, même en l’absence de la déposition inexploitable du prévenu. Serait, en revanche, inexploitable un rapport d’expertise fondé sur des déclarations inexploitables du prévenu (FF 2006 1163). La doctrine a proposé d’atténuer l’exigence de preuve de l’impossibilité (Jérôme BÉNÉDICT/Jean TRECCANI, in André KUHN/Yvan JEANNERET [éd.], Code de procédure pénale suisse - Commentaire romand, 2011, ad art. 141 n. 38). Selon le Tribunal fédéral, la seconde preuve n’est pas inexploitable lorsqu’elle aurait aussi pu être obtenue sans la première preuve illicite, avec une grande vraisemblance, compte tenu d'un déroulement hypothétique des investigations. Les circonstances concrètes sont déterminantes. La simple possibilité théorique d'obtenir la preuve de manière licite ne suffit pas (arrêt du Tribunal fédéral 6B_640/2012 du 10 mai 2013 consid. 2.1 ; ATF 138 IV 169 consid. 3.3.3). Dans une affaire de circulation routière, le Tribunal fédéral a jugé que le rapport de police et les auditions ne pouvaient être qualifiés de preuves dérivées, dans la mesure où elles ne découlaient pas de l'enregistrement vidéo (lui-même considéré comme une preuve illicite) et avaient été recueillies indépendamment de celui-ci. S'il n'y avait pas lieu de les écarter en tant que telles, il convenait de faire abstraction des passages discutant l'enregistrement vidéo litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1282/2019 du 13 novembre 2020 consid. 6b).

d. En l’espèce, le département a lui-même documenté le constat d’infraction et n’a pas fondé la décision querellée sur la dénonciation et les photographies qui l’accompagnaient, preuves en sont les photographies produites par l'intimé qu'il a prises sur différentes périodes.

Il y a lieu d’observer tout d’abord que le recourant ne rend pas vraisemblable que la dénonciation aurait été le fruit d’une infraction pénale. Le SITG – de même d’ailleurs que le service en ligne Google Maps – permet à quiconque de constater les aménagements réalisés, de prélever des images et de constituer un reportage photographique. La preuve de la présence des éléments réalisés sans autorisation est ainsi offerte en permanence par le SITG, de sorte qu’elle pouvait avec certitude être recueillie en tout temps et indépendamment de la dénonciation.

Les preuves recueillies en l'espèce n’étant pas illicites, il n’y a pas lieu de procéder en vue de leur exploitation à une pesée entre les intérêts du recourant et ceux de la collectivité.

Le grief sera écarté.

9) a. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 1 et al. 2
let. a LAT).

Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail, ni modifier la configuration du terrain (art. 1 al. 1 let. a et
d LCI).

b. Sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment les garages et ateliers de réparations, les entrepôts, les dépôts de tous genres (art. 1 let. c du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RCI - L 5 05.01).

c. Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; 123 II 256 consid. 3 ; ATF 119 Ib 222 consid. 3a). La procédure d'autorisation doit permettre à l'autorité de contrôler, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et aux diverses réglementations applicables. Pour déterminer si l'aménagement prévu est soumis à cette procédure, il faut évaluer si, en général, d'après le cours ordinaire des choses, cet aménagement entraînera des conséquences telles qu'il existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un contrôle préalable (ATF 139 II 134 consid. 5.2 ; 123 II 256 consid. 3 ; 119 Ib 222 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_50/2020 du 8 octobre 2020 consid. 6.1).

La qualité d’installation au sens de l'art. 22 al. 1 LAT a par exemple été reconnue à des bureaux aménagés dans un hangar, le parking visiteur, les véhicules de chantier, les installations de stockage de matériaux de chantier et les matériaux eux-mêmes (ATA/519/2022 du 17 mai 2022), un paddock, son chemin d'accès et sa barrière, un marcheur à chevaux, de même qu'un abri en bois pour ces derniers (ATA/161/2021 du 9 février 2021), à une piscine hors-sol (ATA/610/2017 du 30 mai 2017 consid. 6c), à un entreposage de voitures (ATA/1128/2020 du 23 janvier 2021 consid. 9 ; ATA/690/1999 du 23 novembre 1999 consid. 7 ; ATA D. du 7 septembre 1999) ou de matériel d’une entreprise de maçonnerie (ATA T. du 27 avril 1999). Un entreposage massif de voitures en zone villas a été considéré comme sujet à autorisation et contraire à la destination de la zone et la remise en état confirmée (ATA/208/2021 du 23 février 2021 consid. 11). La jurisprudence a par ailleurs soumis à autorisation trois pyramides métalliques de couleur rouille, de 3,68 m de largeur à la base et 2,76 m de hauteur, destinées à orner un alpage et sous lesquels les cendres des défunts pouvaient être répandues celles-ci ayant été considérées comme ayant un impact esthétique sur le paysage (ATF 119 Ib 444 consid. 3b) ; quatre panneaux solaires de 4 m2 à flanc de montagne (ZBI 1988 p. 333) ; des statues de chevaux éclairées la nuit dans une allée d’une propriété privée, mais située en zone de protection (arrêt du Tribunal fédéral 1C_529/2012 du 29 janvier 2013). Pour les impacts sur l’environnement, une place d’atterrissage pour planeurs, même sommairement aménagée (ATF 119 Ib 222), et des installations d’éclairage d’une montagne (ATF 123 II 256), sont soumis à autorisation.

d. En l’espèce, force est de conclure que l'ensemble des aménagements litigieux est une construction/installation au sens de l'art. 22 al. 1 LAT et nécessitait une autorisation au sens de cette disposition et de l'art. 1 LCI, laquelle n’a pas été demandée, ce que le recourant ne conteste d'ailleurs pas.

10) a. Aux termes de l'art. 16 LAT, les zones agricoles servent à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l'équilibre écologique ; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole et comprennent : les terrains qui se prêtent à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice et sont nécessaires à l'accomplissement des différentes tâches dévolues à l'agriculture (al. 1 let. a) ; les terrains qui, dans l'intérêt général, doivent être exploités par l'agriculture (al. 1 let. b). Il importe, dans la mesure du possible, de délimiter des surfaces continues d'une certaine étendue (al. 2). Dans leurs plans d'aménagement, les cantons tiennent compte de façon adéquate des différentes fonctions des zones agricoles (al. 3).

Selon l'art. 16a LAT, sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice (al. 1) et qui servent au développement interne d'une exploitation agricole ou d'une exploitation pratiquant l'horticulture productrice sont conformes à l'affectation de la zone (al. 2).

L'art. 20 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) prévoit que la zone agricole est destinée à l'exploitation agricole ou horticole. Ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à cette activité et aux personnes l'exerçant à titre principal (let. a) ; respectent la nature et le paysage (let. b) ; respectent les conditions fixées par les art. 34 ss OAT (let. c).

b. Selon l'art. 24c LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (al. 1). L'autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (al. 2). Il en va de même des bâtiments d'habitation agricoles et des bâtiments d'exploitation agricole qui leur sont contigus et ont été érigés ou transformés légalement avant l'attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral. Le Conseil fédéral édicte des dispositions pour éviter les conséquences négatives pour l'agriculture (al. 3). Les modifications apportées à l'aspect extérieur du bâtiment doivent être nécessaires à un usage d'habitation répondant aux normes usuelles ou à un assainissement énergétique ou encore viser à une meilleure intégration dans le paysage (al. 4). Dans tous les cas, les exigences majeures de l'aménagement du territoire doivent être remplies (al. 5).

L'art. 24d LAT précise que l'utilisation de bâtiments d'habitation agricoles conservés dans leur substance peut être autorisée à des fins d'habitation sans rapport avec l'agriculture (al. 1). Le changement complet d'affectation de constructions et d'installations jugées dignes d'être protégées peut être autorisé à condition que : a. celles-ci aient été placées sous protection par l'autorité compétente ; b. leur conservation à long terme ne puisse être assurée d'une autre manière (al. 2). Ces autorisations ne peuvent être délivrées que si : a. la construction ou l'installation n'est plus nécessaire à son usage antérieur, qu'elle se prête à l'utilisation envisagée et qu'elle n'implique pas une construction de remplacement que n'imposerait aucune nécessité ; b. l'aspect extérieur et la structure architecturale du bâtiment demeurent pour l'essentiel inchangés ; c. tout au plus une légère extension des équipements existants est nécessaire et que tous les coûts supplémentaires d'infrastructure occasionnés par le changement complet d'affectation de la construction ou de l'installation sont à la charge du propriétaire ; d. l'exploitation agricole des terrains environnants n'est pas menacée ; e. aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (al. 3).

À Genève, le département délivre les autorisations visant le maintien de l’habitation sans rapport avec l’agriculture ou le changement complet d’affectation de constructions ou installations dignes d’être protégées au sens et aux conditions fixées à l’art. 24d LAT (art. 27D al. 1 LaLAT). Constituent des mesures de protection au sens de l’art. 24d al. 2 let. a LAT, celles qui sont prévues par la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) à savoir : a. le classement, b. la mise à l'inventaire, dans les limites fixées par le règlement d'application de la LPMNS, c. le maintien par un plan de site (art. 27D al. 2 LaLAT).

c. Aux termes de l'art. 3 al. 1 1ère phrase LPRVers, hors des zones à bâtir comprises dans le périmètre du plan de protection visé à l’art. 2, comme en l'espèce, aucune construction nouvelle ne peut être érigée. Sont réservés certains aménagements (al. 1 let. a à c).

Hors des zones à bâtir comprises et délimitées par le plan de protection visé à l’art. 2 LPRVers, aucune route ou chemin carrossable, aucune modification du relief du terrain existant, aucun parc de stationnement, aucune clôture durable ne peut être réalisé. Seules les clôtures amovibles nécessaires au pacage sont tolérées (art. 6 al. 1 LPRVers). Sont réservés certains aménagements et ouvrages (art. 6
al. 2 LPRVers).

d. Selon l'art. 11 LForêts, l'implantation de constructions à moins de 20 m de la lisière de la forêt, telle que constatée au sens de l’art. 4 LForêts est interdite. Des dérogations sont possibles accordées par le département (al. 2). Différentes instances sont consultées (al. 3).

e. Aucune construction ou installation, tant en sous-sol qu’en élévation, ne peut être édifiée à une distance de moins de 10, 30 et 50 m de la limite du cours d’eau, selon la carte des surfaces inconstructibles annexée à la LEaux (s'il existe un projet de correction du cours d'eau, cette distance est mesurée à partir de la limite future) (art. 15 al. 1 1ère phrase LEAux).

11) En l'occurrence, comme analysé ci-dessus, le recourant n'est pas en droit de revenir sur les aménagements effectués sur les bâtiments n°s 1______ et 2______ (l'ancien atelier/bûcher), notamment les agrandissements des habitations ainsi que le traitement de l'amiante ou le raccordement des canalisations, cette problématique ne faisant pas partie de l'objet du litige.

En outre, le recourant ne soutient pas que les aménagements visés par la décision du 11 décembre 2020 seraient des bâtiments d’habitation agricoles. Il ressort au contraire des écritures du recourant que seuls les bâtiments n°s 1______ et 2______ sont habités, séparément, par le couple pour des raisons familiales. Il a de plus expliqué par-devant le TAPI que les deux autres bâtiments en cause étaient utilisés comme stockage. L'extrait du registre foncier renforce cette analyse en ce sens que le bâtiment n° 5______ ne dispose que d'une surface de 18 m2. L'autre bâtiment, proche de la limite de propriété avec la parcelle n° 6'083, n'est pas cadastré.

En tout état de cause et comme il le sera expliqué dans le cadre de l'analyse de la proportionnalité de l'ordre de remise en état, il s'agit de constructions nouvelles à propos desquelles le recourant ne pouvait pas ignorer son devoir de requérir une autorisation de construire. Il a d'ailleurs indiqué, lors du transport sur place du 5 juillet 2007, dans le cadre de la cause A/1840/2007 ayant donné lieu à l'ATA/43/2008 précité, « que la petite construction située en face de la maison principale est entièrement nouvelle et lui sert d'entrepôt et d'abri de jardin. Il se dit prêt à la démolir si nécessaire ».

Par ailleurs, il ressort des données consultables sur le SITG que les bâtiments en cause se trouvent à proximité de la lisière de la forêt et dans le périmètre de protection des rives de la Versoix, ce qui ne permet pas leur régularisation.

Enfin, comme retenu à juste titre par le TAPI, le fait que la parcelle n° 6'084 ne soit plus assujettie à la LDFR ne saurait avoir un quelconque effet sur la législation applicable à la zone concernée, à savoir la zone agricole.

Au vu de ces éléments, le TAPI était en droit de retenir que les conditions des art. 24d al. 1 et 3 LAT n'étaient pas remplies.

Le grief est mal fondé.

12) Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la loi, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application des dispositions légales ou réglementaires, le département peut en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 et 130 LCI).

Pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter les conditions cumulatives suivantes :

- l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 6c et les références citées) ;

- la prescription trentenaire ne s'applique pas hors de la zone à bâtir (ATF 147 II 309).

13) Le recourant remet en cause la proportionnalité de l'ordre de remise en état.

14) a. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Les critères de l'aptitude et de la subsidiarité sont particulièrement concernés lorsqu'un ordre de démolition pur et simple est envisagé. Ils impliquent en effet de déterminer si une – ou plusieurs – autre mesure administrative pourraient être préférées, le cas échéant en combinaison.

La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Le postulat selon lequel le respect du principe de la proportionnalité s'impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l'idée que le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites », in Jean-Baptiste ZUFFEREY [éd.], Journées suisses du droit de la construction 2019, p. 218).

Donner de l'importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C'est pourquoi il n'est habituellement pas accordé de poids particulier à l'aspect financier de la remise en état (Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

b. Dans la règle, l’intérêt public majeur à la préservation des zones agricoles et la distinction fondamentale entre espace bâti et non-bâti l’emporte (arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.4.2 confirmant l'ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020; arrêt du Tribunal fédéral 1C_233/2014 du 23 février 2015 consid. 4).

c. Le Tribunal fédéral a déjà considéré que des délais de plus de quatre ans et même de plus de treize ans ne suffisaient pas pour retenir que l'autorité administrative aurait toléré des constructions et installations durant de longues années et que son intervention violerait le principe de la bonne foi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.2 ; 1C_181/2009 du 24 juin 2009 consid. 3.3).

15) Le recourant ne conteste pas que les constructions et aménagements litigieux visés par l'ordre de remise en état du 11 décembre 2020 ont été édifiés sans autorisation de construire et, de plus, hors de la zone à bâtir, en zone agricole.

À nouveau, il revient sur l'ordre de remise en état concernant les bâtiments n°s 1______ et 2______, insistant sur le fait que le département n'aurait pas attendu treize ans pour l'ordonner. Or, dans la mesure où ces bâtiments ont fait l'objet d'une décision de remise en état du 5 avril 2007 entrée en force à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_117/2008, il n'est pas en droit de rediscuter la problématique comme déjà expliqué. Aucun des éléments dont il se prévaut à ce propos n'est donc pertinent à l'examen de la proportionnalité de l'ordre de remise en état du 11 décembre 2020 (les travaux de désamiantage, le raccordement des canalisations, l'esthétique retrouvée du bâtiment, leur inscription dans le paysage et l'environnement, la question de la contradiction entre une autorisation d'abattage d'arbres et le refus d'une extension de m2 habitables).

Il lui appartenait au contraire de s'y conformer, ce qu'il n'a pas fait. En outre, il importe peu que les bâtiments existants sur sa parcelle n'auraient, depuis plus de trente ans, aucune affectation agricole. Cela ne saurait rendre disproportionné l'ordre de remise en état portant sur d'autres éléments nouvellement aménagés sans avoir requis une autorisation de construire et qui ne sont pas autorisables vu la zone concernée.

En outre et s'agissant de ces aménagements, il ressort des photographies produites par le département que le bâtiment cadastré n° 5______ a été réalisé entre 2009 et 2011. L'autre bâtiment, non cadastré, situé au nord-est du bâtiment n° 5______ a été érigé entre 2009 et 2015. Quant au chemin et à la cour, utilisée comme parking extérieur, situés au nord-est du bâtiment n° 5______, proche de la limite de propriété avec la parcelle n° 6'083, ceux-ci ont été aménagés entre 2016 et 2018. Le chemin et la cour, utilisée comme parking extérieur, situés au nord-est du bâtiment n° 1______ semblent être plus anciens et remonter à une époque située entre 2001 et 2005. Toutefois, cela n'est pas décisif dans la mesure où la prescription trentenaire ne s'applique pas hors de la zone à bâtir, comme l'a retenu le Tribunal fédéral.

Les préavis favorables dans le cadre de la DD 3______ ne sont aucunement pertinents dans la mesure où ils ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI) et que le département a, en l'occurrence, retenu que les travaux réalisés sur les bâtiments n°s 1______ et 2______ n'étaient pas autorisables selon sa décision du 23 novembre 2006, entrée en force.

En outre, la décision attaquée n'empêche pas le recourant et sa femme de vivre chacun dans leur maison, comme ils le souhaitent. Elle se limite à rétablir une situation conforme au droit par rapport à la zone agricole où se situent les aménagements litigieux.

L’état de santé du recourant et de son épouse sont documentés. En tout état de cause, les services de secours pourront toujours accéder aux deux bâtiments n°s 1______ et 2______ soit par le chemin du Moulin Neuf soit via la Route de La-Bâtie connectée audit chemin selon les données du SITG.

Le fait que les chemins et les cours soient recouvertes de la matière du Salève ne change rien au fait qu'il s'agit d’installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT, soumises à autorisation. En effet, ces aménagements ont eu une incidence sur l'affectation du sol puisqu'il était antérieurement recouvert de surface végétale, comme l'attestent les photographies produites par le département.

Dans la pesée des intérêts à effectuer, l'intérêt public lésé en l'espèce est bien de nature à justifier le dommage qu'implique pour le recourant l'ordre de remise en état des aménagements litigieux, étant précisé que l'intéressé, au vu des circonstances rappelées ci-dessus, ne pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire.

Son intérêt privé apparaît ainsi de pure convenance. Depuis maintenant plusieurs années, il jouit illicitement de la situation qu'il a créée. Il n'a de plus pas démontré que les frais de remise en état seraient excessivement élevés et que les démarches de remise en état seraient particulièrement difficiles.

Quant au délai fixé dans l'ordre de remise en état querellé, outre le fait que le département a souligné qu'il ne concernait pas les parties habitables, le recourant a qualifié les deux bâtiments de 12 et 18 m2 de « constructions de peu d'importance », de sorte que leur démolition n'apparaît pas inenvisageable dans ce délai, étant précisé que le recourant demeure libre de mandater une entreprise tierce pour procéder à la remise en état.

Au vu de ce qui précède, il appert qu'il n'existe aucune mesure moins incisive que la remise en état pour rétablir une situation conforme au droit et que l'intérêt public au respect de la zone agricole doit l'emporter sur les intérêts privés du recourant de continuer à profiter des aménagements litigieux. L'ordre de remise en état constitue une mesure adéquate et apte à atteindre le but visé et est ainsi conforme au principe de la proportionnalité.

Le grief est mal fondé.

16) Le recourant semble enfin de plaindre d'une violation du principe de l'égalité de traitement.

a. Une décision viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 145 I 73 consid. 5.1 ; 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2021 du 3 mai 2021 consid. 5.1 ; 2C_538/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3.2).

b. Selon la jurisprudence, une ou un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout. Cependant, cela présuppose de la part de l’autorité dont la décision est attaquée la volonté d’appliquer correctement, à l’avenir, les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés. En revanche, si l’autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle va persister dans celle-ci, la citoyenne ou le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des personnes tierces le soit aussi à elle-même ou lui-même, cette faveur prenant fin lorsque l’autorité modifie sa pratique illégale. Encore faut-il que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu’il n’existe pas un intérêt public prépondérant au respect de la légalité qui conduise à donner la préférence à celle-ci au détriment de l’égalité de traitement, ni d’ailleurs qu’aucun intérêt privé de personnes tierces prépondérant ne s’y oppose (ATF 139 II 49 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_337/2020 du 10 février 2021 consid. 4.2 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 3ème éd., 2013, p. 500 s. n. 1074 ss ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 627 ss n. 4.1.1.4).

De plus, une pratique constante demeurera cependant sans effet si son caractère illégal est identifié pour la première fois à l'occasion d'une procédure judiciaire ; dans ce cas de figure, il est présumé que l'autorité l'adaptera pour se conformer à la loi. Ce n'est que si l'autorité renonce à abandonner une pratique qu'elle sait illégale que le principe de l'égalité de traitement peut avoir le pas sur celui de la légalité. Si l'autorité ne s'exprime pas sur ses intentions futures, l'autorité judiciaire présume que celle-ci se conformera à la loi à l'avenir (ATF 127 I 1 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_436/2014 du 5 janvier 2015 consid. 5.1 ; Pierre TSCHANNEN, Gleichheit im Unrecht : Gerichtsstrafe im Grundrechtskleid in ZBl 112/2011 p. 74).

17) En l'espèce, le recourant ne peut se prévaloir du traitement réservé à une parcelle sise dans la commune de Bernex où aurait été autorisé l'abattage d'arbres. En effet, mis à part l'article de presse produit, le recourant n'a pas indiqué si la parcelle en cause se situait en zone agricole ou encore était située en zone de protection particulière par rapport à un cours d'eau, ce qui rend impossible toute comparaison.

En tout état de cause, il ressort de l'article en question que l'abattage des arbres et la construction d'un hangar en bois répondaient aux enjeux énergétiques et environnementaux de la région.

En outre, les procédures judiciaires en cours menées par ses voisins contre des décisions du département démontrent justement que celui-ci n'entend pas tolérer des aménagements illégaux ou maintenir une pratique reconnue comme étant illégale à Versoix.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

18) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 janvier 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Butrint Ajredini, avocat du recourant, au département du territoire-oac, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :