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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1093/2013

ATA/235/2014 du 08.04.2014 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; TAXI ; CHAUFFEUR DE TAXI ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; CONSULTATION DU DOSSIER ; BARÈME
Normes : LPA.10A; LPA.41; LPA.44; LPA.45; LTaxis.1.al1; LTaxis.39.al1; LTaxis.45.al1; LTaxis.46.al1; LTaxis.48.al1; RTaxis.47.al1; RTaxis.74
Résumé : Le recourant se plaignait de la violation de son droit à la consultation du dossier avant la prise de décision par le service. Conformément à la jurisprudence, le service aurait dû procurer au recourant le barème des sanctions, ainsi que le nom des dénonciateurs. En outre, le service était tenu de demander un préavis à la Commission instituée par la LTaxis dans le cadre d'infractions impliquant des amendes et la suspension de l'autorisation d'exploitation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1093/2013-TAXIS ATA/235/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 avril 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur X______

contre

SERVICE DU COMMERCE

 



EN FAIT

1) Monsieur X______, né le ______ 1962, exploite un taxi de service public en qualité d'indépendant, immatriculé GE Y______.

2) Le 26 août 2011, le service du commerce (ci-après : Scom), a reçu une dénonciation pour refus de course déposée contre M. X______ par deux chauffeurs de taxi.

Le 23 août 2011 à environ 15h15, cinq clients avaient sollicité les services de M. X______ pour se rendre de l'Aéroport international de Genève (ci-après : AIG) à l'avenue Louis-Casaï 56. Leur choix s'était porté sur lui car il conduisait une voiture de type « monospace » et pouvait les transporter les cinq à la fois. Il avait refusé la course, au motif que la distance était trop courte. Lesdits clients avaient finalement été transportés par les deux chauffeurs qui avaient dénoncé M. X______. Quant aux clients, ils n'avaient pas souhaité déposer de plainte eux-mêmes.

3) Par courrier recommandé du 30 mars 2012, le Scom a informé M. X______ de l’ouverture d’une procédure administrative à son encontre suite à une plainte menant au constat d'une ou plusieurs infractions à la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis - H 1 30) et lui a imparti un délai au 16 avril 2012 pour exercer son droit d’être entendu au sujet des faits qui lui étaient reprochés.

4) Le 10 avril 2012, M. X______ a répondu au Scom par courrier.

Au vu des huit mois écoulés depuis les faits reprochés, il ne lui était objectivement pas possible de se souvenir exactement des événements. Ne voulant pas spéculer inutilement, il se demandait néanmoins si les plaignants étaient de bonne foi, car toute personne pouvait déposer une plainte. Il était toujours à disposition des clients, étant donné que cet emploi lui permettait de subvenir aux besoins de sa famille, et il ne cautionnait en aucun cas les chauffeurs qui refusaient des courses.

5) Par décision du 8 mars 2013, le Scom a infligé une amende administrative de CHF 400.- à M. X______ sur la base des art. 45 à 47 LTaxis.

En effet, compte tenu des éléments allégués dans la plainte déposée à son encontre, le recourant avait refusé une course depuis l'AIG au motif que la distance était trop courte. Partant, les art. 39 al. 1 LTaxis et 23 al. 2 du règlement d’exécution de la LTaxis du 4 mai 2005 (RTaxis - H 1 30.01) avaient été violés.

6) Par acte posté le 4 avril 2013, M. X______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), sans prendre de conclusions formelles. Il s'opposait à l'amende qui lui avait été infligée.

Son droit d'être entendu, particulièrement son droit à la consultation du dossier, avait été violé. Alors que la demande avait été faite par téléphone dès la réception de la décision querellée, le 3 avril 2013, le Scom lui avait refusé la consultation de certaines pièces du dossier ; le nom des dénonciateurs et le barème des amendes ne pouvaient pas lui être communiqués. En outre, la consultation de son propre courrier du 10 avril 2012 et du barème des amendes lui avait été refusée.

Les faits étaient constatés de manière incomplète. Il n'avait pas commis de refus de course. Les éléments incriminants se basaient uniquement sur une dénonciation de deux autres chauffeurs dont les noms lui restaient inconnus.

7) Dans sa réponse du 17 mai 2013, le Scom a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision du 8 mars 2013.

Le droit à la consultation du dossier avait été respecté. En droit administratif, la consultation du dossier pouvait se voir limitée par l'intérêt public ou par des intérêts privés prépondérants. La consultation de pièces secrètes ou internes à l'administration pouvait être refusée, pour autant que la décision n'ait pas été prise en se fondant uniquement sur lesdites pièces. Le barème des amendes permettait exclusivement de définir le montant de celles-ci une fois que l'infraction elle-même était déjà qualifiée. Etant un outil interne, il ne se justifiait pas de le transmettre au recourant. Les chauffeurs avaient expressément demandé à l'autorité de conserver leur anonymat par peur de représailles. Leurs intérêts privés primaient le droit du recourant à connaître leurs identités.

Les faits étaient corroborés par deux chauffeurs. Aussi, leurs versions apparaissaient comme plus vraisemblable que celle du recourant qui n'avait apporté aucune preuve pertinente qui permettait de s'écarter des événements tels qu'ils étaient présentés par les dénonciateurs.

Le montant de l'amende se justifiait par l'infraction commise et la situation personnelle du recourant, celui-ci n'ayant soulevé aucune difficulté financière ; elle n'était pas disproportionnée.

8) Le 28 mai 2013, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 21 juin 2013 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

9) Le 13 juin 2013, le recourant a persisté dans ses conclusions et a insisté sur sa bonne foi, produisant des tickets de diverses courses de courtes distances qu'il avait accomplies.

10) Le Scom n'a pas formulé d'observations complémentaires.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant.

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas, en soi, un motif d’irrecevabilité, pourvu que l’autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/818/2013 du 18 décembre 2013 ; ATA/844/2012 du 18 décembre 2012 ; ATA/681/2010 du 5 octobre 2010). Une requête en annulation d’une décision doit, par exemple, être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/818/2013 précité ; ATA/844/2012 précité ; ATA/670/2010 du 28 septembre 2010 ; Pierre MOOR, Droit administratif, Vol. II, 3ème éd., 2011, p. 624 n. 5.3.1.2).

Il ressort clairement de l'acte de recours que le recourant demande matériellement l'annulation de la décision attaquée, dans la mesure où il dit s'y opposer et n'avoir pas commis le refus de course reproché. Le recours est donc recevable.

3) Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner liminairement (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2013 du 21 juin 2013 consid. 3), le recourant allègue la violation de son droit d'être entendu, particulièrement la possibilité de consulter certaines pièces du dossier et d'obtenir le nom de ses dénonciateurs. Il se plaint également d'une constatation incomplète des faits.

4) a. Les parties ont le droit d'être entendues par l'autorité compétente avant que ne soit prise la décision (art. 41 LPA). De plus, tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; Arrêts du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1 ; 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1).

b. Au stade non contentieux d'une procédure administrative, le droit de consulter le dossier s'exerce en principe sur demande (ATF 132 V 387 consid. 6.2 ; Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungs-verfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3ème éd., 2013, n. 498 ; Marc HÄUSLER/Reto FERRARI-VISCA, Das Recht auf Akteneinsicht im Verwaltungs- und Verwaltungsjustizverfahren, Jusletter 08.08.2011, n. 15) ; ce qui ressort aussi implicitement des art. 44 et 45 LPA, ce dernier parlant notamment de refus de l'autorité d'accorder la consultation du dossier. L'autorité qui verse au dossier de nouvelles pièces dont elle entend se prévaloir dans sa décision est toutefois tenue d'en aviser les parties (ATF 132 V 387 consid. 3.1 ; 124 II 132 consid. 2b et les arrêts cités).

5) Dans le cas d'espèce, par courrier du 30 mars 2012, le Scom a informé le recourant de l'ouverture d'une procédure à son encontre, en mentionnant la possibilité d'une amende et l'existence d'un courrier de plainte à l'origine de la procédure, et lui a imparti un délai au 16 avril 2012 afin de se déterminer sur les faits qui lui étaient reprochés. Le 10 avril 2012, le recourant a adressé au Scom ses observations, sans formuler la moindre demande d'accès au dossier ni d'obtention du nom des dénonciateurs. Le recourant est dès lors forclos à se plaindre d'une violation par le Scom de son droit d'être entendu.

Partant, ce grief sera écarté ; ce qui ne signifie toutefois pas que le refus subséquent du Scom de lui permettre de prendre connaissance du barème des amendes et de l'identité des dénonciateurs – il a pu reprendre connaissance de son courrier du 10 avril 2012 dans le cadre de la procédure par-devant la chambre de céans – soit fondé.

6) La LTaxis a pour but d’assurer un exercice des professions de transport de personnes au moyen de voitures automobiles et une exploitation des services de taxis et de limousines conformes notamment aux exigences de la sécurité publique, de la moralité publique, du respect de l’environnement et de la loyauté dans les transactions commerciales, ainsi qu’aux règles relatives à l’utilisation du domaine public (art. 1 al. 1 LTaxis).

L’art. 39 al. 1 LTaxis prévoit que les taxis de service public doivent accepter toutes les courses, quel que soit le lieu de prise en charge ou de destination du canton (cf. également l’art. 47 al. 1 RTaxis). Cette obligation est précisée à l’art. 23 RTaxis pour les courses partant de l’AIG. L’accès, qui est prévu au niveau « Arrivées » de l’aéroport, est réservé aux seuls taxis de service public (al. 1). Les chauffeurs qui accèdent à la station au niveau « Arrivées » s’engagent à accepter le paiement de la course soit par carte de crédit, soit en euros ou en dollars américains, et à se rendre à toute destination dans un rayon de 50 km (art. 23 al. 2 RTaxis).

7) Le recourant s'oppose à l'amende de CHF 400.- qui lui a été infligée.

8) a. Selon l’art. 45 al. 1 LTaxis, le département des affaires régionales, de l’économie et de la santé (ci-après : le département) (soit pour lui le Scom à teneur de l’art. 1 al. 1 et 2 RTaxis) peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la loi ou de ses dispositions d’exécution.

b. En cas de manquement aux devoirs imposés par la loi ou ses dispositions d’exécution par un chauffeur employé ou indépendant, le département peut, en tenant compte de la gravité de l’infraction ou de sa réitération, prononcer à l’encontre du titulaire de la carte professionnelle de chauffeur de taxi ou de limousine la suspension de la carte professionnelle pour une durée de dix jours à six mois ou le retrait de la carte professionnelle (art. 46 al. 1 LTaxis).

9) a. Force est de constater en l'espèce que l’amende administrative en cause est entachée d’un vice procédural, comme la chambre de céans l’a déjà jugé à plusieurs reprises (ATA/818/2013 précité ; ATA/844/2012 précité ; ATA/757/2011 du 13 décembre 2011).

b. Selon l’art. 48 al. 1 LTaxis, une commission de discipline (ci-après : la commission), formée des représentants des milieux professionnels, des organes de police et de l’office cantonal des automobiles et de la navigation, devenu depuis lors l’office cantonal des véhicules (ci-après : l’office), est appelée à donner son préavis sur les mesures et sanctions administratives prononcées par le département. Ses préavis ont valeur consultative et ne lient pas ce dernier.

c. A teneur de l’art. 74 RTaxis, cette commission siège à quatre membres, par rotation éventuelle entre eux. Elle est présidée par un représentant du Scom qui invite un membre de la police et un membre de l’office à participer aux séances (al. 1). Ces dernières sont convoquées par le Scom, autant de fois qu’il le juge nécessaire, selon les dossiers en cours (al. 2). Pour les infractions impliquant des amendes en application de l’art. 45 de la LTaxis, le préavis de la commission peut être donné au service par la seule approbation d’un barème (al. 3).

d. En plusieurs occasions déjà (ATA/818/2013 précité ; ATA/223/2012 du 17 avril 2012 ; ATA/844/2012 précité ; ATA/757/2011 précité), la chambre de céans a mis en doute la légalité de l’art. 74 al. 3 RTaxis.

e. La question de savoir si cette disposition réglementaire dispose d’une base légale suffisante sera une fois encore laissée ouverte pour la raison suivante. Selon le texte clair de l’art. 74 al. 3 RTaxis, l’approbation par la commission du barème ne peut dispenser cette dernière d’émettre un préavis que « pour les infractions impliquant des amendes ». Or, tel n’est pas le cas de l'infraction reprochée au recourant, le refus de course étant, selon ledit barème, passible d’une amende mais aussi d’une suspension de la carte professionnelle. Bien que cette mesure n’ait, en l’espèce, pas été prononcée contre le recourant, cela suffit à démontrer que cette infraction est considérée comme grave. Le Scom devait ainsi convoquer la commission et requérir son préavis, le barème édicté ne se limitant pas à prévoir des amendes pour les infractions reprochées et l’art. 48 al. 1 LTaxis ne prévoyant pas d’exception à la règle de consultation de cette autorité.

f. Conformément à la jurisprudence (ATA/818/2013 ; ATA/223/2012 et ATA/757/2011 précités), l’absence de préavis, dans un tel cas, entraîne l’invalidation de la décision (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, op. cit., ch. 2.2.5.4, p. 279 et les références citées).

10) Dans le cas d'espèce, le Scom n'a pas demandé de préavis à la commission pour se prononcer sur l'amende infligée au recourant. En conséquence, le recours sera partiellement admis et le dossier sera retourné au Scom afin qu’il requière le préavis de la commission puis qu’il statue à nouveau.

11) Par économie de procédure, et nonobstant le rejet du grief de violation du droit d'être entendu pour les motifs déjà exposés, il convient d'examiner si, suite à ce renvoi, le Scom doit ou non fournir au recourant l'accès aux pièces qu'il sollicite.

12) Le recourant sollicitait en premier lieu la consultation du barème des amendes administratives. La chambre de céans a déjà jugé (ATA/89/2012 du 15 février 2012 renvoyant à l'ATA/757/2011 précité), que le Scom ne pouvait garder confidentiel le barème des amendes administratives. Le barème doit ainsi être accessible à chacun, au même titre que le sont les montants des amendes d’ordre, par exemple. Dès lors que la LTaxis ne pose pas de limite à la consultation du barème, celui-ci est en principe un document accessible au public au sens de l’art. 25 al. 2 de la loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08), qu’on le considère comme un préavis général ou comme une forme de directive. Il ne revêt en tout cas pas la qualité de pièce interne à l’administration, par quoi l’on entend notamment les communications entre fonctionnaires traitant un dossier ou les notes internes dans lesquelles l’administration consigne ses réflexions sur l’affaire en cause (Arrêts du Tribunal fédéral 8C_251/2011 du 19 décembre 2011 ; 2C_250/2009 du 2 juin 2009), ou encore des brouillons, textes inachevés ou procès-verbaux non approuvés (art. 25 al. 4 LIPAD). Partant, le Scom doit donner au recourant accès au barème.

13) a. Le recourant requérait également de connaître l'identité des dénonciateurs. La LPA prévoit l'accès général au dossier, sauf si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants permettent de l'interdire (art. 44 et 45 LPA). Il n'existe pas en la matière de norme spécifique et concrète garantissant l'anonymat, et seule est interdite l'instruction d'une dénonciation anonyme (art. 10A LPA). Le Tribunal fédéral a précisé que l’intérêt de la personne dénoncée à connaitre l'identité de ses dénonciateurs peut se voir limiter par les intérêts publics de l'Etat ou les intérêts légitimes du tiers dénonciateur. Toutefois, il ne peut être accepté un intérêt général pour garantir la confidentialité de tout informateur ; il convient de se déterminer par une pesée des intérêts en examinant les intérêts du dénoncé et du dénonciateur (ATF 129 I 249 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, op. cit., ch. 2.2.7.6, p. 326 s.).

b. Dans le cas d'espèce, le Scom se prévaut des intérêts privés prépondérants des deux chauffeurs de taxis. Ces derniers ont expressément requis auprès du Scom que leur identité reste secrète : « nous craignons des représailles de la part de ce chauffeur et nous vous prions de rester le plus discret possible ». Néanmoins, il n'a pas été rendu vraisemblable – rien de tel ne ressort du dossier – que le recourant serait une personne dangereuse ou qu'il ait déjà menacé l'intégrité ou même les intérêts des deux chauffeurs. En l'état, il ne peut pas être considéré que ceux-ci soient exposés à un quelconque risque concret.

c. De l'autre côté, le recourant a été sanctionné par le Scom uniquement sur la base des propos tenus par ses deux collègues, dont il ignore l'identité. Il est le seul à pouvoir déterminer s'il connaît ses dénonciateurs, et s'il existe une animosité ou une quelconque rivalité entre eux. De ce fait, il peut seul juger de l'utilité de remettre en cause l'authenticité de leur accusation. Il en va de son intérêt privé à pouvoir se défendre, qui se double, dans le cadre d'une procédure où l'administré est sanctionné uniquement sur la base de faits rapportés par des tiers, de l'intérêt public à une saine administration de la justice. L'administré doit en effet pouvoir se défendre en ayant connaissance de tous les éléments l'incriminant, ce qui permet également à l'autorité judiciaire de ne pas, le cas échéant, confirmer une sanction sans être au courant d'éventuels motifs sous-jacents à la dénonciation.

d. Dès lors, compte tenu des intérêts en jeu, le Scom ne peut pas refuser de divulguer les noms des deux dénonciateurs au recourant avant de prononcer une sanction.

 

14) Pour le surplus, le Scom ne peut ignorer la jurisprudence constante de la chambre de céans. Nonobstant celle-ci, il continue à se passer de l’exigence légale de recueillir le préavis de la commission pour les infractions impliquant des amendes et des suspensions d'autorisation. Aussi un émolument de CHF 500.- sera-t-il mis à sa charge, en dérogation au principe général posé à l’art. 87 al. 1 2ème phr. LPA. Aucune indemnité de procédure ne sera toutefois allouée au recourant, qui n’y a pas conclu et n’a pas exposé de frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 avril 2013 par Monsieur X______ contre la décision du service du commerce du 8 mars 2013 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du service du commerce du 8 mars 2013 ;

renvoie la cause au service du commerce au sens des considérants ;

dit qu’il est perçu un émolument de CHF 500.-, à la charge du service du commerce ;

dit qu'aucune d’indemnité de procédure ne sera allouée ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ; par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur X______, ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :