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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4180/2016

ATA/492/2018 du 22.05.2018 ( MARPU ) , REJETE

Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR ; NOTIFICATION DE LA DÉCISION ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; MOTIVATION DE LA DÉCISION ; MARCHÉS PUBLICS ; APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS) ; PROCÉDURE D'ADJUDICATION ; LÉGALITÉ ; PROCÉDURE OUVERTE ; ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS) ; SOUMISSIONNAIRE ; PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL) ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : AIMP.15.al1; AIMP.15.al1bis.lete; AIMP.15.al2; L-AIMP.3.al1; RMP.56; LPA.60; Cst.29.al2; AIMP.16; AIMP.1; AIMP.11; RMP.24; Cst.8.al1; RMP.16; Cst.29.al1; Cst.30.al1; LPA.87; RMP.46; Cst.5.al1; AIMP.15.al1bis.leta; RMP.55.leta; RMP.31.al1; AIMP.11.letc
Parties : FABIO BERNASCONI PEINTURE, CONSORTIUM MME S.Z. PESKO BONOLI, PESKO BONOLI CONSERVATION ET AUTRES, MME V. BACHER TILLMANNS, ATELIER DE RESTAURATION D'ART BACHER TILLMANNS, MME L. PAOLINI ET M. S. CUBEDDU, ATELIER LE CASTEL, STEIN Maja, ORTH & FILS SARL, RADELET Thierry, CONSORTIUM THIERRY RADELET - ORTH & FILS SÀRL / VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMÉNAGEMENT, CONSORTIUM SINOPIE ET AUTRES, ENTREPRISE BELLONI SA, EMMANUELLE ZEM ROHNER
Résumé : La décision d'adjudication de la ville étant, en tous points, conforme au droit, les recours sont rejetés. L'évaluation du prix des offres échappe à tout grief d'arbitraire, le pouvoir adjudicateur a correctement appliqué la méthode T2, plaçant l'adjudicataire en première position au vu du prix proposé. Ce dernier n'a en particulier pas violé les principes de l'égalité de traitement et de transparence en considérant que l'offre de l'adjudicataire n'était pas anormalement basse. L'évaluation des offres, sous l'angle du critère de la qualité technique des échantillons, n'est constitutive d'aucun excès ou abus de son pouvoir d'appréciation, pas plus qu'elle n'est arbitraire.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4180/2016-MARPU ATA/492/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 mai 2018

 

dans la cause

 

Madame Susana PESKO BONOLI, Madame Véronique BACHER TILLMANNS, Madame Laurence PAOLINI, Monsieur Sandro CUBEDDU,
Madame Maja STEIN et FABIO BERNASCONI PEINTURE Sàrl, en consortium
représentés par Me Nathanaëlle Petrig, avocate 

et

Monsieur Thierry RADELET et ORTH & Fils Sàrl, en consortium,

représentés par Me Bénédict Fontanet, avocat

 

contre

 

VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMÉNAGEMENT


et

SINOPIE Sàrl, Madame Emmanuelle ZEM ROHNER et Belloni et Cie SA, en consortium, appelées en cause 

représentées par Me Pascal Nicollier, avocat

_________



EN FAIT

1) Le 4 juin 2014, Monsieur Olivier GUYOT (ci-après : le conseiller en restauration ou l'expert) a été désigné par la Ville de Genève (ci-après : la ville) comme conseiller en restauration dans le cadre de la rénovation du Grand Théâtre, à l’issue d’une procédure de gré à gré qui l’a opposé à la société Sinopie Sàrl, représentée par Monsieur Alain BESSE, son directeur. Le mandat et les prestations demandées consistaient à analyser la situation existante en matière de restauration telle qu’elle ressortait de trois rapports des 16 décembre 2010, 23 septembre et 7 octobre 2013 établis par l’Atelier Saint-Dismas - spécialisé dans la conservation-restauration d’œuvres d’art -, à formuler des propositions d’interventions par foyer et par élément (intégrant les enjeux historiques, la cohérence de traitement entre espaces, le temps et les moyens financiers à disposition), à rédiger un rapport préliminaire en vue d’une présentation à la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), à assister la ville lors de séances devant la CMNS, à rédiger un rapport définitif et à préparer un document d’appel d’offres. Il s’agissait également de participer au choix de l’exécutant pour la réalisation et d’appuyer les architectes lors des travaux.

2) a. Le 18 août 2015, par publication dans la Feuille d’Avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et sur le site www.simap.ch des marchés publics romands, la ville a lancé un appel d’offres, en procédure ouverte, pour les travaux de restauration des décors monumentaux des foyers patrimoniaux du Grand Théâtre de Genève. Le marché était soumis à l'accord GATT/OMC sur les marchés publics du 15 avril 1994 (AMP - RS 0.632.231.422) et aux traités internationaux, de même qu'à la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP -
L 6 05.0), à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05) et au règlement sur la passation des marchés publics du
17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

Le dossier d'appel d'offres était composé d'un cahier des charges, soit le
« Document A1 », et d'une offre vierge du candidat à remettre, soit le « Document B1 ». Ledit dossier faisait notamment état des éléments ci-après.

b. Le projet était divisé en trois lots indivisibles et le prix du marché était estimé à CHF 2'800'000.- hors taxes (ci-après : H.T), soit CHF 1'500'000.- H.T pour le lot n° 1 concernant la restauration du grand foyer, du petit foyer et du carré d’or, CHF 500'000.- H.T pour le lot n° 2 relatif à la restauration de l’avant-foyer et CHF 800'000.- H.T pour le lot n° 3 concernant la restauration des cages d’escaliers.

c. La procédure était ouverte aux seuls restaurateurs d’art (pilote) lesquels devaient constituer un « pool » pluridisciplinaire d’entreprises comprenant des peintres, des spécialistes en papiers-peints et des experts en réalisation et reconstitution de faux marbre (chiffre 1 du cahier des charges). La sous-traitance n'était pas admise (chiffre 3.6 du cahier des charges).

d. Le point 2.2.5 du cahier des charges détaillait l’intervention à effectuer par le soumissionnaire en distinguant cinq thèmes principaux, soit le grand foyer (conservation-restauration sur l’ensemble des surfaces au-dessus de la grande corniche supérieure), le petit foyer (conservation-restauration sur l’ensemble des surfaces qui n’incluaient pas la conservation-restauration des tapisseries, lesquelles feraient l’objet d’une offre séparée), le carré d'or
(conservation-restauration sur l’ensemble des surfaces, y compris éventuellement le traitement des papiers peints), l'avant-foyer (travaux de conservation-restauration sur l’ensemble des surfaces, traitement de reconstitution des décors peints sur le plafond et les murs) et les escaliers monumentaux (conservation des peintures murales et des décors sur le haut des murs, dégagement des faux marbres existants et reconstitution des décors peints et des faux marbres).

Un dossier photographique en pièce jointe illustrait les zones concernées.

e. Selon le point 5.1 du cahier des charges, les critères d'aptitude étaient au nombre de trois : les références des candidats, l'organisation du candidat et l'approche de la réalisation.

Le candidat était exclu notamment si son dossier n'était pas recevable, ou s’il trompait ou cherchait à tromper intentionnellement le pouvoir adjudicateur par la production de documents faux ou erronés, ou par la fourniture d’informations caduques ou mensongères (chiffre 3.6 du cahier des charges).

f. Les critères d'adjudication étaient au nombre de deux : la qualité économique globale de l’offre (prix et crédibilité du prix), pondérée à 40 %, et la qualité technique des échantillons, pondérée à 60 % (point 5.2 du cahier des charges).

L'adjudicateur ne notait pas les offres sous l'angle du temps consacré pour exécuter le marché (point 5.8 du cahier des charges). Le « Document B1 » de l'appel d'offres précisait qu'un facteur de crédibilité pouvait être utilisé pour pondérer la note du critère du prix.

Selon le point 5.7 du cahier des charges, la notation du prix se ferait selon la méthode T2, soit le montant de l’offre la moins disante à la puissance 2, multiplié par la note maximale possible (note 5), le tout divisé par le montant de l’offre concernée à la puissance 2. Le prix le moins élevé offert pouvait être celui estimé par l’adjudicateur si celui-ci était justifié pour des raisons de limites budgétaires qui ne pouvaient en aucun cas être dépassées et s’il était en-dessous de celui de l’offre la moins disante, soit selon la formule suivante :

Note offrex = Coût offre min 2 x 5

Coût offrex

Le « Document B1 » de l'appel d'offres précisait que l’échantillon serait réalisé sur une zone déterminée du foyer, d’une manière conforme aux prestations décrites dans le cahier des charges. Lorsque le soumissionnaire était constitué en consortium, l’échantillonnage devait être réalisé par un membre de l’entreprise pilote. La personne en charge de la réalisation de l'échantillon devait faire partie de l'équipe annoncée dans l'appel d'offres.

Le barème des notes s’échelonnait de 0 à 5, les notes pouvant aller jusqu’au centième. La notation des sous-critères n’était pas obligatoire (chiffre 5.6 du cahier des charges).

g. Selon le point 5.5 du cahier des charges, l'adjudicateur avait décidé de limiter le nombre des offres examinés après examen des critères d'aptitude à trois candidats au maximum.

Selon les points 4.7 et 5.9 du cahier des charges, afin d'évaluer les candidats retenus après l'examen des critères d'aptitudes, l'adjudicateur procéderait à l'évaluation des offres sur la base d'un échantillon de restauration, effectué en adéquation avec le cahier des charges. Le « Document B1 » de l'appel d'offres donnait des précisions sur la qualité technique des échantillons.

La procédure d’évaluation serait conduite par un comité d’évaluation composé de Monsieur Philippe MEYLAN, directeur du patrimoine bâti de la ville, de Madame Christine FEISS, architecte rattachée à la direction du patrimoine bâti de la ville, de M. GUYOT, expert-conservateur intervenant en tant que conseiller en restauration, et de Monsieur François DULON, de l’Atelier March SA, lequel avait été mandaté par l’architecte.

h. Selon le chiffre 3.7 du cahier des charges, aucun candidat, membre, associé ou sous-traitant ne devait se trouver en situation de conflit d'intérêts avec les membres du comité d'évaluation. Un tel conflit existait si un bureau, un collaborateur ou un associé était en relation d'affaires ou possédait des liens avec un des membres du comité d'évaluation.

La personne ou le bureau qui avait réalisé une prestation particulière avant le lancement de la procédure pouvait y participer pour autant que cette prestation soit limitée dans le temps et achevée lors du lancement de la procédure, ne touche pas l'organisation de la procédure ou l'élaboration du cahier des charges, et ne fasse pas partie du marché mis en concurrence (expertise, étude de faisabilité, étude d'impact ; point 3.7 du cahier des charges).

i. Le chiffre 5.13 du cahier des charges énumérait quant à lui les décisions sujettes à recours, soit notamment l'appel d'offres et la décision d'adjudication.

3) Six candidats ont déposé une offre. Deux d'entre elles - L'Atelier
Saint-Dismas et l'Atelier Jozef Trnka, dont les offres établies toutes deux à
CHF 1'172'630.69 ont finalement été traitées comme relevant du même dossier - ont fait, d’entrée de cause, l’objet d’une décision d’exclusion en raison de documents manquants. Les offres des quatre candidats restants ont été évaluées sous l’angle des critères d’aptitudes par le comité d’évaluation. Il s’agissait des offres présentées par :

- le consortium composé de Sinopie Sàrl (pilote), Belloni et Cie SA ainsi que de Madame Emmanuelle ZEM ROHNER (ci-après : le consortium SINOPIE) pour un montant de CHF 1'111'788.50. Il ressortait notamment du curriculum vitae (ci-après : CV) de M. BESSE figurant dans le dossier d'appel d'offres que celui-ci avait travaillé en qualité de collaborateur spécialisé au sein de l’Atelier
Saint-Dismas entre 1989 et 2012 ;

- le consortium composé de Monsieur Julian JAMES (pilote) et de
Vugliano SA (ci-après : le consortium Julian JAMES) pour un montant de
CHF 1'129'915.- ;

- le consortium composé de Madame Suzanne PESKO BONOLI (pilote), de Madame Véronique BACHER TILLMANNS, de Madame Laurence PAOLINI et Monsieur Sandro CUBEDDU de l’Atelier le Castel, de Fabio Bernasconi Peinture Sàrl et de Madame Maja STEIN (ci-après : le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS) pour un montant de CHF 1'443'433.- ;

- le consortium composé de Monsieur Thierry RADELET (pilote) et d'Orth & fils Sàrl (ci-après : le consortium RADELET) pour un montant de
CHF 1'985'040.-.

4) Par décision du 3 février 2016, la ville a écarté le consortium SINOPIE de la procédure d’échantillonnage, admettant les trois autres consortiums à y participer.

Le consortium SINOPIE a interjeté un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision en invoquant notamment l’existence d’un cas d’exclusion du consortium Julian JAMES en raison d’un conflit d’intérêts avec M. GUYOT (cause A/513/2016). Dans le cadre de son recours, le consortium SINOPIE a notamment exposé s'être porté candidat dans la procédure de gré à gré visant à désigner le conseiller en restauration pour la rénovation du Grand Théâtre, mais ne pas avoir été choisi, au profit de M. GUYOT.

Les consortiums RADELET et PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS ont été appelés en cause dans le cadre de cette procédure.

5) Par décisions des 20 avril 2016, notifiées aux quatre consortiums évalués dans la première phase, la ville a révoqué l’ensemble des décisions du 3 février 2016.

Le même jour, elle a notifié une décision d’exclusion au consortium Julian JAMES et trois décisions de sélection aux consortiums SINOPIE, PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS et RADELET.

6) Le consortium Julian JAMES qui avait recouru auprès de la chambre administrative contre la décision de l’exclure du marché (cause A/1312/2016), a finalement retiré son recours et la cause a été rayée du rôle par décision du
6 juillet 2016 (
ATA/571/2016). De même, la cause A/513/2016 a été rayée du rôle, faute d’objet, le consortium SINOPIE ayant été réintégré dans la procédure d’adjudication (ATA/570/2016).

7) Pour la réalisation des échantillons par les trois consortiums en lice, un protocole a été établi par Mme FEISS et par M. GUYOT. Le premier échantillon consistait en la mise au jour d’un témoin de décor original sur la doucine du carré d’or (ci-après : échantillon n°1). Il s’agissait d’une intervention de restauration. Le second échantillon à réaliser consistait en un travail relevant de la décoration portant sur la reconstitution de l’ancienne polychromie sur les boiseries des soubassements du carré d’or (ci-après : échantillon n° 2).

Le protocole précisait que les échantillons devaient être réalisés sous la responsabilité du pilote qui devait être impérativement présent. En cas d’adjudication, les personnes qui avaient réalisé les échantillons devaient être présentes sur le chantier, et ceci sur toute la durée. Selon les estimations de l’expert, pour la réalisation de chacun des deux échantillons, un restaurateur et un peintre décorateur devaient être présents. La composition de l’équipe était toutefois laissée à la libre appréciation du pilote.

8) Les deux échantillons ont été réalisés par les trois candidats entre les mois de juillet et août 2016.

La réalisation des échantillons a été supervisée par M. GUYOT. À chaque fois, celui-ci a complété de manière manuscrite un exemplaire dudit protocole pour y faire figurer ses observations, en soumettant ce protocole à la signature du représentant du consortium concerné.

Selon le protocole établi pour le consortium SINOPIE, M. BESSE était présent pour la réalisation de deux échantillons, ainsi qu’un peintre de Belloni et Cie SA. Pour la réalisation du premier échantillon, était également présent, le premier jour, Monsieur Jean-François DE DOMINICI, représentant de l’entreprise Nuance Minérale.

9) Suite à la réalisation des échantillons, M. GUYOT a notamment rédigé, à l'attention du comité d'évaluation, un document formalisant des notes et remarques à ce sujet, accompagné de photos desdits échantillons ainsi que, le
2 septembre 2016, un document intitulé « synthèse des notes et remarques » incluant le temps qu’avait nécessité pour chacun des consortiums la réalisation des échantillons nos 1 et 2.

La teneur desdites pièces seront reprises en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

10) Le 6 septembre 2016, les échantillons ont été présentés d’une manière anonymisée à trois représentants de la CMNS et/ou de l'office du patrimoine et sites. Ceux-ci ont jugé que tous les échantillons étaient acceptables au regard des exigences demandées par cette commission dans les préavis donnés dans le cadre de la délivrance des autorisations de construire.

11) Le 13 octobre 2016, le comité d’évaluation s’est réuni pour procéder à l’évaluation des échantillons. Aucun procès-verbal écrit n’a été tenu de leur délibération.

Ils ont attribué les notes suivantes :

Échantillon

PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS

RADELET

SINOPIE

N° 1

4,5

4,5

3,5

N° 2

4,5

3,5

4,0

Moyenne

4,5

4,0

3,8

Ils ont décidé de ne pas appliquer de facteur de pondération en rapport avec la crédibilité du prix.

12) Le 18 octobre 2016, la ville a demandé aux trois consortiums de lui confirmer, notamment, l'ensemble des prix unitaires figurant dans leur offre, ce qu'ils ont chacun fait.

13) Par décision du 15 novembre 2016, la ville a adjugé le marché au consortium SINOPIE, son offre ayant été jugée économiquement la plus avantageuse.

Les deux autres consortiums ont été avisés de l'adjudication par décisions séparées. Le tableau comparatif des offres était joint et faisait partie intégrante de la décision. En résumé, il présentait les résultats suivants :

 

 

 

Montant de l’offre TTC

Critère 1 :
Qualité économique

Critère 2 : échantillons

Total

Rang

 

 

Note

Pond.

Points

Note

Pond.

Points

 

 

Consortium SINOPIE

1'111'788.50

5,00

40

200,00

3,80

60

228,00

428,00

1

Consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS

1'443'433.-

2,97

40

118,65

4,50

60

270,00

388,65

2

Consortium RADELET

1'985'040.-

1,57

40

62,74

4,00

60

240,00

302,74

3

14) Le 28 novembre 2016, sur requête du consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS, les représentants de ce dernier ont été reçus par des représentants du pouvoir adjudicateur afin de répondre à leurs questions relatives à la décision d’adjudication.

15) Par courrier du 2 décembre 2016, le consortium RADELET a indiqué à la ville avoir appris qu'une décision d'adjudication avait été rendue en faveur du consortium SINOPIE, mais n'avoir toujours pas reçu ladite décision.

16) Par acte mis à la poste le 5 décembre 2016, le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS a interjeté un recours auprès de la chambre administrative à l’encontre de la décision précitée, en sollicitant son annulation et que le marché lui soit attribué. À titre préalable, sur mesures provisionnelles, l’effet suspensif devait être restitué au recours et les échantillons réalisés par l’adjudicataire et les recourants devaient être conservés. La ville devait produire l’ensemble du dossier et les autoriser à avoir accès au rapport de synthèse des observations et des discussions du groupe d’évaluation ainsi qu’au rapport de l’adjudicataire du 29 avril 2014, au besoin à des extraits caviardés de ces documents. Si besoin, un expert neutre devait être désigné pour contrôler la conformité, respectivement la non conformité de l’échantillon de l’adjudicataire avec le cahier des charges, ainsi que l'incomparabilité des prix de l’offre de l’adjudicataire avec la leur.

Le recours a été enregistré sous la cause A/4180/2016.

Il avait reçu la décision litigieuse par pli simple le 3 décembre 2016. Son droit d’être entendu avait été violé dès lors que la ville avait d'abord refusé de communiquer par écrit la motivation de la décision litigieuse, puis refusé de communiquer la synthèse des observations et discussions du groupe d'évaluation ainsi qu'un rapport établi par Sinopie Sàrl en 2014 formulant des propositions d'intervention et d'estimation des coûts, et n'avait pas indiqué les raisons de l'attribution de la note de 3,8 à l'échantillon de l'adjudicataire.

L’autorité adjudicatrice avait violé le principe de l’égalité de traitement et d’interdiction de l’arbitraire dans l’évaluation de la qualité économique des offres en ne rétablissant pas la comparabilité de celles-ci, par application d’un coefficient avant l'application de la méthode T2. Il convenait d'appliquer une règle de trois (3,8/4,5 = x/100) pour obtenir le rapport de qualité entre leur offre et celle de l'adjudicataire, ce qui donnait une différence de 18,7 %. En soustrayant 18,7 %, soit CHF 269'921.-, du prix de leur offre, celle-ci s'établissait à CHF 1'173'511.-. On pouvait alors appliquer la méthode T2 à ce montant, ce qui leur donnait une note de 4,8 et le plaçait en tête. La ville n’avait également pas tenu compte d’une offre manifestement trop basse en appliquant un facteur de pondération du prix proposé par l’adjudicataire, alors que l'offre de ce dernier était 23 % moins chère que sa propre offre et 44 % moins chère que celle du consortium arrivé en troisième position. La ville avait évalué arbitrairement l’échantillonnage réalisé par l’adjudicataire, en lui appliquant une note supérieure à la moyenne alors qu'il ne respectait pas le cadre du cahier des charges, ne s’accordant pas avec le concept de restauration prévu dans celui-ci. L'adjudicataire avait utilisé du vernis à l’huile et avait appliqué une couche de bronzine sur celle d’origine, ce qui ne respectait pas le décor initial dégagé ou l’aspect vieilli de celui-ci, contrairement à ce qui était imposé. L'adjudicataire n'avait pas fait une retouche intégrée, telle que requise dans la soumission, mais une reconstitution contraire au cahier des charges. Le principe de l’égalité de traitement entre soumissionnaires avait été violé du fait de la pré-implication de Sinopie Sàrl, laquelle avait participé à la procédure de gré à gré destinée à la désignation du spécialiste en restauration chargé de préparer l’appel d’offres et de superviser celle-ci sur le plan technique.

Était joint au recours un chargé de pièces. Le détail des griefs ainsi que la teneur des pièces produites seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

17) Le 7 décembre 2016, le juge délégué a appelé en cause le consortium SINOPIE, a fait interdiction à la ville de conclure le marché jusqu’à droit jugé sur effet suspensif et a prié cette dernière de prendre toutes les mesures nécessaires à la préservation des échantillons réalisés par les parties.

18) Le 12 décembre 2016, sur requête du consortium RADELET, les représentants de ce dernier ont été reçus par des représentants du pouvoir adjudicateur afin de répondre à leurs questions relatives à la décision d’adjudication.

19) Par acte mis à la poste le 13 décembre 2016, le consortium RADELET a également recouru auprès de la chambre administrative contre la décision d’adjudication du 15 novembre 2016. Il concluait à l’annulation de ladite décision et à ce que le marché lui soit attribué. Subsidiairement, la procédure d’adjudication devait être répétée. À titre préalable, il sollicitait l’octroi de l’effet suspensif à son recours.

Son recours a été enregistré sous la cause A/4288/2016.

Il avait reçu la décision litigieuse par pli simple le 3 décembre 2016. Son droit d’être entendu avait été violé par défaut de motivation de la décision attaquée sur la manière dont avait été examinée la crédibilité du prix proposé par le consortium SINOPIE et les raisons qui avaient conduit la ville à adjuger le marché à ce dernier, alors qu’il l’avait écarté dans un premier temps au motif qu'il ne remplissait pas les critères d'aptitude.

Le principe de l’égalité de traitement entre soumissionnaires avait été violé en raison de la pré-implication de Sinopie Sàrl. Cette dernière avait été approchée en 2014 par le pouvoir adjudicateur afin d'élaborer les documents d'appel d'offres et, par la suite, de surveiller l'exécution du marché. Dans ce cadre, ladite société avait rendu un rapport contenant des propositions d'intervention et d'estimation des coûts. Si le mandat de conseiller en restauration avait finalement été octroyé à M. GUYOT et non à Sinopie Sàrl, cette dernière avait bénéficié du travail préparatoire qu'elle avait déjà réalisé dans ce cadre. Ce grief n'était par ailleurs pas tardif. La procédure était ainsi viciée et devait être répétée. Le principe de la légalité avait été violé par la ville par son choix d’adopter une procédure qui dérogeait au numérus clausus des procédures de passation telles que prévues par la législation applicable. Si l'appel d'offres mentionnait la procédure ouverte, la procédure suivie par le pouvoir adjudicateur était en réalité une procédure ouverte et sélective. Ce grief n'était pas tardif, dès lors qu'il n'était pas rompu au droit des marchés publics. Les offres avaient par ailleurs été appréciées de manière arbitraire, qu’il s’agisse du critère du prix ou de celui de la qualité technique. S’agissant du prix, celui de l’adjudicataire aurait dû faire l’objet d’une pondération. Son prix, CHF 800'000.- moins cher que le sien, n'était pas crédible dès lors qu'il avait passé le double du temps à la réalisation des échantillons. En s'abstenant d'appliquer un critère de pondération, la ville avait violé les principes d'égalité de traitement et de transparence. En outre, la procédure d’évaluation était viciée. Toutes les offres se situaient en dessous du prix estimé par le pouvoir adjudicateur et auraient donc dû obtenir la note maximale, alors qu’il lui avait été attribué une note bien inférieure. Dans une autre affaire qui avait fait l'objet d'un arrêt de la chambre administrative (ATA/899/2016), également relative à un marché devisé à CHF 2'800'000.- et comportant les mêmes critères d'aptitude et d'adjudication, un soumissionnaire avait déposé une offre à CHF 1'950'000.- et avait obtenu la note de 3,48 s'agissant du critère du prix. Cela démontrait que la note de 1,57 qu'il avait obtenu pour une offre à CHF 1'900'000.- était arbitraire. Sous l’angle de la qualité, l’échantillonnage réalisé par le consortium adjudicataire avait été évalué de manière arbitraire, ce d’autant plus qu’il avait été évincé dans un premier temps. Leurs propres échantillons avaient été notés d’une manière incompréhensible, puisque l’expert avait qualifié leur travail de « très bon ». Seul leur échantillon avait par ailleurs fait l'objet d'une appréciation qualitative. En outre, lorsque les échantillons avaient été réalisés par le consortium SINOPIE, se trouvait sur le chantier M. DE DOMINICI, non annoncé dans l’offre, lequel avait dû expliquer au peintre dudit consortium comment appliquer les couleurs. Par ailleurs, aucune personne responsable dudit consortium n'était présente sur place.

Était joint au recours un chargé de pièces. Le détail des griefs ainsi que la teneur des pièces produites seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

20) Par décision du 16 décembre 2016, le juge délégué a ordonné l’appel en cause du consortium RADELET dans la cause A/4180/2016, ainsi que l'appel en cause du consortium SINOPIE dans la cause A/4288/2016, de même que l’appel en cause du consortium BACHER TILLMANNS. Il a également ordonné la jonction des causes A/4180/2016 et A/4288/2016 sous la cause A/4180/2016.

21) Le 10 janvier 2017, le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS a persisté dans ses conclusions sur le fond et en restitution de l’effet suspensif.

Il ressortait de certaines pièces produites par le consortium RADELET à l'appui de son recours, lesquelles lui avaient d'ailleurs été refusées par la ville en violation de son droit d'être entendu, la présence d’un tiers non annoncé dans l’offre lors de la réalisation de l’échantillonnage par l’adjudicataire. Celui-ci avait réalisé de nombreux travaux durant l'échantillonnage, tout en précisant qu'il ne serait pas présent lors de la réalisation du marché. En revanche, aucun responsable de Belloni et Cie SA n’avait été présent. Les procédés utilisés par le consortium adjudicataire dans la confection des échantillons n’étaient ni conformes au cahier des charges ni aux règles de l’art en matière de restauration et auraient dû conduire à son exclusion.

22) Le 10 janvier 2017, le consortium SINOPIE a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif présentée par les consortiums PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS et RADELET. Les recours étaient infondés. Celui du consortium RADELET était par ailleurs tardif, et donc irrecevable. Il était peu probable qu'il ait reçu la décision litigieuse le 3 décembre 2016 alors que le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS et lui-même l'avaient reçue le 23 novembre 2016. Cet élément était renforcé par la signature d'une procuration à son avocat en date du 1er décembre 2016.

23) Le 10 janvier 2017 également, le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS a persisté dans les termes de sa requête en restitution de l’effet suspensif, sans se prononcer sur le fond de son recours.

24) Dans ses observations du 11 janvier 2017, la ville a conclu au rejet des deux requêtes en restitution de l’effet suspensif. Les deux recours étaient manifestement mal fondés et le recours du consortium RADELET était irrecevable dans la mesure où il était arrivé en troisième position dans l’évaluation des offres et qu’il ne pouvait pas se voir attribuer le marché. La demande de restitution de l’effet suspensif devait être refusée pour ces seules raisons.

La ville a notamment fait état des éléments suivants :

M. GUYOT avait été désigné en tant que mandataire spécialisé par la ville. Il avait proposé une méthode de restauration, laquelle avait été préavisée favorablement par la CMNS, et avait élaboré sur cette base le cahier des charges des travaux. Les quatre candidats en lice, après l'écart de deux candidats pour des questions formelles, présentaient tous d’excellentes références et compétences. Il avait été décidé d’écarter l’offre du consortium SINOPIE en raison de la proportion d’employés mis à disposition pour les travaux de restauration par rapport aux travaux de peinture, considérée comme moins adéquate. Les trois candidats restant en lice après l’exclusion du consortium Julian JAMES - éliminé en raison d'un conflit d'intérêts avec M. GUYOT - avaient dû réaliser deux échantillons. Pour le premier, ils devaient dans un premier temps procéder au dégagement de la surface définie pour l'échantillon. Pour ce faire, ils devaient définir une méthode de travail et un produit adéquat, l’appliquer et définir un temps de pause de celui-ci pour éliminer au mieux la peinture existante et mettre au jour le décor peint original sous-jacent. Ils devaient ensuite procéder à un nettoyage fin des surfaces. Finalement ils devaient retoucher les éventuelles lacunes dans la peinture de manière à obtenir une surface conservée et restaurée. Chacun des candidats avait utilisé des produits et des méthodes différents pour l'étape du dégagement. L'expert avait relevé que les consortiums RADELET et SINOPIE avaient trouvé rapidement une bonne méthode. Le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS, qui avait pris une autre option de conservation, avait eu plus de difficultés sur ce point, ce qui avait impliqué pour lui de devoir effectuer plus de retouches. Pour le traitement de finition des surfaces, le consortium SINOPIE avait appliqué une huile clarifiée pour nourrir et légèrement saturer les couleurs existantes avant le traitement de retouche, ce que l’expert avait considéré comme admissible dans la mesure où la couche d’origine était également de nature huileuse, comme il l’avait relevé dans la synthèse de ses observations du 2 septembre 2016. Pour le deuxième échantillon, les candidats devaient procéder aux phases de traitement qu'ils estimaient nécessaires pour les préparations et pour les couches de peinture. La totalité des travaux de réalisation des échantillons avait été scrupuleusement observée par l’expert qui avait documenté ses observations et en avait fait une synthèse. Tous les échantillons avaient été jugés acceptables par la CMNS.

Pour l’évaluation du prix, il avait été décidé par le comité d’évaluation de ne pas appliquer de facteurs de crédibilité particuliers, l’ensemble des offres ayant été jugé entièrement crédible. Sur les six rentrées, quatre étaient pratiquement identiques, à hauteur d’environ CHF 1'100'000.-. L’estimation qu’elle avait mentionnée dans son appel d’offres avait été effectuée avant la nomination du conseiller en restauration et était une estimation sommaire.

Le comité d’évaluation avait considéré que le temps consacré à la réalisation des échantillons n’était pas pertinent pour évaluer la crédibilité du prix. Les échantillons réalisés ne portaient que sur deux interventions parmi beaucoup d’autres. Le travail de restauration n'était pas un travail uniformisé qui permettait d'appliquer les mêmes méthodes et matériaux à toutes les surfaces. La réalisation des échantillons nécessitait ainsi des tests et des recherches concernant la méthode et les produits adéquats pour parvenir au résultat escompté. Certaines disparités sur ce point s’expliquaient par le choix de restauration opéré. Le temps utilisé pour la réalisation des échantillons avait été jugé non représentatif du temps nécessaire pour la réalisation des travaux.

La ville avait reçu, le 18 novembre 2016, les représentants du consortium BACHER TILLMANNS et leur avait fourni toutes explications sur la façon dont les notes avaient été attribuées et sur le fait que l’ensemble des échantillons avait été soumis pour approbation à Madame Sabine NEMEC PIGUET, directrice générale de l’office du patrimoine et des sites, conservatrice cantonale des monuments et membre de la CMNS. Suite à cette séance, les représentants du consortium BACHER TILLMANNS avaient pu examiner, le 30 novembre 2016, les échantillons réalisés par l’ensemble des candidats. Leurs autres requêtes avaient été rejetées pour des raisons de confidentialité. Le consortium RADELET avait été reçu à sa demande le 12 décembre 2016 par M. MEYLAN et
Mme FEISS. La discussion s’était déroulée principalement en rapport avec l’échantillon n° 1. Les représentants de ce consortium avaient voulu examiner les échantillons à l’aide d’ultraviolets, ce que le maître d’ouvrage, par respect du principe de l’égalité de traitement, avait refusé.

Les retouches effectuées par le consortium SINOPIE respectaient les règles en usage, même si le comité d’évaluation avait également estimé que les dorures avaient été retouchées de façon trop conséquente. Ce constat ne justifiait en aucun cas l’éviction mais une réduction de la note. Il était faux de considérer que le traitement de retouche appliqué constituait un surpeint. Le spécialiste de l’adjudicataire avait expliqué qu’il avait volontairement effectué des retouches plus poussées sur les bronzines et les dorures, car la vision générale du décor ancien avait été altérée par un ancien lessivage lors d’une intervention en 1962. Il s’agissait de rehausser les dorures au niveau des brillances puisqu’elles étaient usées.

Sur le fond, les deux recourants ayant été reçus et ayant eu accès aux pièces utiles, leur droit d’être entendu avait été sauvegardé, de même dans le cadre de la procédure de recours.

Concernant le recours du consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS, le grief relatif à l'incomparabilité du prix des offres était infondé au motif qu’il remettait en question ce qui avait été arrêté dans l’appel d’offres. La méthode suggérée par ce recourant consistait en réalité à juger deux fois la qualité, à savoir dans le cadre de la qualité des échantillons et dans le cadre de l’évaluation du prix. Au regard des prix proposés par les différents soumissionnaires au moment du dépôt des offres, celle du consortium adjudicataire n’était pas anormalement basse. Elle était apparue crédible. L’offre du consortium RADELET, qui avait surévalué certains postes, était trop élevée. Le temps consacré par les candidats à l’élaboration des échantillons n’était pas pertinent pour évaluer la crédibilité du prix, car le temps passé durant cette phase n’était pas représentatif du temps nécessaire à la réalisation des travaux sur de plus grandes surfaces. Les critiques du recourant sur l’évaluation de l’échantillon de l’adjudicataire étaient infondées. Les échantillons des uns et des autres avaient été notés en fonction de leurs qualités et de leurs défauts. Ceux du consortium adjudicataire avaient été pris en compte, étant précisé que tous les échantillons respectaient le cahier des charges selon les constats de l’expert. Le grief relatif à la pré-implication du consortium SINOPIE, qui avait participé à la procédure de gré à gré conduisant à la désignation de l’expert en restauration, était tardif et irrecevable.

Les griefs développés par le consortium RADELET avaient tout aussi peu de consistance. Celui relatif à la pré-implication de SINOPIE était tardif. Celui relatif à la prétendue violation du numerus clausus l’était également, car aucun recours n’avait été interjeté contre l’appel d’offres qui avait mis en place la procédure critiquée. Le critère du prix avait été évalué conformément au cahier des charges. L’ensemble des prix articulés par les soumissionnaires avait été considéré comme crédible, notamment celui de l’adjudicataire. Même si tous les prix offerts étaient inférieurs à celui du marché, le droit des marchés publics impliquait une notation par la méthode T2 telle que prévue dans le cahier des charges. Il était faux de prétendre que les personnes compétentes pour la réalisation des échantillons n’étaient pas présentes. Le fait qu’un fournisseur soit là à titre de conseil pour l’utilisation d’une peinture spécifique relevait de la libre organisation des concurrents de préparer la peinture sur place.

25) Le 11 janvier 2017, le consortium RADELET a appuyé les mesures provisionnelles requises par le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS.

26) Le 16 janvier 2017, s'est tenue une audience de comparution personnelle des parties.

La ville a notamment indiqué que l’absence d’un représentant de Belloni et Cie SA pendant la phase d’échantillonnage n’avait pas d’incidence, dans la mesure où le consortium SINOPIE était représenté par M. BESSE, son pilote sur le plan technique. Dans l'offre dudit consortium, Belloni et Cie SA était désignée comme étant le pilote administratif. La présence de M. DE DOMINICI le premier jour des travaux d'échantillonnage ne posait pas de problème particulier puisqu'il s'agissait d'un fournisseur de peinture. Il avait mélangé les teintes mais n'avait pas participé à la réalisation des échantillons. Il n’était intervenu qu’en lien avec l’échantillon n° 2 qui portait sur une reconstitution de peinture. M. BESSE avait effectivement été invité à formuler une offre dans la procédure de gré à gré visant à nommer un conseiller en restauration. Tous les participants à la procédure de gré à gré s’étaient vu fournir les trois rapports demandés préalablement à l’entreprise Saint-Dismas.

M. BESSE a précisé, concernant l'intervention de M. DE DOMINICI, que celui-ci n’avait fait que mélanger les teintes ; c’était lui-même qui avait choisi les teintes à appliquer. Il avait eu accès au rapport de l'entreprise Saint-Dismas, lequel avait été expurgé de toute référence de prix et de techniques de travail. Il avait également été employé par l’entreprise Saint-Dismas, comme conservateur-restaurateur, mais n’avait pas participé à des travaux de sondage dans les foyers du Grand Théâtre pour le compte de cette entreprise, ni à la rédaction des rapports adressés à la ville dans le cadre des études préalables.

La ville a précisé que si les trois rapports de l’entreprise Saint-Dismas n’avaient pas été transmis aux participants à la procédure d’attribution du marché public, c’était parce que les informations utiles ressortant de ces trois rapports avaient été intégrées dans le cahier des charges. Le CV de M. BESSE et de
M. GUYOT mentionnait leur collaboration avec l’entreprise Saint-Dismas. Ce document avait été produit dans le cadre de la première procédure. La ville a encore indiqué que la date du 15 novembre 2016 figurait sur la décision litigieuse mais que celle-ci avait été adressée aux parties le 22 novembre 2016.

27) Le 18 janvier 2017, le consortium SINOPIE a produit une copie des trois rapports de l’Atelier Saint-Dismas en précisant qu'il n’avait pas travaillé sur ces documents, archivés chez M. BESSE, pour l’élaboration de son offre.

28) Le 19 janvier 2017, la ville a transmis une copie des offres des trois soumissionnaires encore en lice. En outre, elle a confirmé que le rapport du
16 décembre 2010 de l’Atelier Saint-Dismas avait été transmis de façon caviardée aux soumissionnaires de la procédure de gré à gré. Les pages 11 et 12 portant sur le point 4 « estimation du coût des travaux » n’avaient pas été transmises. Les deux autres rapports l’avaient été intégralement.

En outre, elle a transmis un dossier photographique, les plans du projet de rénovation, un dossier historique et des extraits de presse, documents tous à disposition des soumissionnaires. C’était sur la base de ces documents que les candidats devaient établir leur offre.

29) Le 26 janvier 2017, la ville a persisté dans ses conclusions en rejet des recours et de la requête en restitution de l’effet suspensif. M. BESSE n’avait aucunement participé à la réalisation des rapports de l’Atelier Saint-Dismas. Aucun de ceux-ci ne donnait de précision sur la technique originale employée, ni sur la technique utilisée pour les dégagements. Les éléments figurant dans le rapport du 16 décembre 2010, relatifs à l’estimation des coûts, n’avaient pas été transmis à M. BESSE lors de l’appel d’offres de gré à gré. Les rapports de l’Atelier Saint-Dismas faisaient état des examens et sondages réalisés, décrivant l’état existant et les états antérieurs mis à jour lors des sondages et faisant des propositions d’intervention. Les choix de restauration avaient toutefois été arrêtés ultérieurement et c’était ces choix qui figuraient dans les documents d’appel d’offres, notamment dans le document A1 et dans la série de prix. Tous les soumissionnaires avaient reçu les mêmes renseignements. Il n’y avait dès lors aucun motif d’exclure le consortium SINOPIE de la procédure d’appel d’offres.

30) Le 26 janvier 2017, le consortium RADELET a conclu à l’octroi de l’effet suspensif. La pré-implication de SINOPIE aurait dû conduire à son exclusion.
M. BESSE avait eu accès à trois rapports de l’Atelier Saint-Dismas. Il n’était pas imaginable que M. BESSE et Mme PILET, membres fondateurs de SINOPIE, employés de l’Atelier Saint-Dismas au moment où l'un des trois rapports avait été réalisé, n’aient pas eu accès à des informations leur procurant un avantage concurrentiel. En outre, SINOPIE s’était rendu sur place au moins une fois dans le cadre de la procédure de gré à gré, et en avait été avantagé. On ne pouvait prétendre, comme le faisait la ville, qu’il n’y avait pas de similitude entre le marché de conseils en restauration et le présent marché. En effet, la CMNS, dans son préavis du 18 juin 2014 avait précisé que le mandat de conseils en restauration serait basé sur les études réalisées par l’Atelier Saint-Dismas. S’agissant des prix, il existait un exemple démontrant que SINOPIE avait été avantagé du fait de sa participation au marché public précédent. Dans l’offre présentée lors de la procédure de gré à gré, M. GUYOT avait devisé le prix des travaux de restauration des foyers du Grand Théâtre à CHF 1'200'000.-. Or, l’offre du consortium SINOPIE s’établissait à CHF 1'111'788.55, ce qui ne pouvait être fortuit.

La présence de M. DE DOMINICI durant l’une des séances d’échantillonnage aurait dû conduire à l’élimination de l’adjudicataire et à la mise à l'écart de son offre. Il ne s’agissait pas d’un simple fournisseur de peinture, mais d’un expert en peinture, ainsi que l’attestait une liste des experts romands de travaux où son nom figurait. En outre, M. DE DOMINICI intervenait comme un sous-traitant, ce qui était proscrit par l’appel d’offres.

31) Le 27 janvier 2017, le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS a également conclu à l’admission de l’effet suspensif. Son recours avait des chances de succès, eu égard à la violation de son droit d’être entendu, l’absence d’application d’un facteur de crédibilité, l’arbitraire de la note de 3,8 octroyée à l’adjudicataire, alors que la réalisation de son échantillon violait les règles de l’art et les exigences du cahier des charges. La présence de M. DE DOMINICI aurait dû conduire à l’exclusion de l’adjudicataire, comme l’absence du responsable de Belloni et Cie SA lors de la procédure d’échantillonnage. La consultation des rapports de l’Atelier Saint-Dismas mettait en évidence que l’adjudicataire avait eu seul connaissance de certaines informations de nature à l’avantager, concernant notamment les techniques originales et les peintures utilisées auparavant, de même que sur l’état des surfaces d’intervention.

32) Le 27 janvier 2017, le consortium SINOPIE a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif.

33) Par décision du 1er mars 2017, la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif tant au recours interjeté par le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS qu'au recours interjeté par le consortium RADELET et a réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

34) Le 13 mars 2017, la ville a indiqué avoir conclu le jour même avec le consortium adjudicataire le contrat portant sur les travaux de restauration des décors monumentaux des foyers patrimoniaux du Grand Théâtre.

35) Le 8 mai 2017, la ville s'est déterminée au fond, concluant notamment à la levée des mesures de préservation des échantillons et à ce qu'elle soit autorisée à reprendre lesdits échantillons pour qu'ils s'intègrent dans l'ensemble des décors muraux, au rejet de la demande visant à ce qu'un expert soit nommé ainsi qu'au rejet des recours formés par les consortiums RADELET et PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS.

S'en rapportant à ses précédentes écritures, la ville a précisé que de nouveaux éléments patrimoniaux à restaurer avaient été découverts début octobre 2016 dans les foyers du rez-de-chaussée. Suite à un nouvel appel d'offres pour ces travaux, le marché avait été adjugé, le 3 mars 2017, au consortium RADELET, lequel avait proposé une offre moins chère que celle des consortiums PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS et SINOPIE, et 29,4 % moins cher par rapport à l'offre la plus chère.

Les recourants savaient par ailleurs depuis plus d'un an que le consortium SINOPIE avait déposé une offre en vue d'obtenir le mandat de conseiller en restauration, qu'il avait reçu à cette occasion les trois rapports établis par l'entreprise Saint-Dismas et que ledit consortium avait été sélectionné pour la phase des échantillons et pouvait donc potentiellement devenir adjudicataire.

36) Dans ses observations au fond du 2 juin 2017, le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS, se prononçant sur le recours du consortium RADELET, s'en est rapporté à justice s'agissant de sa recevabilité, a conclu à l'admission des griefs en lien avec la pré-implication de SINOPIE et l'appréciation arbitraire des offres quant au prix ainsi qu'à la présence non annoncée de M. DE DOMINICI, et a conclu au rejet des griefs liés à la prise en compte du temps passé à la réalisation des échantillons ainsi qu'à l'attribution de la note de 5 pour le prix proposé par le consortium RADELET. S'agissant des autres griefs soulevés par ce dernier consortium, il s'en rapportait à justice.

Par ailleurs, compte tenu de la conclusion du contrat d'adjudication avec le consortium SINOPIE, il retirait ses conclusions principales en lien avec l'attribution du marché et maintenait celles relatives à la constatation de l'illicéité de la décision d'adjudication et à la condamnation de la ville au paiement d'une indemnité en sa faveur à titre de dommages et intérêts.

Il avait mandaté Monsieur Christian MARTY, conservateur-restaurateur membre de l'association suisse de conservation et restauration (ci-après : SCR) et ancien président de la SCR, pour qu'il donne son avis professionnel sur la situation. Ce dernier avait jugé la présence de M. DE DOMINICI inacceptable dès lors que le cahier des charges précisait que les personnes participant à la préparation des échantillons devaient être les mêmes que celles exécutant les travaux. À la lecture du procès-verbal établi par M. GUYOT, il apparaissait que M. DE DOMINICI se s'était pas limité à conseiller mais avait participé activement à la préparation de l'échantillon, ce qui permettait de douter de l'aptitude et des compétences du candidat à maîtriser le choix des matériaux et la méthodologie. M. MARTY avait également relevé que l'utilisation de produits irréversible dans la finition de la surface de l'échantillon n° 1 était déplorable dès lors que la réversibilité était une exigence de base dans le domaine de la conservation et la restauration.

Les constats de M. MARTY renforçaient leur position selon laquelle le consortium SINOPIE devait être exclu du marché.

Était notamment joint le commentaire du 1er juin 2017 établi par
M. MARTY à l'attention du consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS concernant le processus d'appel d'offres.

37) Le 21 juin 2017, le consortium SINOPIE a fait valoir ses observations sur le fond, concluant au rejet des recours.

38) Le 30 octobre 2017 a eu lieu un transport sur place.

À cette occasion, toutes les parties ont confirmé qu'elles ne contestaient pas la matérialité des éléments ressortant des documents rédigés par M. GUYOT lors de la réalisation des échantillons. Les trois consortiums ont exposé différents éléments relatifs à la manière dont ils avaient réalisé les échantillons.

M. GUYOT a confirmé que lors de l'échantillonnage, l'entreprise Sinopie Sàrl et un représentant du fabricant de peinture étaient présents. Ce dernier avait donné des conseils au début sur la façon de faire les mélanges, sans toutefois participer concrètement à la réalisation de l'échantillon. Cette personne n'était pas présente le deuxième jour.

Les parties ont convenu à la fin du transport sur place qu'il n'y avait plus lieu de conserver les échantillons.

39) Par courriers des 20 novembre 2017, les parties ont fait valoir leurs remarques relatives au procès-verbal du transport sur place du 30 octobre 2017.

a. La ville a formulé deux remarques de forme sur le procès-verbal, tout comme le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS.

b. Le consortium RADELET a indiqué ne pas avoir de remarques à formuler concernant le procès-verbal.

c. Le consortium SINOPIE a notamment précisé que le fabriquant de peinture étant présent lors du premier échantillon à sa demande pour s'assurer que le support était adapté à la peinture particulière choisie, dès lors qu'aucune analyse de la nature des couches picturales n'avait été fournie par le maître d'ouvrage. Il s'agissait d'une précaution supplémentaire. La mission du fabricant ne consistait donc pas à donner des conseils pour les mélanges mais à fournir les matériaux et valider les supports.

40) Dans ses observations finales du 18 décembre 2017, la ville a persisté dans ses précédentes écritures. Le commentaire de M. MARTY ne devait pas être pris en compte dès lors qu'il avait notamment été formulé sans mandat de la chambre administrative. C'était par ailleurs en se basant sur une affirmation du conseil du consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS que M. MARTY avait indiqué que M. DE DOMINICI avait activement participé à la préparation de l'échantillon n° 2. Dès lors, il n'y avait rien à tirer de cette affirmation.

41) Par courriers du 18 décembre 2017 également, le consortium SINOPIE, le consortium RADELET et le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS ont persisté dans leurs écritures.

42) Le 20 décembre 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés devant la juridiction compétente, les recours sont recevables de ces points de vue (art. 15 al. 1, al. 1bis let. e et al. 2 AIMP ; art. 3
al. 1 L-AIMP ; art. 56 al. 1 RMP ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, à l’exception du grief d’inopportunité (art. 16 al. 1 et 2 AIMP ; art. 57 al. 1 et 2 RMP).

3) a. À titre préalable, il convient d'examiner la recevabilité des recours, sous l'angle de la qualité pour recourir des recourants, le pouvoir adjudicateur contestant notamment celle du consortium RADELET.

b. La qualité pour recourir appartient à toute personne touchée directement par une décision et ayant un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 let. b de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu’il s’agisse d’intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (
ATA/322/2018 du 10 avril 2018 consid. 2a ; ATA/360/2014 du 20 mai 2014 consid. 3a).

Le contrat ayant été conclu avec l’adjudicataire (art. 46 RMP), se pose la question de l’intérêt digne de protection des recourants au maintien du recours.

c. En matière de marchés publics, l'intérêt actuel du soumissionnaire évincé est évident tant que le contrat n'est pas encore conclu entre le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire, car le recours lui permet d'obtenir la correction de la violation commise et la reprise du processus de passation. Mais il y a lieu d'admettre qu'un soumissionnaire évincé a aussi un intérêt actuel au recours lorsque le contrat est déjà conclu avec l'adjudicataire, voire exécuté, car il doit pouvoir obtenir une constatation d'illicéité de la décision pour pouvoir agir en dommages-intérêts (ATF 137 II 313 consid. 1.2.2 ; ATA/1056/2015 du 6 octobre 2015 consid. 3c et les références citées). Le recourant qui conteste une décision d’adjudication et qui déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l’illicéité de l’adjudication, que des dommages et intérêts soient réclamés ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006 consid. 2 ; ATA/528/2016 du 21 juin 2016
consid. 3b).

d. Pour le Tribunal fédéral, le soumissionnaire évincé dispose d’un intérêt juridique lorsqu’il avait, avant la conclusion du contrat, des chances raisonnables de se voir attribuer le marché en cas d’admission de son recours (ATF 141 II 14 consid. 4.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_203/2014 du 9 mai 2015
consid. 2.1 et 2P.261/2002 du 8 août 2003). Cet intérêt existe notamment lorsque le soumissionnaire évincé avait été classé au deuxième rang derrière l’adjudicataire et qu’il aurait, en cas d’admission de son recours (arrêts du Tribunal fédéral 2P.71/2005 du 27 janvier 2006 consid. 5 ; 2P.218/2001 du
31 janvier 2002 consid. 3.4 = SJ 2002 I 421), disposé d’une réelle chance d’obtenir le marché (ATF 141 II 14 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_203/2014 précité consid. 2.2 ; 2D_39/2014 du 26 juillet 2014 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral a nié l’intérêt juridique à recourir d’un soumissionnaire placé au cinquième rang sur six offres évaluées et qui n’avait jamais conclu à l'adjudication du marché public en sa faveur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_203/2014 précité consid. 2.2 à 2.4).

e. En espèce, la recevabilité du recours du consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS, interjeté dans le délai légal et arrivé au second rang, est acquise. En effet, en tant que soumissionnaire évincé, et bien que le contrat ait déjà été conclu, il conserve un intérêt actuel à recourir contre la décision d’adjudication au sens de l’art. 60 let. b LPA. Son recours étant à même d’ouvrir son droit à une indemnisation (ATF 125 II 86 consid. 5b), il dispose de la qualité pour recourir.

S'agissant de la qualité pour recourir du consortium RADELET, placé au troisième rang sur trois offres valables et alors que le contrat d'adjudication a déjà été conclu, cette question peut souffrir de rester indécise, compte tenu de ce qui suit.

4) a. Se pose également la question de la recevabilité du recours formé par le consortium RADELET le 13 décembre 2016 contre la décision de la ville du
15 novembre 2016.

b. Le fardeau de la preuve de la notification incombe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_294/2014 du 8 juillet 2014 consid. 2.1). L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que si la notification d'un acte envoyé sous pli simple ou sa date sont contestées et s'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 124 V 400 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_225/2012 du 26 septembre 2012 consid. 2.1.2 ; 8C_227/2011 du 22 mars 2012 consid. 4.2 ; 2C_637/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.4.1 in RDAF 2008 II
p. 197). L'autorité qui entend se prémunir contre le risque d'échec de la preuve de la notification doit communiquer ses actes judiciaires sous pli recommandé avec accusé de réception (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; ATA/60/2015 du 13 janvier 2015 consid. 5).

c. En l'occurrence, le consortium RADELET expose avoir reçu la décision litigieuse le 3 décembre 2016. Il ressort toutefois des pièces produites par les différentes parties que l'enveloppe contenant la décision litigieuse adressée au consortium RADELET a été postée par courrier A le 22 novembre 2016, tout comme les décisions adressées aux consortiums PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS et SINOPIE. Ces deux derniers consortiums exposent avoir reçu la décision litigieuse le 23 novembre 2016. Le pouvoir adjudicateur a également indiqué avoir expédié les décisions le 22 novembre 2016. Il est pour le moins surprenant que le consortium RADELET ait reçu la décision querellée, postée le 22 novembre 2016, plus de dix jours après les autres consortiums. Nonobstant, dès lors que l'autorité supporte les conséquences de l'absence de preuve en cas de doute sur la date de la notification d'une décision envoyée sous pli simple, et que la ville ne conteste pas la date avancée par le consortium RADELET, il sera retenu que la décision litigieuse a effectivement été reçu le 3 décembre 2016. Partant, son recours mis à la poste le 13 décembre 2016 est recevable sous cet angle.

5) a. À titre préalable, le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS sollicite la désignation d'un expert pour contrôler la conformité, respectivement la non conformité de l’échantillon de l’adjudicataire avec le cahier des charges, ainsi que la non comparabilité des prix de l’offre de l’adjudicataire avec la leur.

b. Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), le droit d’être entendu comprend, notamment, le droit pour l’intéressé de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 139 II 489 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_476/2015 du 3 août 2016
consid. 2.1 ; ATA/752/2016 du 6 septembre 2016 ; ATA/643/2016 du 26 juillet 2016).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion (arrêts du Tribunal fédéral 2C_109/2015 et 2C_110/2015 du 1er septembre 2015 consid. 4.1) ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229
consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_244/2014 du
17 mars 2015 consid. 3.2 ; ATA/5/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/118/2014 du
25 février 2014).

c. En l'espèce, chacune des parties a apporté des observations circonstanciées sur chacun des points litigieux et a versé à la procédure de nombreuses pièces pour appuyer sa position. De plus, une audience de comparution personnelle des parties et un transport sur place ont eu lieu. La chambre administrative dispose ainsi d’un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause.

Il ne sera par conséquent pas donné suite à la requête du consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS de désigner un expert, étant précisé que la comparabilité des prix de l'offre est une question de droit et non de fait, à laquelle l'expert ne pourrait de toute manière pas répondre.

6) a. Les consortiums recourants font valoir plusieurs griefs en lien avec une violation de leur droit d'être entendu. Ils reprochent tous deux à l'autorité un défaut de motivation de la décision litigieuse. Le consortium RADELET relève notamment un défaut de motivation sur la manière dont a été examinée la crédibilité du prix proposé par le consortium SINOPIE et les raisons qui ont conduit la ville à adjuger le marché à ce dernier, alors qu’il avait écarté son offre dans un premier temps. Le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS fait également grief à la ville d'avoir refusé l'accès à différentes pièces, soit notamment la synthèse des observations de l'expert.

b. Le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.2 ; 2C_713/2013 du 22 août 2013 consid. 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 521 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557
consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 136 I 184 consid. 2.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_832/2016 du 12 juin 2017 consid. 4.1 ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017).

En matière de marchés publics, cette obligation se manifeste par le devoir qu’a l’autorité d’indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Le droit des marchés publics, 2002, p. 256). Ce principe est concrétisé par les art. 13 let. h AIMP et 45 al. 1 RMP, qui prévoient que les décisions d'adjudication doivent être sommairement motivées (ATA/899/2016 du 25 octobre 2016
consid. 5b).

c. En l’occurrence, la décision d’adjudication notifiée aux consortiums recourants était accompagnée du tableau comparatif des offres qui permettait de comprendre que ceux-ci étaient arrivés au second rang, respectivement au troisième rang, en fonction d’une attribution de points par critères. Compte tenu de la jurisprudence précitée, leur droit à obtenir des explications sur les raisons du rejet de leurs offres a été satisfait. La ville n'avait en particulier pas à fournir, comme le prétend le consortium RADELET, une motivation supplémentaire du fait que le consortium SINOPIE avait dans un premier temps été écarté du marché. Aucune violation du droit d’être entendu sous forme de manque de motivation de la décision attaquée ne saurait donc être retenue.

Par ailleurs, il apparaît que la ville a certes refusé de manière incompréhensible l'accès à certaines pièces au consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS, alors même que lesdites pièces avaient été remises au consortium RADELET. Toutefois, dès lors qu’il a pu y accéder dans le cadre de la présente procédure, cette violation du droit d'être entendu doit être considérée comme réparée, la chambre administrative revoyant librement les faits et le droit (art. 61 et 66 ss LPA ; ATF 137 I 95 consid. 2.3.2). Par ailleurs, ledit consortium a eu l'occasion de s'exprimer et de faire valoir l'entier de ses griefs par rapport auxdites pièces dans ses écritures subséquentes. Aucune violation du droit d’être entendu ne saurait donc être retenue pour ce motif également.

7) a. Le consortium RADELET estime que le pouvoir adjudicateur a dérogé au numérus clausus des procédures de passation, et donc violé le principe de la légalité, en mélangeant deux types de procédure, soit les procédures ouverte et sélective.

b. Le droit est la base et la limite de l’activité de l’État (art. 5 al. 1 Cst.). Cette disposition consacre le principe de légalité qui gouverne toute activité étatique. En fait partie intégrante la garantie des droits fondamentaux, soit des droits ou des libertés garanties aux particuliers, avec tout ce que cela comporte comme obligations et comme engagements au plan à la fois institutionnel et normatif (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 3ème éd., 2013, n. 1005 et 1011 p. 468 et 470).

Ainsi, une collectivité ou une entité publique qui conduit une procédure de soumission publique est soumise au respect de telles conditions (ATA/173/2015 du 17 février 2015 consid. 4 ; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 3, 2ème éd., 1992, n. 4.1.1.2 p.158).

c. L'art. 12 al. 1 AIMP ainsi que les art. 12 à 15 RMP définissent les quatre types de procédure de passation d'un marché public, soit les procédures ouverte, sélective, sur invitation et de gré à gré.

d. En vertu des art. 15 al. 1bis let. a AIMP et 55 let. a RMP, l’appel d’offres est réputé être une décision sujette à recours.

Conformément à la jurisprudence, les griefs à l’encontre de l’appel d’offres ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision d’adjudication (ATF 130 I 241 consid. 4.2 ; 125 I 203 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.47/2004 du 6 avril 2004 ; ATA/1073/2016 du 20 décembre 2016 consid. 5c ; ATA/821/2016 du 4 octobre 2016 consid. 4 ; ATA/360/2014 précité). Le Tribunal fédéral a en outre déjà jugé qu’il était admissible d’exiger des candidats qu’ils contestent immédiatement les documents d’appels d’offres prétendument incomplets ou entachés d’autres vices de forme lors de la procédure d’appel d’offres déjà et non dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision d’adjudication (ATF 130 I 241 consid 4.2 ; 129 I 313 consid. 6.2 ; 125 I 203).

e. En l'espèce, la question de savoir si le pouvoir adjudicateur a effectivement mélangé deux types de procédure - la procédure ouverte et la procédure
sélective - dans le cadre de son appel d'offres et s'il était légitimé à le faire peut souffrir de rester ouverte, compte tenu de ce qui suit.

Le consortium RADELET n’a pas contesté le contenu de l’appel d’offres dans les dix jours par un recours auprès de la chambre administrative, ou contesté d’une quelconque autre manière le contenu de celui-ci. Ce dernier précisait pourtant que la procédure était ouverte, que l'adjudicateur avait décidé de limiter le nombre des offres examinés après examen des critères d'aptitudes à trois candidats au maximum et qu'afin d'évaluer les candidats retenus, il procéderait à l'évaluation des offres sur la base d'échantillons effectués en adéquation avec le cahier des charges. Ainsi, contrairement à ce qu'invoque le consortium RADELET, la procédure prévue par le pouvoir adjudicateur, tout comme sa mise en œuvre, ressortaient expressément du dossier d'appel d'offres.

Dès lors, en n’ayant pas recouru contre l’appel d’offres, le consortium RADELET est forclos, dans le cadre de la présente procédure, à remettre en cause la procédure de passation du marché public choisie par l'autorité adjudicatrice. Pour le surplus, ce dernier ne saurait invoquer que son grief ne serait pas tardif compte tenu de sa méconnaissance du droit des marchés publics, dès lors que le chiffre 5.13 du cahier des charges précisait expressément que l'appel d'offres était une décision sujette à recours.

8) a. Les consortiums PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS et RADELET considèrent que le principe de l’égalité de traitement entre soumissionnaires a été violé du fait de la pré-implication de Sinopie Sàrl. Ils estiment que cette dernière, membre du consortium ayant remporté le marché, s'est vu remettre, lors de sa participation à la procédure de gré à gré visant à désigner un conseiller en restauration pour la rénovation du Grand Théâtre, des pièces l'ayant avantagé dans le cadre du marché objet de la présente procédure. La ville considère notamment que ce grief est tardif, dès lors que la participation de Sinopie Sàrl à la procédure de gré à gré était connue depuis le début de l'année 2016, dans le cadre des procédures A/513/2016 et A/1312/2016.

b. La législation en matière de marchés publics est fondée sur les principes énoncés à l’art. 1 AIMP. L’AIMP a pour but l’ouverture des marchés publics
(art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

En particulier, le respect de l’égalité de traitement entre soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. b et 11 let. a AIMP ; art. 16 RMP) oblige l’autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires pendant tout le déroulement formel de la procédure (ATA/20/2014 du 14 janvier 2014 consid. 7 et les références citées ; Jean-Baptiste ZUFFEREY/Christophe MAILLARD/Nicolas MICHEL, op. cit., p. 109 ; Benoît BOVAY, La non-discrimination en droit des marchés publics in RDAF 2004 p. 241). Ce principe impose que les conditions d’accès au marché soient similaires pour tous (Guide romand pour les marchés publics du
2 juin 2005, version du 12 septembre 2008, annexe D, ch. 2).

c. En l’absence de dispositions dans l’AIMP, la question de la pré-implication relève du droit cantonal de procédure des marchés publics (arrêt du Tribunal fédéral 2C_354/2013 du 11 septembre 2013 consid. 1.2.2). Elle est cependant susceptible de poser des problèmes au regard du droit à l’égalité de traitement garanti à tous les soumissionnaires d’un marché public (arrêt du Tribunal fédéral 2P.164/2004 du 25 janvier 2005).

Selon l'art. 31 al. 1 RMP, ne peuvent présenter d'offre les membres de l'autorité adjudicatrice qui participent à la préparation et à l'élaboration des documents d'appel d'offres ou aux procédures de passation des marchés publics (let. a) et les mandataires qui assistent l'autorité adjudicatrice dans l'organisation de la procédure d'appel d'offres ou l'établissement des documents d'appel d'offres (let. b). L'autorité adjudicatrice indique, dans les documents d'appel d'offres, si le prestataire ayant effectué une prestation préalable en lien avec le marché à adjuger peut présenter une offre et pour quels motifs (art. 31 al. 2 RMP).

d. Il y a pré-implication lorsqu’un soumissionnaire a collaboré à l’élaboration de l’appel d’offres (arrêt du Tribunal fédéral 2P.164/2004 précité consid. 3.1 ; Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corine MAILLARD/Nicolas MICHEL, op. cit., p. 102 ; Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2014, p. 173 n. 280 ; Res NYFFENEGER/Hans Ulrich KÖBEL, Vorbefassung in Submissionverfahren, in BVR 2004 p. 56 ; Peter GALLI/André MOSER/Elisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3ème éd., 2013 p. 475). Il doit s’agir d’une collaboration, aux côtés du pouvoir adjudicateur, à la planification ou à la préparation du marché public (Christoph JÄGER, Die Vorbefassung des Anbieters im öffentlichen Beschaffungsrecht, 2009. p. 99), par exemple en préparant les documents d'appel d'offres (arrêt du Tribunal administratif fédéral B-5439/2015 du 25 septembre 2017 consid. 3.1.5).

e. La jurisprudence sur le devoir de récusation des juges, qui naît de l'apparence de partialité objective, n'est pas applicable au soumissionnaire
pré-impliqué. Il n'y a pas lieu d'exclure celui-ci tant et aussi longtemps que la preuve de l'existence d'un avantage concurrentiel résultant de sa participation à la préparation du marché n'est pas rapportée. Le grief portant sur la pré-implication d'un soumissionnaire doit être soulevé dès la connaissance du motif invoqué. Il faut par ailleurs distinguer cette situation du dialogue technique entre le pouvoir adjudicateur et un futur soumissionnaire : un tel dialogue est en effet licite dans la mesure où il ne porte pas atteinte à l'égalité de traitement des soumissionnaires et ne supprime pas la concurrence (RDAF 2017 I p. 501, 508).

f. Le Tribunal cantonal vaudois a déjà eu l'occasion de trancher qu'il n'y avait pas de pré-implication lorsqu'un bureau ayant effectué une étude préalable de faisabilité pour le pouvoir adjudicateur ne disposait, d'une part, pas d'informations privilégiées et, d'autre part, qu'il n'avait pas participé à l'élaboration du dossier d'appel d'offres (RDAF 2017 I p. 501, 508).

g. En l'espèce, il apparaît que les consortiums recourants ont eu connaissance de la participation de Sinopie Sàrl dans la procédure de gré à gré en 2016 déjà, dans le cadre de la procédure A/513/2016 notamment. Il est ainsi douteux qu'ils aient agi à temps pour faire valoir ce grief. Cette question peut toutefois souffrir de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

Il est exact que Sinopie Sàrl, représentée par M. BESSE, a soumissionné dans la procédure de gré à gré visant à désigner un conseiller en restauration pour la rénovation du Grand Théâtre. Dans ce cadre, celle-ci a pu avoir accès aux trois rapports de l’Atelier Saint-Dismas des 16 décembre 2010, 23 septembre et
7 octobre 2013. Nonobstant, au vu de la jurisprudence et de la doctrine précitées, la chambre administrative considère qu'il n'existe aucune preuve de
pré-implication du consortium adjudicataire dans le cadre du marché public objet de la présente procédure. En effet, d'une part, l'offre de Sinopie Sàrl n'a pas été retenue dans le cadre de la désignation du conseil en restauration. Dès lors, ni le consortium adjudicataire ni Sinopie Sàrl individuellement n'ont participé ou collaboré d'une quelconque manière à l’élaboration de l’appel d’offres, et plus précisément au cahier des charges, ayant conduit à la décision d’adjudication attaquée. D'autre part, s'agissant des rapports de l’Atelier Saint-Dismas - à la rédaction desquels M. BESSE conteste avoir participé, étant relevé que deux d'entre eux ont été rédigés en 2013, soit après son départ de cette entreprise - il ressort des déclarations de la ville et de M. BESSE qu'ils ont été transmis à Sinopie Sàrl de manière caviardée, les pages 11 et 12 du premier rapport contenant des éléments d'estimation des coûts n'ayant pas été remis. À la lecture desdits rapports, la chambre administrative constate qu'ils contiennent des photographies des différents objets devant être rénovés et des précisions quant à leur état. S'ils contiennent également des propositions de rénovations, celles-ci sont toutefois assez sommaires et se limitent généralement à indiquer « conservation, restauration ». Ainsi, ces rapports - dont le consortium SINOPIE conteste avoir fait usage - ne contenaient pas d'éléments susceptibles de favoriser l’élaboration de l'offre de l'adjudicataire. Comme le relève par ailleurs le pouvoir adjudicateur, les documents d'appel d'offres - plus précisément le cahier des charges et la liste des prix du document B1 - contenaient tous les éléments nécessaires à établir une offre, soit notamment les interventions souhaitées ; le résultat des analyses préliminaires effectuées par l’Atelier Saint-Dismas a quant à lui été intégré lorsque cela a été jugé pertinent. Enfin, tous les soumissionnaires ont pu se rendre sur place avant de déposer leur offre, de sorte que l'éventuelle visite des locaux par Sinopie Sàrl dans le cadre de la procédure de gré à gré ne l'a pas non plus avantagée par rapport aux autres soumissionnaires.

Au vu de ce qui précède, ce grief, s’il n’est pas tardif, est dans tous les cas infondé.

9) a. Les consortiums recourants relèvent que la présence de M. DE DOMINICI lors de la phase d'échantillonnage aurait dû conduire à l’exclusion de l’adjudicataire, tout comme l’absence du responsable de Belloni et Cie SA, le protocole de réalisation des échantillons n'ayant pas été respecté.

b. À teneur du protocole de réalisation des échantillons, et conformément à ce que prévoyait le Document B1, ces derniers devaient être réalisés sous la responsabilité du pilote qui devait impérativement être présent. En cas d’adjudication, les personnes qui avaient réalisé les échantillons devaient être présentes durant toute la durée du chantier. Si l'expert estimait que pour la réalisation de chacun des deux échantillons devaient être présents un restaurateur et un peintre décorateur, la composition de l’équipe était toutefois laissée à la libre appréciation du pilote.

c. En droit des marchés publics, la distinction entre un fournisseur et un
sous-traitant s'opère sur la base de la proximité avec le marché en question. Le sous-traitant participe directement à l'exécution de la tâche à réaliser en faveur de l'adjudicateur, quand bien même il reste juridiquement lié au seul adjudicataire. La notion de fournisseur s'applique au contraire à tout acteur économique qui fournit à l'adjudicataire des prestations en amont ou en arrière-plan de la prestation caractéristique du marché ; il n'a pas de lien direct avec cette dernière. Il peut, par exemple, livrer des matières premières, des biens intermédiaires du matériel ou des services, que l'adjudicataire utilisera pour exécuter la prestation promise à l'adjudicateur (Guerric RIEDI, Les aspects sociaux des marchés publics, en particulier la protection des travailleurs in Jean-Baptiste ZUFFEREY/
Martin BEYLER/Stefen SCHERLER [éd.], Aktuelles Vergaberecht 2016/Marchés publics 2016, p. 352-353).

d. En l'occurrence, selon le protocole établi pour le consortium SINOPIE, M. BESSE était présent pour la réalisation de deux échantillons, ainsi qu’un peintre de Belloni et Cie SA. Pour la réalisation du premier échantillon, était également présent, le premier jour, M. DE DOMINICI, représentant de l’entreprise Nuance Minérale. À teneur des notes et remarques sur les échantillons, rédigées par M. GUYOT, M. DE DOMINICI, non annoncé dans l'offre, avait préparé les couleurs pour le peintre de Belloni et Cie SA dans le cadre de l'échantillonnage. Il avait en particulier expliqué la recherche de teinte et la manière de travailler les couleurs. Il avait toutefois indiqué qu'il ne participerait pas aux travaux en cas d'attribution. Les personnes responsables chez Belloni et Cie SA, mentionnées dans l'offre, n'étaient pas présentes durant la réalisation des échantillons. La synthèse des observations de M. GUYOT du 2 septembre 2016 faisait état des mêmes éléments. Lors du transport sur place du 30 octobre 2017, M. GUYOT a confirmé que M. DE DOMINICI était présent le premier jour de la réalisation des échantillons ; il avait donné des conseils au début sur la façon de faire les mélanges, sans toutefois participer concrètement à la réalisation de l'échantillon.

Ainsi, il ressort de ces pièces que les échantillons ont effectivement été réalisés sous la responsabilité du pilote, soit en l'occurrence M. BESSE, représentant Sinopie Sàrl. Le fait que les représentants de Belloni et Cie SA n'aient pas été présents est sans incidence dès lors que seule la présence du pilote - en l'occurrence Sinopie Sàrl - était obligatoire. Un peintre de ladite entreprise était par ailleurs présent tout au long de la phase d'échantillonnage et a participé à la réalisation de ceux-ci. Il ressort par ailleurs des pièces précitées ainsi que des explications de M. GUYOT lors du transport sur place du 30 octobre 2017, que si M. DE DOMINICI avait donné des conseils au peintre notamment sur la manière de mélanger les couleurs, il n'avait pas participé concrètement à la réalisation de l'échantillon. Il apparaît ainsi que celui-ci est intervenu en qualité de fournisseur des matériaux, ce qui n'était pas exclu par le protocole de réalisation des échantillons. Son intervention ne saurait en particulier être assimilée à celle d'un sous-traitant - proscrit par l’appel d’offres - dès lors qu'il n'a pas lui-même réalisé les échantillons et qu'il n'était pas appelé à intervenir en cas d'adjudication du marché.

Le cadre du protocole de réalisation des échantillons a donc été respecté par l'adjudicataire sur ce point.

10) a. Les recourant font valoir toute une série de griefs concernant l'évaluation des offres, tant s'agissant du critère du prix et de la qualité des échantillons, relevant notamment qu'elle l'aurait été de manière arbitraire.

b. Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 RMP). L’autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d’importance au moment de l’appel d’offres
(art. 24 RMP).

Selon l’art. 43 RMP, l'évaluation est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres (al. 1) ; le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2) ; le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix ; outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3) ; l'adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas (al. 4).

c. En matière d’évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; ATA/851/2014 du 4 novembre 2014 consid. 9b ; ATA/20/2014 précité
consid. 11).

L’appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ce dernier. Seul l’abus ou l’excès du pouvoir d’appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2 ; RDAF 1999 I p. 301 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité
consid. 11). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (JAAC 1999 p. 143 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11).

Ainsi, même dans les marchés publics soumis à l’AIMP, le pouvoir adjudicateur n’est pas lié par telle ou telle méthode, mais il lui est loisible de choisir celle qui est la plus appropriée au marché. La loi ne lui impose aucune méthode de notation particulière. Le choix de ladite méthode relève ainsi du pouvoir d’appréciation de l’autorité adjudicatrice, sous réserve d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_549/2011 du 27 mars 2011 consid. 2.3 et 2.4 ; 2P.172/2002 précité consid. 3.2 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11).

L’opportunité de ce choix ne peut être revue par l’autorité de recours
(art. 16 al. 2 AIMP). De surcroît, aucune norme n’impose à l’autorité de faire connaître à l’avance la méthode de notation (arrêt du Tribunal fédéral 2P.172/2002 précité consid. 2.3 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11 ; Olivier RODONDI, Les critères d’aptitude et les critères d’adjudication dans les procédures de marchés publics, RDAF 2001 I p. 406).

Il est donc parfaitement admissible d’attribuer une plus ou moins grande importance à tel ou tel critère, le prix par exemple, suivant le type de marché à adjuger. De plus, l’offre économiquement la plus avantageuse ne signifie pas qu’elle doit être la moins chère. Ce n’est qu’en présence de biens standardisés que l’adjudicateur peut alors se fonder exclusivement sur le critère du prix le plus bas (RDAF 1999 I p. 305 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11).

d. Le principe de la transparence garanti par les art. 1 al. 3 let. c AIMP et
24 RMP exige du pouvoir adjudicateur qu'il énumère par avance et dans l'ordre d'importance tous les critères d'adjudication qui seront pris en considération lors de l'évaluation des soumissions, en spécifiant clairement l'importance relative qu'il entend accorder à chacun d'eux. Ceux-ci doivent être objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères. Il n'exige toutefois pas, en principe, la communication préalable d’éléments d’appréciation ou de catégories, tels des sous-critères, qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et éléments d’appréciation utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 consid. 4c ; ATA/368/2015 du 21 avril 2015 consid. 4c ; ATA/972/2014 du
9 décembre 2014).

e. Le principe d’intangibilité des offres, qui interdit la modification de celles-ci après l’échéance du délai fixé pour leur dépôt, découle de l’art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l’entité adjudicatrice et les soumissionnaires (Étienne POLTIER, op. cit., p. 222 n. 354). Il est également lié à la nécessité d’assurer l’égalité de traitement entre soumissionnaires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010, consid. 6.1). Toutefois, l'autorité adjudicatrice est en droit de rectifier d'office les erreurs évidentes de calcul et d'écriture (art. 39 al. 2 RMP). En outre, elle peut demander aux soumissionnaires des explications relatives à leur aptitude et à leur offre (art. 40 RMP). Elle ne saurait toutefois par ce biais porter atteinte aux principes d'intangibilité des offres et d'égalité de traitement entre soumissionnaires qui limitent le droit de procéder à des corrections ou requêtes de précisions après le dépôt des offres (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité).

f. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; 138 I 49 consid. 7.1). La chambre administrative suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/1189/2017 du 22 août 2017 et les références citées).

11) Le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS considère que l’autorité adjudicatrice aurait violé le principe de l’égalité de traitement et d’interdiction de l’arbitraire dans l’évaluation de la qualité économique des offres en ne rétablissant pas la comparabilité de celles-ci. Dans la mesure où ses prestations étaient supérieures à celles de l’adjudicataire, il convenait d'appliquer une règle de trois pour obtenir le rapport de qualité entre les deux offres. Une fois cela fait, il fallait appliquer la méthode T2 au prix obtenu.

Ce raisonnement, qui revient à remettre en question la méthode de notation du prix figurant dans l'appel d'offres, est irrecevable à ce stade de la procédure.

En effet, de jurisprudence constante, il n’est plus possible, dans le cadre d’un recours contre une décision d’adjudication, de remettre en question les éléments de l’appel d’offres et les options prises dans ce cadre par le pouvoir adjudicateur. Le soumissionnaire qui entend contester la définition, la pondération ou le manque de précisions des critères d’adjudication doit le faire, pour des raisons de bonne foi, dans le cadre de l’appel d’offres et non au moment de la décision d’adjudication, sans quoi il est forclos (arrêt du Tribunal fédéral 2P.47/2004 précité consid. 3 ; ATF 130 I 241 consid 4.2 ; 129 I 313 consid. 6.2 ; ATA/1443/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4e ; ATA/455/2017 du 25 avril 2017 et les références citées). Ainsi, si le consortium souhaitait contester la méthode de notation du prix retenu par le pouvoir adjudicateur, elle aurait dû recourir contre l'appel d'offres, de sorte que ce grief est tardif.

Nonobstant, ce grief ne convainc de toute manière pas sur le fond. En effet, suivre la méthode préconisée par le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS reviendrait à changer la méthode d’évaluation annoncée, ce qui serait contraire au principe d’intangibilité des offres, qui interdit la modification de celle-ci après l’échéance du délai fixé pour leur dépôt, et au principe de transparence, qui interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères. De plus, comme le relève à juste titre le pouvoir adjudicateur, cette méthode consisterait en réalité à juger deux fois la qualité, à savoir dans le cadre de la qualité des échantillons et dans le cadre de l’évaluation du prix.

L’évaluation du prix offert échappe ainsi à tout grief d’arbitraire. Le pouvoir adjudicateur a correctement appliqué la méthode T2, plaçant l'adjudicataire en première position au vu du prix proposé.

Au vu de ce qui précède, ce grief, s’il n’est pas irrecevable, est dans tous les cas infondé.

12) Le consortium RADELET estime que la procédure d’évaluation était viciée. Toutes les offres se situaient en dessous du prix estimé par le pouvoir adjudicateur et auraient donc dû obtenir la note maximale, alors qu’il lui avait été attribué une note bien inférieure.

Ce grief ne résiste pas non plus à l'examen dès lors qu'il revient également à solliciter la modification de la méthode de notation figurant dans l'appel d'offres, ce qui n'est pas admissible pour les raisons susmentionnées.

Nonobstant, quand bien même la loi n'impose aucune méthode de notation particulière et que le choix de celle-ci relève du pouvoir d’appréciation de l’autorité adjudicatrice (arrêts du Tribunal fédéral 2C_549/2011 précité
consid. 2.3 et 2.4 ; 2P.172/2002 précité consid. 3.2), une règle de notation qui affaiblirait considérablement le critère du prix, tant en soi que par rapport au poids que lui reconnaissent les documents d'appel d'offres, n'est pas admissible et relève de l'arbitraire (ATF 130 I 241 consid. 6.3 ; Bertrand REICH, Le prix in
Jean-Baptiste ZUFFEREY/Martin BEYLER/Stefen SCHERLER [éd.], op. cit. p. 441). En l'occurrence, s'il devait être estimé que toutes les offres en dessous du prix du marché annoncé obtiendraient la note maximale, il n'existerait plus aucun élément de comparaison entre les soumissionnaires et le critère du prix perdrait toute pertinence, ce qui n'est pas acceptable.

Ce grief est dès lors également infondé.

13) Le consortium RADELET critique en particulier le fait qu'il ait reçu la note de 1,57 pour une offre à CHF 1'900'000.-, alors que dans le cadre de la procédure d’adjudication d’un marché public similaire (travaux de pierre de taille sur façade du Grand Théâtre), d’une valeur estimée à un montant similaire et comportant les mêmes critères d'aptitude et d'adjudication, un soumissionnaire ayant remis une offre semblable à la sienne avait reçu la note de 3,48.

En l'occurrence, bien que le marché auquel se réfère le consortium RADELET, objet de l'ATA/899/2016, ait également porté sur des travaux du Grand Théâtre, dont les critères d'adjudication étaient les mêmes, il s'agit d'un objet et de soumissions différents, de sorte qu'aucune comparaison ne peut être valablement effectuée. Il convient en particulier de relever que dans le cas d’espèce, son offre était la plus chère, tandis que dans l'affaire à laquelle il se réfère, l'offre prise comme élément de comparaison ne l'était pas.

Ce grief sera ainsi également écarté.

14) a. Les consortiums recourants estiment tous deux que l'offre de l'adjudicataire était anormalement basse et aurait dû conduire à l'application d'un facteur de pondération du prix, soit celui de la crédibilité du prix. Le consortium RADELET estime en particulier que le prix de l'adjudicataire n'était pas crédible au vu du temps passé à la réalisation des échantillons et qu'en s'abstenant de tenir compte de la crédibilité du prix, le pouvoir adjudicateur aurait violé les principes d'égalité de traitement et de transparence.

b. Une offre peut être considérée comme étant anormalement basse si le prix proposé apparaît trop bas, soit en particulier s'il s'écarte de plus de 30 % de la moyenne des offres rentrées ou du prix juste déterminé à l'avance par le pouvoir adjudicateur (Bertrand REICH, op. cit., p. 440).

En présence d'une offre qui serait anormalement basse, l'autorité adjudicatrice a l'obligation, selon l’art. 41 RMP de demander des renseignements complémentaires au soumissionnaire concerné (arrêt du Tribunal fédéral 2D_44/2009 du 30 novembre 2009 consid. 4 ; ATA/821/2016 précité consid. 6a). C’est seulement si le soumissionnaire n’a pas justifié les prix d’une telle offre, conformément à l’art. 41 RMP, que son offre doit être écartée d’office et qu’elle ne participe pas à la phase d’évaluation des offres (art. 42 al. 1 let. e RMP). Une offre particulièrement favorable, le cas échéant même si elle est inférieure au prix de revient, n’est pas impérativement à exclure si les renseignements fournis par le soumissionnaire permettent de conclure qu’il est capable d’exécuter à satisfaction les travaux mis en soumission (ATF 141 II 353 consid. 8.3.2 ; ATF 130 I 241 consid. 7.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_44/2009 précité consid. 3.2.1 ; 2P_70/2006 et 2P_71/2006 précité consid. 4.3 ; Étienne POLTIER, op. cit., p. 195 n. 313 ; Peter GALLI/André MOSER/Elisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrecht, 2013, p. 517).

c. En l'espèce, la moyenne des cinq offres - initialement six mais deux d'entre elles ont finalement été traitées comme relevant du même dossier - reçues par le pouvoir adjudicateur s'élève à CHF 1'360'561.-, de sorte que l'offre de l'adjudicataire (CHF 1'111'788.55) n'est inférieure que de 18 % environ. S'il est vrai que ladite offre est très inférieure au prix déterminé à l'avance par le pouvoir adjudicateur (près de 60 %), il apparaît que toutes les offres le sont, l'offre du consortium RADELET, laquelle est la plus élevée, étant encore pratiquement CHF 1'000'000.- moins chère que le prix estimé. Le pouvoir adjudicateur a toutefois expliqué dans ses écritures que l’estimation qu’elle avait mentionnée dans son appel d’offres avait été effectuée avant la nomination du conseiller en restauration et était une estimation sommaire. Les consortiums recourants n'exposent par ailleurs pas en quoi les différents postes de la soumission de l'adjudicataire comporteraient des éléments de sous-enchère inacceptables sous l’angle du droit des marchés publics. Ainsi, au regard de la jurisprudence précitée, rien n'obligeait le pouvoir adjudicateur à considérer l'offre de l'adjudicataire comme anormalement basse.

Il est vrai que le cahier des charges mentionnait que l'un des critères d'adjudication était « la qualité économique globale de l’offre (prix et crédibilité du prix) » et que le Document B1 de l'appel d'offres précisait qu'un facteur de crédibilité pouvait être utilisé pour pondérer la note du critère du prix. En l'occurrence, le pouvoir adjudicateur a estimé, selon le pouvoir d'appréciation qui était le sien, que le prix de l'adjudicataire était parfaitement crédible, de sorte qu'aucun facteur de réduction lié à la crédibilité n'a été appliqué.

Le consortium RADELET considère que l’offre de l’adjudicateur ne serait pas crédible, dès lors qu'il avait passé le double du temps à la réalisation des échantillons. Or, cet élément n'est pas déterminant pour juger de la crédibilité du prix dans le présent cas. En effet, d'une part, le point 5.8 du cahier des charges prévoyait explicitement que les offres ne seraient pas notées en fonction du temps passé pour exécuter le marché. D'autre part, comme le relève le pouvoir adjudicateur, le travail de restauration n'est pas un travail uniformisé qui permet d'appliquer les mêmes méthodes et matériaux à toutes les surfaces. La réalisation des échantillons nécessitait ainsi des tests et des recherches concernant la méthode et les produits adéquats pour parvenir au résultat escompté. Certaines disparités sur le temps de réalisation s’expliquaient par le choix de restauration opéré. Avec raison, le pouvoir adjudicataire a donc jugé que le temps de réalisation n'était pas représentatif du temps nécessaire pour la réalisation des travaux sur une grande surface. Ce faisant, il n'a en particulier pas violé les principes de l'égalité de traitement et de transparence.

Dès lors, ce grief sera écarté.

15) Le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS considère que l’autorité adjudicatrice a évalué arbitrairement l’échantillonnage réalisé par l’adjudicataire, en lui appliquant une note supérieure à la moyenne alors qu'il ne respectait pas les règles de l’art et les exigences du cahier des charges. Le consortium RADELET estime que l’échantillonnage réalisé par le consortium adjudicataire a été évalué de manière arbitraire, ce d’autant plus qu’il avait été écarté dans un premier temps et que seuls leurs propres échantillons avaient fait l'objet d'une appréciation qualitative.

À titre préalable, il convient de relever que le pouvoir adjudicateur a effectivement estimé que les échantillons réalisés par les consortiums PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS et RADELET étaient meilleurs, dès lors qu'ils ont obtenu la note de 4,5, respectivement 4,0, tandis que l'adjudicataire a obtenu la note de 3,8. Il ressort toutefois de la synthèse des observations de l'expert que les trois candidats ont démontré, selon lui, avoir les compétences et les connaissances requises pour effectuer le marché. Par ailleurs, les échantillons ont tous été présentés à des représentants de la CMNS et/ou de l'office du patrimoine et des sites qui ont jugé qu'ils étaient tous acceptables au regard des exigences de la CMNS dans les préavis donnés dans le cadre de la délivrance des autorisations de construire.

Il ressort des notes et synthèses de M. GUYOT ainsi que des écritures du pouvoir adjudicateur que la note attribuée à l'adjudicataire tenait compte de l'apparence fermée de l'échantillon n° 1 due à l'application d'un vernis huileux et à des retouches trop poussées des dorures et des bronzines. Le dégagement a par contre été jugé bien maîtrisé, de même que les autres retouches (hors dorure et bronzine). S'agissant de l'échantillon n° 2, il a été considéré comme étant un peu trop rose. Le choix de conserver l'ancienne dorure de l'échantillon a en revanche été jugé judicieux. Ainsi, il apparaît que la note obtenue par l'adjudicataire tient compte des points négatifs et positifs du travail réalisé et rien ne permet de retenir que ses échantillons auraient été jugés arbitrairement.

S'agissant en particulier de l'utilisation d'un vernis huileux irréversible, bien qu'elle ait été jugée négativement, le pouvoir adjudicateur a considéré qu'elle était admissible, ce qu’a également admis la CMNS qui a jugé tous les échantillons acceptables. Le fait qu'un conservateur-restaurateur, mandaté par l'un des consortiums recourants, ait jugé cette pratique « déplorable » dans le domaine de la conservation et la restauration, n'est en particulier pas de nature à remettre en cause ce qui précède. De plus, le fait que les retouches des dorures et des bronzines aient été jugées trop poussées ne permet pas de considérer, comme le relève le consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS, que l'adjudicataire aurait fait une reconstitution contraire au cahier des charges, devant être considéré comme éliminatoire. La position du pouvoir adjudicateur selon laquelle ces retouches trop poussées justifiaient une réduction de la note mais en aucun cas l’éviction n'est pas critiquable.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'invoque le consortium RADELET, ses échantillons ne sont pas les seuls à avoir fait l'objet d'une appréciation quantitative de la part de l'expert. M. GUYOT a par exemple indiqué dans ses « notes et remarques sur les échantillons », s'agissant de ceux du consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS, qu'il y avait « un très bon résultat de finition à l'huile et [un] traitement très adapté du faux marbre ».

Enfin, le fait que l'adjudicataire ait, dans un premier temps, été écarté du marché n'est pas déterminant. En effet, d'une part, cette décision a été révoquée par le pouvoir adjudicateur et le consortium SINOPIE a pu réintégrer la procédure. D'autre part, contrairement à ce que semble soutenir le consortium RADELET, son éviction n'était pas liée à un manque de qualité technique. Le pouvoir adjudicateur ayant dès l'origine décidé de ne retenir que trois candidats pour la phase d'échantillonnage, elle avait fait le choix d'écarter celui-ci au seul motif que le nombre d'employés mis à disposition pour les travaux de restauration était moins important que celui mis à disposition pour les travaux de peinture. Dès lors, il ne saurait être reproché au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir tenu compte de ce fait dans la fixation des notes de l'adjudicataire.

Ainsi, il apparaît que les consortiums recourants se limitent à substituer leur propre appréciation à celle du pouvoir adjudicateur lorsqu'ils estiment que la note de l'adjudicataire était trop élevée. Or, à la lecture des explications données par le pouvoir adjudicateur, sa notation ne prête pas le flanc à la critique, celui-ci ayant justifié, pour chaque grief soulevé par les recourants, son appréciation, étant rappelé que la chambre de céans ne revoit pas l’opportunité des décisions attaquées.

Au vu de ce qui précède, l’évaluation des offres faite par l’autorité adjudicatrice, sous l'angle du critère de la qualité technique des échantillons, n’est constitutive d’aucun excès ou abus de son pouvoir d’appréciation, pas plus qu'elle n'est arbitraire.

Le grief sera écarté.

16) La décision d’adjudication de la ville étant, en tous points, conforme au droit, les recours seront tous rejetés.

17) Le contrat d'adjudication ayant été signé, le consortium SINOPIE, qui n'a plus d'intérêt au litige (art. 71 al. 1 LPA), sera mis hors de cause.

18) Vu l’issue du litige et compte tenu de la décision sur effet suspensif, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge du consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS, et un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du consortium RADELET, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de CHF 3'000.- sera allouée au consortium appelé en cause qui y a conclu, dont CHF 1'500.- à la charge du consortium PESKO BONOLI/BACHER TILLMANNS et CHF 1'500.- à la charge du consortium RADELET. La ville disposant de son propre service juridique, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/899/2016 précité consid. 11).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

met hors de cause Sinopie Sàrl, Madame Emmanuelle ZEM ROHNER et Belloni et Cie SA, en consortium ;

déclare recevable et rejette le recours interjeté le 5 décembre 2016 par Madame Susana PESKO BONOLI, Madame Véronique BACHER TILLMANNS, Madame Laurence PAOLINI, Monsieur Sandro CUBEDDU, Madame Maja STEIN et Fabio Bernasconi Peinture Sàrl, en consortium, contre la décision de la Ville de Genève du
15 novembre 2016 ;

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 13 décembre 2016 par Monsieur Thierry RADELET et Orth & Fils Sàrl, en consortium, contre la décision de la Ville de Genève du 15 novembre 2016 ;

met à la charge de Madame Susana PESKO BONOLI, Madame Véronique BACHER TILLMANNS, Madame Laurence PAOLINI, Monsieur Sandro CUBEDDU, Madame Maja STEIN et Fabio Bernasconi Peinture Sàrl, en consortium, un émolument
CHF 2'000.- ;

met à la charge de Monsieur Thierry RADELET et Orth & Fils Sàrl, en consortium, un émolument CHF 2'000.- ;

alloue à Sinopie Sàrl, Madame Emmanuelle ZEM ROHNER et Belloni et Cie SA, en consortium, une indemnité de procédure de CHF 3’000.-, dont CHF 1'500.- à la charge de Madame Susana PESKO BONOLI, Madame Véronique BACHER TILLMANNS, Madame Laurence PAOLINI, Monsieur Sandro CUBEDDU,
Madame Maja STEIN et Fabio Bernasconi Peinture Sàrl, en consortium, et CHF 1'500.- à la charge de Monsieur Thierry RADELET et Orth & Fils Sàrl, en consortium ;

dit qu'aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- sinon, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Nathanaëlle Petrig, avocate de Madame Susana PESKO BONOLI, Madame Véronique BACHER TILLMANNS, Madame Laurence PAOLINI, Monsieur Sandro CUBEDDU, Madame Maja STEIN et Fabio Bernasconi Peinture Sàrl, en consortium, à Me Bénédict Fontanet, avocat de Monsieur Thierry RADELET et Orth & Fils Sàrl, en consortium, à Me Pascal Nicollier, avocat de Sinopie Sàrl, Madame Emmanuelle ZEM ROHNER et Belloni et Cie SA, en consortium, à la Ville de Genève ainsi qu’à la commission fédérale de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Thélin, Pagan et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :