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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1247/2016

ATA/752/2016 du 06.09.2016 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 14.10.2016, rendu le 17.08.2017, PARTIELMNT ADMIS, 8C_681/2016
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1247/2016-FPUBL ATA/752/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 septembre 2016

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Christian Dandrès, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE



EN FAIT

1. Madame A______, née en 1983, a été engagée par la Ville de Genève (ci-après : la ville) en qualité d’auxiliaire, à la fonction de gardienne de bains polyvalente au service des sports (ci-après : le service), par contrat signé le 17 avril 2014.

Les rapports de service ont commencé le 1er mai 2014. Ils étaient convenus jusqu’au 8 septembre 2014.

Le « contrat de travail de droit public » était soumis au statut du personnel de la ville de Genève du 29 juin 2010 (LC 21 151.30 ; ci-après : le statut) au règlement d’application du statut du personnel de la ville de Genève du 14 octobre 2009 (LC 21 152.0 ; ci-après : REGAP) ainsi qu’au règlement relatif aux conditions d’engagement de l’auxiliaire du 14 octobre 2009 (LC 21 152.7).

2. L’intéressée a été « nommée » audit poste à compter du 1er août 2014, par lettre du Conseil administratif de la ville (ci-après : le Conseil administratif) du 30 juillet 2014.

Elle était soumise à une période d’essai jusqu’au 30 avril 2016. La lettre a été signée comme valant « bon pour acceptation » par l’intéressée le 4 août 2014.

3. Le 6 mars 2015 a eu lieu un entretien d’évaluation de l’employée après neuf mois de période d’essai.

Selon le formulaire y relatif, Mme A______ répondait aux attentes de son employeur.

4. Un second entretien d’évaluation s’est tenu le 19 janvier 2016 après vingt mois de période d’essai.

Selon le compte-rendu, l’intéressée ne répondait que partiellement aux attentes de la ville.

5. Par courrier du 20 janvier 2016, Madame B______, cheffe du service des sports, a demandé à la directrice du département de la culture et des sports (ci-après : le département) la résiliation des rapports de service de Mme A______ durant la période d’essai.

6. Le 1er février 2016, l’administrateur du service a transmis à Mme A______ copie du formulaire d’entretien du 19 janvier 2016, dûment signé par les parties et muni des préavis négatifs quant à la poursuite des rapports de service signés de la cheffe de service, de la directrice du département et de Monsieur C______, Conseiller administratif délégué.

Mme B______ était à disposition pour tout renseignement.

7. Par pli du 3 février 2016, Mme B______ a rappelé à l’employée ses horaires et l’a priée d’arriver à l’heure. La collaboratrice devait pour le surplus prêter attention aux consignes de nettoyage lors des manifestations.

8. Par courrier du 10 février 2016, le Conseil administratif a informé Mme A______ de son intention de résilier les rapports de service. Un délai était accordé à l’intéressée pour faire ses observations.

9. Le courrier précité s’est croisé avec une correspondance du 11 février 2016 de Mme A______, par laquelle elle sollicitait de Mme B______ des explications complémentaires suite à son évaluation.

10. Le 16 février 2016, Mme A______ s’est déterminée par écrit à la suite de l’envoi du Conseil administratif du 10 février 2016. Elle contestait les faits qui lui étaient reprochés et sollicitait une audition orale devant une délégation du Conseil administratif.

11. Par pli du 18 février 2016, Monsieur D______, directeur général de la ville, a convoqué l’intéressée pour le 23 février 2016. Elle avait la possibilité d’être assistée. La délégation du Conseil administratif serait composée de Monsieur E______, directeur général adjoint et lui-même.

12. Par courriel du 23 février 2016 à 15h35, Madame F______, secrétaire syndicale, a contesté la composition de la délégation. Le fait que Mme A______ soit entendue par M. D______ ne répondait pas à la définition du droit d’être entendu par une délégation du Conseil administratif.

13. L’audition par la « délégation du Conseil administratif » a eu lieu le 23 février 2016, en présence de l’intéressée, assistée de Mme F______, de MM. D______ et E______.

14. Par courriel du même jour, à 18h14, la secrétaire syndicale a transmis à M. D______, copie du formulaire de l’entretien d’évaluation du 19 janvier 2016. Comme l’employée l’avait expliqué lors de l’entretien, elle n’avait pas coché « oui » à la question de savoir si elle avait pu se préparer à l’entretien d’évaluation. Le fait que la ville soit en possession d’un exemplaire où le « oui » était coché était des plus préoccupants. Toute la lumière devait être faite sur ce point.

15. Par décision du 9 mars 2016, le Conseil administratif a résilié les rapports de service de Mme A______ pendant le temps d’essai, pour le terme du 31 mai 2016. L’employée était libérée de son obligation de travailler. La décision était exécutoire nonobstant recours.

16. La secrétaire syndicale est intervenue par correspondance du 14 avril 2014 auprès de M. D______ en faveur de l’intéressée.

Parmi les requêtes, elle a renouvelé la demande d’audition par une délégation du Conseil administratif.

17. Par réponse du 4 mai 2016, M. D______ a indiqué qu’un avocat s’était constitué pour la défense des intérêts de Mme A______, laquelle n’avait pas mandaté le syndicat. La réponse de la ville irait au mandataire.

18. Par acte du 25 avril 2016, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de licenciement de la ville du 9 mars 2016, concluant au constat de sa nullité, subsidiairement à son annulation et à ce qu'elle soit réintégrée au sein de l'administration municipale. Plus subsidiairement, le constat devait être fait que la décision querellée n’était pas conforme au droit et qu’elle devait être réintégrée. En cas de refus de la ville, cette dernière devait être condamnée à lui verser une indemnité équivalant à vingt-quatre mois de son dernier salaire. Les conclusions étaient prises sous suite de « dépens » qui devaient comprendre une indemnité pour la participation aux honoraires d’avocat.

Dans un arrêt du 24 novembre 2015 (ATA/1257/2015), la chambre administrative avait considéré que le gouvernement municipal ne pouvait déléguer la tâche d’audition du personnel à M. D______ ou toute autre personne de l’administration et qu’il devait recevoir les collaborateurs qui en faisaient la demande, cas échéant en composition restreinte.

19. Par mémoire du 27 mai 2016, la ville a conclu au rejet du recours.

L’arrêt de la chambre administrative constituait un surprenant revirement de sa jurisprudence. La ville avait recouru auprès du Tribunal fédéral contre cette décision qui allait à l’encontre de la jurisprudence développée jusqu’alors. L’arrêt de la chambre administrative n’était ni définitif ni exécutoire, l’effet suspensif au recours ayant été restitué à la demande de la ville.

Le licenciement était valable, sous l’angle du respect des délais de résiliation, de la validité des motifs de congé et de l’interdiction de l’arbitraire, de la proportionnalité, du droit d’être entendu et de l’égalité de traitement. En tous les cas, elle s’opposait à une réintégration. Elle s’opposait enfin à toute indemnisation de l’intéressée.

Il était contesté que la recourante n’ait pas coché, en page 4 du formulaire d’évaluation, la réponse « oui » à la question de savoir si elle avait pu se préparer à l’entretien du 19 janvier 2016. Les différentes versions dudit formulaire, signé tout d’abord par la recourante et les évaluateurs, puis par Monsieur G______, adjoint de direction piscine, et Mme B______, puis par Mme H______, directrice du département et M. C______, contenaient toutes la case cochée. La version envoyée le 1er février 2016 à Mme A______ était également identique. Il ressortait des recherches effectuées par la ville sur l’informalité alléguée que la recourante avait, au moment de l’évaluation, signé un document dûment coché.

20. Par courrier du 2 juin 2016, la ville a informé la chambre de céans que la recourante avait trouvé un nouvel emploi au sein de la piscine de I______. Elle y travaillait depuis le 30 mai 2016. Le recours n’avait plus lieu d’être compte tenu de la jurisprudence de la chambre administrative.

21. Par réplique du 23 juin 2016, la recourante a persisté dans ses conclusions.

La jurisprudence citée était ancienne. Le contrat avec la ville de I______ était produit. Il était convenu du lundi 30 mai au dimanche 4 septembre 2016 avec possibilité de prolonger jusqu’au dimanche 11 septembre 2016.

22. La ville a sollicité de pouvoir dupliquer, ce qui lui a été accordé.

Par observations du 8 août 2016, la ville a persisté dans ses conclusions. Elle a contesté un point de fait soulevé dans la réplique sur les relations au sein du service et produit des pièces y relatives.

23. Par courrier du 15 août 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sur ces points (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La ville se réfère à l’ATA/192/2009 du 21 avril 2009 pour en déduire que lorsqu’un employé qui conteste son congé et conclut à sa réintégration retrouve un emploi en cours de procédure, son recours perd tout objet.

L’autorité intimée soulève la question de l’intérêt actuel au recours de l’employée.

a. À teneur de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/602/2016 du 12 juillet 2016 consid. 1b).

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_837/2013 du 11 avril 2014 consid. 1.1). Il faut donc que l’admission du recours procure au recourant un avantage pratique et non seulement théorique, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 30 consid. 2 ; 137 II 40 consid. 2.6.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1). Un intérêt seulement indirect à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée n’est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_495/2014 du 23 février 2015 consid. 1.2). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1).

c. Dans un arrêt du 30 août 2011 (ATA/525/2011 consid. 6) la recourante avait retrouvé un emploi à plein temps depuis le 1er août 2010. La chambre administrative avait constaté qu’étant au service d’un autre employeur, elle n’était plus à disposition de l’autorité intimée. Peu importait à cet égard que ce soit sur la base d’un contrat de durée déterminée, son échéance n’intervenant que dans une année. En tout état, elle ne pouvait pas être réintégrée au sein du personnel de l’entité étatique concernée, soumise à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) dans sa teneur en vigueur en 2011, dans l’hypothèse où il serait fait droit à ses conclusions. Le recours n’avait ainsi plus d’objet à cet égard.

Dans un ATA/335/2012 du 5 juin 2012, la chambre administrative a constaté que la recourante avait retrouvé un emploi à plein temps depuis le 1er novembre 2011. Étant au service d’un autre employeur, elle n’était plus à disposition de l’autorité intimée. En tout état, elle ne pouvait pas être réintégrée au sein du personnel de l’entité publique concernée, dans l’hypothèse où il serait fait droit à ses conclusions. Le recours n’avait ainsi plus d’objet à cet égard.

Dans l’ATA/641/2012 du 25 septembre 2012, la chambre administrative a tranché qu’un justiciable n'avait plus d'intérêt actuel et pratique à l'admission de son recours, puisque les procédures pénales et administrative, connues du maire de la commune concernée, n'avaient pas empêché cette dernière de l'engager, puis à la fin du sursis au bénéfice duquel il avait été mis pendant trois ans, de le nommer après avoir obtenu le préavis favorable du département. Il était établi et non contesté qu'ainsi, le recourant n’avait pas connu entre ces deux emplois une période durant laquelle il n'aurait pas été rémunéré d'une part, et que d'autre part, le report de sa nomination jusqu'au 1er mars 2012 au sein de la police municipale de la commune n'avait pas eu de conséquences pécuniaires pour lui, le seul « préjudice » qui en était résulté ayant consisté à ne pas pouvoir porter l'uniforme et agir dans la rue, en étant cantonné à des tâches administratives, ce qui ne saurait suffire à lui conférer un intérêt actuel et pratique, digne de protection, fondant sa qualité pour recourir.

d. En l’espèce, le contrat de la recourante avec la municipalité de I______ a pris fin il y a deux jours, voire prendra fin au plus tard dans cinq jours, le dimanche 11 septembre 2016. Dans ces conditions, contrairement à l’ATA/525/2011, elle est à disposition de son employeur et peut être réintégrée au sein de l’administration dans l’hypothèse où la chambre administrative devait retenir la nullité du licenciement. Enfin, contrairement à l’ATA/192/2009, la recourante a pris des conclusions en nullité du licenciement et en réintégration, sans les limiter à un dies ad quem, comme l’avait fait la partie recourante en 2008 dans ses dernières écritures.

La recourante a un intérêt actuel au recours.

Le recours est recevable.

3. a. Le pouvoir d’examen de la chambre administrative est limité à la violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. let. a LPA). Sauf exception prévue par la loi, la chambre de céans ne peut pas revoir l’opportunité de la décision litigieuse (art. 61 al. 2 LPA).

b. Les communes disposent d’une très grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu’elles entretiennent avec leurs agents. Cela ne signifie pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble. Elle ne peut ni renoncer à exercer ce pouvoir, ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif. Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, elle est notamment liée par les critères qui découlent du sens et du but de la réglementation applicable (ATA/185/2011 du 22 mars 2011 consid. 8a et b et les références citées).

4. Engagée le 1er mai 2014 en qualité d'auxiliaire, puis d'employée dès le 1er août 2014, la recourante est soumise aux dispositions du statut.

5. La recourante invoque en premier lieu une violation de son droit d’être entendue dès lors qu'il n'a pas été donné suite à sa demande d'audition orale par une délégation du Conseil administratif.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; ATA/918/2014 du 25 novembre 2014 consid. 3 et les références citées). En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 précité consid. 3.2 p. 494 ; 129 II 497 consid. 2.2 p. 504 ss ; ATA/918/2014 précité). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 111 Ia 273 consid. 2b p. 274 ; ATA/918/2014 précité). En matière de rapports de travail de droit public, des occasions relativement informelles de s’exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d’être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu’une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (arrêts du Tribunal fédéral 1C_560/2008 du 6 avril 2009 consid. 2.2 ; ATA/918/2014 précité). La personne concernée ne doit pas seulement connaître les faits qui lui sont reprochés, mais également savoir qu’une décision allant dans une certaine direction est envisagée à son égard (arrêts du Tribunal fédéral 8C_643/2011 du 21 juin 2011 consid. 4.3 ; ATA/918/2014 précité).

b. Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est en principe pas nulle, mais annulable (arrêt du Tribunal fédéral 2P.207/2001 du 12 novembre 2001 consid. 5a ; ATA/918/2014 précité ; ATA/195/2014 du 1er avril 2014 consid. 5). La violation du droit d’être entendu doit en principe entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; ATA/918/2014 précité).

c. La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 132 II 21 consid. 3.1 ; 130 II 249 consid. 2.4 p. 257 ; ATA/312/2015 du 31 mars 2015 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 908 ss). Des vices de procédure qui tiennent à des violations du droit d'être entendu sont en soi guérissables et ne conduisent en règle générale qu'à l'annulabilité de la décision entachée du vice. S'il s'agit cependant d'un manquement particulièrement grave aux droits essentiels des parties, les violations du droit d'être entendu entraînent aussi la nullité (arrêt de Tribunal fédéral 8C_861/2012 du 20 août 2013 consid 5.2 et les arrêts cités).

La réparation d’un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d’être entendu, est possible lorsque l’autorité de recours dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure, y compris si la question relève de l'opportunité (ATA/918/2014 précité ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 2.2.7.3 p. 324). En effet, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/735/2013 précité).

6. a. Selon de l’art. 4 al. 4 du statut, le Conseil administratif exerce les fonctions d’employeur, notamment en ce qui concerne l’engagement et la résiliation des rapports de service. Il peut, par règlement, déléguer ses compétences d’employeur, sauf dans les cas où le statut prévoit qu’il lui appartient de statuer (art. 4 al. 5 statut). Il nomme les employées et employés, compétence qu’il peut déléguer à l’un de ses membres (art. 24 statut).

Les employées et employés sont nommés initialement pour une période d'essai de 2 ans (art. 27 al. 1 statut).

Aux termes de l’art. 32 du statut, pendant la première année de la période d'essai, l'engagement peut être librement résilié de part et d'autre, un mois à l'avance pour la fin d'un mois. Ce délai est porté à deux mois dès la deuxième année. La résiliation par l'employeur (licenciement) fait l'objet d'une décision motivée du Conseil administratif. L'art. 336 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) est applicable en cas de licenciement abusif. L'art. 336c CO sur la résiliation en temps inopportun est applicable par analogie dès le quatrième mois des rapports de service. Le licenciement est en outre réputé intervenir en temps inopportun pendant toute la durée du congé maternité et adoption prévu par l'art. 69 du statut.

La procédure de licenciement est régie par les art. 96 ss du statut, ainsi que par la LPA (art. 37 statut).

La résiliation des rapports de service fait, en toute hypothèse, l’objet d’une décision motivée du Conseil administratif (art. 30 al. 2, 32 al. 2 et 34 al. 1 statut). Le statut ne prévoit pas que cette compétence ne puisse être déléguée.

b. Les art. 95 et suivants du statut ont trait aux décisions concernant les membres du personnel. Ces derniers ont la possibilité de s’exprimer par écrit sur les motifs invoqués à l’appui de la décision. Ils ont également droit à une audition orale devant l’autorité compétente pour prendre la décision, ou une délégation de celle-ci s’il s’agit du Conseil administratif, avec le droit de se faire assister (art. 96 al. 2 statut). Ce droit à une audition orale par une délégation du Conseil administratif est rappelé à l’art. 99 al. 3 du statut selon lequel dans les cas de licenciement fondés sur les articles 30, 32 et 34, la personne intéressée peut demander à être entendue oralement par une délégation du Conseil administratif. La personne intéressée a le droit de se faire assister (art. 99 al. 3 statut).

7. Il n’est pas contesté que la recourante, soumise au statut, ait le droit à être entendue oralement par une délégation du Conseil administratif au sens de l’art. 99 al. 3 du statut, bien qu’elle soit en temps d’essai.

Les parties divergent sur la composition possible de la délégation du Conseil administratif, la recourante soutenant qu’elle doit comprendre un ou plusieurs membres de ce conseil et l’intimée estimant qu’elle peut n’être composée que du directeur général.

8. a. Dans un récent arrêt, la chambre de céans a tranché cette question en retenant que la délégation du Conseil administratif au sens de cette disposition devait être composée d’au moins un membre de cette autorité (ATA/1257/2015 du 24 novembre 2015).

Un entretien avec le directeur général ne remplissait pas les conditions (ATA/1257/2015 précité).

b. En l’espèce, aucun membre du Conseil administratif n’était présent lors de l’entretien du 23 février 2016. En conséquence, le droit d’être entendu de la recourante a été violé, conformément à l’arrêt précité.

L’argument de l’autorité intimée selon lequel le fait que la recourante soit venue à l’entretien du 23 février 2016 en connaissant la composition de la « délégation » ne modifie pas la conclusion qui précède, dès lors que le courrier la convoquant mentionnait expressément que si elle ne se présentait pas à cette audition, la ville considérerait qu’elle avait dûment renoncé à cette faculté supplémentaire d’être entendue.

Le fait que la ville ait fait recours contre l’arrêt précité (ATA/1257/2015) devant le Tribunal fédéral et que l’affaire soit pendante devant ladite juridiction n’empêche pas la chambre administrative de rendre la présente décision, conformément à l’ATA précité.

La ville connaissait d’ailleurs l’interprétation faite par la chambre administrative des art. 96 al. 2, 2ème phrase et 99 al. 3 du statut, l’arrêt querellé ayant été prononcé le 24 novembre 2015, soit six mois avant le licenciement de Mme A______.

9. S’agissant d’un droit procédural essentiel de l’employé dans le système mis en place par la ville, cette violation doit être qualifiée de grave, conformément aux développements faits dans l’ATA/1257/2015 dans lequel la nullité du congé avait été retenue. La problématique était de surcroît connue de la ville au moment du licenciement de la recourante.

Le Conseil administratif était à même d’y remédier en organisant l’audition sollicitée avant de rendre la décision querellée, voire en retirant celle-ci et en procédant à l’audition sollicitée avant de rendre une nouvelle décision, quelle qu’elle soit.

Par ailleurs, en matière de licenciement d’un membre du personnel de la ville, la chambre administrative ne dispose pas du même pouvoir d’examen que le Conseil administratif. Elle ne peut revoir l’opportunité de la décision. En outre, si elle juge le licenciement contraire au droit, elle ne peut en principe que proposer la réintégration de l’employé, l'autorité n'ayant pas l'obligation de l'accepter. Est alors ouverte la seule voie de l'indemnisation. L’annulation de la décision avec ordre de réintégration n’est possible qu'exceptionnellement si le licenciement est abusif au sens de l’art. 336 CO ou des art. 3 et 10 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1985 (LEg – RS 151.1) ou alors qu’il n’existe pas de juste motif (art. 106 statut). Ainsi, la recourante ne peut faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse. Dès lors, la violation du droit d'être entendue de la recourante ne peut être réparée devant la chambre de céans.

À l’instar de l’ATA/1257/2015 précité, il convient de prononcer la nullité de la décision querellée.

La sécurité du droit n’en souffrira pas sérieusement, quand bien même les rapports de service ont entretemps pris fin, la recourante ayant bénéficié d’un revenu entre le 30 mai 2016 et le 4, voire le 11 septembre 2016. L’intéressée est en conséquence immédiatement disponible pour reprendre son activité auprès de la ville.

La nullité implique toutefois que les rapports de service ne soient plus dans la période d’essai, laquelle a pris fin le 30 avril 2016, avec les conséquences que cela implique en matière de motifs de licenciement. La ville était toutefois au courant de ce risque lors de l’audition du 23 février 2016 ainsi qu’au moment du licenciement, le 9 mars 2016. L’échéance de la période de deux ans n’est en conséquence pas une circonstance de nature à influer sur la nullité du congé.

10. La nullité de la décision querellée sera donc constatée. En cas de constat de nullité, le recours n'a pas ou plus d'objet, ce qui conduit en principe à son irrecevabilité (ATF 136 II 415 précité consid. 1.2 ; ATA/312/2015 précité). Le recours sera dès lors déclaré irrecevable.

11. Aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA).

Vu la nullité de la décision attaquée, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante, à la charge de la ville (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

constate la nullité de la décision du Conseil administratif de la Ville de Genève du 9 mars 2016 ;

déclare irrecevable le recours interjeté le 25 avril 2016 par Madame A______ contre la décision du Conseil administratif de la Ville de Genève du 9 mars 2016 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat de la recourante, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :