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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1499/2013

ATA/360/2014 du 20.05.2014 ( MARPU ) , REJETE

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS ; APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS) ; SOUMISSIONNAIRE ; FORMALISME EXCESSIF ; POUVOIR D'APPRÉCIATION ; ADJUDICATEUR
Normes : AIMP.1.al3.letb; AIMP.11.leta; AIMP.15.al1; AIMP.15.al2; AIMP.18.al2; L-AIMP.3.al3; L-AIMP.15; RMP.16.al1; RMP.16.al2; RMP.24; RMP.28; RMP.43; RMP.56
Parties : TRANSVOIRIE SA / VILLE DE GENEVE - SERVICE DU GENIE CIVIL, VILLE DE GENEVE - DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMENAGEMENT, PLASTIC OMNIUM AG
Résumé : Rejet du recours du soumissionnaire évincé. Les sous-critères litigieux figurent dans le dossier d'appel d'offres. Ils sont une concrétisation des critères annoncés. Le pouvoir adjudicateur leur a accordé une pondération spécifique en fonction de la complexité des techniques, ce qui a permis une notation objective des offres. L'attribution d'une note supérieure à l'offre de l'adjudicataire ne constitue pas un usage abusif du pouvoir d'appréciation, dans la mesure où cette offre présente des avantages particuliers et qu'elle dépasse les attentes du pouvoir adjudicateur. L'offre litigieuse propose une solution technique plus innovante que celle de la recourante en ce qui concerne le nettoyage des cuves, ce qui compense le volume inférieur de celles-ci.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1499/2013-MARPU ATA/360/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 mai 2014

 

dans la cause

 

TRANSVOIRIE SA
représentée par Me Michel Bussard, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMÉNAGEMENT

et

PLASTIC OMNIUM AG, appelée en cause

 



EN FAIT

1) Le 5 novembre 2012, le département des constructions et de l'aménagement de la Ville de Genève (ci-après : la ville) a envoyé à quatre entreprises au moins une invitation à participer à un marché public de fournitures, portant sur 18 conteneurs enterrés et 4 goulottes de surface à la rue Cité-de-la-Corderie (dans le quartier des Grottes) et à la rue de la Madeleine.

La ville a ainsi notamment invité à participer à ce processus d'adjudication les entreprises Transvoirie SA (ci-après : Transvoirie ou la société) et Plastic Omnium AG (ci-après : Plastic Omnium).

Transvoirie est une société anonyme sise à Vernier, dont les buts statutaires sont les services et prestations dans le domaine du transport, de la manutention, de la gestion et de la commercialisation de déchets et autres matériaux.

Plastic Omnium est une société anonyme sise à Bâle, dont le but principal est le commerce de tous matériaux, et en particulier du plastique.

2) Le délai de clôture pour le dépôt des offres venait à échéance le 14 décembre 2012 à 14h00 (12h00 selon le dossier d'appel d'offres). La mise en place des conteneurs était fixée à début 2013, en coordination avec les travaux de génie civil.

Le dossier d'appel d'offres était joint à l'envoi. Dans la rubrique intitulée « Objet du marché », il était notamment indiqué que dans le cadre d'un « projet pilote », la ville souhaitait installer deux sites de conteneurs enterrés permettant la récolte des ordures ménagères et de tous les déchets valorisables. Plus précisément, il s'agissait de mettre en place 18 conteneurs enterrés et 4 goulottes de surface.

Il ressortait également du dossier d'appel d'offres (point 9.3), relativement aux caractéristiques générales des conteneurs et entre autres exigences, que la durée de vie des équipements devait être de dix ans minimum.

Les caractéristiques techniques indiquaient que les volumes proposés étaient de 5 m3 pour les conteneurs amovibles des ordures ménagères et des déchets recyclables. En outre, les équipements devaient être conçus de manière à faciliter la maintenance préventive et curative sans outillage technique spécialisé ou main-d'œuvre qualifiée ou spécialisée, notamment pour permettre les opérations d'entretien.

En sus des caractéristiques générales et techniques des conteneurs et des goulottes souhaités, la pondération des critères d'adjudication figurant dans le dossier adressé aux entreprises invitées était la suivante :

      prix : 40 %

      qualités techniques : 40 %

      références : 20 %

3) Dans le délai imparti aux soumissionnaires, Transvoirie a soumis une offre pour le marché en cause, pour un montant total net, toutes taxes comprises (ci-après : TTC) de CHF 151'219.-.

4) Dans le même délai, Plastic Omnium a soumis une offre pour un montant total de CHF 163'188.- TTC.

5) Le 2 avril 2013, le pouvoir adjudicateur a procédé à l'évaluation des quatre offres présentées. À l'issue de l'analyse multicritères, l'offre de Plastic Omnium recevait 439,74 points, celle de Transvoirie 432 points, tandis que celles des deux autres entreprises ayant soumissionné recevaient respectivement 362,70 et 347,44 points.

Les notes attribuées à Plastic Omnium étaient de 4,29 (sur 5) pour le prix, de 4,20 pour les qualités techniques et de 5 pour les références. Celles attribuées à Transvoirie étaient de 5 pour le prix, de 3,30 pour les qualités techniques et de 5 pour les références.

6) Le 2 mai 2013, la ville a informé Plastic Omnium de sa décision de lui attribuer le marché.

Le même jour, elle a signifié leur éviction aux autres soumissionnaires, dont Transvoirie. La grille d'évaluation était annexée à la décision.

7) Par acte déposé le 10 mai 2013, Transvoirie a interjeté recours contre la décision précitée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et principalement à l'annulation de la décision d'adjudication du 2 mai 2013 ainsi qu’à l'octroi du marché.

L'effet suspensif devait être accordé. Le caractère de projet pilote, ainsi que la faible importance du nombre de fournitures en cause avaient pour conséquence une absence d'urgence à exécuter immédiatement les travaux. Le bien-fondé du recours était manifeste. Les principes de transparence et d'égalité de traitement avaient été gravement violés.

L'écart entre les soumissionnaires résultait uniquement d'une appréciation portant sur le critère des qualités techniques, alors que l'importance relative accordée aux éléments d'appréciation concernant ce critère n'avait pas été communiquée à titre préalable aux soumissionnaires. La ville avait ainsi nécessairement accordé de l'importance à certaines caractéristiques techniques ayant abouti à la notation de Transvoirie sur le critère litigieux, sans en informer à l'avance, lors de l'appel d'offres, les soumissionnaires. Cette absence d'information préalable avait également permis de favoriser l'entreprise adjudicataire et généré une inégalité de traitement.

Enfin, l'offre de Transvoirie était économiquement la plus avantageuse, le prix proposé étant inférieur à celui de l'entreprise adjudicataire.

8) Le 21 mai 2013, le juge délégué a ordonné l'appel en cause de Plastic Omnium.

9) Le 23 mai 2013, cette dernière a indiqué ne pas avoir d'observations à émettre au sujet de l'effet suspensif et « appuyer la décision de la ville ».

10) Le 24 mai 2013, la ville a conclu au rejet de la demande en restitution de l'effet suspensif et au rejet du recours sur le fond.

L'absence d'effet suspensif était la règle en matière de marchés publics. L'octroi de l'effet suspensif aurait pour conséquence de maintenir les lieux disparates et peu esthétiques où les déchets étaient actuellement récupérés, ainsi que, pour le point de récupération des Grottes (rue Cité-de-la-Corderie), de retarder également l'ouverture de toilettes publiques réclamés de longue date par la population.

Sur plusieurs exigences techniques, l'offre de Plastic Omnium était supérieure à celle de Transvoirie. Ainsi, la première proposait une garantie de dix ans sur les conteneurs, telle que demandée par le cahier des charges, tandis que la seconde limitait sa garantie à cinq ans. Sur le point de l'accessibilité de la plateforme de l'espace de récupération des déchets également, l'offre de Plastic Omnium respectait le cahier des charges, alors que tel n'était pas le cas de celle de Transvoirie. L'offre de Transvoirie était peu précise concernant les conteneurs textiles et les goulottes de surface, à l'inverse de celle présentée par Plastic Omnium. Enfin, la solution proposée par cette dernière concernant les caractéristiques techniques des conteneurs de compost / papier / carton / PET / aluminium / fer blanc était particulièrement intéressante et dépassait les attentes du pouvoir adjudicateur. Dès lors, même si l'offre de Transvoirie était de meilleure qualité sur un point spécifique, à savoir celui des matériaux envisagés, elle avait reçu une note inférieure sur le critère des qualités techniques.

11) Par décision du 30 mai 2013 (ATA/339/2013), communiquée le même jour aux parties, le président de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours et a réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

Le grief principal développé par la recourante, à savoir le manque de transparence et d'indication des sous-critères utilisés pour apprécier la qualité technique des offres apparaissait a priori irrecevable car tardif.

Concernant les griefs liés à la notation du critère des qualités techniques, au vu des explications a priori pertinentes fournies sur ce point par l'autorité intimée, elles n'apparaissaient pas en l'état suffisamment étayées pour justifier l'octroi de l'effet suspensif. En outre, l'équivalence que semblait faire la recourante entre prix le plus bas et offre économiquement la plus avantageuse apparaissait contraire à la définition posée par la législation et la jurisprudence.

12) Par courrier du 4 juin 2013, suite au refus de restitution de l'effet suspensif, la ville a informé la chambre de céans que le contrat de fourniture portant sur l'équipement des espaces de récupération des ordures ménagères et déchets recyclés avait été conclu avec Plastic Omnium.

13) Le 19 juin 2013, Plastic Omnium a informé la chambre administrative, suite à l'appel en cause du 21 mai 2013, ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler et appuyer pleinement les conclusions de la ville.

14) Le 21 juin 2013, la ville a persisté dans les conclusions formulées quant au fond dans sa réponse du 24 mai 2013 sur l'effet suspensif.

15) Le 22 août 2013, la recourante a persisté dans ses conclusions et rejeté tous les allégués de la ville.

Cette dernière avait commis des erreurs de calculs concernant deux critères. Ces erreurs réduisaient la note finale et ramenait l'écart à 0,80 point entre Transvoirie et Plastic Omnium. Il revenait à la chambre administrative de prendre acte de ces deux erreurs matérielles et de constater le très faible écart des notes après rectification.

Le principe de transparence avait manifestement été violé. La ville avait abusé de son pouvoir d'appréciation et commis une inégalité de traitement. L'autorité adjudicatrice devait procéder à une évaluation globale sur la base des mêmes critères pour toutes les offres déposées. Tous les critères devaient être connus des soumissionnaires. La ville n'avait pas fait état du critère de la durée de vie des équipements comme étant absolument essentiel dans son appréciation. Transvoirie avait uniquement indiqué la durée de garantie du fabricant. Plastic Omnium s'était vu attribuer une meilleure note pour ce critère, alors que celui-ci ne ressortait pas clairement du cahier des charges.

Plastic Omnium avait proposé des conteneurs de moins de 5 m3, alors que cette exigence de la part de la ville était « surlignée en gras » dans l'appel d'offres, et n'avait pourtant pas été sanctionnée, alors même qu'elle ne remplissait pas les conditions énoncées dans l'appel d'offres. Le traitement n'était manifestement pas le même. La décision d'adjudication était illicite.

Le contrat étant déjà conclu entre la ville et Plastic Omnium, le dommage subi par Transvoirie se chiffrait à CHF 8'454.- eu égard aux coûts liés à la préparation de l'offre et au présent recours.

16) Le 19 septembre 2013, le juge délégué a accordé à l'intimée et à l'appelée en cause un délai au 4 octobre 2013 pour se déterminer sur le mémoire de Transvoirie du 22 août 2013 et à Transvoirie un délai au 18 octobre 2013 pour exercer son droit à la réplique.

17) Dans le délai imparti, la ville a persisté dans ses conclusions et dans son argumentaire du 24 mai 2013.

Elle rappelait toutefois que lors de l'appréciation des critères d'adjudication, l'adjudicateur disposait d'une certaine marge d'appréciation et que la Cour devait éviter de substituer son appréciation à celle de l'autorité adjudicatrice. La décision pouvait être annulée uniquement si elle apparaissait insoutenable, sans raison objective, fondée sur des considérations étrangères ou d'une autre manière contraire aux principes juridiques fondamentaux comme l'égalité de traitement ou l'interdiction de l'arbitraire.

En outre, aucune erreur matérielle n'avait été commise par la ville et le raisonnement de la recourante était erroné. Les notes concernant les critères de techniques spécifiques étaient pondérées en fonction des exigences de celles-ci. Ainsi, la note finale concernant lesdites techniques ne résultait pas d'une simple addition. La ville relevait encore que même sur la base du calcul erroné qu'elle présentait, Transvoirie ne récupérait toujours pas la première place de l'appel d'offres. Le principe de transparence avait été respecté, la garantie de la durée de vie des équipements figurant comme exigence dans le dossier d'appel d'offres. Plastic Omnium avait proposé des caractéristiques techniques des conteneurs qui allaient au-delà de celles requises dans l'appel d'offres. Celles-là avaient été considérées comme présentant un avantage spécifique, ce qui avait été pris en compte dans la notation.

Toutefois, si la chambre administrative venait à constater l'illicéité de la décision d'adjudication, les prétentions de la recourante concernant des éventuelles indemnités s'élèveraient à CHF 5'454.- et non aux CHF 8'454.- allégués par celle-ci. Cette dernière n'avait en effet pas étayé le poste de dommage concernant « l'établissement du dossier technique du recours », notamment les cinq réunions totalisant quatre personnes et 30 heures de présence.

18) Le 3 octobre 2013, Plastic Omnium a informé la chambre administrative qu'elle « appuyait formellement les décisions de la ville de Genève » et n'avait aucune remarque à formuler.

19) Le 17 octobre 2013, Transvoirie a dupliqué. Elle ne souhaitait plus faire grief à la ville des erreurs matérielles de calculs et a en ce sens conclu au retrait des allégués y relatifs. Pour le surplus, elle a persisté dans ses conclusions concernant la violation du principe de transparence, l'abus manifeste d'appréciation et l'inégalité de traitement entre les soumissionnaires.

20) Le 23 octobre 2013, le juge délégué a rappelé aux parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le marché offert est soumis notamment à l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - 15 mars 2001 (AIMP - RS 172.056.5), au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01), à la loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0), ainsi qu’à la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

2) En vertu des art. 62 al. 2 let. b LPA, 15 al. 1 et 2 AIMP, 15 L-AIMP et 56 RMP, le recours est adressé à la chambre administrative dans les dix jours dès la notification de la décision.

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue.

3) a. La qualité pour recourir appartient à toute personne touchée directement par une décision et ayant un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 let. b LPA). Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu’il s’agisse d’intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (ATA/20/2014 du 14 janvier 2014 ; ATA/580/2013 du 3 septembre 2013 ; ATA/517/2009 du 13 octobre 2009).

En l’espèce, le contrat ayant été conclu avec l’adjudicataire (art. 46 RMP), il convient de se demander si la recourante conserve un intérêt digne de protection au maintien du recours.

b. Selon l’art. 18 al. 2 AIMP, lorsque le contrat est déjà conclu, l’autorité qui admet le recours ne peut que constater le caractère illicite de la décision. Si cette illicéité est prononcée, le recourant peut demander la réparation de son dommage, limité aux dépenses qu’il a subies en relation avec les procédures de soumissions et de recours (art. 3 al. 3 L-AIMP). Par ailleurs, selon l’arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006, le recourant qui conteste une décision d’adjudication et qui déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l’illicéité de l’adjudication, que des dommages intérêts soient réclamés ou non.

En tant que soumissionnaire évincée, et bien que le contrat ait été déjà conclu, la recourante conserve un intérêt actuel à recourir contre la décision d’adjudication au sens de l’art. 60 let. b LPA, son recours étant à même d’ouvrir ses droits à une indemnisation (ATF 125 II 86 consid. 5b p. 96). Elle dispose donc de la qualité pour recourir.

Dès lors que toutes les conditions énumérées ci-dessus sont remplies, le recours est recevable.

4) La recourante soulève tout d’abord une violation du principe de la transparence dans la passation du marché public litigieux. Elle prétend que la décision d’adjudication a été prise en application de sous-critères pour l'appréciation des qualités techniques qui ne figuraient pas dans le dossier d’appel d’offres.

5) a. Un des objectifs poursuivi par la réglementation sur les marchés publics est d’assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP).

b. Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal et incontournable des marchés publics. Il limite le large pouvoir d’appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur (RDAF 2001 I 403). La concurrence permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l’offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation (ATF 125 II 86 consid. 7c p. 101 in RDAF 2002 I 543).

Ce principe exige du pouvoir adjudicateur qu’il énumère par avance et dans l’ordre d’importance tous les critères d’adjudication qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions ; à tout le moins doit-il spécifier clairement l’importance relative qu’il entend accorder à chacun d’eux. En outre, lorsqu’en sus de ces critères, le pouvoir adjudicateur établit des sous-critères qu’il entend privilégier, il doit les communiquer par avance aux soumissionnaires, en indiquant leur pondération respective. En tous les cas, le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères (ATF 125 II 86 consid. 7c p. 101 et les références citées). Il n’exige toutefois pas, en principe, la communication préalable de sous-critères ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l’adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d’un critère publié. De la même manière, une simple grille d’évaluation ou d’autres aides destinées à noter les différents critères et sous-critères utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 p. 248 ; 125 II 86 consid. 7c p. 101 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D_22/2008 du 23 mai 2008 consid. 2.1 et les références citées).

6) a. À teneur de l’art. 15 al. 1 AIMP, les décisions de l’adjudicateur peuvent faire l’objet d’un recours, auprès d’une autorité juridictionnelle cantonale. Sont notamment réputées décisions sujettes à recours : l’appel d’offres (art. 15 al. 1bis let. a AIMP et 55 let. a RMP) et l’adjudication, sa révocation ou l’interruption d’une procédure d’adjudication (art. 15 al. 1bis let. e AIMP et 55 let. d RMP).

b. Conformément à la jurisprudence, les griefs à l’encontre de l’appel d’offres ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision d’adjudication (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.47/2004 du 6 avril 2004 ; ATA/20/2014 précité ; ATA/399/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/677/2005 du 12 octobre 2005). Le Tribunal fédéral a en outre déjà jugé qu’il était admissible d’exiger des candidats qu’ils contestent immédiatement les documents d’appels d’offres prétendument incomplets ou entachés d’autres vices de forme lors de la procédure d’appel d’offres déjà et non dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision d’adjudication (ATF 130 I 241 consid 4.2 ; 129 I 313 consid. 6.2 ; 125 I 203).

7) En l'espèce, pour permettre une appréciation des critères d'adjudication de l'appel d'offres, l'autorité intimée a scindé lesdits critères en divers sous-critères auxquels elle a attribué une pondération spécifique en fonction de la complexité des techniques ; ce qui lui a permis une notation objective et une concrétisation des critères déjà annoncés. Ce mode d'évaluation est autorisé par la jurisprudence précitée, étant précisé que le pouvoir adjudicateur n’apparaît pas s’être fondé sur des sous-critères, mais avait évalué les différentes offres en fonction des points décrits dans le dossier d’appel d’offres.

8) Ensuite, la recourante reproche à l'autorité intimée de ne pas avoir choisi son offre alors qu'elle était économiquement la plus avantageuse, le prix proposé étant inférieur à celui de l'entreprise adjudicataire.

9) En application de l’art. 43 RMP, l’évaluation est faite selon les critères prédéfinis, conformément à l’art. 24 RMP et énumérés dans l’appel d’offres et/ou les documents d’appel d’offres (al. 1). Le résultat de l’évaluation des offres fait l’objet d’un tableau comparatif (al. 2). Par ailleurs, le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l’offre économiquement la plus avantageuse, c’est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix (al. 3). Il est par ailleurs admis que seuls les marchés publics portant sur des biens largement standardisés peuvent n'être attribués que sur la base du critère du prix (ATF 129 I 313 consid. 7.2 ; ATA/20/2014 précité consid. 11 ; ATA/770/2013 du 29 octobre 2013 consid. 11).

Partant, l'interprétation de la recourante de l'offre économique la plus avantageuse est erronée ; le grief sera écarté.

10) La recourante allègue que le critère de la durée de vie des équipements n'a pas été suffisamment mis en avant quant à son importance dans le cahier des charges de l'appel d'offres et ainsi a abouti à une inégalité de traitement des soumissionnaires.

11) a. Selon l’art. 1 al. 3 let. b AIMP, un des objectifs de l’accord est de garantir l’égalité de traitement envers tous les soumissionnaires et d’assurer l’impartialité de l’adjudication.

Lors de la passation de marchés, les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement de chaque soumissionnaire doivent être respectés (art. 11 let. a AIMP).

Toute discrimination des candidats ou des soumissionnaires est interdite, en particulier par la fixation de délais ou de spécifications techniques non conformes à l’art. 28 RMP, par l’imposition abusive de produits à utiliser ou le choix de critères étrangers à la soumission (art. 16 al. 1 RMP).

b. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6/7 ; 129 I 346 consid. 6 p. 357 ss ; Vincent MARTENET, Géométrie de l’égalité, 2003, p. 260 ss).

Le principe de l’égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires et dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 2 RMP ; ATA/165/2011 du 15 mars 2011).

En particulier, le respect de l’égalité de traitement entre soumissionnaires oblige l’autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires pendant tout le déroulement formel de la procédure (ATA/884/2004 du 26 octobre 2004 ; Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 109 ; Benoît BOVAY, La non-discrimination en droit des marchés publics in RDAF 2004, p. 241). La chambre administrative a rappelé le caractère formaliste du droit des marchés publics qu’impose le respect de ce principe (ATA/150/2009 du 14 mars 2009 ; ATA/10/2009 du 13 janvier 2009). L’égalité de traitement impose que les conditions d’accès au marché soient similaires pour tous (Guide romand pour les marchés publics, version du 2 juin 2005, actualisée et complétée les 9 juin 2006, 18 décembre 2006 et 12 septembre 2008, annexe D, ch. 2).

La non-discrimination est un acquis fondamental, invoqué tel quel s’il y a trace d’inégalité ou de discrimination dans une procédure de marchés publics, avec pour résultat l’annulation ou le constat d’illicéité de la décision incriminée (RDAF 2004 I 237). C’est un principe essentiel de l’ouverture des marchés. Il vise à garantir que certains soumissionnaires, ou catégories de soumissionnaires, ne soient pas écartés ou exclus des procédures de manière arbitraire ou en raison de caractéristiques qui ne doivent plus avoir cours dans la passation des marchés publics, tels que l’origine, le lieu de siège et la provenance (Guide romand pour le marchés publics op. cit.).

Dans le cas présent, la durée de vie des équipements était clairement spécifiée au point 9.3 du dossier d'appel d'offres. Chaque soumissionnaire ayant reçu le même dossier, les informations fournies étaient les mêmes pour tous ; la recourante ne peut pas se prévaloir d'une inégalité de traitement.

Le grief sera par conséquent écarté.

12) Enfin, la recourante soutient que la notation des caractères techniques proposés avait manifestement été injuste et qu'une note au moins égale à celle de Plastic Omnium aurait dû lui être attribuée. La notation concernant les caractéristiques techniques des conteneurs enterrés ainsi que des caractères spécifiques était manifestement inégale, notamment du fait que les conteneurs proposés par Plastic Omnium ne correspondaient pas exactement aux critères d'adjudication.

13) La jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 p. 98). L’appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ce dernier. Seul l’abus ou l’excès de pouvoir d’appréciation doit être sanctionné, ce que le Tribunal fédéral a confirmé à maintes reprises (ATF 130 I 241 consid. 6.1 p. 251 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2 ; RDAF 1999 I p. 301). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (JAAC 1999 p. 143).

Ainsi, même dans les marchés publics soumis à l’AIMP, le pouvoir adjudicateur n’est pas lié par telle ou telle méthode, mais il lui est loisible de choisir celle qui est la mieux appropriée au marché. La loi ne lui impose aucune méthode de notation particulière. Le choix de ladite méthode relève ainsi du pouvoir d’appréciation de l’autorité adjudicatrice, sous réserve d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_549/2011 du 27 mars 2011 consid. 2.3 et 2.4 ; 2P.172/2002 précité consid. 3.2 ; ATA/117/2013 du 26 février 2013 ; ATA/260/2001 du 24 avril 2001 consid. 9 et la jurisprudence citée ; Denis ESSEIVA, note ad S12 in DC 2/2003, p. 62). L’opportunité de ce choix ne peut être revue par l’autorité de recours (art. 16 al. 2 AIMP). De surcroît, aucune norme n’impose à l’autorité de faire connaître à l’avance la méthode de notation (ATF 2P.172/2002 précité consid. 2.3 ; ATA/834/2004 du 26 octobre 2004 consid. 6 ; Arrêt du Tribunal administratif vaudois du 26 janvier 2000 in DC 2/2001, p. 67 et note de Denis ESSEIVA précitée ; Olivier RODONDI, Les critères d’aptitude et les critères d’adjudication dans les procédures de marchés publics, RDAF I 2001, p. 406).

Il est donc parfaitement admissible d’attribuer une plus ou moins grande importance à tel ou tel critère, le prix par exemple, suivant le type de marché à adjuger. De plus, l’offre économique la plus avantageuse ne signifie pas qu’elle doit être la moins chère, comme exposé ci-dessus.

14) En l’espèce, la critique de la recourante sur la note « 4/5 » reçue par Plastic Omnium concerne les qualités techniques de ses offres, notamment sur le fait que celles-ci ne répondent pas entièrement au cahier des charges, principalement concernant la taille des conteneurs. La recourante met ainsi en doute les qualités de son concurrent.

Dans le cahier des charges de l'appel d'offres, il est spécifié qu'en plus de la contenance, les conteneurs devaient pouvoir être nettoyés sans déployer d'outillage, ni de manœuvre spécifique. Bien que la cuve ne fasse que 3 m3 au lieu des 5 m3 qui figuraient dans le dossier d’appel d’offres, les qualités techniques et spécifiques des conteneurs de Plastic Omnium présentaient des avantages particuliers, notamment s'agissant du nettoyage des cuves pour le compost, ce qui a compensé le volume.

La solution technique proposée par Plastic Omnium était un système de pompage/nettoyage de la doublure de béton qui pouvait être effectué sans soulever le conteneur enterré et de ce fait à moindre coûts. Ainsi, la maintenance était facilitée et efficace, un démontage temporaire des conteneurs n’étant pas nécessaire. La ville a expliqué avoir tenu compte dans la note de Plastic Omnium de cette technique, qui présentait des avantages particuliers et qui était supérieure à ses attentes. Ainsi, Plastic Omnium a finalement obtenu une meilleure note que Transvoirie. La contenance de la cuve n'a en effet pas péjoré l'offre de Plastic Omnium, au vu de la solution de nettoyage proposée, qui surpassait les exigences techniques du cahier des charges.

En considérant que la ville n'aurait pas dû attribuer une telle note à sa concurrente, la recourante ne fait que substituer sa propre appréciation à celle du pouvoir adjudicateur, ce qu’elle ne peut pas faire (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; ATF 125 II 86 consid. 6). La recourante dit elle-même s'être contentée de reprendre en parties les caractéristiques générales des conteneurs telles que requises dans le cahier des charges, sans apporter de précisions particulières. Grâce à la technologie de nettoyage des cuves proposée, Plastic Omnuim s'est vu attribuer une note supérieure à celle de Transvoirie. Dans le cadre de la notation, l'autorité adjudicatrice possède une large liberté d'appréciation, ce qui est confirmé par la jurisprudence énoncée. Ainsi, attribuer une meilleure note à Plastic Omnium ne constituait en l'occurrence pas un usage abusif du pouvoir d'appréciation, dans la mesure où elle a proposé des techniques plus innovantes que Transvoirie.

15) Partant, le caractère illicite de la décision d’adjudication en cause n’ayant pas été démontré, le recours sera rejeté. Dès lors, la question des dommages-intérêts ne se pose pas et ne sera pas examinée.

16) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’500.-, comprenant les frais liés à la demande de restitution de l'effet suspensif, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera par ailleurs allouée, Plastic Omnium ayant procédé en personne et simplement appuyé les conclusions de l'autorité adjudicatrice (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 mai 2013 par TRANSVOIRIE SA contre la décision de la Ville de Genève du 2 mai 2013 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’500.- à la charge de TRANSVOIRIE SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Bussard, avocat de TRANSVOIRIE SA, à la Ville de Genève - département des constructions et de l’aménagement, à PLASTIC OMNIUM AG, ainsi qu’à la commission fédérale de la concurrence.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :