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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4014/2014

ATA/368/2015 du 21.04.2015 ( MARPU ) , REJETE

Parties : SIPAEC SA / HYPROS SA, VILLE DE GENEVE - CENTRALE MUNICIPALE D'ACHAT ET D'IMPRESSION
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4014/2014-MARPU ATA/368/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 avril 2015

 

dans la cause

 

SIPAEC SA

contre

VILLE DE GENÈVE – CENTRALE MUNICIPALE D’ACHAT ET D’IMPRESSION
représentée par Me Michel d’Alessandri, avocat

HYPROS SA, appelée en cause

 



EN FAIT

1) Le 7 octobre 2014, la ville de Genève (ci-après : la ville) a publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et sur le site Internet www.simap.ch un appel d’offres intitulé « Fourpronet_B1 - matériel de nettoyage ». La description plus détaillée du projet était libellée comme suit : « la présente procédure vise l’acquisition de matériel de nettoyage de type professionnel. Les produits de nettoyage, les machines (auto-laveuse, balayeuse, souffleuse, etc.) ne sont pas concernés. La valeur du marché s’élève à environ CHF 380'000.- hors TVA sur quarante-huit mois (durée initiale du contrat). »

Il s’agissait d’un marché de fournitures en procédure ouverte. L'appel d'offres publié indiquait qu'il était soumis à l'accord GATT/OMC sur les marchés publics du 15 avril 1994 (AMP - RS 0.632.231.422) et aux traités internationaux, de même qu'à la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0), à l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05)  et au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

Le délai de clôture pour le dépôt des offres venait à échéance le 17 novembre 2014 à 16h00.

Il résultait par ailleurs du dossier d'appel d'offres que les critères d'adjudication, ainsi que leur pondération respective seraient les suivants : le prix, soit le montant total de l’offre (55 %), la qualité (25 %), l’équité sociale (10 %), la performance environnementale (10 %). Le cahier de soumission détaillait la méthode d’évaluation des offres et chacun des quatre critères.

Le barème des notes était celui du Guide romand pour les marchés publics, allant de 0 à 5 et correspondant aux évaluations suivantes : 0 – information ou document demandé non fourni ; 1 – insuffisant ; 2 – partiellement suffisant ; 3 - suffisant ; 4 – bon et avantageux ; 5 – très intéressant.

2) Sipaec SA est une société anonyme sise à Genève et inscrite au registre du commerce de ce canton depuis le 21 novembre 1975. Elle a pour but statutaire la fabrication, l’exportation, le commerce, la représentation et le courtage de produits chimiques, industriels et de machines ; tous brevets s’y rapportant ; les études de marché et les participations ; le courtage et l’édition d’art.

3) Hypros SA est une société anonyme sise à Genève et inscrite au registre du commerce de ce canton depuis le 14 décembre 2006. Elle a pour but statutaire la fabrication, le commerce, la représentation, la location, la démonstration, le service après-vente et le courtage d'articles dans le domaine de la propreté, l'hygiène et les espaces verts ; les conseils, études de marché et participations, ainsi que les prestations de services y relatifs et toutes opérations et activités se rapportant au but. 

4) Le 18 novembre 2014, le pouvoir adjudicateur a procédé à l’ouverture des offres. Quatre sociétés avaient soumissionné, dont Sipaec SA et Hypros SA.

5) Par courriel du 19 novembre 2014, la ville a constaté l’absence de différents documents dans l’offre de Sipaec SA et d’Hypros SA, soit de l’exemplaire électronique de l’offre aux formats Word, Excel et .pdf sur DVD, CD-ROM ou clé USB, ainsi que deux exemplaires en version papier et une version informatisée au format Acrobat .pdf du catalogue complet et du catalogue personnalisé Ville de Genève, reprenant tous les articles listés dans la série de prix.

Un délai au 29 novembre 2014 a été fixé aux deux sociétés pour compléter leur dossier, ce qu’elles ont fait, respectivement le 25 novembre 2014 pour Sipaec SA et le 28 novembre 2014 pour Hypros SA.

6) Par décision du 22 décembre 2014, la ville a attribué le marché concerné à Hypros SA.

Elle en a informé, le même jour, Hypros SA et Sipaec SA, les deux autres sociétés ayant entretemps fait l’objet de décision d’exclusion. Le tableau d’évaluation était joint et faisait partie intégrante de l’adjudication. Il se présentait comme suit :

 

Sipaec SA

Hypros SA

Montant TTC des offres (en CHF)

74'877.98

84'303.44

Prix (55 %)

5.00

4.13

Qualité (25 %)

2.60

4.80

Performance environnementale (10 %)

1.90

3.10

Equité sociale (10 %)

3.50

3.50

Note pondérée

3.94

4.13

Classement

2

1

 

7) Par acte du 29 décembre 2014, reçu le 5 janvier 2015, Sipaec SA a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision d’adjudication du 22 décembre 2014. Elle a conclu à l’admission de son recours et à ce qu’une nouvelle évaluation soit faite.

Elle contestait les trois premiers critères d’évaluation.

Elle avait fourni une offre moins onéreuse de quelque CHF 10'000.-.

Concernant la qualité des produits, la ville ne pouvait pas faire de comparaison valable dès lors qu’elle n’avait jamais été en possession des produits et n’avait pas demandé d’échantillons. Les critères à la base de la décision n’étaient pas compréhensibles et étaient formellement contestés.

Concernant le troisième critère, elle avait été sous-évaluée. Elle travaillait en direct avec ses partenaires depuis la Suisse, ce qui représentait déjà un critère de performance environnementale en soi, non pris en compte dans la décision litigieuse. Elle offrait des gammes écologiques complètes, organisait la reprise des bidons vides aux fins de recyclage auprès de ses clients ou mettait en place des systèmes de dosage chez ceux-ci pour une utilisation optimale et écologique. Par l’intermédiaire d’Écolab, fournisseur de la société, elle bénéficiait d’une certification de qualité officielle dans le domaine environnemental (ISO 9001 et ISO 14001) aux normes européennes. Elle travaillait avec un unique transporteur suisse, à savoir Planzer Transport SA. Elle était présente depuis quarante ans sur le canton de Genève et était reconnue par tous les professionnels de l’hygiène.

8) Le 6 janvier 2015, la chambre administrative a ordonné l’appel en cause de Hypros SA.

9) Par réponse du 26 janvier 2015, Hypros SA a contesté les griefs soulevés par Sipaec SA.

Le prix n’était pas le seul critère.

Il n’était manifestement pas nécessaire pour le pouvoir adjudicateur d’être en possession des échantillons. Les numéros de référence des articles devaient être notés dans l’offre rendue. Par ce biais, le professionnel du nettoyage, en charge de la décision litigieuse, avait pu se faire une idée de la qualité des articles, soit pour les avoir déjà testés, soit par l’intermédiaire de ses utilisateurs. Le critère qualité n’intégrait pas seulement la qualité des articles, mais plusieurs autres critères.

Les arguments de Sipaec SA en matière de performance environnementale n’étaient pas pertinents ou infondés. Ainsi, la solution de livraison par un service propre à l’entreprise était beaucoup plus adaptée en termes de logique, d’économie et de performance environnementale que l’utilisation d’un transporteur suisse qui nécessitait un chargement chez le client, un déchargement sur une plateforme Planzer, un rechargement par un véhicule adapté, etc.

Elle s’était limitée à commenter le courrier de la société Sipaec SA, n’ayant pas eu connaissance de l’offre de son concurrent.

10) Par réponse du 5 février 2015, la ville s’en est rapportée à justice sur la recevabilité du recours. Il ne comportait pas de conclusions claires, ce qui était contraire à l’art. 65 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Il se justifiait de déclarer le recours irrecevable.

Au fond, elle a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision du 22 décembre 2014, confirmée par publication dans la FAO du 23 décembre 2014, le tout sous « suite de frais et dépens ».

La méthode d’évaluation des offres, ainsi que les éléments d’appréciation pris en considération étaient spécifiquement définis dans le cahier de soumission.

Le critère « prix » était évalué sur le montant global TTC du marché tel qu’il était calculé dans le formulaire d’offres. L’offre la meilleure marché obtenait 5. Les différences relatives entre l’offre considérée et l’offre la meilleure marché étaient calculées selon une formule mathématique définie dans le cahier de soumission.

Le critère « qualité » tenait compte de :

- l’adéquation des fournitures proposées avec les descriptifs techniques,

- des références, de l’organisation qualité, de la procédure de commande par e-commerce,

- des catalogues, des possibilités d’approvisionnement, de la livraison et de la réactivité.

Le critère de « performance environnementale » était analysé en fonction de :

- la qualité environnementale des fournitures (écolabel, taux de matière recyclé, absence de polluant, etc.),

- de la gestion des déchets et du transport,

- de la politique environnementale de l’entreprise.

Le choix des critères n’avait pas été contesté par le biais d’un recours contre l’appel d’offres.

Le grief de Sipaec SA selon lequel l’adjudication n’avait pas été faite à l’offre la moins onéreuse n’était pas pertinent. L’offre d’Hypros SA n’avait pas été jugée comme étant la plus avantageuse sur le seul critère du prix, mais sur l’ensemble des critères d’évaluation définis dans le cahier de soumission, conformément à l’art. 43 du RMP.

Les griefs de Sipaec SA, portant sur une mauvaise appréciation, par l’intimée, des critères de la qualité et de la performance environnementale étaient mal fondés pour autant qu’ils soient recevables. La recourante tentait en réalité de substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité adjudicatrice. Un tableau détaillé était produit reprenant les points forts et les faiblesses de chacune des deux sociétés pour chacun des critères et des sous-critères.

11) Par courrier du 9 février 2015, Sipaec SA a été invitée à formuler une éventuelle réplique jusqu’au 9 mars 2015.

12) Par courrier du 20 février 2015, la ville a informé la chambre administrative qu’elle avait conclu le contrat avec la société Hypros SA.

Copie du courrier a été transmis à la recourante.

13) La recourante ne s’étant pas manifestée dans le délai imparti, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sur ces points (art. 15 al. 2 AIMP ; art. 2 al. 1 L-AIMP ; art. 56 al. 1 RMP ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) L’intimée s’en rapporte à justice sur la recevabilité du recours au vu de la formulation peu claire des conclusions de la recourante.

a. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l’exposé des motifs, ainsi que l’indication des moyens de preuve.

b. Même dans le contexte des marchés publics et de leurs règles matérielles formalistes, il convient de ne pas se montrer trop strict. Cette disposition autorise une certaine souplesse dans la formulation des conclusions, notamment si le recourant agit en personne. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/503/2014 précité et les références citées).

c. En l’espèce, la recourante ne prend pas formellement de conclusions tendant à l’annulation de la décision d’adjudication dans son acte de recours, mais on comprend que par son recours, elle s’oppose à ladite décision en demandant une nouvelle évaluation des critères. Dès lors que la recourante agit en personne, la chambre administrative admettra que l’acte de recours remplit les conditions de recevabilité formelles de l’art. 65 LPA si bien qu'il est recevable de ce point de vue (ATA/173/2015 du 17 février 2015).

3) Selon l’art. 18 al. 2 AIMP, lorsque le contrat entre l’autorité adjudicatrice et l’adjudicataire est déjà conclu conformément à l’art. 46 RMP, l’autorité qui admet le recours ne peut que constater le caractère illicite de la décision. Si cette illicéité est prononcée, le recourant peut demander la réparation de son dommage, limité aux dépenses qu’il a subies en relation avec les procédures de soumission et de recours (art. 3 al. 3 L-AIMP). Le recourant qui conteste une décision d’adjudication et qui déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l’illicéité de l’adjudication, que des dommages intérêts soient réclamés ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006 consid. 2).

Lorsque le contrat a déjà été conclu, le soumissionnaire évincé conserve un intérêt actuel à recourir contre la décision d’adjudication au sens de l’art. 60 let. b LPA, son recours étant à même d’ouvrir ses droits à une indemnisation (ATF 125 II 86 consid. 5b p. 96).

En l’espèce, en tant que soumissionnaire évincée, en dépit de la conclusion du contrat, la recourante conserve un intérêt actuel à recourir contre la décision d’adjudication, afin de demander la constatation du caractère illicite de la décision attaquée et son indemnisation. Elle dispose donc de la qualité pour recourir.

Le recours est en tous points recevable.

4) La recourante reproche à l’autorité intimée d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’évaluation de son offre et de celle de l’adjudicataire en ce qui concerne les notes attribuées pour trois des quatre critères.

a. Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 RMP). L’autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d’importance au moment de l’appel d’offres (art. 24 RMP).

L’évaluation est faite selon les critères prédéfinis, conformément à l’art. 24 RMP, et énumérés dans l’appel d’offres et/ou les documents d’appel d’offres (art. 43 al. 1 RMP). Le résultat de l’évaluation des offres fait l’objet d’un tableau comparatif (art. 43 al. 2 RMP). Par ailleurs, le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l’offre économiquement la plus avantageuse, c’est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix (art. 43 al. 3 RMP).

b. La jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 précité consid. 6 p. 98 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11). L’appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ce dernier. Seul l’abus ou l’excès du pouvoir d’appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 p. 251 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2 ; RDAF 1999 I p. 301 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (JAAC 1999 p. 143 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11).

Ainsi, même dans les marchés publics soumis à l’AIMP, le pouvoir adjudicateur n’est pas lié par telle ou telle méthode, mais il lui est loisible de choisir celle qui est la plus appropriée au marché. La loi ne lui impose aucune méthode de notation particulière. Le choix de ladite méthode relève ainsi du pouvoir d’appréciation de l’autorité adjudicatrice, sous réserve d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_549/2011 du 27 mars 2011 consid. 2.3 et 2.4 ; 2P.172/2002 précité consid. 3.2 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11 ; ATA/117/2013 du 26 février 2013 consid. 10 ; ATA/260/2001 du 24 avril 2001 consid. 9 et la jurisprudence citée ; Denis ESSEIVA, note ad S12 in DC 2/2003, p. 62). L’opportunité de ce choix ne peut être revue par l’autorité de recours (art. 16 al. 2 AIMP). De surcroît, aucune norme n’impose à l’autorité de faire connaître à l’avance la méthode de notation (ATF 2P.172/2002 précité consid. 2.3 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11 ; ATA/834/2004 du 26 octobre 2004 consid. 6 ; arrêt du Tribunal administratif vaudois du 26 janvier 2000 in DC 2/2001, p. 67 et note de Denis ESSEIVA précitée ; Olivier RODONDI, Les critères d’aptitude et les critères d’adjudication dans les procédures de marchés publics, RDAF I 2001 p. 406).

Il est donc parfaitement admissible d’attribuer une plus ou moins grande importance à tel ou tel critère, le prix par exemple, suivant le type de marché à adjuger. De plus, l’offre économiquement la plus avantageuse ne signifie pas qu’elle doit être la moins chère. Ce n’est qu’en présence de biens standardisés que l’adjudicateur peut alors se fonder exclusivement sur le critère du prix le plus bas (RDAF 1999 I précitée p. 305 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11).

c. Le principe de la transparence exige du pouvoir adjudicateur qu'il énumère par avance et dans l'ordre d'importance tous les critères d'adjudication qui seront pris en considération lors de l'évaluation des soumissions ; à tout le moins doit-il spécifier clairement l'importance relative qu'il entend accorder à chacun d'eux. En outre, lorsqu'en sus de ces critères, le pouvoir adjudicateur établit concrètement des éléments d’appréciation qu'il entend privilégier, il doit les communiquer par avance aux soumissionnaires, en indiquant leur pondération respective. En tous les cas, le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères. Il n'exige toutefois pas, en principe, la communication préalable d’éléments d’appréciation ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et éléments d’appréciation utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/972/2014 du 9 décembre 2014).

d. Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur les considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 73 ; 123 V 150 consid. 2 p. 152 et les références citées).

Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. La chambre administrative ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 p. 239 ; 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s ; ATA/131/2013 du 5 mars 2013 consid. 6).

5) En l’espèce, la recourante critique la note attribuée au critère « prix ». Ayant fait l’offre la meilleur marché, elle aurait dû se voir attribuer celui-ci.

Si le prix constituait le critère principal pris en compte pour l’évaluation de l’offre, représentant le 55% de l’évaluation finale, il ne s’agissait que d’un critère parmi d’autres, de sorte que la différence de prix n’était pas à elle seule à même de garantir l’adjudication du marché à l’intéressée. Ayant fait l’offre la meilleur marché, la recourante a dûment obtenu la note maximale de 5. Pour le surplus, elle n’émet aucun grief à l’encontre du calcul effectué par le pouvoir adjudicateur fixant la note de l’appelée en cause, pour ce même critère, à 4,13.

Infondé, ce grief sera par conséquent écarté.

6) La recourante critique la note attribuée pour le critère « qualité ».

Sipaec SA a obtenu 2,6 alors qu’Hypros SA a obtenu la note de 4,8.

Le cahier de soumission précisait trois sous-critères. Conformément à la jurisprudence, il n’était pas nécessaire que le taux de pondération de chacun d’entre eux soit précisé à l’avance. En l’espèce, le premier valait 40 %, le second 40 % et le troisième 20 %. Hypros SA a obtenu les notes, respectivement de 5, 4,75 et 4,5 alors que Sipaec SA s’est vu attribuer 3, 2 et 3. Le tableau récapitulatif détaille pour chacun des sous-critères les points forts et les points faibles des deux offres.

Il en ressort que, pour le premier sous-critère, portant sur l’adéquation des fournitures proposées avec les descriptifs techniques, Sipaec SA n’avait qu’une correspondance moyenne aux descriptifs techniques, une qualité professionnelle parfois en-dessous des concurrents et quelques écarts aux descriptifs techniques qui n’étaient pas signalisés, ce qui justifiait la note de 3,0 alors qu’aucun point faible n’était relevé pour Hypros SA.

Le second sous-critère, portant notamment sur les références et la procédure de commande par e-commerce, relève que Hypros SA est un fournisseur apprécié de l’État de Genève et de la ville, alors que la recourante était connue de la ville pour causer parfois des problèmes de qualité de service. Il est retenu au crédit de celle-ci la clientèle des Hôpitaux universitaires de Genève et deux autres sociétés de nettoyage, avec une valeur de marché importante. En matière de e-commerce, deux critiques étaient adressées à Hypros SA relatives à la recherche par numéro d’article, peu intuitive, et des questions de graphisme, alors qu’il est relevé de nombreux problèmes de compatibilité avec Firefox dans le système de Sipaec SA, par ailleurs jugé peu intuitif. L’absence de photos et de certains prix, le défaut d’une classification thématique des articles, une recherche difficile et pas de workflow sont aussi reprochés à la recourante.

Pour le dernier sous-critère, les questions de livraison sont jugées positivement chez Hypros SA, alors qu’il manque des informations dans le dossier de Sipaec SA. Chez celle-ci, le catalogue papier comprend peu de détails techniques et contient des mélanges de langues entre le français et l’allemand. Le catalogue .pdf n’est pas interactif et le catalogue personnalisé est succinct et sans photos, alors que celui de Hypros SA est imagé.

Les griefs du recourant sur la fixation de la note relative au critère qualité sont évasives, puisqu’elles se limitent à indiquer que la ville ne pouvait pas faire de comparaisons valables n’ayant jamais été en possession des produits et n’ayant pas demandé d’échantillons. La recourante n’explicite toutefois pas en quoi l’intimée aurait abusé de son pouvoir d’appréciation en procédant comme elle l’a fait et ce qu’aurait influencé l’apport d’échantillons. Ce grief ne résiste en conséquence pas à l’examen, compte tenu de l’analyse détaillée effectuée par l’intimée, pour chacun des sous-critères, dûment définis dans le cahier de soumission.

En attribuant une note de 2,6 à la recourante, l’autorité intimée n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, étant rappelé que la chambre administrative n’a qu’un pouvoir d’appréciation restreint sur ce point.

Ce grief sera écarté.

7) La recourante critique la note attribuée au critère « performance environnementale ».

Sipaec SA a obtenu 1,9 alors qu’Hypros SA a obtenu la note de 3,1.

Le critère « Performance environnementale » était décrit dans le cahier de soumission comme ayant trois sous-critères. Les deux premiers ont été groupés lors de l’évaluation et représentent 60 % de la note. Hypros SA a obtenu, respectivement, 3,5 et 2,5, alors que Sipaec SA s’est vue créditer de 1,5 et 2,5.

Le 60 % concernait la qualité environnementale des fournitures, des éco-labels, les déchets, polluants et la question des transports. Il ressort de l’évaluation générale des offres que les points forts d’Hypros SA consistent en des balais en bois FSC, le groupage et l’optimisation des palettes, ainsi qu’une bonne gestion géographique, une flotte moderne et avec filtres à particules. Il était reproché à Hypros SA d’avoir peu de matériel éco-labélisé, l’absence de certification FSC, d’articles labélisés, d’information pertinente en termes de gestion des impacts des transports. Les certificats éco-lab certifiés ISO 14001 2008 n’ont pas été considérés au motif qu’il n’y avait pas de liens pertinents, à l’instar de éco-label et clean éléments.

L’autre sous-critère, valant 40 %, relatif à la politique environnementale de l’entreprise, a été évalué de la même façon entre les deux sociétés. Outre la réflexion engagée sur un programme d’économie d’énergie, le système de dosage et des matériels certifiés, le tri des déchets et du matériel à longue durée de vie sont reconnus comme points forts d’Hypros SA. À l’inverse, Sipaec SA procède à des économies d’énergie, qualifiées toutefois de minimalistes, et a pour point fort l’utilisation d’ampoules économiques, un système de dosage, la gestion des déchets, la reprise des emballages et le recyclage.

La recourante reproche à l’intimée la sous-évaluation de sa note sans expliquer clairement en quoi l’évaluation consacrerait un abus du pouvoir d’appréciation. La société met en avant plusieurs mesures écologiques qu’elle pratique, lesquelles ont été toutefois prises en compte parmi les points forts du critère « Performance environnementale ». L’intéressée n’explique pas non plus en quoi le fait que les certifications n’aient pas été retenues au motif qu’il n’y avait pas de liens pertinents, seraient erronées. Elle se limite à rappeler qu’elle bénéficie de certifications, sans préciser son grief. Enfin, la présence de la société depuis quarante ans sur le canton de Genève et sa reconnaissance par tous les professionnels de l’hygiène ne sont pas déterminantes.

En attribuant une note de 1,9 à la recourante, l’autorité intimée n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation.

Le grief sera écarté.

8) Dans ces circonstances, la décision d’adjudication de la ville est conforme au droit et le recours de Sipaec SA sera rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure à l'appelée en cause, faute de conclusion en ce sens, ni à la ville qui dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/312/2004 du 20 avril 2004).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 décembre 2014 par Sipaec SA contre la décision de la ville de Genève du 22 décembre 2014 ;


 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Sipaec SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ; et

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Sipaec SA, à Me Michel d'Alessandri, avocat de la ville de Genève, à Hypros SA, ainsi qu’à la commission de la concurrence.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray et Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :