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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3679/2014

ATA/173/2015 du 17.02.2015 ( MARPU ) , REJETE

Parties : DIAMOND NIAMSANTHIAH, NIAMSANTHIAH Boonmee / VILLE DE LANCY
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3679/2014-MARPU ATA/173/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 février 2015

 

dans la cause

 

Madame Boonmee NIAMSANTHIAH

contre

COMMUNE DE LANCY

 



EN FAIT

1) Le 9 septembre 2014, la commune de Lancy (ci-après : la commune) a lancé un appel d’offres en procédure ouverte sur le marché de services de nettoyage, soumis à l’accord GATT/OMC, respectivement aux accords internationaux ainsi qu’à l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05).

Il s’agissait pour des entreprises ou des consortiums d’entreprises de nettoyage, d’une capacité d’au moins quinze employés, de fournir des prestations de service en matière de nettoyage de bâtiments sur le territoire de la commune, ceci par le biais d’un contrat-cadre de trois ans dès le 1er janvier 2015 au plus tôt.

Le marché était divisé en trois lots pour lesquels les soumissionnaires avaient l’obligation de formuler une offre globale. Le pouvoir adjudicateur se réservait le droit d’adjuger séparément les lots à des entreprises différentes ou à adjuger deux lots ou la totalité des lots à une seule entreprise.

Le dossier d’appel d’offres, détaillant les critères d’adjudication ainsi que les détails techniques des offres à formuler pouvaient être obtenus en le téléchargeant sur le site romand des marchés publics (www.simap.ch) ou auprès du mandataire désigné par la commune, la société Vallat partenaires SA.

Le dossier d’appel d’offres énonçait les cinq critères selon lesquels les offres seraient évaluées ainsi que leur poids respectif, soit le prix et les heures (50 %), les qualités techniques (20 %), l’organisation (15 %) les références (10 %) le développement durable (5 %).

2) Madame Boonmee NIAMSANTHIAH, qui exploite en nom individuel une entreprise de nettoyage sous la raison sociale Diamond Niamsanthiah ( ci-après : Diamond) était l’une des trois qui intervenait sur le marché du nettoyage des bâtiments de la commune jusqu’au 31 décembre 2014.

3) Dans le délai imparti, treize soumissionnaires ont fait parvenir des offres au mandataire de la commune parmi lesquelles figurait Diamond.

4) Selon le procès-verbal d’ouverture des offres, intervenu le 20 octobre 2014, douze offres ont été répertoriées dont les prix allaient de CHF 325'418.- à CHF 1'191'703.95. Cette dernière offre était celle formulée par Diamond.

5) Lors de la procédure d’évaluation des offres, quatre offres ont été exclues du marché et une soumissionnaire a retiré son offre.

Ont participé à l’évaluation finale, les soumissionnaires suivants :

– La Genevoise d’entretien SA : CHF 468'365.47

– Bâtiment-Services tecnonet Sàrl : CHF 504'733.-

– Cleaning service SA : CHF 567'939.-

– Putz-tout Sàrl : CHF 602'664.-

– Onet cleaning and services : CHF 629'975.56

– Net inter SA : CHF 638'199.86

– Diamond : CHF 1'191'703.95

6) Par pli du 17 novembre 2014, la commune a écrit à Diamond. Elle était informée que la totalité des trois lots avait été adjugée à l’entreprise Net inter SA (ci-après : Net inter) pour un montant de CHF 638'199.86 toutes taxes comprises (ci-après : TTC).

Selon le tableau d’analyse multicritères transmis à cette dernière en annexe au courrier précité, il ressortait qu’à l’issue de la procédure d’évaluation effectuée en fonction des critères annoncés dans l’appel d’offres, Net inter était arrivée première avec un total de de 414,25 points tandis que Diamond avait été classée huitième et dernière avec un total de de 337,95 points.

7) Par pli posté le 1er décembre 2014, Mme NIAMSANTHIAH a recouru, sous le nom de Diamond Niamsanthiah, auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision d’adjudication prise par la commune en faveur de Net inter, qu’elle avait retiré à la poste des Pâquis le 28 novembre 2014. Le fait que l’offre de Diamond ait été totalement écartée du service de nettoyage dont elle était chargée depuis plusieurs années sur quatorze sites de la commune conduirait ses huit employés au chômage dans la mesure où la commune était sa seule cliente. Elle demandait qu’une distribution équitable du nettoyage des différents bâtiments de la commune soit effectuée.

8) Le 11 décembre 2014, la recourante a écrit à la chambre administrative en se référant à son « recours avec effet suspensif ».

9) Le 12 décembre 2014, le président de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours, une telle requête étant manifestement mal fondée au vu des griefs invoqués par la recourante qui ne se rapportaient pas aux conditions de l’adjudication.

10) Le 15 décembre 2014, la commune a déposé son dossier en concluant au rejet du recours. Elle s’était réservée, dans l’appel d’offres, le droit d’adjuger les trois lots soit à des entreprises différentes soit à une seule entreprise. C’était cette dernière option qu’elle avait retenue. Sa décision était conforme au droit.

11) Par courrier du même jour, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile, contre une décision d’adjudication par un soumissionnaire évincé, et présenté devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous ces angles (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 et 15 al. 1 AIMP ; art. 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

2) L’effet suspensif au recours n’ayant pas été restitué, la procédure d’adjudication a continué. En tant que soumissionnaire écartée, la recourante conserve, selon la jurisprudence, un intérêt actuel à recourir contre la décision d’adjudication, car son recours pourrait lui permettre d’obtenir une indemnisation éventuelle (ATA/503/2014 du 1er juillet 2014). Elle dispose donc de la qualité pour recourir.

3) a. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve.

b. Même dans le contexte des marchés publics et de leurs règles matérielles formalistes, il convient de ne pas se montrer trop strict. Cette disposition autorise une certaine souplesse dans la formulation des conclusions, notamment si le recourant agit en personne. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/503/2014 précité et les références citées).

c. L’exigence de motivation de l’art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à la décision litigieuse (ATA/361/2014 du 20 mai 2014 et les références citées).

d. En l’espèce, la recourante ne prend pas formellement de conclusions tendant à l’annulation de la décision d’adjudication dans son acte de recours, mais on comprend que par son recours, elle s’oppose à ladite décision dont elle demande l’invalidation. L’acte de recours comporte une motivation succincte mais qui permet de comprendre les raisons pour lesquelles elle a décidé de saisir la chambre de céans. Dès lors que la recourante agit en personne, la chambre administrative admettra qu’il remplit les conditions de recevabilité formelles de l’art. 65 LPA si bien qu'il est recevable à tout point de vue.

4) Le droit est la base et la limite de l’activité de l’État (art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Cette disposition consacre le principe de légalité qui gouverne toute activité étatique. En fait partie intégrante la garantie des droits fondamentaux, soit des droits ou des libertés garanties aux particuliers, avec tout ce que cela comporte comme obligations et comme engagements au plan à la fois institutionnel et normatif (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 3ème éd., 2013, n. 1005 et 1011 p. 468 et 470).

Ainsi, une collectivité ou une entité publique qui conduit une procédure de soumission publique est soumise au respect de telles conditions (ATA/321/2010 du 11 mai 2010 ; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 3, 2ème éd., 1992, n. 4.1.1.2 p.158).

5) En vue d’harmoniser les règles internes de passation des marchés publics, par la transposition dans le droit cantonal des obligations découlant du droit international en la matière, les cantons ont adopté l’AIMP, texte concordataire auquel, à ce jour, ils ont tous adhérés. Dans celui-ci, après avoir défini les objectifs poursuivis par la législation commune (art. 1 al. 3 AIMP) ils ont précisé au travers de ses autres dispositions, les principes généraux et de procédure qu’ils s’engageaient à respecter, dans leur dispositions cantonales d’exécution
(art. 3 AIMP).

6) Dans le canton de Genève, les dispositions en question sont contenues dans le RMP.

Ainsi, à l’issue d’une procédure d’appel d’offres qui doit être conforme aux art. 25 à 30 RMP, les offres qui remplissent les conditions formelles et matérielles indiquées dans celle-ci, font l’objet d’une procédure d’évaluation en rapport avec les critères prédéfinis dans l’appel d’offres, conformément à l’art. 24 RMP (art. 43 al. 1 RMP). Le résultat de l’évaluation des offres doit faire l’objet d’un tableau comparatif (art. 43 al. 2 RMP) et le marché doit être adjugé au soumissionnaire ayant déposé l’offre économiquement la plus avantageuse, c’est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. L’évaluation des offres doit être effectuée non seulement en fonction du critère du prix, mais également de plusieurs autres critères, énumérés sous une forme potestative, tels ceux tirés de la qualité de l’offre, des délais d’exécution, de l’adéquation de l’offre au besoin, du service après-vente, de l’esthétique, de l’organisation ou du respect de l’environnement (art. 43 al. 3 RMP). Selon l’art. 24 RMP, les critères d’évaluation peuvent faire l’objet d’une pondération en fonction de l’importance que le pouvoir adjudicateur leur porte. Si les critères principaux doivent être énoncés dans l’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur, lors de l’évaluation, peut recourir à l’usage de sous-critères permettant d’affiner cette dernière (ATF 130 I 241 ; ATA/51/2015 du 13 janvier 2015 et jurisprudence citée).

7) Les décisions d’adjudication d’un marché public peuvent faire l’objet d’un recours pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus de pouvoir d’appréciation (art. 16 AIMP ; art. 57 al. 1 let. a RMP) ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 16 AIMP ; art. 57 al. 1 let. b RMP).

En revanche, le grief d’inopportunité ne peut être invoqué (art. 16 al. 2 AIMP ; art. 57 al. 2 RMP).

8) En l’occurrence, dans son acte de recours, la recourante n’a formulé aucun grief en rapport avec une violation, par le pouvoir adjudicateur, des règles régissant la procédure entre le moment du dépôt des offres et celui où il a pris sa décision d’adjuger le marché à l’un des soumissionnaires. L’examen de la régularité de la procédure à partir du dossier produit par l’intimée, auquel la chambre administrative doit se livrer d’office, confirme qu’aucune critique ne peut être formulée à l’encontre du pouvoir adjudicateur. Ainsi, l’offre de la recourante a été enregistrée, à l’instar des autres offres arrivées dans le délai imparti. Après la mise à l’écart de certaines soumissions non conformes aux conditions de participation, l’évaluation des offres restant en compétition, dont celle de la recourante, a été effectuée sur la base des critères énoncés dans l’appel d’offres. Au terme de cette évaluation, ainsi que cela résulte du tableau comparatif détaillé établi par le pouvoir adjudicateur, c’est l’entreprise dont l’offre a obtenu le plus grand nombre de points qui s’est vu adjuger le marché.

La recourante est arrivée en huitième et dernière position, en raison d’un prix très élevé. Compte tenu du poids important accordé à ce critère - ce qui se justifie vu la nature du marché considéré - les excellentes notes qu’elle a obtenues dans les autres domaines n’ont pas permis de combler le déficit. C’est donc de manière logique, sous l’angle du droit des marchés publics, que l’autorité intimée a adjugé le marché à un autre soumissionnaire. L’offre de celui-ci n’était pas la moins chère mais elle représentait celle qui, par les notes obtenues au travers des différents critères, réalisait le meilleur rapport qualité/prix. L’adjudication du marché à un seul soumissionnaire même si le marché avait été divisé en trois lots, n’est pas non plus critiquable, le pouvoir adjudicateur s’étant réservé cette faculté au moment de l’appel d’offres. Sa décision est donc conforme au droit.

9) La recourante fait grief à l’intimée de porter une très grave atteinte à son activité commerciale puisqu’elle prive son entreprise de tout débouché et oblige ses employés au chômage. Les problèmes qu’elle évoque sont indéniables. Néanmoins cette critique relève de « l’inopportunité » de la décision d’adjuger le marché à un autre soumissionnaire, soit d’un aspect qui, de par l’art. 57 al. 2 RMP, échappe au pouvoir de cognition de la chambre de céans et qui ne donc peut être invoqué devant elle.

10) Le recours sera rejeté. Vu l’issue, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er décembre 2014 par Madame Boonmee NIAMSANTHIAH contre la décision d’adjudication de la commune de Lancy du 17 novembre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de procédure de CHF 1'000.- à la charge de Mme Boonmee NIAMSANTHIAH ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- sinon, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

communique le présent arrêt à Mme Boonmee NIAMSANTHIAH, à la commune de Lancy, ainsi qu’à la Commission de la concurrence COMCO.

Siégeants : M. Thélin, président, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges, M. Jordan, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :