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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1517/2020

ATA/352/2021 du 23.03.2021 ( AMENAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 11.05.2021, rendu le 14.02.2022, RETIRE, 1C_258/2021
Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;PROTECTION DES MONUMENTS
Normes : Cst.26.al1; LAT.14; LAT.17; LAT.21.al2; LaLAT.12.al5; LaLAT.13.al1.letc; LPMNS.1; LPMNS.4; LPMNS.7.al1; LPMNS.10; LPMNS.35; LPMNS.38; LPMNS.39; LPMNS.40
Parties : ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCES SUR LA VIE SA / CONSEIL D'ETAT
Résumé : Examen de la conformité au droit d’arrêtés du Conseil d’État modifiant partiellement le plan de site de la Rade n. 28392G-610 et rejetant une demande d’autorisation de construire un immeuble administratif sur le site de la Rade. Examen complet de l’historique de l’aménagement de la Rade, en particulier des bâtiments de bureaux et de banques et de l’importance de l’écoulement du temps sur le regard porté sur le patrimoine et les critères de sa protection. Recours du requérant de l’autorisation de construire rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1517/2020-AMENAG ATA/352/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 mars 2021

 

dans la cause

 

ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCES SUR LA VIE SA
représentée par Me François Bellanger, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Zurich Compagnie d'Assurances sur la Vie SA (ci-après : Zurich) est propriétaire de la parcelle n° 5'902 (ci-après : la parcelle), ainsi que du bâtiment n° H484 (ci-après : le bâtiment) édifié sur celle-ci, sis Place Bel-Air 1 en Ville de Genève.

La parcelle est intégrée dans le plan de site de la Rade n° 28392G-610, établi le 17 avril 1991 et adopté par le Conseil d'État les 25 novembre 1992 et
4 octobre 1993 (ci-après : le plan de site).

2) Le plan de site a pour but de préserver le site de la Rade et à ce titre le caractère architectural et historique des bâtiments situés à front de quai de la Rade et de places attenantes, ainsi que les autres éléments rattachés aux quais et au plan d'eau, qui méritent protection (art. 1 du règlement du plan de site ; ci-après : le règlement).

Sur le pourtour de la Rade, il recense les immeubles classés, les bâtiments et ensembles maintenus (art. 4 du règlement), les bâtiments avec éléments intéressants (art. 5 du règlement), et les bâtiments d'architecture contemporaine (1945-1970) maintenus (art. 4 du règlement). Les bâtiments ne figurant dans aucune de ces catégories constituent les « autres bâtiments » (art. 6 du règlement).

Le bâtiment est classé dans la catégorie des « autres bâtiments ».

3) Zurich a sollicité du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le département du territoire (ci-après : DT), une autorisation de démolition de l'immeuble, enregistrée sous le n° M 7'863.

Zurich a par ailleurs sollicité l'autorisation de restructurer, transformer et restaurer quatre immeubles voisins, sis 3, 5, 7 et 9 rue du Rhône, également sa propriété, lesquels étaient classés différemment dans le plan de site, ont fait l'objet d'une procédure distincte et sont actuellement en travaux.

4) Le 14 juin 2016, la sous-commission d'architecture (ci-après : SCA) de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), appelée à préaviser la demande de Zurich, a remarqué que l'architecture du bâtiment n'était pas dénuée d'intérêt, et a subordonné son accord à la proposition de démolition à l'acceptation de l'aspect architectural du projet de reconstruction. Pour ce qui concernait le gabarit, la proposition était d'ores et déjà acceptée, compte tenu que la hauteur était inchangée et l'étage en attique reconstruit plus en retrait. En regard du caractère bâti du site et de la modénature proposée pour les nouvelles façades, constituées d'un module répétitif sur les trois façades, elle se demandait si ce dessin ne devait pas prendre en compte sa position d'articulation urbaine entre deux formes de bâti, l'une plus ancienne témoignant du caractère historique du front de quai, dont les bâtiments abritaient plusieurs types d'affectation, et l'autre, récente, quasi entièrement dévolue aux institutions bancaires. Elle remarquait que le bâtiment formait la tête de l'îlot, ce qui pourrait justifier un traitement différencié pour la façade donnant sur la place Bel-Air. Elle appréciait par contre le choix des architectes pour la minéralité des éléments de la façade, ce choix retenu en reconnaissance de l'environnement bâti, et prenait note que la teinte et la texture des éléments étaient encore à l'étude. Ceux-ci devraient faire l'objet d'un prototype dans le cadre de la demande d'autorisation de construire.

5) Au cours de l'année 2016, d'autres bâtiments appartenant à la même catégorie du plan de site des « autres bâtiments » ont fait l'objet de demandes d'autorisations de démolition et/ou de reconstruction.

6) Le 14 février 2017, dans le cadre de l'examen de l'une d'elles, la SCA de la CMNS a indiqué qu'avant de se prononcer sur la démolition du bâtiment sollicitée, elle souhaitait que le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) se livre à un recensement des immeubles des années 1950-1960 qui n'avaient pour l'instant pas de protection particulière dans le plan de site de la Rade.

7) Le service de l'inventaire des monuments d'art et d'histoire (ci-après : IMAH) du DT a été chargé de réaliser un travail de documentation scientifique des édifices visés, selon la méthodologie employée pour le recensement cantonal. Chaque bâtiment a fait l'objet d'une fiche propre comportant les étapes de construction, la description de l'immeuble et son évaluation.

8) Le 31 mai 2017, la CMNS, dans sa composition plénière, a approuvé les huit fiches de recensement qui lui avaient été soumises, ainsi que les protections proposées par celles-ci. Ce préavis a été validé par les groupes CMNS 1 et CMNS 2 les 6 et 7 juin 2017.

La parcelle n° 5'902 faisait l'objet de la fiche RAC-VGE-00058, qui proposait son passage en catégorie « bâtiment maintenu ».

La parcelle étroite, prise en tenaille entre la rue du Rhône et le fleuve, résultait des travaux effectués dans les années 1850 pour créer le quai
Bezanson-Hugues. C'était là qu'avait été implanté quelques années plus tard le premier immeuble genevois conçu pour abriter un hôtel de banque. Celui-ci élevait une façade étroite mais richement ornée sur la place Bel-Air, qui était appelée à devenir un haut lieu de la banque genevoise, avec la construction successive de la Caisse d'Épargne, de la Société de Banque Suisse puis du Crédit Suisse. En 1959, la banque anglaise Lloyds, alors propriétaire de l'édifice, avait reçu l'autorisation de faire démolir et reconstruire l'immeuble par les architectes Max Georges et Claude ZOLLIKOFER. Leur projet avait été réalisé en deux étapes : la partie orientale, abritant les circulations verticales, avait été élevée avant 1963, tandis que le bâtiment ancien n'avait été entièrement démoli puis remplacé à l'ouest que l'année suivante pour être inauguré le 28 octobre 1965.

Reprenant l'emprise de l'ancien hôtel de banque, rectangulaire avec un léger élargissement au nord-est, le nouvel édifice tirait parti de l'existence du socle antérieur, qui surélevait légèrement son volume de sept niveaux. Exploitant la largeur réduite de la parcelle, la structure porteuse en béton armé était rejetée sur les longs côtés. L'ossature était donc visible en façade, scandant ses piliers selon un rythme binaire. Avec les dalles en saillie, ces derniers composaient une grille profonde, soulignée en toile de fond par les contrecoeurs de verre bleu. À la plasticité des façades latérales répondait un front ouest marqué par de vastes surfaces lisses, qui encadraient une unique travée de fenêtres flanquées de niches rectangulaires. Surmontant l'étroit volume, l'attique en retrait était accentué par une dalle largement débordante. Le plan disposait les cages d'escalier et les locaux de service aux extrémités, permettant une organisation très souple de la partie centrale. Dans sa distribution d'origine, celle-ci se composait de vastes surfaces ininterrompues au rez-de-chaussée et au deuxie étage, avec des espaces de réception et des bureaux collectifs, alors que les autres étages étaient subdivisés par des parois.

Par le traitement distinct de ces façades, l'immeuble s'insérait habilement dans son environnement. Si la linéarité horizontale de ces longues façades réinterprétait les alignements et cordons des immeubles mitoyens à l'est, dont l'origine remontait aux XVIIIe et XIXe siècles, le caractère nettement vertical et le revêtement de travertin de sa façade sur la place Bel-Air formaient un écho évident du fameux Crédit Suisse construit par Maurice TURRETTINI en 1929 et regrettablement transformé depuis. À la suite de cette réalisation admirée des années 1920 genevoises, l'architecture bancaire tendait à adopter la silhouette du bloc. Celle-ci était jugée adaptée à un programme qui se voulait solide et rassurant plutôt que virtuose, même quand elle était interprétée par les architectes les plus habiles de la région. Au demeurant, l'oeuvre de MM. ZOLLIKOFER associait l'intégration au site et l'affirmation symbolique d'un programme prestigieux avec la « façade-grille » moderne, d'une manière qui n'était pas très éloignée de celle d'un Otto SALVISBERG, dont le Bleicherhof de la ville de Zurich
(1939-1940) exprimait une modernité tempérée tout helvétique.

On ignorait quelles avaient été la formation et la carrière de Max Georges ZOLLIKOFER (1898-1966), car celle-ci s'était déroulée en grande partie à Alexandrie en Égypte, où cet architecte suisse avait émigré de bonne heure. On savait qu'il y avait été l'associé d'un architecte anglais avant de former équipe avec son propre fils, et de réaliser les immeubles de la Banque centrale égyptienne et de la Genevoise du Caire. Il s'était installé à Genève à la fin des années 1950, où il avait réalisé dès 1958 un immeuble commercial, rue de la Scie, puis un autre excellent exemple d'intégration dans un contexte difficile, rue Gautier.

La CMNS invitait le SMS à communiquer les valeurs proposées aux requérants des autorisations, à titre d'information et accompagnées de la fiche de recensement, au préalable de la future modification du plan de protection du site de la Rade.

9) Le 8 août 2017, la CMNS, suite à sa séance plénière du 31 mai 2017, a préavisé défavorablement la demande n° M 7'863 formée par Zurich.

Plusieurs demandes de transformation ou de démolition de certains bâtiments, dont celui objet de la demande, l'avaient obligée à enclencher une réévaluation de l'ensemble des bâtiments construits autour de la Rade autour des années 1960. Une visite des lieux avait été organisée le 12 avril 2017.

Le bâtiment existant avait été construit entre 1959 et 1965 par MM. ZOLLIKOFER, et avait reçu la valeur « intéressant » lors du recensement de révision partielle des valeurs patrimoniales des objets non protégés situés dans le plan de site, commencé en 2017. En regard de ses qualités architecturales, principalement l'adéquation au site du volume, et l'expressivité du langage des façades, caractéristiques de son époque de construction, l'immeuble était désormais considéré comme « maintenu ».

10) Le 11 mai 2018, le DT, faisant sien le préavis de la CMNS, a refusé de délivrer l'autorisation requise.

Le plan de site était en cours de modification et selon l'art. 13B al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), l'autorisation pouvait être refusée lorsque l'adoption, la modification ou l'abrogation d'un plan d'affectation du sol paraissait nécessaire, a l'effet de prévenir une construction qui pourrait compromettre ces objectifs d'urbanisme ou de réalisation d'équipements publics.

11) L'inventaire demandé le 14 février 2017 et entrepris en juin 2017 s'est étendu à tous les immeubles du plan de site appartenant à la catégorie « autres bâtiments ». Il s'est achevé en décembre 2017, et une valeur patrimoniale a été attribuée à une trentaine de bâtiments jusqu'alors « non maintenus ».

12) Les préconisations ont été soumises à la CMNS, et qui les a approuvées le 28 mars 2018.

13) Le DT a alors élaboré un projet de modification partielle du plan de site n° 28392G-610, avec l'objectif d'y intégrer les bâtiments classés jusque-là dans les « autres bâtiments » mais réévalués comme « intéressants » voire « exceptionnels ».

14) Le 15 janvier 2019, la CMNS a approuvé le projet de modification, à l'exception de l'extension de l'hôtel Président Wilson, qui ne devait pas être représentée comme nouveau bâtiment maintenu.

Certains des édifices faisaient partie du courant dit post-moderne, lequel, après une phase d'engouement puis de rejet, faisait l'objet d'une appréciation plus objective. Des bâtiments ayant été conçus par des architectes reconnus comme des figures majeures de l'architecture à Genève, avaient eux aussi été considérés comme dignes de protection.

15) Le projet de plan de site a fait l'objet d'une enquête publique n° 1'946, du 8 avril au 8 mai 2019.

16) Le 7 mai 2019, Zurich s'est opposée formellement à la mise sous conservation du bâtiment.

Contrairement à ce que prévoyait la modification partielle du plan de site, celui-ci ne présentait pas d'intérêt architectural particulier justifiant une protection. Il ne s'agissait pas d'une oeuvre majeure de la modernité genevoise du XXe siècle. Il était le moins intéressant des trois immeubles genevois d'importance réalisés par MM. ZOLLIKOFER. Il n'avait pas les mêmes qualités que les immeubles de MM. Pierre BRAILLARD, François MAURICE et
Jean-Pierre DOM de la même période. Il n'avait jamais fait l'objet d'une publication, son authenticité n'était plus apparente en raison des transformations successives subies, et le dessin de sa façade, plus précisément sa nature hybride, ne générait pas de dialogue franc et ouvert avec la place. L'immeuble ne présentait en outre pas les qualités requises et attendues pour accueillir des bureaux, vu la hauteur des étages, et son isolation thermique, de sorte que les coûts de rénovation seraient très élevés pour un résultat insuffisant, ce qui serait disproportionné en regard du but de protection du patrimoine.

Une étude du bâtiment était jointe.

17) Le 13 novembre 2019, le conseil municipal de la Ville de Genève a voté un préavis favorable au projet de modification.

18) La procédure d'opposition a été ouverte par le DT du 19 décembre 2019 au 2 février 2020.

19) Le 3 février 2020, Zurich a formé opposition auprès du Conseil d'État contre le projet de modification.

L'étude du bâtiment à laquelle elle avait fait procéder avait constaté l'absence de réception critique du bâtiment à l'époque de sa construction. Il n'avait fait l'objet d'aucune publication ; n'était cité ni dans le Guide d'architecture moderne de Genève édité en 1969, ni dans l'ouvrage L'architecture à Genève 1919-1975 édité en 1999 ni dans l'ouvrage XXe : un siècle d'architectures à Genève, promenades, édité en 2009.

Il ne s'intégrait pas dans le contexte de la modernité des années 1950 et 1960, période durant laquelle plusieurs établissements bancaires réalisés à Genève avaient adopté une architecture nettement plus radicale. Ses qualités architecturales étaient douteuses, et il n'avait pas de rapport au site dans lequel il se trouvait. Son authenticité n'était plus apparente après les transformations successives qu'il avait subies en 1989, 1990, 1998, 2000 et 2017. L'absence d'archives rendait très difficile d'établir son état d'origine.

Le rez-de-chaussée du bâtiment était entièrement fermé et inaccessible au public, ce qui créait une situation dommageable pour l'immeuble comme pour les Genevois, dès lors que le bâtiment devrait faire le lien entre la place Bel-Air et l'entrée de la rue du Rhône. Le bâtiment était un gouffre énergétique, et le maintien de sa structure excluait de remédier à ce défaut. Son état actuel ne présentait pas les qualités attendues d'un immeuble de bureaux, en raison principalement de la hauteur d'étage réduite excluant la mise à niveau technique nécessaire pour répondre aux exigences actuelles, notamment du point de vue thermique. Le coût des travaux de transformation serait plus important que celui d'une démolition suivie d'une reconstruction, et ne permettrait d'obtenir qu'un bâtiment rénové présentant toujours les mêmes défauts en termes de typologie et de bilan énergétique.

Les critères qui avaient conduit à la protection du bâtiment n'avaient pas été explicités par le DT, que ce soit durant la procédure d'élaboration du plan ou suite à l'enquête publique, ce qui était constitutif d'une violation du droit d'être entendu.

20) Par deux arrêtés séparés du 27 avril 2020, le Conseil d'État a approuvé le plan de site n° 30158-610 modifiant partiellement le plan de site de la Rade n° 28392G, et a rejeté l'opposition formée par Zurich.

Une fiche de recensement de la Rade validée par la CMNS le 31 mai 2017 avait attribué la valeur « intéressant » à l'immeuble. La protection de l'immeuble répondait à un intérêt public suffisant. Remplaçant le premier immeuble abritant un hôtel de banque, le bâtiment s'insérait habilement dans son environnement, d'une part, de par la linéarité horizontale de ses façades réinterprétant les alignements et cordons des immeubles mitoyens à l'est, dont l'origine remontait aux XVIIIe et XIXe siècles, d'autre part, de par le caractère vertical marqué et le revêtement caractéristique de sa façade côté place Bel-Air faisant écho au bâtiment abritant le Crédit Suisse construit en 1929 par M. TURRETTINI, lequel avait fortement marqué l'architecture bancaire, qui s'était développée en adoptant la silhouette du bloc, caractéristique de ce type d'architecture.

Le fait que l'immeuble n'était pas cité dans les publications spécialisées n'apparaissait dès lors pas déterminant, mais pouvait s'expliquer par la forte expansion des établissements bancaires de ce type dans la seconde moitié du
XXe siècle, ne suscitant pas, à l'époque, le besoin d'en recenser systématiquement tous les exemplaires. La modification du plan de site entendait répondre à la nécessité entre-temps ressentie d'assurer une protection à ce type de bâtiments dont le recul historique avait permis de révéler le caractère digne d'intérêt.

Le maintien de l'édifice conservait par ailleurs son entière pertinence dans l'espace public. Le caractère fermé de sa façade, se démarquant des autres immeubles de bureaux, n'était nullement choquant et s'expliquait pour des raisons fonctionnelles mais surtout expressives, caractéristiques d'un établissement bancaire tenu par définition à des impératifs de confidentialité et de discrétion, de sorte que cette particularité ne pouvait être considérée comme un défaut, notamment de transparence.

D'autres immeubles protégés avaient fait l'objet de travaux de rénovation ou de transformation. En l'espèce, les travaux n'avaient eu aucune incidence sur la valeur patrimoniale de l'édifice, qui avait conservé une substance suffisante à sa mise sous protection.

Le traitement non homogène des façades, contrairement aux autres immeubles bancaires de l'époque, reflétait le choix de réactiver le concept de façade pignon, inspiré par LE CORBUSIER, et présent dans l'immeuble « Clarté » classé en 1986.

L'immeuble avait manifestement plu de son temps, puisque ses auteurs avaient été sollicités pour construire deux autres sièges bancaires à Genève. Ainsi, même à considérer qu'il ne constituait pas une oeuvre « monumentale », force était de constater que les éléments le caractérisant en lien avec le contexte de sa conception convainquaient de l'intérêt patrimonial qu'il formait avec les autres bâtiments situés dans le quartier, témoins de l'architecture bancaire de
l'après-guerre.

Zurich n'établissait pas que la rénovation impliquerait des coûts disproportionnés et insupportables. La substance du patrimoine pouvait être préservée avec l'adoption de solutions alternatives et de solutions techniques nouvelles pour améliorer les bilans environnementaux.

Enfin, Zurich avait eu connaissance de tous les éléments pris en compte à l'appui de la préservation de l'immeuble, et son droit d'être entendu n'avait pas été violé.

21) Par acte remis à la poste le 28 mai 2020, Zurich a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ces arrêtés, concluant à leur annulation. Préalablement, un transport sur place devait être ordonné.

Le bâtiment ne figurait pas au recensement architectural du canton et n'était pas inscrit à l'inventaire fédéral. Il ne faisait pas l'objet de publications spécialisées récentes, contrairement à d'autres bâtiments du secteur.

Selon les conclusions d'une étude architecturale produite avec l'opposition, l'immeuble ne constituait pas une oeuvre majeure de la modernité genevoise du XXe siècle. Il était le moins intéressant des trois immeubles genevois d'importance réalisés par MM. ZOLLIKOFER et n'avait pas les qualités des immeubles réalisés à la même période par MM. BRAILLARD, MAURICE et DOM. L'architecture adoptée à la même période par d'autres établissements bancaires à Genève était plus radicale et plus en phase avec l'esprit du temps. L'authenticité du bâtiment n'était plus apparente. Le dessin hybride de la façade, en comparaison avec l'expression de la grille des années 1950-1960, ne générait pas de dialogue franc et ouvert avec la place Bel-Air. Un établissement se trouvant dans une telle situation dominante se devait pourtant d'avoir une architecture répondant à la qualité de l'espace public qui l'entourait, et cela par des ouvertures généreuses.

La CMNS avait reconnu les qualités du projet de reconstruction, puis avait révisé sa position suite à un concours de circonstances, lié au cycle de vie des bâtiments des années 1950 à 1970 et à la multiplication des demandes d'autorisation de travaux.

Le plan de site n'avait vocation qu'à préserver un site. La motivation de la protection du bâtiment était toute générale et insuffisante. Celui-ci ne présentait pas d'intérêt spécifique, et ne figurait dans aucune publication, même récente. Il était qualifié de perturbation par l'inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse (ISOS). Il avait subi d'importants travaux, et sa protection violait l'art. 38 al. 1 let a de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05).

La mesure de protection violait également la garantie de la propriété. Elle ne poursuivait pas un intérêt public. Les arguments ayant conduit l'autorité à attribuer la valeur « intéressant » n'avaient pas été exposés. La parcelle était comprise en zone I, affectée notamment aux activités du commerce et du secteur tertiaire, et son rez-de-chaussée devait être ouvert au public. Les contraintes liées à la transformation rendraient celle-ci très coûteuse, et difficile l'utilisation du bâtiment à titre de bureaux.

La mesure était disproportionnée. Les arrêtés produisaient des effets insupportables, en rendant la rénovation et l'exploitation du bâtiment très difficile, voire impossible. La luminosité du bâtiment, qui ne comportait que de petites fenêtres, ne correspondait pas aux attentes actuelles des locataires de bureaux. Le sacrifice financier extrêmement lourd imposé par la rénovation était dans un rapport déraisonnable avec un éventuel intérêt public à la protection. L'intérêt public à la réduction de la consommation énergétique ne pourrait être atteint.

Les coûts de démolition/reconstruction étaient évalués à CHF 13'917'472.- et ceux de la transformation à CHF 16'985'054.-.

Le maintien du rez-de-chaussée fermé constituait un cas particulier de violation du principe de la proportionnalité. La place Bel-Air constituait un axe de circulation principal à Genève, en particulier pour les piétons et les transports publics, de sorte que le maintien de la fermeture du rez-de-chaussée du bâtiment était en complète contradiction avec sa situation. La formulation de l'arrêté, qui paraissait considérer que l'ouverture du rez-de-chaussée ne s'imposait pas, faisait craindre que celle-ci ne serait pas acceptée même en cas de travaux de transformation ce qui constituerait une atteinte inacceptable à son intérêt public et privé.

Son droit d'être entendue avait été violé. Le Conseil d'État n'avait pas motivé de manière suffisante et circonstanciée la décision de protection. En particulier, il ne lui avait pas transmis les éléments détaillés lui permettant de comprendre quel intérêt spécifique du point de vue architectural était reconnu au bâtiment, ce qui lui aurait permis de se déterminer.

Les arrêts violaient enfin la force obligatoire de la planification directrice, le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030) ne prévoyant aucune autre mesure de protection particulière que l'intégration dans le plan de site de la parcelle et du bâtiment. Vu le silence du PDCn 2030, les arrêtés violaient l'art. 9 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et l'art. 11 al. 1 LaLAT. La planification directrice prévoyait par ailleurs des quartiers durables assurant notamment de bonnes conditions environnementales.

22) Le 6 juillet 2020, le DT a conclu au rejet du recours.

Le droit d'être entendu de la recourante n'avait pas été violé. L'arrêté rejetant son opposition exposait clairement les motifs fondant la mesure de protection, et se référait à la fiche de recensement ainsi qu'au préavis de la CMNS. Ces éléments n'étaient pas inconnus de la recourante, car ils ressortaient déjà des procédures et discussions qui avaient porté sur l'immeuble avant l'adoption du plan de site.

Les demandes d'autorisations de travaux déposées en 2016 avaient rendu nécessaire une nouvelle évaluation historique et architecturale des bâtiments, laquelle avait été conduite en 2017. Les motifs à l'appui du changement de statut de l'immeuble avaient été exposés par la fiche et validés par la CMNS. La recourante était informée depuis 2017 au moins de l'intérêt porté à l'immeuble au titre du patrimoine.

Le plan de site visait moins à la protection des bâtiments pour eux-mêmes qu'à leur relation les uns avec les autres et à la nécessité de les protéger en tant qu'ils étaient représentatifs d'un style architectural et qu'ils formaient une valeur d'ensemble. Les éléments caractérisant l'immeuble en lien avec le contexte de sa conception et le site dans lequel il s'inscrivait avaientt convaincu de l'intérêt patrimonial suffisant et de la valeur d'ensemble qu'il formait avec les autres bâtiments situés dans le même quartier.

L'étude que la recourante avait fait établir avait été soumise aux experts en histoire de l'architecture du DT et commentée par une note de service, qui était jointe. Elle s'en tenait à l'évaluation patrimoniale du bâtiment apprécié pour
lui-même et non dans la dimension contextuelle privilégiée par le plan de site. La réévaluation patrimoniale du bâtiment participait d'un examen global qui avait abouti à la classification de vingt-neuf autres bâtiments de la Rade. Les particularités du bâtiment ne constituaient pas des défauts mais des choix délibérés des architectes, inspirés notamment par des concepts développés par l'architecte de grand renom LE CORBUSIER. Le bâtiment avait bien participé à l'esprit du temps, et avait fait de ses auteurs les architectes les plus prolifiques dans ce type d'architecture. L'étude n'était ainsi pas propre à invalider les options de protection du patrimoine consacrées dans le plan de site.

La plupart des immeubles déclarés maintenus dans le plan de site n'étaient ni cités ni identifiés dans des ouvrages spécialisés, ce qui n'avait jamais constitué une cause d'invalidation d'un plan de site et n'était pas choquant s'agissant de préserver une valeur d'ensemble plutôt que la valeur intrinsèque d'objets isolés.

Les circonstances du choix de revoir le plan de site n'avaient rien d'extraordinaire, et il était admis qu'une mesure de protection intervienne au moment où le propriétaire prenait des dispositions de nature à porter atteinte à la substance patrimoniale des bâtiments.

Le recul historique constituait un élément essentiel et indissociable du travail de recensement et d'évaluation des valeurs d'un site ou d'un immeuble. Il justifiait la mise à jour des valeurs du recensement architectural cantonal établi dans les années 1970-1980. L'immeuble « Clarté » dû au CORBUSIER avait été classé plus de cinquante ans après sa construction, après avoir été sauvé in extremis de la démolition.

L'inventaire fédéral ISOS n'était pas un outil approprié à l'examen d'une mise sous protection d'un objet ou d'un monument pour sa valeur intrinsèque, et les données qu'il comportait sur l'immeuble résultaient d'observations datant de 1983. Or, cette appréciation avait précisément fait l'objet avec recul d'une analyse de détail qui avait conclu à l'intérêt architectural et historique du bâtiment. L'inventaire ISOS avait d'ailleurs traité de la même manière les trois autres bâtiments dont l'étude produite par la recourante louait à titre de comparaison les qualités patrimoniales.

Les travaux de transformation ne faisaient pas obstacle au prononcé d'une mesure de protection, dès lors que la substance patrimoniale du bâtiment était préservée en l'espèce.

Était annexée une note de service établie par Monsieur David RIPOLL, historien de l'architecture, et portant la date du 16 juin 2020.

23) Le 31 août 2020, Zurich a répliqué.

Le postmodernisme était apparu aux USA et en Europe à la fin des années 1970, et le bâtiment, construit au début des années 1960 ne pouvait être qualifié comme tel. Lors de l'adoption du plan de site de 1993, des bâtiments d'architecture contemporaine des années 1940-1970 avaient été considérés et maintenus. Il existait alors déjà un recul historique suffisant. La fiche de recensement ne traitait pas de l'authenticité du bâtiment, pas plus que la note historique jointe à la réponse du DT. La fiche de recensement ne traitait que sommairement du bâtiment lui-même, alors que toute l'étude qu'elle avait produite lui était consacrée. L'immeuble « Clarté » avait été classé, contrairement au bâtiment objet de la procédure. Invoquer le recul historique n'était pas suffisant pour justifier le maintien d'un bâtiment. Le plan de site ne décrivait pas le bâtiment comme faisant partie d'un ensemble, mais comme un objet isolé. L'immeuble du Crédit Suisse auquel le bâtiment faisait écho ne faisait pas partie du périmètre du plan de site. Le bâtiment ne présentait pas une unité et ne formait pas un ensemble avec les autres bâtiments du quai Bezanson-Hugues. L'absence de classement, d'inscription à l'inventaire et d'étude attestaient du peu d'intérêt de l'immeuble. L'inventaire ISOS devait être pris en considération lors de l'élaboration d'un plan d'affectation de détail. Le maintien du bâtiment ne permettrait pas d'atteindre les nouveaux labels énergétiques. Il ne permettrait pas à la propriétaire de répondre aux besoins de ses futurs locataires. Le DT avait admis que le Conseil d'État n'entendait pas exclure tous travaux au
rez-de-chaussée, et il fallait supprimer cette mention de l'arrêté du Conseil d'État. La fiche de recensement ne lui avait jamais été transmise avant la prise de décision, et son droit d'être entendue avait été violé.

24) Le 14 octobre 2020, un transport sur place a eu lieu, en présence des parties.

Monsieur Jean-Frédéric LUSCHER, directeur délégué du patrimoine dans les projets d'aménagement du territoire au DT, a décrit les modifications de la façade subies par le bâtiment, comme par exemple les balcons métalliques de la façade côté place Bel-Air, ajoutés. Pour le surplus, le bâtiment avait conservé sa façade originelle, en particulier le plaquage de travertin sur le pignon donnant sur la place ainsi que la disposition en grille des façades latérales.

Par la voix de son conseil, la recourante a indiqué que la marquise et le plaquage de marbre du rez-de-chaussée avaient également été ajoutés, ainsi que cinq mâts porte-drapeaux sur le toit côté place. Le rez-de-chaussée étant surélevé, des travaux d'aménagement colossaux devraient être entrepris en cas de rénovation pour adapter l'accès de plain-pied et aux personnes à mobilité réduite.

M. LUSCHER a souligné les différents effets visuels provoqués par la profondeur de la façade. La CMNS avait particulièrement apprécié la continuité avec la façade suivante, qui alternait les pleins et les vides.

La recourante a fait observer qu'on voyait derrière la façade un escalier qui n'y avait pas sa place.

Depuis un point de vue plus distant, M. LUSCHER a fait observer que le bâtiment s'inscrivait dans un ensemble comprenant les deux bâtiments du Crédit Suisse en arrière-plan à droite, et dans le prolongement des immeubles anciens du quai à gauche. Les bâtiments du Crédit Suisse présentaient en façade un rythme uniforme et le bâtiment une alternance dans la disposition des fenêtres. La distinction entre les façades était une caractéristique de la production des architectes ZOLLIKOFER et n'était pas du tout dévalorisante pour le bâtiment.

La recourante a confirmé que les éléments grillagés ornant le
rez-de-chaussée étaient d'époque. L'intégralité du rez-de-chaussée était surélevée et la façade présentait un aspect totalement fermé.

M. LUSCHER a indiqué que des aménagements ne pouvaient être exclus d'emblée s'agissant d'un immeuble maintenu, et que les propositions seraient examinées au stade du dépôt d'une requête d'autorisation et soumises entre autres à la CMNS.

La recourante a insisté sur le fait que plus aucune banque ne louerait un tel immeuble présentant une façade aussi fermée, d'un autre temps.

Les parties ont confirmé qu'à l'exception du plaquage de marbre et de granit au rez-de-chaussée, et de la marquise, la façade n'avait pas subi de transformation. L'attique avait été repeint en blanc.

Les participants ont ensuite examiné l'intérieur de l'immeuble.

M. LUSCHER a indiqué qu'il n'était pas rare que des rampes d'accès pour personnes à mobilité réduite soient installées sur le trottoir ou à l'intérieur de l'enveloppe.

Les parties ont convenu que les aménagements intérieurs n'étaient pas dignes de protection.

La recourante a souligné la faible hauteur de plafond, même compte tenu de la gaine technique, sur les ventilo-convecteurs garnissant le pied des fenêtres et l'isolement insuffisant des contrecoeurs.

Monsieur Thierry ESTOPPEY, architecte historien mandaté par la recourante, a expliqué qu'en cas de reconstruction des piliers pourraient être ajoutés au centre, ce qui permettrait d'amincir les dalles et augmenterait l'espace utile.

25) Le 11 décembre 2020, le DT a fait tenir ses observations finales.

La reconnaissance récente de la valeur du bâtiment n'amoindrissait pas le bien-fondé de la mesure de protection. La liste des bâtiments établie en 1993 n'avait pas à être figée. Les points problématiques de l'étude produite par la recourante avaient été soulignés, en particulier la négation de l'« authenticité apparente » du bâtiment. De nombreux aménagements intérieurs avaient eu lieu mais les façades étaient conservées. L'architecture bancaire de la deuxie moitié du XXe siècle ne comportait pas seulement des façades en grille uniformes, mais aussi des façades différenciées. Le bâtiment valait par son contexte et par ses qualités particulières. La protection des ensembles d'immeubles d'habitation des XIXe et XXe siècles des art. 89 ss de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) était plus restrictive que celle de la valeur patrimoniale d'ensemble des plans de site. La révision du plan de site avait été lancée précisément parce que plusieurs bâtiments n'étaient pas protégés. Il ne s'agissait pas seulement de préserver un gabarit, mais des éléments caractéristiques de l'immeuble qui faisaient que celui-ci concourait à la valeur et au caractère du secteur urbain. Des travaux d'isolation, de transformation et de mise au goût du jour étaient parfaitement possibles, selon des techniques éprouvées et adaptées à ce type de bâtiment, tout en permettant de conserver les attributs essentiels du droit de propriété de la recourante, qui ne subissait ainsi pas de préjudice particulier. L'ouverture du rez-de-chaussée n'était pas exclue mais devait être soumise aux spécialistes en matière de protection du patrimoine. La fiche de recensement était disponible et le droit d'être entendue de la recourante n'avait pas été violé.

Était joint un exemplaire du préavis de la CMNS du 8 août 2017.

26) Le 18 décembre 2020, la recourante a faite tenir ses observations.

Le DT n'indiquait pas clairement à quel titre - objet isolé ou appartenance à un ensemble - le bâtiment devait être protégé. Le DT avait affirmé lors d'une séance que si le projet était passé « tout seul », soit sans les autres demandes qui avaient provoqué un réexamen et une modification du plan de site, il n'aurait pas suscité de réactions, ce qui posait proble sous l'angle du respect du principe de bonne foi. Les critères objectifs de la valeur devaient pouvoir être reconnus pas une grande partie de la population pour fonder une mesure, ce qui paraissait douteux s'agissant des motivations avancées par le DT. L'arrière-plan mis en exergue par le DT lors du transport sur place, soit les deux bâtiments du Crédit Suisse, n'était pas de la même époque et ne pouvait former un ensemble avec l'immeuble. Le Conseil d'État avait bien admis qu'une ouverture du
rez-de-chaussée ne s'imposait pas. Or, il n'avait pas le pouvoir de l'interdire.

27) Le 5 février 2021, la recourante a complété ses observations finales.

Le traitement des façades était dû à la Lloyds Bank et ne pouvait être qualifié de caractéristique des architectes ZOLLIKOFER. La faible hauteur d'étage posait de réelles difficultés d'aménagement. Les contraintes d'isolation entraîneraient une perte de surface disponible à l'intérieur des façades. Le plan de la Rade ne pouvait viser la protection d'un quartier - la place Bel-Air - qui n'y était pas compris. Le rejet par la CMNS des conclusions des experts qu'elle avait mandatés était arbitraire.

28) Le 9 février 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit des arrêtés du 27 avril 2020 modifiant le plan de site et rejetant l'opposition de la recourante en ce qu'ils attribuent à son immeuble la valeur « intéressant ».

3) La recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue, faute pour les arrêtés querellés d'être suffisamment motivés.

a. Le droit d'être entendu comprend, notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il suffit toutefois que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressée puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 5.1; 137 II 266 consid. 3.2; 136  I 229 consid. 5.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_970/2013 du 24  juin 2014 consid. 3.1 et 6B_1193/2013 du 11 février 2014 consid. 1.2).

b. En l'espèce, les arrêtés attaqués ont repris les griefs soulevés par la recourante dans son opposition, qu'ils ont réfutés. S'agissant des qualités du bâtiment, ils ont rappelé les constats opérés par la fiche de recensement pour souligner, en détail, la valeur tant individuelle que d'ensemble (arrêté, consid. 2.3, pp. 5-6).

La fiche de recensement, pour autant qu'elle n'ait pas été remise à la recourante, lui était accessible dans le dossier auprès du DT.

La motivation de la décision était ainsi suffisamment développée. Elle était suffisamment connue de la recourante pour que celle-ci puisse s'y opposer dans un premier temps, puis former un recours étayé et argumenté dans un second temps, ce qui montrait qu'elle connaissait bien la motivation des arrêtés.

Le grief sera écarté.

4) L'assujettissement d'un immeuble à des mesures de conservation ou de protection du patrimoine naturel ou bâti constitue une restriction du droit de propriété garanti par l'art. 26 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ; pour être compatible avec cette disposition, l'assujettissement doit reposer sur une base légale - une loi au sens formel si la restriction est grave -, être justifié par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; ATF 126 I 219 consid. 2a et les arrêts cités).

5) a. En droit fédéral, les plans d'affectation règlent le mode d'utilisation du sol. Ils délimitent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger (art. 14 LAT). Les zones à protéger comprennent notamment les cours d'eau, les lacs et leurs rives (art. 17 al. let a LAT), les paysages d'une beauté particulière, d'un grand intérêt pour les sciences naturelles ou d'une grande valeur en tant qu'éléments du patrimoine culturel (art. 17 al. 1 let. b LAT) et les localités typiques, les lieux historiques, les monuments naturels ou culturels (art. 17 al. 1 let. c LAT). Lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d'affectation font l'objet des adaptations nécessaires (art. 21 al. 2 LAT).

b. En droit genevois, les plans de zone, qui sont des plans d'affectation du sol, comprennent les zones protégées, qui constituent des périmètres délimités à l'intérieur d'une zone à bâtir ordinaire ou de développement et qui ont pour but la protection de l'aménagement et du caractère architectural des quartiers et localités considérés (art. 12 al. 5 LaLAT).

Les plans de site de la LPMNS constituent des plans d'affectation spéciaux précisant l'affectation et le régime d'aménagement des terrains compris à l'intérieur d'une ou plusieurs zones (art. 13 al. 1 let c LaLAT). Ils déploient des effets contraignants pour les particuliers (Thierry TANQUEREL, La participation de la population à l'aménagement du territoire, 1988, pp. 259 et 260).

c. La LPMNS a pour but de conserver les monuments de l'histoire, de l'art ou de l'architecture, les antiquités immobilières ou mobilières situés ou trouvés dans le canton ainsi que le patrimoine souterrain hérité des anciennes fortifications de Genève (art. 1 let. a), de préserver l'aspect caractéristique du paysage et des localités, les immeubles et les sites dignes d'intérêt, ainsi que les beautés naturelles (art. 1 let. b), d'assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l'espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c), de favoriser l'accès du public à un site ou à son point de vue (art. 1 let. d), d'encourager toutes mesures éducatives et de soutenir les efforts entrepris en faveur de la protection des monuments, de la nature et des sites (art. 1 let. e) et d'encourager les économies d'énergie et la production d'énergies renouvelables lors de la rénovation d'immeubles au bénéfice d'une mesure de protection patrimoniale (art. 1 let. f).

La LPMNS poursuit la protection générale des monuments de l'histoire, de l'art ou de l'architecture et des antiquités immobilières situés ou découverts dans le canton, qui présentent un intérêt archéologique, historique, artistique, scientifique ou éducatif, ainsi que les terrains contenant ces objets et leurs abords (art. 4 let. a), et des immeubles et des sites dignes d'intérêt, ainsi que des beautés naturelles (art. 4 let. b).

S'agissant des bâtiments, elle prévoit l'établissement d'un inventaire de tous les immeubles dignes d'être protégés au sens de l'art. 4 (art. 7 al. 1), ainsi que la possibilité pour le Conseil d'État d'ordonner la classement d'un monument ou d'une antiquité (art. 10).

S'agissant de la nature et des sites, elle prévoit la protection des sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1), soit notamment des paysages caractéristiques, tels que rives, coteaux, points de vue (art. 35 al. 2 let. a) et ensembles bâtis qui méritent d'être protégés pour eux-mêmes ou en raison de leur situation privilégiée (art. 35 al. 2 let. b), sous réserve des dispositions de la LCI sur les zones protégées.

d. En ce qui concerne les sites, l'art. 38 LPMNS permet au Conseil d'État d'édicter les dispositions nécessaires à l'aménagement ou à la conservation d'un site protégé par l'approbation d'un plan de site assorti, le cas échéant, d'un règlement (al. 1). Les plans et règlements déterminent notamment les mesures propres à assurer la sauvegarde ou l'amélioration des lieux, telles que : maintien de bâtiments existants, alignement aux abords de lisières de bois et forêts ou de cours d'eau; angles de vue, arborisation (al. 2 let. a), les conditions relatives aux constructions, installations et exploitations de toute nature (implantation, gabarit, volume, aspect, destination - al. 2 let. b) et les cheminements ouverts au public ainsi que les voies d'accès à un site ou à un point de vue (al. 2 let. c).  À défaut d'autres règles fixées dans le plan de site ou son règlement, les art. 90, al. 1, et 93, al. 1, 2 et 4 LCI sont applicables par analogie aux travaux exécutés dans les immeubles déclarés maintenus, sous réserve des cas d'intérêt public (al. 3). Les immeubles maintenus au sens de l'al. 2, let. a, ne peuvent, sans l'autorisation du Conseil d'État, être démolis, transformés ou faire l'objet de réparations importantes (al. 4).

Le projet de plan de site est élaboré par le DT, qui peut en prendre l'initiative, en collaboration avec la commune et la CMNS (art. 39 LPMNS). Il est soumis à une enquête publique d'au moins trente jours annoncée publiquement, au terme de laquelle le DT établit et publie un projet de décision, à laquelle toute personne, organisation ou autorité disposant de la qualité pour recourir peut faire opposition. Le Conseil d'État statue sur les oppositions, modifie cas échéant et adopte le plan de site. Si l'opposition émane d'une commune, le Grand Conseil est appelé à statuer sous forme de résolution. Le recours contre l'adoption du plan est régi par l'art. 36 LaLAT (art. 40 al. 1 à 9 LPMNS).

Le plan fait l'objet d'un réexamen périodique. Sous réserve d'éléments d'ordre secondaire, pour lesquels une nouvelle enquête publique n'est pas nécessaire, sa modification ou son abrogation est soumise à la même procédure (art. 40 al. 10 LPMNS).

e. Le règlement relatif au plan de site de la Rade adopté le 4 octobre 1993 a pour but de préserver le site de la Rade et, à ce titre, le caractère architectural et historique des bâtiments et ensembles situés à front de quai de la Rade et des places attenantes, ainsi que les autres éléments rattachés aux quais et au plan d'eau qui méritent protection (art. 1). En règle générale, le caractère du site doit être préservé, notamment l'implantation des constructions (art. 3 al. 1). L'architecture, les matériaux et teintes des constructions doivent respecter le caractère historique du quartier (art. 3 al. 2). Le plan désigne les bâtiments maintenus en raison de leur intérêt architectural et historique ou de leur appartenance à un ensemble au sens des art. 80 et 90 LCI ; il désigne également les bâtiments d'architecture contemporaine qui présentent un intérêt particulier (art. 4 al. 1). En cas de rénovation ou de transformation de ces bâtiments maintenus, les structures porteuses, de même que, en règle générale, les éléments architecturaux caractéristiques, notamment les verrières, les décors intérieurs et extérieurs, les terrasses entre les bâtiments et la rue, doivent être sauvegardés (art. 4 al. 2). Pour les bâtiments maintenus, le gabarit de hauteur d'un bâtiment transformé ne peut excéder la hauteur du bâtiment existant. L'aménagement de locaux d'habitation dans les combles est possible dans la mesure où il n'est pas porté atteinte au caractère architectural des bâtiments, mais n'est pas admis dans les combles surmontant les étages à la Mansart (art. 7 al. 1).

6) La protection par le plan de site est plus large et plus souple que le classement ou l'inscription à l'inventaire. Dans le cadre de la première LPMNS, du 19 juin 1920, le classement constituait la seule mesure de droit public à la disposition des autorités pour assurer la conservation des bâtiments dignes de protection. Généralement, cette mesure ne pouvait concerner qu'un seul bâtiment à la fois ou une partie d'un bâtiment. Le législateur a toutefois expressément pris le parti de protéger légalement des biens patrimoniaux appréhendés plus largement. Cette option a été explicitement motivée comme suit dans l'exposé des motifs à l'appui du projet de la nouvelle LPMNS du 4 juin 1976 : « Au fil du temps, le cercle des biens dignes de protection et dont la sauvegarde revêt un caractère croissant d'intérêt général s'est considérablement élargi pour s'étendre à de nouvelles composantes du patrimoine commun que menacent ou détruisent les nuisances de notre société [...] Ce phénomène est particulièrement sensible dans notre canton, dont le territoire fort exigu abrite une agglomération en expansion. Partout, en Europe et ailleurs, ces questions préoccupent les autorités chargées de l'aménagement du territoire [...] Dans le cadre genevois beaucoup plus modeste, il convient de protéger particulièrement certains lieux : monuments, ensembles bâtis ou naturels, paysages particulièrement remarquables, etc., et d'en ouvrir - si possible - l'accès à la population soucieuse de sauvegarder son patrimoine culturel et de jouir d'un constat paisible avec la nature » (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1974, p. 3244).

Le rapport de la commission du Grand Conseil chargée d'examiner le projet de loi qui a donné lieu à l'adoption de la LPMNS, du 4 juin 1976, précise que la commission « a voulu introduire la possibilité de protéger des ensembles bâtis, notamment dans le cadre des dispositions sur les sites. Les art. 32 à 35 ont été modifiés dans ce sens. Il semble, en effet, plus judicieux de traiter des ensembles bâtis sous le régime du plan de site que sous celui du classement » (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1976, p. 1906).

Le terme « notamment » utilisé à l'art. 35 al. 2 LPMNS indique que la notion de « site » doit être comprise largement. Le législateur a refusé de circonscrire la notion de site à celle correspondant au sens courant de ce terme, mais a étendu cette notion en y englobant d'autres objets à protéger, parmi lesquels peuvent être inclus les constructions de quartiers, le tissu urbain dans lequel elles s'inscrivent et la végétation qui les englobe (ATA/784/2016 du
20 septembre 2016 consid. 5b).

Le Tribunal fédéral a relevé que dans la pratique genevoise, l'instrument du plan de site était large, et avait été utilisé pour la protection de périmètres ou d'objets assez divers et ne présentant pas nécessairement une homogénéité architecturale ou historique. Tel était le cas de la Rade de Genève, du centre de la ville de Carouge ainsi que des villages au caractère typique comme Hermance ou Dardagny. Il a même admis que des quartiers comme la Roseraie ou Beau-Séjour - contenant des éléments disparates, comme des établissements hospitaliers, des groupes de villas, des bâtiments de grand gabarit et des constructions isolées -constituaient un site (arrêt du Tribunal fédéral 1P.44/2004 du 12 octobre 2004 consid. 2.1.3, faisant suite à l'ATA/884/2003 du 2 décembre 2003 consid. 4).

La légalité de l'adoption de plans de site poursuivant des objectifs de protection diversifiés a été confirmée tant par le Tribunal fédéral que par la chambre de céans (arrêt du Tribunal fédéral 1P.801/99 du 16 mars 2002 ; SJ 1995 p. 87 ; ATA/884/2003 du 2 décembre 2003). Le Tribunal fédéral a par exemple admis que la présence d'hôtels pouvait constituer une caractéristique du site de la Rade à protéger (arrêt du Tribunal fédéral 1P.28/1993 du 6 mai 1998 consid. 7 = SJ 1995 89-90).

7) D'après la jurisprudence, les restrictions de la propriété ordonnées pour protéger les monuments et les sites naturels ou bâtis sont en principe d'intérêt public (ATF 126 I 219 consid. 2c ; 119 Ia 305 consid. 4b et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.28/2004 du 12 octobre 2004 c 2.2.1). L'art. 4 let. a LPMNS, en tant qu'il prévoit la protection de monuments de l'architecture présentant un intérêt historique, scientifique ou éducatif, contient des concepts juridiques indéterminés qui laissent par essence à l'autorité comme au juge une latitude d'appréciation considérable. Il apparaît en outre que, depuis quelques décennies en Suisse, les mesures de protection ne s'appliquent plus uniquement à des monuments exceptionnels ou à des oeuvres d'art mais qu'elles visent des objets très divers du patrimoine architectural du pays, parce qu'ils sont des témoins caractéristiques d'une époque ou d'un style (cf. notamment : Philip VOGEL, La protection des monuments historiques, thèse Lausanne 1982) ; la jurisprudence a déjà pris acte de cette évolution (ATF 126 I 219 consid. 2e ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.842/2005 du 30 novembre 2006). Alors qu'à l'origine, les mesures de protection visaient essentiellement les monuments historiques, à savoir des édifices publics, civils ou religieux, ainsi que des sites et objets à valeur archéologique, elle s'est peu à peu étendue à des immeubles et objets plus modestes, que l'on a qualifié de patrimoine dit « mineur », caractéristique de la campagne genevoise, pour enfin s'ouvrir sur une prise de conscience de l'importance du patrimoine hérité du XIXe siècle et de la nécessité de sauvegarder un patrimoine plus récent, voire contemporain (ATA/643/2013 du 1er octobre 2013 ; ATA/105/2006 du 7 mars 2006 ; ATA/89/2000 du 8 février 2000). Néanmoins, comme tout objet construit ne mérite pas une protection, il faut procéder à une appréciation d'ensemble, en fonction de critères objectifs ou scientifiques. La mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes ; elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d'une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (ATF 120 Ia 270 consid. 4a ; 118 Ia 384 consid. 5a).

8) L'appréciation de la valeur d'un objet ou d'un site à protéger peut évoluer avec le temps et entraîner la modification de la protection. Le classement d'un bâtiment peut être modifié ou abrogé pour des motifs prépondérants d'intérêt public ou si l'immeuble qu'il protège ne présente plus d'intérêt (art. 18
al. 1 LPMNS). Le plan de site fait l'objet d'un réexamen périodique (art. 40
al. 10 LPMNS).

Au sujet des monuments, la jurisprudence a retenu que l'art. 4
let. a LPMNS, contient des concepts juridiques indéterminés qui laissent par essence à l'autorité comme au juge une latitude d'appréciation considérable. Il apparaît en outre que, depuis quelques décennies en Suisse, les mesures de protection ne s'appliquent plus uniquement à des monuments exceptionnels ou à des oeuvres d'art mais qu'elles visent des objets très divers du patrimoine architectural du pays, parce qu'ils sont des témoins caractéristiques d'une époque ou d'un style (Philip VOGEL, op. cit. p. 25) ; la jurisprudence a pris acte de cette évolution (ATF 126 I 219 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 1C_300/2011 du
3 février 2012 consid. 5.1.1). Alors qu'à l'origine, les mesures de protection visaient essentiellement les monuments historiques, à savoir des édifices publics, civils ou religieux, ainsi que des sites et objets à valeur archéologique, elles se sont peu à peu étendues à des immeubles et objets plus modestes, que l'on a qualifié de patrimoine dit « mineur », caractéristique de la campagne genevoise, pour enfin s'ouvrir sur une prise de conscience de l'importance du patrimoine hérité du XIXe siècle et la nécessité de sauvegarder un patrimoine plus récent, voire contemporain (ATA/721/2012 du 30 décembre 2012 consid. 4b). Néanmoins, comme tout objet construit ne mérite pas une protection, il faut procéder à une appréciation d'ensemble, en fonction des critères objectifs ou scientifiques. La mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes ; elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d'une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (ATF 120 Ia 270 consid. 4a ; 118 Ia 384 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 6.1 ; ATA/428/2010 du 22 juin 2010 et les références citées).

La chambre de céans a pu juger à propos d'un monument au sens de la LPMNS qu'il appartient aux historiens, historiens de l'art et autres spécialistes de déterminer si les caractéristiques présentées par le bâtiment le rendent digne de protection, d'après leurs connaissances et leur spécialité. À ce titre, il suffit qu'au moment de sa création, le monument offre certaines caractéristiques au regard des critères déjà vus pour justifier son classement, sans pour autant devoir être exceptionnel dans l'abstrait. Toutefois, un édifice peut également devenir significatif du fait de l'évolution de la situation et d'une rareté qu'il aurait gagnée. Les particularités du bâtiment doivent au moins apparaître aux spécialistes et trouver le reflet dans la tradition populaire sans trop s'en écarter (ATA/1214/2015 précité consid. 4b ; Philip VOGEL, op. cit., p. 24 et les références citées).

Le Tribunal fédéral a admis l'assujettissement aux normes de protection d'un bâtiment jugé intéressant par une étude avalisée par la commission spécialisée car celui-ci présentait une valeur d'ensemble découlant de ses rapports, tant sur le plan spatial que sur celui de l'organisation de sa distribution intérieure avec les autres bâtiments situés dans le périmètre protégé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_57/2008 du 19 mars 2009 consid. 4.2.2).

9) La CMNS est une commission consultative. Elle donne son préavis sur tous les objets qui, en raison de la matière, sont de son ressort (art. 47 al. 1 LPMNS). Elle peut proposer toutes mesures propres à concourir aux buts de la présente loi (art. 47 al. 2 LPMNS). Elle donne notamment son préavis sur les projets de plans de site établis par l'un des départements compétents (art. 5 al. 2 let. k du règlement d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 - RPMNS - L 4 05.01) ainsi que sur tout projet de travaux concernant un immeuble situé dans le périmètre d'un plan de site (art. 5
al. 2 let. l RPMNS).

L'autorité jouit, sous réserve d'excès ou d'abus du pouvoir d'appréciation, d'une certaine liberté dans les suites à donner dans un cas d'espèce, quel que soit le contenu du préavis, celui-ci n'ayant qu'un caractère consultatif (ATA/1024/2019 précité consid. 3d ; ATA/721/2012 du 30 décembre 2012 consid. 5).

Chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/1068/2016 du 20 décembre 2016 consid. 6b et les références citées ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 508 p. 176 et la jurisprudence citée).

Les autorités de recours se limitent le cas échéant à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/434/2018 du 8 mai 2018 consid. 6f ; ATA/1214/2015 du 10 novembre 2015 consid. 4f ; ATA/126/2013 du 26 février 2013 consid. 9b).

La chambre de céans est en revanche libre d'exercer son propre pouvoir d'examen lorsqu'elle procède elle-même à des mesures d'instruction, à l'instar d'un transport sur place (ATA/1024/2019 du 18 juin 2019 consid. 4c et les références citées).

Si la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA/1214/2015 précité ; ATA/126/2013 précité). En outre, la CMNS se compose pour une large part de spécialistes, dont notamment des membres d'associations d'importance cantonale, poursuivant par pur idéal des buts de protection du patrimoine (art. 46 al. 2 LPMNS). À ce titre, son préavis est important (ATA/1024/2019 précité consid. 4d ; ATA/1214/2015 précité).

10) Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public
(ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 et les arrêts cités).

En principe, les restrictions de la propriété ordonnées pour protéger les monuments et les sites naturels ou bâtis sont d'intérêt public et celui-ci prévaut sur l'intérêt privé lié à une utilisation financière optimale du bâtiment (ATF 126 I 219 consid. 2c ; 120 Ia 270 consid. 6c ; 119 Ia 305 consid. 4b).

Le sacrifice financier auquel le propriétaire est soumis du fait de la mise à l'inventaire constitue un élément important pour apprécier si l'atteinte portée par cette mesure à son droit de propriété est supportable ou non (ATF 126 I 219 consid. 6c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_52/2016 du 7 septembre 2016 consid. 3.2).

En relation avec le principe de la proportionnalité au sens étroit, une mesure de protection des monuments est incompatible avec la Constitution si elle produit des effets insupportables pour le propriétaire ou ne lui assure pas un rendement acceptable. Savoir ce qu'il en est, dépend notamment de l'appréciation des conséquences financières de la mesure critiquée (ATF 126 I 219 consid. 6c in fine et consid. 6h ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_52/2016 précité consid. 2 ; 1P.842/2005 du 30 novembre 2006 consid. 2.4).

Plus un bâtiment est digne d'être conservé, moins les exigences de la rentabilité doivent être prises en compte (ATF 118 Ia 384 consid. 5 ; ATA/1024/2019 précité consid. 2).

11) La recourante se plaint que les arrêtés violent l'art. 38 al. 2 let. a LPMNS. Le bâtiment n'était ni classé, ni inscrit à l'inventaire, ni objet d'une publication. Le recensement ISOS le qualifiait de perturbation. La CMNS n'était initialement pas opposée à la démolition-reconstruction. Le DT n'exposait que sommairement les motifs à l'appui d'une conservation. Le bâtiment ne présentait pas d'intérêt suffisant.

a. Le bâtiment n'avait en effet pas été jugé devoir être « maintenu » dans le précédent plan de site de 1993, faute sans doute de qualités suffisantes retenues à l'époque. Cela étant, un quart de siècle s'est écoulé depuis, et il est admis sur le principe que le regard porté sur le patrimoine et les critères de la protection évoluent avec le temps. Cet élément doit ainsi être relativisé compte tenu de l'écoulement du temps.

b. Le bâtiment n'a effectivement pas été classé, ni porté à l'inventaire, comme le fait observer la recourante. L'inclusion dans un plan de site constitue toutefois une mesure de protection distincte du, et alternative au, classement ou à l'inscription. La recourante n'établit ni ne soutient que ces mesures constitueraient un préalable à la protection par un plan de site.

c. Le bâtiment n'a pas plus fait l'objet d'une publication. Comme le fait toutefois observer le DT, tel est le cas de nombreux bâtiments « maintenus » par le plan de site, et même de bâtiments aujourd'hui classés mais longtemps ignorés. L'absence de publication ou d'intérêt montré par les publications scientifiques, qui ne prétendent pas à l'exhaustivité et n'ont pas pour fonction de recenser, ne permet pas d'inférer que le bâtiment est dépourvu de valeur patrimoniale. Cela étant, la fiche de recensement peut être regardée comme une publication manifestant de l'intérêt pour le bâtiment et son intégration au site.

d. L'inventaire ISOS est fondé sur l'art. 5 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 (LPN - RS 451), qui charge le Conseil fédéral d'établir, après avoir pris l'avis des cantons, des inventaires d'objets d'importance nationale. Celui-ci peut se fonder sur des inventaires dressés par des institutions d'État ou par des organisations oeuvrant en faveur de la protection de la nature, de la protection du paysage ou de la conservation des monuments historiques. Les critères qui ont déterminé le choix des objets sont indiqués dans les inventaires. Ils ne paraissent pas a priori semblables à ceux qui déterminent la protection par les plans de site, et les éventuelles critiques adressées par l'inventaire ISOS au bâtiment ne sont pas de nature à priver de sa pertinence la procédure de protection par le plan de site.

e. Le 14 juin 2016, la CMNS a préavisé la poursuite de l'instruction du projet, et la modification de ce dernier. Elle a salué la conservation du gabarit et valorisé la position d'articulation urbaine du bâtiment entre deux formes de bâti, l'une plus ancienne témoignant du caractère historique du front de quai et l'autre récente et presque entièrement dévolue aux activités bancaires. Elle a relevé que le bâtiment formait la tête de l'îlot, ce qui pouvait justifier un traitement différent de la façade côté place Bel-Air. Elle a salué le choix d'éléments minéraux pour la façade.

Certes, ce faisant, la CMNS n'a pas exclu la reconstruction, comme le relève la recourante, mais son préavis recense déjà toutes les qualités (motifs de la façade, différenciation sur la place, articulation avec l'environnement ancien et bancaire) qui seront invoquées à l'appui du maintien du bâtiment.

Le fait que la CMNS approuvera finalement le « maintien » du bâtiment dans le plan de site suite à une réflexion globale n'est pas choquant, pas plus que le fait que cette réflexion ait été déclenchée par une succession de demandes visant le remplacement du bâti existant, circonstance qui n'a rien d'insolite, comme l'a relevé le DT.

f. Ainsi qu'il a été retenu plus haut, l'arrêté attaqué expose de manière circonstanciée les motifs à l'appui d'une protection du bâtiment par le plan de site. L'exposé des motifs à l'appui de la procédure de consultation permet de comprendre les critères retenus pas l'autorité. La recourante a montré, dans les observations, puis l'opposition, et enfin le recours qu'elle a produits, qu'elle avait bien compris les enjeux de la modification du plan de site.

g. L'arrêté attaqué a attribué au bâtiment la valeur « intéressant » et justifié cette nouvelle appréciation par le fait que celui-ci s'insérait habilement dans son environnement, par sa linéarité horizontale et ses façades réinterprétant les cordons des immeubles anciens mitoyens voisins sur le quai Bezanson-Hugues, et répondait en même temps par sa façade côté place Bel-Air à la façade du Crédit Suisse. Pris isolément, le bâtiment témoignait de l'architecture bancaire
d'après-guerre, adoptant une forme en bloc et une façade en grille. Le traitement différencié des trois façades constituait un atout, et non un défaut, et reproduisait un exemple fameux de la façade pignon sur l'immeuble « La Clarté ». L'immeuble avait à l'époque valu des commandes de sièges bancaires à ses concepteurs, ce qui était rare.

Le Conseil d'État s'est fondé sur le préavis favorable de la CMNS, laquelle avait approuvé une fiche de recensement qui détaillait toutes les qualités de l'immeuble.

La fiche de recensement a relevé le traitement distinct des façades, leur linéarité et leur longueur, leur réinterprétation des cordons des immeubles anciens voisins, l'adoption de la silhouette de bloc, exprimant un programme solide et rassurant plutôt que virtuose, même quand elle est interprétée par les architectes les plus habiles de la région. Le projet des architectes ZOLLIKOFER associe l'intégration au site et l'affirmation symbolique d'un programme prestigieux avec la façade-grille moderne, d'une manière pas très éloignée de l'oeuvre d'Otto SALVISBERG exprimant une modernité tempérée toute helvétique.

Les qualités relevées sont nombreuses et diverses, elles comprennent plusieurs références externes inscrivant le bâtiment dans l'histoire bancaire genevoise et suisse, et elles sont exposées de façon compréhensible par le profane. La recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que la protection de l'immeuble serait insuffisamment étayée. On comprend de l'argumentaire de l'arrêté querellé et de la fiche de recensement qui la fondent que la valeur de l'immeuble a été réévaluée en fonction à la fois de ses qualités individuelles et de son insertion dans un tissu urbain partiellement composé d'immeubles de style bancaire d'après-guerre.

La recourante reproche à l'intimé de prendre en compte, au titre de la comparaison, des immeubles bancaires qui ne sont pas inclus dans le périmètre du plan de site. Le recours à ces références n'apparaît toutefois pas choquant, dans la mesure où l'immeuble pris isolément présente les qualités du style bancaire
d'après-guerre, ce qui porte à le comparer à d'autres immeubles du même type et de même époque. Quant à son insertion, il n'apparaît pas plus choquant de le décrire comme un trait d'union entre l'alignement d'immeubles anciens du quai Bezanson-Hugues et les premiers spécimens du quartier des banques débutant place Bel-Air. Certes, ces derniers immeubles ne sont pas inscrits dans le plan de site, mais le même raisonnement peut être appliqué à toute la Rade, qui est inscrite plus largement dans la ville. Enfin, la prise en compte de la perspective formée avec les deux immeubles Crédit Suisse ne constitue qu'un des nombreux atouts ayant motivé la protection de l'immeuble.

La recourante soutient que la façade originelle ne peut être connue au vu du nombre des travaux effectués. Le transport sur place a au contraire montré qu'à l'exception de travaux de plaquage au rez-de-chaussée, de l'ajout - visible et réversible - de balcons côté place Bel-Air et de mâts sur le toit, la façade n'a pas subi de modifications et se trouve dans son état originel. La substance du bâtiment, qui est l'objet de la mesure de protection, est ainsi conservée.

L'arrêté querellé ne procède ainsi ni d'un excès ni d'un abus du pouvoir d'appréciation de l'autorité.

h. La recourante invoque encore l'étude qu'elle a produite, qui établirait le peu de valeur patrimoniale du bâtiment. À ce propos, le DT observe à raison que ses auteurs se sont concentrés sur le bâtiment lui-même, sans prendre véritablement en compte son intégration, ni le fait que la réévaluation ayant conduit au nouveau plan de site a examiné une septantaine de bâtiments pour finalement en protéger une trentaine. La comparaison avec d'autres bâtiments des architectes ZOLLIKOFER n'apparaît guère pertinente s'agissant d'évaluer celle de leurs créations qui est inscrite dans la Rade. La conclusion que l'oeuvre n'est pas majeure, fût-elle fondée, n'atténue pas la nécessité de la protéger au titre de son intégration, comme interprétation particulière et unique de la façade grille de type bancaire (avec différenciation entre façades), dans le site de la Rade. L'intimé pouvait considérer sans excès ni abus de son pouvoir d'appréciation que l'étude n'était pas propre à invalider les options de protection du patrimoine consacrées dans le plan litigieux.

12) La recourante se plaint d'une violation de la garantie de la propriété.

a. Il n'est pas contesté que la mesure querellée est fondée sur une base légale.

b. Les impératifs de protection du patrimoine sont par nature d'intérêt public. En l'espèce, il n'est pas douteux que la protection du patrimoine bâti
d'après-guerre de style bancaire poursuit bien un intérêt public.

La recourante évoque la nécessité que la qualité puisse être reconnue par la population, ce qui constitue en réalité une condition développée à l'appui des classements d'objets. Tel n'est pas l'objet de la présente procédure.

c. La recourante reproche enfin au maintien de l'immeuble d'engendrer pour elle des coûts insupportables. Elle produit une estimation montrant une différence de CHF 3'067'582.48 entre l'« hypothèse démolition-reconstruction à neuf » et l'« hypothèse rénovation », tenant au seul poste du « gros oeuvre 1 ».

Le coût de la rénovation n'est pas de nature à faire obstacle, à lui seul et par principe, à la protection du patrimoine bâti, à peine de priver cette dernière de toute efficience. Pour le surplus, le projet de rénovation n'a pas encore été produit par la recourante, et de nombreuses possibilités, tant esthétiques que techniques semblent à ce stade être ouvertes. Ainsi, l'estimation n'est pas de nature à établir un coût insupportable pour elle.

La recourante se plaint encore que la conservation l'empêchera de s'adapter aux standards modernes de hauteur de plafond. Elle n'établit toutefois pas que des bureaux rénovés dans un bâtiment protégé et jouissant d'une considération nouvelle ne trouveront pas preneur pour ce motif. Il est observé pour le surplus que de nombreux immeubles de bureaux de l'époque ont été protégés et ont conservé les mêmes dimensions.

Suivant le même raisonnement, de nombreux immeubles issus d'une époque moins sensible aux impératifs de parcimonie énergétique ont pu être rénovés pour satisfaire au mieux aux nouveaux critères.

La recourante se plaint enfin du caractère aveugle du rez-de-chaussée. Le DT a toutefois indiqué plus d'une fois que l'ouverture du rez-de-chaussée n'était pas exclue, mais devait être soumise avec le projet de rénovation à la CMNS.

Les griefs seront écartés.

13) La recourante se plaint enfin de la violation de la planification directrice.

Le DT a observé avec raison que le maintien du bâtiment était conforme au PDCn 2030, qui prévoit une densification ponctuelle du secteur de l'immeuble et diverses mesures de protection du patrimoine, étant précisé que les mesures de protection prévues par le PDCN 2030 ne constituent pas un obstacle à des mesures additionnelles de protection.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté

14) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 mai 2020 par Zurich Compagnie d'Assurances sur la Vie SA contre l'arrêté du Conseil d'État du 27 avril 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de Zurich Compagnie d'Assurances sur la Vie SA ;

dit qu'aucune indemnité de procédure n'est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat de la recourante, au Conseil d'État, au département du territoire ainsi qu'à l'office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :