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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/748/1999

ATA/89/2000 du 08.02.2000 ( CE ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.03.2000, rendu le 28.06.2000, ADMIS, 1P.183/00
Descripteurs : MONUMENT; PROCEDURE DE CLASSEMENT; PROTECTION DES MONUMENTS; CINEMA(CONSTRUCTION); BIEN CULTUREL; GARANTIE DE LA PROPRIETE; LIBERTE DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE; TPE
Normes : LPMNS.4
Parties : SCHWOB Silvia et Michel, SCHWOB Michel / LE BOULET, CONSEIL D'ETAT
Résumé : Classement d'un cinéma en tant qu'édifice caractéristique de son époque et quasi-dernier représentant des premiers cinémas de quartier. La mesure de classement n'emporte pas l'obligation de continuer à exploiter l'endroit comme salle de cinéma.

 

 

 

 

 

 

 

 

du 8 février 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

Madame Silvia et Monsieur Michel SCHWOB

représentés par Me François Bolsterli, avocat

 

 

 

contre

 

CONSEIL D'ETAT

 

et

 

 

 

LE BOULET

 

 

 



EN FAIT

 

 

1. Le 3 mai 1996, Le Boulet, Association de sauvegarde du Vieux-Carouge (ci-après : Le Boulet) a déposé auprès du Conseil d'Etat de la République et canton de Genève une demande de classement du cinéma Bio 72 (anciennement Capitol et Vox) (ci-après : Bio 72), sis à Carouge, 47, rue Saint-Joseph/angle place du Marché (parcelle no 219, feuille 13 de la commune de Carouge, à l'époque propriété de la S.I. rue Saint-Joseph 47 S.A. (ci-après : la S.I.). Pour la bonne intelligence de la cause, il sied de préciser que la S.I. a été dissoute en 1997 et que le bâtiment est actuellement copropriété de M. Michel et Mme Silvia Schwob (ci-après : les propriétaires).

 

Cette salle de spectacles d'une contenance de 300 places environ était due à l'architecte Paul Perrin, également auteur de la salle de l'Alhambra. Inaugurée le 28 décembre 1928, la salle de cinéma portait alors le nom de Capitol. Un orchestre accompagnait des films encore muets. En 1952, il avait pris le nom de Vox avant de s'intituler Bio en 1972. Il était l'expression caractéristique de l'architecture fonctionnaliste des années 1930. Le bâtiment traduisait clairement sa destination. La salle de projection se trouvait dans un espace rectangulaire surmonté d'un toit en forme de demi-cylindre. L'entrée située sur l'angle était vitrée et formait un tambour d'accès à la billetterie. Les sorties donnaient directement sur la rue. Côté rue Saint-Joseph, la façade s'inscrivait dans l'alignement de la rue par une redondance du gabarit conçu symétriquement avec l'inscription "Cinéma" figurant sur le fronton. Conception de maçonnerie et de béton, ce cinéma traduisait parfaitement la marque de son époque. Il demeurait à Genève le seul édifice aussi caractéristique de cette époque qui avait conservé sa destination. Au même titre que l'Alhambra ou qu'un bâtiment plus tardif tel que le Manhattan, il méritait une mesure de classement. Cet édifice participait activement à la vie de la place du Marché formant le centre historique de Carouge. Des rumeurs avaient couru concernant son remplacement par une chaîne de fast food américaine. Une telle démarche détruirait incontestablement un haut lieu de la vie culturelle genevoise. Le Boulet relevait encore qu'un large comité comprenant des personnalités de réputation internationale venait de se constituer dans le but de soutenir le classement du cinéma Bio.

 

Était jointe à cette demande copie d'un courrier du 27 avril 1990 du comité de soutien "Pour le classement du cinéma Bio" regroupant bon nombre de comédiens, cinéastes, auteurs, éditeurs, graphistes et autres personnalités genevoises et carougeoises émanant de divers milieux proches du Septième Art, adressé à un Conseiller administratif de la ville de Carouge et lui demandant d'entreprendre au plus vite les démarches nécessaires en vue du classement du bâtiment.

 

2. Invitée à présenter ses observations par le Conseil d'Etat, soit pour lui le chef du département des travaux publics et de l'énergie (ci-après : le département), la S.I. s'est opposée au classement dans ses écritures du 15 octobre 1996. Se référant à un avis qu'il avait demandé à M. René Koechlin, architecte, elle a relevé que le bâtiment abritant le Bio 72 n'était pas mentionné dans le plan de site du Vieux-Carouge comme un édifice devant être maintenu ou justifiant une quelconque mesure de protection. Il n'était pas davantage porté à l'inventaire au sens de l'article 7 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin l976 (LPMNS - L 4 05). Ce bâtiment ne s'inscrivait pas du tout dans le cadre architectural de la rue Saint-Joseph ou de la place du Marché dont il dénaturait même l'harmonie. Sa conception, tant interne qu'externe, n'avait rien de particulièrement intéressant et était tout au plus le fruit d'une mode architecturale qui ne possédait, de toute évidence, aucune des qualités esthétiques ou techniques qui lui aurait permis de ne point être éphémère. On ne saurait donc lui reconnaître la qualité de "monument" au sens de l'article 4 LPMNS, ce qui excluait d'emblée toute mesure de classement. En tout état, une telle mesure serait disproportionnée en l'espèce. Le bâtiment considéré ne concrétisait qu'une petite partie des droits à bâtir rattachés à la parcelle. Les conditions d'exploitation du cinéma s'étaient notoirement dégradées au fil du temps et la structure de la salle, notamment sa taille - trop importante pour le public concerné - n'était plus du tout adaptée aux conditions du marché actuel et à la concurrence qui y régnait. La demande de classement, ainsi que la pétition rédigée par le comité de soutien "Pour le classement du cinéma Bio" mettait en évidence que c'était bien plus le souhait de conserver un cinéma à Carouge que celui de conserver le Bio 72 sous sa forme actuelle qui prévalait.

 

3. La ville de Carouge a également été invitée à donner son préavis, ce qu'elle a fait le 12 mars 1997. Le président du Conseil municipal ainsi que l'un des membres du Conseil administratif avaient été saisis d'une pétition portant la signature de quelques grands noms de la culture carougeoise et suisse, demandant que le Conseil administratif introduise lui-même une demande de classement. Après un échange de vues entre les autorités concernées quant à la procédure à suivre, le Conseil municipal avait répondu par la négative à la question de savoir s'il était favorable à ce que le Bio 72 soit classé ou non. Le Conseil administratif pour sa part, après avoir étudié les différentes questions soulevées par le problème du classement du Bio 72, à savoir le maintien d'une activité cinématographique à Carouge, le clivage gauche-droite développé au sein du Conseil municipal et la valeur de l'immeuble comme tel, a estimé que le Bio 72 présentait un intérêt architectural indépendant de l'activité cinématographique et que cet intérêt justifiait que la demande de classement soit prise en considération. Cela étant, le Conseil administratif n'entendait prendre aucun engagement communal quant à la gestion du cinéma.

 

4. Le Boulet a également été invité à se déterminer. Le 6 mai 1997, il a persisté dans les termes de sa demande de classement tout en relevant que contrairement à ce qu'affirmait la S.I., cette demande ne visait pas le maintien d'une activité, mais bien le bâtiment en tant que tel. Au demeurant, la salle était tout à fait viable économiquement et présentait des possibilités de développement inexploitées.

 

5. a. La commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) a également été appelée à donner son avis. Le 11 juin 1997, le SCNM a estimé que la demande de classement constituait une mesure de protection disproportionnée eu égard à l'intérêt de l'objet vu sous l'angle de l'histoire de l'art ou de l'architecture. En l'absence d'annonce de projet concret, la SCNM proposerait à la CMNS plénière un préavis défavorable au classement et une inscription à l'inventaire comme mesure de protection immédiate.

 

b. Le 1er juillet 1997, la CMNS s'est écartée du préavis du SCNM. Considérant la qualité architecturale du cinéma, le fait que ce bâtiment participait activement à l'image et à la vie du quartier et qu'au surplus il constituait un témoignage unique à Genève du modèle des cinémas de quartier périphériques, elle s'est prononcée favorablement au principe du classement. Elle a encore relevé la menace de démolition qui pesait sur le bâtiment et qui laisserait cas échéant la place à un immeuble d'expression pastiche.

 

c. Le 20 août 1997, le conservateur des monuments a établi une "note récapitulative no 1", contenant une étude historique et architecturale du bâtiment et résumant l'ensemble des données à prendre en compte dans le cadre de la demande de classement. Celle-ci s'inscrivait dans la prise de conscience ayant conduit au classement du Manhattan et de l'Alhambra et dans une certaine mesure de la salle du Métropole à Lausanne. A l'évidence, le Bio 72 ne répondait pas aux canons de l'architecture classique, mais il constituait un témoignage de l'irruption de l'architecture "fonctionnaliste" des années 1930 dans la ville. Ce bâtiment constituait une bizarrerie dans le paysage du Vieux-Carouge dont il représentait néanmoins un témoin architectural et également culturel. La décision de classement appartenait aux autorités politiques mais ce dossier prenait également la dimension d'un débat d'idées sur la question d'un maintien à Genève - partiel ou total - des derniers témoins du Septième Art.

 

6. Au vu des prises de position énoncées par les protagonistes, le Conseil d'Etat a estimé nécessaire de compléter le dossier, en particulier en chiffrant plus précisément le coût d'une éventuelle rénovation du bâtiment existant et, par comparaison, celui d'une éventuelle reconstruction. A cela s'ajoutait la nécessité de mieux cerner l'impact réel, dans les deux cas de figure évoqués, des frais d'exploitation engendrés par le maintien éventuel d'une activité cinématographique.

 

En accord avec la ville de Carouge, le département, service du Patrimoine et des Sites, a confié une expertise à Monsieur Henri Duboule, architecte.

 

7. Le 5 juin 1998, l'expert a rendu son rapport. Aux termes d'une étude détaillée, il a estimé que les frais de démolition et de reconstruction pouvaient être estimés à CHF 4'610'000.-. La valeur vénale du bien était arrêtée à CHF 640'000.-. Si l'immeuble était démoli, reconstruit et remplacé par un immeuble de rapport, sa valeur vénale pouvait être estimée à CHF 1'310'000.-. Les travaux de rénovation étaient estimés à CHF 420'000.-.

 

8. Le département a transmis le rapport d'expertise précité aux parties intéressées et a demandé à la ville de Carouge un complément de préavis.

 

9. Le 30 novembre 1998, la ville de Carouge a confirmé qu'elle n'entendait pas entrer en négociation avec les propriétaires pour un rachat éventuel de l'immeuble, ni davantage envisager l'exploitation d'un cinéma, nonobstant l'intérêt de maintenir une telle activité à Carouge. Concernant le classement, elle confirmait sa prise de position du 12 mars 1997.

 

10. La CMNS a également été amenée à se prononcer à nouveau sur ce dossier. A cette fin, elle a entendu les propriétaires et leur conseil, puis en compagnie de ceux-ci elle a procédé à une visite des lieux.

 

Le conservateur des monuments a établi une "note récapitulative no 2" en date du 17 février 1999 synthétisant les positions recueillies au fur et à mesure de l'instruction du dossier.

 

Le 16 mars 1999, la CMNS, siégeant en séance plénière, a confirmé son préavis du 1er juillet 1997.

 

11. Dans l'intervalle, la Société d'Art Public (SAP) s'est adressée au Conseil d'Etat en appuyant très vivement la demande de classement du Bio 72 présentée par Le Boulet.

 

De même, l'Association la Baguette Magique (qui anime le ciné-club "L'enfant Lune" au Bio 72) a également fait savoir au chef du département qu'elle soutenait pleinement la demande de classement.

 

12. Le 23 juin 1999, le Conseil d'Etat a statué sur la demande de classement du Bio 72. Retenant la valeur architecturale de l'immeuble, le Conseil d'Etat a suivi les préavis des organismes consultés. La mesure de classement envisagée présentait un intérêt public évident qui devait primer sur l'intérêt strictement privé du propriétaire. Le Conseil d'Etat relevait au passage le caractère polyvalent du bâtiment considéré qui pouvait se prêter à d'autres usages, notamment à des concerts, cours ou à des conférences.

 

13. Par acte du 28 juillet 1999, les propriétaires ont interjeté recours contre la décision de classement. Outre les arguments développés précédemment, ils ont relevé que le classement du bâtiment revenait en réalité à classer une activité, ce qui était prohibé par la jurisprudence. Le classement correspondait en outre à une expropriation matérielle et devrait, au vu des principes applicables, conduire l'Etat à procéder à une expropriation formelle de l'intégralité de la parcelle.

 

14. Dans ses écritures du 16 septembre 1999, complétées le 30 septembre 1999, Le Boulet s'est opposé au recours. La demande de classement était motivée par les arguments portant sur la valeur architecturale du bâtiment et contrairement à ce que voulait accroire les recourants, c'était bien le classement du bâtiment en tant que tel qui était visé. L'intérêt privé des recourants devait manifestement céder le pas à l'intérêt public à la préservation du patrimoine architectural. S'agissant de l'argumentation ayant pour objet l'expropriation matérielle, Le Boulet a estimé n'avoir pas vocation à s'exprimer sur ce point, mais il a tout de même relevé que les recourants ne sauraient se prévaloir de la perte de prétendus droits à bâtir. En effet, en 1982, lors de l'adoption du plan de site du Vieux-Carouge, l'autorité communale avait souhaité conserver le gabarit actuel (deux niveaux sur rez-de-chaussée). Enfin, les recourants n'avaient pas à craindre que le bâtiment dont ils étaient propriétaires ne tombe à l'abandon et ne devienne un hangar vide laissé à la libre disposition des squatters, la population carougeoise étant trop attachée au patrimoine architectural de sa cité.

 

15. De même, le 27 septembre 1999, le Conseil d'Etat a conclu au rejet du recours.

 

La notion de bâtiment devait s'analyser notamment au fil des principes établis par la Charte de Venise adoptée en 1964. Ainsi, sur la base de différents textes internationaux en vigueur concernant la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe, les critères applicables à la reconnaissance d'une oeuvre ne devaient pas être définis seulement en fonction de l'importance de son créateur, de la période ou d'un type d'architecture dans lequel cette oeuvre s'inscrivait, mais aussi de témoignages moins connus, significatifs de l'architecture et de l'histoire d'une période. Avec le temps, la notion de monument avait pris une signification qui dépassait celle qui lui était assignée dans sa conception classique. Le Bio 72 représentait un exemple unique conservé à ce jour d'une typologie de cinéma original, méritant pleinement la mesure de sauvegarde prise par le Conseil d'Etat. Il n'était pas déterminant que le plan de site du Vieux-Carouge ne fasse pas mention du maintien du bâtiment du Bio 72, étant observé que ce plan d'affectation était déjà ancien, puisque adopté en 1982. En principe, de tels plans devaient faire l'objet d'un réexamen périodique. Or, précisément, la sensibilité s'était modifiée durant la décennie écoulée en ce qui concernait le patrimoine du XXème siècle. Il était certain que si le plan de site avait été mis en oeuvre au cours de la dernière décennie, il n'aurait pas manqué de prévoir le maintien du bâtiment affecté au Bio 72. Il n'avait jamais été question pour le Conseil d'Etat, contrairement aux insinuations des propriétaires, de prendre le prétexte de la demande de classement du bâtiment du Bio 72 pour imposer le maintien d'une activité cinématographique dans ce bâtiment. L'arrêté querellé était clair sur ce point. De plus, il n'était nullement certain qu'une éventuelle démolition du bâtiment abritant le Bio 72 auquel ferait place la reconstruction d'un autre bâtiment serait de nature à générer l'avantage économique mis en évidence par l'expert mandaté par le Conseil d'Etat. Ce dernier s'était en effet fondé sur les données actuelles du plan de site du Vieux-Carouge pour en inférer que ce plan permettrait la construction d'un bâtiment d'un volume trois ou quatre fois supérieur à celui affecté audit cinéma. Or, il convenait de relativiser le potentiel des droits à bâtir attachés à la parcelle en question, étant précisé que ni le droit fédéral, ni la législation genevoise, sous réserve des taux définis par l'article 59 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) applicables dans les zones destinées aux villas, ne consacraient l'existence d'un droit à l'obtention d'un taux d'occupation du sol. Enfin, les griefs relatifs à une prétendue expropriation matérielle étaient inconsistants, ce d'autant plus que le Tribunal fédéral avait pleinement confirmé la constitutionnalité, au regard de la garantie de la propriété, d'une mesure d'aménagement du territoire appliquant le maintien de l'affectation d'un bâtiment existant (ATF 117 Ib p. 264 et 265). En conclusion, seule une mesure de classement du bâtiment permettait d'atteindre l'objectif de protection recherché. Une éventuelle modification du plan de site du Vieux-Carouge prévoyant le maintien du bâtiment comporterait le même effet. En d'autres termes, la mesure satisfaisait donc aux exigences du principe de proportionnalité.

 

16. Le Tribunal administratif a procédé à un transport sur place le 3 novembre 1999 auquel ont participé outre les représentants des parties un représentant de la CMNS.

 

D'entrée de cause, les parties ont précisé qu'à leur connaissance il n'existait pas de projet précis de démolition-reconstruction sur la parcelle.

 

Le représentant de la CMNS a confirmé que par rapport au plan initial, le bâtiment n'avait subi pratiquement aucune modification. La façade et les toitures étaient d'origine, l'intérieur de la salle également sous réserve de quelques modifications cosmétiques. Les plan originels de Paul Perrin prévoyaient déjà l'agencement d'une salle de spectacles tel qu'il était déjà conçu à l'époque - cinéma-opéra (scène, fosse d'orchestre, buvette). Par la suite, la fosse d'orchestre avait été recouverte et la salle adaptée aux conditions cinématographiques actuelles. Au niveau de l'écran, les agencements actuels avaient été effectués en conservant le gabarit de la fosse d'orchestre. Celle-ci n'était plus utilisée et contenait les installations électriques. La salle de buvette d'origine abritait les installations de climatisation. Paul Perrin avait construit l'Alhambra, le Caméon/Cinébref et le Central. Hormis l'Alhambra, il n'existait plus à Genève qu'un seul cinéma de quartier de cette époque, à savoir le Central. La salle du Bio 72 était également importante dans la mesure où elle constituait l'un des premiers témoins de la jonction son-images. Enfin, il s'agissait d'un cinéma de quartier situé hors du périmètre de la ville, comme il en existait très peu, sous réserve du Forum à Chêne-Bougeries et, pour une époque plus récente, les Cosmos à Meyrin. Le représentant de la CMNS a également relevé l'adéquation entre l'enveloppe extérieure et l'intérieur du bâtiment. La voûte étoilée du plafond intérieur se retrouvait également à l'extérieur du cinéma dans la toiture demi-cylindrique. Les étoiles qui constellent le plafond intérieur servaient pour l'aération et s'ouvraient à l'air libre sur le toit. A cet égard, l'extérieur du bâtiment correspondait en quelque sorte à la "peau" de la salle elle-même.

 

La demande de classement portait sur l'ensemble du bâtiment, l'intérieur étant indissociable de l'extérieur. La salle de cinéma, la buvette et l'entrée recouvrent la totalité de la surface de l'immeuble.

 

Concernant l'architecture extérieure du bâtiment, elle traduisait la volonté de l'époque d'attirer le spectateur dans un lieu de conception moderne et d'ouverture : ainsi, par exemple, les portes s'ouvraient en angle sur la place du Marché et non pas seulement sur la rue Saint-Joseph. Les éléments d'architecture traduisaient à la fois la volonté de modernisme et d'intégration à l'espace bâti. Concernant la première, elle était illustrée par la petite frise cannelée se déroulant tout autour du bâtiment, ainsi que les colonnes également cannelées de l'entrée (l'une d'elle ayant été recouverte par une mince couche de béton, posée à une date indéterminée, il suffirait de la gratter pour faire réapparaître les cannelures). Pour la seconde, on pouvait relever l'existence de quatre fenêtres sur la façade (côté rue Saint-Joseph) reproduisant les modèles traditionnels existants.

 

Les propriétaires ont relevé que la notion de salle de quartier était actuellement une pièce de musée inadaptée aux conditions d'exploitation d'une salle de cinéma actuelle.

 

17. Les parties ont été invitées à se déterminer suite au transport sur place.

 

Dans leurs écritures datées du 30 novembre 1999, chaque partie a campé sur ses positions.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. Conformément à l'article 4 LPMNS, sont protégés les monuments de l'histoire de l'art ou de l'architecture et les antiquités immobilières situés ou découverts dans le canton, qui représentent un intérêt archéologique, historique, artistique, scientifique ou éducatif ainsi que les terrains contenant ces objets ou leurs abords.

 

b. S'agissant de la notion de monument, un certain nombre de critères stables ont été établis par la législation, la doctrine et la jurisprudence. D'abord, un monument est toujours un bâtiment, fruit d'une activité humaine. Ensuite, tout monument doit être oeuvre digne de protection du fait de sa signification historique, artistique, scientifique ou culturelle. Il appartient aux historiens, historiens de l'art et autres spécialistes de déterminer si les caractéristiques présentées par le monument le rendent digne de protection, d'après leur connaissance et leur spécialité. A ce titre, il suffit qu'au moment de sa création, le monument offre certaines caractéristiques au regard des critères déjà vus pour justifier son classement, sans pour autant devoir être exceptionnel dans l'abstrait. Un édifice peut également devenir significatif du fait de l'évolution de la situation et d'une rareté qu'il aurait gagnée. Les particularités du bâtiment doivent au moins apparaître aux spécialistes et trouver le reflet dans la tradition populaire sans trop s'en écarter (ATA APV du 8 décembre 1998; P. VOGEL, La protection des monuments historiques, 1982, p. 24 et les références citées).

 

3. Pour assurer la protection d'un monument ou d'une antiquité au sens de l'article 4 LPMNS, le Conseil d'Etat peut procéder à son classement par voie d'arrêté assorti, au besoin, d'un plan approprié (art. 10 LPMNS).

 

Le classement a une durée indéterminée (art. 11 al. 2 LPMNS). Cette protection a pour effet de soumettre à autorisation du Conseil d'Etat toute démolition, transformation, réparation et changement de destination de l'édifice classé. Même de simples travaux ordinaires d'entretien nécessitent une décision du Conseil d'Etat (art. 15 al. 1 LPMNS). Le classement impose aussi au propriétaire d'entretenir l'édifice (art 19 LPMNS). La mesure de classement peut être partielle de manière à porter une atteinte moindre au droit de propriété (ATA APV du 8 décembre 1998).

 

4. Lorsqu'une procédure de classement est ouverte en vertu de l'article 10 LPMNS, le propriétaire est informé personnellement. Il est invité à formuler ses observations (art. 12 al. 1 et al. 2 LPMNS).

 

L'association ayant requis le classement est partie à la procédure. Elle est invitée à formuler ses observations à l'intention du Conseil d'Etat (art. 12 al. 3 LPMNS).

 

La commune du lieu de situation est également consultée (art. 8 et 14 LPMNS; ad art. 22 al. 4 du règlement général d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre l976 - RLPMNS - L 4 05.01). L'autorité compétente pour émettre le préavis est le Conseil administratif (art. 48 let. h de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 - B 6 05).

 

Enfin, le Conseil d'Etat doit s'entourer du préavis de la CMNS (art. 5 al. 2 let. d RLPMNS).

5. Selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci (ATA C.-M. du 15 octobre 1996 et les arrêts cités).

 

a. Lorsque l'autorité s'écarte des préavis, le Tribunal administratif peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir, l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable (ATA O. S.A. du 3 février 1998; D. du 20 décembre 1994; CEH du 9 août 1994; P. du 30 mars 1993).

 

b. Lorsque la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA SAP du 15 septembre 1998 et jurisprudences citées). En revanche, le Tribunal administratif ne s'impose pas de réserves face à un préavis négatif de la CMNS lorsque ce dernier a été requis sans nécessité et que l'objet architectural litigieux n'est pas complexe (SJ 1995 p. 596).

 

c. Enfin, et toujours selon une jurisprudence constante, le Tribunal administratif, lorsqu'il est confronté à des préavis divergeants, a d'autant moins de raisons de s'imposer une certaine restriction de son propre pouvoir d'examen qu'il a procédé à un transport sur place (ATA DTP du 19 avril 1989 et K. du 11 janvier 1989 ainsi que les arrêts cités).

 

6. En l'espèce, le tribunal de céans constate que les préavis donnés dans la présente cause sont unanimes et favorables au classement du Bio 72, en raison de son architecture, de sa structure, de son lieu, de son originalité, de son époque et de son auteur.

 

A deux reprises, la CMNS s'est déclarée favorable au classement (01.07.1997 et 17.02.1999). L'instruction du dossier a démontré que les préavis de la CMNS sont fondés sur une étude architecturale et historique détaillée et approfondie, menée par une équipe de spécialistes compétents. Ces préavis établissent la valeur historique, architecturale et culturelle du Bio 72.

 

La ville de Carouge est également favorable au classement. Son préavis initial du 12 mars 1997, confirmé le 30 novembre 1998, traduit la tendance qui s'est développée au cours des années 1980 et qui est celle d'une sauvegarde raisonnée à partir d'une sélection rigoureuse des édifices à protéger basée sur la notion d'originalité, d'exemplarité, liée notamment à l'invention technique. Cette volonté nouvelle de protéger le patrimoine bâti a conduit notamment au classement du cinéma Manhattan (ACE du 14 juillet 1993), de l'Alhambra (ACE du 29 avril 1996), voire du Métropole à Lausanne (ATF du 24 février 1993).

 

Le seul avis divergeant est celui des propriétaires du Bio 72 exprimé sur la base de la consultation demandée à M. René Koechlin, architecte (expertise du 26 septembre 1996). Force est de constater que cet avis ne repose sur aucune considération historique, voire architecturale sérieuse, mais qu'il reflète purement et simplement l'opinion de son auteur. Pour intéressant qu'il soit, notamment eu égard à la mise en valeur de la parcelle, il ne saurait battre en brèche les considérations solidement étayées de la CMNS.

 

Le Tribunal administratif a pu constater lors du transport sur place auquel il a procédé que le bâtiment a conservé l'essentiel de ses caractéristiques d'origine - aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur - qui lui confère un intérêt certain. L'enveloppe extérieure du bâtiment n'est autre que sa "peau" qui traduit la parfaite adéquation de la construction. Ainsi, le plafond étoilé de la salle se retrouve à l'extérieur par la voûte demi-cylindrique qui forme le toit du bâtiment. Les éléments décoratifs - étoiles en staff qui ornent le plafond de la salle - ne sont autres que les bouches d'aération de la salle que l'on retrouve sous formes de petites cheminées à l'extérieur. L'aménagement intérieur est pratiquement inchangé : seuls la fosse d'orchestre et le bar ont perdu leur utilisation d'origine, la première abritant les installations électriques et la climatisation. A ces deux détails près, la salle est restée ce qu'elle était en 1928. Il en va de même de l'entrée du cinéma où les portes vitrées s'ouvrant tant sur la rue Saint-Joseph que sur la place du Marché remplissent toujours leur fonction d'origine. L'enveloppe extérieure du bâtiment est également remarquablement bien conservée - à l'exception d'un seul pilier en béton sur lequel n'ont pas été reproduites les cannelures d'origine, le reste de la façade n'a subi aucune altération ni modification. Ce bâtiment constitue incontestablement une oeuvre architecturale marquante propre aux cinémas de quartier et dont il reste quasiment l'unique et dernier témoin dans le canton de Genève. Son emplacement relève de la tradition, si tant est que le 30 mai 1912 avait été inauguré à cet endroit l'"Idéal-Cinéma", lequel suite à un incendie avait été remplacé dès le 13 avril 1913 par le "Chanteclair". Ce "modeste mais coquet cinéma de quartier" (Catherine Courtiau, Les débuts des projections cinématographiques à Genève et le boom des années 1910-1920, p. 275 in Revue Art et Architecture en Suisse 1996/3) est représentatif d'un courant architectural et un témoin historique de la vie culturelle citadine de la première partie du XXème siècle.

 

Le Tribunal administratif ne saurait ignorer l'évolution qu'a connue la démarche de classement. Alors qu'à l'origine, la mesure de classement visait essentiellement les monuments historiques, à savoir des édifices publics, civils ou religieux, ainsi que des sites et objets à valeur archéologique, elle s'est peu à peu étendue à des immeubles et objets plus modestes, que l'on a qualifié de patrimoine dit "mineur", caractéristique de la campagne genevoise, pour enfin s'ouvrir sur une prise de conscience de l'importance du patrimoine hérité du XIXème siècle et de la nécessité de sauvegarder un patrimoine plus récent, voire contemporain. C'est dans ce contexte que sont intervenus notamment les classements des cinémas Manhattan et Alhambra dont il a été question supra et qui illustrent les préceptes de base de la Charte Internationale sur la Conservation et la Restauration des Monuments et des Sites (charte de Venise/2e congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, Venise, 1964, adoptée par Icomos en 1965). Ce texte qui constitue une base de référence à l'échelon international met l'accent d'une part sur la diversité des témoins de l'histoire - autant monuments individuels que sites - et étend la notion de monuments historiques non seulement aux grandes créations mais aussi aux oeuvres modestes qui ont acquis avec le temps une signification culturelle (art. 1). Elle souligne également le fait que l'originalité "d'un monument" ne se rapporte pas nécessairement à son état premier seulement, mais aussi à la somme de ses états successifs. Elle souligne également le fait qu'un monument constitue un message culturel et qu'il ne saurait dès lors être ramené à sa seule dimension fonctionnelle (art. 5). Le respect de l'authenticité demeure en tous les cas une règle fondamentale, étant entendu que le jugement sur la valeur des éléments considérés et leur éventuelle élimination ne saurait dépendre du seul auteur du projet.

 

En l'espèce, le Bio 72 constitue par sa conservation, ses qualités historiques, architecturales et culturelles, un élément du patrimoine bâti de la première moitié du XXème siècle méritant d'être qualifié de monument au sens de l'article 4 LPMNS.

 

7. Se pose dès lors la question de savoir si la mesure de classement querellée est justifiée. La réponse à cette question implique d'effectuer une pesée de tous les intérêts publics et privés en cause.

 

Pour s'opposer à la demande de classement, les propriétaires invoquent une violation de la garantie de la propriété ainsi que de la liberté du commerce et de l'industrie, sous l'angle de la proportionnalité. En bref et en résumé, l'exploitation de la salle n'est économiquement pas viable et sa vocation comme salle de spectacles et/ou d'animations culturelles est nulle. De plus, une mesure de classement les empêcherait de bénéficier des droits à bâtir existant sur la parcelle et qui autoriseraient la construction d'un bâtiment trois ou quatre fois plus volumineux que celui qui s'y trouve actuellement.

 

8. a. Le classement constitue une restriction de droit public à la propriété garantie par l'article 26 alinéa 1 de la constitution fédérale (Cst.). Or, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les restrictions du droit de propriété destinées à protéger les monuments historiques sont en général d'intérêt public (ZBl. 83/1982 p. 178; ATF K. du 21 juillet 1982 non publié; ATA A. du 21 novembre 1991).

 

b. De jurisprudence constante, des arguments d'ordre économique et des intérêts purement financiers du propriétaire à une utilisation aussi lucrative que possible de son bien-fonds ne peuvent l'emporter sur l'intérêt public à une restriction de la propriété (ZBl. 1982 p. 180; ATF 105 Ia 236; JdT 1985 I p. 504 ss; ATA A. du 21 novembre 1990). Il n'y a pas lieu de s'écarter de cette jurisprudence en l'espèce (ATA SAP c/ CE et A. du 15 septembre 1998).

 

c. Aux termes de l'article 27 alinéa 1 de la Cst., la liberté économique est garantie. En vertu de l'article 27 alinéa 2 Cst., cette liberté comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (A. AUER, G. MALINVERNI, M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2000, vol. II, Les droits fondamentaux, p. 307, no 584). Elle peut être comprise comme un droit individuel imposant à l'état de s'abstenir d'intervenir dans la sphère d'activité des agents privés; elle garantit l'autonomie privée dans le domaine économique et apparaît comme un droit à faire valoir à l'encontre de l'Etat (C. RUEY, Monopoles cantonaux et liberté économique, 1988, p. 187 193). Toutefois, comme la garantie de la propriété, la liberté du commerce et de l'industrie peut être restreinte à certaines conditions. En l'espèce, si la validité des restrictions affectant les deux droits fondamentaux en présence est subordonnée à certaines conditions communes, telles que l'existence d'une base légale et le respect du principe de proportionnalité, les motifs d'intérêt public opposables à chacun des deux droits ne sont pas identiques. Alors que les limitations à la propriété peuvent être fondées sur des motifs très variés, y compris des considérations de politique économique, la limitation de l'activité ne doit pas, sous réserve d'habilitation constitutionnelle spéciale, s'appuyer sur de tels motifs (J.-F. AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse 1967, p. 179 ss). Les mesures restrictives sont soit fédérales, soit cantonales (A. AUER, G. MALINVERNI, M. HOTTELIER, op. cit. 343 ss et 350 ss).

 

d. Le principe de la proportionnalité implique que l'intérêt public pris en considération soit suffisamment important pour primer sur l'intérêt privé des propriétaires et que la restriction n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public visé par le législateur (ATF 122 I 236 consid. 4e/bb p. 246; 119 Ia 41 consid. 4a p. 43).

 

9. a. En l'espèce, le Tribunal administratif admettra qu'il existe un intérêt public général au classement du Bio 72, vu ses caractéristiques précitées. Les dénégations des propriétaires sont d'ordre purement économique qui, au vu des arguments précités, ne sauraient donc être retenus. Contrairement à ce que semblent penser les propriétaires, cette mesure de classement n'impose pas en elle-même la poursuite de l'exploitation d'un cinéma. Sur ce point, il sied de relever d'une part que les villes de Genève et de Carouge ne sont pas suréquipées en salles de spectacles et d'autre part que la salle du Bio 72 se prête à toutes sortes d'animations culturelles, musicales et artistiques. De par sa grandeur, sa configuration et son emplacement, cette salle peut diversifier ses activités et partant son public. Ces possibilités d'affectations polyvalentes battent en brèche l'argumentation des propriétaires, toute entière basée sur la poursuite de l'exploitation cinématographique exclusivement.

 

Considérée sous l'angle du respect du principe de la liberté du commerce et de l'industrie et de ses restrictions, l'on ne saurait considérer une mesure de classement comme un motif de politique économique, même déguisé, ce que le Tribunal administratif avait d'ailleurs déjà relevé dans son arrêt concernant le cinéma Manhattan du 21 novembre 1990.

 

Dans ces conditions, l'analyse de la proportionnalité d'une mesure de classement du cinéma dont s'agit, effectuée sous l'angle de l'atteinte aux libertés fondamentales de la propriété et du commerce et de l'industrie, démontre que le principe de la proportionnalité est respecté dans le cas d'espèce, eu égard aux diverses affectations possibles dudit cinéma, telles qu'évoquées plus haut.

 

10. Il résulte de ce qui précède que l'on ne saurait reprocher au Conseil d'Etat d'avoir outrepassé le pouvoir d'appréciation qui est le sien en matière de classement lorsqu'il a décidé de suivre les préavis de la CMNS et de la ville de Carouge et, en conséquence, de classer le Bio 72.

 

L'instruction de la cause a établi qu'il n'existe aucun intérêt public supérieur l'emportant sur la protection du bâtiment concerné qui eût contraint le Conseil d'Etat à s'écarter des préavis.

 

Pour ces motifs, le recours sera rejeté et l'arrêté du Conseil d'Etat confirmé.

 

11. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 28 juillet 1999 par Madame Silvia et Monsieur Michel Schwob contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 23 juin 1999;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge des recourants un émolument de CHF 1'000, pris conjointement et solidairement;

 

communique le présent arrêt à Me François Bolsterli, avocat des recourants, au Conseil d'Etat et à l'Association de sauvegarde du Vieux-Carouge Le Boulet.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

le secrétaire-juriste : le vice-président :

 

O. Bindschedler Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci