Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/1440/2012

AARP/552/2015 (3) du 08.12.2015 sur AARP/575/2014 ( CRIM ) , ADMIS/PARTIEL

Recours TF déposé le 14.09.2016, rendu le 27.07.2017, REJETE, 6B_1043/2016
Descripteurs : MEURTRE ; HOMICIDE ; DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LARM ; LOI FÉDÉRALE SUR LES ARMES, LES ACCESSOIRES D'ARMES ET LES MUNITIONS ; MISE EN DANGER DE LA VIE D'AUTRUI(ART. 129 CP) ; EXPOSITION À UN DANGER ; ESCROQUERIE ; ÉMOTION ; IN DUBIO PRO DURIORE ; PRÉSOMPTION D'INNOCENCE ; FIXATION DE LA PEINE ; CONCOURS D'INFRACTIONS ; REPENTIR SINCÈRE ; TORT MORAL ; DÉPENS ; FRAIS DE LA PROCÉDURE
Normes : CP111; CP129; CP127; CP146; LArm33.1; CP48.1.c; CEDH6.2; CP47; CP49.1; CO47; CPP433.1.9; CPP433.2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1440/2012AARP/552/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 8 décembre 2015

 

Entre

A______, actuellement détenu aux Etablissements de la plaine de l'Orbe, chemin des Pâquerets 3, 1350 Orbe, comparant par Me B______, avocat, ______,

appelant et intimé sur appels joints,

contre le jugement JTCR/5/2013 rendu le 20 décembre 2013 par le Tribunal criminel,

et

C______, D______, E______ et F______, domiciliées ______, et G______, domicilié ______, comparant tous par Me H______, avocat, ______,

intimés sur appel principal et appelants joints,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par arrêt 6B_226/2015 du 30 juin 2015, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours d'A______, a annulé l'arrêt rendu le 4 décembre 2014 par la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR).

 

Le 17 février 2015, le Conseil d'A______ avait été informé par la CPAR qu'au moment du prononcé de l'arrêt, l'une des juges assesseurs de la composition ne remplissait plus, en raison du dépassement de la limite d'âge, les conditions d'éligibilité prescrites par l'art. 10 de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ ; RS E 2 05).

 

Informé de ce qui précède, le Tribunal fédéral a jugé que la juridiction d'appel avait statué dans une composition irrégulière et, partant, violé la garantie constitutionnelle déduite de l'art. 30 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101). Ce vice entraînait l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la CPAR pour qu'elle statue à nouveau, dans une composition conforme aux prescriptions légales (consid. 1.3).

 

b.a Par jugement du Tribunal criminel du 20 décembre 2013, A______ a été reconnu coupable de meurtre (art. 111 du code pénal suisse, du 21 décembre 1937 [CP ; RS 311.0]), de mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP), d'exposition (art. 127 CP), d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP) et d'infraction à l'art. 33 al. 1 let. a de la loi fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (LArm ; RS 514.54). Le Tribunal criminel a prononcé à son encontre une peine privative de liberté de 14 ans, sous déduction de 693 jours de détention subie avant jugement, le sursis octroyé le 20 octobre 2008 par le Tribunal de police de Genève à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, à CHF 215.- l'unité, pour escroquerie et faux dans les titres étant révoqué et le maintien en détention pour des motifs de sûreté ordonné par décision séparée.

 

Des indemnisations pour tort moral, respectivement pour dommage matériel, ont été accordées à C______ (CHF 45'000.- et CHF 3'400.-) et F______ (CHF 15'000.- et CHF 10'906.95). Les premiers juges ont aussi octroyé pour le tort moral subi CHF 25'000.- à D______ et E______ ainsi que CHF 15'000.- à G______, le tout avec intérêts.

 

A teneur du dossier, Me H______, nommé le 28 novembre 2012 conseil juridique gratuit de C______, avec effet au 31 janvier 2012, n'a pas présenté de note de frais et honoraires devant le Tribunal criminel. Avocat de choix des autres membres de la famille J______, il n'a pas davantage émis de prétentions d'indemnisation pour son activité déployée en première instance (art. 433 al. 1 et 2 du code de procédure pénale, du 5 octobre 2007 [CPP ; RS 312.0]).

b.b.a Par acte du 18 mars 2014, A______ a appelé du jugement. Il a conclu à son acquittement des chefs de mise en danger de la vie d'autrui et d'exposition, à ce que le meurtre commis en état de légitime défense excessive soit retenu, cas échéant avec une erreur sur les faits, à ce qu'il soit mis au bénéfice des circonstances atténuantes de la détresse profonde et de l'émotion violente et, en tout état, à ce que la juridiction d'appel prononce une peine largement réduite.

 

b.b.b Le 14 avril 2014, C______, D______, E______, F______ et G______, parties plaignantes, ont formé appel joint, tout en concluant au rejet de l'appel principal d'A______. Leurs conclusions tendent à ce que celui-ci soit condamné à indemniser le tort moral subi à hauteur de CHF 90'000.- en faveur de C______, CHF 60'000.- pour D______ et E______ et CHF 40'000.- à F______ et G______, avec intérêts à 5% dès le 28 janvier 2012.

 

b.c Dans ses observations des 31 mars et 5 mai 2014, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel formé par A______. Il s'en est rapporté à l'appréciation de la CPAR sur les appels joints des parties plaignantes.

 

b.d A teneur du dossier, Me H______ n'a, lors de la première procédure d'appel, pas plus que devant le Tribunal criminel, produit une note de frais et honoraires pour son activité déployée en appel, soit comme conseil juridique gratuit de C______, soit comme avocat de choix des autres membres de la famille.

 

c. Par acte d'accusation du Ministère public du 8 juillet 2013, il est reproché à A______ :

 

- alors que son ex-compagne, D______, dont il vivait séparé depuis début janvier 2012, résidait au domicile de sa sœur, F______, rue ______, avec leur fille I______, née le ______ 2009, et qu'il devait aller chercher cette dernière le 28 janvier 2012 à 14h00, de s'être rendu au domicile de D______ vers 10h00, muni d'un revolver de marque L______ calibre 357 Magnum, chargé de sept balles, d'un chargeur contenant sept autres balles, d'un couteau et d'un spray au poivre, demandant à emmener sa fille tout de suite, essuyant un refus et devant quitter l'appartement, après que J______, père de D______, lui ait [recte : eut] donné une gifle, d'avoir ensuite brisé la vitre de la porte-fenêtre de l'entrée avec la crosse de son revolver, d'avoir tiré à quatre reprises sur J______ qui se trouvait derrière la porte et d'avoir ainsi intentionnellement tué ce dernier, l'une des balles l'atteignant à la tête et une autre au thorax ;

 

- d'avoir agi dans les circonstances décrites ci-dessus en présence de C______, épouse de J______, D______, sa fille I______, qu'il avait reconnue et sur laquelle il avait le devoir de veiller, E______ et sa fille K______, également âgée de moins de trois ans, qui se trouvaient dans la même pièce que J______, trois des quatre balles tirées finissant leur trajectoire dans les murs et le sol du salon, et d'avoir ainsi exposé ces personnes à un danger de mort imminent ;

 

- de s'être déplacé à Genève, à plusieurs reprises, notamment le 28 janvier 2012, muni d'un revolver de marque L______ calibre 357 Magnum, chargé sans être titulaire d'un permis de port d'arme, ce qu'A______ ne conteste plus en appel ;

 

- d'avoir, le 6 juin 2011, rempli une demande d'aide financière à l'Hospice général en se déclarant faussement domicilié chez ses parents, alors qu'il vivait avec sa compagne et leur fille, en affirmant faussement être sans revenu, dissimulant ses gains réalisés dans son activité professionnelle indépendante dans le domaine de la construction, et amenant ainsi l'Hospice général à lui verser CHF 9'062.- au titre de l'aide sociale du 1er juin 2011 au 31 janvier 2012. Les faits constitutifs d'escroquerie ne sont plus contestés par A______ au stade de l'appel.

 

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

 

i. Des faits en lien avec l'homicide de J______

 

a.a Selon un rapport du 28 janvier 2012, la police a été informée le même jour vers 10h30 que des coups de feu avaient été tirés dans un appartement du rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue ______, à ______. A leur arrivée, les policiers ont vu un homme, identifié comme étant A______, sur le parking devant l'immeuble, se faire rouer de coups de lamelles de stores par deux jeunes femmes, E______ et D______, qui hurlaient : "il vient de tuer notre père". Les policiers ont vu, par la porte-fenêtre ouverte, dont la vitre avait été brisée, un corps gisant à terre.

 

A______, porteur d'un revolver de marque L______ calibre 357 Magnum, d'un couteau, d'un spray au poivre et d'un chargeur rapide pour revolver, vide, s'était laissé interpeller. Après qu'il eut dit aux policiers : "le gars du 5e a un flingue et va venir me buter", un inconnu, qui s'était avéré être celui que craignait A______, était venu le rejoindre. G______, le fils de J______, qui était porteur d'un pistolet de marque M______, chargé de sept cartouches, lui avait ainsi donné plusieurs coups de poing.

 

a.b Un rapport de police du lendemain décrivait les lieux du drame. Une terrasse permettait d'entrer directement dans la pièce principale de l'appartement par une porte-fenêtre. Cette pièce était composée d'un coin salon, comportant trois canapés, situé sur la gauche de la porte-fenêtre, et d'un coin cuisine, sur la droite, où se trouvaient une table à manger et six chaises. Trois douilles de calibre 357 Magnum et quatre cartouches complètes, dont l'une percutée sans que le coup ne soit parti, avaient été retrouvées sur la terrasse. Une boîte de pistolet vide de marque M______ avec un permis d'achat d'arme au nom de D______ avait été découverte dans une armoire de la chambre à coucher de l'appartement.

 

b. Selon les premières investigations, les familles J______ et A______ étaient liées, dans le sens où A______ avait été, depuis 2007, le compagnon de D______ et son frère ______ celui d'E______, l'une des sœurs de D______. Les deux familles se voyaient régulièrement. Les deux couples avaient eu une fille en 2009, prénommées I______ (D______) et K______ (E______). Les deux sœurs avaient quitté leur compagnon fin 2011/début 2012 et habitaient depuis lors avec leur fille respective chez leur sœur F______, domiciliée à ______.

 

c. A teneur des déclarations de D______, E______ et C______, toutes présentes dans l'appartement au moment des faits, A______ était arrivé vers 10h00-10h30 pour emmener sa fille, alors qu'il était convenu avec D______ qu'il viendrait à 14h00. L'enfant n'étant pas prête, celle-là l'avait invité à revenir plus tard. A______ avait demandé s'il y avait quelqu'un d'autre sur place. D______ avait répondu par la négative, de sorte qu'il avait forcé le passage et était entré dans l'appartement, exigeant de sa compagne qu'elle lui donnât immédiatement sa fille. Alors qu'il s'approchait de I______ dans le salon, J______, qui était assis sur un canapé, s'était levé, lui demandant de partir. Vu son refus, il lui avait donné une forte gifle sur le côté droit du visage, avant qu'A______ ne soit ensuite repoussé à l'extérieur par J______ et D______, voire encore par E______ et C______ selon leurs déclarations. Ils avaient fermé la porte-fenêtre pour l'empêcher d'entrer à nouveau.

 

A ce moment-là, C______, D______ et E______ se trouvaient dans la pièce, à côté de J______, les enfants I______ et K______ se trouvant derrière D______. A______ avait alors sorti son arme et commencé à taper contre la porte-fenêtre avec la crosse, ce qui avait eu pour effet de briser la vitre. Il avait ensuite pointé son arme en direction du torse de J______ qui se trouvait debout devant la porte-fenêtre, sans arme, et il avait tiré. J______ s'était écroulé sur place tandis que D______ avait été blessée au nez par un éclat de verre. Elle avait senti le poids du corps de son père la pousser en tombant. I______ avait été blessée à un pied par des éclats de verre. G______, auquel personne n'avait remis d'arme, était arrivé sur les lieux après les faits.

 

Selon les propos tenus par D______ et E______ à la police, A______ avait tiré un à trois coups de feu depuis l'extérieur. Devant le Ministère public, E______ a partiellement rectifié ses dires, dans le sens où A______ avait mis un pied à l'intérieur pour tirer encore deux ou trois fois sur son père. Selon C______, son beau-fils avait tiré plusieurs fois depuis l'extérieur (version police) avant d'admettre devant le Ministère public ne pas savoir s'il était entré dans l'appartement après le premier coup de feu.

 

d. A______ s'est expliqué à la police puis, à de nombreuses reprises, devant le Ministère public, sous réserve de deux audiences (29 janvier et 2 février 2012) où il a usé de son droit de se taire.

 

d.a Il souhaitait passer une bonne journée avec sa fille. Il s'était muni d'un revolver et d'un chargeur rapide pour barillet, tous deux munis de sept cartouches, d'un couteau et d'un spray au poivre pour se protéger des menaces proférées par la famille J______. Arrivé chez sa compagne, il avait frappé à la vitre de la porte-fenêtre et vu I______ qui, heureuse de le voir, criait "papa, papa". D______ avait ouvert la porte et lui avait dit que ce n'était pas l'heure. Il lui avait demandé d'habiller I______, étant prêt à attendre sur place le temps nécessaire. D______ l'avait alors insulté, dit de "dégager" puis avait refermé la porte, à laquelle il avait à nouveau frappé. Elle avait ouvert la porte, lui demandant de revenir à 14h00. Il avait insisté et était entré dans le salon en faisant deux pas, s'était dirigé vers sa fille, afin de la prendre dans ses bras. C'est alors qu'il avait reçu un violent coup à l'oreille droite, donné par J______ qu'il n'avait pas vu auparavant. Il s'était rendu compte que C______ et E______ étaient également présentes dans la pièce. Elles s'étaient mises entre lui et J______, qui, agressif, voulait le frapper à nouveau et lui disait de "dégager".

 

A______ était sorti de l'appartement et avait demandé à J______ de faire de même pour discuter. Il avait vu ce dernier partir en courant au bout de la table à manger puis se retourner en lui faisant face. Il avait pensé que J______ allait chercher l'arme que D______ avait emportée en quittant le domicile commun. Il ne pouvait pas expliquer autrement le comportement de J______ dont il n'avait toutefois pas vu les mains. Il avait eu peur, avait paniqué et tiré, sans sommation, se trouvant à cheval sur le rebord de la porte-fenêtre, avant de reculer, craignant qu'G______, qui habitait le 5e étage, vienne le tuer avec son fusil d'assaut. Il avait encore ôté les quatre cartouches se trouvant dans le barillet de son pistolet et avait rechargé sept autres cartouches pour pouvoir se défendre cas échéant. Il ne savait pas comment la vitre de la porte-fenêtre avait été brisée. A l'arrivée de la police, il n'avait pas offert de résistance.

 

d.b Plusieurs audiences se sont tenues devant le Ministère public.

 

A______ avait toujours une arme sur lui, même quand il était au restaurant avec sa famille, en raison des menaces de la famille J______ mais aussi parce qu'il avait fait beaucoup de mal à plusieurs personnes lorsqu'il était "gamin" et avait peur de représailles. Le coup que lui avait donné J______ lui avait percé le tympan droit. Une altercation s'en était suivie au cours de laquelle C______, D______ et E______ s'étaient interposées et avaient empêché J______ de sortir pour s'expliquer entre hommes. Il se souvenait d'avoir brisé la vitre de la porte-fenêtre en donnant des coups avec le canon ou la crosse de son revolver, car il était énervé d'avoir été frappé et de n'avoir pas pu prendre sa fille (audience du 10 février 2012).

A______ a exprimé à de nombreuses reprises des regrets et présenté des excuses à la famille J______. Il s'est expliqué comme suit sur les circonstances dans lesquelles il avait fait feu sur J______ :

 

- il l'avait vu aller vers la table et prendre quelque chose, "un truc", dans sa main. Il n'avait pas d'image de cette arme mais était convaincu de son existence, raison pour laquelle il avait dit l'avoir vue (audience du 10 février 2012).

 

- lorsqu'il avait brisé la vitre de la porte-fenêtre, A______ avait vu J______ tenir une arme. Il était alors entré dans l'appartement et avait tiré (audience du 26 avril 2012).

 

A______ avait eu le temps de "ruminer", avait vu des psychiatres et était certain que J______ avait une arme dans la main. Comme ce dernier allait lui tirer dessus, il n'avait pas pensé à quitter les lieux mais s'était défendu, l'endroit étant sans issue. Il déduisait de la lecture de la procédure que J______ avait eu en main l'arme de D______, qu'G______ avait ensuite prise dans l'appartement ou reçue de quelqu'un (audience du 26 avril 2012).

 

- J______ s'était dirigé vers la table puis s'était retourné, une arme dans une main. A______ avait sorti son revolver, cassé la vitre et tiré sur lui. J______ lui faisait face, tenant une arme dans les deux mains, pointée sur lui. A ce moment-là, il n'y avait plus personne d'autre dans son champ de vision (audience du 4 mai 2012).

 

- lorsqu'il était sorti de l'appartement après avoir reçu la gifle de J______, la porte-fenêtre s'était ouverte. Il s'était trouvé face à ce dernier et était entré. J______ s'était déplacé en direction de l'endroit où se trouvait la boîte contenant l'arme de D______. Toutes les autres personnes présentes s'étaient mises derrière lui dans le salon. Il avait vu l'arme tenue par J______, paniqué et tiré. Il n'avait pas mis en danger les autres membres de la famille J______ (audience du 7 mars 2013).

 

- après avoir reçu un coup de J______ à la tête, A______ avait vu que celui-ci tenait une arme dans sa main et la pointait vers lui. Il était sorti de l'appartement. La porte-fenêtre s'était refermée et il s'était retrouvé seul dehors. Il avait ensuite brisé la vitre avec son arme et avait vu J______ prendre une arme sur/vers la table à manger. Il était entré dans le salon et avait fait feu sans personne d'autre dans son champ de tir (audience de reconstitution).

 

e.a N______, l'épouse d'G______, habitant au 5e étage de l'immeuble, a indiqué à la police qu'elle avait entendu trois coups de feu, puis vu A______ de son balcon, lequel avait alors crié : "fallait pas qu'il me pousse !". Après avoir appelé la police, elle avait réveillé son mari, puis tous deux étaient descendus au rez-de-chaussée.

 

e.b G______ avait entendu depuis le balcon sa sœur D______ reprocher à A______ d'avoir tué leur père. Il s'était muni du pistolet de sa sœur qui se trouvait dans l'armoire de la chambre à coucher, avait chargé l'arme, était descendu devant l'immeuble et avait vu A______ couché à terre, menotté par la police. Il avait également vu son père allongé dans le salon dans une mare de sang. Il avait frappé A______ d'un coup de poing sur la tête. Les policiers l'avaient écarté et il était retourné vers sa mère et ses sœurs pour les réconforter.

 

e.c O______, en rentrant chez elle, était passée devant l'allée du ______ et avait entendu des bruits de dispute. Un homme avait dit : "sors d'ici connard" et elle avait vu plusieurs personnes par la porte-fenêtre entrouverte. Elle avait cru comprendre que quelqu'un essayait de sortir et qu'une seconde personne tentait de l'en empêcher en repoussant la porte à plusieurs reprises. Elle avait entendu un bruit de verre qui se brisait, puis immédiatement après, des coups de feu. Un homme était sorti par la porte-fenêtre, un pistolet à la main, et s'était dirigé calmement vers une voiture.

 

e.d P______, habitant le même immeuble, était l'un de ceux qui avaient appelé en premier la police. En regardant depuis le balcon de son appartement, il avait entendu la personne qui tenait le pistolet dire : "vous me traitez de fils de pute, donc voilà ce qui arrive".

 

f. Diverses investigations scientifiques et/ou techniques ont été menées.

 

f.a Selon le rapport d'autopsie du Centre Universitaire Romand de Médecine légale
(ci-après : le CURML) et les photographies illustrant la trajectoire des tirs, J______ était décédé des conséquences des lésions provoquées par deux projectiles d'arme à feu. Le premier avait atteint son corps au niveau du cuir chevelu, en était ressorti au niveau du cou, puis était entré à nouveau dans son corps au niveau du thorax pour en ressortir dans la région axilliaire inférieure droite (sous le bras). Les lésions consécutives à la trajectoire de ce projectile engendraient une incapacité d'agir à très brève échéance. Un deuxième projectile était entré dans son corps au niveau abdominal, au milieu de l'avant du corps, et en était ressorti par la fesse droite. Les trajectoires des deux projectiles ont été décrites sans préjuger de l'ordre des tirs. Les caractéristiques des deux orifices d'entrée permettaient de dire que les coups de feu avaient été tirés à distance ou à travers un écran.

 

f.b La Brigade de police technique et scientifique (ci-après : la BPTS) a fait les constatations suivantes dans la pièce principale de l'appartement :

- la vitre de la porte-fenêtre était cassée et une grande partie des morceaux de verre se trouvait dans le sang de la victime ;

- un projectile entier, un fragment de projectile et un impact au sol de projectile ont été découverts près du corps de la victime, ce qui permettait de reconstituer une trajectoire de tir dont le départ se trouvait dans la zone de la porte-fenêtre. Le projectile s'était fragmenté au moment de l'impact au sol et deux fragments avaient continué leur chemin jusqu'au mur se trouvant face à la porte-fenêtre ;

 

- un orifice traversant une chaise située au milieu de la table dans le coin salle-à-manger, côté fenêtre, et deux impacts sur le mur de la salle à manger et le meuble de la cuisine, permettaient de reconstituer une trajectoire de tir, dont le départ se trouvait également dans la zone de la porte-fenêtre.

 

Selon des photographies annexées à ce rapport, prises le jour des faits, le corps de J______ était allongé le long de la porte-fenêtre, la tête du côté du coin salon, où se trouvait une mare de sang. Il n'y avait pas de grande quantité de sang ailleurs et en particulier pas à proximité immédiate de la table dans le coin cuisine.

 

f.c A teneur du rapport d'expertise établi par la Dresse Q______, l'examen d'A______ avait notamment mis en évidence une perforation tympanique à droite qui avait pu être causée par un coup porté directement sur la région de l'oreille droite, voire par une simple gifle.

 

Selon le rapport d'expertise psychiatrique, A______ présentait, au moment des faits, un épisode dépressif moyen dans le cadre d'un trouble dépressif récurrent, assimilable à un grave trouble mental. Il avait une personnalité émotionnellement labile, type impulsif, d'intensité faible à modérée, et des traits de personnalité narcissique et dyssociale qui n'étaient pas assimilables à un grave trouble mental. Il était sous l'emprise des benzodiazépines qu'il prenait quotidiennement depuis plusieurs années. Cette dépendance, assimilable à une addiction, était d'intensité faible à modérée. Il était toutefois pleinement responsable de ses actes, qui n'étaient pas en rapport avec un état mental pathologique. Au vu de son fonctionnement psychique, le risque de récidive était présent et non négligeable, sans qu'il soit possible de préciser la nature exacte des infractions qu'il pourrait commettre à nouveau. Un suivi psychothérapeutique pouvait lui être bénéfique, mais il n'y avait pas d'argument clinique pour l'imposer. A______ était lui-même demandeur d'une prise en charge psychothérapeutique plus intensive que celle dont il bénéficiait à la prison de Champ-Dollon.

 

A______ avait dit avoir été en colère contre J______, qu'il trouvait trop intrusif dans sa vie de couple. Il pensait que ce dernier était responsable de la séparation et du fait qu'il ne pouvait pas voir régulièrement sa fille depuis lors.

 

f.d L'analyse des traces biologiques prélevées sur la crosse et la détente du pistolet saisi sur G______ avait permis de relever la présence de son ADN et celle d'A______. L'ADN de J______ pouvait en revanche être exclu.

 

h.a Selon les propos tenus par D______ en cours d'instruction, A______ avait été violent à son égard pendant leur vie commune. Il possédait des armes et menaçait régulièrement de la tuer. Il ne travaillait pas, vivait à ses crochets mais disposait néanmoins d'argent dont elle ne connaissait pas la provenance. Il ne s'occupait pas de leur fille I______. En novembre 2011, ils avaient créé ensemble une entreprise active dans le conseil en assurances et le recouvrement, pensant ainsi améliorer leurs relations. Elle avait toutefois rapidement été déçue du comportement d'A______, lequel l'avait encore maltraitée avant qu'il ne parte au Kosovo le ______ 2011. Elle avait en conséquence décidé de le quitter, ce dont elle l'avait informé à son retour du Kosovo le ______ 2012, en présence de leurs parents respectifs.

 

A______ avait réagi en refusant que sa compagne quitte leur domicile. Sa mère avait ajouté que "le sang baignerait jusqu'aux genoux et qu'ils allaient tous mourir". D______ avait eu peur et avait appelé la police. Par la suite, elle avait néanmoins continué à avoir des contacts téléphoniques réguliers avec le père de sa fille qu'il pouvait voir quand il le voulait. Le 19 janvier 2012, il était venu la chercher à la crèche pour l'emmener manger et l'avait ramenée à l'heure convenue.

 

Dans un SMS du 8 janvier 2012, D______ assurait A______ que "I______ restera toujours ta fille adorée pour toujours. Si tu as besoin de quoi que ce soit, stp n'hésite pas à m'appeler. Pour la carte, je te donnerai tout le fric, il est à toi. Je ne dirai jamais les secrets qu'on a eu, jamais (busisness et autres sois tranquille). A______, je t'ai aimé très fort. Tu auras tjrs une place dans mon cœur. Prends soin de toi. D______". Avant l'envoi de ce message et le même jour, D______ avait contacté la police pour indiquer qu'elle venait de se séparer de son compagnon, qui possédait des armes, et qu'elle craignait qu'il lui fasse du mal, ainsi qu'à sa fille.

 

h.b Selon A______, sa vie de couple avait eu des hauts et des bas, ses disputes avec D______ étant toutefois uniquement verbales. Il était parti à fin décembre 2011 au Kosovo pour quelques jours, ce qui avait déplu à sa compagne. Le ______ 2012, D______ lui avait annoncé qu'elle le quittait. Il avait eu l'impression qu'on lui enlevait sa fille. L'annonce de leur séparation après cinq ans de vie commune l'avait choqué. Depuis lors, il ne dormait plus, consommait des médicaments à haute dose et avait perdu beaucoup de poids.

 

Par la suite, il avait parlé deux ou trois fois au téléphone avec D______. Le 19 janvier 2012, il était allé chercher sa fille à la crèche et l'avait ramenée à l'heure. Le 26 ou 27 janvier 2012, il avait demandé à D______ s'il pouvait voir sa fille le samedi suivant. Elle lui avait répondu qu'il pouvait venir la chercher en début d'après-midi.

 

Il portait régulièrement une arme, achetée sans autorisation. Il avait appris à s'en servir pendant son service militaire et avait fait du tir sportif au fusil à plomb.

 

h.c R______ avait supplié J______ et C______ de tout faire pour que D______ ne quitte pas son fils. Elle ne se rappelait pas avoir dit que du sang allait couler mais que les choses allaient mal se terminer. Son fils n'avait jamais été violent et était respectueux de ses parents. Il ne lui parlait pas beaucoup et ne se confiait pas lorsqu'il était triste. Elle ne se mêlait pas de sa vie. Elle était désolée pour la famille J______.

 

h.d Les témoins S______, T______, U______ et V______ ont qualifié A______ d'homme sympathique, serviable, sérieux professionnellement, bon père et non violent.

 

h.e W______, conseillère en addictions, suivait A______ depuis le mois d'août 2011. Lors d'un entretien datant de deux jours avant les faits, elle avait remarqué qu'il était très en colère contre le père de sa compagne, pensant que ce dernier l'avait incitée à le quitter. Il avait très peur de ne plus voir sa fille. Il était aussi en colère car le personnel de la crèche ne l'avait pas laissé la voir. Il était bouleversé et avait beaucoup maigri au cours des mois précédents en raison des médicaments, de son mal-être et de la mauvaise qualité de son sommeil. Des benzodiazépines lui avaient été prescrits.

 

Elle avait pu rencontrer A______ en prison où il lui avait exprimé sa rage envers J______, qui lui interdisait de voir sa fille.

 

i.a Selon des propos tenus devant le Tribunal criminel, A______ craignait de ne plus revoir sa fille, qui était tout pour lui. Il y avait eu un épisode où il aurait dû chercher I______ à l'intérieur d'un magasin sis au centre commercial de Balexert mais il avait refusé par honte de venir la prendre devant tout le monde. Pour le reste, D______ ne lui avait pas refusé clairement de voir I______, sinon qu'elle avait "fait des complications".

 

A______ a admis avoir tué J______, tirant à quatre reprises. Il aurait dû partir après avoir reçu la gifle, ce d'autant qu'il n'était alors pas menacé. Toutefois, il était sous le coup de la colère. Après le bris de la vitre, il avait vu J______ lui tourner le dos et se diriger vers la table. Il l'avait vu tenir une arme, qu'il n'avait pas reconnue sur le moment, ce qui ne l'avait pas empêché de penser que c'était l'arme que D______ avait reprise chez eux, soit celle retrouvée sur G______. Il avait vu l'une des filles de J______, qu'il ne voulait pas nommer, remettre cette arme à G______.

Il n'avait pas mis en danger la vie d'autrui. Aucune des personnes présentes, hormis J______, ne se trouvait dans son champ de tir, même s'il savait qu'un ricochet était possible quand on tirait avec une arme.

 

Il a désigné sur le plan de l'appartement une zone sur la gauche de la porte-fenêtre, située entre le coin cuisine et le hall d'entrée, contre le mur qui se trouvait en face de la porte-fenêtre et qui séparait le séjour de la salle de bains, l'endroit où se trouvaient C______, D______, E______, I______ et K______ au moment où il avait tiré.

 

i.b PourE______, son père avait demandé à D______ de préparer I______ et de la laisser partir avec A______. J______ n'était alors pas en colère et cherchait plutôt à arranger les choses. A aucun moment ce dernier ne s'était dirigé vers la table. Il était resté contre la vitre de la porte-fenêtre, où elle l'avait vu tomber au ralenti. D______ était à sa gauche, C______ et les enfants derrière lui et elle-même à sa droite. Toutes étaient très proches de son père. A part A______, personne n'était armé au moment des faits. Elle n'avait par conséquent pas pu sortir d'arme de l'appartement ni en remettre une à son frère.

 

A______ n'avait jamais rien assumé et n'avait exprimé aucun regret par rapport à ce qu'il avait fait. Il était difficile de l'écouter donner sa version des faits qui ne correspondait pas à la réalité et soutenir notamment que son père était armé. Elle souhaitait qu'il dise la vérité. Elles auraient pu mourir ce jour-là. Il n'y avait pas de mot pour décrire le fait d'avoir vu son père tué devant ses yeux, mais ce dernier avait perdu sa vie pour les protéger.

 

i.c Selon G______, il n'y avait jamais eu de menaces de la part d'un membre de la famille J______ envers A______. Il savait que ce dernier était toujours armé et qu'il aimait bien les armes. G______ était énervé d'entendre A______ maintenir que son père était armé et que l'une de ses sœurs lui avait remis cette arme. Il était extrêmement difficile pour sa mère et sa sœur de passer pour des menteuses. Elles attendaient du prévenu qu'il donnât des explications sur ce qu'il avait fait et qu'il dise la vérité.

 

ii. Des faits en lien avec la plainte de l'Hospice général

 

j. A______ avait menti sur sa situation puisqu'il avait indiqué habiter chez ses parents au ______, alors qu'il cohabitait avec D______ pendant toute la période de l'aide sociale et financière, soit du 1er juin 2011 au 31 janvier 2012. Dans la mesure où les concubins avaient des revenus, la totalité de l'aide financière (CHF 9'062.-) était tenue pour avoir été obtenue sans droit. Par courrier du 9 décembre 2013, l'Hospice général a informé le Tribunal criminel de ce qu'il ne souhaitait plus être partie à la procédure pénale. A______ a fini par admettre partiellement les faits reprochés à ce titre devant le Tribunal criminel. Ils ne sont plus contestés en appel.

 

C. a. A la réception du dossier en retour du Tribunal fédéral, la CPAR, dans une composition différente de celle ayant conduit à l'arrêt du 4 décembre 2014, a fixé les débats d'appel par ordonnance OARP/225/2015 du 21 août 2015.

 

b. Les parties confirment la teneur de leurs conclusions d'appel, sous réserve d'A______ qui dit vouloir les corriger. C'est ainsi qu'il fait abandon de ses conclusions en légitime défense, subsidiairement en erreur sur les faits, et qu'il ne plaide plus la circonstance atténuante de la détresse profonde. Il lui était en effet de plus en difficile de faire reporter une partie de la faute sur le défunt. Il avait observé beaucoup de souffrance dans la famille J______ à laquelle il demandait pardon.

 

Il dépose un chargé de pièces attestant notamment :

 

- du suivi thérapeutique à Champ-Dollon et à La Brenaz, ce suivi ayant dû être interrompu à la suite de son transfert à Bochuz le 16 septembre 2015 ;

- de la continuation de sa participation à des cours de français, auxquels s'étaient ajoutés un cours d'anglais et, à court terme, un autre consacré au management ;

- des nombreuses démarches épistolaires en faveur de la reprise d'un droit de visite avec I______, lequel se heurtait à une opposition de la mère de l'enfant ;

- des marques d'affection témoignées par A______ à l'égard de sa fille et des efforts financiers consentis pour participer, dans la mesure de ses moyens, à ses frais d'entretien.

c.a Sur les faits, A______ confirme ce qu'il avait dit lors des débats du premier procès d'appel. Il avait cru que J______ était allé chercher une arme, sans qu'il n'en voie pour autant l'une dans ses mains quand il s'était retourné et lui avait fait face. A ce moment-là, la victime était vers la table, nonobstant le fait qu'aucune trace de sang n'ait été retrouvée à l'emplacement désigné. La victime n'était pas aussi proche de la porte-fenêtre que ne le laissait entendre D______. Les déclarations convergentes des autres intervenants sur place n'étaient pas de nature à lui faire changer d'avis. Pas plus que lors des premiers débats d'appel, A______ n'avait d'explications à fournir quant à son geste de recharger son arme avec le chargeur contenant sept balles. Il n'avait pourtant pas l'intention de refaire feu, ainsi qu'en attestait le fait qu'il a tranquillement attendu l'arrivée de la police.

A son souvenir, il avait fait feu depuis l'intérieur de la pièce, mais, malgré la teneur de l'expertise balistique, il n'avait pas tiré sur la victime alors qu'elle était à terre. Il n'y avait pas de contradiction entre sa conviction d'avoir tiré sans avoir quelqu'un d'autre en point de mire et les légères blessures subies par D______ au nez. Les choses ne s'étaient pas déroulées en même temps et dans la même direction. Toutes les personnes présentes, y compris sa fille I______, n'étaient pas dans le champ de tir, ce qui excluait à ses yeux la mise en danger.

c.b Pour le Conseil d'A______, la sanction du Tribunal criminel était une peine d'assassinat. Elle était exagérée, car l'auteur n'était pas allé sur place pour tuer. Il n'avait pas voulu qu'un drame se produise, puisqu'il ne voulait que passer un bon moment avec sa fille. L'appelant payait déjà très cher son acte, en étant privé de liberté et de sa fille. Les semaines précédant le drame avaient été douloureuses, car il avait compris que son couple était brisé. Une fragilité s'était installée en lui au regard des difficultés éprouvées pour conserver le contact avec sa fille.

A______ n'avait pas réagi au premier coup violent reçu sur l'oreille, même s'il était énervé et que son tympan avait été atteint. Il n'avait pas dégainé son arme à cet instant mais plutôt demandé des explications au défunt. Quand il avait plus tard tiré, il fallait se demander quel avait été le facteur déclenchant. A______ avait agi dans un état de forte confusion, ainsi qu'en attestait son attitude après l'homicide.

La mise en danger de la vie d'autrui impliquait qu'il y ait eu imminence du danger, sans que le dol éventuel fût suffisant. Il n'était pas établi que les autres personnes présentes aient été dans le champ de vision d'A______. D'ailleurs, D______ avait expliqué avoir écarté les enfants de la porte-fenêtre après le bris de la vitre. Ses blessures n'avaient pas de lien avec le tir mais avec le bris de la vitre.

d. Le Ministère public conclut au rejet de l'appel principal formé par A______ et à la confirmation de l'arrêt entrepris.

La peine avait été fixée par le Tribunal criminel en tenant notamment déjà compte de la tristesse affichée par A______ avant les faits. Le meurtre aurait pu être évité s'il était parti comme il le lui avait été demandé. Son entrée en force dans l'appartement constituait le premier acte de violence. Son tir avait suivi une trajectoire descendante au moment où la victime cherchait à le repousser. Les témoignages sur le déroulement du drame étaient certes discordants mais l'important était qu'aucune trace de sang n'avait été relevée à un autre endroit que devant la porte-fenêtre. Cette réalité permettait d'écarter la thèse d'A______.

La mise en danger d'autrui découlait de la seule présence d'autres personnes dans la pièce. Les propos de D______ sentant le corps de son père tomber sur elle ne pouvaient pas avoir été inventés. Les blessures qu'elle avait subies étaient directement liées au bris du verre. A______ avait agi sans scrupules, soit sans considération aucune pour les personnes présentes.

La peine n'était pas excessive, au regard du concours d'infractions, de la faute lourde du prévenu qui avait agi sous les yeux de sa belle-famille dont des enfants. Il disposait d'une pleine liberté de décision. Il avait agi par fierté et colère et s'était montré égoïste.

e.a C______, D______, E______, F______ et G______ concluent au rejet de l'appel principal et persistent dans les conclusions de leurs appels joints.

Le conseil juridique gratuit de C______ a rappelé la belle personnalité du défunt, homme de bien dont la vie était consacrée à la résolution de conflits. Le meurtre en présence des enfants et des membres de la famille rendait l'acte encore plus inacceptable. A______ n'avait jamais été entravé dans son droit de visite, lequel s'exerçait plutôt de manière harmonieuse. Il avait été le premier à user de la violence en forçant la porte-fenêtre, ce qui pouvait expliquer la gifle qui avait suivi. Les impacts sur le sol démontraient à l'évidence qu'A______ n'avait pas tiré à distance comme il le soutenait.

e.b Au nom de "la famille J______", MeH______ présente trois notes d'honoraires à l'issue des débats d'appel :

- l'une pourl'activitédéployée du 31 janvier 2012 au 28 février 2014, qui contient 39h15 d'entretiens avec les différents membres de la famille, dont une heure et demi avec C______. Sont encore comptabilisées 74h15 pour le poste "procédure" et 62h15 pour le poste "Audiences", le tout au tarif du chef d'étude.

- la deuxième pour l'activité déployée du 31 mars au 4 décembre 2014 correspondant à la phase d'appel qui s'est close par l'arrêt annulé par le Tribunal fédéral. 26h30, au tarif du chef d'étude, et 1h30, au tarif du stagiaire, sont comptabilisées pour la période.

- la troisième recense l'activité déployée en appel sur retour du Tribunal fédéral (période du 11 juin au 9 décembre 2015), soit 20h30 au tarif du chef d'étude.

Dans aucune des trois notes ne figure la mention du tarif applicable au chef d'étude.

f. A l'issue des débats, et après délibération, la CPAR a, le 8 décembre 2015, rendu sa décision dont elle a brièvement expliqué la teneur. Le dispositif a été notifié séance tenante, les parties acceptant que l'arrêt motivé soit notifié ultérieurement par voie postale.

D. A______, de nationalité suisse, est né le ______ 1980 à Genève. Sa famille, originaire du Kosovo, est venue en Suisse en 1973. Il a vécu avec D______ de 2007 à fin 2011 et de leur union est née I______ le ______ 2009. Après l'obtention d'un certificat de capacité de peintre en bâtiment, A______ s'est mis à son compte. Il a essentiellement exercé une activité dans le bâtiment et créé successivement plusieurs sociétés. Il a également exploité des salons de massage, sur de courtes périodes, en 2006 et 2010.

Il a été hospitalisé à la clinique de Belle-Idée, en février 2010, pour un sevrage lié à l'alcool, pendant environ trois semaines. A______ était non dépendant au moment de son incarcération. Depuis son transfert à Bochuz, A______ a pu travailler à l'atelier de menuiserie où il se sentait à l'aise, malgré la nouveauté de la matière. Il était toujours déterminé à accomplir en temps voulu des études en sciences économiques, ce qui expliquait sa volonté de poursuivre le cours de français aux fins d'améliorer encore ses connaissances.

 

Selon l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamné le ___ octobre 2008 par le Tribunal de police pour escroquerie et faux dans les titres, infractions commises en 2000/2001, à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, à CHF 215.- l'unité, avec sursis durant trois ans.

 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP). Il en va de même de l'appel joint (art. 400 al. 3 let. b et 401 CPP).

La partie qui attaque seulement certaines parties du jugement est tenue d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir (art. 399 al. 4 CPP) : la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a) ; la quotité de la peine (let. b) ; les mesures qui ont été ordonnées (let. c) ; les prétentions civiles ou certaines d'entre elles (let. d) ; les conséquences accessoires du jugement (let. e) ; les frais, les indemnités et la réparation du tort moral (let. f) ; les décisions judiciaires ultérieures (let. g).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ; RS 0.101) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence ; lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 et les arrêts cités) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence (arrêts du
Tribunal fédéral 6B_1145/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.2 et 6B_748/2009
du 2 novembre 2009 consid. 2.1).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 120 Ia 31 consid. 2 p. 33 ss ; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 ss).

 

Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_109/2014 du 25 septembre 2014 consid. 2.1 ; 6B_398/2013 du 11 juillet 2013 consid. 2.1 et 6B_642/2012 du 22 janvier 2013 consid. 1.1).

 

3. 3.1 L'art. 129 CP réprime le comportement de celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent.

Un danger pour la santé uniquement n'est pas suffisant. Le danger de mort doit être concret, c'est-à-dire qu'il doit exister, d'après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé. Quant à la notion d'imminence, elle n'est pas aisée à définir. Elle implique en tout cas, outre la probabilité sérieuse de la réalisation du danger concret, un élément d'immédiateté qui est défini moins par l'enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité directe unissant le danger et le comportement de l'auteur (ATF 121 IV 67 consid. 2b/aa p. 70 ; arrêt du Tribunal fédéral6S.322/2005 du 30 septembre 2005 consid. 1.1).

 

Enfin, un acte est commis sans scrupules au sens de l'art. 129 CP lorsque, compte tenu des moyens utilisés, des mobiles et de l'état de l'auteur ainsi que des autres circonstances, il apparaît comme contraire aux principes généralement admis des bonnes mœurs et de la morale (ATF 114 IV 103 consid. 2a p. 108). L'absence de scrupules caractérise toute mise en danger dont les motifs doivent être moralement désapprouvés ; plus le danger connu de l'auteur est grand et moins ses mobiles méritent attention, plus l'absence de scrupules apparaît comme évidente (ATF 107 IV 163 consid. 3 p. 164 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_87/2013 du 13 mai 2013 consid. 3.2).

 

Du point de vue subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement. L'auteur doit avoir conscience du danger de mort imminent pour autrui et adopter volontairement un comportement qui le crée (ATF 121 IV 67 consid. 2d p. 75 in fine). En revanche, il ne veut pas, même à titre éventuel, la réalisation du risque (ATF 107 IV 163 consid. 3 p. 165). Le dol éventuel ne suffit pas (ATF 133 IV 1 consid. 5.2 p. 8 ; arrêts du Tribunal fédéral6S.3/2006 du 16 mars 2006 consid. 10 et 6S.426/2003 du 1er mars 2004 consid. 2.2).

 

Dans le cas particulier de l'usage d'une arme à feu, il est admis qu'il y a mise en danger de la vie d'autrui lorsque l'auteur tire un coup de feu à proximité d'une personne qui, par un mouvement inattendu, pourrait se trouver sur la trajectoire et recevoir un coup mortel. Il en va de même si l'auteur tire un coup de feu, sans viser personne, et que quelqu'un pourrait être frappé mortellement par un ricochet de la balle (arrêts du Tribunal fédéral 6B_946/2014 du 7 octobre 2015 consid. 3.1 et 6B_88/2014 du 10 novembre 2014 consid. 3.1 et les références citées).

 

3.2. Celui qui, ayant la garde d'une personne hors d'état de se protéger elle-même ou le devoir de veiller sur elle, l'aura exposée à un danger de mort ou à un danger grave et imminent pour la santé, ou l'aura abandonnée en un tel danger, sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 127 CP).

 

Le devoir de veiller sur autrui découle de la loi ou d'un contrat. L'auteur doit se trouver dans une position de garant. En pratique, un tel devoir concerne avant tout les parents à l'égard de leurs enfants. La victime est un tiers qui n'est pas en mesure de sauvegarder son intégrité corporelle ou sa santé, par exemple vu son jeune âge. L'auteur doit exposer la victime à un danger concret de mort ou d'une atteinte grave et imminente à l'intégrité corporelle ou à la santé. L'infraction est intentionnelle ; le dol éventuel suffit (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Berne 2010, 3e éd., vol. I, notes 1, 5, 10, 11 et 15 ad art. 127 et références citées).

 

L'art. 127 CP se présente comme une disposition spéciale parce qu'il requiert un devoir particulier de protection ; il absorbe donc l'art. 129 CP et exclut son application (B. CORBOZ, op. cit., vol. I, note 37 ad art 129 et références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.769/1999 du 7 mars 2000 consid. 2a, in SJ 2000 I 358).

 

3.3 Au stade de l'appel, l'appelant principal ne conteste plus sa culpabilité pour les faits constitutifs de meurtre, d'escroquerie et d'infraction à la LArm. Le verdict de culpabilité sera ainsi confirmé dans la mesure où ses actes sont constitutifs des infractions reprochées. La CPAR prend au surplus acte de l'abandon durant les débats d'appel d'une partie de ses conclusions (cf. supra let. C.b.).

 

3.4.1 La juridiction d'appel peut difficilement suivre l'appelant quand il plaide être allé sur place pour "passer un bon moment avec sa fille". Ce récit est fatalement incomplet au regard de l'arme à feu chargée de munitions en réserve, du couteau et du spray au poivre dont il s'était muni pour l'exercice de son droit de visite.

 

La crédibilité de l'appelant est d'ailleurs mise à mal par ses déclarations successives et partiellement contradictoires, passant de la version selon laquelle il n'y avait eu personne d'autre que la victime dans son champ de vision puis que les personnes présentes s'étaient trouvées derrière lui lors des tirs, pour soutenir enfin qu'elles s'étaient rassemblées dans le coin salon, sur la partie gauche.

 

La réalité est que l'appelant savait au moment de tirer qu'il y avait cinq autres personnes dans la pièce en sus de J______, dont deux enfants, même si sa femme a pu lui dire le contraire à son arrivée sur place. L'appelant a d'ailleurs pu constater la présence des membres de sa belle-famille en entrant une première fois dans l'appartement par la porte-fenêtre.

 

Sa première version qui voudrait que personne ne se trouvât dans son champ de vision quand il a fait feu ne résiste pas à l'examen. La présence conjointe de plusieurs personnes à proximité immédiate est en premier lieu validée par les blessures et les déclarations de D______, laquelle a été atteinte au visage par un éclat de verre et qui a senti le poids du corps de son père s'affaissant. Il est difficile de faire plus en termes de proximité. Les blessures de I______, qui a marché dans les débris de verre, vont dans le même sens ainsi que les déclarations de C______ qui dit avoir cherché à mettre à l'abri les deux fillettes au premier coup de feu. Toutes ces personnes étaient proches de la position de l'appelant, étant rappelé que bris de vitre et coups de feu se sont succédés à très bref intervalle.

Le rapport de police relatif aux trajectoires des projectiles a permis d'établir que des impacts ont été constatés à plusieurs endroits de la pièce, ce qui démontre l'existence de ricochets. Or, la position des autres personnes présentes était proche de la chaise transpercée par un impact de balle et d'un fragment de projectile retrouvé à terre. Mais même à supposer que les membres de la famille J______ fussent un peu éloignés, des coups de feu tirés dans un lieu clos relativement exigu provoquent des mouvements aléatoires des personnes présentes qui ne sont pas contrôlables. Il faut compter sur l'imprévisibilité de leur réaction qui ne répond plus à des critères rationnels. L'affolement consécutif à un coup de feu fait qu'une balle était susceptible de les atteindre, a fortiori quand trois balles sont tirées quasi coup sur coup. Les projectiles pouvaient par conséquent tuer d'autres personnes que le seul J______ visé.

 

A cela s'ajoute que la disposition des lieux, notamment la présence d'obstacles naturels que constituaient le canapé et la table, n'autorisait pas une trajectoire de fuite hors de la portée des tirs, notamment pour les deux fillettes, sans compter la taille réduite de l'appartement.

 

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que les personnes présentes se trouvaient dans le champ de tir de l'appelant. En agissant de la sorte, l'appelant a clairement mis en danger la vie des personnes présentes dans la pièce. Par des coups de feu tirés à faible distance sur des personnes réunies dans un lieu clos, l'appelant a créé un risque concret pour elles, même si, par hypothèse, elles ne se seraient pas trouvées dans son champ de tir immédiat, vu la dispersion des coups et les ricochets constatés. Le danger de mort doit être tenu pour imminent, avec un lien de connexité évident avec le comportement de l'appelant, lequel connaissait suffisamment les armes pour se rendre compte du danger ainsi créé.

 

La condition subjective de l'art. 129 CP est à l'évidence réalisée dans le cas d'espèce, s'agissant de membres de la famille, dont deux fillettes, que les coups de feu de l'appelant ont mis en danger de mort, le caractère répréhensible de l'acte pouvant difficilement être davantage marqué. Les mobiles de l'auteur étaient futiles, dans la mesure où il a réagi en étant vexé ou blessé dans son amour propre (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1011/2014 du 16 mars 2015, consid. 2.1.3 et les références citées). Il faut donc convenir que l'appelant a agi avec absence de scrupules.

 

3.4.2 Le même raisonnement vaut pour l'enfant I______, ce qui fonde la réalisation des éléments constitutifs de l'art. 127 CP, lex specialis, en ce qui la concerne. L'appelant peut difficilement prétendre qu'il n'avait pas le devoir de veiller sur sa fille qu'il a exposée à un danger de mort imminent au vu de sa position qu'il n'a pas pu ignorer au moment de tirer.

 

3.5 L'appelant s'est ainsi rendu coupable d'exposition et de mise en danger de la vie d'autrui, au sens des art. 127 et 129 CP, de telle sorte que le verdict des premiers juges est confirmé sur ce point.

 

4. L'appelant principal reproche au premier juge le prononcé d'une peine excessive.

4.1 Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

 

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ss ; 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_660/2013 du 19 novembre 2013 consid. 2.2).

 

Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il faudra enfin tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires (…) (ATF 121 IV 202 consid. 2d/aa p. 204 ; 118 IV 342 consid. 2d p. 349).

 

D'après l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion.

 

4.2 Conformément à l'art. 48 al. 1 let. c CP, le juge atténue la peine si l'auteur a agi en proie à une émotion violente que les circonstances rendaient excusables ou s'il a agi dans un état de profond désarroi. Cette disposition de la partie générale ne trouve cependant application que si les règles de la partie spéciale ne prennent pas déjà en considération les circonstances rendant excusables l’émotion violente ou le profond désarroi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_517/2008 du 27 août 2008 consid. 5.3.2).

 

La portée de cette circonstance atténuante a été étendue puisque le nouveau texte légal généralise la prise en considération de l'émotion violente et du profond désarroi, qui étaient jusque-là uniquement pris en considération dans la définition du meurtre passionnel (art. 113 CP). La jurisprudence ancienne relative à la colère et à la douleur violente, produites par une provocation injuste ou une offense imméritée, conserve sa pertinence, mais il convient également de se référer à la jurisprudence relative à l'art. 113 CP pour interpréter les notions d'émotion violente que les circonstances rendaient excusables et de profond désarroi (arrêts du Tribunal fédéral 6B_105/2009 du 22 mai 2009 consid. 3.1. et 6B_622/2008 du 13 janvier 2009 consid. 8.1).

 

L'émotion violente est un état psychologique d'origine émotionnelle, et non pas pathologique, qui se caractérise par le fait que l'auteur est submergé par un sentiment violent qui restreint dans une certaine mesure sa faculté d'analyser correctement la situation ou de se maîtriser. Elle suppose que l'auteur réagisse de façon plus ou moins immédiate à un sentiment soudain qui le submerge (ATF 119 IV 202 consid. 2a p. 203 ; 118 IV 233 consid. 2a p. 236). La réalisation de cette condition a ainsi notamment été niée dans le cas d'accusés qui, dans le cadre d'affrontements opposant deux groupes d'individus, étaient manifestement prêts à réagir aux événements, au vu du climat tendu qui régnait (ATF 104 IV 232 consid. 2c p. 237/238).

 

L'état d'émotion violente ou celui de profond désarroi doit être rendu excusable par les circonstances (ATF 119 IV 203 consid. 2a p. 204 ; 118 IV 233 consid. 2a p. 236). Le plus souvent, il est rendu excusable par le comportement blâmable de la victime à l'égard de l'auteur, mais il peut aussi l'être par le comportement d'un tiers ou par des circonstances objectives (ATF 119 IV 202 consid. 2a p. 205). N'importe quelles circonstances ne suffisent pas. Il doit s'agir de circonstances dramatiques, dues principalement à des causes échappant à la volonté de l'auteur et qui s'imposent à lui (ATF 119 IV 202 consid. 2a p. 205), lequel ne doit pas être responsable ou principalement responsable de la situation conflictuelle qui les provoque (ATF 118 IV 233 consid. 2b p. 238 ; 107 IV 103 consid. 2b/bb p. 106). Il doit par ailleurs s'agir de circonstances objectives, de sorte qu'il faut se demander si un tiers raisonnable, placé dans la même situation que l'auteur, se serait trouvé dans le même état (ATF 108 IV 99 consid. 3b p. 102 ; 107 IV 103 consid. 2b/bb p. 106).

Enfin, il faut qu'il existe une certaine proportionnalité entre la provocation, d'une part, et la réaction de l'auteur, d'autre part (arrêt du Tribunal fédéral 6B_517/2008 du 27 août 2008 consid. 5.3.2).

 

4.3.1 L'appelant soutient avoir agi alors qu'il se trouvait dans un état d'émotion violente causé par le refus de D______ de reprendre la vie commune et par le violent coup reçu de J______.

 

L'émotion violente ressentie par l'appelant peut être admise, tant il est vrai que la gifle reçue de la future victime était violente, sans même parler des conséquences physiologiques qu'elle a engendrées. Etre la cible de la réaction courroucée de son ex-beau-père en présence des membres de sa famille a à l'évidence représenté un camouflet difficile à supporter. Il n'en reste pas moins que le caractère excusable de cette émotion ne saurait être établi, puisque c'est l'appelant qui a fait le "forcing" pour pénétrer dans l'appartement, persistant dans sa volonté malgré le refus affiché par sa compagne, étant précisé que seule l'heure de l'exercice de son droit de visite posait problème et non son principe qui lui était acquis. En n'acceptant pas la prise de position de la mère de l'enfant, qui plus est après s'être déplacé, avant l'heure convenue, pour l'exercice d'un droit de visite lourdement armé, l'appelant a créé les conditions du drame qui s'en est suivi. Il peut être tenu pour le principal responsable du contentieux qui a provoqué l'émotion.

 

Sa réaction n'était au demeurant pas proportionnée, dans la mesure où il aurait pu à la rigueur répondre à la gifle par un geste de même nature ou la fuite, comme il l'a fait dans un premier temps avant de revenir à la charge.

 

Le caractère d'immédiateté fait aussi défaut, du temps s'étant écoulé entre la gifle infligée par la future victime et les coups de feu qui ont suivi, les beaux-parents de l'appelant cherchant à l'empêcher de revenir dans l'appartement. Il en découle que l'appelant a pu reprendre le contrôle de ses actes sans être submergé par l'émotion, au sens des exigences de la jurisprudence. Il a pourtant démontré, par le calme qu'il a manifesté avant l'arrivée de la police, qu'il était capable de se maîtriser.

 

Au vu des éléments qui précèdent, cette circonstance atténuante ne sera pas retenue à la décharge de l'appelant. La décision des premiers juges sera aussi confirmée sur ce point.

 

4.3.2 La faute de l'appelant est extrêmement lourde, ainsi qu'il l'admet lui-même. Il y a concours d'infractions, l'exposition, une escroquerie et une violation de la LArm lui étant reprochées en sus.

 

Il s'en est pris à la vie d'autrui, tirant sans raison ni sommation à plusieurs reprises, presque à bout portant, sur son ex-beau-père. Celui-ci avait pourtant été dans les minutes précédentes le facilitateur de son exercice du droit de visite, se montrant même particulièrement ouvert quand l'appelant s'était retrouvé face à l'intransigeance de sa compagne. Celle-ci ne lui avait jamais opposé de refus à l'exercice de son droit de visite, comme en atteste la visite qui s'était bien déroulée le 19 janvier 2012 et le droit qu'il avait obtenu de venir chercher sa fille dans l'après-midi. Ce faisant, il a aussi mis en danger la vie de proches qui lui étaient chers, dont sa propre fille, qui ont échappé au pire sans qu'il ne cherche à les épargner, chacun ayant eu la douleur de voir un être aimé s'écrouler sous ses yeux.

 

L'appelant a réagi comme un homme colérique, aisément blessé dans son amour propre, qui a mal apprécié le report de l'exercice de son droit de visite, alors qu'il s'était lui-même mis en position d'échec en ne respectant pas ce qui avait été convenu. Le fait d'être éconduit, au vu et au su de proches, a participé à sa réaction dont les motifs étaient aussi futiles qu'égoïstes. Il avait le pouvoir d'agir autrement, mais encore fallait-il qu'il le voulût, ce dont on peut douter au vu des armes dont il s'était muni pour voir sa fille. Sa responsabilité est entière. Il convient à cet égard de rappeler que, au-delà de la mauvaise nouvelle reçue à son retour du Kosovo, l'appelant n'avait pas été empêché de conserver des contacts avec sa fille, la préservation des liens père–fille étant une priorité pour sa compagne, ainsi qu'en atteste son message dépourvu de toute ambigüité du 8 janvier 2012. Il disposait au surplus d'un emploi et d'un logement, ce qui faisait de lui un homme dont la situation n'avait rien de désespéré.

 

Le jugement du Tribunal criminel a déjà pris en compte les éléments à décharge que l'appelant plaide pour justifier une peine moins sévère. Une appréciation différente aurait pu avoir cours si, au-delà de l'abandon d'une partie des conclusions d'appel, l'appelant avait fait la preuve d'une prise de conscience complète. Il est en fait réticent à faire un pas de plus, dans la mesure où il persiste à ne pas vouloir s'expliquer sur plusieurs points liés à ses actes et continue à prêter aux intimés un comportement qu'ils n'ont pas pu avoir. Sont éloquents à cet égard les atermoiements de l'appelant sur la présence d'une arme ou l'intention de s'en saisir de la part de la victime, alors même que les éléments, y compris techniques, vont tous dans le sens contraire.

 

Son casier judiciaire ne mentionne qu'un antécédent datant de 2008, certes pour partie spécifique, mais ce facteur ne saurait représenter un élément à charge prédominant, eu égard à l'ancienneté des faits reprochés (début des années 2000).

 

Des éléments positifs ont été apportés durant les débats d'appel (volonté de ne pas salir la victime décédée, suivi thérapeutique et de langues, démarches pour garder le contact avec I______, efforts financiers consentis à son égard) sans qu'il ne soit possible de leur donner une importance telle qu'elle rendrait la peine fixée par les premiers juges inadaptée.

 

La lourde peine à laquelle l'appelant a été condamné est à la hauteur de sa faute et des éléments à prendre en considération dans l'application de l'art. 47 CP. Dans cette mesure, la peine n'est pas excessive et sera en conséquence confirmée.

 

Il en sera de même de la révocation du sursis octroyé le 20 octobre 2008, non contesté en appel, et dont le bien-fondé est évident en application des critères que pose l'art. 46 al. 1 CP.

 

5. 5.1 L'art. 47 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations ; RS 220), concerne notamment les atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle.

 

En vertu de l'art. 47 CO, le juge peut, en cas de mort d'homme et en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale. Cette indemnité a pour but de compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. Le principe d'une indemnisation du tort moral et l'ampleur de la réparation dépendent avant tout de la nature et de la gravité de l'atteinte, de l'intensité et de la durée des effets sur la personne atteinte, de l'importance de la faute du responsable, d'une éventuelle faute concomitante du lésé ainsi que de la possibilité d'adoucir de façon sensible, par le versement d'une somme d'argent, la douleur physique ou morale qui en résulte (ATF 132 II 117 consid. 2.2.2 p. 119 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_118/2009 du 20 décembre 2011 consid. 9.1 non publié aux ATF 138 I 97 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1218/2013 du 3 juin 2014 consid. 3.1.1).

 

En cas de décès, le juge doit prendre en compte le lien de parenté entre la victime et le défunt pour fixer le montant de base. La perte d'un conjoint est ainsi généralement considérée comme la souffrance la plus grave, suivie de la mort d'un enfant et de celle d'un père ou d'une mère. Le juge adapte ensuite le montant de base au regard de toutes les circonstances particulières du cas d'espèce. Il prend en compte avant tout l'intensité des relations que les proches entretenaient avec le défunt et le caractère étroit et harmonieux de ces dernières. Outre l'intensité des relations, la pratique retient notamment comme autres circonstances à prendre en compte l'âge du défunt et de ceux qui lui survivent, le fait que le lésé a assisté à la mort, les souffrances endurées par le défunt avant son décès, le fait que ce dernier laisse les siens dans une situation financière sûre, le comportement vil de l'auteur ou au contraire, la souffrance de celui-ci. De 2000 à 2003, le montant de base du tort moral accordé suite au décès d'un époux a oscillé entre CHF 30'000.- et CHF 50'000.- (Franz WERRO, La responsabilité civile, Berne 2011, p. 386 et 387).

5.2 Les circonstances particulièrement pénibles de la commission des infractions principales à la charge de l'appelant appellent une forte indemnisation des membres de la famille meurtrie. En ce sens, les premiers juges n'ont pas assez pris en compte l'importance de l'infraction de mise en danger de la vie d'autrui s'ajoutant à la perte d'un être cher. Être veuve ou orphelin de père et, de surcroît, risquer soi-même sa vie en plus d'être témoin de l'acte fatal, n'est pas loin de représenter ce qui se fait de pire dans l'échelle des valeurs d'une épreuve. Il y a ainsi lieu d'admettre à la hausse les indemnisations dues aux membres de la famille J______.

Les montants de CHF 60'000.- pour la veuve de J______, qui formait avec lui un couple apparemment uni, de CHF 40'000.- pour D______ et CHF 35'000.- pour E______ représentent des montants adaptés à leur souffrance, celle de D______ étant plus forte que celle de sa sœur au regard de l'identité du meurtrier de son père. Les liens des enfants avec le défunt, et ce qu'il représentait pour leur fille respective, doivent être pris en compte, à l'instar de la souffrance bien réelle des deux autres enfants de J______, tant il apparait que les membres de la famille avaient tissé entre eux des liens très étroits et apparemment harmonieux. Certes, il est normal que leur indemnisation soit inférieure en raison du fait qu'ils n'ont pas assisté à la scène du crime. Leur statut de jeunes adultes fait que l'adaptation de l'indemnité sera limitée et ainsi fixée à CHF 20'000.- chacun.

Les appels joints des parties plaignantes seront donc partiellement admis et le jugement attaqué réformé sur ce point.

 

6. L'appelant, qui succombe intégralement sur son appel et partiellement sur appel joint, supportera les frais de la procédure envers l'État à raison de 4/5ème (art. 428 CPP), le solde étant laissé à la charge de l'Etat.

 

7. 7.1 Aux termes de l’art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 CPP (let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2). En appel, la partie plaignante peut, aux mêmes conditions, également demander une telle indemnité (art. 433 al. 1 CPP applicable en appel par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP).

 

Lorsque le prévenu est condamné, la partie plaignante obtient gain de cause comme demandeur au pénal, de sorte qu'elle doit être indemnisée pour les frais de défense privée en relation avec la plainte pénale (ATF 139 IV 102 consid. 4.3).

 

La partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette disposition lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Strafprozessordnung – Jugendstrafprozess-ordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 10 ad art. 433 ; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 2e éd. Zurich 2013, n° 6 ad art. 433). La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat de la partie plaignante (arrêts du Tribunal fédéral 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 consid. 2.1. ; 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.1.1 ; A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 8 ad art. 433 ; N. SCHMID, op. cit., n. 3 ad art. 433). En particulier, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 consid. 2.1 ; 6B_159/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.3).

 

L'art. 433 al. 2 CPP, qui impose au plaignant de chiffrer et de justifier ses prétentions, s'explique par le fait que la maxime d'instruction ne s'applique pas à l'égard de la partie plaignante : celle-ci doit demeurer active et demander elle-même une indemnisation, sous peine de péremption (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 22 ad art. 433 ; N. SCHMID, op. cit., n. 9 et 10 ad art. 433 ; A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), op. cit., n. 13 ad art. 433). Lorsque la cause fait (…) l'objet d'une procédure de première instance (Titre 7, art. 328 ss CPP), il résulte du régime légal (…) que les prétentions selon l'art. 433 CP doivent être soumises au juge avant la fin des débats de manière à ce que celui-ci puisse les traiter dans son jugement conformément à l'art. 81 al. 4 let. b CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_965/2013 du 3 décembre 2013, consid. 3.3).

 

Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif local, à condition qu'ils restent proportionnés (N. SCHMID, op. cit., n. 7 ad art. 429) ; encore faut-il que l'assistance d'un avocat ait été nécessaire, compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit, et que le volume de travail de l'avocat était ainsi justifié (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (CPP) du 21 décembre 2005, FF 2006 1309).

La Chambre pénale de recours applique, en matière d'honoraires d'avocat, un tarif horaire de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné a lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013 ; ACPR/302/2014 du 18 juin 2014) ou qu'il n'a pas expressément mentionné un autre tarif.

 

7.2 Les notes de frais et honoraires produites par le conseil juridique gratuit de "la famille J______" appellent les développements suivants :

 

i. première note de frais et honoraires (période du 31 janvier 2012 au 28 février 2014)

 

Me H______ ne peut pas, au stade de l'appel, produire une note d'honoraires couvrant son activité déployée en première instance. La CPAR, qui n'a pas pour vocation de rattraper d'éventuels manquements précédents, n'entrera donc pas en matière sur la première note produite par le conseil des parties plaignantes, l'art. 433 al. 2 dernière phrase CPP lui étant opposable. Me H______ ne s'est d'ailleurs jamais plaint de ce que le Tribunal criminel ne l'aurait pas informé de son droit à solliciter une indemnité chiffrée pour son activité déployée antérieurement.

 

ii. deuxième note de frais et honoraires (période du 31 mars au 4 décembre 2014)

 

A teneur de l'arrêt de la CPAR du 14 décembre 2014, aucune indemnisation n'a été sollicitée comme avocat de choix (art. 433 al. 1 et 2 CPP). A l'instar de ce qui précède, la CPAR n'entrera donc pas en matière sur les prétentions en indemnisation découlant de l'activité déployée pour la procédure d'appel qui a abouti à l'arrêt du 4 décembre 2014.

 

iii. troisième note de frais et honoraires (période du 11 juin au 9 décembre 2015)

 

Les parties plaignantes ont été largement entendues en appel à un double titre. Leurs conclusions en indemnisation pour tort moral ont été revues à la hausse, bien que les montants finalement octroyés fussent inférieurs aux conclusions déposées, et la CPAR a admis la pleine culpabilité de l'appelant, y compris sur les points encore contestés. Ces circonstances font que les trois quarts des conclusions en indemnisation fondées sur l'art. 433 al. 1 CPP doivent être tenues pour admises. Il convient d'en retrancher une partie, fixée à 1/5ème, dès lors que C______ plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire (cf. infra ch. 8.3.1).

 

En définitive, il se justifie d'entrer en matière sur la troisième note de frais et honoraires de Me H______ à hauteur (en chiffre rond) de 15h10 au tarif de chef d'étude (3/4 de 20h30), dont il y a lieu de déduire quatre heures (1/5ème de 20 heures), ce qui porte le total à 11h10 pour l'activité déployée en appel pour D______, E______, F______ et G______. Au tarif de chef d'étude de CHF 400.-, faute de toute autre indication chiffrée, l'indemnisation se chiffre à CHF 4'466.65, laquelle sera mise à la charge de l'appelant qui succombe.

 

8. 8.1 Les frais imputables à l'assistance juridique gratuite pour la partie plaignante sont des débours (art. 422 al. 2 let. a CPP) qui constituent des frais de procédure (art. 422 al. 1 CPP) et doivent, conformément à l'art. 421 al. 1 CPP, être fixés par l'autorité pénale dans la décision finale au plus tard (ATF 139 IV 199 consid. 5.1 p. 201-202). La juridiction d'appel est partant compétente, au sens de l'art. 135 al. 2 CPP, pour statuer sur l'activité postérieure à sa saisine.

 

8.2.1 Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique du 28 juillet 2010 (RAJ ; E 2 05.04) s'applique. Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire de CHF 200.- pour le chef d'étude (let. c), comme l'a admis le Tribunal fédéral (arrêt 2C_725/2010 du 31 octobre 2011, consid. 2.3, in SJ 2012 I 172).

 

En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus (ATF 141 IV 344 consid, 4).

 

8.2.2 À teneur de la jurisprudence, est décisif pour fixer la rémunération de l'avocat, le nombre d'heures nécessaires pour assurer la défense d'office du prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 2C_509/2007 du 19 novembre 2007 consid. 4). Pour fixer cette indemnité, l'autorité doit tenir compte de la nature et de l'importance de la cause, des difficultés particulières que celle-ci peut présenter en fait et en droit, du temps que l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre des conférences, audiences et instances auxquelles il a pris part, du résultat obtenu ainsi que de la responsabilité assumée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2 et les références citées). Toutefois, si, comme à Genève, la réglementation prévoit un tarif réduit, celui-ci s'applique sans égard à l'issue du procès (ATF 139 IV 261 consid. 2 p. 261 ss).

 

À l'instar de la jurisprudence précitée, l'art 16. al. 2 RAJ prescrit également que seules les heures nécessaires à la défense devant les juridictions cantonales sont retenues et sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

 

8.2.3 Reprenant l'activité de taxation suite à l'entrée en vigueur du CPP, la CPAR a maintenu dans son principe l'ancienne pratique selon laquelle l'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure était forfaitairement majorée de 20% jusqu'à 30 heures d'activité, 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions, sous réserve d'exceptions possibles, pour des documents particulièrement volumineux ou nécessitant un examen poussé, charge à l'avocat d'en justifier. Cette pratique s'explique par un souci de simplification et de rationalisation, l'expérience enseignant qu'un taux de 20% jusqu'à 30 heures de travail dans un même dossier, 10% au-delà, permet de couvrir les prestations n'entrant pas dans les postes de la procédure et répondant à l'exigence de nécessité et d'adéquation.

 

Dans une ordonnance du 3 août 2015 (ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.35 du 3 août 2015 consid. 5.3), le Tribunal pénal fédéral a certes considéré que l'activité déployée avant la saisine de la juridiction d'appel n'entrait pas en considération pour la détermination du taux forfaitaire à appliquer aux diligences prestées en deuxième instance. Cette décision ne tient cependant pas compte de deux éléments. D'une part, la CPAR ne fait que s'inspirer, en les adaptant, faisant de la sorte usage de ses prérogatives de juge, des directives du Service de l'assistance juridique antérieures à l'adoption du CPP, lesquelles n'ont pas force de loi ni de règlement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2014 du 19 août 2014 consid. 3.5). D'autre part, en tout état, la pratique a toujours été de faire masse de toutes les heures consacrées par le même avocat au même dossier, étant rappelé qu'avant l'entrée en vigueur du CPP, la taxation avait lieu à la fin de la procédure cantonale, par le prononcé d'une décision unique. Aussi la CPAR continue-t-elle de tenir compte de l'ensemble de l'activité pour arrêter la majoration forfaitaire à 10 ou 20%, estimant que le fait qu'une décision de taxation intervienne séparément pour l'activité antérieure à sa saisine n'a pas de pertinence, cette circonstance n'ayant aucune influence sur la quantité de travail effectué par l'avocat en deuxième instance.

 

8.3.1 Une brève recherche dans la base de données du pouvoir judiciaire démontre qu'aucun arrêt séparé d'indemnisation n'a été rendu en matière d'assistance juridique pour le compte de C______ dans le cadre de la première procédure d'appel. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur une indemnisation du conseil juridique gratuit, nonobstant la production tardive de la note de frais et honoraires.

 

En l'occurrence, considéré dans sa globalité, le deuxième état de frais produit par Me H______ paraît adéquat et conforme aux principes qui précèdent, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de reprendre le détail des postes qui le composent. Comme la note ne différencie pas ce qui ressort de son activité intervenue pour le compte de C______ ou des autres membres de la famille pour lesquels il est intervenu comme avocat de choix, il est raisonnable de partager le tout en cinq et de comptabiliser les tâches exercées pour le compte de l'AJ à hauteur d'un cinquième. Dans le doute, seul le tarif le plus favorable sera retenu, l'heure et demi d'activité déployée par un stagiaire n'étant pas différenciée.

 

Aussi l'indemnité requise par le conseil juridique gratuit sera-t-elle admise à hauteur de CHF 1'271.90, ce montant correspondant à 5h20 d'activité, y compris la durée de l'audience, au tarif de CHF 200.-/heure [CHF 1'066.65], plus la majoration forfaitaire de 10 % compte tenu du temps consacré en première instance [CHF 106.65] et l'équivalent de la TVA au taux de 8% [CHF 98.60].

 

8.3.2 Pour la troisième note de frais et honoraires, la même adéquation aux principes applicables en matière d'AJ s'impose, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de reprendre le détail des postes qui la composent.

Aussi l'indemnité requise par le défenseur d'office sera-t-elle admise à hauteur de CHF 950.40, ce montant correspondant à 4 heures d'activité, y compris la durée de l'audience, au tarif de CHF 200.-/heure [CHF 800.-], plus la majoration forfaitaire de 10 % comme retenu précédemment [CHF 80.-] et l'équivalent de la TVA au taux de 8% [CHF 70.40].

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Statuant sur le siège :

Reçoit l’appel formé par A______ et les appels joints formés par C______, D______, E______, F______ et G______ contre le jugement JTCR/5/2013 rendu le 20 décembre 2013 par le Tribunal criminel dans la procédure P/1440/2012.

Rejette l'appel formé par A______.

Admet partiellement les appels joints formés par C______, D______, E______, F______ et G______.

Annule le susdit jugement en tant qu'il condamne A______ à verser, à titre
d'indemnité pour tort moral, CHF 45'000.- à C______, CHF 25'000.- à D______ et E______, CHF 15'000.- à G______ et F______, avec intérêts à 5% dès le 28 janvier 2012.

Et, statuant à nouveau :

Condamne A______ à verser, à titre d'indemnité pour tort moral, CHF 60'000.- à C______, CHF 40'000.- à D______, CHF 35'000.- à E______,
CHF 20'000.- à G______ et CHF 20'000.- à F______, avec intérêts à 5% dès le 28 janvier 2012.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Condamne A______ aux 4/5ème des frais de la procédure d'appel, comprenant dans leur totalité un émolument de CHF 6'000.-.

Laisse le solde de ces frais à la charge de l'Etat de Genève.

Statuant le 12 juillet 2016 :

Condamne A______ à verser à D______, E______, F______ et G______ une indemnité de CHF 4'466.65 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de procédure.

Arrête à CHF 2'222.30, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me H______, conseil juridique gratuit de C______.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Communique le présent arrêt, pour information, aux Etablissements de la plaine de l'Orbe, au SAPEM et au Tribunal criminel (Chambre 1).

 

Siégeant :

M. Jacques DELIEUTRAZ, président ; Mme Yvette NICOLET, juge ; M. Giuseppe DONATIELLO, juge suppléant ; Mmes Alexandra HAMDAN et Monika SOMMER, MM. Gregor CHATTON et Georges ZECCHIN, juges assesseurs ; Mme Malorie BUTTLER, greffière-juriste.

 

Le greffier :

Jean-Marc ROULIER

 

Le président :

Jacques DELIEUTRAZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

P/1440/2012

ÉTAT DE FRAIS

AARP/552/2015

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal criminel :

 

Frais de 1ère instance à la charge de A______

CHF

51'873.30

 

 

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

540.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

90.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

6'000.00

Total des frais de la procédure d'appel : (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

6'705.00

 

(Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9. Attention, calculer d'abord le « Total des frais de la procédure d'appel » avant le « Total général (première instance + appel »)

 

 

 

Condamne A______ aux 4/5ème des frais de la procédure d'appel,

laisse le solde à la charge de l'État.