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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/391/2023

JTAPI/167/2025 du 13.02.2025 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ZONE AGRICOLE;REMISE EN L'ÉTAT;OBJET DU LITIGE;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LAT.22; LCI.1; RCI.1; LCI.129; LCI.130; Cst.5.al2; Cst.9
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/391/2023 LCI

JTAPI/167/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 février 2025

 

dans la cause

 

A______ SARL, représentée par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Monsieur B______ (ci-après : le propriétaire) est propriétaire de la parcelle n°1______ de la commune de F______, à l’adresse ______[GE] (ci-après : la parcelle).

Cette parcelle, d’une surface de 11'615 m2 se trouve en zone agricole. Elle comporte des surfaces d’assolement.

2.             A______ Sàrl (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce genevois, depuis le ______ 2014, a notamment pour but la réalisation et l’entretien de jardins publics et privés.

3.             La société est locataire d’une partie de la parcelle.

4.             Par courrier du 16 janvier 2020, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a informé la société qu’il avait été saisi d’une plainte à teneur de laquelle diverses constructions et installations avaient été effectuées sur la parcelle, sans autorisation. Il s’agissait notamment du stationnement de véhicules (J), du stockage de bennes (A et D) et de l’installation de trois containers, avec une utilisation de la parcelle non conforme à la zone agricole (H).

Ces éléments, qui n’avaient pas fait l’objet d’une demande d’autorisation de construire, étaient susceptibles d’être assujettis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Un délai de dix jours (ultérieurement prolongé au 21 février 2021) était accordé à la société pour faire part de ses éventuelles observations, avant que le DT ne se détermine formellement sur la suite à donner à l’affaire.

Ce dossier d’infraction a été enregistré sous le n° I-2______.

5.             Le 21 février 2020, la société a présenté ses observations, sous la plume de son conseil.

Selon le registre foncier, plusieurs bâtiments étaient érigés sur la parcelle, dont des serres et une habitation de deux logements.

La société, qui avait été exploitée jusqu’en 2014 sous une raison individuelle, louait depuis 2011 une petite partie de la parcelle. Elle employait actuellement dix collaborateurs et poursuivait une activité de paysagiste-pépiniériste, avec notamment pour but de cultiver des plantes sur la parcelle afin de les vendre à ses clients.

Elle n’avait réalisé aucune construction fixe ancrée durablement au sol sur cette parcelle, se limitant à y déposer divers éléments mobiles qui lui étaient indispensables à l’exercice de son activité.

S’agissant des éléments répertoriés par le DT sous lettres A, D, J et H, elle s’est déterminée comme suit :

De la benne (A) :

Contrairement à ce que le DT avait retenu, une seule benne se trouvait sur la parcelle. Elle permettait d'entreposer divers matériaux, tels que des gravats issus des aménagements extérieurs effectués chez les clients, des petits cailloux, des pavés usagers et des pierres naturelles, indispensables à l'exploitation de l'entreprise. Ces matériaux n’y étaient entreposés que très temporairement afin de respecter les prescriptions de l'État pour leur évacuation.

La benne était posée à même le sol, sans aucune fixation. Du matériel y était constamment chargé et déchargé et elle était régulièrement déplacée hors de la parcelle pour l’évacuation des déchets.

Du stockage temporaire de deux remorques et du matériel de l’entreprise (D) :

La société disposait de deux remorques mobiles qui n’étaient pas fixées au sol. Elles servaient au transport du matériel indispensable à la réalisation des travaux de jardinage chez les clients, (tondeuse, broyeuse, petit tracteur, brouettes, échelles, outils, taille-haie), ainsi qu’à la livraison d’arbres, de plantes, de terre, de terreau, de pavés et de bordures. Elles étaient également nécessaires au transport, jusqu’aux points de récupération, des déchets générés par les chantiers, de même que pour déplacer des palettes et du matériel, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la parcelle.

« Du dépôt J » :

Divers « dépôts mobiles », tels que des palettes de terreau, des copeaux de bois, du bois de feu, des branches coupées, des palettes de bois vides ou des pots vides, ainsi qu’une petite remorque comportant des outils de jardinage se trouvaient également sur la parcelle. Ils étaient indispensables à l’exercice de l’activité de la société. Il s’agissait essentiellement de matériel et d’articles divers destinés aux clients ou de déchets qui étaient régulièrement transférés aux points de récupération. Ils n’étaient ainsi entreposés que temporairement sur la parcelle et pas toujours aux mêmes emplacements.

Il y avait aussi deux camionnettes qui servaient au transport du matériel et des outils, mais elles n’étaient garées sur la parcelle que le soir et le week-end.

 

« Des dépôts H » :

Il s’agissait de trois containers servant de locaux à la société. Ils n’étaient pas fixés au sol. Seules des dalles avaient été posées à leurs entrées. Ces containers lui étaient indispensables pour y recevoir ses clients et pour l’accomplissement des tâches administratives et organisationnelles. Ils permettaient également aux employés de prendre des pauses à l’abri des intempéries.

Quelques places de parking se trouvaient à proximité de ces containers. La surface utilisée à cet effet, qui avait été couverte de tout-venant, était parfaitement perméable. Ces places de parking se trouvaient sur le domaine privé et elles étaient uniquement utilisées par les clients et quelques collaborateurs de la société. Ses véhicules y étaient également parqués en fin de journée. L’emplacement était totalement vide le soir et les week-ends, dès les heures de fermeture. Tant la société que le propriétaire étaient disposés, cas échéant, à entreprendre les démarches nécessaires, en vue d’une mise en conformité, permettant d’utiliser la partie de la parcelle concernée à des fins de parking privé pour les employés et les clients.

Il apparaissait ainsi que les éléments répertoriés par le DT n’étaient manifestement pas des installations au sens des art. 1 LCI et 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) et qu’ils ne nécessitaient pas la délivrance d’autorisations de construire. Dans cette mesure, aucune remise en état ne pouvait être exigée.

Il convenait enfin de souligner que, sans ces divers dépôts et plus particulièrement les trois containers qui lui servaient de bureau, la société ne serait plus en mesure de poursuivre son activité sur le site en question, étant précisé que ses clients se trouvaient majoritairement dans les communes environnantes. Cela aurait pour conséquence dramatique sa fermeture et le licenciement de ses dix employés, ce qui serait totalement disproportionné.

6.             Par courrier du 14 octobre 2020, la société, sous la plume de son conseil, a sollicité du DT la suspension de la procédure dirigée à son encontre, suite à la décision de geler provisoirement les procédures de mise en conformité dirigées contre les membres de l’association C______ (ci-après : C______), dont elle faisait partie. Des discussions étaient en effet en cours avec divers services du département, en lien avec la problématique des entreprises paysagistes, sises en zone agricole.

7.             Par décision du ______ 2022, adressée à la société, le DT a confirmé que la réalisation des éléments répertoriés dans son courrier du 16 janvier 2020 était soumise à l’obtention d’une autorisation de construire, conformément à l’art. 1 LCI. Cela étant, dans la mesure où la parcelle se trouvait hors de la zone à bâtir, le dépôt d’une telle demande s’avérait superfétatoire.

Les éléments litigieux ne pouvant pas être maintenus en l’état, ordre lui était donné de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de 90 jours, en procédant à :

1.      l’évacuation de la benne (A) ;

2.      l'évacuation des remorques et des divers matériaux (D) ;

3.      l'évacuation de tous les véhicules (J) ;

4.      l'évacuation des trois containers (H) ;

5.      la remise en état du terrain naturel.

Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devait lui parvenir dans le même délai. En cas de non-respect de la présente décision et/ou à défaut de réception des éléments précités dans le délai imparti, elle s’exposait à toutes nouvelles mesures et/ou sanction justifiées par la situation. S'agissant de la sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit, celle-ci ferait l'objet d'une décision à l'issue du traitement du dossier n° I-2______, raison pour laquelle elle restait en l'état réservée.

8.             Par acte du 1er février 2023, la société (ci-après : la recourante) a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce qu’il soit ordonné au DT de suspendre la procédure de mise en conformité.

La recourante a d’abord repris l’historique du dossier, soulignant que la décision litigieuse lui avait été adressée plus de deux ans après ses dernières écritures et près de trois ans après les dernières nouvelles du DT.

Elle a ensuite précisé que la partie de la parcelle en cause n’était pas située en surface d’assolement et que, s’agissant des objets D et de la petite remorque (J), seule une petite couche de gravier avait été mise en place pour éviter la boue en cas de pluie. Le sol demeurait ainsi parfaitement perméable et pouvait rapidement être remis en état de terre végétale. En outre, la benne (A) avait été évacuée et les autres objets qui se trouvaient à son emplacement ne lui appartenaient pas, hormis un tas de bois qui n’y était entreposé que temporairement.

Concernant la problématique des entreprises paysagères, sises en zone agricole, elle a indiqué que l'association D______ (ci-après : l’association) avait été fondée par C______ et E______ pour trouver des solutions durables relatives à l'implantation des entreprises et des artisans paysagers dans le canton de Genève (ci-après : le canton). Elle avait en particulier pour objectif de créer et de mettre en place des centres horticoles écologiques et paysagers autour du centre urbain, tout en réduisant l’impact écologique et en favorisant l'économie circulaire. Par courrier du 9 janvier 2023, l’association avait informé les Conseillers d’État en charge du DT et du département de l’économie et de l’emploi qu’il ressortait des discussions menées avec les acteurs concernés, que la création d’un centre horticole (ci-après : le centre) pour reloger les entreprises paysagères ne serait possible qu’en 2030, au plus tôt. Par conséquent et jusqu’à cette échéance, se posait la question de la survie des entreprises paysagères, sises en zone agricole, compte tenu des procédures engagées à leur encontre par le DT. Dans ce contexte, un moratoire non officiel avait été accordé mais il avait été révoqué en juin 2022. L’association avait toutefois sollicité sa reconduction afin d’éviter la cessation d'activité d'horticulteurs genevois ou leur fuite hors du canton en attendant la création du centre, étant relevé que la disparition de membres de l'association rendrait alors potentiellement ce projet sans objet. Sans réponse à son courrier du 9 janvier 2023, l’association avait adressé une relance aux intéressés le 31 janvier suivant, précisant que la reprise des procédures par le DT, suite à la levée du moratoire, avait rendu la situation très difficile pour ses membres, ce qui n’était pas non plus souhaitable pour le canton qui risquait de voir son tissu économique local dépouillé des métiers qui plaçaient la nature et la terre au centre de leurs priorités et qui généraient bon nombre d’emplois.

Dans l’intervalle, l’associé gérant de la recourante avait été élu au comité de l’association et il faisait partie d’un groupe de travail qui œuvrait à la mise en place du centre. Depuis la suspension de l’instruction de la procédure, il avait cherché à trouver une solution aux aménagements litigieux avec les services compétents.

Pour le surplus, la recourante a repris en substance les arguments développés dans sa détermination du 21 février 2020, considérant que les objets litigieux n’étaient pas soumis à autorisation de construire et que, si par impossible, le tribunal parvenait à la conclusion contraire, il y aurait alors lieu de retenir que l’ordre de remise en état était disproportionné et contraire au principe de la bonne foi.

En effet, si la recourante était empêchée d’entreposer les éléments litigieux sur la parcelle, elle ne pourrait plus poursuivre son activité, pour les motifs déjà exposés. Les conséquences de l’ordre de remise en état sur ses intérêts privés seraient ainsi disproportionnées au regard de l’intérêt public à la séparation des zones à bâtir des zones non constructibles, ce d’autant que les éléments en cause n’avaient que peu d’impact sur la parcelle, dès lors qu’ils n’étaient pas fixés au sol et qu’ils pouvaient être déplacés très rapidement.

Par ailleurs, compte tenu de ses écritures du 21 février 2020 et du silence de l’administration durant près de trois ans, suite aux dernières nouvelles du DT, la recourante pouvait de bonne foi considérer que ce dernier avait accepté sa demande de suspension de la procédure du 14 octobre 2020 − à laquelle il n’avait d’ailleurs pas répondu − et, qu’acceptant ses explications, il avait considéré que de tels aménagements pouvaient être tolérés, à tout le moins jusqu'à la création du centre, en 2030.

Partant, même à admettre que les objets litigieux seraient soumis à autorisation de construire − ce qu’elle contestait − les conditions d’une remise en état ne seraient de toute façon pas remplies.

La recourante a produit diverses pièces à l’appui de son recours.

9.             Par décision DITAI/180/2023 du 24 avril 2023, le tribunal a prononcé la suspension de l’instruction du recours, d’accord entre les parties.

10.         Par courrier du 16 mai 2024, le tribunal, faisant suite à la demande du DT du 8 mai 2024, l’a informé de la reprise de l’instruction de la procédure, lui impartissant un délai au 17 juin 2024 (ultérieurement prolongé au 21 juin suivant) pour transmettre ses observations.

11.         Par courrier du même jour, le tribunal a informé la recourante qu’il refusait de faire droit à sa demande du 16 mai 2024, tendant à une nouvelle suspension de l’instruction de la procédure.

12.         Dans ses observations du 21 juin 2024, le DT a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours, s’en remettant à justice quant à sa recevabilité.

La recourante avait allégué que la benne avait été évacuée, sans le prouver, alors que le fardeau de la preuve lui en incombait. Cette constatation valait également s’agissant du stationnement des véhicules (J). À cet égard, la recourante qui alléguait que l’objet répertorié sous lettre J correspondait, non pas à un lieu de stationnement de véhicules, mais à un un dépôt constitué de palettes de terreau, de copeaux de bois, de bois de feu, de branches coupées et d'une remorque mobile avec outils de jardinage, avait échoué à en apporter la preuve.

En tout état, l'entreposage de tels objets, qui avaient un impact sur le site et, donc, sur la zone agricole, n’échappait pas à l’obligation d'obtenir une autorisation de construire, en application de la jurisprudence.

Par ailleurs, la benne (A), les remorques (D), le stationnement des véhicules (J), ainsi que les trois containers (H) correspondaient indiscutablement à des constructions ou des installations au sens de l’art. 22 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), comme définis par la jurisprudence. Il s’agissait en effet de créations de la main de l'homme, excluant toute modification naturelle du terrain. De plus, la recourante ne pouvait valablement soutenir que ces objets n’avaient pas un caractère durable car elle admettait elle-même qu’elle se livrait à une activité de paysagisme sur la parcelle, tout en indiquant que ces objets étaient indispensables à l'exploitation de son entreprise. Ainsi, même si ces objets n’étaient pas fixés au sol, il n’en demeurait pas moins qu’ils répondaient clairement à la notion jurisprudentielle de « constructions installées pour un temps non négligeable, en un lieu fixe ».

Le critère de l'incidence sur l'affectation du sol était aussi manifestement réalisé. Toutes les installations en cause avaient un impact visuel sur le paysage et un effet indéniable sur l'environnement au sens large. Le recouvrement de la surface des places de stationnement par du gravier, ainsi que l'implantation de la benne, des remorques et des trois containers remplaçaient la terre cultivable et avaient un impact important sur l'environnement.

Ces aménagements litigieux constituaient ainsi des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT et nécessitaient l'obtention d'une autorisation de construire au sens de cette disposition et de l'art. 1 LCI.

Par conséquent, l’ordre de remise en état était justifié.

À cet égard, si le DT n’était pas indifférent au fait que les installations litigieuses étaient nécessaires à l’activité exercée par la recourante, il n'en demeurait pas moins qu’il ressortait d’une jurisprudence rendue dans un cas similaire, que les intérêts publics au respect du principe de la séparation du bâti et du non-bâti, de la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole, ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi l’emportaient largement sur l'intérêt privé de la recourante à conserver des aménagements litigieux, quand bien même ils étaient importants pour l’exercice de son activité.

De plus, s’agissant de constructions et d’installations légères pouvant être facilement démolies et évacuées, l'ordre de remise en état paraissait parfaitement proportionné.

Par ailleurs, compte tenu de la doctrine et de jurisprudence en la matière, la recourante ne pouvait déduire, des trois années qu’avait duré l’instruction du dossier, une tolérance à l’égard des installations litigieuses ou une violation du principe de la bonne foi. Le DT n’avait en effet pas fait preuve d’une tolérance « active » durant une période prolongée de l’ordre d’une dizaine d’années. Le fait que le DT ait rendu la décision litigieuse près de deux ans après avoir obtenu les déterminations de la recourante ne signifiait nullement qu’il tolérait les objets en cause ni qu’il avait renoncé à agir, étant rappelé qu’il avait interpellé la recourante, dès réception de la plainte.

13.         Le 5 août 2024, dans le respect du délai prolongé par le tribunal, la recourante a répliqué, sous la plume de son conseil, persistant dans son argumentation et ses conclusions.

Les aménagements litigieux qui se trouvaient sur la parcelle servaient directement à l’exercice de son activité de pépiniériste-paysagiste qui l'obligeait à se déplacer fréquemment auprès de sa clientèle, tout en disposant d'un système d'entreposage efficace dédié à l'entretien et à la culture des plantes.

Il ressortait du reportage photographique annexé que la benne (A) avait été évacuée et que le propriétaire avait installé des ruches à l’emplacement en question.

L’absence de véhicules stationnés (J) pouvait également être constatée. Le dépôt était uniquement constitué d'une benne de taille moyenne, regroupant des déchets verts, et de divers matériaux utilisés pour l'activité déployée (palettes de terreaux, copeaux de bois, bois de feu). Les branches coupées étaient désormais directement déposées dans la benne, avant d'être vidée sur le site de récupération. Le choix de son emplacement, sur une bande de roulement, permettait à la recourante de maintenir la viabilité économique de son exploitation, de regrouper les trajets et les déchets, tout en réduisant considérablement les nuisances pour le voisinage que provoqueraient le transport quotidien en déchetterie. Ces éléments mobiles n’étaient ni stockés de « manière stationnaire » ni durablement fixés au sol. Ils étaient au contraire déplacés quotidiennement sur la parcelle ou transportés sur les chantiers en cours.

Contrairement aux éléments dont il était question dans la jurisprudence citée par le DT, les objets précités étaient constitués de matériaux organiques, issus principalement de la décomposition de végétaux, qui ne portaient pas atteinte à l'affectation du sol.

Concernant la petite remorque mobile, elle se trouvait désormais à l'emplacement des divers matériaux (objet D) et servait avant tout au transport des outils de plantation. Quant aux deux remorques (objet D), elles étaient constamment attelées à l'un des véhicules de l'entreprise et stationnées uniquement pour le déchargement des outils. Compte tenu de la fréquence des déplacements et de leur emplacement sur la parcelle, soit près de la route, elles ne pouvaient pas être considérées comme des installations fixes, faute de « lien spatial étroit avec la parcelle ».

Les trois containers (objet H) étaient des éléments centraux indispensables à l'activité déployée par la recourante, d'un point de vue logistique, organisationnel et administratif. Cela étant, afin de se conformer à l’ordre de remise en état, la recourante les avaient mis en vente. Elle ne comptait toutefois pas s’en séparer par tous les moyens et à vil prix. Partant, si l’ordre de remise en état devait être confirmé, il conviendrait alors de lui accorder un délai raisonnable afin qu’elle puisse les vendre à un prix correct.

Seuls les remorques (D) et les divers matériaux précités (J) demeuraient désormais litigieux. Or, ils ne pouvaient pas être qualifiés de constructions ou d’installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT, dès lors qu’ils n’exerçaient aucune incidence sur l'affectation du sol et n’en affectait pas sa fertilité. La recourante mettait simplement à profit le terrain pour développer la culture horticole dans le cadre de son activité. Il convenait également de rappeler que tous les objets litigieux étaient localisés en dehors des surfaces d’assolement. Ils ne remettaient pas en cause les caractéristiques de la parcelle objectivement apte à l'agriculture et leur mise en conformité ne conduirait de toute évidence pas au retour de la parcelle à un usage agricole. Ces objets n’étaient ainsi pas des installations susceptibles d’affecter le sol et ils n’étaient pas soumis à l’obligation de requérir une autorisation de construire.

Par ailleurs, depuis 2012, divers dépôts mobiles non fixés au sol étaient entreposés sur la partie louée de la parcelle sans que cela n’ait été relevé par le DT. Auparavant, le propriétaire de la parcelle, lui-même paysagiste, y avait aménagé certains dépôts que la recourante avait repris. Il ressortait d’ailleurs des images aériennes du système d'information du territoire à Genève (ci-après : SITG), que plusieurs emplacements extérieurs directement liés à l'activité déployée se trouvaient sur la parcelle depuis 1960.

En outre, le DT était au courant de la problématique à laquelle les entreprises de pépiniériste-paysagiste était confrontée. Il avait en effet toujours été difficile de trouver des surfaces de taille suffisante pour exploiter une pépinière hors de la zone agricole à Genève et il était économiquement impossible de relocaliser celle-ci en zone industrielle. Les faibles marges bénéficiaires ne permettaient en effet pas de couvrir les coûts élevés des parcelles dans cette zone.

La recourante avait entrepris toutes les démarches possibles auprès des services compétents pour trouver une solution. Elle s’était également adressée à diverses associations et communes afin de relocaliser son activité, toutefois en vain.

Pour sa part, le DT avait adopté un comportement contradictoire en accordant un moratoire puis en le révoquant, alors que la situation des entreprises concernées demeurait délicate. Ces circonstances renforçaient le caractère totalement injustifié et disproportionné de la décision querellée qui avait été rendue quelques mois seulement après la fin du moratoire.

Or, compte tenu de l'absence d'intérêt public à une suppression rapide des aménagements litigieux et de l'intérêt évident à maintenir à Genève une activité de pépiniériste-paysagiste, le DT aurait, à tout le moins, dû accorder un délai raisonnable à la recourante pour se relocaliser, ce qui aurait permis de facto de rétablir une situation conforme à la zone agricole.

Enfin, l’intérêt public que le DT tentait de faire primer devait être relativisée car la parcelle, qui se trouvait certes en zone agricole, se situait à quelques mètres de la zone villa adjacente. Dans cette mesure et en attendant que la recourante puisse se relocaliser, l’intérêt public à la destruction des aménagements litigieux ne pouvait l’emporter sur son intérêt privé à poursuivre son activité.

Il apparaissait ainsi que le DT n’avait pas respecté le sous-principe de la nécessité et qu’il avait créé des attentes chez la recourante.

14.         Le DT a dupliqué le 21 août 2024, persistant dans ses conclusions.

Il prenait bonne note du fait que les objets A et J avaient été évacués. Sous l’angle de la proportionnalité de l’ordre de remise en état, un intérêt purement économique ne l’emportait pas sur le rétablissement d’une situation conforme au droit et les intérêts publics, dont il avait fait état dans ses observations, primaient largement sur l'intérêt privé de la recourante à conserver les objets litigieux, quand bien même ils étaient importants pour le fonctionnement de son entreprise.

Enfin, il était difficile de comprendre en quoi les circonstances évoquées par la recourante, en lien avec le moratoire, constituaient une violation du principe de la bonne foi. Il n’y avait d’ailleurs aucune contradiction entre le fait de suspendre pour une durée relativement limitée des procédures de mise en conformité − initiées avant la mise en place du moratoire − puis de les reprendre ensuite, faute de solution.

15.         Le détail des écritures et des pièces des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1400/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si une recourante ou un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/247/2022 du 8 mars 2020 consid. 2b ; ATA/355/2019 du 2 avril 2019 consid. 2b).

5.             En l’espèce, le recours est dirigé contre la décision du DT du ______ 2022 ordonnant à la recourante de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de 90 jours, en procédant à l’évacuation des objets A, D, H et J et en remettant en état le terrain naturel.

Cela étant, il ressort du dossier que, suite aux explications et aux pièces fournies par la recourante dans le cadre de sa réplique du 5 août 2024, le DT a pris bonne note dans sa duplique du 21 août 2024 du fait que les objets A et J avaient été évacués. Il appert également que la recourante a mis en vente les objets H. Dans ces circonstances, l’examen du tribunal ne portera que sur les objets D et J qui seuls demeurent litigieux.

Il sera encore relevé que l’objet du litige ne porte ainsi pas sur l’appréciation de l’activité déployée par la recourante sur la parcelle, sous l’angle de sa conformité avec la zone agricole, faute de demande d’autorisation de construire en ce sens (ATA/519/2022 du 17 mai 2022 consid. 2). Il convient de préciser à cet égard que le fait que le DT ait considéré le dépôt d’une demande d’autorisation de construire régularisatrice comme superfétatoire - position qui ne constitue pas une décision - n’interdisait nullement la recourante de déposer une telle demande (cf. JTAPI/1239/2023 du 8 novembre 2023 consid. 11).

6.             À teneur de l’art. 22 al. 1 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

7.             L’art. 1 al. 1 LCI prévoit que, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b), démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c), modifier la configuration du terrain (let. d), aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voie publique (let. e).

8.             Selon l’art. 1 al. 1 RCI, sont réputées constructions ou installations (ci-après : constructions) toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment, les maisons destinées à l’habitation, au commerce, à l’industrie ou à l’agriculture (let. a), les murs, clôtures, portails, poulaillers, clapiers, chenils (let. b), les garages et ateliers de réparations, les entrepôts, les dépôts de tous genres (let. c). Les « dépôts de tous genre » figurent ainsi expressément dans cette liste exemplative.

9.             Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; ATF 123 II 256 consid. 3). La procédure d'autorisation doit permettre à l'autorité de contrôler, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et aux diverses réglementations applicables. Pour déterminer si l'aménagement prévu est soumis à cette procédure, il faut évaluer si, en général, d'après le cours ordinaire des choses, cet aménagement entraînera des conséquences telles qu'il existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un contrôle préalable (ATF 139 II 134 consid. 5.2 ; 123 II 256 consid. 3 ; 119 Ib 222 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_50/2020 du 8 octobre 2020 consid. 6.1).

L'exigence de la relation fixe avec le sol n'exclut pas la prise en compte de constructions mobilières, non ancrées de manière durable au sol et qui sont, cas échéant, facilement démontables (cf. ATA/208/2021 du 23 février 2021 consid. 5). Le fait qu'un élément ait un caractère mobilier ou puisse être facilement enlevé ou déplacé n'est pas relevant. En effet, le Tribunal administratif a considéré que des bacs à fleurs, amovibles et emboîtés les uns dans les autres de manière à former un muret continu, représentaient « une barrière architecturale » modifiant sensiblement la configuration des lieux, pour laquelle un permis de construire était nécessaire (ATA E. du 28 août 1991). Le Tribunal fédéral, dans son arrêt 1P.663/1991 du 17 février 1992, consid. 2c, a estimé que cette solution n’était pas arbitraire.

10.         La qualité d’installation au sens de l'art. 22 al. 1 LAT a par exemple été reconnue à un paddock, son chemin d'accès et sa barrière, un marcheur à chevaux, de même qu'un abri en bois pour ces derniers (ATA/161/2021 du 9 février 2021), à une piscine hors-sol (ATA/610/2017 du 30 mai 2017 consid. 6c), à un entreposage de voitures (ATA/1128/2020 du 23 janvier 2021 consid. 9 ; ATA/690/1999 du 23 novembre 1999 consid. 7 ; ATA D. du 7 septembre 1999) ou de matériel d’une entreprise de maçonnerie (ATA T. du 27 avril 1999). Un entreposage massif de voitures en zone villas a été considéré comme sujet à autorisation et contraire à la destination de la zone et la remise en état confirmée (ATA/208/2021 du 23 février 2021 consid. 11). La jurisprudence a par ailleurs soumis à autorisation trois pyramides métalliques de couleur rouille, de 3,68 m de largeur à la base et 2,76 m de hauteur, destinées à orner un alpage et sous lesquels les cendres des défunts pouvaient être répandues celles-ci ayant été considérées comme ayant un impact esthétique sur le paysage (ATF 119 Ib 444 consid. 3b) ; quatre panneaux solaires de 4 m2 à flanc de montagne (ZBI 1988 p. 333) ; des statues de chevaux éclairées la nuit dans une allée d’une propriété privée, mais située en zone de protection (arrêt du Tribunal fédéral 1C_529/2012 du 29 janvier 2013). Pour les impacts sur l’environnement, une place d’atterrissage pour planeurs, même sommairement aménagée (ATF 119 Ib 222), et des installations d’éclairage d’une montagne (ATF 123 II 256), sont soumis à autorisation.

Dans le cadre d’un recours interjeté par une société exerçant une activité de pépiniériste-paysagiste, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a jugé que les aménagements réalisés par la recourante sur sa parcelle, sise en zone agricole, soit des bureaux créés dans un ancien hangar, un parking visiteurs, une serre, ainsi que divers matériaux en dépôt étaient des constructions/installations nécessitant une autorisation au sens des art. 22 al. 1 LAT et 1 LCI (ATA/519/2022 du 17 mai 2022 consid. 3d).

En outre, le Tribunal fédéral a confirmé qu’étaient soumis à autorisation des serres-tunnels, une cour, des parkings et un chemin litigieux, relevant qu’il importait peu, s’agissant des trois derniers, que le revêtement soit semi-perméable. En effet, de tels aménagements modifiaient sensiblement l'espace extérieur et tombaient par conséquent dans la notion de construction ou d'installation telle que prévue à l'art. 22 al. 1 LAT (arrêt du Tribunal fédéral 1C_112//2023 du 15 décembre 2023 consid. 2.2). Il en a fait de même concernant des clôtures et barrières hors la zone à bâtir (arrêt du Tribunal fédéral 1C_535/2021 du 14 avril 2023 consid. 2.4).

La haute cour a également confirmé que la place de dépôt, sise sur une parcelle en zone agricole, conçue et exploitée depuis plusieurs années par un jardinier-paysagiste dans le cadre des activités de son entreprise, afin de lui permettre l'entreposage de différents matériaux et déchets ainsi que le traitement ou la transformation de certains déchets (broyage de branches coupées, utilisées ensuite par des tiers), devait être qualifiée d'installation au sens de l'art. 22 al. 1 LAT. Il a relevé que l'entreprise du recourant n'était à l'évidence pas une entreprise agricole, que l'entreposage et le traitement de matériaux ou de déchets sur la parcelle litigieuse n'était manifestement pas une activité agricole et que l’usage des déchets végétaux transformés sur place, qui étaient ensuite épandus par des agriculteurs sur des terrains cultivés, importait peu de ce point de vue. (arrêt du Tribunal fédéral 1A.133/2004 du 22 septembre 2004 consid. 2).

11.         En l’espèce, à teneur des principes et de la jurisprudence précitées, force est de constater que les objets qui demeurent sur la parcelle, soit la benne de taille moyenne regroupant les déchets verts, ainsi que les matériaux divers (palettes de terreaux, copeaux de bois, bois de feu) (J), de même que les trois remorques (D) sont des installations au sens des art. 22 al. 1 LAT, 1 LCI. En effet, ces choses mobilières, bien qu'elles puissent être facilement enlevées ou déplacées dès lors qu'elles ne sont pas fixées au sol, ont néanmoins un caractère durable dès lors que la recourante a, à réitérées reprises admis dans ses écritures, qu'elles sont indispensables à son activité. Le fait qu'elles n'auraient pas rendu le sol imperméable est insuffisant à remettre en cause leur caractère durable. Il s'en suit que ces objets nécessitent ainsi une autorisation de construire en application des dispositions légales précitées.

Dès lors qu'il est établi et, au demeurant non contesté, que ces objets n’ont pas été autorisés, leur présence sur la parcelle est illicite.

12.         Reste à déterminer si c’est à bon droit que le DT a ordonné leur évacuation et la remise en état du terrain naturel.

13.         Lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le DT peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI).

14.         De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, il doit être dirigé contre le perturbateur. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit par ailleurs pas s’être écoulé depuis l’exécution des travaux litigieux ; les constructions illégales hors de la zone à bâtir ne bénéficient cependant pas de ce délai de péremption (ATF 147 II 309 consid. 5.7). L’autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l’administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu’elle serait liée par la bonne foi. En particulier, les installations litigieuses ne doivent pas avoir été tolérées par l’autorité d’une façon qui serait constitutive d’une autorisation tacite ou d’une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées. Finalement, l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit doit l’emporter sur l’intérêt privé de l’intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/701/2023 du 27juin 2023 consid. 3.3 ; ATA/1134/2022 du 8 novembre 2022 consid. 11b).

15. Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (cf. Message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 2010 964 ch. 1.2.1 et 973 ch. 2.1; arrêt 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1 et les références citées). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte (ATF 132 II 21 consid. 6.4 p. 40; arrêt 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c publié in ZBl 2002 p. 364). Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé (arrêt 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1), alors que celui qui place l’autorité devant un fait accompli doit au contraire s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1). S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (cf. ATF 132 II 21 consid. 6.4 p. 40; 111 Ib 213 consid. 6b p. 225; arrêt 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c in ZBl 2002 p. 364) ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 6.1 ; 1C_276/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.3). À cet égard, l’absence de vocation agricole et la proximité d’habitations ne sont pas déterminantes (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3 ; ATA/290/ 2016 du 5 avril 2016 consid. 7a ; ATA/1190/2015 du 3 novembre 2015 consid. 4b).

S’il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d’un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1 ; 1C_469/2019 consid. 5.5 et 5.6).

16.         L’art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d’appréciation à l’autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l’égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/355/2024 du 12 mars 2024 consid. 3.5). Elle peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l’intérêt public lésé n’est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l’ouvrage (sachant que son intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit [arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2]), si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s’il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (cf. ATF 132 II 21 consid. 6 ; ATF 123 II 248 consid. 3a/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1 ; ATA/258/2024 du 27 février 2024 consid. 6.3).

17.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

De manière générale dans l’examen de la proportionnalité, les intérêts des propriétaires sont, à juste titre, mis en retrait par rapport à l’importance de préserver la zone agricole d’installations qui n’y ont pas leur place. Concernant le canton de Genève, « s’agissant de constructions édifiées dans la zone agricole dans un canton déjà fortement urbanisé où les problèmes relatifs à l’aménagement du territoire revêtent une importance particulière, l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit l’emporte sur celui, privé, du recourant à l’exploitation de son entreprise sur le site litigieux » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_446/2010 du 18 avril 2011 consid. 5.1.1 et les références citées ; ATA/68/2013 du 6 février 2013).

Sous l’angle de la proportionnalité, on peut prendre en compte le fait que les frais de démolition et de remise en état des lieux engendreraient des charges excessives que l’intéressé ne serait pas en mesure de prendre en charge (arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.4 ; 1C_537/2011 du 26 avril 2012). Néanmoins, un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2). Donner de l’importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C’est pourquoi il n’est habituellement pas accordé de poids particulier à l’aspect financier de la remise en état (Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

Le Tribunal fédéral est particulièrement strict en zone agricole et a ainsi confirmé les ordres de démolition ou d’enlèvement des constructions ou installations suivantes érigées sans autorisation : une palissade en bois, un mobil home, un chalet, un sous-sol, des containers utilisés pour loger des employés d’une exploitation agricole, un appentis de 12,54 m2 et un cabanon de jardin de 10,29 m2 (arrêt du tribunal fédéral 1C_482/2017 du 26 février 2018), un paddock et un abri pour chevaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_589/2017 du 16 novembre 2018). Dans un arrêt plus récent, il a retenu qu’une clôture destinée à protéger les lieux des animaux sauvages ou d’intrus n’était pas conforme à la zone agricole, de sorte qu’elle devait être évacuée. La proportionnalité d’une telle mesure a en outre été confirmée (arrêt du Tribunal fédéral 1C 535/2021 du 14 avril 2023 consid. 2.4 et 3.2).

18.         Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_104/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.1 ; Luc GONIN, Droit constitutionnel suisse, 2021, p. 624 n. 2023). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que : l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées ; qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences ; que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu ; qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice ; que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1 ; 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 5.1 ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 4ème éd., 2021, p. 645 n. 1297 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 206 n. 578).

Dans le cadre de la jurisprudence relative aux comportements contradictoires de l'administration, autre aspect du principe de la bonne foi, le respect des règles de la bonne foi par l'administration doit être examiné selon des critères objectifs, indépendamment de la personne des agents en cause; aussi l'administration peut-elle être rendue responsable d'un comportement contradictoire, même si celui-ci est dû à des personnes différentes, au besoin à l'insu des unes et des autres (ATF 121 I 181 consid. 2a; arrêt 1C_50/2020 du 8 octobre 2020 consid. 8.1.2).

19. De jurisprudence constante, les mesures nécessaires à éliminer une situation contraire au droit doivent être dirigées contre le perturbateur (ATA/432/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c ; ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 consid. 8c), à savoir celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d’un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l’objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation ; ATF 122 II 65 consid. 6a et les références cités). Le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, mais il peut également s’agir du locataire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATF 114 Ib 44 consid. 2c/aa ; ATA/1299/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7e).

20. En l’espèce, c’est à bon droit que le DT a adressé la décision querellée à la recourante, ce qui n’est pas contesté. En effet, en tant que locataire de la partie de la parcelle où se situent les objets litigieux qu’elle entrepose, la recourante est perturbatrice par situation et par comportement.

En outre, les objets visés par l’ordre de remise en état n’ont pas été autorisés, alors qu’ils sont soumis à autorisation de construire, tel que cela ressort des considérants qui précèdent.

Par ailleurs, il ne peut être reproché au DT d’avoir adopté une attitude propre à tromper la recourante ni à lui laisser penser qu’il tolérait les objets litigieux. Le fait qu’il ait attendu deux ans après la remise des déterminations du 14 octobre 2020 pour prononcer la décision querellée ne signifie pas, à teneur de la jurisprudence susmentionnée, qu’il les ait tolérés d’une façon qui serait constitutive d’une autorisation tacite ou d’une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées. La recourante a d’ailleurs bénéficié de facto de la suspension de la procédure dirigée à son encontre durant les discussions entreprises par les parties pour tenter de trouver une solution. Cela étant, le DT n’a donné aucune assurance ou indication à la recourante quant à l’issue de ces discussions et cette dernière n’a pris, sur la base du comportement de l’autorité intimée, aucune disposition concrète à laquelle elle ne pourrait renoncer sans subir de préjudice.

Dans ces conditions, le grief de violation du principe de la bonne foi doit être écarté.

En outre, l’intérêt privé de la recourante au maintien des objets litigieux non autorisés, qu’elle considère indispensable à la poursuite de son activité, est certes important. Il doit néanmoins céder le pas sur l’un intérêt public certain, de rang constitutionnel, à la préservation de la zone agricole et à la séparation entre espace bâti et non-bâti, outre l’intérêt à limiter le nombre et les dimensions des constructions en zone agricole ainsi que le respect du principe de l’égalité devant la loi, au respect des règles de droit public des constructions. L’intérêt à préserver ladite zone doit ainsi primer sur l’intérêt purement économique de la recourante. De plus, cette dernière ne saurait se prévaloir d’une situation créée sans autorisation pour s’opposer à la remise en état, étant rappelé, qu’en mettant le département devant le fait accompli, elle devait s’attendre à ce que ce dernier se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour elle (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/543/2022 du 24 mai 2022 consid. 4c ; Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites », in Jean-Baptiste ZUFFEREY [éd.], Journées suisses du droit de la construction 2019, p. 218)). Au surplus, le fait que les paysagistes ne disposeraient pas de terrain pour exercer leur activité ne saurait justifier une violation de la législation en vigueur.

Enfin, il n’existe aucune mesure moins incisive que la remise en état pour rétablir une situation conforme au droit et à l’intérêt public au respect de la zone agricole, dans laquelle il convient de se montrer strict. Il s’agit d’une mesure adéquate et apte à atteindre le but visé, étant rappelé que l’absence de vocation agricole de la parcelle et sa proximité avec la zone villa ne sont pas déterminantes, conformément à la jurisprudence.

Au surplus, la suppression des dépôts qui subsistent encore n'est pas une tâche particulièrement compliquée, comme la recourante l’indique elle-même, ni coûteuse. Il s'ensuit que le principe de la proportionnalité n'a manifestement pas été violé (cf. ATF 123 II 248 consid. 4 p. 255; 111 Ib 213 consid. 6b p. 224).

21.         Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

22.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2023 par A______ Sàrl contre la décision du département du territoire du ______ 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais de CHF 900.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Laetitia MEIER DROZ, présidente, Damien BLANC et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière