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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3230/2024

JTAPI/981/2024 du 03.10.2024 ( MC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3230/2024 MC

JTAPI/981/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 4 octobre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2000, est originaire d'Albanie.

2.             Il a été condamné par le Tribunal de police de Genève, le 20 octobre 2021, à une peine privative de liberté de 24 mois, avec sursis, délai d'épreuve 3 ans, pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Il a également fait l'objet d'une expulsion de Suisse d'une durée de cinq ans - mesure que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter.

3.             M. A______ a été refoulé dans son pays d'origine le 23 octobre 2021.

4.             Revenu sur le territoire helvétique en dépit de la mesure d'expulsion prononcée à son encontre, M. A______ a été interpellé par les forces de l'ordre le 2 octobre 2024, à Genève. Entendu par la police, il a notamment déclaré n'avoir aucune résidence ni lien particulier avec la Suisse. S'agissant de ses moyens de subsistance, il avait des économies de CHF 359.50.- et EUR 501.70.-, sommes saisies lors de son interpellation car considérées comme étant d'origine douteuse.

5.             Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public de Genève a condamné M. A______ pour rupture de ban (art. 291 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), à une peine privative de liberté de 180 jours.

6.             La Brigade Migration et Retour a immédiatement procédé à la réservation, en faveur de l'intéressé, d'une place sur un vol à destination de Tirana, place confirmée pour le 8 octobre 2024, à 13h10 au départ de Genève.

7.             Le 2 octobre 2024, à 16h345, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. c, g et h LEI.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son retour en Albanie. Il était en outre d’accord « à ce que le Tribunal administratif de première instance [ci‑après : le tribunal] renonce à la procédure orale », après que le commissaire de police avait attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 16h20.

8.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour, par courriel, à 17h04.

9.             A réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______ désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 3 octobre 2024 à 14h00.

10.         Par courrier adressé par télécopie au tribunal le 3 octobre 2024, dans le délai imparti, le conseil de M. A______ a conclu à la mise en détention administrative de son client pour une durée de deux semaines, une durée de trois semaines violant le principe de la proportionnalité.

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.

3.             Le tribunal statue ce jour dans le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le ______, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées).

4.             Toutefois, selon l’art. 80 al. 3 LEI, l’autorité judiciaire peut renoncer à la procédure orale lorsque le renvoi pourra vraisemblablement avoir lieu dans les huit jours suivant l’ordre de détention et si la personne concernée a donné son consentement écrit, étant précisé que si le renvoi ne peut être exécuté dans ce délai, la procédure orale a lieu au plus tard douze jours après l’ordre de détention.

Le message du Conseil fédéral relatif à cette disposition précise : « Dans la pratique, il s’avère de manière générale que la procédure en vue du prononcé d’une détention du droit en matière d’étrangers prend beaucoup de temps pour les autorités. C’est pour cette raison que l’alinéa 3 prévoit nouvellement que l’autorité peut renoncer à une procédure orale devant le juge de la détention lorsque le renvoi a lieu à bref délai et que la personne concernée a donné son accord écrit. Cependant, il faut lui accorder le droit d’être entendue. Dans ce cas, l’examen de la détention a lieu par écrit sur la base du dossier. S’il s’avère par la suite que le renvoi planifié ne peut pas être exécuté dans le délai prévu, la procédure orale doit avoir lieu après coup. Ainsi, un examen judiciaire complet est garanti » (FF 2002 3469, p. 3573).

Ainsi, s’il est possible de renoncer initialement à la procédure orale dans les conditions prévues par l’art. 80 al. 3 LEI, le tribunal reste néanmoins tenu d’examiner la légalité et l’adéquation de la détention au terme d’une procédure écrite.

5.             En l’espèce, tout porte à croire que le renvoi pourra avoir lieu dans le délai de huit jours précité, puisqu'un vol a d'ores et déjà été réservé pour le 8 octobre 2024.

Par ailleurs, M. A______ a donné par écrit son consentement à ce que le tribunal statue sur son sort sans l’entendre oralement.

Le tribunal se prononce donc sur la base du dossier du commissaire de police et après avoir donné la possibilité à M. A______, sous la plume de son conseil, de déposer des observations écrites.

6.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

7.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

8.             L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art 75 al. 1 let. h de cette même loi, dispose qu'une mesure de détention administrative peut être ordonnée si une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée à l'intéressé, que celui-ci n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement et a été condamné pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4).

9.             À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement. Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/615/2022 du 9 juin 2022 consid. 2a ; ATA/730/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4 ; ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4).

10.         Enfin, une mise en détention administrative est aussi envisageable si des éléments concrets font craindre que la personne entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l'art. 90 LEI (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI), ou encore si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

11.         Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

12.         Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

13.         Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

14.         En l'espèce, M. A______ ne dispose d’aucun statut légal en Suisse et a fait l’objet d’une mesure d’expulsion judiciaire prononcée 20 octobre 2012, pour une durée de cinq ans. Il a par ailleurs été condamné pénalement pour un crime au sens de l’art. 10 al. 2 CP. Il existe ainsi un intérêt public évident à l’éloignement de Suisse de M. A______, condamné pour un crime et revenu en Suisse au mépris de la décision d’expulsion prononcée à son encontre. Sans domicile fixe ni source de revenu légal, son comportement dénote un mépris total de l’ordre juridique suisse et des décisions prises à son encontre. Il existe ainsi des éléments faisant craindre qu'il se soustraie à son renvoi en Albanie et disparaisse dans la clandestinité s’il était remis en liberté, de sorte que toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devra monter dans l’avion devant le reconduire dans son pays d’origine.

15.         Les conditions de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 LEI cum 75 al. 1 let. c et h LEI sont ainsi réalisées.

16.         Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a ; ATA/1367/2020 du 24 décembre 2020 consid. 7 et les références citées).

17.         En l'espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a immédiatement procédé à la réservation d'une place sur un vol de ligne pour permettre le renvoi de M. A______ dans son pays d'origine, lequel pourra avoir lieu le 8 octobre 2024 déjà.

18.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

19.         En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

20.         En l’espèce, la durée de la détention de M. A______ respecte le principe de la proportionnalité étant rappelé qu’elle prendra fin rapidement s’il prend le vol qui lui a été réservé pour le 8 octobre 2024. Dans le cas contraire, elle permettra à l’autorité d’entreprendre de nouvelles démarches pour exécuter le renvoi de l’intéressé et/ou solliciter la prolongation de la détention administrative.

21.         Partant, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines.

22.         Cela étant, il sera souligné que si le renvoi n'a pas eu lieu dans le délai de huit jours suivant l'ordre de détention, M. A______ sera entendu par le tribunal au plus tard douze jours après l'ordre de détention (art. 80 al. 3 LEI). Dans cette perspective, il appartiendra au commissaire de police de faire savoir au tribunal, le 8 octobre 2024 au plus tard, si l'exécution du renvoi s'est concrétisée ou non.

23.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 2 octobre 2024 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 22 octobre 2024 ;

2.             invite le commissaire de police à faire savoir au tribunal le 8 octobre 2024 au plus tard si l’exécution du renvoi a eu lieu ou non ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

 

 

 

Genève, le 3 octobre 2024

 

Le greffier