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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/265/2024

JTAPI/65/2024 du 26.01.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;ÉTAT DE SANTÉ
Normes : LEI.75.al1.letb; LEI.76.al1.letb; LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.76.al1.letb.ch4; LEI.80.al6.leta; LEI.83.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/265/2024 MC

JTAPI/65/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 janvier 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Audrey EIGENMANN, avocate

 

contre



COMMISSAIRE DE POLICE


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1962, est originaire de Tunisie.

2.             Le 16 octobre 2102, l'intéressé a été interpellé au ______[GE] par les services de police genevois alors qu'il était en possession d'une dose d'héroïne. A la police, il a expliqué avoir quitté la Tunisie il y a très longtemps pour venir en Europe et être entré illégalement en Suisse trois jours plus tôt. Il était démuni de papiers d'identité et souhaitait demander l'asile en Suisse. Il était consommateur d'héroïne depuis de nombreuses années.

3.             Le 16 juin 2013, M. A______ a déposé une demande d'asile en Suisse laquelle a été radiée le 29 octobre 2013 par l'office fédéral des migrations en raison du fait que le requérant a été signalé comme disparu un mois à peine après le dépôt de sa demande de protection internationale.

4.             Le 22 décembre 2015, M. A______ a déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) une demande d'autorisation de séjour en vue de son mariage avec Madame B______.

5.             Entre 2014 et 2023, M. A______ a été condamné à onze reprises par le Ministère public du canton de Genève pour notamment séjour illégal, entrée illégale, délit et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence au sens de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

6.             Le 4 janvier 2018, l'OCPM a introduit une demande de soutien auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM), tendant à l'identification de M. A______.

7.             Le 4 avril 2018, le SEM a informé l’OCPM que l'intéressé avait été reconnu par les autorités tunisiennes compétentes lesquelles étaient disposées à délivrer un laissez-passer. Ce document pouvait être établi dans un délai de vingt jours ouvrables.

8.             Le 13 avril 2018, l'OCPM a informé M. A______, par avis publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), de son intention de refus d'autorisation de séjour en vue de mariage.

9.             M. A______ n'a pas fait valoir son droit d'être entendu.

10.         Le 13 juin 2018, l'OCPM a refusé de délivrer à M. A______ une autorisation de séjour en vue de mariage au motif que la demande était faite dans le but de régulariser sa situation illégale en Suisse, qu'il était un consommateur d'héroïne, que sa fiancée était fragile psychologiquement, qu'il était sans domicile fixe, sans revenus et qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée dans l'espace Schengen prise par l'Italie et valable jusqu'au 15 juin 2020. À cette occasion, l'OCPM a prononcé le renvoi de M. A______ de Suisse et lui a imparti un délai jusqu'au 15 juillet 2018 pour quitter le territoire helvétique. L'intéressé étant sans domicile connu, cette décision était également publiée dans la FAO.

11.         Le 24 juillet 2018, M. A______ a été arrêté par les services de police à la rue ______[GE] et prévenu d'infraction aux art 115 LEI et 19a LStup. Il était également constaté qu'il faisait l'objet de trois ordres d'exécution de diverses peines publiées dans le système RIPOL.

Entendu dans les locaux de la police, l'intéressé a expliqué qu'il cherchait de l'héroïne à proximité du ______[GE] et consommer environ 2 grammes par jour depuis 20 ans. Au sujet des CHF 1'441.05 retrouvés sur lui, il a expliqué qu'il les avait gagnés en jouant à des paris sportifs. Il n'a pas voulu expliquer comment il finançait sa consommation de stupéfiants. Au sujet de sa situation personnelle, il a déclaré n'avoir pas de parents à Genève mais uniquement des amis, être sans domicile fixe et faire des allers-retours entre Genève et Annemasse.

12.         Le lendemain, M. A______ a été condamné par le Ministère public, puis il a été transféré à Champ-Dollon en vue de purger ses peines privatives de liberté.

13.         Le 21 février 2019, l'OCPM a chargé les services de police d'exécuter le renvoi de M. A______.

14.         Le 26 février 2019, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la libération conditionnelle de M. A______ pour le 3 mars 2019.

15.         L'intéressé a été remis au portail de la prison de la Brenaz faute de place disponible en LMC.

16.         Le 26 décembre 2019, M. A______ a derechef été arrêté par les services de police à la rue ______[GE], et prévenu de séjour illégal. A cette occasion, il a été constaté qu'il faisait l'objet de plusieurs ordres d'écrou pour CHF  2080.-. L'intéressé étant porteur de CHF 3'000.-, caché dans la languette de sa chaussure, il s'est acquitté de ses jours-amendes. Conduit dans les locaux de la police, il a refusé de répondre aux questions qui lui étaient posées. Une interdiction d'entrée en Suisse valable du 21 mars 2019 au 20 mars 2022 lui a été notifiée.

17.         Le 27 décembre 2019, M. A______ a été condamné par le Ministère public du canton de Genève pour séjour illégal, puis placé en détention administrative par le commissaire de police sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI pour une durée de deux mois.

18.         Par jugement du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI ou le tribunal) du 30 décembre 2019, la détention administrative de l'intéressé a été confirmée pour la durée requise, soit jusqu'au 27 février 2020. Ce jugement a été confirmé par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative ; ATA/1______/2020 du 20 janvier 2020).

19.         Le 24 janvier 2020, l'intéressé a refusé de monter à bord du vol de ligne réservé en sa faveur.

20.         Ce même jour, il a été écroué à la prison de Champ-Dollon.

21.         Le 27 mars 2021, M. A______ a été assigné à la commune de C______ pour une durée de 12 mois. Une obligation de se présenter tous les mardis à 15h00 dès le 30  mars 2021 au Vieil Hôtel de police lui a également été notifiée.

22.         Le 12 janvier 2023, il a été inscrit au RIPOL.

23.         Le 30 janvier 2023, le SEM a reçu l'information des autorités tunisiennes qu'un laissez-passer pouvait être établi.

24.         Le 19 mars 2023, M. A______ a disparu dans la clandestinité.

25.         Le 23 janvier 2024, l’intéressé a été arrêté à la ______[GE] après avoir été observé par les services de police en train d'acheter un sachet minigrip de 0,5 gramme d'héroïne à un vendeur contre la somme de CHF 10.-.

Entendu dans les locaux de la police, il a nié avoir acheté ledit sachet d'héroïne et déclaré être consommateur d'héroïne depuis vingt ans à raison de trois paquets par jour. S'agissant de sa situation personnelle, il n'avait ni famille, ni attache et était démuni de moyen de subsistance.

Prévenu d’infractions à la LStup et à la LEI, il a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

26.         Le 24 janvier 2024, après avoir été entendu par le Ministère public et condamné par ce dernier pour les faits ayant conduit à son arrestation, l’intéressé a été remis en mains des services de police.

27.         Le même jour à 17h55, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre M. A______ pour une durée de trois mois.

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu’il était d’accord de retourner en Tunisie après son sevrage.

28.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

29.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a indiqué qu’il n’était pas d’accord de retourner en Tunisie car il n’y avait plus personne. Il n’y aurait pas d’endroit pour vivre et aucuns moyens financiers. Il s’était opposé à son dernier renvoi car il n’avait pas terminé son sevrage. En Tunisie, il ne pourrait pas poursuivre son traitement de sevrage. Cela faisait plus de vingt ans qu’il n’y était pas retourné. Il ne pensait pas que son sevrage serait terminé avant trois ou quatre mois.

La représentante du commissaire de police a versé à la procédure la demande de réservation pour un vol DEPU (sans escorte policière) faite en faveur de M.  A______. Le vol était en cours de finalisation mais le SEM avait encore besoin de renseignements concernant l’état de santé de l’intéressé. Le créneau de dates requis tenait compte du fait qu’il fallait compter environ quinze jours ouvrables pour obtenir le laissez-passer avant la date de départ. Ils avaient réservé un vol DEPU à la demande du SEM, étant précisé qu’en cas de refus de l’intéressé de monter à bord dudit vol, il sera inscrit sur un vol spécial lequel pourrait encore être organisé dans le délai des trois mois de détention requis. Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois.

L'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu à la levée de la détention administrative et à sa mise en liberté immédiate, vu sa situation personnelle et médicale rendant son renvoi manifestement inexigible.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26  septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16  décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 24 janvier 2024 à 17h40.

3.            À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. b LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 LEI.

4.            Une mise en détention administrative est aussi envisageable si des éléments concrets font craindre que la personne entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l'art. 90 LEI (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI), ou encore si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al.  1 let. b ch. 4 LEI).

5.            Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid.  3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

6.            Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

7.            Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid.  3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16  juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

8.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prononcée à son encontre le 13 juin 2018, qu’il n’a jamais exécutée, et le comportement qu’il a adopté jusqu’ici laisse clairement apparaitre qu’il n’est pas disposé à obtempérer aux instructions des autorités, étant rappelé qu’il n’a pas respecté l’assignation à périmètre prononcée à son encontre, fait pour lequel il a été condamné pénalement, et qu’il a disparu dans la clandestinité le 19 mars 2023. L’on notera encore qu’il est sans domicile fixe, sans moyens de subsistance et qu’il n’a pas d’attaches à Genève. Consommateur d’héroïne depuis de nombreuses années, il a par ailleurs été condamné à réitérées reprises pour infractions à la LStup, la dernière fois le 24  janvier 2024.

Les conditions d’une mise en détention fondée notamment sur les art. 75 al. 1 let. b LEI par renvoi de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI et 76 al. 1 let. ch. 3 et 4 LEI sont dès lors clairement remplies.

9.            Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

10.        Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7  juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

11.        Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

12.        En l’espèce, M. A______ est sans lieu de résidence à Genève ni source de revenu et n’a jusqu’ici pas collaboré à son renvoi en Tunisie. L'assurance de l'exécution de son refoulement répond à un intérêt public certain et compte du comportement qu’il a adopté jusqu’ici aucune autre mesure moins incisive que la détention ne peut être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à son départ de Suisse.

En outre, les autorités ont entrepris et continue d’entreprendre avec diligence et célérité toutes les démarches nécessaires en vue du refoulement de l’intéressé.

Dans ces conditions et dans la mesure où M. A______ a réitéré ce jour encore devant le tribunal qu’il n’entendait pas repartir en Tunisie, ce qui laisse présager des démarches plus longues et compliquées en vue d'exécuter son renvoi, la durée de sa détention ordonnée par le commissaire de police apparait proportionnée et adéquate. Elle reste au surplus inférieure à la durée prévue par l’art. 79 al. 1 LEI.

13.        L'art. 80 al. 6 let. a LEI prévoit que la détention est levée notamment lorsque l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Ces raisons doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_1072/2015 du 21 décembre 2015 consid. 3.2 et les arrêts cités). Tel est par exemple le cas d'un détenu présentant des atteintes à sa santé si importantes qu'elles rendent impossible son transport pendant une longue période (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 7.1 ; 2C_951/2015 du 17  novembre 2015 consid. 3.1 ; 2C_490/2012 du 11 juin 2012 consid. 5.3.1 ; 2C_952/2011 du 19 décembre 2011 consid. 4.1). L'exécution du refoulement n'est en outre pas possible lorsque celui-ci se heurte à des obstacles objectifs et durables d'ordre technique (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.5 ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 consid. 8c ; ATA/738/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10 ; ATA/705/2013 du 25 octobre 2013 consid. 8 ; ATA/88/2013 du 18 février 2013 consid. 10).

14.        Selon l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale. Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (cf. ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 3.1). L'art.  83 al. 4 LEI s'applique notamment aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet et, ainsi, exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. not. ATA/1004/2021 du 28  septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 11d ; ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; ATAF  2010/41 consid 8.3.6 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5367/2015 du 24 mars 2020 consid. 8 ; F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3).

15.        S'agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence une fois de retour dans leur pays d'origine ou de provenance. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral D-6799/2017 du 8 octobre 2020 ; E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c). L'art. 83 al. 4 LEI ne confère pas un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine n'atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de son intégrité physique (cf.  arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c ; ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 10d). L'accès à des soins essentiels est assuré dans le pays de destination s'il existe des soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse, qui - tout en correspondant aux standards du pays d'origine - sont adéquats à l'état de santé de l'intéressé, fussent-ils d'un niveau de qualité, d'une efficacité de terrain (ou clinique) et d'une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse. En particulier, des traitements médicamenteux (par exemple constitués de génériques) d'une génération plus ancienne et moins efficaces, peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats (cf.  arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6559/2018 du 3 octobre 2019 consid.  3.6 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c).

16.        De jurisprudence constante, en matière de mesures de contrainte, la procédure liée à la détention administrative ne permet pas, sauf cas exceptionnels, de remettre en cause le caractère licite de la décision de renvoi ou d'expulsion (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1  ; 2C_932/2017 du 27 novembre 2017 consid. 3.2 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2). Les objections y relatives doivent être invoquées et examinées par les autorités compétentes lors des procédures ad hoc et ce n'est que si cette décision apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu'il est justifié de lever la détention en application de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, étant donné que l'exécution d'un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_383/2017 du 26 avril 2017 consid.  3  ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 7 ; 2C_206/2014 du 4 mars 2014 consid. 3).

17.        En l'occurrence, en sa qualité de juge de la détention, le tribunal ne peut que constater et prendre en compte le fait que M. A______ ne dispose pas de statut en Suisse et qu'il fait l'objet d'une décision de renvoi fédérale définitive et exécutoire. A toutes fins utiles, le tribunal relèvera que des possibilités de prises en charge des indigents et/ou personnes toxicodépendantes existent en Tunisie (cf. notamment http://www.santetunisie.rns.tn/fr/).

18.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

19.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 24 janvier 2024 à 17h50 à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 23 avril 2024 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière