Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1806/2020

JTAPI/1194/2021 du 29.11.2021 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

REJETE par ATA/1005/2022

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1806/2020 ICCIFD

JTAPI/1194/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 novembre 2021

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Mes Étienne VON STRENG et Jérôme PIGUET, avocats, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne l’impôt cantonal et communal (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD) 2004 à 2008.

2.             Selon le registre du commerce de Genève, A______ SA (ci-après : la contribuable ou la recourante), inscrite le ______ 1992, a pour but : «gestion de patrimoines, conseil en placements et fourniture de tous services apparentés; acquisition, vente, détention et gestion de participations dans tous types de sociétés et entreprises; achat, vente, importation, exportation et distribution de tous produits manufacturés ou non ainsi que toutes opérations commerciales, financières et mobilières; construction, acquisition, vente, location, gestion, promotion et courtage de biens immobiliers, de même que la prise de participations dans des sociétés immobilières (à l'exclusion des opérations prohibées par la LFAIE)». Monsieur B______ en est l’administrateur-président et son employé. Il détient l’intégralité du capital-actions de la société.

3.             La contribuable est l’actionnaire unique de la société holding C______, Gibraltar.

4.             C______ détient 60% du capital social de la société D______ dont le siège est aux Îles Vierges Britanniques (BVI), les autres actionnaires d’D______ sont :

- la société E______, Gibraltar à hauteur de 25% ;

- Monsieur F______, domicilié en Argentine, à hauteur de 10% ;

- Monsieur G______, domicilié au Venezuela, à hauteur de 5%.

5.             C______ possède également 78.125% du capital social de E______, laquelle est actionnaire unique de la société H______, Gibraltar et actionnaire d’D______ à hauteur de 25%.

6.             D______ est, quant à elle, actionnaire de I______, Bermudes à hauteur de 25%.

7.             La contribuable détient ainsi indirectement, par le biais d’C______ et de E______, 79.53% d’D______ (60% + 19.53% [soit 78.125% de 25%]).

8.             Bien que d’autres sociétés fassent également partie de ce groupe financier, les indications susmentionnées peuvent être schématisées selon l’organigramme suivant :

 

M. B______


A______ SA

D_____ (BVI)

E_____ (Gibraltar)

I_____ (Bermudes)

C_____ (Gibraltar)

H_____ (Gibraltar)

100 %

25 %

100 %

60 %

78.125 %

100 %

25 %

 

 

 

 

 

 

 

 


9.             Par communication du 31 mai 2012, l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a informé l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) sur des problématiques fiscales soulevées lors d’un contrôle des comptes de la contribuable, concernant notamment des prix de transfert avec ses sociétés filles à Gibraltar.

10.         Le 13 décembre 2013, l’AFC-GE a avisé la contribuable de l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôts, ainsi que d’une procédure en soustraction d’impôt portant sur les années 2003 à 2011.

Des prestations fournies par la contribuable à ses filiales n’avaient « vraisemblablement pas été suffisamment rémunérées », ce qui avait conduit à une taxation insuffisante.

L’intéressée était invitée à transmettre les comptes annuels audités de trois sociétés filiales, à savoir C______, E______ et D______ pour les périodes fiscales en cause, ainsi que divers autres éléments.

11.         Par courrier de son mandataire du 15 mars 2014, la contribuable a remis à l’AFC-GE les comptes annuels requis. Elle a expliqué les activités respectives des trois sociétés précitées. C______ avait pour but la détention de participations et d’investissements. Elle avait aussi investi dans des valeurs mobilières auprès de la société E______, laquelle était active à Gibraltar dans la gestion de portefeuilles clients et dirigée par MM. J______ et K______, tous deux domiciliés en Espagne. Son personnel était composé de six à sept personnes qualifiées travaillant à Gibraltar. La contribuable facturait à E______ des prestations informatiques pour la gestion et le traitement de données clients de E______ en relation avec les banques (compliance). D______ était une société de lancement de fonds de placement (Fund of Funds) dont la gestion des avoirs était assurée par des sociétés tierces indépendantes. D______ ne détenait aucune part de fonds. En tant qu’initiateur de fonds, D______ avait droit à des commissions lors de la souscription de parts de fonds et d’une commission de gestion. Depuis la crise financière de 2008, D______ avait rencontré des difficultés importantes liées à l’état des marchés et à la mise en cause de certains gérants ayant faits des placements dans des véhicules financiers mis en place par Monsieur L______. D______ avait finalement cessé ses activités en 2009. Contrairement à E______, dont une liste des employés était annexée, D______ et C______ n’employaient pas de personnel.

12.         La contribuable et l’AFC-GE se sont ensuite rencontrées à plusieurs reprises dans les locaux de cette dernière et ont échangé de nombreux courriers.

13.         Ainsi, selon le rapport d’entretien du 8 octobre 2015, dans la mesure où l’activité de sélection des fonds et des managers de fonds était capitale et nécessitait des compétences très spécifiques ainsi qu’un suivi régulier, l’AFC-GE s’étonnait des importants profits réalisés par D______ alors que cette dernière n’avait pas de personnel.

En outre, C______ avait comptabilisé des « Introduction fees » [en 2004 et 2005], alors qu’elle n’avait qu’un rôle de sub-holding au sein du groupe et qu’elle n’avait pas de personnel.

L’AFC-GE s’étonnait également de la faible masse salariale de E______ (environ USD XXX par an), alors que cette société exerçait une activité de promotion/marketing des fonds et qu’elle assurait le maintien et le développement de la clientèle.

14.         Par courrier de son mandataire du 2 mai 2016, la contribuable a notamment expliqué qu’D______ recevait de la part des fonds d’investissement des management fees allant jusqu’à 2%. Les apporteurs qui investissaient les avoirs de leurs clients dans les fonds lancés par D______ recevaient une rétro-commission allant pour l’essentiel des fonds jusqu’à 1%. « C______ encaissait les rétro-commissions d’D______ provenant des actifs sous-gestion de [la contribuable] placés auprès d’D______. C______ devait ensuite reverser la part des rétro-commissions revenant à [la contribuable] selon les conditions de rémunération du marché de l’époque. Le contrat conclu entre [la contribuable] et C______ prévoyait en effet une rétro-commission sur « l’apport de mandat » (art. 1 du « Agreement » et art. 4 § 2 du « Addendum to the Agreement between [C______] et [la contribuable] of 24 July 2006 ») ».

Elle a notamment fourni le détail des actifs sous gestion (ci-après : AUM = assets under management) placés par elle et par des tiers auprès d’D______, ainsi que les commissions perçues par ces derniers. Les montants des commissions effectivement reçues par la contribuable n’étaient pas indiqués, mais la contribuable a procédé à une estimation de la rémunération moyenne selon un taux de 0.875%. Le détail était le suivant :

Année

AUM contribuable au 31.12

AUM tiers au 31.12

Commissions aux tiers

Commissions

à la contribuable estimées à arm’s length à 0.875%

2003

USD XXX

USD XXX

USD XXX

USD XXX

2004

USD XXX

USD XXX

USD XXX

USD XXX

2005

USD XXX

USD XXX

USD XXX

USD XXX

2006

USD XXX

USD XXX

USD XXX

USD XXX

2007

USD XXX

USD XXX

USD XXX

USD XXX

2008

USD XXX

USD XXX

USD XXX

USD XXX

15.         Selon le rapport d’entretien du 21 décembre 2016, l’AFC-GE était d’avis que les importants bénéfices des sociétés offshores du groupe avaient été générés grâce aux activités de la contribuable et que celle-ci aurait dû être rémunérée sur la base d’un pourcentage des AUM et non pas de manière forfaitaire. Elle a aussi relevé que M. B______ était salarié de la contribuable, qu’il participait à la mise en place des fonds, mais que dans les faits cette mise en place ne profitait qu’à D______. Cette dernière ayant également perçu un important revenu en lien avec le fonds M______, l’AFC-GE sollicitait des informations sur ce fonds.

16.         Par courrier de son mandataire du 31 mars 2017, la contribuable a expliqué que le fonds M______, dénommé N______ LTD était un fonds de fonds investissant dans des fonds de placements existants. L’« investment manager » était I______, mais la gestion au quotidien était assumée par deux sociétés tierces basées aux Bermudes, à savoir O______ et T______. L’administration du fonds était assurée par Q______ (Bermuda) Ltd. Le prospectus N______ était annexé au courrier.

Les prestations fournies par la contribuable à E______ portaient sur la mise à disposition d’un logiciel informatique de gestion de clientèle, de calcul des performances, de « reporting », de comptabilité et de facturation. Le coût de développement de ce logiciel et les services fournis par le personnel de la contribuable (un informaticien et une analyste financière) justifiaient un prix de transfert estimé à USD 169'000.- par an, ce qui était inférieur au prix convenu entre les deux sociétés, soit USD 180'000.-. Toutefois, elle reconnaissait que ce montant n’avait pas été « systématiquement » facturé à E______.

Répondant à la question de savoir pourquoi elle ne recevait pas de « subscription fee » de la part d’D______, la contribuable a indiqué qu’elle « n’a jamais facturé de « subscription fees » à ses clients sous mandat. La politique de [la contribuable] était de pouvoir garder le client sur le long terme en renonçant à lui facturer des « frais d’entrée » en privilégiant la rémunération régulière annuelle (honoraires de gestion annuels et rétrocessions sur management fee/performance fee) ».

17.         Par courrier du 30 mai 2017, la contribuable a fourni un tableau mentionnant le total des actifs nets (ci-après : NAV = net asset value) de N______ pour les années 2003 à 2008, à savoir :

Année

NAV

31.12.2003

USD XXX

31.12.2004

USD XXX

31.12.2005

USD XXX

31.12.2006

USD XXX

31.12.2007

USD XXX

31.06.2008

USD XXX

Ainsi qu’un tableau mentionnant le total des actifs nets (NAV) gérés par la contribuable pour le compte de ses clients qu’elle a placés dans le fonds N______ pour ces années :

Année

NAV

2003

(plus disponible)

2004

(plus disponible)

2005

USD XXX

2006

USD XXX

2007

USD XXX

18.         Par courrier de son mandataire du 19 septembre 2017, la contribuable a expliqué avoir été rémunérée pour l’apport d’investissements sous gestion dans le fonds N______ aux même conditions applicables aux autres apporteurs d’affaires, soit 1% des AUM investis par elle pour le compte de ses clients. N______ payait au manager du fonds (I______) 2% des NAV. I______ retenait le 0.05% au titre de frais administratifs et le solde de 1.95% était versé à D______ et aux autres actionnaires en fonction des AUM investis dans le fonds. Enfin D______ reversait la rétrocession convenue de 1% (soit 50% de 1.95%) à la contribuable et aux autres apporteurs d’affaires. Cette rétrocession transitait toutefois par les comptes d’C______. Le délai de conservation des pièces étant de six ans à Gibraltar, le détail des rémunérations par fonds n’était plus disponible.

En tant que société de lancement de fonds de placement (fonds de fonds), D______ avait pour tâche de définir le secteur de marché dans lequel un fonds pouvait investir et de sélectionner les gérants (investment manager). M. B______ siégeait au conseil d’administration pour représenter les intérêts de l’actionnaire C______. Il n’était pas actif dans la mise en place des fonds, car son « core business » était la gestion privée de fortune. E______ et H______ agissaient en tant que investment manager dans les structures de fonds de fonds, les sous-fonds étant gérés par des tiers gérants indépendants.

Le lancement d’un fonds et sa gestion se déroulait comme suit :

a.       Le conseil d’administration d’D______ décidait de lancer un nouveau fonds. Pour ce faire, il choisissait le secteur d’activité du fonds, comme par exemple le marché émergeant du Brésil ou la Chine. Ensuite, il désignait l’investment manager et l’administrator manager du fonds.

b.      L’administrator manager élaborait le prospectus, les statuts et estimait ses honoraires pour la mise en place et l’administration du fonds. Ces documents étaient largement standardisés.

c.       Le conseil d’administration approuvait le prospectus et les honoraires proposés par l’administrator manager.

d.      L’administrator manager s’occupait de l’enregistrement du fonds auprès des autorités monétaires compétentes.

e.       L’administrator manager s’occupait de l’ouverture des comptes bancaires auprès de la banque dépositaire, en général R______.

f.       L’investment manager informait tous les partenaires/gérants tiers du lancement du fonds nouvellement créé.

g.      Les gérants souscrivaient pour le compte de leurs clients les parts du fonds et ils informaient en même temps D______, H______ et E______ de leur souscription.

h.      L’investment manager informait l’administrator manager des souscriptions effectuées, indiquait les banques dépositaires et il enregistrait les parts souscrites par chaque gérant.

i.        Les remises des parts pour leur remboursement suivaient la procédure inverse que celle mentionnée sous h.

j.        L’administrator manager achetait/souscrivait ou vendait/rachetait les investissements.

k.      L’investment manager supervisait les investissements, proposait des changements d’allocation d’actifs (augmentation, diminution, nouveaux investissements, etc.).

l.        À la fin de chaque mois, l’administrator manager calculait les NAV pour chaque fonds et la transmettait aux investisseurs via S______.

m.    À la fin de l’année, l’administrator manager établissait le rapport annuel et le rapport d’audit pour les actionnaires.

n.      L’administrator manager payait trimestriellement les frais de gestion et, le cas échéant, les frais administratifs à l’investment manager.

o.      L’investment manager attribuait les frais d’apporteurs d’affaires selon les AUM investis.

Il en résultait que le 80% de la charge de travail était effectué par l’administrator manager, l’investment manager se chargeant du 20% restant. Le conseil d’administration se limitait quant à lui à initier le projet et à le superviser en cas de besoin.

19.         Le rapport d’entretien du 19 juin 2018 portait sur la question de savoir comment D______, entité sans substance et sans personnel, avait pu réaliser des bénéfices de USD XXX durant la période sous revue. Le mandataire de la contribuable s’est référé aux explication détaillées de son courrier du 19 septembre 2017. D______ déléguait ses fonctions à E______ et se contentait de percevoir les fruits des fonds des fonds. M. B______ n’était pas impliqué dans les décisions relatives aux investissements. Il avait un rôle d’investisseur « pur » dans la structure D______. S’agissant du fonds M______ (N______), la mise en place de celui-ci était similaire aux fonds « maison ». D______ percevait principalement des rétrocessions sur les montants apportés, soit 2%. D______ rétrocédait ensuite 1% aux apporteurs de fonds et conservait ensuite le solde de 1%. Le mandataire rappelait que sa proposition d’accord amiable de CHF XXX pour mettre fin à la procédure restait valable. Cette somme devait couvrir les facturations insuffisantes de la contribuable à E______. L’AFC-GE ne comprenant pas sur quelle base cette dernière avait ajouté une somme de CHF XXX, le mandataire expliquait que la proposition d’accord pouvait, si nécessaire, se baser sur un cost-plus de 15%, ce qui permettait de parvenir à un montant équivalent.

20.         Par courrier du 29 juin 2018, concernant le détail des commissions allouées, la contribuable a renvoyé à ses courriers des 2 mai 2016 et 19 septembre 2017. Le détail des produits reçus et reversés par fonds n’était pas disponible. Comme indiqué précédemment, le fonds N______ était un fonds de fonds, investissant dans des fonds existants. Il était géré depuis les Bermudes par les sociétés O______ et T______, lesquelles avaient des locaux et du personnel compétent sur place (au moins cinq personnes à plein temps chacune). D______ était un actionnaire passif de I______, lequel était l’investment manager de N______. D______ n’était pas impliquée dans la gestion au quotidien du fonds N______.

21.         Selon le rapport d’entretien du 3 juillet 2018, la forme de rémunération des fonds « maison » et du fonds M______ était similaire, à savoir 2% des AUM apportés. M. B______ n’avait qu’un rôle passif dans la gestion du fonds M______. Deux fois par année, il était invité à se rendre respectivement aux USA et en Asie, afin d’accompagner les personnes en charge de la gestion du fonds M______ pour y rencontrer les gérants de fonds.

Sur la base des procès-verbaux du Ministère public, l’AFC-GE considérait, au contraire, que M. B______ avait eu un rôle actif au sein du comité d’investissement de I______. Ce n’était pas par hasard que M. B______ avait rejoint les différents actionnaires de I______, mais en raison de ses connaissances du marché des gérants. L’AFC-GE envisageait d’imposer le « delta des management fees thésaurisé au niveau d’D______ », soit un montant global de USD XXX. Contestant cette reprise, la contribuable proposait une rémunération « at arm’s length » pour l’activité de conseil en investissement, qui serait inférieure à ce delta.

22.         Le rapport d’entretien du 15 novembre 2018 décrivait notamment l’organisation et les tâches du comité d’investissement comme suit, selon les explications fournies par M. B______ au mandataire de la contribuable :

-       Le comité d’investissement de I______ était composé de huit personnes, soit pour D______ : MM. B______ et G______ (lequel était également actionnaire d’D______).

-       Le comité d’investissement recevait les recommandations d’investissement de Monsieur U______, qui avait rejoint I______ en 2007 et percevait un salaire annuel d’environ USD 200'000.-.

-       M. U______ était la personne clé. Il s’occupait également du suivi des investissements, des gérants et de leurs rendements.

-       Le comité d’investissement n’effectuait qu’une revue superficielle des recommandations de M. U______ et se concentrait surtout sur la surveillance du risque ; il s’assurait que ces recommandations rentraient dans le cadre du risque d’investissement défini.

-       Bien qu’actif, le rôle joué par M. B______ au sein du comité d’investissement restait limité.

-       M. B______ ne se déplaçait pas chaque année pour rendre visite aux gérants de fonds. Il effectuait deux visites par an, dont l’une à M. L______ et l’autre à Hong Kong.

-       Transmission au conseil d’administration d’D______ des propositions d’investissement à effectuer par I______.

La contribuable avait mandaté la société V______, afin de déterminer une rémunération adéquate de M. B______ pour son activité au sein du comité d’investissement de I______.

23.         Par courriel du 7 décembre 2018, l’AFC-GE a communiqué à la contribuable son analyse du dossier et l’a invitée à se déterminer, dans les dix jours, sur les points suivants :

Sur la base d’informations fournies par différentes personnes dans le cadre « d’auditions », l’AFC-GE constatait que le rôle de M. B______ au sein de I______, laquelle était gérante du fonds N______, était non seulement substantiellement plus important, mais également essentiel dans la réalisation des bénéfices du fonds. L’AFC-GE résumait les informations pertinentes ressortant de ces auditions comme suit :

a.    « Le groupe M______ était formé par quatre sociétés genevoises, dont [la contribuable], lesquelles avaient un poids égal au niveau des décisions du comité d'investissement [de I______] (ci-après : le comité) ;

b.    Le comité était composé de cinq personnes ;

c.    M. B______ était membre du comité ;

d.   Le comité se réunissait régulièrement ;

e.    L'une des fonctions du comité était d'identifier des gérants pour les différents (sous) fonds M______. La sélection des gérants était présentée au conseil d'administration de I______ qui devait valider le choix desdits gérants ;

f.     Le conseil d'administration ne s'est jamais écarté des recommandations du comité ;

g.    Le comité avait ainsi un rôle décisionnel, notamment quant au choix des gérants des fonds M______ ;

h.    Le comité prenait ses décisions de manière consensuelle, chaque membre ayant un droit de veto ;

i.      Durant la période sous revue, de nombreux gérants ont été sélectionnés par le comité ;

j.      Les membres du comité faisaient des visites régulières et organisées auprès des gérants ;

k.    Lors des voyages de sélection des gérants, il y avait toujours des représentants des quatre actionnaires du groupe M______ (dont [la contribuable]) ;

l.      Certaines décisions liées à la gestion des fonds M______ et à la stratégie de placement ont été prises par le comité, sans implication du conseil d'administration de [I______];

m.  M. B______ a participé à la sélection des gérants ;

n.    M. U______ n'a rejoint le groupe M______ qu'en 2007 ».

Partant, l’AFC-GE a considéré que l’étude de prix de transfert (V______) présentée lors d’une précédente entrevue pour déterminer une rémunération « at arm’s length » de la contribuable pour l’activité de M. B______ ne pouvait pas être retenue.

En outre, de 2003 à 2008, I______ avait réalisé des produits dans le cadre du fonds M______ pour un total de USD XXX. La moitié de ces revenus était reversée aux apporteurs de clientèle, dont la contribuable faisait partie, et l’autre moitié était perçue par D______. Or, D______ n’ayant aucune substance, aucun employé et ne jouant aucun rôle important, les sommes versées par I______ à D______ n’étaient pas justifiées. Un « goodwill » fondé sur la bonne réputation d’D______ incitant des clients à investir dans le fonds M______ ne pouvait pas à lui seul justifier une telle rémunération, ce d’autant plus qu’une part importante des actifs sous gestion provenait de la contribuable. Dès lors, la rémunération versée à D______ (USD XXX) devait revenir à la contribuable du fait de l’activité prépondérante fournie par son employé (M. B______) dans la réalisation du chiffre d’affaires de I______.

Toutefois, à la lumière des explications fournies par la contribuable, l’AFC-GE pouvait envisager qu’un montant maximum de USD XXX fût retranché du montant susmentionné pour les années en cause, compte tenu de l’activité de Monsieur G______ (présences ponctuelles au côté de M. B______ au sein du comité d’investissement).

24.         Par courrier de ses mandataires du 11 décembre 2018, la contribuable a d’abord relevé que l’AFC-GE s’était fondée sur des procès-verbaux (non communiqués) d’auditions de tiers contenant des faits inexacts. Ceux-ci étaient repris point par point et corrigés par la contribuable comme suit :

I______ n’était pas formée de quatre sociétés genevoises, dont la contribuable, mais des quatre sociétés suivantes : T______, Bermudes, W______ N.V., Bermudes [recte : Curaçao], O______, Bermudes, ainsi qu’D______.

Le comité d’investissement n’était pas composé de cinq personnes, mais de huit membres, soit deux membres par actionnaire.

Le comité d’investissement n’avait pas un pouvoir décisionnel. Seul le conseil d’administration de I______, dont M. B______ ne faisait pas partie, l’avait.

Il n’y avait pas de droit de véto au sein du comité d’investissement. Chaque membre donnait son avis et les décisions étaient prises de manière consensuelle.

Lors de voyages de sélection des gérants de (sous) fonds, il n’y avait aucun représentant de la contribuable.

Les quatre membres du conseil d’administration de I______ (dont M. B______ ne faisait pas partie) étaient aussi membres du comité d’investissement, ce qui pouvait laisser croire de manière erronée que les décisions liées à la gestion des fonds M______ et à la stratégie de placement étaient prises par ce dernier sans implication du premier.

25.         Par courrier du 21 décembre 2018, l’AFC-GE a informé la contribuable que les procédures en rappel d’impôt portant sur les années 2003 à 2008 et pour soustraction d’impôt portant sur les années 2004 à 2008 étaient terminées.

Elle a procédé aux reprises en imposant l’intégralité des bénéfices réalisés par D______ de 2004 à 2008, moins les revenus d’intérêts, de dividendes et d’honoraires d’administrateurs, et lui a remis les bordereaux de rappel d’impôt ICC/IFD 2004 à 2008 et les bordereaux d’amende ICC/IFD 2008, dont les montants étaient les suivants :

 

Reprises sur le bénéfice

Impôt initial

Impôt après rappel

Supplément d'impôt

Amende

ICC 2004

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

 

IFD 2004

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

 

ICC 2005

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

 

IFD 2005

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

 

ICC 2006

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

 

IFD 2006

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

 

ICC 2007

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

 

IFD 2007

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

 

ICC 2008

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

IFD 2008

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

TOTAL

 

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

CHF XXX

Le rappel d’impôt pour 2003 et les amendes pour 2004 à 2007 étaient prescrits.

Les amendes 2008, fixées au montant de l’impôt soustrait, étaient motivées comme suit : « Vous n’avez pas déclaré l’intégralité de votre chiffre d’affaires ».

26.         Par courrier de son mandataire du 23 janvier 2019, la contribuable a élevé réclamation contre les bordereaux susmentionnés, concluant à leur annulation au motif que son droit d’être entendu avait été gravement violé. Elle a sollicité un accès complet au dossier, en particulier aux procès-verbaux d’auditions, ainsi qu’une motivation détaillée et complète des décisions du 21 décembre 2018, afin de pouvoir compléter sa réclamation.

27.         Par décision incidente du 22 mars 2019, l’AFC-GE a rejeté la demande de consultation de pièces, au motif que des intérêts publics et privés évidents s’y opposaient.

Les éléments factuels ayant permis de confirmer les conclusions quant à l’étendue des reprises provenaient de documents transmis par le Ministère public genevois. Leur contenu essentiel avait déjà été présenté oralement à la contribuable lors d’un entretien du 15 novembre 2018. La nature et l’objet des informations contenues dans ces pièces avaient aussi été communiqués par courriel du 7 décembre 2019 et un délai pour se déterminer lui avait été octroyé. La contribuable avait ainsi pu faire part de sa position. Par ailleurs, une des pièces était un procès-verbal d’audition de M. B______ du 2 novembre 2010, en possession de la contribuable.

La protection des intérêts privés des personnes parties à une procédure pénale, ainsi que le secret de la procédure pénale ne permettaient pas un partage des documents en cause. Toutefois, le contenu essentiel de ces pièces lui était communiqué en annexe à ce courrier.

28.         Un second courrier, également daté du 22 mars 2019, indiquait succinctement les raisons des décisions de rappel et de soustraction d’impôts du 21 décembre 2018, à savoir que les revenus réalisés par D______ devaient être en réalité attribués à la contribuable, compte tenu du fait qu’D______ ne disposait d’aucune substance. Il détaillait également le montant des reprises sur le bénéfice pour les années 2004 à 2008, selon un tableau annexé précisant les revenus des fonds imposables auprès de la contribuable. Ce tableau se présentait comme suit :

D______

 

 

 

 

USD

2004

2005

2006

2007

2008

TOTAL

Produits reçus :

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Produits M______

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Produits fonds "maison"

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Total

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

 

 

 

 

 

 

 

Rétrocessions :

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

Rétrocessions M______

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

Rétrocessions fonds "maison"

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

 

 

 

 

 

 

 

Produits nets :

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Produits nets M______

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Produits nets fonds "maison"

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

 

 

 

 

 

 

 

Total

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Autres charges

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

Bénéfice 2004-2008 (USD)

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

 

 

 

 

 

 

 

CHF (taux de change)

1.2418

1.2457

1.2529

1.1998

1.0829

 

Produits net M______

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Produits net fonds "maison"

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Total

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Autres charges

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

-XXX

Bénéfice 2004-2008 (CHF)

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

29.         Le 4 avril 2019, la recourante a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), lequel l’a enregistré sous le numéro de procédure A/1______.

30.         Par jugement du 9 décembre 2019 (JTAPI/2______), le tribunal a déclaré irrecevable le recours, notamment pour le motif que la décision entreprise ne causait aucun préjudice irréparable à la société.

31.         Par arrêt du 3 mars 2020 (ATA/3______), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a admis le recours déposé par la contribuable à l’encontre du jugement précité et renvoyé la cause au tribunal pour nouvelle décision au sens des considérants. La recevabilité d’un tel recours contre une décision incidente refusant la consultation de certaines pièces du dossier n'était pas conditionnée à l'existence d'un préjudice irréparable.

32.         Par décision sur réclamation du 20 mai 2020, l’AFC-GE a annulé les reprises ICC et IFD 2004 pour cause de prescription, mais a maintenu les reprises ICC et IFD 2005 à 2008, ainsi que les bordereaux d’amendes ICC et IFD 2008.

L’AFC-GE a estimé que la procédure incidente pendante devant le tribunal concernant le refus d’accès à certaines pièces ne l’empêchait pas de rendre sa décision sur réclamation sur le fond, dès lors que la procédure incidente n’avait pas d’effet sur la procédure au fond. Par ailleurs, le contenu essentiel de ces pièces avait été communiqué oralement et par écrit.

Étant donné qu’à ce jour, la recourante n’avait fourni aucune motivation dans sa réclamation quant à la nature et le montant des reprises, celles-ci étaient maintenues pour l’ICC et l’IFD 2005 à 2008, ainsi que pour les amendes ICC/IFD 2008.

33.         Par acte du 22 juin 2020, sous la plume de son mandataire, la contribuable a interjeté recours contre cette décision auprès du tribunal, qui l’a inscrite au rôle sous le numéro A/1806/2020, concluant principalement, sous suite de dépens, à ce que sa nullité soit constatée, subsidiairement à son annulation et, plus subsidiairement, à la suspension de l’instruction du recours jusqu’à droit jugé dans la procédure incidente A/1______.

Elle détenait indirectement (par le biais d’C______) deux sociétés basée à Gibraltar, à savoir E______ et sa filiale H______, qui étaient actives dans la gestion de fortune privée et la gestion de fonds.

Pendant la période en cause, elle détenait aussi indirectement près de 80% du capital d’D______, laquelle avait été créée au début des années 1990 avec trois gérants indépendants basés en Amérique latine. Le rôle d’D______ consistait à identifier des fonds de gérants externes et à les regrouper sous un fonds de fonds dont elle confiait la constitution, l’administration et la gestion à des tiers. Cette activité s’opérait par son conseil d’administration composé de MM. B______, K______, G______, F______ et J______. D______ percevait une rétrocession des fonds de fonds dont elle reversait la moitié aux gérants de fortune qui souscrivaient des parts de fonds pour leurs clients.

L’AFC-GE avait procédé à des reprises de près de CHF XXX sur la base de son interprétation d’allégations consignées dans des procès-verbaux auxquels la recourante n’avait pas accès et sans aucune procédure contradictoire. La décision sur réclamation devait être considérée comme nulle, car elle avait été rendue sans tenir compte de l’effet dévolutif du recours incident et sans attendre l’issue de celui-ci. La nullité de la décision devait être également constatée en raison d’une violation du droit d’être entendu, l’AFC-GE ne l’ayant pas motivée et ne lui ayant pas permis de participer à l’établissement des faits. En indiquant dans la décision attaquée que la réclamation ne contenait aucune motivation quant à la nature et au montant des reprises, l’AFC-GE avait eu un comportement contraire à la bonne foi.

34.         Dans ses observations du 10 juillet 2020, l’AFC-GE s’est opposée à la suspension de l’instruction du présent recours et a sollicité la jonction des causes A/1______ et A/1806/2020.

L’effet dévolutif ne portait que sur l’incident de consultation de certaines pièces et non pas sur le fond du litige. De plus, la recourante avait été informée sur le contenu des quatre pièces litigieuses et savait que les reprises et amendes n’étaient pas uniquement basées sur celles-ci, mais sur de nombreux éléments recueillis au cours d’une longue enquête à laquelle son mandataire avait participé et déposé des pièces. Il n’y avait donc aucune raison de suspendre la présente procédure, la demande de la recourante étant purement dilatoire.

En revanche, la jonction des causes précitées se justifiait pour pallier le risque de prescription et par le principe d’économie de procédure.

35.         Par courrier du 7 août 2020, la recourante s’est opposée à la jonction des causes susmentionnées pour les motifs suivants : la procédure A/1______ était en état d’être jugée, la jonction était en contradiction avec l’économie de procédure, elle aboutirait à une perte d’un degré de juridiction et complexifierait le traitement des procédures. En revanche, elle a persisté dans sa demande de suspension de la présente cause jusqu’à droit jugé dans la procédure incidente.

36.         Dans sa réponse du 28 août 2020, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La décision du 20 mai 2020 n’était pas nulle, dès lors que l’effet dévolutif ne se rapportait qu’à l’incident de consultation des quatre pièces susmentionnées.

La recourante n’avait pas formulé de griefs précis sur le fond, arguant de ne pas être en mesure de le faire, faute de pouvoir consulter ces quatre pièces. Elle faisait preuve de mauvaise foi, dès lors que les reprises litigieuses reposaient sur de nombreuses autres pièces auxquelles elle avait accès, puisque produites par elle. Les raisons des reprises lui avaient été clairement expliquées et son mandataire les avait bien comprises, comme cela ressortait notamment du procès-verbal d’une séance du 3 juillet 2018.

En tant que plateforme de lancement de fonds dans lesquels investissait la clientèle de la recourante, celle des autres actionnaires, ainsi que la sienne propre, D______ avait perçu une rémunération très importante pour, d’une part, des fonds qu’elle avait lancés (ci-après : fonds « maison ») et, d’autre part, des fonds lancés par la recourante et d’autres sociétés dans le fonds M______.

Les fonds « maison » étaient au nombre de trois, à savoir : Y______ ; AI______ et Z______.

Les fonds M______ étaient, quant à eux, constitués de différents sous-fonds du fonds N______. Ce fonds de fonds N______ était géré par I______, laquelle était détenue à 25% par D______.

Le bénéfice réalisé par D______ provenant des fonds « maison » et des fonds M______, après déduction des charges administratives (p. ex. : rémunération des apporteurs d’affaires) s’était élevé à un total de CHF XXX (soit : USD XXX) pour les années 2004 à 2008. Il avait été calculé notamment sur la base des bilans et comptes de résultat d’D______ pour les années 2003 à 2011.

L’attribution des bénéfices en XXX à D______ étaient purement artificielle, vu que cette dernière n’avait pas d’activité, ne disposait ni du personnel ni de l’expertise nécessaire. Ces bénéfices auraient dû revenir à la recourante grâce à l’activité déployée par son employé. Les salaires importants qu’elle avait versés à M. B______, ainsi que les dépositions concordantes des témoins entendus lors des audiences pénales confirmaient l’ampleur de cette activité.

L’AFC-GE ayant ainsi recueilli suffisamment d’indices, il incombait à la recourante d’indiquer la cause juridique sur laquelle ces bénéfices avaient été attribués à D______ et de démontrer le cas échéant que cette cause juridique était réalisée.

37.         Par réplique du 9 novembre 2020, la recourante a maintenu les conclusions de son recours.

Durant les années en cause, les fonds « maison » étaient constitués des fonds Y______ et AI______, le fonds Z______ ayant été créé en 2009.

Le fonds AI______ était un fonds de fonds géré par D______ en sa qualité d’investment manager, ce qui n’impliquait pas une activité de gestion intensive de la part de cette dernière, car elle était déléguée aux filiales E______ et H______.

L’investment manager du fonds Y______ était une société tierce basée à Hong Kong, dénommée AA_____.

Sans aucune preuve et sans tenir compte des explications fournies durant la procédure de contrôle, l’AFC-GE avait considéré que les filiales E______ et H______ déléguaient de fait à la recourante tout ou partie des tâches qu’elles devaient exécuter pour D______. Cette présomption de l’AFC-GE était « catégoriquement réfutée ».

La mise en place des fonds de placement AI______ et Y______ avait été effectuée par le conseil d’administration d’D______ composé de MM. B______, K______, G______ et F______. Leurs taches consistaient à désigner l’administrateur du fonds, choisir le secteur d’investissement du fonds, sélectionner les fonds sous-jacents et désigner l’investment manager et à revoir périodiquement l’allocation des parts dans les fonds de placement. E______ et H______ assuraient, en qualité d’investment manager ou d’investment advisor, le suivi et l’analyse des performances des fonds sous-jacents, formulaient des propositions de réallocation entre ces fonds sous-jacents à l’attention du conseil d’administration d’D______, vérifiaient les calculs des parts (NAV) fournis par l’administrateur du fonds et prospectaient les investisseurs institutionnels potentiels. Les deux sociétés se partageaient six à huit employés très qualifiés travaillant dans les mêmes locaux à Gibraltar. L’administrateur des fonds « maison » (administrator manager) (R______ pour le fonds AI______) était quant à lui chargé de créer la structure juridique du fonds et de l’enregistrer (y. c. obtenir un numéro de valeur), d’ouvrir les comptes auprès de la banque dépositaire, de recevoir les souscriptions des investisseurs ou leur verser le produit des rachats de leurs parts, de procéder aux souscriptions ou aux rachats de parts de fonds sous-jacents, de préparer les comptes annuels et organiser l’audit de ceux-ci, de s’assurer de la conformité (« compliance ») aux réglementations applicables et de calculer les valeurs nettes d’inventaire (NAV) et les communiquer aux fournisseurs de données financières (Bloomberg, Telekurs, etc.) et aux investisseurs.

S’agissant du fonds Y______, la société hongkongaise AA_____, qui disposait d’un personnel important en charge de la gestion des fonds, en était l’investment manager et percevait pour cela des management fee de 2% et des performance fee de 20%. Ainsi, D______ ne percevait pas de management fee dans ce cas, mais recevait des rétrocessions de AA_____ au titre d’apporteur d’affaires correspondant à 40% des performance fee et 50% des management fee. D______ reversait ensuite 50% de ses rétrocessions sur les performance fee à ses propres apporteurs d’affaires.

Les fonds M______, regroupés sous le fonds de placement N______, n’avaient pas été créés par la recourante ni par D______, mais par MM. AB_____ et AC_____. Sur sollicitation de ce dernier, D______ avait acquis 25% de I______, laquelle agissait en qualité d’investment manager de ces fonds. Cette participation ne présentait pas une valeur particulière, vu que les commissions perçues sur ces fonds (soit des management fee de 2%) étaient reversées par I______ en quasi-totalité (soit 1.95%) aux apporteurs d’affaires, dont la recourante faisait partie via D______ et C______. Comme tous les autres apporteurs d’affaires, la recourante avait été rémunérée selon un taux de 1% des AUM dans le fonds N______.

Aucun membre du personnel de la recourante ou de ses filiales ne siégeait au conseil d’administration de N______, ni à celui de I______. En tant qu’actionnaire détenant 25% de I______, D______ était représentée au comité d’investissement de I______ par MM. B______ et G______. Ce comité d’investissement n’avait qu’un rôle purement consultatif, les décisions d’investissement étant du seul ressort de l’investment manager. En pratique, la gestion des fonds était assurée par deux sociétés tierces depuis les Bermudes, à savoir O______ et T_____, et dès 2007 par Monsieur U______ (employé par I______) et une assistante. Si le conseil d’administration de I______ suivait généralement les recommandations du comité d’investissement, c’était parce que la plupart de ses membres, hormis M. B______, siégeaient également au conseil d’administration de I______.

La rémunération que cette dernière versait à D______ était liée aux avoirs de clients apportés par celle-ci et non pas à la présence de représentants au comité d’investissement de I______. Si l’on devait reconnaître aux membres du comité d’investissement une rémunération, celle-ci devrait être calculée selon les principes de l’étude de prix de transfert effectuée par un expert indépendant (V______) et versée à la procédure. Le contenu de cette étude sera repris dans la mesure utile dans la partie « En droit » ci-après.

Les avoirs investis par des clients de la recourante dans les fonds de N______ n’étaient pas de l’ordre de CHF XXX, mais de CHF XXX. Les actifs sous gestion investis dans les fonds « maison » et M______ provenaient principalement de clients d’une quinzaine d’apporteurs et non pas principalement de la recourante. On ne pouvait dès lors pas attribuer à la recourante l’ensemble de la rémunération reçue par D______ au titre de bénéfice après paiement des commissions aux apporteurs.

Les avoirs de la clientèle privée de la recourante étaient gérés de manière discrétionnaire par son personnel qualifié. En sa qualité d’administrateur et directeur chargé de la gestion de fortune de clients, M. B______ plaçait des avoirs sur l’ensemble des marchés financiers, principalement sur le marché suisse, mais aussi de façon modeste dans les fonds « maison » et M______, dans la gestion desquels il n’exerçait aucune fonction, ni contractuellement ni de fait.

Les extraits des procès-verbaux pénaux contenaient plusieurs inexactitudes et incohérences, comme indiqué dans le courrier du 11 décembre 2018 (cf. supra p. 4 ch. 9). Le comité d’investissement de I______ n’était pas composé de cinq mais de huit personnes, à savoir : outre MM. B______ et G______, MM. AB_____, AE_____, AC_____, AF_____, AG_____, AH_____ et U______ (dès 2007).

La détermination des reprises était économiquement fausse et juridiquement injustifiée au regard des comptes de résultat d’D______ pour les années 2004 à 2008, puisque l’AFC-GE s’était bornée à reprendre l’intégralité des bénéfices nets des comptes d’D______.

Les comptes de résultat d’D______ et les dividendes que cette dernière avait distribués à C______ et à ses autres actionnaires étaient les suivants :

USD

 

2004

2005

2006

2007

2008

TOTAL

Revenues

 

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

./. Cost of sales

 

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Gross Profit

 

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

./. Administration expenses

 

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Operating Profit

 

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

./. Dividend Payments Total

 

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Retained Profit

 

XXX

-XXX

XXX

XXX

-XXX

XXX

USD

%

2004

2005

2006

2007

2008

TOTAL

C______, Gibraltar

60

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

E______, Gibraltar

25

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

F______

10

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

G______

5

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Total

100

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Pour justifier une reprise de USD XXX sous forme d’honoraires, il aurait fallu que M. B______ fût le seul à animer la structure de fonds M______ ou à tenir un rôle prééminent par rapport aux autres membres du conseil d’administration d’D______ ou du comité d’investissement de I______, ce qui n’était clairement pas le cas. L’AFC-GE ne pouvait pas procéder à une reprise correspondant à l’intégralité du bénéfice d’D______, puisque cela revenait à considérer que les trois autres administrateurs (tous qualifiés et actifs) n’auraient fourni aucune prestation et, partant, n’auraient aucune prétention à faire valoir sur le bénéfice.

« Le conseil d’administration d’D______, qui se réunissait autant de fois que nécessaire et dont la majorité des membres ne résidait pas en Suisse, pouvait bien prendre certaines décisions stratégiques, mais déléguait les activités de gestion courante des fonds à des tiers, qui étaient rémunérés à des conditions de marché. D______ n’avait donc pas besoin de personnel ou de locaux propres pour exercer son activité. Autrement dit, elle disposait ainsi d’une organisation adaptée à ses besoins ».

En outre, les déclarations faites dans le cadre de la procédure pénale ne pouvaient pas constituer des éléments de preuves fiables, dès lors qu’elles découlaient de personnes inculpées cherchant à minimiser leur rôle et à amplifier celui d’autres personnes qui, comme M. B______, n’étaient pas impliquées.

La problématique ne se situait pas principalement au niveau de l’adéquation de la rémunération d’une activité de gestion de fonds, mais de rétrocessions pour l’apport de clientèle. Or, celles-ci dépendaient du volume des fonds investis par la clientèle des apporteurs.

La recourante a également rappelé les vices de formes qui avaient entaché la décision sur réclamation attaquée (violation du droit d’être entendu et non prise en compte de l’effet dévolutif du recours incident) et qui justifiaient l’annulation de la décision sur réclamation litigieuse.

38.         Par jugement du 7 décembre 2020 (JTAPI/4______), le tribunal a rejeté le recours concernant la procédure A/1______ relative à la consultation de certaines pièces du dossier, estimant que l’AFC-GE avait correctement informé la recourante sur le contenu essentiel des pièces litigieuses sur lesquelles elle s’était fondée pour procéder aux reprises.

39.         Le 21 décembre 2020, la recourante a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative.

40.         Dans sa duplique du 11 janvier 2021, l’AFC-GE a persisté intégralement dans les considérants et conclusions de sa réponse du 28 août 2020.

Concernant les fonds M______, les importants bénéfices versés par I______ à D______ de 2003 à 2008 auraient dû revenir à la recourante, car ils résultaient de l’activité de cette dernière et non pas de celle d’D______. Cette dernière, qui n’avait ni employés ni infrastructure, n’était pas intervenue dans la mise en place et la gestion de ces fonds. M. B______ faisait partie du comité d’investissement en qualité de représentant d’D______. Or, il ressortait des témoignages que ce comité d’investissement n’avait pas seulement un rôle consultatif, mais un pouvoir décisionnel de fait dans la mesure où le conseil d’administration de I______ appliquait systématiquement ses recommandations. L’AFC-GE a ainsi retenu les points suivants :

- Le groupe M______ était formé par quatre sociétés genevoises, dont la recourante, lesquelles avaient un poids égal au niveau des décisions du comité d'investissement de I______ ;

- Le comité était composé de cinq personnes ;

- M. B______ était membre du comité ;

- Le comité se réunissait régulièrement ;

- L'une des fonctions du comité était d'identifier des gérants pour les différents (sous) fonds M______. La sélection des gérants était présentée au conseil d'administration de I______ qui devait valider le choix desdits gérants ;

- Le conseil d'administration ne s'était jamais écarté des recommandations du comité ;

- Le comité avait ainsi un rôle décisionnel, notamment quant au choix des gérants des fonds M______ ;

- Le comité prenait ses décisions de manière consensuelle, chaque membre ayant un droit de veto ;

- Durant la période sous revue, de nombreux gérants avaient été sélectionnés par le comité ;

- Les membres du comité faisaient des visites régulières et organisées auprès des gérants ;

- Lors des voyages de sélection des gérants, il y avait toujours des représentants des quatre actionnaires du groupe M______ (dont la recourante) ;

- Certaines décisions liées à la gestion des fonds M______ et à la stratégie de placement avaient été prises par le comité, sans implication du conseil d'administration de I______ ;

- M. B______ avait participé à la sélection des gérants.

Les prestations ainsi fournies dépassaient très largement la fonction de simple observateur représentant d’D______. La recourante l’avait bien compris, dès lors qu’elle avait commandé une étude de prix de transfert portant sur la valeur de ces prestations fournies par son employé. Toutefois, cette étude sous-estimant la valeur des prestations à forte plus-value fournies par M. B______, l’AFC-GE ne pouvait pas en tenir compte. Le fait qu’D______ avait libellé les revenus versés par I______ comme des commissions d’apporteurs d’affaires ne changeait rien à la réalité économique. Les bénéfices nets avaient été obtenus grâce à l’activité à forte plus-value de M. B______, en tant qu’employé de la recourante, au sein du comité d’investissement des fonds M______. Ils ne représentaient pas seulement des commissions pour apport de clientèle.

S’agissant des fonds « maison », le contrat conclu le 1er août 2006 entre D______ et H______ ne chargeait pas cette dernière d’accomplir des actes de gestion et ne lui accordait aucun pouvoir décisionnel sur le choix des gérants de fonds ni sur leurs activités. Ce contrat consistait essentiellement à chercher de nouveaux investisseurs pour les fonds D______ (« maison »). Par ailleurs, même si le contrat accordait un pouvoir décisionnel à H______, on ne comprenait pas pourquoi les bénéfices nets auraient pu être légitimement alloués à D______, alors que celle-ci n’avait ni le personnel ni l’infrastructure nécessaire pour générer ces bénéfices.

Le contrat que D______ avait signé avec E______ le 15 juin 1995 portait également sur la recherche de clientèle en gestion de fortune et ne mentionnait aucune tâche relative aux fonds de placement. E______ était active dans la gestion de fortune jusqu’en 2009, date à laquelle elle avait commencé à s’occuper de fonds de placement. Partant, le volume d’affaires qu’elle avait procuré à D______ avant 2009, provenait sans doute aussi des clients de la recourante. Étant donné que celle-ci détenait entièrement C______ et, par ce biais indirectement D______, impliquait déjà que les recommandations de M. B______ étaient majoritaires au sein d’D______ et revêtaient une grande importance mesurable à l’aune du volume d’affaire apporté par la recourante, soit 60% voire 85% du volume d’affaires formellement traité par D______. Cette activité à forte plus-value de M. B______ avait procuré des bénéfices qu’D______ avait reversés non seulement à C______ et E______, mais aussi à MM. F______ et G______, raison pour laquelle les reprises devaient porter sur l’intégralité des bénéfices nets réalisés par D______.

Tous ces indices suffisaient à renverser le fardeau de la preuve et la recourante n’avait pas démontré qu’D______ avait réalisé elle-même une activité à plus-value qui justifierait ses bénéfices.

Enfin, l’audition de témoins sollicitée par la recourante n’apparaissait pas utile, compte tenu du temps écoulé depuis l’époque des faits, du rôle joué par D______ « désormais bien connu » et du fait qu’elle aurait pour effet de retarder la procédure.

41.         La recourante a déposé de nouvelles écritures datées du 5 février 2021, dans lesquelles elle persistait dans les conclusions de son recours, rappelait sa requête de suspension et réitérait ses demandes d’audition de témoins.

L’AFC-GE semblait fonder ses reprises sur le prétendu défaut de substance d’D______ et sur le fait que M. B______ siégeait au conseil d’administration de cette dernière. Or, il n’y avait aucune raison de considérer qu’il y siégeait en qualité d’employé de la recourante, plutôt qu’à titre individuel en sus de son activité à plein-temps. L’activité d’D______, bien que potentiellement génératrice de haute valeur ajoutée, ne nécessitait pas de besoins en temps, en infrastructure ou en personnel. Sa fonction d’investment manager d’un fonds de fonds, comme le fonds « maison », n’impliquait pas de transactions et de décisions d’investissements fréquentes. Le suivi et la gestion des structures au quotidien étaient effectués par l’administrator manager, alors que E______ et H______ assuraient le suivi et l’analyse des performances des fonds sous-jacents (gérés activement par leurs gérants respectifs) et fournissaient ainsi les informations nécessaires aux prises de décisions du conseil d’administration d’D______ concernant la sélection de gérants externes et d’éventuels ajustements du portefeuille. Les deux sociétés E______ et H______ ne se limitaient ainsi pas à une activité d’apporteur d’affaires.

Le rôle de M. B______ n’était pas prépondérant. Sa seule présence au comité d’investissement des fonds M______, composé de huit puis neuf membres dès 2007, ne pouvait pas suffire à attribuer à la recourante les commissions perçues par D______ de la part du gestionnaire de fonds I______. Ni son nom ni celui de la recourante n’étaient apparus dans les procédures civiles et pénales impliquant les promoteurs des fonds M______ en lien avec l’affaire L______. Si les avis du comité d’investissement étaient systématiquement repris par le conseil d’administration, cela s’expliquait par le fait que les principaux promoteurs du fonds, MM. AB_____ et AC_____, siégeaient dans ces deux instances. L’étude de prix de transfert découlait d’une volonté de trouver un compromis avec le fisc et d’estimer la valeur de l’activité exercée par M. B______ au sein du comité d’investissement. De toute manière, les commissions versées par I______ à D______ ne rémunéraient pas une activité de gestion qui aurait été conduite par M. B______, mais bien des apports de clients. Il n’y avait dès lors pas de lien de causalité entre l’activité de ce dernier et les revenus perçus par D______.

S’agissant des fonds « maison », la détention majoritaire indirecte d’D______ par la recourante ne signifiait pas que M. B______ avait une voix prépondérante au sein du conseil d’administration d’D______. Les décisions du conseil étaient prises dans l’intérêt d’une bonne gestion des fonds et l’avis de chaque membre du conseil avait un point égal. Contrairement à ce qu’alléguait l’AFC-GE, ce n’était pas 60% ni 85% du volume d’affaires des fonds « maison » traité par D______ qui était apporté par la recourante, mais 20%. La majorité des avoirs déposés auprès de la recourante (soit CHF XXX sur un total de CHF XXX au 30 septembre 2009) ne concernait pas ses propres relations d’affaires, mais celles d’associés de M. B______ pour lesquels la recourante se contentait d’exécuter leurs ordres. Seuls CHF XXX environ provenaient de relations d’affaires de M. B______.

Enfin, les arguments avancés par l’AFC-GE pour s’opposer à l’audition de témoins n’étaient pas pertinents. Celle-ci devait permettre au tribunal de comprendre la structure et le fonctionnement de la recourante, de I______ et d’D______.

42.         Sur demande de renseignements et de justificatifs du tribunal du 3 septembre 2021, relatifs au détail des rétrocessions versées par D______ et aux montants des actifs sous gestion apportés par C______ pour les années en cause, la recourante a répondu, par courrier du 16 septembre 2021, qu’elle était prête à collaborer à l’instruction du dossier en fournissant dans la mesure du possible les informations et documents demandés. Toutefois, elle rappelait au tribunal sa demande, restée sans réponse, de suspension de l’instruction du recours, jusqu’à droit connu dans la procédure incidente A/1______ pendante devant la chambre administrative. En cas de refus du tribunal, elle sollicitait de la part ce dernier une décision susceptible de recours.

43.         Par décision incidente du 22 septembre 2021 (DITAI/5______), le tribunal a rejeté la demande de suspension de l’instruction du recours, au motif que l’effet dévolutif ne portait que sur la question du refus de consultation de pièces issues d’une procédure pénale, dont le contenu résumé avait été correctement communiqué à la recourante. Le tribunal a ajouté que les reprises litigieuses et les amendes n’étaient pas basées sur ces seuls documents, mais sur de nombreux autres éléments ressortant du dossier, dont la recourante avait pu avoir connaissance.

44.         En date du 4 octobre 2021, cette décision a été contestée par la recourante par devant la chambre administrative. Ce recours est actuellement pendant.

45.         Le même jour, le tribunal a imparti un ultime délai à la recourante pour produire les renseignements et justificatifs requis dans sa lettre du 3 septembre 2021.

46.         Par courrier du 1er octobre 2021, la recourante a indiqué ne pas être en mesure de fournir davantage d’informations, dès lors que la gestion des rétrocessions s’opérait depuis Gibraltar par E______ et que le délai légal de conservation des pièces y était de six ans. Elle renvoyait toutefois le tribunal à divers courriers adressés à l’AFC-GE durant la procédure de contrôle. Elle a en outre confirmé que C______ n’avait elle-même pas apporté d’actifs sous gestion à D______. « C______ encaissait les rétrocessions dues sur les avoirs sous gestion provenant des clients gérés par [la recourante] et les reversait intégralement à celle-ci. Ces rétrocessions étaient arm’s length et étaient évidemment comprises dans le bénéfice de [la recourante] ».

47.         Par arrêt du 5 octobre 2021 (ATA/6______), la chambre administrative a rejeté le recours de la contribuable du 21 décembre 2020 dans la procédure A/1______. L’autorité intimée avait correctement effectué la pesée des intérêts en présence pour aboutir à sa décision de refus de consultation de pièces issues d’une procédure pénale concernant des tiers. Elle avait donné connaissance à la recourante du contenu essentiel de ces pièces sur lesquelles elle s’était notamment fondée pour effectuer les rappels contestés. Il fallait en effet prendre en compte les intérêts des tiers à ce que leurs dépositions faites dans le cadre de la procédure pénale ne soient pas diffusées. Vu la nature de ces pièces, leur anonymisation ne suffisait pas à préserver le secret qui les recouvrait.

48.         Le 10 novembre 2021, la recourante a recouru contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             La recourante conclut en premier lieu à la nullité, subsidiairement à l’annulation, de la décision sur réclamation du 20 mai 2020, en invoquant l’effet dévolutif d’un recours pendant contre une décision incidente.

4.             L’art. 67 al. 1 de la loi genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10) prévoit que dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en est l’objet passe à l’autorité de recours.

La LPA et la jurisprudence y relative étant muettes sur la question de l’effet dévolutif d’un recours contre une décision incidente, il convient de se référer à la doctrine développée dans le cadre de l’art. 54 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA – RS 172.021), dont la teneur de celui-ci est identique à l’art. 67 al. 1 LPA.

Selon les auteurs de doctrine cités par la recourante et selon une traduction libre en français, « si une décision préjudicielle ou incidente fait l’objet d’un recours, l’effet dévolutif ne s’étend qu’aux questions posées dans le cadre de cette contestation et de cet objet du litige. Dans de tels cas, l’effet dévolutif n’empêche pas l’instance précédente de rendre une décision finale (sur le fond) » (Regina KIENER, Kommentar VwVG, 2019, p. 803-804 n. 6 ad ad art. 54 PA).

« L’effet dévolutif s’applique également aux recours contre des décisions incidentes, mais seulement en ce qui concerne l’objet de la décision incidente attaquée. Dans la mesure où la procédure principale ne dépend pas de cette décision, l’instance inférieure demeure compétente. Si, par exemple, la décision attaquée ne porte que sur l’effet suspensif ou sur une mesure provisionnelle, l’autorité précédente continue à statuer sur le fond de l’affaire. En revanche, si le recours est interjeté contre une décision incidente d’une autorité acceptant sa compétence, cette même autorité n’est pas compétente pour statuer sur le fond, car cette compétence ne serait plus donnée au cas où le recours contre la décision incidente serait admis (Hansjörg SEILER, Praxiskommentar VwVG, 2016, p. 1118 n. 28 ad art. 54 PA).

5.             En l’espèce, la recourante soutient que la décision litigieuse est nulle, subsidiairement annulable, dès lors que l’AFC-GE ne pouvait pas rendre une décision sur le fond de sa réclamation tant que la procédure de recours A/1______, concernant la décision incidente lui refusant la consultation de quatre pièces découlant d’une procédure pénale, n’était pas terminée.

6.             Le tribunal considère à cet égard que l’effet dévolutif ne portait que sur la question du refus de consultation de ces pièces, dont le contenu essentiel avait été correctement communiqué à la recourante à plusieurs reprises notamment dans le cadre de la procédure de rappel d’impôt (cf. courriel du 7 décembre 2018) et lors de la procédure de réclamation (cf. résumé de ces pièces du 22 mars 2019).

Par ailleurs, les reprises litigieuses et les amendes ne sauraient être basées sur ces seuls documents, mais sur de nombreux autres éléments ressortant du dossier dont la recourante a pu avoir connaissance.

Dès lors, c’est à tort que la recourante fait valoir une violation de l’effet dévolutif du recours dans le cas présent. Partant, la décision sur réclamation litigieuse ne saurait être nulle ni annulable pour ce motif. Ce grief est écarté.

7.             Par voie de conséquence, à défaut d’accord entre les parties, il n’y avait pas lieu de suspendre l’instruction du présent recours dans l’attente de l’issue de la procédure A/1______, comme l’a jugé le tribunal dans sa décision incidente du 22 septembre 2021 (DITAI/5______) et contre laquelle la recourante a interjeté recours auprès de la chambre administrative en date du 4 octobre 2021.

8.             La recourante invoque également une violation de son droit d’être entendue dans la mesure où la décision sur réclamation attaquée ne contient aucune motivation.

9.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu implique, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision (cf. art. 46 al. 1 LPA cum art. 2 al. 2 LPFisc). Selon la jurisprudence, il suffit que celle-ci mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que son destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 et les arrêts cités). La motivation est ainsi suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d'en comprendre les raisons et de la déférer à l'instance supérieure en connaissance de cause. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; cf. aussi ATA/967/2016 du 15 novembre 2016 consid. 2b).

Une réparation devant l'instance du recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_572/2011 du 3 avril 2012 consid. 2.1 et les références citées ; 1C_161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1).

A teneur des art. 50 al. 2 LPFisc et 142 al. 4 LIFD, dans la procédure de recours, le tribunal de céans a les mêmes compétences que le département dans la procédure de taxation.

10.         En l'espèce, la décision sur réclamation querellée ne contient pas de motivation sur le fond de l’affaire, l’AFC-GE ayant toutefois relevé dans ladite décision que la recourante n’avait fourni aucune motivation « quant à la nature et aux montants des reprises ».

11.         Le tribunal observe en effet que, dans sa réclamation du 23 janvier 2019, la recourante s’est bornée à invoquer une violation de son droit d’être entendue consécutive au refus de l’AFC-GE de lui permettre de consulter les quatre pièces découlant de la procédure pénale susmentionnée. Ce faisant, la contribuable n’a fait valoir aucun grief relatif au fond de l’affaire.

Par ailleurs, comme cela ressort d’ailleurs de son mémoire de réclamation, la contribuable a pu rencontrer l’AFC-GE à sept reprises, entre février 2015 et novembre 2018, dans le cadre des procédures de rappel et de soustraction d’impôt. Au cours de ces réunions notamment, elle a pu prendre connaissance du dossier et, bien qu’elle n’ait pas eu accès aux quatre pièces susmentionnées, elle a pu en connaitre le contenu essentiel. En outre, comme le relève à juste titre l’AFC-GE, la recourante ne saurait de bonne foi soutenir que les reprises litigieuses ne reposaient que sur ces quatre pièces. Ces reprises se fondaient sur de nombreuses autres pièces connues de la recourante, puisque produites par cette dernière. Ainsi, si la décision entreprise n’était pas motivée sur le fond de l’affaire, c’est en raison de l’absence de griefs formulés sur ce point par la recourante.

12.         Au demeurant, comme rappelé ci-dessus, ce grief a pu être réparé au cours de la présente procédure de recours, par les nombreux échanges d’écritures.

Par conséquent, ce grief est également écarté.

13.         La recourante sollicite l’audition de témoins, afin d’étayer ses allégations et « notamment pour donner des détails sur les relations entretenues par D______ avec les apporteurs tiers et leur prépondérance en termes d’AUM et de rémunération tout au long de ces années ».

14.         Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Il ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 -, applicable en vertu de l’art. 2 al. 2 LPFisc ; ATF 140 I 68 consid. 9.6), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas l’autorité (ou le juge) de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l’instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1).

15.         En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires à l'examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, au vu notamment de la solution adoptée ci-après. Il n'y a dès lors pas lieu de donner suite à la requête tendant à l'audition des personnes citées par la recourante dans sa réplique du 9 novembre 2020.

16.         Par ailleurs, les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. not. cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4).

17.         La prescription et la péremption sont des questions de droit matériel que le juge examine d'office lorsqu'elles jouent en faveur du contribuable (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_760/2017 du 15 juin 2018 consid. 4 ; ATA/1162/2018 du 30 octobre 2018).

18.         L'art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD). Les art. 61 al. 1 et 3 LPFisc et 53 al. 2 et 3 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) posent les mêmes principes.

19.         En l’espèce, ouverte le 13 décembre 2013, la procédure de rappel d’impôt des exercices fiscaux 2003 à 2008 respecte le délai de prescription de dix ans à compter de la fin de la première période fiscale concernée.

En revanche, le délai de péremption de quinze ans est échu pour l’année 2005 depuis le 1er janvier 2021. En conséquence, à la date du présent jugement, le rappel d’impôt ne peut plus porter que sur les années fiscales 2006 à 2008.

20.         La recourante conteste les reprises effectuées par l’AFC-GE lui attribuant la quasi-totalité du bénéfice net comptabilisé par D______ durant les années en cause.

21.         Selon les art. 11 de la loi genevoise sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM – D 3 15) et 57 LIFD, l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net.

À teneur de l’art. 12 al. 1 let. a, h et j LIPM, le bénéfice net imposable comprend notamment le bénéfice net tel qu’il résulte du compte de profits et pertes (let. a), les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (let. h) et les produits qui n’ont pas été comptabilisés dans le compte de résultat (let. j).

Bien que rédigé différemment, l’art. 58 al. 1 let. a, b et c LIFD a la même portée que l’art. 12 let. a, h et j LIPM (ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/152/2011 du 8 mars 2011).

22.         Les dispositions fédérales et cantonales susmentionnées étant d'une teneur similaire, la jurisprudence et la doctrine développées en matière d'IFD vaut également pour l'ICC.

23.         L'art. 58 al. 1 let. b LIFD mentionne que le bénéfice net imposable comprend aussi tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir les dépenses justifiées par l'usage commercial. Il s'agit d'une règle générale de réintégration de charges. Cette règle est explicitée par une énumération non exhaustive de cinq exemples « tels que » les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par ledit usage commercial (arrêt du Tribunal fédéral 2C_985/2012 du 4 avril 2014 consid. 2.1).

Pour décider du caractère commercialement justifié d'une opération, il faut adopter le point de vue de la société en cause, celui du groupe de sociétés auquel elle appartient n'étant pas admissible. En effet, le droit civil suisse ne connaît pas - à l'exception de quelques dispositions - de véritable droit des sociétés de groupe et traite chaque société comme une entité juridiquement indépendante disposant de ses propres organes, lesquels doivent effectuer des opérations dans l'intérêt de la société concernée (art. 717 al. 1 CO) et non pas dans celui du groupe, d'autres sociétés ou de son détenteur majoritaire de parts (ATF 110 Ib 127 consid. 3bb). Dans ces limites, la société anonyme peut en principe conclure librement tous contrats civils ou commerciaux avec ses actionnaires, peu importe qu'il en résulte un bénéfice ou une perte (ATF 107 Ib 325 consid. 3c p. 331 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_985/2012 du 4 avril 2014 consid. 2.3). Le droit fiscal suisse ne connaît pas non plus la notion de groupe.

Les relations économiques entre sociétés apparentées doivent être par conséquent analysées sous l’angle de l’adéquation des prix de transfert pratiqués. Par prix de transfert, l’on entend les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées (Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, juillet 2020, p. 19 n. 11).

Les opérations entre sociétés d'un même groupe doivent intervenir comme si elles étaient effectuées entre tiers dans un environnement de libre concurrence (ATF 140 II 88 consid. 4 et 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2.), y compris dans un contexte international, les prix de transfert ne pouvant être fixés de manière à déplacer un bénéfice d'un Etat dans un autre (cf. arrêts 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 11.1 ; 2C_508/2014 du 20 février 2015).  

Cette règle trouve son point d'ancrage dans celle de la « justification commerciale » de l'art. 58 al. 1 LIFD qui veut qu'une société se comporte vis-à-vis de ses actionnaires ou de toute personne la ou les touchant de près, comme le ferait un commerçant prudent qui, dans ses relations d'affaires avec des tiers, adopte une position adéquate dans l'intérêt de la société. En d'autres termes, la société qui passe des actes juridiques avec ses actionnaires ou toute personne la ou les touchant de près doit le faire dans les mêmes conditions que celles auxquelles elle aurait accepté de traiter avec des tiers dans les mêmes circonstances, faute de quoi l'opération est contraire au principe du « dealing at arm's length » et ne s'explique que par les relations privilégiées entre les parties (cf. sur ce point : arrêt du Tribunal fédéral 2C_291/2013 du 26 novembre 2013 consid. 4). Cela vaut tant pour le choix des formes juridiques que revêtent ces actes que pour la fixation des montants objets des transactions (arrêts 2C_985/2012 du 4 avril 2014 consid. 2.3 ; 2C_724/2010 du 27 juillet 2011, consid. 7.1 in RDAF 2012 II 37).

24.         Lorsqu’une société de capitaux effectue une transaction à un prix de transfert trop favorable à une société apparentée, en violation du principe de pleine concurrence, l’opération sera qualifiée de prestation appréciable en argent (voir dans ce sens Xavier OBERSON, Précis de droit fiscal international, 4ème éd., 2014, p. 271 n. 906), respectivement de renonciation à un produit (art. 58 al. 1 let. c LIFD et 12 al. 1 let. j LIPM).

L’existence d’une prestation appréciable en argent suppose la réalisation de quatre conditions cumulatives : la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation ; cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l’avantage qu’ils accordaient. Selon la jurisprudence, il ne s’agit pas d’examiner si les parties ont reconnu la disproportion, mais plutôt si elles devaient la reconnaître (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2018 consid. 11).

25.         Un bénéfice, au sens des art. 58 al. 1 let. a, b et c LIFD et 12 al. 1 let. a, h et j LIPM, peut prendre la forme d'une renonciation à un produit, qui conduit à une diminution correspondante du résultat auprès de la société. Tel est par exemple le cas lorsqu'une société renonce totalement ou en partie à un revenu qui lui revient en faveur d'un détenteur de part ou d'un proche, ou qu'elle n'obtient pas, pour la prestation qu'elle a effectuée, la contreprestation qu'elle aurait exigée d'un tiers (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_377/2014, 2C_378/2014 du 26 mai 2015 consid. 9.4.1 et les arrêts cités).

26.         Dans un arrêt récent (2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 15.1 et 15.2), le Tribunal fédéral a jugé qu’il en allait de même lorsqu'une société mère ne se fait pas ou insuffisamment rémunérer pour des prestations qu'elle fournit à sa filiale. « Une reprise se justifie déjà en vertu de la norme correctrice fiscale de l'art. 58 al. 1 let. b LIFD. Plusieurs auteurs sont aussi d'avis que, dans un tel cas, une reprise se révèle fondée (cf. les auteurs cités par Pierre-Marie GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, 2005, p. 298 en note 2153; cf. aussi Reto HEUBERGER, Die verdeckte Gewinnausschüttung aus Sicht des Aktienrechts und des Gewinnsteuerrechts, p. 307). Certes, d'autres auteurs pensent au contraire que l'actionnaire n'est pas imposable, notamment parce que l'administration ne peut pas exiger que la société mère réalise un profit avec sa propre filiale (cf. GLAUSER p. 298 et les références, notamment à Markus REICH, Verdeckte Vorteils-zuwendungen zwischen verbundenen Unternehmen, in Archives 54 p. 626). Il se trouve que cette conception est difficilement compatible avec la jurisprudence constante du Tribunal fédéral selon laquelle les opérations entre sociétés d'un même groupe doivent intervenir comme si elles étaient effectuées avec des tiers dans un environnement de libre concurrence. Cela étant, même ces auteurs réservent les cas d'abus de droit, en particulier quand la prestation faite par l'actionnaire favorise sa filiale à l'étranger et que cette dernière distribue ensuite ses bénéfices sous la forme de dividendes à l'actionnaire, qui bénéficie de la réduction pour participations » (cf. Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., p. 299 et les auteurs cités note 2158; Markus REICH, op. cit., p. 630 s.).

27.         En matière fiscale, les règles relatives au fardeau de la preuve impliquent que l’autorité fiscale établisse les faits augmentant la taxation et supporte le fardeau de la preuve de démontrer l’existence d’éléments imposables, tandis qu’il incombe au contribuable de justifier les faits qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_111/2012 du 25 juillet 2012 consid. 4.6 ; ATA/18/2013 du 8 janvier 2013 consid. 7b ; ATA/483/2012 du 31 juillet 2012).

Il appartient à l’autorité fiscale de prouver l’existence de prestations appréciables en argent faites par la société, sans contre-prestation, à ses actionnaires ou à leurs proches. Le contribuable n’a pas à supporter les conséquences d’un manque de preuves, à moins qu’on ne puisse lui reprocher une violation de ses devoirs de collaboration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_589/2013 du 17 janvier 2014 consid. 7.2).

En revanche, en présence d’indices concluants permettant d’établir l’existence de faits justifiant une imposition, le fardeau de la preuve est renversé et c’est le contribuable qui doit remettre en cause le point de vue de l’administration (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2011 du 31 mai 2011 consid. 5.2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 5.2). A titre d’exemple, lorsqu’une prestation en argent présente un caractère insolite, le contribuable est tenu de prouver que la prestation en cause est justifiée par l’usage commercial, puisque les autorités doivent pouvoir s’assurer que seules des raisons commerciales - et non les rapports personnels et économiques étroits entre la société et le bénéficiaire de la prestation - étaient déterminantes pour le choix de la prestation présentant un caractère insolite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2011 du 31 mai 2011 consid. 5.2 ; ATA/183/2014 du 25 mars 2014 consid. 4b). Ces règles s’appliquent également à la procédure devant les autorités de recours en matière fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_514/2009 du 25 mars 2010).

28.         Selon la jurisprudence, le devoir de collaboration du contribuable (art. 124 LIFD) est particulièrement qualifié dans les relations internationales, notamment en présence de prestations réalisées depuis la Suisse vers un pays étranger sans convention de double imposition ou dont la clause d'échange de renseignements ne correspond pas aux standards actuels de l'OCDE en matière d'échange de renseignements, et en particulier lorsque ce pays favorise la création de domiciles fictifs (cf. ATF 144 II 427 consid. 2.3.2 p. 433 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 11.4 ; 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2.5.2 et les nombreuses références, in RF 70/2015 p. 811, traduit in RDAF 2016 II 110).

29.         En l’occurrence, la Suisse n’a pas conclu de tels accords avec les Îles Vierges britanniques (BVI), où D______ a son siège social, ni d’ailleurs avec les Bermudes, où I______ a son siège social, pour les années en cause, et l’on se trouve par conséquent en présence d’un devoir de collaboration qualifié de la part de la recourante.

30.         L'autorité de taxation doit alors principalement démontrer qu'une prestation a été consentie, sans contre-prestation équivalente voire sans contre-prestation du tout, raison pour laquelle la prestation ne résiste pas à la comparaison avec les tiers. Lorsqu'une disproportion est avérée, on peut fiscalement présumer de l'existence d'une prestation appréciable en argent en faveur du détenteur de parts ou de l'un de ses proches et il appartient alors au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations contraires. S'il n'y parvient pas, il doit supporter les conséquences de l'absence de preuve, qui consistent en l'imposition (cf. ATF 144 II 427 consid. 8.3.1 p. 449 ; arrêts 2C_1073/2018 du 20 décembre 2018 consid. 11.4 ; 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2.5.5).  

31.         En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phrase de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/769/2015 du 28 juillet 2015 consid. 6b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/769/2015 du 28 juillet 2015 consid. 6b). Cette liberté d’appréciation de la preuve, applicable en droit fiscal, doit s’exercer dans le cadre de la loi et n’est limitée que par l’interdiction de l’arbitraire (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_63/2014 du 5 novembre 2014 consid. 3.1).

32.         En l’espèce, l’AFC-GE a considéré que les bénéfices réalisés par D______ découlant des fonds « maison » et M______ devaient revenir à la recourante, au motif que D______ n’était qu’une « coquille vide », n’employant pas de personnel et n’occupant pas de locaux.

L’AFC-GE a ainsi ajouté au bénéfice imposable de la recourante tous les bénéfices résultant de ces deux fonds de fonds, soit la quasi-totalité des bénéfices réalisés par D______.

33.         Selon la recourante, s’agissant des fonds « maison », l’activité d’D______ se résumait aux décisions stratégiques (lancement d’un nouveau fonds, choix du secteur d’activité du fonds et des gérants de fonds, etc.) prises par son conseil d’administration composé de quatre membres. Pour les fonds M______, si D______ n’était pas représentée dans le conseil d’administration de I______, elle participait activement, par l’intermédiaire de MM. B______ et G______, aux séances du comité d’investissement de cette dernière, composé de huit personnes.

Elle prétend ne pas avoir déployé une activité pour D______ plus importante que celle d’autres intervenants dans les structures mises en place, qui justifierait de lui attribuer l’intégralité des bénéfices de cette société. La gestion des fonds au quotidien, l’administration des fonds de fonds, leur distribution étaient déléguées à des sociétés tierces, et les actifs sous gestion dans les fonds « maison » et M______ provenaient en majeure partie d’autres apporteurs.

Elle souligne que « le conseil d’administration d’D______, qui se réunissait autant de fois que nécessaire et dont la majorité des membres ne résidait pas en Suisse, pouvait bien prendre certaines décisions stratégiques, mais déléguait les activités de gestion courante des fonds à des tiers, qui étaient rémunérés à des conditions de marché. D______ n’avait pas besoin de personnel ou de locaux propres pour exercer son activité. Autrement dit, elle disposait d’une organisation adaptée à ses besoins ».

34.         Le tribunal relève que la recourante n’a pas démontré qu’D______, domiciliée aux Îles Vierges britanniques, possédait elle-même les ressources nécessaires pour exercer de manière autonome ses activités. Les états financiers d’D______ montrent qu’elle n’avait pas une infrastructure opérationnelle, dès lors qu’elle n’employait pas de personnel et qu’elle ne disposait pas de ses propres locaux. De plus, compte tenu du faible montant qu’elle versait pour ses primes d’assurance responsabilité professionnelle (USD 5'000.- par an), il est douteux qu’D______ ait pu couvrir de véritables risques commerciaux dans ce secteur économique.

On constate ainsi qu’D______ n’avait ni la substance ni la structure financière pour exercer une activité de cette envergure. Ses comptes révèlent d’ailleurs un mode d’organisation faisant appel de façon exclusive à des prestataires externes qu’elle a rémunérés, ne disposant pas elle-même de collaborateurs.

35.         Les explications de la recourante, selon lesquelles la répartition de la charge de travail était supportée à 80% par l’administrator manager et à 20% par l’investment manager, ne sauraient être en aucun cas décisives pour la détermination d’une rémunération, étant relevé que, dans le secteur de la commercialisation de placements collectifs de capitaux, l’activité administrative ne joue qu’un rôle très limité en matière de création de valeur ajoutée. Pour le fonds « maison », celle-ci dépendait essentiellement des décisions stratégiques du conseil d’administration et de la capacité de celui-ci à choisir les secteurs d’activité des fonds et les gérants de fonds compétents. Il en allait de même pour le fonds M______, dans la mesure où les choix stratégiques proposés par le comité d’investissement de I______, dont MM. B______ et G______ étaient membres, étaient systématiquement suivis par le conseil d’administration de cette même société.

36.         Par ailleurs, concernant le détail des apporteurs d’affaires et des montants des rétrocessions qu’D______ aurait versées, la recourante a expliqué que les pièces justificatives n’étaient plus disponibles, étant donné que le délai légal de conservation des pièces à Gibraltar est de six ans. Il doit être relevé à ce propos que, lors de l’ouverture des procédures de rappel et de soustraction d’impôt, soit le 13 décembre 2013, ce délai légal de conservation n’était pas échu pour les exercices 2007 à 2011. Il apparaît dès lors étonnant que la recourante n’ait pas conservé toutes les pièces justificatives pour les besoins de l’instruction, notamment celles qui auraient pu démontrer la substance d’D______.

37.         Il résulte de ce qui précède que la recourante n’a pas démontré la capacité de sa filiale à exercer elle-même son activité de façon autonome. Faute de ressources propres suffisantes, cette dernière n’a ainsi pas pu générer seule les bénéfices qu’elle a affichés, à savoir USD XXX en 2006 ; USD XXX en 2007 et USD XXX en 2008.

Dans ces conditions, force est de considérer que les activités à forte valeur ajoutée, qui n’ont pas pu être effectuées par D______, ont nécessairement été réalisées par ses actionnaires, dont fait partie la recourante.

Or, il ne ressort pas des comptes que celle-ci ait facturé à D______ des honoraires correspondant à l’importance des prestations fournies. De toute évidence, si cela avait été le cas, elle n’aurait pas manqué de l’alléguer.

Ainsi, il n’apparaît pas que la recourante ait été correctement rémunérée pour toutes les prestations qu’elle a immanquablement fournies à D______.

38.         Eu égard à ce qui précède, le tribunal considère que ces prestations ont été fournies sans contre-prestation équivalente à une société proche de la recourante, dès lors que cette dernière détenait indirectement, par le biais d’C______ et de E______, 79.53% d’D______ (60% + 19.53% [soit 78.125% de 25%]). Il y a lieu de constater qu’elles n’auraient pas été accordées dans de telles conditions à des tiers et que les organes de la recourante auraient pu s’apercevoir des avantages qu’ils procuraient à la société bénéficiaire.

Partant, les conditions de prestations appréciables en argent de la part de la recourante en faveur d’D______ sont réalisées dans le cas présent.

39.         Cela étant, comme le relève la recourante, il est vrai que le conseil d’administration d’D______, en sus de la recourante, était composé de trois autres membres, à savoir M. K______ et/ou M. J______ pour E______, M. F______ et M. G______, qui sont également censés avoir pris part aux activités de la société. Il convient donc d’en tenir compte sur la base de leur participation dans le capital d’D______.

Ainsi, étant donné que la recourante détient indirectement, par le biais d’C______ et de E______, 79.53% d’D______, il y a lieu d’admettre les reprises litigieuses à hauteur de ce taux, le pourcentage restant correspondant aux parts détenues par des actionnaires minoritaires qui, de fait, ont pu également prendre part aux activités de la société.

40.         En conclusion, le tribunal considère que la contribuable a contrevenu à ses obligations fiscales en ne facturant pas ses prestations à D______. Cette dernière a pu de ce fait réaliser de plus grands bénéfices soumis à une fiscalité particulièrement favorable, puisque quasiment inexistante.

Le fait que ces bénéfices ont ensuite été distribués sous la forme de dividendes bénéficiant de réductions pour participations qualifiées, avec pour conséquence de réduire la charge fiscale sur les produits de la recourante, ne peut que renforcer cette considération.

41.         En conséquence, les reprises relatives aux années fiscales 2006, 2007 et 2008 sont confirmées à concurrence de 79.53% de leurs montants.

42.         En ce qui concerne les amendes pour soustraction d’impôt relatives à l’année fiscale 2008, fondées sur les art. 175 LIFD et 69 LPFisc, le tribunal observe que la recourante s’est contentée de conclure principalement à la nullité, subsidiairement à l’annulation de la décision sur réclamation du 20 mai 2020, sans toutefois fournir de motif de contestation de ces amendes.

Au demeurant, on ne voit pas en quoi l’autorité intimée aurait mal appliqué les dispositions légales fédérales et cantonales en retenant que les conditions d'une soustraction d'impôt sont remplies et en fixant la quotité de l'amende à une fois l'impôt éludé.  

Dans ces conditions, le tribunal n'entrera pas en matière sur ce point. Les amendes sont donc confirmées dans leur principe et leur quotité, mais leurs montants devront être rectifiés par l'AFC-GE, afin de tenir compte de la réduction des reprises susmentionnées.

43.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. Le dossier sera renvoyé à l'AFC-GE, afin qu'elle notifie de nouveaux bordereaux de rappel d'impôts et d'amendes conformes aux considérants qui précèdent.

44.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), un émolument de CHF 3'500.-, partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours, sera mis à la charge de la recourante.

45.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l'administration fiscale cantonale, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 juin 2020 par A______ SA contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 20 mai 2020 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour notification de nouveaux bordereaux de rappel d'impôt et d'amende conformes aux considérants qui précèdent ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 3’500.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

5.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1’000.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Jean-Marie HAINAUT et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière