Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/697/2012

ATA/183/2014 du 25.03.2014 sur JTAPI/1470/2012 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/697/2012-ICCIFD ATA/183/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mars 2014

1ère section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

X______ S.A.

représentée par Me Daniela Linhares, avocate

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 décembre 2012 (JTAPI/1470/2012)


EN FAIT

1) X______ S.A. (ci-après : X______ ou la société) est une société sise à Genève et inscrite au registre du commerce de ce canton depuis le ______ 1926. Son but statutaire est : opérations immobilières (…) et toute activité y relative.

2) Le 13 septembre 2010, X______ a remis sa déclaration fiscale pour personnes morales 2009 à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE).

Elle annonçait un bénéfice net imposable de CHF 69'691.- tant pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) que pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC), ainsi qu'un capital propre imposable de CHF 7'606'290.- pour l'IFD et de CHF 6'119'260.- pour l'ICC.

3) Par courrier du 22 octobre 2010, renouvelé le 21 janvier 2011, l'AFC-GE a demandé à X______ divers renseignements, en particulier l'identité complète et l'adresse exacte des personnes physiques ou morales bénéficiaires ultimes des intérêts de CHF 459'099.-, ainsi que les taux afférents aux intérêts en question.

4) X______ a remis sa déclaration complétée ainsi que ses comptes 2009 à l'AFC-GE le 11 février 2011.

Selon le bilan de la société au 31 décembre 2009, dont le total s'élevait à CHF 26'199'715,99, le poste d'actifs « débiteurs sociétés proches » se montait à CHF 5'107'862,38 (contre CHF 6'802'674,40 l'année précédente), tandis que le poste de produits « intérêts sur avances en compte courant » se montait à CHF 175'480,77 (contre CHF 232'593,30 l'année précédente).

5) Le 6 octobre 2011, l'AFC-GE a expédié à X______ ses bordereaux de taxation 2009. L'ICC, d'un montant de CHF 39'859,20, était basé sur un bénéfice net total de CHF 149'692.- et un capital propre imposable dans le canton de Genève de CHF 6'475'242.- (capital propre total : CHF 7'606'289.-). L'IFD, d'un montant de CHF 12'716.-, était basé sur un bénéfice net total de CHF 149'692.- et un capital propre imposable en Suisse de CHF 7'606'289.-.

Sur la base de tableaux de calcul, l'AFC-GE retenait un chiffre de CHF 80'001.- à titre d'intérêts insuffisants, ce montant faisant l'objet d'un redressement et étant intégré au bénéfice imposable (69'691 + 80'001 = 149'692).

6) Le 9 janvier 2012, par l'intermédiaire d'une fiduciaire, X______ a élevé réclamation contre les taxations précitées. Elle n'avait eu connaissance de celles-ci que le 12 décembre 2011, à l'occasion d'un rappel.

Son capital propre n'était pas insuffisant. Par ailleurs, les dettes rentées se montaient à CHF 15'894'328.- (chiffre correspondant au solde moyen au bilan avant intérêts du poste « créancier-actionnaire ») avec un intérêt à 2,5 %, soit CHF 397'358.-. La charge comptabilisée était donc conforme à la lettre-circulaire de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) du 3 février 2009 fixant les taux d'intérêt 2009 déterminants pour le calcul des prestations appréciables en argent (ci-après : la lettre-circulaire 2009). Les intérêts portés en compte sur les postes « débiteurs sociétés proches » avaient été calculés à 3 % du solde moyen, soit 0,5 % de plus que les charges sur les capitaux étrangers, ce qui respectait scrupuleusement les conditions de la lettre-circulaire 2009 susmentionnée.

7) Le 19 janvier 2012, l'AFC-GE a statué sur la réclamation précitée. Celle-ci était admise sur un point, l'AFC-GE ayant à tort pris en compte les nouvelles moyennes fournies en ce qui concernait les dettes rentées ainsi que les avances faites aux actionnaires.

Pour le surplus, les taxations (recte : la seule taxation ICC, le montant de l'IFD du nouveau bordereau étant inférieur à l'ancien) étaient modifiées en défaveur de la contribuable.

Le mode de calcul des intérêts insuffisants qui avait été pratiqué et qui ressortait de l'annexe G de la déclaration était conforme, d'une part à la lettre-circulaire 2009 et d'autre part à la circulaire n° 6 du 6 juin 1997 de l'AFC-CH relative au capital propre dissimulé de sociétés de capitaux et de sociétés coopératives (ci-après : la circulaire n° 6) et aux intérêts y relatifs.

La circulaire n° 6 et la lettre-circulaire 2009 précitées étaient intimement liées et ne pouvaient être dissociées. En effet, la circulaire n° 6 prévoyait que si les prêts des détenteurs de droits de participation ou de leurs proches sont rémunérés à un taux d'intérêt inférieur au taux usuel du marché, la déduction du montant d'intérêts calculé sur le capital étranger admissible sera acceptée, aux taux maximaux publiés dans la lettre-circulaire 2009, seul un surplus éventuel étant ajouté au bénéfice de la société.

La lettre-circulaire 2009 prévoyait à son point 1.2 que le taux d'intérêt sur les avances aux actionnaires jusqu'à CHF 10'000'000.- et au-delà de cette somme, financées au moyen de fonds étrangers, devait être respectivement de ½ %, respectivement ¼ % supérieur au taux pratiqué afférent aux propres charges, mais que ce taux d'intérêt devait être au moins égal au taux d'intérêt minimum exigé sur les avances aux actionnaires au moyen des fonds propres et si aucun intérêt n'était dû sur du capital étranger. Il découlait logiquement de la fixation de cette marge de ½ ou ¼ %, que la circulaire n° 6 déployait ses effets non seulement pour le calcul des intérêts non admis sur les prêts des actionnaires ou associés (ou leurs proches) mais également sur celui des intérêts insuffisants sur les avances aux actionnaires ou associés (et leurs proches).

Il en résultait ainsi, d'une part, que les fonds étrangers visés au point 1.2 de la lettre-circulaire 2009 qui doivent être pris en considération dans le cadre de la fixation du taux minimum intégrant la marge de ½ ou ¼ % pour le calcul des intérêts exigés sur les avances aux actionnaires ou associés étaient les fonds étrangers moyens maximaux admissibles pour les dettes envers les actionnaires, les associés ou leurs proches et les fonds étrangers comptabilisés pour les dettes envers les tiers ; et, d'autre part, que seules les dettes moyennes rentées devaient être prises en ligne de compte pour la fixation de ce taux minimum exigé, lesquelles étaient calculées en multipliant les dettes comptabilisées par le rapport entre les intérêts comptabilisés et les intérêts maximaux fiscalement admis.

L'application pratique conséquente des principes précités nécessitait l'adoption d'une méthode de calcul uniforme, objective et cohérente telle que proposée par l'annexe G de la déclaration, permettant de déterminer précisément, pour tous les cas impliquant des emprunts et/ou des prêts contractés dans une monnaie donnée, d'une part les éventuels intérêts non admis sur le capital propre dissimulé et, d'autre part, les éventuels intérêts insuffisants sur les prêts aux actionnaires ou à leurs proches.

En conséquence, le redressement opéré au titre d'intérêts insuffisants devait être confirmé, et devait être considéré comme une prestation appréciable en argent octroyée aux bénéficiaires des prêts consentis. Les taxations querellées étaient dès lors maintenues sur ces points.

Les bordereaux de taxation corrigés annexés aux décisions sur réclamation s'élevaient à CHF 39'859,20 pour l'ICC (calculé sur la base d'un bénéfice net total de CHF 143'510.-, d'un bénéfice imposable nul, d'un capital propre total de CHF 7'606'289.- et d'un capital propre imposable dans le canton de Genève de 6'475'242.-) et à CHF 12'197,50 pour l'IFD (calculé sur la base d'un bénéfice net total de CHF 143'510.-, d'un bénéfice imposable du même montant, d'un capital propre total de CHF 7'606'289.- et d'un capital propre imposable en Suisse du même montant).

8) Le 20 février 2012, X______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée.

9) Par jugement du 3 décembre 2012, le TAPI a déclaré le recours irrecevable concernant l'ICC 2009 et l'a admis partiellement concernant l'IFD 2009, renvoyant la cause à l'AFC-GE dans le sens des considérants.

Le bordereau rectificatif ICC 2009 du 19 janvier 2012 portait sur un bénéfice imposable nul, et les griefs de X______ ne portaient que sur l'imposition du bénéfice. Ses conclusions ne pouvaient dès lors pas tendre à une diminution de l'impôt, si bien que, conformément à la jurisprudence, son recours en matière d'ICC devait être déclaré irrecevable.

Concernant l'IFD 2009, le recours était recevable, le bénéfice imposable pouvant être revu à la baisse en cas d'admission du recours. L'AFC-GE avait constaté que X______ n'avait pas de capital propre dissimulé, dès lors que la moyenne des dettes totales était inférieure à l'endettement admissible selon la circulaire n° 6. Elle avait ensuite calculé les intérêts passifs admissibles en application de la lettre-circulaire 2009, parvenant à un total d'intérêts admissible de CHF 597'993.-. Or X______ avait versé CHF 403'372.- en tout à ce titre, ce qui correspondait à un taux de 2,53 % par rapport à la dette moyenne admise de CHF 15'894'328.-. Ce montant se trouvant à l'intérieur de la limite calculée selon la lettre-circulaire 2009, l'on n'avait pas affaire à une prestation appréciable en argent.

Quant à la détermination des intérêts admissibles sur les créances et les prêts aux actionnaires, associés et personnes proches, il y avait lieu de prendre en compte le taux effectif de 2,53 % précité augmenté de 0,5 %, conformément à la lettre-circulaire 2009, dans la mesure où la créance moyenne de CHF 5'849'333.- était inférieure à CHF 10'000'000.-. Ainsi, compte tenu d'un taux de 3,03 % (2,53 % + 0,5 %), les intérêts sur cette créance moyenne de CHF 5'849'333.- s'élevaient à CHF 177'234,80. Par conséquent, la reprise litigieuse devait être réduite à CHF 1'754,80 (CHF 177'234,80 – CHF 175'480.-). Le recours était donc presque entièrement admis pour l'IFD 2009.

10) Par acte déposé le 9 janvier 2013, l'AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à la confirmation (recte : au rétablissement) de la décision sur réclamation du 19 janvier 2012.

Etait contesté le fait que le calcul de l'insuffisance d'intérêts tienne compte d'un taux d'endettement sur les dettes moyennes envers les actionnaires et autres proches de la société de 2,53 % + 0,5 %. Il fallait au contraire retenir un taux de 3,762 % + 0,5 %. Le TAPI avait mal fait le lien entre la circulaire n° 6 et la lettre-circulaire 2009.

Il résultait en effet d'une application conjointe de la circulaire n° 6 et de la lettre-circulaire 2009, d'une part que les fonds étrangers visés au point 1.2 de cette dernière qui devaient être pris en considération dans le cadre de la fixation du taux minimum intégrant la marge de ½ % pour le calcul des intérêts exigés sur les avances aux actionnaires ou associés, étaient les fonds étrangers moyens maximaux admissibles pour les dettes envers les actionnaires, les associés ou leurs proches et les fonds étrangers comptabilisés pour les dettes envers les tiers ; et d'autre part que seules les dettes moyennes rentées devaient être prises en considération pour la fixation de ce taux minimum exigé, lesquelles étaient calculées en multipliant les dettes comptabilisées par le rapport entre les intérêts comptabilisés et les intérêts maximaux fiscalement admis.

Compte tenu de dettes moyennes envers les actionnaires, les associés et les personnes proches d'un montant de CHF 15'894'328.-, la société aurait pu comptabiliser des intérêts débiteurs d'un montant global de CHF 597'993.-, montant du reste non contesté et repris par le TAPI. Dans les faits, la société avait comptabilisé des intérêts pour CHF 403'372.-, si bien que le taux effectif était de 3,762 % (rapport entre les intérêts comptabilisés, soit CHF 403'372.-, et le montant de la dette moyenne rentée, soit CHF 10'721'408.-). Les intérêts dus sur le plan fiscal (soit CHF 249'299.-, représentant le montant de la créance moyenne, CHF 5'849'333.-, multiplié par le taux d'intérêt pertinent, à savoir 3,762 % + 0,5 %), si l'on en retranchait les intérêts comptabilisés, soit CHF 175'480.-, laissaient apparaître une insuffisance d'intérêts de CHF 73'819.-.

11) Le 15 mars 2013, X______ a conclu au rejet du recours.

Le montant de CHF 597'993.- correspondant, de l'aveu même de l'AFC-GE, aux intérêts maximaux pouvant être servis à ses créanciers, la société était parfaitement en droit de verser des intérêts inférieurs, sans violer la circulaire n° 6. Elle avait par ailleurs respecté la lettre-circulaire 2009, dès lors qu'elle avait versé à son actionnaire-prêteur un taux de 2,5 % et encaissé un intérêt de 3 % des sociétés sœurs auxquelles elle avait prêté de l'argent.

En l'espèce, l'AFC-GE avait déterminé la créance rentée en fonction du taux maximum de 3,762 % admis pour les prêts aux actionnaires, alors que l'actionnaire de la société n'avait en réalité reçu que 2,5 %, soit un taux inférieur de 1,262 % au taux maximum. Or, rien n'obligeait l'actionnaire de la société à appliquer le taux maximum sur sa créance, le fisc ne fixant qu'un minimum et non un maximum d'intérêts.

Pour le surplus, la société faisait siens les arguments du TAPI.

12) Le 25 mars 2013, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 26 avril 2013 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

13) Le 22 avril 2013, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

14) X______ n'a quant à elle pas émis de requête, ni formulé d'observations.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte exclusivement sur l'IFD 2009 de X______, plus précisément sur la reprise effectuée par l'AFC-GE au titre d'une insuffisance d'intérêts.

3) a. Aux termes de l'art. 57 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Selon l'art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend notamment le solde du compte de résultats (let. a), ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial (let. b). Au nombre de ces prélèvements figurent les distributions dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial (let. b 5ème tiret).

b. Concernant l’ICC, suivant les art. 24 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), les art. 11 et 12 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) énoncent des règles similaires aux dispositions fédérales précitées, l’art. 12 let. a et h LIPM prévoyant qu’est considéré comme bénéfice net imposable le bénéfice net, tel qu’il résulte du compte de pertes et profits, auquel s’ajoutent les allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la société. L’art. 12 let. h LIPM est conforme à l’art. 58 al. 1 let. b LIFD, quand bien même il est rédigé différemment (ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/152/2011 du 8 mars 2011).

c. Bien qu’elles ne le mentionnent pas expressément, les deux dispositions susmentionnées visent notamment les distributions dissimulées de bénéfice (S. KUHN/P. BRÜLISAUER in M. ZWEIFEL/P. ATHANAS, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, I/1, Bundesgesetz über die Harmonisierung des direkten Steuern der Kantone und Gemeinden - StHG, 2ème éd., n. 74 ad. art. 24 p. 406), soit des prélèvements qui ne sont pas conformes au droit commercial et qui doivent donc être réintégrés au bénéfice imposable.

4) a. Selon la jurisprudence, il y a prestation appréciable en argent - également qualifiée de distribution dissimulée de bénéfice - devant être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société, lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont réalisées : 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; 3) elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que le caractère insolite de la prestation est reconnaissable par les organes de la société (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_291/2013 du 26 novembre 2013 consid. 4.1 ; 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 ; 2C_188/2008 du 19 août 2008 et les références citées ; ATA/25/2013 du 15 janvier 2013 ; ATA/633/2011 précité ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., Bâle 2012, p. 236 n. 41 et les références citées). Selon la jurisprudence, il ne s’agit pas d’examiner si les parties ont reconnu la disproportion, mais plutôt si elles auraient dû la reconnaître (E. MELLER/J. SALOM, Le salaire excessif en droit fiscal suisse, RDAF 2011 II, p. 105, 110 et les références citées).

b. Il appartient à la société de prouver que les prestations en question sont justifiées par l’usage commercial afin que les autorités fiscales puissent s’assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et le bénéficiaire de la prestation, ont conduit à la prestation insolite (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_275/2010 du 24 août 2010 ; 2A.355/2004 du 20 juin 2005).

c. Les prestations appréciables en argent peuvent apparaître de diverses façons, notamment, au niveau du compte de résultats, par l’accroissement injustifié de frais généraux mais aussi par une comptabilisation insuffisante d’un produit. Cette dernière hypothèse est notamment réalisée lorsque la société n’exige pas une contre-prestation appropriée pour un service rendu à l’actionnaire (X. OBERSON, op. cit., p. 236 n. 42).

5) Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, les opérations entre sociétés d'un même groupe doivent également intervenir comme si elles étaient effectuées avec des tiers dans un environnement de libre concurrence. En conséquence, il n'est pas pertinent que la disproportion d'une prestation soit justifiée par l'intérêt du groupe (ATF 110 Ib 127 consid. 3 a.aa ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_291/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_834/2011 du 6 juillet 2012 consid. 2.3 ; 2A.588/2006 du 19 avril 2007 consid. 4.2).

6) La mise en œuvre du principe de pleine concurrence suppose l'identification de la valeur vénale du bien transféré ou du service rendu. Lorsqu'il existe un marché libre, les prix de celui-ci sont déterminants et permettent une comparaison effective avec les prix appliqués entre sociétés associées (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_291/2013 précité consid. 4.2 ; 2A.588/2006 précité consid. 4.2 et les références citées). S'il n'existe pas de marché libre permettant une comparaison effective, il convient alors de procéder selon la méthode de la comparaison avec une transaction comparable (ou méthode du prix comparable), qui consiste à procéder à une comparaison avec le prix appliqué entre tiers dans une transaction présentant les mêmes caractéristiques, soit en tenant compte de l'ensemble des circonstances déterminantes (ATF 138 II 57 consid. 2.2 p. 60 et les références citées, in RDAF 2012 II p. 299). A défaut de transaction comparable, la détermination du prix de pleine concurrence s'effectue alors selon d'autres méthodes, telles que la méthode du coût majoré ou celle du prix de revente (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_291/2013 précité consid. 4.2).

7) Lorsqu'une société anonyme accorde un prêt à son actionnaire, ce prêt ne respecte pas le principe de pleine concurrence si le taux d'intérêt appliqué est inférieur au taux du marché ou s'il est accordé sans intérêt. La prestation appréciable en argent se mesure alors par la différence entre le taux d'intérêt conforme au principe de pleine concurrence et le taux effectivement appliqué (ATF 138 II 545 consid. 3.2 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_788/2010 du 18 mai 2011 consid. 4.4 ; 2C_557/2010 du 4 novembre 2010 consid. 3.2.1).

8) a. L'AFC-CH édicte chaque année des directives sur les taux d'intérêt déterminants pour le calcul des prestations appréciables en argent, publiées sous la forme de lettres-circulaires, destinées à simplifier la mise en œuvre du principe de pleine concurrence en relation avec les taux d'intérêt de prêts conclus en francs suisses entre des sociétés et leurs actionnaires ou associés – ou leurs proches (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_291/2013 précité consid. 5.1).

b. La lettre-circulaire 2009, applicable à la période en cause, prévoit - comme les versions précédentes et postérieures de cette directive - des taux d'intérêt déterminants minimums en cas de prêts accordés aux actionnaires ou associés (ch. 1) et des taux d'intérêt déterminants maximums en cas de prêts accordés par les actionnaires ou associés (ou leurs proches) (ch. 2). En matière de prêts accordés aux actionnaires ou associés, le ch. 1 distingue deux hypothèses. Si le prêt est financé au moyen de fonds propres et si aucun intérêt n'est dû sur du capital étranger, le taux d'intérêt minimum s'élève à 2,5 % (ch. 1.1). En revanche, si le prêt est financé au moyen de capitaux étrangers, le taux d'intérêt minimum se calcule par référence à la charge d'intérêt due sur ces capitaux étrangers par la société prêteuse, à quoi s'ajoute un pourcentage de 0.5 % ou de 0.25 %, selon que le prêt est inférieur (ou égal) ou supérieur à CHF 10'000'000.-, le taux devant dans tous les cas s'élever à au moins 2,5 % (ch. 1.2).

9) a. Faisant partie des instructions et directives internes à l'administration, la lettre-circulaire 2009 n'appartient pas au droit fédéral. Elle ne lie donc ni le contribuable, ni l'autorité de taxation, ni les tribunaux (ATF 138 II 536 consid. 5.4.3 ; 133 II 305 consid. 8.1 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_116/2013 et 2C_117/2013 du 2 septembre 2013 consid. 3.7.1). Toutefois, dès lors qu'elle tend à une application uniforme et égale du droit, il ne convient de s'en écarter que dans la mesure où elle ne traduit pas une concrétisation convaincante des dispositions légales applicables (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_95/2011 du 11 octobre 2011 consid. 2.3 = RDAF 2012 II p. 72 ; 2C_103/2009 du 10 juillet 2009 consid. 2.2 = RF 64/2009 p. 906). Plus particulièrement, la lettre-circulaire 2009 poursuit un but de simplification : son ch. 1.2 propose en effet une règle simplificatrice aisément praticable, tant à l'attention des contribuables, qui peuvent la suivre et exclure ainsi tout risque de reprise fiscale, qu'à celle des administrations fiscales, qui sont confrontées à une administration de masse (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_291/2013 précité consid. 6.3).

b. L'application du taux d'intérêt minimum fixe prévu au ch. 1.1 de la lettre-circulaire 2009 suppose la réalisation de deux conditions cumulatives : il faut ainsi que le prêt ait été financé au moyen de fonds propres et qu'aucun intérêt ne soit dû par la société prêteuse sur des capitaux étrangers. En conséquence, il suffit qu'il existe des capitaux étrangers portant charge d'intérêt au bilan de la société prêteuse pour que le taux d'intérêt minimum se calcule conformément au ch. 1.2, indépendamment de la question de savoir si ces capitaux étrangers ont effectivement servi à mobiliser les fonds nécessaires à l'octroi du prêt. La lettre-circulaire 2009 postule ainsi implicitement que la société prêteuse a financé le prêt accordé à son actionnaire ou associé au moyen d'un emprunt et que pour respecter le principe de pleine concurrence, une telle opération doit conduire à la réalisation d'un bénéfice. C'est la raison pour laquelle le taux d'intérêt minimum se calcule dans ce cas non pas par référence à un taux fixe, comme le prévoit le ch. 1.1, mais par référence aux « propres charges » de la société prêteuse, à quoi s'ajoute une marge de 0,5 % ou de 0,25 % selon le montant du prêt, de manière à permettre la réalisation d'une marge bénéficiaire (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_291/2013 précité consid. 6.4, se référant à l'ATF 107 Ib 325).

Il s'agit donc de prendre le coût d'acquisition des fonds étrangers en pourcents, soit les intérêts effectivement payés, et d'y ajouter une marge de 0,5 % ou 0,25 % (mais au total 2,5 % au minimum) pour obtenir le pourcentage minimal que la société doit exiger (en recette) sur le prêt à son actionnaire ; il s'agit d'un taux minimum.

c. Même s'ils concernent tous deux des prestations appréciables en argent, les ch. 1 et 2 de la lettre-circulaire 2009 traitent de deux sujets différents, soit respectivement les insuffisances de recettes et les excédents de paiements, étant précisé qu'il n'y a pas de renvois d'un chiffre à l'autre. Le ch. 2 de la lettre-circulaire 2009 fait quant à lui un renvoi à la circulaire n° 6 pour, dans le cadre du calcul correctif d'éventuels excédents de paiement, effectuer une correction préalable d'un éventuel capital propre dissimulé.

10) En l'espèce, il n'est pas contesté que X______ n'a pas de capital propre dissimulé, comme cela résulte du calcul même de l'AFC-GE, et qu'elle ne procède à aucun excédent de paiement envers ses actionnaires ou leurs proches. Elle respecte ainsi la circulaire n° 6.

11) Dès lors, on ne discerne pas pourquoi le ch. 2 de la lettre-circulaire 2009, qui vise des taux maximums, trouverait à s'appliquer en l'espèce. La référence que fait l'AFC-GE dans son recours au ch. 3.1 de la circulaire n° 6 n'apparaît en effet pas pertinente, le ch. 3 de celle-ci se rapportant dans son ensemble au traitement fiscal du capital propre dissimulé ; lequel est, encore une fois, inexistant dans le cas de X______.

12) Dans son calcul, l'AFC-GE considère que le coût effectif payé pour obtenir les fonds étrangers n'est pas suffisant et donc que X______ aurait dû payer davantage à ce titre ; elle définit ainsi un coût standard plus élevé, auquel elle ajoute les 0,5 % et calcule ainsi le taux d'intérêt que la société aurait dû facturer à son actionnaire.

Le montant corrigé qui découle de ce calcul présentera donc une marge bénéficiaire supérieure aux taux de 0,5 % ou 0,25 % : il ne sera donc plus en harmonie avec la jurisprudence du Tribunal fédéral citée ci-dessus au consid. 9b, ce d'autant plus qu'un tel calcul ne permet plus d'atteindre le but de simplification visé par la lettre-circulaire 2009, et rappelé par le Tribunal fédéral.

En outre, ce calcul impute des recettes supplémentaires sans tenir compte des charges supplémentaires liées, ce qu'impose pourtant l'art. 58 al. 1 let. b LIFD.

13) Pour ces différentes raisons, les griefs de l'AFC-GE doivent être écartés ; le calcul opéré par le TAPI, tel que résumé dans la partie en fait du présent arrêt, ne prête pas le flanc à la critique et sera confirmé.

Le recours est ainsi mal fondé et sera rejeté.

14) Il ne sera pas perçu d'émolument, la recourante étant une collectivité publique défendant ses propres décisions (art. 87 al. 1 2ème phr. LPA). Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à X______, à la charge de l'Etat de Genève, dès lors qu'elle y a conclu et qu'elle a exposé des frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 janvier 2013 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 décembre 2012 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à X______ S.A. une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Me Daniela Lonhares, avocate de X______ S.A., à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :