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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3691/2022

ATA/1174/2023 du 31.10.2023 sur JTAPI/461/2023 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3691/2022-LCI ATA/1174/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 octobre 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Yves BONARD, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________


Recours contre les jugements du Tribunal administratif de première instance des 27 avril 2023 (JTAPI/461/2023) et 8 mai 2023 (JTAPI/508/2023)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______) et B______ SA (ci-après : B______) sont copropriétaires de l'immeuble locatif sis à l'adresse rue C______ ______.

b. Le 11 juin 2004, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : le département) a délivré à B______ une autorisation de construire DD 2______ portant sur la rénovation et la réunion de deux appartements situés dans les combles en un seul logement ainsi que l’installation d’un ascenseur, la transformation de la toiture, le rafraîchissement de la façade et de la cage d’escalier.

c. Le 30 septembre 2004, les copropriétaires ont établi un nouveau cahier de répartition des locaux, dont il résulte que la cage d'escalier entre le 4e et le 5e étage de l'immeuble était rétablie en tant que partie commune. Les locaux situés au sous‑sol de l'immeuble, ainsi qu'une petite cour intérieure, constituaient également une partie commune.

À la suite de cette répartition, la somme des quotes-parts appartenant à B______ atteignait 276,8/1’000es de la copropriété de l'immeuble, A______ demeurant propriétaire des autres quotes-parts pour un total de 723,2/1’000es, ces dernières se rapportant aux logements situés au rez-de-chaussée et jusqu'au 4e étage inclusivement.

d. Le 7 février 2020, dans le cadre d'un litige opposant les copropriétaires, A______ et le département ont procédé à une visite de l'immeuble afin d'examiner les différentes interventions effectuées dans ce dernier par B______ SA, soit sur les parties communes, soit sur les parties dont elle était propriétaire, mais engendrant quoi qu'il en soit différents problèmes, en particulier de salubrité et de sécurité. A______ a adressé au département le procès-verbal de cette visite.

e. Le litige entre les copropriétaires a par ailleurs été porté devant le Tribunal de première instance de Genève, qui a notamment ordonné à B______, par jugement rendu le 2 juin 2020 dans la cause C/12865/2017, de supprimer certaines des interventions auxquelles elle avait procédé dans l'immeuble et de rétablir la situation correspondant au statu quo. Sur ces aspects, ce jugement a été confirmé par arrêt rendu par la Cour de justice le 7 juillet 2021, puis par arrêts du Tribunal fédéral du 25 février 2022 (5A_721/2021, 5A_734/2021).

f. Les 31 mars et 15 juin 2022, A______ a informé le département des décisions rendues par ces juridictions et du fait que B______, qui disposait d'un délai au 16 mai 2022 pour s'y conformer, ne s’était pas encore exécutée.

g. Le 16 septembre 2022, se référant aux procédures I-1______ et DD 2______, le département a invité A______ à faire exécuter les décisions de justice auprès d'B______ sous la menace des peines de l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

h. Le 16 septembre 2022 également, le département, faisant suite à la visite du 7 février 2020, a attiré l'attention de A______ sur le fait que l'aménagement du sous-sol ne correspondait pas à la DD 2______/1, que la cour intérieure était dépourvue de garde-corps et que les portes de l'ensemble des logements du rez-de-chaussée au 4étage, ainsi que la porte d'entrée au sous-sol, devaient être conformes à la norme EI30. A______ était invitée à se déterminer à ce sujet.

i. Le 29 septembre 2022, A______ a répondu que les autorisations de construire DD 2______ et 2______/1 concernaient B______ et non pas elle-même et qu'un garde-corps avait été immédiatement installé dans la cour intérieure, ce que démontraient les photographies qu’elle produisait.

j. Par décision du 21 octobre 2022, le département a ordonné à A______ de requérir dans les 30 jours une autorisation de construire en procédure accélérée en mentionnant qu'il s'agissait d'une « demande de régularisation I-3______ ». Si A______ ne souhaitait pas régulariser la situation, il lui était loisible de procéder à la mise en conformité des lieux dans un délai de 30 jours.

La DD 2______/1 avait pour requérante B______, mais les conditions émises lors de la délivrance de l'autorisation de construire concernaient aussi les étages dont A______ était propriétaire. Après vérifications, « la réalisation de l'élément listé ci‑après » était soumise à l'obtention d'une autorisation de construire. Il s'agissait « notamment de la modification de l'aménagement du sous-sol ne correspondant pas à la DD 2______/1 ».

L'absence de garde-corps aux normes conformes en vigueur dans la cour intérieure et de portes EI30 dans l'ensemble des logements du rez-de-chaussée au 4e étage, ainsi qu'à l'entrée du sous-sol, constituaient une infraction aux dispositions légales relatives à la sécurité des constructions et installations. Il était ordonné à A______ de rétablir dans les 30 jours une situation conforme au droit par la mise en conformité du garde-corps dans la cour intérieure selon la norme SIA 358 et par la modification des portes dans l'ensemble des logements du rez-de-chaussée au 4e étage, ainsi que de la porte d'entrée au sous-sol, de manière à être conformes à la norme EI30, selon les conditions posées par la police du feu dans le cadre de la DD 2______/1.

B. a. Par acte du 3 novembre 2022, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation. Préalablement, l'apport des dossiers complets relatifs à l'autorisation DD 2______/1 et à l'infraction I-3______ devait être ordonné.

La décision résultait d'une méprise sur l'identité de sa destinataire, puisque les quatre objets qu'elle évoquait, à savoir la modification de l'aménagement du sous‑sol non conforme à la DD 2______/1, la mise en conformité du garde-corps de la cour intérieure, de la porte d'entrée du sous-sol et enfin des portes des logements du rez-de-chaussée au 4e étage, concernaient soit uniquement B______ dans la mesure où cette dernière était seule requérante et destinataire de l'autorisation DD 2______/1, soit la communauté des propriétaires d'étage.

En tout état, même en considérant que c'était la communauté des propriétaires qui était destinataire de la décision litigieuse, il s'agissait d'un ordre manifestement impossible à réaliser, puisque, à teneur du libellé de l'autorisation DD 2______/1, l'aménagement du sous-sol ne faisait pas partie des travaux visés par cette autorisation et qu'en plus, la décision querellée n'exposait pas, fût-ce même brièvement, en quoi cet aménagement serait problématique ou non conforme à l'autorisation en question. Par conséquent, quel que fût le destinataire de la décision litigieuse, il se trouvait dans l'incapacité d'exécuter l'ordre intimé par le département.

Le département s'était totalement égaré dans l'instruction du dossier, attendant presque trois ans après la visite du mois de février 2020 et n'étant de surcroît manifestement pas au clair sur les différentes autorisations de construire délivrées respectivement à B______ et A______.

La cause a été enregistrée sous la référence A/3691/2022.

b. Par acte du 23 novembre 2022, A______ a formé un second recours auprès du TAPI contre cette même décision, concluant à son annulation. Préalablement la jonction du recours avec celui qui faisait l'objet de la procédure A/3691/2022 devait être ordonnée.

Le recours est presque identique à celui du 3 novembre 2022. A______ fait au surplus valoir que depuis l’acquisition de l’immeuble en 1997, le sous-sol n’avait jamais fait l’objet de modifications et que le département n’avait jamais exigé la modification des portes d’appartements du rez-de chaussée au 4e étage, à l’exception de celle de l’appartement M15.

La cause a été enregistrée sous la référence A/4042/2022.

                    i.          instruction de la cause A/3691/2022

c. Le 9 janvier 2023, le département a conclu à l’irrecevabilité, respectivement au rejet du recours.

La décision litigieuse portait « uniquement sur l'ordre de déposer une requête en vue de régulariser les aménagements au sous-sol non conformes ». Ce volet de la décision ne contenait aucune injonction quant à la mise en conformité des lieux. Il était loisible à A______ de choisir cette dernière possibilité si elle ne souhaitait pas tenter de régulariser la situation, mais il ne s'agissait pas d'un ordre. Selon la jurisprudence, une décision confirmant l'obligation faite à l'administré de déposer une requête en autorisation de construire ne mettait pas fin à la procédure, mais revêtait un caractère incident.

S'agissant des aménagements non conformes effectués dans les sous-sols, le département avait pu constater lors de la visite du 7 février 2020 que A______ avait installé des galandages en bois dans les locaux du sous-sol pour créer des caves séparées, de sorte que l'aménagement du sous-sol ne correspondait pas à ce qui était prévu par les plans visés ne varietur de l'autorisation DD 2______/1.

d. Le 16 février 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

Elle devrait débourser plusieurs milliers de francs d'honoraires d'architecte, ce d'autant que le département s'était mépris sur le destinataire de sa décision. En outre, elle subirait un préjudice juridique, puisqu'elle se verrait contrainte de revêtir la qualité d'administré défendeur dans le cadre de l'instruction d'une requête qui ne la concernait pas et à laquelle elle n'avait pas participé. Elle n'était pas propriétaire du sous-sol de l'immeuble et elle n'avait pas connaissance des conditions imposées à B______ dans le cadre de la DD 2______/1. L'admission de son recours mettrait fin au litige dans la mesure où il serait constaté qu'elle ne disposait pas de la qualité pour recevoir la décision litigieuse.

e. Le 10 mars 2023, le département a persisté dans ses conclusions.

A______ et B______ étaient toutes deux inscrites au registre foncier en tant que propriétaires de la parcelle litigieuse. La problématique de la gestion des parties communes de l'immeuble relevait exclusivement du droit privé et n'était pas du ressort du département, ni de celui des juridictions administratives. Le département était fondé à retenir qu'il n'était pas nécessaire que la demande d'autorisation de construire soit signée par l'ensemble des copropriétaires. Dans le litige civil qui avait opposé les deux copropriétaires, la Cour de justice, puis le Tribunal fédéral avaient retenu que A______ pouvait représenter et engager la communauté des propriétaires d'étage, aussi bien dans le cadre d'un vote exigeant la majorité simple que dans celui exigeant la double majorité. Le dépôt de la requête sollicitée ne nécessitait vraisemblablement pas l'intervention impérative d'un mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ), étant relevé que les plans du sous‑sol existaient déjà. A______ connaissait parfaitement le contenu de l'autorisation DD 2______/1 et des autorisations complémentaires, vu les recours qu'elle avait interjetés contre certaines d'entre elles.

                    ii.            instruction de la cause A/4042/2022

f. Le 30 janvier 2023, le département a conclu au rejet du recours.

A______ avait déposé en 2006 une demande d’autorisation de travaux en sous-sol en son seul nom à titre de propriétaire, ce qui démontrait qu’elle était en mesure d’y accomplir des travaux.

Le garde-corps dans la cour intérieure n’était clairement pas conforme. A______ avait été en mesure de le mettre en place immédiatement.

A______ admettait pouvoir accéder au sous-sol et ne démontrait pas ne pas pouvoir en remplacer la porte. Les portes des étages étaient sa propriété. Elle était majoritaire dans la copropriété et recherchait l’exclusion d’B______ de celle-ci depuis 2022. Elle pouvait être considérée comme perturbatrice par situation.

g. Le 16 mars 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

Quatre conditions devaient être réalisées pour un ordre de remise en état. L’ordre devait être dirigé contre le perturbateur et les installations ne devaient pas avoir été autorisées. Ces deux conditions faisaient défaut. Le département visait en réalité l’absence de mise en œuvre des conditions fixées par l’autorisation DD 2______ et aurait dû cas échéant prononcer une injonction ou ouvrir une enquête pour infraction contre B______.

En tout état, sur le fond, A______ invoquait la prescription trentenaire s’agissant des portes du sous-sol de l’immeuble et celles des appartements du rez-de-chaussée au 4e étage. En effet, elles étaient d’origine et n’avaient jamais fait l’objet d’une modification, ni de procédure d’autorisation de construire, ne de quelconque injonction émanant du département depuis la construction de l’immeuble en 1901, à l’exception de l’appartement M15.

h. Le 4 avril 2023, le département a persisté dans ses conclusions.

Les travaux n’avaient pas été autorisés s’agissant du garde-corps. Ils n’étaient plus conformes s’agissant des portes. A______ n’avait aucunement été confortée dans sa position et ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi.

Le garde-corps avait été réalisé récemment et le changement des portes était une condition de l’autorisation de construire DD 2______, entrée en force et qui datait de moins de 30 ans (autorisation initiale délivrée le 11 juin 2004). Le respect des normes de sécurité était une obligation perpétuelle et il était douteux qu’une quelconque prescription s’applique.

                       iii.            jugements du TAPI

i. Par jugement du 27 avril 2023 dans la cause A/3691/2022, le TAPI a déclaré irrecevable le recours du 3 novembre 2022 en tant qu’il visait la décision ordonnant à A______ de déposer une demande d’autorisation, et l’a rejeté pour le surplus en tant qu’il visait la décision ordonnant à A______ de rétablir une situation conforme au droit.

L'ordre de déposer une demande d'autorisation de construire constituait une décision incidente. L'ordre de rétablir une situation conforme au droit constituait une décision finale.

A______ devait se soumettre à la procédure relative au dépôt d’une demande d’autorisation de construire en procédure accélérée et aux inconvénients qui y étaient liés – constitution d’un dossier, dépôt de documents, éventuel paiement d’émoluments – sans que ces éléments ne constituent en eux-mêmes un préjudice irréparable. Elle n'était pas tenue de passer par un MPQ, la demande d'autorisation en procédure accélérée ne concernant que la régularisation des galandages en bois divisant le sous-sol en différentes caves. Quand bien même elle ne souhaiterait pas se charger de cela elle-même, elle disposait déjà des plans du sous-sol et l'architecte qu'elle mandaterait n'aurait qu'à y reproduire les galandages existants, ce qui, à l'évidence, n'entraînerait que des coûts très modestes, et non pas les coûts exorbitants qu’elle alléguait. Une demande d'autorisation en procédure accélérée pour régulariser de simples galandages dans un sous-sol ne présentait aucun risque d'être longue et coûteuse.

L'ordre de mise en conformité du garde-corps dans la cour intérieure de la porte d'entrée au sous-sol portait en effet sur des éléments appartenant aux parties communes de l'immeuble. Toutefois, une demande d'autorisation de construire ne requérait pas la signature de tous les copropriétaires. Par parallélisme, le département était fondé à adresser un ordre de remise en état à l'un des copropriétaires, du moins dans une situation où, comme en l'espèce, il s'agissait d'un copropriétaire qui l'emportait de toute manière en tant que propriétaire d'étage majoritaire dans les décisions à prendre au niveau de la communauté des copropriétaires. A______ avait pu procéder aux travaux de mise en conformité de la cour intérieure par la pose d'un garde-corps, manifestement sans avoir considéré qu'il lui fallait obtenir l'accord de l'autre copropriétaire.

Le fait que la porte d'entrée du sous-sol serait non conforme aux normes de sécurité incendie parce que l'autre copropriétaire n'aurait pas respecté les conditions de l'autorisation DD 2______/1 n'avait aucune incidence sur les obligations des propriétaires de veiller à ce que les parties communes de l'immeuble soient conformes aux dispositions de la loi, notamment en ce qui concernait les normes de sécurité. Le fait que l'une des parties communes d'un immeuble en copropriété ne réponde pas aux normes de sécurité en raison de l'intervention fautive de l'un des copropriétaires n'enlevait rien à l'obligation qui incombait quoi qu'il en soit à l'ensemble des copropriétaires, sous l'angle du droit public des constructions, de veiller en tout temps à la conformité au droit des parties communes. Ce n'était que dans leurs rapports internes des droits civils que les copropriétaires pouvaient être amenés à régler les conséquences d'une intervention fautive de l'un d'entre eux.

S'agissant de la non-conformité des portes d'entrée des logements situés du rez‑de‑chaussée au 4e étage, A______ ne contestait pas qu'il s'agissait d'éléments de l'immeuble dont elle était seule propriétaire, de sorte que la question de sa légitimité à intervenir sur ces parties ne se posait pas. Le fait que la non-conformité de ces portes découlerait du non-respect par l'autre copropriétaire des conditions posées dans le cadre de l'autorisation DD 2______/1 – ce qui paraissait au demeurant peu clair dans la mesure où l'on ne voyait pas en quoi cette autorisation aurait pu concerner des parties privées de l'immeuble n'appartenant pas à la requérante de cette décision –, la même remarque valait à plus forte raison s'agissant de l'obligation de A______ de veiller à ce que les parties de l'immeuble dont elle était seule propriétaire fussent conformes aux dispositions relatives à la sécurité. Le fait que, par hypothèse, la non-conformité des portes serait due à une intervention fautive de l'autre copropriétaire de l'immeuble n'avait aucune incidence sur les devoirs qui restaient ceux de A______ sous l'angle du droit public des constructions.

j. Par jugement du 8 mai 2003 dans la cause A/4042/2022, le TAPI a constaté que le recours du 23 novembre 2022 était devenu sans objet et a rayé la cause du rôle.

Il avait déjà statué le 27 avril 2023 dans la cause A/3691/2022 sur l'ensemble des aspects couverts par la décision prise par le département à l'encontre de A______ le 21 octobre 2022. Il n'y avait pas lieu qu'il se prononce à nouveau sur la conformité au droit de la même décision. Dans son recours du 3 novembre 2022, A______ avait conclu à l'annulation de la décision du 21 octobre 2022, invitant implicitement le TAPI, qui connaissait le droit d'office, à se pencher sur la légalité de tous les aspects de cette décision. Du moins le recours ne contenait-il aucune restriction quant aux aspects de la décision que la recourante entendait ou non contester.

De son côté, le TAPI avait commis une inadvertance en ne mentionnant pas, sur la procédure A/3691/2022, l'existence de la procédure A/4042/2022. De la sorte, en traitant cette procédure-là selon l'ordre des causes gardées à juger les plus anciennes, il n'avait, par mégarde, pas pris en compte l'existence de la procédure A/4042/2022, que la recourante l'avait invité à joindre à la procédure A/3691/2022.

Il n'en demeurait pas moins que le TAPI n'était plus en mesure de statuer à nouveau sur la conformité au droit de la décision rendue par le département le 21 octobre 2022, sauf à rendre éventuellement deux jugements contradictoires.

Seule subsistait la question, qu'il n'appartenait pas au TAPI de trancher lui-même, de savoir si l'erreur susmentionnée entraînait une violation du droit d'être entendu de la recourante, ce dont il était permis de douter dans la mesure où le recours du 23 novembre 2022 était en tous points identiques à celui du 3 novembre 2022, à l'exception d'un paragraphe supplémentaire à la fin de la partie en fait et, dans la partie en droit, d'un argument supplémentaire relatif au fait qu'aucuns travaux n'auraient eu lieu dans le sous-sol de l'immeuble depuis 1997. Sur ce dernier point, le TAPI observait que le raisonnement qu'il avait tenu dans son jugement du 27 avril 2023 au sujet de l'ordre de déposer une demande d'autorisation pour régulariser les galandages du sous-sol demeurait valable nonobstant l'argument selon lequel aucuns travaux n'auraient eu lieu dans cette partie de l'immeuble depuis 1997, puisque cette partie de la décision litigieuse constituait une décision incidente contre laquelle le recours n'était en l'espèce pas recevable.

C. a. Par acte remis à la poste le 31 mai 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement rendu le 27 avril 2023 dans la cause A/3691/2022, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au département. Préalablement les causes A/3691/2022 et A/4042/2022 devaient être jointes.

Elle avait recouru dans le délai de dix jours, le 3 novembre 2022, contre la partie de la décision portant sur l’ordre de déposer une requête en autorisation de construire, soit la décision incidente. Elle avait recouru dans le délai de 30 jours, le 23 novembre 2023, contre la partie de la décision portant sur la mise en conformité des garde-corps et des portes. Le TAPI avait admis avoir par erreur statué dans la cause A/3691/2022 sur les deux parties de la décision, et déclaré sans objet le second recours.

Le TAPI avait retenu plusieurs faits pertinents de manière inexacte, violé son droit d’être entendue et violé la loi.

Toutes les portes palières étaient les mêmes depuis plus de 30 ans, à l’exception de celles remplacées ou ajoutées par B______ à la suite de la création de deux appartements aux 5e et 6e étages. Les seuls travaux exécutés depuis 1996 dans les communs concernaient l’installation de la machinerie de l’ascenseur par B______.

Le grief de la prescription trentenaire, soulevé dans le second recours et les pièces produites à son appui avaient totalement été ignorés. Le respect du double-degré de juridiction imposait de retourner la cause au TAPI pour instruction et nouveau jugement.

La prescription trentenaire était acquise.

Il ne ressortait pas de la décision litigieuse que la demande d’autorisation à déposer portait sur de simples galandages en bois au sous-sol. La décision, qui présentait un important défaut de motivation, n’évoquait que vaguement la modification de l’aménagement du sous-sol. Le TAPI avait constaté les faits de manière inexacte et retenu à tort que le dépôt d’une demande engendrerait des coûts modestes. A______ subirait un préjudice du fait de devoir déposer une demande pour des travaux accomplis par B______ en violation de l’autorisation DD 2______/1 octroyée à celle-ci. Le préjudice serait de nature financière, en raison des coûts de la démarche, et juridique, en raison de l’obligation d’assumer le rôle d’administré défendeur alors qu’elle n’était pas propriétaire du sous-sol et n’avait pas connaissance des conditions imposées à B______ par la DD 2______/1.

Son recours aurait dû être déclaré recevable sur ce point.

Le TAPI avait excédé son pouvoir d’appréciation lorsqu’il avait conclu que le département pouvait lui adresser l’injonction, par application analogique de la pratique en matière de signature par les copropriétaires d’une demande d’autorisation. Il n’avait pas traité la question de l’opposabilité de l’ordre de remise en état ni vérifié si les conditions d’un tel ordre étaient réunies.

Le TAPI n’avait pas traité les griefs portant sur le défaut de motivation de la décision litigieuse, dont les conditions lui étaient inconnues. Le département n’exposait pas, même brièvement, en quoi l’aménagement du sous-sol était problématique. A______ n’avait pas participé à l’instruction de la décision et son droit d’être entendue avait été violé.

b. Par acte remis à la poste le 31 mai 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement rendu le 8 mai 2023 dans la cause A/4042/2022, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision, subsidiairement, renvoyée au département. Préalablement les causes A/4042/2022 et A/3691/2022 devaient être jointes.

Le TAPI avait totalement omis de traiter le grief de la prescription trentenaire, qu’elle avait soulevé dans sa réplique, pas plus que ses autres griefs et avait violé son droit d’être entendue.

Si la chambre administrative devait ne pas renvoyer la cause au TAPI pour garantir le respect du double degré de juridiction, elle devrait constater que la prescription trentenaire était acquise. Il serait choquant et contraire à la sécurité du droit que le département puisse, après plus de 30 ans, contraindre un propriétaire à éliminer une situation contraire au droit. A______ avait produit toutes les autorisations de construire délivrées depuis l’acquisition de l’immeuble et démontré qu’aucune modification des portes d’appartements, en place depuis plus de 30 ans, n’avait été exigée par le département à l’exception de celle de l’appartement M15. D______, ancien concierge de l’immeuble, pourrait au besoin en témoigner ou un transport sur place pourrait être organisé.

c. Le 10 juillet 2023, le département a conclu par des écritures identiques au rejet des recours dans les deux causes A/3961/2022 et A/4042/2022 qui devaient être jointes.

Le TAPI avait en effet omis d’aborder le grief de la prescription trentenaire mais cet oubli ne portait pas à conséquence, la chambre administrative disposant d’un libre pouvoir d’examen en fait et en droit. Le TAPI avait en revanche répondu exhaustivement au grief relatif au destinataire de la décision.

A______ ne démontrait pas que les objets litigieux auraient été mis en place plus de 30 ans auparavant. Le changement des portes était une condition de l’autorisation DD 2______ délivrée le 11 juin 2004. Quoi qu’il en soit, une construction, une installation et toute chose devaient remplir en tout temps les conditions de sécurité et de salubrité posées par la loi. Il s’agissait d’une obligation perpétuelle et de motifs de police au sens étroit, qui justifiaient par ailleurs une dérogation à la prescription.

Le recours déposé contre l’ordre de déposer une demande d’autorisation était irrecevable. La demande ne concernait que la régularisation des galandages en bois divisant le sous-sol en différentes caves, et A______ n’était pas tenue de passer par un MPQ. Une demande d’autorisation en procédure accélérée pour régulariser des galandages ne présentait aucun risque d’être longue et coûteuse. Le TAPI savait que la régularisation portait sur des galandages au sous-sol, l’information ressortant des écritures des parties.

La mise en conformité du garde-corps et de la porte de la cave touchait des parties communes. A______ était la copropriétaire majoritaire et le département était fondé à lui notifier l’ordre. A______ avait elle-même produit les jugements civils l’autorisant à représenter la copropriété. On outre, le département pouvait notifier l’ordre au perturbateur par situation. Le TAPI avait examiné tant l’opposabilité à A______ que la validité de l’ordre de remise en état.

d. Le 1er septembre 2023, la recourante a répliqué par des écritures identiques dans les deux causes.

Son droit d’être entendue ne pouvait être réparé, car elle serait en toute hypothèse privée de son droit de bénéficier d’un double degré de juridiction.

e. Le 4 septembre 2023, les parties ont été informées que les causes étaient gardées à juger.

EN DROIT

1.             Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les parties concluent préalablement à la jonction des causes A/3961/2022 et A/4042/2022.

2.1 Selon l’art. 70 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (al. 2).

2.2 En l’espèce, les deux causes, toutes deux gardées à juger concernent les mêmes parties et portent sur le même complexe de faits et la même décision. Dans ces circonstances, il se justifie de les joindre sous la référence A/3961/2022.

3.             Sans y conclure formellement, la recourante offre d’entendre un témoin et de procéder à un transport sur place.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, il sera vu que l’éventuelle présence des portes actuelles des appartements depuis plus de 30 ans est sans portée sur le sort du litige, de sorte que l’audition de l’ancien concierge de l’immeuble ou un transport sur place aux fins de l’établir ne sont pas nécessaires.

4.             Est litigieuse la décision du département du 21 octobre 2022 ordonnant à la recourante de requérir la régularisation des aménagements de la cave ou de procéder à la mise en conformité, et de mettre en conformité le garde-corps dans la cour intérieure et de modifier les portes palières de la cave au 4e étage.

4.1 En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

4.2 Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

5.             La recourante se plaint d’une constatation inexacte des faits par le TAPI, de la violation de son droit d’être entendue et de son droit au double degré de juridiction. La décision du département n’aurait pas été motivée et tous ses griefs n’auraient pas été traités, en particulier celui de la prescription trentenaire invoqué pour les portes du sous-sol mais aussi pour celles du rez-de-chaussée au 4e étage, ainsi que ceux relatifs à l’opposabilité de la décision et à la motivation de la décision.

5.1 Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 41 LPA comprend le droit d'obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée ; la motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références citées).

5.2 Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle‑ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2020 8C_257/2019 consid. 2.5 et les références citées), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5 ; ATA/872/2022 du 30 août 2022 consid. 4c ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6c). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours peut se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c).

5.3 En l’espèce, la recourante ne peut être suivie lorsqu’elle se plaint de ce que son grief sur l’opposabilité de la décision n’a pas été examiné. En effet, dans son jugement du 27 avril 2023, le TAPI a reproduit en fait ses arguments sur l’identité de la destinataire de la décision (§ 12 p. 4) et a jugé en droit qu’elle n’était pas fondée à se considérer comme non concernée (consid. 8 et 10 à 14).

S’agissant du grief de la prescription trentenaire, il y a tout d’abord lieu d’observer que la recourante ne l’a pas soulevé dans son premier recours au TAPI, alors même qu’elle concluait à l’annulation de toute la décision et soulevait des griefs également au fond, si bien qu’il ne peut être reproché au TAPI d’avoir traité dans son premier jugement tous les aspects de la décision querellée. La recourante n’a soulevé la question de la prescription trentenaire que dans sa réplique dans la procédure A/4042/2022.

Cela étant, le TAPI n’en a effectivement pas fait mention dans son second jugement du 8 mai 2023. Cependant, dans son premier jugement, du 27 avril 2023, il a abordé la temporalité, en relevant en substance que la circonstance qu’B______ n’aurait pas respecté les conditions de l’autorisation DD 2______ – délivrée le 11 juin 2004 – n’avait aucune incidence sur les obligations des propriétaires de veiller à ce que les parties communes soient conformes à la loi, notamment concernant les normes de sécurité sur lesquelles se fondait la décision litigieuse (consid. 12 et 13). Cette partie du raisonnement du TAPI, sinon répondait formellement à, du moins anticipait matériellement l’argument de l’acquisition de la prescription.

S’il fallait néanmoins considérer que le droit d’être entendu de la recourante a été violé par le TAPI s’agissant de la prescription trentenaire, ce vice ne revêtirait pas une gravité telle qu’il ne puisse être réparé devant la chambre de céans. Il sera en effet vu plus loin que la prescription trentenaire ne trouve à l’évidence pas application en l’espèce, de sorte que le fait que le TAPI ne se serait pas prononcé à son sujet constituerait un vice bénin. Ce vice a en toute hypothèse pu être réparé, dès lors que la recourante a eu tout loisir de développer son argumentation au sujet de la prescription devant la chambre de céans. En outre, le sort devant être réservé au grief est, ainsi qu’il a été vu, obvie, de sorte qu’annuler le jugement et renvoyer la cause au TAPI serait contraire au principe d’économie de procédure.

Il sera enfin vu plus loin que la recourante pouvait parfaitement comprendre la motivation de la décision querellée, et qu’elle l’a comprise, ainsi qu’il ressort de ses écritures, de sorte que le TAPI n’avait pas à examiner ce grief et pouvait l’écarter succinctement.

Le grief sera écarté

6.             La recourante soutient au fond que la prescription trentenaire s’appliquerait à son cas, les portes datant de 1901, soit de la construction de l’immeuble.

6.1 Lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

6.2 Selon la jurisprudence, le rétablissement d’une situation conforme au droit ne peut pas être ordonné si un délai de plus de 30 ans s’est écoulé depuis l’exécution des travaux litigieux (ATF 107 Ia 121 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016 et les références citées). Il serait en effet choquant et contraire à la sécurité du droit que l’autorité puisse contraindre un propriétaire, après plus de trente ans, à éliminer une situation contraire au droit. Une telle solution doit aussi être écartée pour des raisons pratiques, vu la difficulté extraordinaire pour élucider les circonstances de fait et de droit existant plus de trente ans auparavant. Une dérogation à ce principe peut être admise lorsque le rétablissement d’une situation conforme au droit s’impose pour des motifs de police au sens étroit (ATF 107 Ia 121). La prescription trentenaire s’applique également aux cas de changement d’affectation, la sécurité du droit devant être garantie également en la matière (ATA/607/2007 du 27 novembre 2007 ; ATA/487/2007 du 2 octobre 2007). Elle connaît une exception pour les constructions en zone agricole, où elle ne peut être invoquée à propos de constructions ne pouvant être autorisées selon la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_508/2018 du 15 juillet 2019).

6.3 L’art. 120 LCI prévoit que les dispositions relatives à la sécurité des constructions et installations sont applicables à toutes les constructions, quelle que soit la date de leur établissement. Selon l’art. 121 al. 1 LCI, une construction, une installation et, d’une manière générale, toute chose doit remplir en tout temps les conditions de sécurité et de salubrité exigées par la présente loi, son règlement d’application ou les autorisations délivrées en application de ces dispositions légales et réglementaires. Selon l’al. 2 de cette disposition, les exigences imposées pour les constructions et les installations en matière de prévention des incendies sont régies par la norme de protection incendie et les directives de l’Association des établissements cantonaux d’assurance incendie (AEAI). L’al. 3 let. a précise qu’une construction, une installation et, d’une manière générale, toute chose doit être maintenue en tel état et utilisée de telle sorte que sa présence, son exploitation ou son utilisation ne puisse, à l’égard des usagers, du voisinage ou du public ni porter atteinte aux conditions exigibles de sécurité et de salubrité (ch. 1) ni être la cause d’inconvénients graves (ch. 2).

Selon l’art. 122 LCI, les propriétaires sont responsables, dans l’application de la loi et sous réserve des droits civils, de la sécurité et de la salubrité des constructions et installations.

Selon l’art. 6 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01), conformément à l’art. 121 al. 2 LCI, les exigences imposées pour les constructions et les installations en matière de prévention des incendies sont régies par la norme de protection incendie et les directives de l’Association des établissements cantonaux d’assurance incendie (AEAI ; al. 1). Un exemplaire à jour des normes et directives AEAI reconnues applicables est disponible, pour consultation, auprès de la direction de l’inspectorat de la construction. Un extrait des prescriptions de protection incendie peut également être obtenu auprès de la direction de l’inspectorat de la construction (al. 2).

Selon l’art. 9 al. let. t RCI, une demande définitive doit notamment être accompagnée du questionnaire relatif à la sécurité incendie. Il en va de même d’une demande accélérée (art. 10B al. 2 let. t RCI).

Selon l’art. 143 RCI, en plus des renseignements exigés par les art. 9 et 10B, les plans doivent indiquer le nombre de places ainsi que la disposition et la largeur des dégagements, décrire en détail les installations, notamment celles d’éclairage, de ventilation, de défense contre l’incendie et, d’une manière générale, de protection du public (al. 1). Le département peut ordonner, en plus de celles qui font l’objet de la présente section, toutes autres mesures propres à assurer la salubrité et la sécurité du personnel et du public (al. 2).

6.4 Chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu'il s'agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 3c).

6.5 Selon l’art. 2 al. 2 des normes AEAI du 1er janvier 2015 (consultables en ligne à l’adresse https://services.vkg.ch/rest/public/georg/bs/publikation/documents/ BSPUB-13945 20214-55.pdf/content), les bâtiments et les autres ouvrages existants seront rendus conformes aux prescriptions de protection incendie, suivant un principe de proportionnalité (a) en cas de transformation, d'agrandissement ou de changement d'affectation importants de la construction ou de l'exploitation ; (b) lorsque le danger est particulièrement important pour les personnes.

Selon l’art. 20 des mêmes normes, les propriétaires et les exploitants des bâtiments et des autres ouvrages doivent entretenir les équipements de protection et de défense incendie ainsi que les installations techniques, conformément aux prescriptions, et garantir leur fonctionnement en tout temps.

6.6 Dans le cas d’un propriétaire d’un bâtiment ancien se plaignant de ce que le département lui avait ordonné d'effectuer des travaux de mise en conformité aux normes de protection anti-incendie qu'il n'avait pas sollicités dans le cadre d'une autorisation qu'il avait été forcé de demander, la chambre de céans a admis que les exigences de sécurité incendie imposaient les travaux prescrits – à s’en tenir au préavis et aux conditions détaillées posées par la police du feu, soit une instance spécialisée composée d’experts (ATA/1061/2022 du 18 octobre 2022 consid. 4g).

6.7 En l’espèce, il n’est pas contesté que l’autorisation délivrée le 11 juin 2004 était assortie d’un préavis de la police du feu exigeant le remplacement des portes de la cave et des étages au titre de la mise en conformité aux prescriptions de la norme EI30.

La norme EI30 porte sur une résistance au feu de 30 minutes. Exiger la modification des portes en vue d’assurer le respect de cette norme a ainsi pour objectif de protéger les habitants contre les dangers de l’incendie, telles l’asphyxie, les brûlures ou la mort. Dans une telle situation, le rétablissement d’une situation conforme au droit est dicté par des motifs de police au sens étroit, de sorte que la prescription ne peut selon la jurisprudence (ATF 107 Ia 121) être invoquée.

Il importe donc peu que les portes n’auraient pas été modifiées depuis la construction de l’immeuble en 1901, dès lors que leur adaptation est aujourd’hui exigible (et l’était déjà en 2004) en application de l’art. 143 al. 2 LCI et des normes incendie actuelles, étant encore observé que les portes sont devenues non conformes par l’écoulement du temps et le développement de la technique et non par l’œuvre des propriétaires, et que c’est en 2004, soit il y a un peu moins de 20 ans, que la mise aux normes des portes a été ordonnée, sans toutefois être exécutée à ce jour.

Il sera encore observé que la recourante a procédé, à juste titre, sans tarder à la mise en place d’un garde-corps, jusque-là inexistant, sur la cour intérieure, lequel avait également pour objet de protéger la vie et l’intégrité corporelle des usagers de l’immeuble, sans invoquer une situation acquise par la prescription.

Il suit de là que c’est de manière conforme au droit que la mise aux normes des portes a été ordonnée.

Le grief de violation de la prescription trentenaire sera écarté.

7.             La recourante se plaint que la demande de déposer une autorisation de construire en vue de la mise en conformité du sous-sol lui causerait des frais importants. Elle se plaint également de ne pas connaitre la nature des aménagements dont le département exige qu’ils soient soumis à la procédure d’autorisation.

7.1 Selon l'art. 57 let. c LPA, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longe et coûteuse.

L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Le préjudice irréparable visé par l’art. 93 al. 1 let. a et b LTF suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

7.2 De jurisprudence constante, l’administré qui a effectué des travaux sans autorisation et placé le département devant le fait accompli ne saurait invoquer le coût de la procédure ou des travaux de remise en état résultant de l’inobservation de la procédure d’autorisation (ATA/998/2023 du 12 septembre 2023 consid. 4.6.1).

7.3 En l’espèce, bien que la décision du département ne mentionne pas les galandages en bois, la recourante a accès à la cave et a elle-même produit devant le TAPI des plans du sous-sol, de sorte qu’elle dispose bien de plans, dont il ressort que deux « locaux dépôt » du sous-sol n’étaient pas subdivisés. Elle est ainsi, contrairement à ce qu’elle soutient, en mesure de connaître les aménagements effectués sans autorisation et dont la régularisation doit être soumise au département.

Sur les plans dont elle dispose, la recourante pourra dessiner ou faire dessiner à moindre frais les galandages installés, ainsi que l’ont retenu successivement le département et le TAPI, étant rappelé que selon le département elle n’aura pas besoin pour cela de recourir aux services d’un MPQ.

Le fait que les travaux d’aménagement du sous-sol n’étaient pas visés par l’autorisation de 2004, comme le relève la recourante, est sans pertinence s’agissant de travaux exécutés sans autorisation. Pour les mêmes motifs, du moment qu’ils étaient soumis à autorisation, le département n’avait pas à exposer pourquoi les aménagements au sous-sol seraient problématiques : la procédure d’autorisation a précisément pour objet de lui permettre d’examiner s’ils sont conformes à la loi et partant autorisables.

La recourante fait encore valoir un préjudice juridique, dès lors qu’elle serait obligée de représenter la copropriété.

Elle ne peut être suivie. Du moment que le coût de la demande d’autorisation est modeste et qu’en le supportant elle ne subit pas de préjudice irréparable, il est douteux que la recourante puisse encore invoquer l’obligation de représenter la copropriété. Elle ne chiffre d’ailleurs pas le coût de cette obligation, ni ne soutient qu’elle ne pourrait, civilement, en obtenir la prise en charge au moins partielle par B______. En toute hypothèse, il sera vu plus loin que le département était fondé à lui notifier la décision querellée.

La recourante ne peut ainsi faire valoir qu’elle subirait un préjudice irréparable du fait de devoir déposer une demande d’autorisation.

Elle ne peut pas non plus faire valoir que la procédure de demande d’autorisation en procédure accélérée serait longue de sorte que l’admission de son recours permettrait de l’éviter. Le département a lui-même laissé entendre que l’examen de la demande serait dépourvu de difficultés.

S’agissant d’une décision préjudicielle, le TAPI était ainsi fondé à déclarer son recours irrecevable en tant qu’il portait sur cet aspect.

Le grief sera écarté.

8.             La recourante se plaint de s’être vu notifier et opposer la décision du département. Le département puis le TAPI admettent l’application « par parallélisme » de la pratique en matière de demandes d’autorisation. Le département fait en outre valoir que la recourante serait perturbatrice par situation.

8.1 Selon l'art. 11 al. 4 RCI, toutes les demandes d’autorisation doivent être datées et signées par le propriétaire de l’immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l'éventuel mandataire professionnellement qualifié, conformément à l’art. 2 al. 3 LCI.

Selon la jurisprudence, une requête déposée en vue de la délivrance d'une autorisation de construire doit émaner, ou du moins avoir l'assentiment préalable et sans équivoque, du propriétaire de la parcelle concernée. Il ne s'agit pas d'une simple prescription de forme, car elle permet de s'assurer que les travaux prévus ne sont pas d'emblée exclus et que le propriétaire qui n'entend pas réaliser lui‑même l'ouvrage y donne à tout le moins son assentiment de principe (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/1459/2019 du 1er octobre 2019 consid. 2 ; ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 consid. 5g ; ATA/321/2018 du 10 avril 2018 consid. 3b et l'arrêt cité). Ainsi, la signature du propriétaire du fonds a également comme but d'obtenir l'assurance que celui qui a la maîtrise juridique du fonds consent aux travaux et à tous les effets de droit public qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/461/2020 du 7 mai 2020 consid. 5c).

Le Tribunal fédéral, qui a eu l'occasion d'examiner une exigence similaire du droit neuchâtelois, a retenu qu'une autorité tomberait dans le formalisme excessif, incompatible avec l'art. 29 al. 1 Cst. si elle refusait de prendre en considération une autre pièce du dossier qui révélerait sans ambiguïté, le cas échéant, l'accord de la seconde copropriétaire d'une parcelle, laquelle n'avait pas signé la demande d'autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 1P.620/2002 du 27 mai 2003 consid. 5 ; ATA/1529/2019 du 15 octobre 2019 consid. 3b).

8.2 Selon une jurisprudence constante de la chambre de céans, la législation genevoise en matière de police des constructions a pour seul but d'assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d'aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations. Elle réserve les dispositions légales et réglementaires édictées par la Confédération, le canton et les communes ainsi que les droits des tiers, auxquelles aucune autorisation ne peut être opposée (art. 3 al. 6 LCI). Elle n'a pas pour objet de veiller au respect des droits réels, comme les servitudes par exemple (ATA/588/2017 du 23 mai 2017 consid. 3d et les références citées).

Dans le cas d’une demande d’autorisation de construire qui n’avait pas été signée par l’ensemble des copropriétaires, et qui avait pour effet d’empiéter sur une place de stationnement pour visiteurs situé sur la parcelle objet de l’autorisation, elle a jugé que le projet ne prévoyait qu’une modification mineure et que compte tenu du fait que la législation genevoise en matière de police des constructions n'avait pas pour objet de veiller au respect des droits réels, l’art. 11 al. 4 RCI ne pouvait être interprété comme exigeant, dans le cas d’espèce, la signature de l’ensemble de copropriétaires de la parcelle, ni d’ailleurs celle des propriétaires des parcelles voisines (ATA/1515/2017 du 21 novembre 2017 consid. 5).

8.3 De jurisprudence constante, les mesures nécessaires à éliminer une situation contraire au droit doivent être dirigées contre le perturbateur (ATA/432/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c ; ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 consid. 8c), à savoir celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d'un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l'objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation ; ATF 122 II 65 consid. 6a et les références cités). Le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, mais il peut également s'agir du locataire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATF 114 Ib 44 consid. 2c/aa ; ATA/1299/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7e).

L'autorité peut adresser l'ordre de rétablir un état conforme au droit aux perturbateurs par comportement et par situation, jouissant d'une certaine marge d'appréciation dans le choix de la personne à laquelle incombera l'obligation d'éliminer la perturbation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_650/2018 du 22 mai 2019 consid. 4.1.3). Face à une pluralité de perturbateurs, l'autorité doit agir envers celui ou ceux qui sont le plus en mesure de rétablir une situation conforme au droit, lorsque la mesure de police vise ce but. Cela peut impliquer, suivant les circonstances, une prise en compte cumulative de tous les perturbateurs, une action prioritaire envers le perturbateur par comportement, ou une action envers le perturbateur par situation, s'il est davantage en mesure de faire cesser le trouble de l'ordre public. L'autorité dispose d'une plus grande marge de manœuvre lorsque le rétablissement d'une situation conforme au droit peut prendre un certain temps que lorsqu'il est urgent, ce qui implique de s'adresser au perturbateur qui est le premier à même d'agir (ATF 107 Ia 19 consid. 2b et les références citées ; ATA/1299/2020 précité consid. 7e ; Thierry TANQUEREL, Précis de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 563).

8.4 En l’espèce, la décision porte sur des parties communes et des parties propriété d’B______. La recourante possède, avec 723,2/1’000es, la majorité absolue de la copropriété. Elle indique avoir procédé sans attendre à la pose d’un garde-corps sur la cour intérieure, laquelle constitue une partie commune, comme d’ailleurs les caves.

Le fait que la recourante n’ait pas été la destinataire de l’autorisation de construire délivrée en 2004 – et dont une condition n’a pas été exécutée – est sans portée pour l’issue du litige, dès lors que les travaux de mise en conformité aux normes de sécurité peuvent, ainsi qu’il a été vu plus haut, être exigés en tout temps.

Le département puis le TAPI étaient fondés à appliquer par analogie le raisonnement sur la signature de la demande d’autorisation de construire.

Se penchant sur les litiges civils opposant de longue date A______ et B______, et en l’espèce sur le bien-fondé de l’exclusion d’B______ de la communauté des copropriétaires en raison des manquements dans le cadre des travaux qu’elle avait exécutés dans l’immeuble, le Tribunal fédéral a observé que le pouvoir décisionnel appartenait à la recourante qui était majoritaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_721/2021 du 25 février 2022 consid. 5.4).

Le TAPI a pris en compte cette circonstance. À juste titre, dès lors qu’en sa qualité de copropriétaire majoritaire, la recourante a le pouvoir, au sein de la copropriété, d’imposer le dépôt d’une demande d’autorisation de construire et la conduite des travaux, et même d’en faire supporter cas échéant tout ou partie des coûts par B______ si elle s’y estime fondée.

Cette circonstance fondait à elle seule le choix du département de notifier sa décision à A______. Pour le reste, la question de la communication entre copropriétaires et des litiges survenant entre eux au sujet de travaux accomplis sans autorisation ou de la prise en charge de travaux à accomplir ressortissent au droit privé, et n’ont pas à être pris en compte par le département s’agissant d’obtenir le respect de normes de droit public de la construction.

Le département fait encore observer qu’il pouvait également s’adresser à la recourante en sa qualité de perturbatrice par destination.

Cet argument apparaît fondé. Sa simple qualité de copropriétaire, au surplus majoritaire, d’un immeuble ne répondant pas aux normes de sécurité et exposant en permanence ses usagers à des dangers sérieux suffit en effet à faire de la recourante une perturbatrice au sens de la jurisprudence suscitée aussi longtemps que des mesures ne sont pas prises.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

9.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2’000.-, tenant compte des deux recours et de ce que la recourante avait conclu à la jonction des causes, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

ordonne la jonction des causes A/3961/2022 et A/4042/2022 sous le numéro A/3961/2022 ;

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 31 mai 2023 par A______ SA contre les jugements du Tribunal administratif de première instance des 27 avril et 8 mai 2023 ;

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 2’000.- à la charge de A______ SA ;

dit qu’il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves BONARD, avocat de la recourante, au département du territoire – OAC, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, présidente, Valérie LAUBER, Catherine GAVIN, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :