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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2653/2017

ATA/1622/2017 du 19.12.2017 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2653/2017-FPUBL ATA/1622/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2017

 

dans la cause

 

Monsieur A_____
représenté par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

B______
représentée par Me Sandro Vecchio, avocat

 



EN FAIT

1) Monsieur A_____ a été engagé le 12 février 2002 par B______, établissement médico-social (ci-après : B_____ ou l’EMS) en qualité de « chef de service B, au personnel ».

2) Il a été nommé « directeur administratif et ressources humaines » à compter du ______, puis directeur général adjoint dès le ______.

3) Le 10 décembre 2015, le service d’audit interne de la République et canton de Genève a rendu le rapport n° 15-36 portant sur le contrôle des comptes arrêtés au 31 décembre 2014 de B______.

« L’appréciation générale » retenait que le rapport ne relevait pas de problèmes majeurs. Néanmoins, la sous-évaluation de la valeur comptable de certains bâtiments et des durées d’amortissement trop longues participaient à améliorer le résultat de l’EMS. Par ailleurs, la création d’une société par l’EMS ne reposait pas sur une base légale, ce qui pouvait remettre en cause l’existence et la validité des engagements de celle-là.

4) Le 22 juin 2016, la fiduciaire C____ a présenté au Conseil d’administration de B______ (ci-après : le CA) les résultats préliminaires d’un audit de gestion.

D’un point de vue opérationnel, il y avait un risque majeur sur la gestion financière courante et sur le projet de construction en cours. Sur le plan de la gouvernance, il existait un « virage entre le Conseil d’administration actuel et les précédents ». La responsabilité du CA actuel était engagée. Un plan d’action était proposé.

5) Par courrier du 6 juillet 2016, le conseiller d’État en charge du département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : DEAS) s’est déterminé sur les résultats préliminaires précités. Une action immédiate et « conséquente » du CA était nécessaire.

6) Le 13 juillet 2016, la fiduciaire D______, organe de révision de l’EMS, a rendu un « rapport détaillé » au CA pour l’exercice arrêté au 31 décembre 2015. Son rapport statutaire à l’attention du CA contenait une réserve relative à la continuation d’exploitation de l’établissement et une opinion d’audit défavorable quant aux comptes annuels qui ne donnaient pas une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats en conformité avec les Swiss Gaap RPC.

7) Le 12 octobre 2016, la fiduciaire C______ a fait une présentation au CA « des constats détaillés, des actions en cours et des actions futures ». Elle retenait notamment que « B______ a[vait] été laissée à l’abandon depuis longtemps par manque flagrant de management et de leadership ».

8) Par décision du 31 octobre 2016, B______ a suspendu M. A_____ de ses fonctions avec effet immédiat. L’audit de gestion avait « mis à jour diverses irrégularités et de nombreux manquements répétés dans l’accomplissement de [ses] fonctions en tant que directeur général adjoint en charge notamment de la gestion des finances et des travaux au sein de B______ ».

« Le CA n’entend[ait] pas supprimer [son] traitement, mais dans l’éventualité où d’autres faits répréhensibles seraient révélés, [son] traitement pourrait être partiellement ou totalement supprimé ».

9) Par courrier du 10 novembre 2016, l’intéressé a indiqué qu’il contestait rigoureusement le bien-fondé de la décision. Il n’entendait en l’état pas recourir contre cette décision « illégale, dans la mesure où il préférait concentrer [s]es forces sur la suite de la procédure ».

Il informait son employeur de son incapacité de travail.

10) Un entretien de service s’est déroulé, par écrit, le 21 novembre 2016. Un délai de trente jours était accordé à M. A_____ pour faire valoir ses observations.

11) Le 12 décembre 2016, B______ a informé M. A_____ avoir donné mandat à Monsieur E______, ancien juge à la Cour de justice, de diligenter l’enquête administrative à l’encontre de celui-là.

12) Le 19 décembre 2016, la fiduciaire C_____ a rendu un rapport détaillant les « constatations sur les problématiques d’organisation et de fonctionnement dans les services comptabilité, accueil et achats » de B______.

Il retenait que « M. A_____ s’[était] retrouvé dans un poste à responsabilités pour lequel il n’avait manifestement ni les compétences, ni la vision de fonctionnement d’une entité publique évoluant dans un environnement politique, et encore moins le savoir-être d’un responsable dont la mission première [était] de garantir un bon fonctionnement de l’entité dans son ensemble, plus particulièrement du point de vue de la gestion administrative, de la gestion financière (comptabilité, budget, trésorerie et dette) et de la gestion des ressources humaines. » Lors des rencontres avec M. A_____, celui-ci avait eu « une attitude non collaborante. Il n’a[vait] jamais admis une quelconque responsabilité dans la gestion de B_____, gestion qui aurait pu mener, sans les audits réalisés et le plan d’action proposés et acceptés par le CA, à une fin d’exploitation d’un des plus grands EMS du canton. »

Copie dudit rapport a été transmis à M. A_____ le 20 janvier 2017.

13) L’intéressé a fait valoir ses observations par courrier du 21 décembre 2016, valant entretien de service.

14) Par arrêté du 25 janvier 2017, le Conseil d’État a refusé d’approuver les états financiers de B______ au 31 décembre 2015.

15) Le 26 avril 2017, la fiduciaire C______ a rendu son rapport final d’intervention pour B______.

« La fiduciaire C______ est intervenue à l’EMS B______, sur demande de la présidence, pour réaliser un audit de gestion interne centré sur le système de contrôle interne, la comptabilité, l’accueil, les achats et les projets d’infrastructure. Cette demande faisait suite à un premier audit interne qui avait mis en évidence des signes importants de carences et de dysfonctionnements.

L’audit préliminaire réalisé par la fiduciaire C______ en mai – juin 2016 a validé ces constats. Ceux-ci concernaient autant la gouvernance, la gestion financière et l’organisation interne, que le manque de respect des procédures existantes (ex : AIMP) et la gestion des ressources humaines.

Le Conseil d’administration de l’EMS B______ a eu la confirmation des problèmes détectés, puis, en les cernant mieux, a pu prendre des mesures correctrices immédiates pour assurer la pérennité de l’institution. Notons que ces difficultés étaient présentes depuis plusieurs années.

L’exécution du mandat a été marquée, au fur et à mesure de son déroulement, par la découverte successive de problèmes nouveaux. C’est ainsi qu’en partant d’un périmètre relativement restreint, le mandat a été progressivement élargi à l’ensemble de l’institution, y compris dans ses fondements comptables et financiers.

Ce rapport décrit l’ensemble des travaux qui ont été menés de concert avec les équipes concernées de l’EMS B_____ afin de redonner à l’institution les conditions de sa pérennité.

Certes les efforts de redressement ne sont de loin pas terminés. Néanmoins nous tenons à exprimer notre conviction que la démarche entamée il y a bientôt un an portera ses fruits à court et long terme.

En conclusion, notre constat initial sur l’EMS B______ qui était "la gestion a été laissée à l’abandon depuis longtemps, par manque flagrant de management et de leadership"  s’avère aujourd’hui obsolète ».

16) Par décision du 7 juin 2017, B______, à la suite d’un vote du CA du 24 mai 2017, a suspendu le traitement de M. A_____ avec effet immédiat. Référence était faite à diverses irrégularités et à de nombreux manquements répétés dans l’accomplissement de ses fonctions, mis à jour par l’audit de gestion et financier. La décision était immédiatement exécutoire, nonobstant recours.

17) Par acte du 19 juin 2017, M. A_____ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours. La chambre administrative devait ordonner à B______ de motiver sa décision. Un délai devait être accordé au recourant pour compléter son recours. Principalement, la décision querellée devait être annulée.

Le recours était recevable, M. A_____ encourant un préjudice irréparable. La décision ayant été prise récemment, sa situation financière n’était pas encore obérée : sa maison n’avait pas été saisie, ses couvertures d’assurance n’étaient pas suspendues et l’enfant dont il avait la charge financière n’était pas à la rue. Il était toutefois évident que les conséquences économiques deviendraient rapidement dévastatrices avant qu’il ne puisse recourir contre une décision au fond. Il était en arrêt maladie depuis plusieurs mois, ce qui avait pour conséquence qu’il ne pouvait pas bénéficier de prestations de l’assurance chômage. B______ n’ayant, apparemment, pas annoncé le cas à son assurance, aucune indemnité ne pouvait suppléer à la suppression de salaire en question.

La décision querellée n’était pas motivée. Elle se limitait à évoquer « diverses irrégularités et de nombreux manquements répétés » ainsi que de faire état du fait que « l’audit final du 26 avril 2017 élaboré par la fiduciaire C______ et dont [il] av[ait] reçu une copie rel[evait] des manquements graves et un état de déliquescence de l’organisation et de la gestion comptable, financière et administrative de [leur] institution qui aurait pu mettre en péril la survie financière de B______ et ce sur un très court terme ». Le recourant ne savait pas exactement contre quel reproche recourir et ne pouvait pas se défendre correctement.

La jurisprudence de la chambre administrative imposait qu’une suspension provisoire d’un fonctionnaire réponde à trois conditions nécessaires et cumulatives, à savoir que la faute reprochée soit de nature, a priori, à justifier une cessation immédiate de l’exercice de la fonction, que la prévention de faute soit suffisante et que la suspension apparaisse comme globalement proportionnée. En l’espèce, la décision avait été rendue la veille de la dernière audience d’enquête administrative, de sorte qu’il était patent qu’elle ne pouvait être justifiée par les besoins de celle-ci. Les reproches n’étant pas détaillés, le recourant ne pouvait que se livrer à des conjectures. La décision querellée semblait soutenir que c’était l’audit final du 26 avril 2017 qui aurait été le déclencheur de la décision attaquée au motif qu’il contiendrait des éléments nouveaux. Or, le CA avait été régulièrement tenu informé de l’avancement de l’audit, à savoir les 12 octobre 2016, 31 octobre 2016 et 5 avril 2017. Le rapport final n’était donc pas une surprise. Par ailleurs, les décisions relatives à l’investissement, le financement, la comptabilisation et l’amortissement relatifs au projet d’investissement « B______ 2010 » avaient été prises par le CA, de sorte qu’il n’en était pas responsable. Les divergences constatées dans les salaires étaient uniquement liées à la façon de calculer. Un contrôle AVS effectué en 2013 n’avait donné lieu à aucun commentaire. Il n’existait aucun élément nouveau à charge du recourant justifiant la décision de suspension de traitement. Le seul reproche éventuellement fondé pouvait consister en ce que le recourant n’avait pas suffisamment effectué d’entretiens d’évaluation. Cette question était bénigne et non de nature à justifier la suspension de traitement, le recourant ayant cumulé les postes de responsable des ressources humaines, de responsable hôtelier, de responsable des finances, de directeur adjoint et de représentant du maître de l’ouvrage.

18) Par courrier du 20 juin 2017, un avocat, agissant pour le compte de B______ a mis en demeure M. A_____ de rembourser, d’ici au 30 juin 2017, CHF 213'810.95. 

19) Le 21 juin 2017, le CA a accepté d’étendre l’enquête administrative « suite aux nouveaux éléments découverts ». Référence était faite à une « rémunération indue illicite d’un montant de CHF 213'810.95. »

20) Par décision du 26 juin 2017, B______ a étendu le mandat de l’enquêteur administratif.

21) Par pli du 28 juin 2017, M. A_____ a contesté l’entier des faits qui lui étaient reprochés. « N’ayant rien à cacher, il n’entend[ait] pas recourir contre l’extension précitée. »

22) Par décision du 8 août 2017 (

" ATA/1169/2017), la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de restitution d’effet suspensif.

23) Par écritures du 19 juillet 2017, B______ a conclu au rejet du recours.

24) Le recourant a répliqué par écritures du 11 septembre 2017. Il avait mis gratuitement sa « patente » à la disposition de B______. Deux nouvelles audiences s’étaient déroulées dans le cadre de l’enquête administrative. Les accusations de son employeur ne résistaient pas à l’examen. Il produisait les procès-verbaux desdites audiences. Un délai au 29 septembre 2017 avait été imparti aux parties par l’enquêteur. Le rapport de celui-ci serait connu dans le courant du mois d’octobre 2017. Il était opportun de suspendre la présente procédure.

25) Par pli du 13 septembre 2017, les parties ont été informées que la demande de suspension était refusée. L’argumentation y relative se trouverait dans l’arrêt au fond. La cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Selon la jurisprudence constante rendue par la chambre de céans, une décision de suspension provisoire d’un fonctionnaire est une décision incidente contre laquelle le délai de recours devant ladite chambre est de dix jours (art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATA/510/2017 du 9 mai 2017 ; ATA/762/2015 du 28 juillet 2015 et les références citées).

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) Dans un grief de nature formelle qu’il convient d’examiner en premier, le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu en ce sens que celle-ci ne serait pas suffisamment motivée pour permettre au recourant de comprendre les griefs qui lui sont adressés.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 129 I 232 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_552/2012 du 3 décembre 2012 consid. 4.1 ; 1C_70/2012 du 2 avril 2012 ; 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 138 IV 81 consid. 2.2 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 V 351 consid. 4.2). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 136 I 184 consid. 2.2.1 ; ATA/645/2016 du 27 juin 2016 et les arrêts cités).

La violation du droit d’être entendu doit en principe entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 140 I 68 consid. 9.3 ; 135 I 279 consid. 2.6.1 ; 133 III 235 consid. 5.3).

L'art. 29 al. 2 Cst. n'a, dans le cadre d'une procédure concernant des mesures provisoires, pas la même portée que s'agissant de la procédure au fond (ATF 139 I 189 consid. 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_631/2010 du 8 septembre 2010 consid. 3.2 ; 2P.103/2006 du 29 mai 2006 consid. 3.1 ; ATA/231/2017 précité consid. 2).

b. En l’espèce, la décision querellée se réfère expressément à l’audit de gestion et financier externe du 26 avril 2017 commandé par le CA, et aux « irrégularités et manquements répétés dans l’accomplissement de ses fonctions » par le recourant. Ledit audit consiste en un document de vingt-six pages qui détaille les reproches retenus à l’encontre de l’intéressé. Il ne peut être exigé de l’intimée qu’elle les reprenne en détail. Le renvoi à ce document est suffisant en termes de motivation et permet au recourant de se rendre compte de la portée de la décision prise à son égard, ce d’autant plus que le document concerné contient deux pages de conclusion. L’intéressé a d’ailleurs pu utilement recourir contre ladite décision.

Le grief de violation du droit d’être entendu est infondé.

3) a. B______ est un établissement de droit public, doté de la personnalité juridique (art. 1 et 2 de la loi concernant « B______ » du 21 mai 2001 entrée en vigueur le 1er novembre 2001 - LMV). Le personnel de l’établissement est soumis au statut de la fonction publique, tel que défini par la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05 ; art. 10 LMV).

b. Dans l'attente du résultat d'une enquête administrative, le Conseil d'État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d'administration peut, de son propre chef ou à la demande de l'intéressé, suspendre provisoirement un membre du personnel auquel il est reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l'autorité qu'implique l'exercice de sa fonction. Au sein de l'établissement, le président du conseil d'administration peut procéder, à titre provisionnel et sans délai, à la suspension de l'intéressé (art. 28 al. 1 LPAC).

La suspension provisoire peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l’État ou de l’établissement (art. 28 al. 3 LPAC). À l’issue de l’enquête administrative, il est veillé à ce que l’intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale. Une décision de révocation avec effet immédiat peut cependant agir rétroactivement au jour de l'ouverture de l'enquête administrative (art. 28 al. 4 LPAC).

4) a. S’agissant d’une décision incidente, en vertu de l’art. 57 let. c LPA, ne sont susceptibles de recours que les décisions qui peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

b. L’art. 57 let. c LPA a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 422 n. 1265 ; Bernard CORBOZ, Le recours immédiat contre une décision incidente, SJ 1991, p. 628). Un préjudice est irréparable lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

c. La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57
let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/231/2017 précité consid. 3c ; ATA/762/2015 du 28 juillet 2015 ; ATA/338/2014 précité consid. 5 ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

d. Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

e. La jurisprudence de la chambre de céans se montre, de manière générale, restrictive dans l’admission d’un préjudice irréparable (ATA/217/2013 du 9 avril 2013 consid. 5 ; ATA/839/2012 du 18 décembre 2012 consid. 2a).

Toutefois, dans sa jurisprudence plus récente, la chambre de céans a admis un tel préjudice pour un sergent téléphoniste suspendu sans traitement au motif qu'il « [ressortait] du dossier que la décision [était] susceptible de causer un préjudice irréparable » (ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 1).

Elle a également admis un préjudice irréparable pour un fonctionnaire des Hôpitaux universitaires de Genève, suspendu sans traitement, qui a produit un certain nombre de pièces démontrant sa situation économique difficile (ATA/506/2014 du 1er juillet 2014 consid. 3c).

f. En l'espèce, l’admission du recours ne mettrait pas fin au litige, puisque l’enquête administrative, dont la mise en œuvre n’est pas contestée, suivra son cours quel que soit le sort de la mesure de suspension querellée. La seconde hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA n’est ainsi pas réalisée (ATA/217/2013 précité consid. 5 et les arrêts cités).

Le recourant soutient que l'arrêté querellé lui cause un préjudice irréparable, dès lors qu'il n'est plus en mesure de subvenir à ses besoins ainsi qu'à ceux de sa famille. Toutefois, le fait de ne plus recevoir de traitement n'est pas suffisant pour retenir l'existence d'un préjudice irréparable. Il faut encore que l'intéressé rende vraisemblable un tel préjudice (ATA/510/2017 précité).

Or, ni à l’appui de son recours, ni au moment de sa réplique, pourtant consécutive au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif, le recourant n’a expliqué en détail le préjudice irréparable qu’il alléguait, n’a fourni de pièces probantes à l’appui de ses allégations, voire même n’a allégué de chiffres que la chambre administrative aurait pu examiner.

La motivation de la décision sur effet suspensif peut, en conséquence, être pour partie reprise compte tenu de ce qui précède, notamment le fait que l’intéressé relève dans ses écritures être propriétaire d’un bien immobilier et d’un bateau lui ayant permis de faire une croisière au travers de l’Atlantique.

Dans ces conditions, compte tenu notamment de la fortune dont le recourant a fait état et de l’absence de toutes pièces, il ne démontre pas que ses intérêts sont gravement menacés et qu’il risquerait de subir un préjudice irréparable, étant rappelé que la décision querellée ne concerne que la suspension avec effet immédiat du traitement du recourant et ne porte pas sur la suspension du recourant de ses fonctions, décidée le 31 octobre 2016, et contre laquelle l’intéressé n’a pas recouru.

La suspension de traitement ayant, de surcroît, été réservée dans la décision du 31 octobre 2016, le recourant ne peut soutenir avoir été pris de court par celle-là.

Par ailleurs, l’intérêt privé du recourant à conserver son traitement doit céder le pas à l’intérêt public à la préservation des finances de l’intimée et de l’État, conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative (ATA/622/2017 du 31 mai 2017 consid. 9 ; ATA/626/2016 précité ; ATA/471/2016 du 6 juin 2016 et les références citées).

Enfin, si la suspension du traitement devait s’avérer injustifiée, le recourant pourra faire valoir ses prétentions salariales à l’encontre de l’intimée, celui-ci n’alléguant pas un risque d’insolvabilité de cette dernière.

Le recours sera déclaré irrecevable.

5) Ce qui précède rend sans objet la demande de suspension de la procédure dans l’attente de la remise du rapport de l’enquêteur administratif.

6) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1’000.- sera allouée à B______ qui y a conclu et a encouru des frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 19 juin 2017 par Monsieur A_____ contre la décision de B______ du 7 juin 2017 ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Monsieur A_____ ;

alloue à B______ une indemnité de procédure CHF 1’000.- à la charge de Monsieur A_____ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat du recourant ainsi qu'à Me Sandro Vecchio, avocat de B______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :