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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1764/2021

ATA/1061/2022 du 18.10.2022 sur JTAPI/433/2022 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.11.2022, rendu le 20.02.2024, REJETE, 1C_617/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1764/2021-LCI ATA/1061/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 octobre 2022

3ème section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 avril 2022 (JTAPI/433/2022)


EN FAIT

1) M. A______ et Mme et M. B______ sont copropriétaire de la parcelle n° 3'427 de la commune de C______, sise au chemin D______ ______, en 5ème zone à bâtir au sens de l'art. 19 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT- L 1 30).

2) À teneur du registre foncier, la parcelle contient un immeuble affecté à l'habitation, connu sous le nom de E______ et cadastré sous n° ______, construit en 1831 puis agrandi en 1834 et 1847, situé en partie sur la parcelle n° 3'159.

L’immeuble est demeuré propriété des familles F______ et G______, qui y ont vécu, jusque dans les années 1960, lorsque la société américaine H______, connue sous son acronyme H______, dont le siège était installé à Genève depuis 1958, en a fait l'acquisition.

Il a failli être détruit au début des années 1980 lors de la construction du nouveau tracé de la ligne des CFF entre Genève et Lausanne.

La E______ a été définitivement sauvée en 1984. Elle était alors occupée par le concierge des « I______ » – soit un ensemble résidentiel de
cinquante-cinq villas situées en bordure de la route J______ et des voies de chemin de fer réalisé entre 1973 et 1980 – et contenait quelques bureaux. La parcelle était alors la propriété de MM. K______, L______, M______ et N______, qui l'avaient acquises le 13 juin 1979 de la O______, laquelle en était devenue propriétaire suite à la faillite d'H______ au début des années 1970, apparemment en 1972. M. A______ en est devenu copropriétaire le 17 mars 1997, lorsqu'il l'a acquise avec M. B______ et M. P______.

3) Par décisions DD 1______ et DD 1______/2 des 5 juin 2001 respectivement 7 novembre 2001, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu département du territoire (ci-après : DT), a autorisé la réalisation de transformations dans l’immeuble – « transformation et rénovation – jours en toiture » – à la demande de ses propriétaires.

4) Les requêtes tendant à la délivrance de ces autorisations avaient été déposées par l'intermédiaire de Mme Q______, architecte, le 2 février 2001, respectivement le 11 juillet 2001. Cette dernière y avait joint un « dossier de présentation », dans lequel elle exposait notamment : « le programme de ces 15 dernières années a été essentiellement de bureaux. Seul un petit logement de 2 pièces et des chambres d'étudiants subsistent » (p. 2). Néanmoins, la dénomination des diverses pièces de la villa reportée sur le plan de l'étage et le plan des combles visés ne varietur liés à ces autorisations (« séjour », « chambre », « s. à manger », « séjour/s. à manger », « cuisine », « s. de bains ») laissait entendre que ces niveaux étaient entièrement affectés à du logement.

5) Le 21 avril 2015, un inspecteur de la direction des autorisations de construire du DT (ci-après : DAC) s'est rendu sur la parcelle pour y effectuer un constat. Son rapport a la teneur suivante :

« Le plaignant nous fait savoir que des entreprises auraient pris place dans le bâtiment sis sur la parcelle précitée. Selon l’autorisation DD 1______ seuls des appartements apparaissent sur le plan de l’étage et des combles visés ne varietur. Il n’y a pas de plans du rez sur ladite autor. Suite à ma visite sur place, j’ai pu constater que plusieurs plaques d’entreprises ornaient l’entrée de l’immeuble et sont annoncées sur les boîtes aux lettres. Ces dernières sont la plupart sises au rez hormis l’entreprise R______ stipulée sur le panneau informatif à l’entrée de l’immeuble ainsi que sur une porte du hall du 1er (Voir croquis des halls d’entrée ci-joints). Cette affectation serait contraire à l’autor DD 1______ ».

6) Le DT a ouvert une procédure d'infraction (n° I/2______) et, le 7 mai 2015, il a informé M. A______ que cette situation était susceptible de constituer une infraction à l’art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Celui-ci était invité à lui faire part de ses observations et explications éventuelles quant aux faits constatés, toutes autres mesures et/ou sanction justifiées par la situation demeurant en l’état réservées.

7) Le 19 mai 2015, M. A______ a répondu au DT que la maison était entièrement dédiée à la location de bureaux depuis le milieu des années 1960. Le dépôt de la demande d’autorisation de construire à laquelle le DT s'était référé avait eu pour but de réhabiliter un certain nombre de bureaux en appartements. Dès lors, il n’avait pas changé l'affectation des locaux.

8) Le 22 mai 2015, le DT a demandé à M. A______ d'apporter la preuve (« acte d'achat ou autres »), dans un délai de trente jours, de ses allégations selon lesquelles le bâtiment était dédié à des bureaux depuis le milieu des années 1960, précisant que, si tel était le cas, il classerait le dossier sans suite. Il lui faisait par ailleurs savoir qu'il avait retrouvé des écrits attestant du fait que le bâtiment était destiné à du logement jusqu'en 1925 environ, mais n'avait aucune information quant au changement d'affectation depuis lors.

9) Le 19 juin 2015, M. A______ s’est déterminé.

Il produisait une expertise, effectuée par M. S______, architecte, que les copropriétaires avaient fait réaliser en août 1995 avant d’acheter le bâtiment, de façon à garantir la pérennité de leurs entreprises ; un extrait de l'acte d’achat, datant de 1997 ; un extrait du dossier de présentation, daté de janvier 2001, produit avec la demande d'autorisation de construire DD 1______.

Ces documents concernaient la période depuis environ 1979. Pour la période du milieu des années 1960 à 1979, année de son premier bail en tant que locataire de bureaux, il fallait s'adresser au propriétaire de l’époque.

10) Par décision du 23 juin 2015, prise en application des art. 129 ss LCI, le DT, constatant l’absence de preuves formelles suite à ses demandes, a ordonné à M. A______ de requérir, dans un délai de trente jours, la délivrance d'une autorisation de construire, sous forme de demande définitive (DD), afin de tenter de régulariser la situation, toutes mesures et/ou sanction justifiées par la situation demeurant réservées.

Le DT a également ouvert une procédure d'infraction à l'encontre de M. et Mme B______, à qui il a communiqué une décision en tous points identique et contre laquelle ceux-ci ont recouru devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 15 août 2015 (cause n° A/2766/2015).

11) Par acte du 27 août 2015, sous la plume de son conseil, M. A______ a recouru auprès du TAPI contre la décision prise à son égard le 23 juin 2015, concluant à son annulation.

On ne pouvait l'obliger à déposer une demande d'autorisation de construire en vue d'un changement d'affectation qui n'avait pas été opéré, à tout le moins pas depuis le milieu des années 1960, époque à laquelle la villa litigieuse était déjà notamment dédiée à la location de bureaux, à peine de violer le principe de la
non-rétroactivité des lois, le principe de la bonne foi de l'administration et le délai de péremption de trente ans. Ce recours a été enregistré sous la référence A/2886/2015.

12) Le 16 mars 2016, le TAPI a procédé à l'audition des parties concernées par les causes nos A/2766/2015 et A/2886/2015.

M. B______ a indiqué que son épouse et lui n'étaient propriétaires que de leur propre logement dans la villa, qui représentait actuellement quatre lots de propriété par étage (PPE). Ils n'avaient donc aucun droit sur les autres locaux, en particulier ceux qui étaient loués comme bureaux. Il disposait effectivement
lui-même, à titre personnel, depuis 1984, d'un bail portant sur un bureau. Celui-ci avait été repris par la société U______, dont il était le directeur, jusqu'en août 1993, période à laquelle la société avait été radiée. Il n'avait ensuite plus occupé ce bureau et avait pris sa retraite. Ce dernier était ensuite devenu l'appartement qu'il occupait actuellement avec son épouse.

M. A______ a déclaré qu'il était entré dans la maison comme locataire de bureaux, en 1979. À cette époque, celle-ci ne contenait aucun logement, mais seulement des bureaux loués. En 2001, les copropriétaires avaient déposé la demande d'autorisation de construire DD 1______ pour réhabiliter certains de ces bureaux en logements. Ils avaient créé un logement pour M. et Mme B______ et un autre pour lui-même. Avant cette date, il n'habitait pas dans la maison. Actuellement, il avait trois locataires, qui disposaient chacun d'un bail pour des bureaux. Il y avait encore d'autres locaux destinés à l'usage de bureaux, qu'il était en train de remettre en état et qui seraient destinés à son usage personnel.

Le DT a déclaré qu’il considérait, quand bien même le délai de prescription trentenaire semblait atteint, que le dépôt d'une autorisation de construire était nécessaire pour décider du changement d'affectation de l'édifice, avec toutes les implications légales et règlementaires que cela supposait. Selon toute vraisemblance, la remise en état ne serait pas exigée, à moins que des motifs de police l'exigent, conformément à la jurisprudence.

13) Le 23 juin 2016, M. A______ a saisi le TAPI d'une « action constatatoire dans le cadre du dossier INF 2______ [ ] qui fai[sai]t d'ores et déjà l'objet d'une procédure de recours actuellement pendante par-devant le Tribunal [ ] enregistrée sous n° A/2886/2015 », fondée sur l'art. 49 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), concluant notamment à ce qu'il soit constaté qu'il était « libéré de toute obligation liée au dépôt d’une quelconque autorisation de construire pour l’exploitation de bureaux au sein de la villa ».

Cette procédure a été enregistrée sous la référence A/2135/2016.

14) Le 29 juin 2016, le DT a annulé la décision qu'il avait prise le 23 juin 2015 à l'endroit de M. et Mme B______, de sorte que ceux-ci ont retiré leur recours le 13 juillet 2016. La cause n° A/2766/2015 a été radiée du rôle du TAPI le 15 juillet 2016.

15) Par jugement du 5 octobre 2016 (JTAPI/1019/2016), le TAPI a déclaré irrecevables tant le recours de M. A______ – la décision attaquée, qualifiée de décision incidente, ne pouvant faire l'objet d'un recours immédiat – que son « action constatatoire ».

Par arrêt du 28 mars 2017 (ATA/360/2017), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours déposé par M. A______ contre ce jugement.

Par arrêt 1C_278/2017 du 10 octobre 2017, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par M. A______ contre cet arrêt, confirmant notamment que la question de savoir si l'autorisation de construire pouvait être délivrée ne constituait pas l'objet du litige et que les griefs de fond qui s'y rattachaient – violations du principe de la non-rétroactivité des lois, du principe de la bonne foi de l'administration et du délai de péremption de 30 ans (art. 26 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) ; violation du principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.) – pourraient être examinés dans le cadre de l'éventuelle procédure contre la décision que rendrait le DT (consid. 2.3.3 in fine). Préalablement (consid. 2.2), il avait constaté qu'en exigeant le dépôt d'une requête d'autorisation de construire, après avoir constaté un changement d'affectation, le DT avait ouvert une procédure administrative, qui prendrait fin par une décision qui pourrait soit constater, sur la base du dossier complet, que le changement d'affectation n'était en définitive pas soumis à une autorisation ; soit dire qu'il était bel et bien soumis à autorisation et accorder cette autorisation ; soit encore refuser l'autorisation de construire. En exigeant le dépôt d'une requête, le DT avait donc rendu une décision incidente, qui ne mettait pas fin à la procédure administrative, mais constituait une simple étape dans le cours de celle-ci.

16) Le 7 décembre 2017, M. A______ a déposé une « action constatatoire » auprès du DT, concluant à ce que celui-ci dise et constate qu'il était libéré de toute obligation liée au dépôt d’une quelconque autorisation de construire pour 1'exploitation de bureaux au sein de la « E______ ».

17) Par décision du 4 janvier 2018, le DT a déclaré cette requête irrecevable.

Une procédure tendant au prononcé d'une décision formatrice était en cours et il appartenait à M. A______ – le Tribunal fédéral l'ayant jugé en dernier lieu – de s’y conformer en déposant une requête en autorisation de construire, nécessaire à l’instruction du dossier. Le DT devait être en possession de tous les éléments du dossier pour pouvoir l’instruire, en particulier les plans et pièces définis à l’art. 9 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01).

18) Par acte du 2 février 2018, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du TAPI (cause n° A/464/2018).

Par jugement du 22 octobre 2018 (JTAPI/1026/2018), le TAPI a rejeté ce recours.

Par arrêt du 7 mai 2019 (ATA/874/2019), la chambre administrative a rejeté le recours formé par M. A______ contre ce jugement.

19) Le 12 février 2020, le DT a rappelé à M. A______ son obligation de déposer une demande d'autorisation de construire, afin de régulariser la situation, lui impartissant à cet effet un nouveau délai de trente jours.

20) Le 13 mars 2020, par l'intermédiaire de M. S______, M. A______ a déposé une demande d'autorisation de construire définitive, sous l'intitulé « constatation de l'inexistence d'un changement d'affectation », laquelle a été enregistrée par le DT sous la référence DD 3______.

Accompagnée d'un courrier de son conseil retraçant l'historique du dossier et sa position ainsi que de divers plans, cette requête n'envisageait pas la réalisation de travaux.

Il ressortait des plans que le rez-de-chaussée de l'édifice était composé de bureaux, alors que son 1er étage et ses combles contenaient des logements.

21) Dans le cadre de l'instruction de cette requête, dont le DT a de lui-même modifié l'intitulé en « régularisation INF 2______ – changement d'affectation de logements en bureaux », toutes les instances consultées ont émis un préavis favorable, parfois sous conditions. Ainsi, notamment :

- Le 29 avril 2020, les CFF se sont déclarés « d'accord à la réalisation du projet », sous huit conditions et charges, relatives à l'exécution « des travaux ».

- Le 30 septembre 2020, la DAC a délivré un préavis favorable, sous condition, relevant que « l'affectation bureaux au rez-de-chaussée, ne figure nulle part sur la DD 1______ évoqué par le mandataire (aucun plan ne-varietur du
rez-de-chaussée n'existe dans cette DD) ».

- Le 7 octobre 2020, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) s'est déclaré favorable, sans observation, soulignant que la requête n'impliquait aucune modification intérieure ou extérieure du bâtiment.

- Le 7 octobre 2020, le service compétent de l'office de l'urbanisme (ci-après : SPI) a émis un préavis favorable :

« Nous avons pris connaissance du courrier de Maître [sic] S______ du 27 septembre 2020 enregistré le 30.09.2020.

« Sur le fond, l'usage du rez-de-chaussée n'est apparemment plus résidentiel depuis plus de 30 ans et, vu la proximité de la voie ferrée et de la route de l'autre côté, ce rez-de-chaussée est fortement exposé aux nuisances sonores. De plus nous constatons que la parcelle contient déjà des places de parking. Dans ce contexte nous sommes favorable à l'application de l'article 26 alinéa 1 [LaLAT], pour autant que l'activité ne provoque pas des nuisances supplémentaires à celles existantes ou des inconvénients graves pour le voisinage ».

- Le 8 janvier 2021, après avoir requis à deux reprises, les 28 avril et 8 octobre 2020, la production de plusieurs pièces complémentaires, dans la mesure où celles qui avaient été déposées ne lui permettaient pas de juger du respect des prescriptions en matière de protection contre les incendies, la police du feu a émis un préavis favorable, sous les conditions suivantes :

« 1. L'assurance qualité doit être appliquée selon la directive de protection incendie 11-15fr "Assurance qualité en protection incendie", notamment :

« a. Le projet présenté est classifié dans le degré 1 de l'assurance qualité.

« b. Monsieur A______ sera le responsable de l'assurance qualité ainsi que le premier interlocuteur de l'autorité de protection incendie, et veillera au respect de l'application des prescriptions de l'AEAI, et des demandes de la Police du Feu.

« c. Pour les dossiers soumis à l'article 7 LCI, la déclaration de conformité de protection incendie, selon chiffre 4.1.3, lettre e de ladite directive, sera dûment complétée, visée, et remise avec l'attestation globale de conformité.

« d. Tout changement de Responsable en assurance qualité, notamment entre le dépôt de la requête en autorisation de construire et l'exécution des travaux doit être annoncé. La page 2 du formulaire de sécurité incendie 001 devra être complétée, signée par le nouveau RAQ et transmise à la police du feu ainsi qu'à l'office des autorisations de construire (OAC).

« e. Toutes les mesures de protection incendie, tel que le compartimentage coupe-feu, les portes EI 30, le balisage, etc., figurant sur les plans doivent être respectées.

« 2. Les matériaux de construction doivent être conformes à la directive de protection incendie 14-15fr "Utilisation des matériaux de construction", notamment : (Bâtiment de faible hauteur).

« a. Les matériaux de construction de la voie d'évacuation intérieure doivent être conformes au tableau 4.2 de ladite directive. (RFI).

« 3. La voie d'évacuation verticale devant former un compartiment coupe-feu conforme à la directive de protection incendie "Distances de sécurité incendie, systèmes porteurs et compartiments coupe-feu" 15-15fr, les points suivant doivent être appliqués, notamment :

« a. Au sous-sol, rajouter une porte coupe-feu EI30, entre le couloir devant la chaufferie et le couloir 06, afin de créer une voie d'évacuation horizontale.

« b. Si les portes palières actuelles de la voie d'évacuation verticale ne sont pas homologuées EI 30 ou qualifiées résistantes au feu T 30 selon les anciennes prescriptions, elles seront remplacées par des portes EI 30 reconnues par l'AEAI ou renforcées selon la note technique n° 008 de la fédération suisse du secteur des portes (VST) de manière à atteindre la résistance au feu exigée.

« 4. Les voies d'évacuation doivent être conformes à la directive de protection incendie 16-15fr "Voies d'évacuation et de sauvetage", notamment :

« a. La porte de la voie d'évacuation verticale, doit pouvoir s'ouvrir rapidement, en tout temps et sans recours à des moyens auxiliaires.

« 5. La signalisation et l'éclairage de sécurité doivent être conformes à la directive de protection incendie 17-15fr "Signalisation des voies d'évacuation, éclairage de sécurité et alimentation de sécurité", notamment :

« a. Les voies d'évacuation horizontale et verticale doivent être équipées d'un éclairage de sécurité.

« 6. L'accès aux immeubles ainsi qu'aux locaux techniques doit être garanti depuis le domaine public pour les interventions du service d'incendie et de secours au moyen d'une clé "SI" type "FEU" des Services industriels de Genève, conformément au règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses L5 05.01 (Art. 105A) ».

22) Durant l’instruction. M. A______ a sollicité du DT qu'il rétablisse le libellé de sa requête, tel qu'il l'avait formulé, ce que ce dernier a refusé en dernier lieu par courrier du 13 juillet 2020.

23) Le 16 avril 2021, faisant notamment application de l'art. 26 LaLAT, le DT a délivré l'autorisation DD 3______, stipulant notamment que les conditions figurant dans les préavis de la police du feu, du SPI et des CFF en faisaient partie intégrante et devraient être strictement respectées.

24) Par décision séparée du même jour, le DT a infligé à M. A______ une amende de CHF 2'000.-, au motif que le changement d'affectation ainsi validé avait été opéré sans autorisation et lui a ordonné de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de nonante jours en procédant à la réalisation des travaux « conformément à l'autorisation délivrée ce jour ».

25) Par acte du 17 mai 2021, M. A______ a recouru devant le TAPI contre ces deux décisions, concluant à leur l'annulation et à ce que « l'inexistence d'un changement d'affectation » soit constatée.

Depuis « le milieu des années 60 », la E______ était notamment dédiée à la location de bureaux. Il ressortait de l'expertise réalisée à sa demande en août 1995 par M. S______ que les locaux du rez et du premier étage étaient alors occupés sous forme de bureaux depuis plus de trente ans. Par ailleurs, il louait
lui-même une partie de la villa, au sein de laquelle il avait installé ses bureaux, en 1979 déjà. En outre, la police d'assurances du bâtiment du 14 mars 1988 indiquait que l'usage de celui-ci était « d'ores et déjà destiné à "bureau et habitation" » et celle du 28 mai 1997 indiquait que le bâtiment était voué à l'usage de « bureaux ». L'état locatif établi en août 1995 par M. N______, ancien propriétaire, laissait clairement apparaître que la villa était destinée à l'usage de plusieurs bureaux, dont le sien. De plus, l'acte notarié par lequel il avait acquis la copropriété de la parcelle le 17 mars 1997 rappelait que la villa faisait l'objet de contrats de bail à loyer commerciaux. Ensuite, le rapport de 2001 de Mme Q______ rapportait que « le programme des 15 dernières années a été essentiellement de bureaux ». Enfin, il ressortait d'une étude historique et architecturale réalisée en janvier 2021 par Mme T______, historienne de l'art et de l'architecture, intitulée « Les I______. Un ensemble résidentiel "En ville - Hors de ville". ______-______ chemin D______ - C______. 1973-1980 », que le domaine F______-G______, sur lequel était érigé la villa litigieuse, avait été racheté dans les années 1960 par la société H______, qui n'avait été autorisée à l'acquérir qu'à condition, fixée par l'État, qu'elle y créât une école de marketing, soit une activité purement commerciale, ce qui « devrait clore le débat ».

Le DT n'avait absolument pas rempli sa mission découlant de l'arrêt du Tribunal fédéral du 10 octobre 2017. Il était parti de la prémisse, erronée, qu'il y avait eu un changement d'affectation, sans procéder à la moindre investigation sur cette question. Pire encore, il s'était permis de changer le libellé de sa requête. Pour ce simple fait déjà, son recours devrait être admis.

Les locaux en cause étaient affectés à l'usage de bureaux depuis des temps immémoriaux, soit en particulier bien avant l'entrée en vigueur de la législation en matière d'aménagement du territoire (loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 [LAT - RS 700] et LaLAT), de sorte qu'il n'y avait pas eu de changement d'affectation, sauf à violer le principe de la non rétroactivité des lois. Au demeurant, le DT n'avait pas apporté la preuve qu'une autorisation était à l'époque nécessaire pour une affectation de bureaux. Par courrier du 22 mai 2015, ce dernier avait indiqué être en mesure de démontrer que l'édifice était affecté à du logement jusqu'en 1925, mais qu'il en ignorait le statut depuis lors. Le DT l'accusait donc d'un changement d'affectation et, alors qu'il était incapable de prouver ses dires, lui demandait de prouver ce qu'il n'avait pas à prouver. Or, il appartenait au DT de démontrer quand les locaux avaient été affectés à des bureaux et d'établir qu'à cette époque, la délivrance d'une autorisation était nécessaire pour y procéder, ce qu'il n'avait pas fait. Pour ce motif également, son recours devrait être admis.

Il avait démontré que le bâtiment était initialement dédié à des bureaux à tout le moins « depuis le milieu des années 60, voire même après 1925 », de sorte que le délai de péremption de 30 ans était acquis. En outre, aucun motif de police ne pouvait « faire échec à l'application du délai de péremption de 30 ans, étant de surcroît rappelé que la situation [ ] – dont on rappellera qu'elle perdure à tout le moins depuis plus de 50 ans – n'a jamais suscité auprès des autorités de préoccupations de droit public ou de quelque nature que ce soit durant tout ce laps de temps, étant précisé que le département avait connaissance de cet état de fait depuis au moins 2001, date du dépôt de la requête à laquelle était annexée le rapport historique de la villa établi en janvier 2001 ». Le DT était ainsi « au courant du fait que les locaux en question étaient utilisés en bureaux depuis au moins 2001 et était d'ores et déjà déchu de son droit avant l'écoulement du délai de 30 ans ». Pour ce motif encore, son recours devrait être admis.

Il n'avait jamais commis la moindre faute, dans la mesure où il n'avait effectué aucun changement d'affectation, les locaux ayant été affectés à des bureaux bien avant qu'il ne les achetât. L'amende qui lui avait été infligée devrait donc être annulée.

Le DT lui avait ordonné d'effectuer des travaux qu'il n'avait pas sollicités, dans le cadre d'une autorisation qu'il avait été forcé de demander, ce qui était parfaitement absurde et relevait du harcèlement. En définitive, seul le préavis de la police du feu faisait débat, car, bien que n'étant pour le moins pas d'une clarté absolue, il pourrait être « interprété comme exigeant l'exécution d'une voie d'évacuation ». Pourtant, il résultait de l'art. 2 de la norme de protection incendie de l'Association des établissements cantonaux d'assurance incendie (AEAI), dans son édition de 2015, que ni la police du feu ni le DT n'avaient le droit d'exiger de lui qu'il exécutât des travaux. Il était donc « patent que la sanction ubuesque infligée par le département, consistant à ordonner l'exécution de travaux inexistants, voire l'ordonner illégalement, ne résist[ait] pas à l'examen ». L'ordre qui lui avait été donné dans ce sens devrait donc être lui aussi annulé.

26) Le 30 juillet 2021, prenant acte des éléments soulevés dans le recours, le DT a annulé l'amende de CHF 2'000.- prononcée à l'encontre de M. A______.

27) Le 25 août 2021, le DT a conclu au rejet du recours. Les arguments dont il s'est prévalu seront repris et traités dans la mesure utile dans la partie « en droit » ci-après.

28) Le 27 septembre 2021, M. A______ a persisté dans ses conclusions, tout en sollicitant l'audition de Mmes Q______ et T______.

29) Le 28 octobre 2021, le DT a persisté dans ses conclusions.

30) Par jugement du 28 avril 2022, le TAPI a rejeté le recours et la demande d’audition de deux témoins.

Le préavis des CFF du 29 avril 2020 comportait huit conditions et charges, relatives à l'exécution « des travaux », alors que la requête n'en prévoyait pas.

L’étude historique et architecturale réalisée en janvier 2021 par Mme T______ précisait, au sujet du projet de création d’une école de marketing comme condition à l’acquisition de la E______ par H______, que le projet n’avait jamais vu le jour (p. 9). L’étude avait été réalisée à la demande de l'office du patrimoine et des sites dans le cadre de l'instruction d'une requête en autorisation de construire, déposée le 8 octobre 2020 (APA 4______), portant sur la construction d'une véranda au 1er étage de l'une des villas de l'ensemble, sise ______, chemin D______.

Il n’était pas contesté que l’édifice avait été affecté à de l’habitation dès sa construction et durant plusieurs décennies. À une période que les pièces du dossier ne permettaient pas d’établir, une partie de ses locaux avait été transformée et utilisée comme bureaux. Un changement d’affectation avait été opéré, que M. A______ situait au milieu des années 1960 et le DT au début des années 1980 voire en 1979 déjà, ce qui apparaissait plus plausible. Le moment exact était peu déterminant, de même que le fait de savoir si le changement avait eu lieu avant ou après l’entrée en vigueur de la LAT. Ce qui était décisif, c’était qu’une partie des logements avaient été transformés en bureaux sans qu’une autorisation de construire n’ait été demandée ni obtenue alors que la LCI l’exigeait depuis 1961 et qu’il n’était pas établi, et M. A______ ne prétendait pas, que le changement d’affectation était antérieur à cette année.

L’écoulement d’une période de trente ans depuis le changement d’affectation non autorisé n’avait pas eu pour effet de le légaliser mais seulement de conférer aux propriétaires le droit de ne pas être contraints de rétablir la situation préexistante. Le DT n’avait pas exigé la réaffectation des bureaux en logements, étant observé que la reformulation par le DT de la demande de M. A______ ne prêtait pas le flanc à la critique dès lorsqu’elle correspondait matériellement à son objet.

Après avoir examiné les plans, la police du feu avait constaté que le dispositif y relatif du bâtiment était insuffisant et avait exigé la mise en œuvre de diverses mesures pour y remédier. Les prescriptions AEAI étaient applicables au bâtiment. L’interprétation et l’application au cas d’espèce de l’art. 2 de la norme de protection incendie de l’AEAI était parfaitement défendable et partant admissible. Le TAPI faisait preuve de retenue et respectait la latitude de jugement conférée au DT.

Il convenait de s’en remettre à l’instance spécialisée s’agissant des aspects techniques de la protection contre les incendies. M. A______ n’exposait pas en quoi les mesures dont l’exécution lui était réclamée ne seraient pas justifiées et ne prétendait pas que la police du feu n’aurait pas dûment examiné les caractéristiques et les lacunes du bâtiment. Une autorisation pouvait être assortie de conditions et de charges, de sorte que le DT pouvait conditionner son acceptation du changement d’affectation à la prise de mesures particulières. Le DT aurait été fondé à exiger les adaptations sécuritaires même en dehors de toute demande d’autorisation de construire. Les conditions formulées par les CFF et le SPI n’avaient pas de réelle portée.

Le DT était fondé à ordonner les travaux en application de l’art. 129 LCI. La mise en place d’une protection adéquate contre les incendies relevait d’un intérêt public important et apparaissait adéquate et proportionnée. Le coût des travaux ne paraissait pas d’emblée devoir engendrer pour M. A______ des difficultés particulières.

31) Par acte remis à la poste le 30 mai 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation.

H______ avait été autorisée à acquérir la parcelle à condition d’y installer une école de marketing, ce qui était la preuve d’une affectation commerciale et que l’immeuble n’était plus affecté au logement dès cette époque. Une procédure de recours avait eu lieu en 1973, dont on ne savait rien. Il était incompréhensible que le DT n’ait rien dans son dossier après 1925.

Son droit d’être entendu avait été violé. Le TAPI avait refusé à tort d’entendre les deux témoins. Or, l’auteure du rapport historique aurait permis d’éclairer l’affectation et la procédure de recours de 1973 autour d’une autorisation.

L’art. 1 al. 1 let. b LCI avait été violé. Un changement d’affectation ne permettait au DT d’exiger le dépôt d’une demande d’autorisation qu’en présence d’un risque de nuisances, lequel faisait défaut en l’espèce. Ni la LAT ni la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) n’étaient entrées en vigueur à l’époque du changement d’affectation.

Le principe de la bonne foi avait été violé. Un ordre de remise en état n’était pas valable lorsque, comme en l’espèce, l’autorité avait toléré, soit connu ou dû connaître en faisant preuve de l’attention commandée par les circonstances, les constructions non conformes. Une demande d’autorisation avait été formée en 2001 et indiquait déjà que l’affectation durant les quinze années précédentes avait été des bureaux à l’exception d’un petit logement de deux pièces et de chambres d’étudiants. Le DT avait toléré des bureaux de 2001 à 2015 et ne pouvait lui ordonner la remise en état.

Les normes AEAI avaient été violées. Il n’existait aucun danger, dans la mesure où les bureaux avaient été exploités sans problèmes depuis des temps immémoriaux. Il n’y avait par ailleurs pas eu de changement d’affectation important.

32) Le 4 août 2022, le DT a conclu au rejet du recours.

Le projet d’école de marketing n’avait jamais vu le jour et ne permettait pas d’établir le changement d’affectation. Les familles F______ et G______ avaient vécu dans la demeure jusque dans les années 1960. L’ancienne LCI soumettait déjà le changement d’affectation à autorisation.

Il n’existait aucune trace d’une prétendue demande d’autorisation des années 1970. Le plan produit par M. A______ n’était pas clair et n’indiquait aucunement l’affectation. Une éventuelle affectation aurait été postérieure à l’entrée en vigueur de la LCI de 1961.

Le droit d’être entendu de M. A______ n’avait pas été violé. L’étude de Mme Q______ évoquait une affectation des locaux en bureaux dès 1986, soit quinze ans avant la date de son rapport, de 2001.

Le changement d’affectation, ne faisait aucun doute, qu’il ait eu lieu dans les années 1960 ou la deuxième moitié des années 1980. M. A______ ne prouvait pas qu’il aurait été autorisé à l’époque. La nouvelle affectation était susceptible de créer des dangers graves pour les personnes occupant les locaux faute de mesures de sécurité incendie adaptées. L’effet de l’implantation de bureaux en zone villas ne pouvait être considéré comme mineur.

L’autorisation sollicitée en 2001 portait sur la transformation, la rénovation et les jours en toiture, et n’évoquait aucun changement d’affectation. Aucune présence de bureaux ne ressortait des plans présentés à l’appui de la demande. Le rez-de-chaussée n’était pas concerné par les travaux. Aucune violation du principe de la bonne foi n’avait été commise.

Le passage du logement aux bureaux était considéré comme un changement d’affectation important. La protection des locaux contre le feu était particulièrement importante pour les personnes y travaillant. Le DT aurait pu demander une adaptation de la construction en application des art. 120 ss LCI.

33) Le 5 septembre 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Il produisait un extrait des procès-verbaux du conseil municipal de la commune de C______ des 23 mars 1971, 30 mai 1972 et 20 mars 1973, dont il ressortait qu’une autorisation avait bel et bien été demandée et octroyée. Même s’il ressortait qu’il s’agissait de l’édification de septante villas sur la parcelle, il ne pouvait être exclu que l’autorisation portait sur un changement d’affectation. Prétendre qu’aucune autorisation n’avait été délivrée relevait au mieux d’une grande désorganisation, au pire d’une volonté de cacher des éléments. Des mesures d’instruction devaient être ordonnées.

Le changement d’affectation en lien avec la zone villas devait être écarté, cette zone ayant été créée par la LAT, qui n’était alors pas en vigueur.

La mention dans un dossier de demande d’autorisation de 2001 d’une affectation à des bureaux suffisait pour que le DT doive se rendre compte de
celle-ci à l’époque. Le principe de la bonne foi avait été violé.

En modifiant l’intitulé de sa demande, le DT avait indiqué « changement d’affectation » sans ajouter « important », ce qui prouvait bien qu’il considérait que tel n’était pas le cas. On ne saisissait pas en quoi le danger serait particulièrement important pour des personnes travaillant dans des bureaux au rez-de-chaussée. L’application des normes AEAI était totalement disproportionnée.

34) Le 6 septembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Le recourant se plaint que le TAPI, en refusant d’entendre deux témoins, aurait violé son droit d’être entendu.

Il indique dans son recours qu’il se satisferait que la chambre de céans entende les deux témoins. Dans sa réplique, il précise que les mesures d’instruction sollicitées devront être ordonnées par la chambre de céans.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4).

b. En l’espèce, l’étude historique et architecturale de 2021, produite (partiellement, jusqu’à la page 13) par le recourant, évoque les transformations subies au cours de son histoire par la E______ et mentionne la présence du concierge et de sa famille en 1984 lors de son sauvetage. Le recourant n’indique pas quels éléments supplémentaires l’auteure, qui écrit en 2021 et s’est fondée sur des sources publiques, pourrait apporter aux informations apportées par le département au sujet des autorisations, ou encore aux informations qu’il pourrait lui-même tirer des sources publiques.

La présentation du projet architectural de 2001, également produite par le recourant, se concentre sur la défense de l’entretien indispensable ainsi que de l’agrandissement du logement existant et l’utilisation de deux pièces supplémentaires dans les combles, dont elle sollicite l’autorisation. Elle ne dresse qu’un historique très succinct de la construction et de l’utilisation du bâtiment, et ne fait mention de bureaux, d’un appartement de deux pièces et de chambres d’étudiants durant les quinze dernières années que sur moins de deux lignes. Le recourant n’expose pas en quoi l’auteure, qui a dû se baser également sur des informations publiques, serait à même d’apporter des informations complémentaires utiles à la cause qui n’auraient pu être produites par écrit.

Il sera enfin vu plus loin que les soupçons avancés par le recourant à propos de l’existence de procédures non révélées, qui nécessiteraient l’audition de témoins, ne sont pas avérés.

Le TAPI était fondé à rejeter la demande d’audition des témoins et le grief de violation du droit d’être entendu du recourant sera écarté.

Pour les mêmes motifs, la chambre de céans ne donnera pas suite à la demande d’audition des mêmes témoins.

3) Est litigieuse la décision du département du 16 avril 2021 délivrant l'autorisation DD 3______ dont faisait notamment partie intégrante le préavis de la police du feu ordonnant le respect de toutes les mesures de protection incendie, tel que le compartimentage coupe-feu, les portes EI 30, le balisage, etc., figurant sur les plans (§ 1 let. e) et détaillant ces mesures.

a. En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

b. Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.149/2000 du 2 avril 2001 consid. 2 et les arrêts cités).

4) Le recourant se plaint de la violation de l’art. 1 al. 1 let. b LCI.

a. Dans sa teneur actuelle, l’art. 1 al. 1 let. b LCI prévoit que sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier même partiellement, le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation. Dans l’ancienne LCI du 25 mars 1961, la disposition avait déjà cette teneur.

b. L’art. 120 LCI prévoit que les dispositions relatives à la sécurité des constructions et installations sont applicables à toutes les constructions, quelle que soit la date de leur établissement. Selon l’art. 121 al. 1 LCI, une construction, une installation et, d’une manière générale, toute chose doit remplir en tout temps les conditions de sécurité et de salubrité exigées par la présente loi, son règlement d’application ou les autorisations délivrées en application de ces dispositions légales et réglementaires. Selon l’al. 2 de cette disposition, les exigences imposées pour les constructions et les installations en matière de prévention des incendies sont régies par la norme de protection incendie et les directives de l’Association des établissements cantonaux d’assurance incendie (AEAI). L’al. 3 let. a précise qu’une construction, une installation et, d’une manière générale, toute chose doit être maintenue en tel état et utilisée de telle sorte que sa présence, son exploitation ou son utilisation ne puisse, à l’égard des usagers, du voisinage ou du public ni porter atteinte aux conditions exigibles de sécurité et de salubrité (ch. 1) ni être la cause d’inconvénients graves (ch. 2).

c. En l’espèce, le recourant suggère qu’une autorisation aurait été accordée ou demandée après 1925 et avant 2001. Or, le département a indiqué qu’il n’en avait pas trouvé trace dans ses archives et le recourant n’établit pas que ces affirmations seraient incorrectes.

Le recourant invoque dans son recours un mémoire de la O______ du 18 avril 1973 dans le cadre d’un recours devant le Tribunal administratif, mentionné dans une note de bas de page de l’étude de 2021. Le département a cependant indiqué n’avoir trouvé trace d’aucune procédure d’autorisation avant 2001 en ce qui concerne la E______. La chambre de céans observera que selon l’étude produite (partiellement) par le recourant, la première tranche des travaux de construction du lotissement de villas de l’ensemble Les I______ a débuté en 1973 et que le plan d’ensemble a été modifié en lien avec la surchauffe économique (table des matières, p. 7). Le recourant, auquel il était loisible de produire toute l’étude, ne rend pas vraisemblable que la procédure qu’il invoque n’aurait pas concerné le lotissement de villas.

Le recourant produit avec sa réplique des procès-verbaux du conseil municipal de la commune de C______. Il ressort de ces documents que la O______ projette de construire des immeubles (23 mars 1971), puis des maisons familiales, dont la construction est alors préavisée défavorablement (30 mai 1972), mais pour laquelle le département délivre une autorisation, contre laquelle le conseil administratif propose que la commune recoure, ce qui est accepté si celui-ci produit un effet suspensif (28 mars 1973). La chronologie entre la délibération et le mémoire suggère que la procédure porte bien sur la construction des villas. L’étude, qui rapporte les oppositions, semble le confirmer (p. 10). Le recourant l’admet d’ailleurs dans sa réplique, et s’il ajoute qu’il ne pouvait cependant « être exclu qu’une partie de cette autorisation portait sur un changement d’affectation », c’est sans le rendre aucunement vraisemblable.

d. Le recourant fait valoir que ni la LCI, ni la LAT, ni la LaLAT ni la LDTR n’étaient encore en vigueur au moment du changement d’affectation.

Or, la transformation est postérieure à l’entrée en vigueur de l’ancienne LCI. Le recourant la fait remonter aux années 1960, et le département au début des années 1980 voire à 1979, ce qui apparaît effectivement plus plausible, comme l’a relevé le TAPI, dans la mesure où les familles F______ et G______ y ont vécu jusque dans les années 1960 et le concierge et sa famille jusqu’en 1984 en tout cas.

L’art. 1 al. 1 let. b de l’ancienne LCI de 1961 soumettait le changement de destination, fût-il partiel, à autorisation. Il est ainsi sans effet sur la solution du litige, comme l’a justement relevé le TAPI, que la LAT et la LaLAT ou encore la LDTR ne fussent pas encore entrées en vigueur.

e. Selon le recourant, la procédure porterait sur un changement d’affectation et non de destination.

La différence terminologique apparait en l’espèce sans portée. L’autorisation délivrée par le département porte sur le changement de destination de l’immeuble, soit sur la transformation de logements en bureaux, ce qui n’est pas contesté. À elle seule, cette circonstance nécessitait la délivrance d’une autorisation sous l’ancien comme sous le nouveau droit de la police des constructions. L’usage du terme d’affectation est répandu dans la LAT de 1979. Dans la LDTR de 1996, le changement d’« affectation » désigne toute modification, même en l’absence de travaux, qui a pour effet de remplacer des locaux à « destination » de logements par des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel. Dans la jurisprudence, les deux expressions sont souvent employées indifféremment (ATA/360/2001 du 29 mai 2001 consid. 7). À l’occasion de l’examen de l’« affectation » dans le cadre de la LAT, le Tribunal administratif avait retenu qu’on ne pouvait parler du maintien de l'identité d'un bâtiment (ou d'une installation) si le changement de « destination » conduisait à un usage économique entièrement nouveau, la nouvelle « destination » ne devant pas s'éloigner fondamentalement de l'usage d'origine (ATA/1238/1994 du 24 octobre 1995 consid. 2b). Il n’est pas douteux que la transformation de logements en bureaux était sujet à autorisation à tout le moins depuis 1961.

f. Le recourant se prévaut enfin d’une jurisprudence du Tribunal administratif subordonnant à la survenance d’inconvénients graves l’obligation de demander une autorisation pour un changement de destination. Le département soutient que de tels inconvénients, sous forme de protection insuffisante contre les incendies, sont matérialisés pour les occupants du bâtiment et doivent être qualifiés de graves.

La question de savoir si cette exigence s’applique et est remplie en l’espèce pourra demeurer ouverte, dès lors qu’en toute circonstance, soit également en l’absence d’une procédure d’autorisation, le département peut exiger l’adoption de mesures de sécurité incendie en application des art. 120 ss LCI.

g. La question déterminante est donc de savoir si les exigences de sécurité incendie imposent les travaux.

Tel est assurément le cas, à s’en tenir au préavis et aux conditions détaillées posées par la police du feu, soit une instance spécialisée composée d’experts.

Il y a lieu de rappeler que chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu'il s'agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 3c).

En l’espèce, le recourant n’expose pas en quoi les exigences de la police du feu, que le département a fait siennes, reposeraient sur un établissement ou une appréciation erronés ou incomplets des faits. Il fait valoir qu’aucun danger n’a jamais menacé les locaux, mais n’étaie nullement son assertion, sauf à soutenir que l’absence d’incendie serait la preuve que les normes de sécurité sont observées. Le recourant expose encore que les bureaux sont au rez-de-chaussée, de sorte que le danger serait moindre. Il ne peut pas non plus être suivi sur ce point, dès lors que la sécurité incendie, qui prévient notamment les brûlures, l’asphyxie et l’écrasement par effondrement des structures, protège tous les usagers du bâtiment, fussent-ils au rez-de-chaussée.

Le grief sera écarté.

5) Le recourant se plaint de la violation des normes AEAI.

Il se prévaut cependant, sous cet angle, de l’absence de danger, et oppose ainsi sa version des faits à celle de la police du feu, instance spécialisée. Il fait valoir également l’absence de changement d’affectation, alors que celui-ci est établi, comme vu plus haut.

Il fait enfin valoir le caractère disproportionné des exigences de la police du feu, sans toutefois exposer quelle mesure moins incisive serait à même d’atteindre le but de protection des usagers contre les dangers de l’incendie.

Le grief sera écarté.

6) Le recourant se plaint de la violation du principe de la bonne foi.

a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 ; 1C_173/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.3 ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7).

b. En l’espèce, le recourant ne saurait reprocher au département d’avoir toléré le changement d’affectation. Le département a exposé ne pas même en avoir été informé ni n’en avoir eu connaissance et le recourant ne démontre pas le contraire.

Le rapport de 2001 ne mentionne que de manière elliptique la présence de bureaux. Le projet ne porte pas sur un changement d’affectation. Il ne porte pas sur le rez-de-chaussée et ne concerne que la transformation d’un appartement à l’étage et la création de pièces dans les combles. Le recourant ne soutient pas que le département aurait alors eu son attention éveillée et aurait procédé à des vérifications et encore moins qu’il aurait toléré le changement d’affectation.

Le « relevé de l’état des lieux » du 22 avril 1970 produit par le recourant avec son recours et portant sur le rez-de-chaussée n’établit nullement, contrairement à ce qu’il soutient, que le rez-de-chaussée était alors dévolu à des bureaux. Les indications surlignées en jaune, pour peu qu’elles soient lisibles, portent sur des dimensions et l’emplacement de sonnettes. Le recourant ne soutient en outre pas que ce plan aurait été visé, ou même connu, du département.

Le recourant ne saurait dans ces circonstances invoquer la mauvaise foi du département.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 mai 2022 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de M. A______ ;

dit qu’aucune indemnité de procédure n’est allouée ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat du recourant, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :