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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4829/2024

ACPR/712/2025 du 05.09.2025 sur OMP/17837/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : OPPOSITION TARDIVE;RESTITUTION DU DÉLAI
Normes : CPP.94

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4829/2024 ACPR/712/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 5 septembre 2025

 

Entre

Monsieur A______, représenté par Me Maxime STAUB, avocat, STAUB Avocats, rue de l'Hôtel-de-Ville 12, case postale 3233, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de restitution de délai rendue le 23 juillet 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 30 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 juillet précédent, expédiée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé la restitution du délai d'opposition qu'il avait requise.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance querellée, à l'admission de sa requête en restitution de délai, à ce que soit déclarée valable l'opposition qu'il a formée à l'ordonnance pénale du 29 juillet 2024 et au renvoi du dossier au Ministère public avec injonction de statuer sur cette opposition.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a été entendu par la police vaudoise, le 10 novembre 2023, en qualité de prévenu, dans le cadre d'une enquête pénale ouverte pour escroquerie voire abus de confiance, à la suite d'une plainte déposée par B______.

Selon le procès-verbal de son audition, son domicile était situé à "[code postal] C______ [VD], ch. 1______ no. ______ B______".

La procédure a ensuite été reprise par les autorités de poursuite genevoises.

b. Par ordonnance pénale du 29 juillet 2024, le Ministère public genevois a condamné A______ pour escroquerie.

Cette ordonnance a été notifiée à l'adresse indiquée dans le procès-verbal de police. Le pli recommandé n'a pas été réclamé par le précité.

c. Par courrier du 24 avril 2025, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale du 29 juillet 2024 et demandé une restitution de délai.

Il exposait avoir séjourné à l'étranger du 3 mai au 4 septembre 2024, notamment pour s'occuper de son père malade et de sa famille. Il avait ultérieurement été contraint de repartir à l'étranger à plusieurs reprises jusqu'au début de l'année 2025, pour des raisons personnelles et professionnelles. D'autre part, sa relation avec B______ était, pendant cette période, particulièrement tendue et la communication entre eux très difficile.

d. Le 29 avril 2025, le Ministère public a rendu une ordonnance sur opposition tardive, transmettant la procédure au Tribunal de police pour qu'il se détermine sur la validité de l'opposition.

Par courrier du 9 mai 2025, adressé au prévenu à l'adresse qui figurait dans le procès-verbal de la police vaudoise du 10 novembre 2023, le Tribunal de police a interpellé A______ sur l'apparente irrecevabilité de son opposition. L'intéressé y a répondu en s'en rapportant à justice. Par ordonnance du 26 juin 2025, le Tribunal a constaté l'irrecevabilité de l'opposition formée par A______ et renvoyé le dossier au Ministère public pour examen de la demande de restitution de délai.

e. Par courrier adressé le 18 juillet 2025 au Ministère public, A______ a fait valoir qu'il ne pouvait lui être reproché de n'avoir pas instruit B______ de relever son courrier à sa place. Il avait agi dans les meilleurs délais à réception d'un courrier reçu du Service du suivi pénal et de la réinsertion (ci-après : SRSP). Il avait été empêché d'agir dans le délai d'opposition, sans faute de sa part.

Il a produit une copie de billets d'avion pour un vol de Genève à D______ [RD Congo] le 3 mai 2024 et un autre de D______ à Genève le 4 septembre 2024, ainsi que différents autres documents concernant des vols qu'il indiquait avoir pris, notamment en novembre 2024. Il a fourni également une "proposition d'évacuation sanitaire" de E______, né en 1951, datée du 28 octobre 2024.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que A______ devait s'attendre à recevoir, à la suite de son audition comme prévenu par la police, des communications de la part des autorités, y compris un prononcé. La reprise de la procédure par le Ministère public genevois n'y changeait rien. Parti à l'étranger pour une longue période alors qu'il savait qu'une procédure pénale était ouverte à son encontre pour escroquerie, voire abus de confiance, et qu'il devait s'attendre à des notifications, il avait renoncé à prendre les mesures nécessaires à ce que ces notifications lui parviennent. Il n'avait pas démontré que son défaut n'était pas fautif.

D. a. Dans son recours, A______ reprend pour l'essentiel les arguments déjà exposés dans ses courriers des 24 avril et 18 juillet 2025.

L'ordonnance querellée violait l'art. 94 al. 1 et 2 CPP. Compte tenu des éléments de fait exposés dans ses précédents courriers, que le Ministère public avait omis de prendre en considération, il ne faisait aucun doute que les conditions d'une restitution de délai étaient remplies. Il avait en effet été empêché de respecter le délai d'opposition en raison de son séjour à l'étranger et de la dégradation de sa relation avec la personne chez laquelle il avait fait élection de domicile, s'y ajoutant qu'il ne pouvait se douter qu'une ordonnance pénale serait rendue à son encontre par le Ministère public de Genève. Il avait agi au plus vite lorsqu'il avait eu connaissance de l'ordonnance du 29 juillet 2024 par le courrier du SRSP du 16 avril 2025 y relatif.

L'ordonnance du Ministère public reposait en outre sur une constatation incomplète ou erronée des faits, puisqu'elle omettait manifestement de tenir compte des arguments et pièces qu'il avait présentés.

Elle consacrait enfin une violation de son droit d'être entendu en tant qu'elle balayait l'ensemble de ses arguments sans même en faire mention, s'agissant en particulier de son séjour à l'étranger du 3 mai au 4 septembre 2024 et de la détérioration de sa relation avec B______ à cette période, laquelle découlait de la présente procédure. L'ordonnance ne remplissait au surplus manifestement pas les exigences relatives à la motivation des décisions.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant se plaint d'une constatation incomplète ou erronée des faits.

Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou erronées du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, le grief sera rejeté.

4.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu.

4.1. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst. féd. et 3 al. 2 let. c CPP, impose à l'autorité l'obligation de motiver sa décision afin, d’une part, que son destinataire puisse l'attaquer utilement et, d’autre part, que la juridiction de recours soit en mesure d’exercer son contrôle (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 138 I 232 consid. 5.1). Pour satisfaire à cette exigence de motivation, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_990/2023 du 3 avril 2024 consid. 2.1.1).

Une violation du droit d'être entendu, pour autant qu'elle ne soit pas particulièrement grave, peut être considérée comme réparée lorsque la partie concernée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours disposant d'un pouvoir d'examen complet quant aux faits et au droit. Par ailleurs, même si la violation du droit d'être entendu est grave, une réparation du vice procédural devant l'autorité de recours est également envisageable si le renvoi à l'autorité inférieure constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.3.2 = SJ 2011 I 347; 136 V 117 consid. 4.2.2.2; 133 I 201 consid. 2.2).

4.2. En l'espèce, le recourant a pu faire valoir ses arguments en toute connaissance de cause dans son recours. Quand bien même on peine à voir en quoi le fait que le Ministère public ait "omis" de reprendre intégralement les arguments exposés par le recourant dans ses courriers des 24 avril et 18 juillet 2025, causerait une violation du droit d'être entendu, étant rappelé que l'autorité n'a à discuter que les griefs qu'elle estime pertinents, cet éventuel défaut de motivation aurait été réparé devant la Chambre de céans, laquelle dispose d'un plein pouvoir de cognition tant en fait qu'en droit.

5.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas lui avoir restitué le délai d'opposition.

5.1.1. Selon l'art. 94 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (al. 1).

5.1.2. La demande de restitution du délai doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la fin de l'empêchement allégué (art. 94 al. 2 CPP).

5.1.3. La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3; 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute. Il est ainsi exigé qu'il ait été absolument impossible à la personne concernée de respecter le délai ou de charger un tiers de faire le nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1).

Par empêchement non fautif, il faut comprendre toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d’agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014). Il s'agit non seulement de l’impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l’erreur due au comportement d'une autorité (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 94 CPP; ATF 96 II 262 consid. 1a).

5.2. En l'espèce, il est constant – et non contesté – que le recourant a formé opposition après l'échéance du délai légal.

La question du respect du délai de 30 jours prévu par l'art. 94 CPP pour le dépôt de la requête en restitution de délai pourra rester ouverte, dite requête devant être rejetée pour les considérations qui suivent.

Le recourant considère d'abord qu'il ne pouvait s'attendre à ce qu'une décision soit rendue à son encontre. Ce grief a déjà été examiné par le Tribunal de police dans son ordonnance du 26 juin 2025, désormais exécutoire. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir.

Il ressort par ailleurs du dossier, et le recourant ne le conteste pas, qu'il savait faire l'objet, en tant que prévenu, d'une procédure pénale au moment du prononcé de l'ordonnance pénale du 29 juillet 2024. Conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, il lui appartenait de prendre les mesures nécessaires à recevoir toute communication, ce qu'il n'a pas fait.

Les motifs invoqués pour justifier son empêchement, ne peuvent être considérés comme non fautifs.

Le fait d'avoir séjourné à l'étranger, pour des raisons familiales, personnelles ou professionnelles, ne l'empêchait pas, ni objectivement ni subjectivement, de se préoccuper du suivi de ses affaires, ou de prendre les mesures adéquates pour que toute communication qui lui serait faite en son absence soit effectivement traitée, par l'intermédiaire d'une tierce personne de confiance.

La possible détérioration de sa relation avec sa compagne, chez qui il était domicilié, ne constitue pas non plus un empêchement non fautif. Comme déjà relevé, il lui appartenait, s'il l'estimait nécessaire, de communiquer aux autorités, cas échéant vaudoises, une adresse différente. Il sera, cela étant, relevé que le pli du Tribunal de police du 9 mai 2025 lui est bien parvenu et qu'il a été en mesure d'y donner suite. Le recourant pouvait aussi consulter et mandater un avocat en mai 2024, ce qu'il a du reste fait, ultérieurement.

Le recourant n'invoque finalement aucun empêchement non fautif qui l’aurait, conformément aux principes juridiques et jurisprudentiels sus-rappelés, empêché, en raison d'un événement l'ayant objectivement ou subjectivement mis dans l'impossibilité d'agir par lui-même ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, de former opposition dans le délai légal.

Il ne saurait dès lors y avoir place pour une quelconque restitution de délai, étant souligné qu'une application stricte des règles de procédure, notamment en matière de délais, s'impose pour des raisons d'égalité de droit et ne relève pas d'un formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1240/2021 du 23 mai 2022 consid. 4.2 ; 6B_950/2021 du 28 avril 2022 consid. 4.1; 6B_256/2022 du 21 mars 2022 consid. 2.1 et la référence citée).

6.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Service de la réinsertion et du suivi pénal.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Catherine GAVIN, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4829/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00