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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12480/2024

ACPR/568/2025 du 21.07.2025 sur OMP/27017/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : RESTITUTION DU DÉLAI
Normes : CPP.94

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12480/2024 ACPR/568/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 21 juillet 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Guglielmo PALUMBO, avocat, HABEAS Avocats Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale 556, 1211 Genève 4,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de restitution de délai rendue le 13 décembre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 26 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 13 précédent, notifiée le 16 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé de restituer le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 2 juillet 2024.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours; principalement à l'annulation de ladite ordonnance et à la restitution du délai pour former opposition.

b. Par ordonnance du 27 décembre 2024 (OCPR/69/2024), la Direction de la procédure de la Chambre de céans a rejeté la demande d'effet suspensif.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 15 mai 2024, A______, chauffeur de taxi, né en 1950, a été entendu en qualité de prévenu par la police, à la suite de la plainte pénale déposée par la mineure B______ pour l'avoir, alors qu'il la transportait sur le siège passager avant de son taxi, importunée en lui tenant des paroles grossières à connotation sexuelle, l'interrogeant sur sa vie intime, lui conseillant de regarder des films "X" et se proposant d'être "son professeur", ainsi qu'en lui touchant la cuisse à plusieurs reprises.

Il a contesté les faits qui lui étaient reprochés.

b. Par ordonnance pénale rendue le 2 juillet 2024, le Ministère public a déclaré A______ coupable de désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 al. 2 CP) pour les faits susmentionnés et l'a condamné à une amende de CHF 700.-.

c. À teneur du suivi postal, le pli recommandé contenant dite ordonnance a été envoyé le 8 juillet 2025 à A______, avisé pour retrait le lendemain, et retourné le 17 juillet 2024 à son expéditeur, avec la mention "Non réclamé".

d. Le 30 septembre 2024, A______ a, sous la plume de son conseil, formé opposition à l'ordonnance pénale, laquelle ne lui avait, selon lui, jamais été notifiée. Il en avait découvert l'existence, à son retour de vacances, le 22 septembre 2024, par le biais d'un courrier de la Direction de la police du commerce et de la lutte contre le travail au noir (ci-après, PCTN) du 13 septembre 2024.

e. Le 15 octobre 2024, le Ministère public a conclu à la tardiveté de l'opposition et transmis la cause au Tribunal de police.

f. Dans son ordonnance du 25 novembre 2024, le Tribunal de police a retenu qu'après son audition à la police le 15 mai 2024 en qualité de prévenu à l'art. 198 CP, A______ devait s'attendre à recevoir des communications de la part des autorités, y compris un prononcé, et prendre ses dispositions pour être atteint. Aucun indice concret d'erreur de l'office postal n'était soulevé permettant de renverser la présomption selon laquelle l'avis de retrait avait été dûment déposé dans sa boîte aux lettres. L'attestation établie le 9 novembre 2024 par son épouse – qui relevait son courrier depuis 15 ans et supposait que "l'avis du courrier recommandé relatif à l'ordonnance pénale avait dû glisser dans la publicité"– ne suffisait pas à renverser cette présomption. L'ordonnance pénale du 2 juillet 2024 avait ainsi été valablement notifiée le 16 suivant, soit à l'échéance du délai de garde postal de sept jours après l’avis de retrait du 9 juillet 2024. Partant, le délai pour former opposition arrivait à échéance le 26 juillet 2024. Formée le 30 septembre 2024, l'opposition était tardive. L'ordonnance pénale était assimilée à un jugement entré en force et la cause renvoyée au Ministère public pour qu'il statue sur une éventuelle restitution de délai.

Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public renvoie expressément à l'ordonnance du Tribunal de police. Les conditions d'une restitution de délai n'étaient pas réunies en l'absence d'empêchement non fautif. Le motif invoqué par le prévenu – soit qu'il ignorait faire l'objet d'une ordonnance pénale –, n'était pas de nature à justifier une restitution du délai d'opposition. Comme déjà retenu, l'intéressé devait s'attendre à recevoir un prononcé des autorités et prendre toutes les précautions nécessaires à cet effet, ceci d'autant que la procédure revêtait une grande importance pour lui, au vu des éventuelles conséquences sur son activité professionnelle de chauffeur de taxi. Partant, l'empêchement de respecter le délai d'opposition était dû à une faute de sa part.

D a. À l'appui de son recours, A______ considère remplir les conditions d'une restitution de délai. Il persiste dans ses précédentes explications. Rien ne permettait de retenir que l'avis de retrait du recommandé avait été véritablement déposé dans la boîte aux lettres. Il avait formé opposition à sa condamnation, le 30 septembre 2024, sous la plume de son conseil, après en avoir eu connaissance. Aucune faute ne lui était imputable. Il était âgé de plus de 70 ans, de nationalité étrangère, sans connaissance juridique et n'était pas assisté d'un conseil lors de son audition à la police. Les autorités pénales n'avaient pas attiré son attention sur le soin qu'il devait porter à son courrier ni qu'il risquait de recevoir une ordonnance pénale. Il s'était toutefois organisé pour recevoir son courrier, en instruisant son épouse de retirer tout éventuel pli recommandé dès lors qu'il travaillait durant la nuit. Il ne pouvait non plus lui être reproché, moins de deux mois après son audition à la police, de ne pas s'être enquis de l'avancement de la procédure auprès du Ministère public ni prévoir qu'il ferait l'objet aussi rapidement d'une ordonnance pénale. Il ne pouvait imaginer en outre que les faits reprochés – qu'il contestait – pouvaient l'exposer au retrait de sa carte de chauffeur de taxi. Dans la décision querellée, le Ministère public faisait preuve de formalisme "excessif et démesuré", ce qui le privait de son droit à un procès équitable (art. 6 CEDH) alors même que l'éventuelle révocation de sa carte professionnelle de chauffeur de taxi aurait des conséquences dramatiques pour lui, le privant de sa seule source de revenu.

b. La cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant se plaint d'une constatation inexacte des faits.

Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

4.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas lui avoir restitué le délai d'opposition.

4.1. Selon l'art. 94 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (al. 1).

4.2. La demande de restitution du délai doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la fin de l'empêchement allégué (art. 94 al. 2 CPP).

4.3. La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3; 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute. Il est ainsi exigé qu'il ait été absolument impossible à la personne concernée de respecter le délai ou de charger un tiers de faire le nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1).

Par empêchement non fautif, il faut comprendre toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d’agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014). Il s'agit non seulement de l’impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l’erreur due au comportement d'une autorité (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 94 CPP; ATF 96 II 262 consid. 1a).

4.4. En l'espèce, il est constant – et non contesté – que le recourant a formé opposition après l'échéance du délai légal.

Le recourant qui conteste la validité de la notification de l'ordonnance pénale, persiste à prétendre qu'il ne pouvait s'attendre à ce qu'une telle décision soit rendue à son encontre. Ce grief a déjà été examiné par le Tribunal de police dans sa décision du 25 novembre 2024, désormais exécutoire. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir. Sa situation personnelle ne l'empêchait pas de comprendre les enjeux pour lui, les faits reprochés, qu'il conteste, étant intervenus dans le cadre de son activité professionnelle. Le recourant – qui admet avoir eu connaissance de ses droits de prévenu – ne peut non plus se réfugier derrière une prétendue absence d'informations des autorités pénales pour obtenir une restitution de délai, ce d'autant qu'il pouvait consulter un avocat après son audition à la police, ce qu'il a du reste fait, ultérieurement.

En outre, comme déjà retenu par le Tribunal de police, le recourant se contente d'alléguer – sans indices objectifs d'erreur de l'office de poste – qu'il n'aurait pas reçu l'avis de retrait du pli contenant l'ordonnance pénale, ce qui ne saurait suffire à renverser la présomption selon laquelle dit avis a été dûment déposé dans la boîte aux lettres. L'argument qu'il avance, à savoir que son épouse, chargée de relever son courrier, aurait peut-être "perdu" cet avis ne constitue pas un empêchement au sens de l'art. 94 CPP.

Le recourant n'invoque finalement aucun empêchement non fautif qui l’aurait, conformément aux principes juridiques et jurisprudentiels sus-rappelés, empêché, en raison d'un événement l'ayant objectivement ou subjectivement mis dans l'impossibilité d'agir par lui-même ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, de former opposition dans le délai légal.

Il ne saurait dès lors y avoir place pour une quelconque restitution de délai, étant souligné qu'une application stricte des règles de procédure, notamment en matière de délais, s'impose pour des raisons d'égalité de droit et ne relève pas d'un formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1240/2021 du 23 mai 2022 consid. 4.2 ; 6B_950/2021 du 28 avril 2022 consid. 4.1; 6B_256/2022 du 21 mars 2022 consid. 2.1 et la référence citée).

Enfin, il n'appartient pas ici à la Chambre de céans de se prononcer sur le bien-fondé de sa condamnation, quand bien même celle-ci aurait des répercussions professionnelles négatives pour lui.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

6.             Le présent arrêt sera communiqué au PCTN (art. 74 al. 4 CPP; 15 let. a LaCP; art. 4 al. 2 LTVTC, art. 3 RTVTC).

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État qui comprennent le présent arrêt et l'ordonnance rendue sur effet suspensif, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Le communique, pour information, à la Direction de la police du commerce et de la lutte contre le travail au noir (PCTN).

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/12480/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

705.00

Total

CHF

800.00