Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/22169/2024

ACPR/565/2025 du 18.07.2025 sur OTMC/1887/2025 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION;RISQUE DE FUITE
Normes : CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22169/2024 ACPR/565/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 18 juillet 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 19 juin 2025 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 30 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 19 septembre 2025.

Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance et à sa libération immédiate; subsidiairement, moyennant des mesures de substitution "appropriées". Plus subsidiairement, il conclut à une prolongation de détention provisoire d'une durée d'un mois.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, né le ______ 1948 en Roumanie, de nationalité suisse, a été placé en détention provisoire, par ordonnance du TMC, le 21 mars 2025, jusqu'au
19 juin 2025.

b. Il est prévenu d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 et 2 LStup).

Il est soupçonné d'avoir, à compter d'une date que l'instruction devra déterminer, jusqu'au jour de son interpellation, le 19 mars 2025, de concert avec son beau-fils C______, son épouse D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______ et des comparses encore non identifiés, participé en particulier à Genève à un réseau organisé de vente de stupéfiants, nommé "K______", lequel livrait chaque semaine à des consommateurs plusieurs centaines de grammes de diverses drogues, notamment de la cocaïne, de la MDMA et des produits cannabiques, via des applications cryptées, générant ainsi un important chiffre d'affaires.

C______ pourrait être le chef du réseau, en charge de la logistique et de l'approvisionnement en drogue; E______, F______ et H______ des "lieutenants", ayant accès à la drogue destinée à la vente, gérant les stocks et remettant la drogue aux livreurs; F______ (encore), G______ et J______ des standardistes, prenant les commandes de drogues et envoyant les livreurs effectuer les transactions; lui-même et D______ réceptionnant les enveloppes contenant l'argent des transactions, mettant à disposition des membres du réseau un box et logeant C______; I______ conservant des sommes d'argent provenant dudit trafic et tenant la comptabilité avec J______; des livreurs (non identifiés en l'état) allant au contact direct des consommateurs.

c. Il ressort du rapport d'arrestation du 20 mars 2025 que la police enquêtait depuis plusieurs mois sur le réseau se faisant appeler "K______". Ses acteurs opéraient principalement dans le canton de Genève, mais également en Suisse romande, de façon similaire à une application de livraison de nourriture de type "L______".

Plusieurs endroits avaient été repérés comme utilisés par le réseau, à savoir un box et un local en sous-sol au no. ______, rue 1______ (Genève), un box et une cave au no. ______, rue 2______ (M______ [GE]), un box au no. ______, chemin 3______ (Genève), un local à l'entresol au no. ______, avenue 4______ (Genève), des appartements aux no. ______, avenue 5______, no. ______, rue 6______ et no. ______, rue 7______ (Genève), un box au no. ______, rue 8______ (Genève) et une place de parking souterrain au no. ______, rue 9______ (Genève).

C______, qui vivait entre N______ [Emirats Arabes Unis] et Genève, était soupçonné d'être à la tête du réseau et de s'occuper de la logistique, notamment de la mise à disposition de véhicules, de locaux, de box, de même que de sacs pour les "lieutenants". Il récoltait l'argent laissé dans des enveloppes et avait fourni le raccordement utilisé comme standard d'appels. Les "lieutenants" avaient un rôle essentiel, puisqu'ils s'occupaient principalement de la gestion de la drogue et effectuaient de nombreux allers-retours au stock "avancé". Lors de leurs passages, ils remplissaient des sacoches ou des sacs à dos remis ensuite aux livreurs du jour. Ils mettaient les recettes du trafic à disposition de C______. A______ et son épouse avaient été observés alors qu'ils collectaient l'argent laissé par les "lieutenants" dans le box situé au no. ______, rue 2______ (M______) – adresse de leur domicile et lieu de résidence de C______ – lorsque ce dernier était absent, mais également au contact direct des "lieutenants" dans le cadre de la remise d'enveloppes.

Dans le box du no. ______, rue 2______, plus de 2 kg de cocaïne avaient été saisis, outre une caméra et deux sprays "O______". Au domicile des époux A______/D______, la police avait saisi CHF 5'400.- et EUR 260.-, des téléphones portables, des ordinateurs, des clés USB, plusieurs effets au nom de leur fils et divers objets de luxe (vêtements, montres).

d. Après son arrestation, le 19 mars 2025, A______ a été entendu, en deux temps, d'abord dans la soirée de 22h30 à 00h20, puis le lendemain de 10h43 à 13h15. Il a contesté toute participation à un trafic de stupéfiants. Il vivait d'une rente AVS à la suite de sa retraite en mai 2024 en tant que chauffeur de taxi. Il touchait mensuellement CHF 1'300.- à ce titre, ainsi que des aides complémentaires de CHF 1'700.-. Son beau-fils C______ versait CHF 1'500.- à sa mère à titre de participation au loyer. Lui-même avait un train de vie modeste. Les effets de luxe retrouvés dans l'appartement appartenaient à son beau-fils dont il ignorait tout des activités. Depuis 2022, ce dernier logeait 10 à 12 jours par mois dans leur appartement. Lui-même s'était rendu à N______ en janvier 2025, pour se reposer. Il avait logé dans un appartement en ville pouvant appartenir à son fils, vu les vêtements d'homme et la photo le représentant s'y trouvant. Il avait vu E______, un ami de son beau-fils, à trois reprises, lequel lui avait amené une fois un fromage de Bulgarie et auquel il avait remis une autre fois une enveloppe contenant une clé de voiture. Il louait le box n° ______ dans leur immeuble et y avait libre accès, mais son beau-fils en payait le loyer. Aucun des objets y ayant été découverts ne lui appartenait. Il ignorait pourquoi son beau-fils avait équipé ce box d'une caméra et que de la drogue s'y trouvait.

e. Lors de son audition devant le Ministère public le 20 mars 2025, A______ a confirmé ses précédentes déclarations, à l'exception du fait qu'il avait en réalité remis un sac à E______, sans savoir ce qu'il contenait. Son épouse était allée chercher cet objet dans le bureau et lui avait demandé de le descendre dans le parking. Il a aussi précisé que son beau-fils vivait depuis 3 ans et demi chez lui et qu'il aurait dû mieux contrôler ce qu'il faisait. Les CHF 5'000.- retrouvés dans la chambre à coucher étaient les économies du couple.

f. Par arrêt du 11 avril 2025 (ACPR/291/2025), la Chambre de céans a rejeté le recours formé par A______ contre l'ordonnance de mise en détention provisoire du TMC du 21 mars 2025 précitée.

Elle a retenu qu'il existait, à ce stade, des soupçons suffisants d'une participation du recourant à un trafic de stupéfiants d'envergure. Il avait en effet été interpellé, le
19 mars 2025, en même temps que huit autres personnes après que la police avait mené une enquête pendant des mois sur un réseau de stupéfiants du nom de "K______". Cette enquête avait permis de localiser plusieurs box, locaux et appartements en divers endroits de la Ville de Genève et au [quartier de] M______, ayant, au vu des éléments découverts lors des perquisitions, servi de lieux de stockage de matériel électronique, de divers stupéfiants, d'espèces en grande quantité et de lots de documents pouvant être rattachés à une comptabilité notamment, ainsi que de "centrale téléphonique".

Concernant le recourant en particulier, son implication dans ce trafic semblait ne pas se limiter à sa cohabitation avec son beau-fils, à raison à tout le moins d'une dizaine de jours par mois. Le recourant ne remettait en effet pas en cause le fait qu'il avait accès au box loué dans son immeuble du no. ______, rue 2______ dans lequel plus de 2 kg de cocaïne avaient été saisis, outre à tout le moins une caméra, dont il savait qu'elle était branchée – ce qui semblait peu usuel dans un box d'immeuble –, et deux sprays "O______". La police avait saisi dans la chambre à coucher des époux A______/D______ plus de CHF 5'000.- dont la provenance restait à déterminer. Alors que le recourant avait déclaré avoir un train de vie modeste, il avait dit s'être rendu à N______, pour la dernière fois au début du mois de janvier 2025, pour se "reposer" et avoir logé dans un appartement qui pouvait être celui de son beau-fils, vu notamment la photo de ce dernier s'y trouvant. Il était dans ces conditions difficile de concevoir qu'il ignorait tout des activités de celui-ci, qui accumulait au domicile familial vêtements et autres objets de luxe. Enfin, il concédait avoir été en contact avec E______, qui serait l'un des "lieutenants" du réseau et auquel il admettait avoir remis une enveloppe ou un sac. Cet élément corroborait les observations de la police, étant relevé que la fréquence de tels échanges avec les "lieutenants" concernés devait précisément faire l'objet de l'instruction (consid. 2.2).

Concernant le risque de fuite, le recourant était né en Roumanie, où il s'était encore rendu pour aller voir sa sœur en 2024. Ses attaches principales se trouvaient certes en Suisse, pays dont il avait obtenu la nationalité, mais des velléités d'aller se réfugier en Roumanie ne sauraient sans autre être exclues compte tenu des charges pesant à son encontre et ce nonobstant son âge. Il existait ainsi un risque qu'il ne se présentât pas pour les futurs actes d'instruction, ainsi qu'à l'audience de jugement. Par ailleurs, aucunes mesures de substitution, au sens de l'art. 237 al. 1 CPP, n'était à même de pallier ce risque de fuite, tels une "restriction" à ses comptes bancaires, le dépôt de ses documents d'identité suisses, une interdiction de quitter la Suisse, le port d'un bracelet électronique et une obligation de se présenter régulièrement à un poste de police, puisque dites mesures ne seraient pas aptes à empêcher sa fuite par voie terrestre, mais permettraient seulement de la constater a posteriori (consid. 3.2).

S'agissant du risque de collusion, l'instruction débutait et le recourant, qui niait toute implication dans les faits reprochés malgré les éléments au dossier, devait être confronté aux résultats des actes d'enquête, lesquels avaient pour but de déterminer le rôle joué par chacun des prévenus, leurs interactions, le taux de pureté de la drogue saisie, et l'ampleur du trafic de divers stupéfiants en cause, dont il apparaissait qu'il aurait été organisé sur le modèle d'une plateforme de livraison de repas à domicile. Le recourant devait, le moment venu, être confronté aux autres prévenus, la police ayant aussi indiqué qu'elle cherchait à identifier les livreurs et le Ministère public les consommateurs, en sus. En l'état, les soupçons que le recourant eût pris part, au côté notamment de son beau-fils, soupçonné d'en être à la tête, à un trafic de stupéfiants étaient suffisants, de sorte que ses dénégations, en particulier quant au fait qu'il ne connaîtrait pas cinq des autres personnes interpellées en même temps que lui, ne sauraient annihiler le risque de collusion. La collaboration à l'enquête dont il se prévalait n'y changeait rien à ce stade précoce des investigations. Partant, le risque de collusion, en l'état de la procédure, était très élevé et ne pouvait être pallié par une éventuelle interdiction de contact avec les autres personnes impliquées, détenues ou non encore identifiées. Aucune mesure de substitution n'était envisageable (consid. 4.2).

g.a. Devant le Ministère public le 16 avril 2025, A______ a réaffirmé être étranger à un trafic de stupéfiants. Il avait vu E______ à trois reprises, la première fois chez lui, accompagné de C______, avec lequel il devait travailler. Les deux autres fois, c'était à la demande de son épouse, dans le parking sis no. ______, rue 2______, où il lui avait remis des clés pour une location de voiture (lors de la deuxième rencontre) et un sachet de pharmacie (lors de la troisième), sans savoir ce qu'il contenait.

S'agissant du box sis à la même adresse, qu'il avait mis à disposition de son beau-fils, il s'y rendait à chaque fois qu'il avait besoin des outils qu'il y entreposait.

g.b. Entendu par la police le 30 avril 2025, A______ s'est exprimé sur sa situation personnelle, ses loisirs, ses voyages à P______ (Italie), N______ [Emirats Arabes Unis] (à trois reprises) et en Roumanie qu'il finançait avec ses économies. Il a en substance indiqué ignorer quasiment tout du fonctionnement de la société Q______ SA dont il était administrateur avec signature à deux, fondée à la base pour la création d'huiles biodégradables, avant de se tourner vers le transport de personnes puis la location de véhicules. Il en détenait 5% mais n'y était plus actif.

g.c. Des audiences se sont encore tenues les 22 mai et 6 juin 2025 devant le Ministère public, lors desquelles les prévenus ont été confrontés à divers éléments de l'enquête, notamment issus des conversations via diverses applications de messageries (Whats App, Telegram).

D______ a été informée le 6 juin 2025 qu'à la suite d'une saisie effectuée dans une autre procédure le 11 mai 2023 dans un box au no. ______, rue 10______ à Genève, son profil d'ADN correspondait au profil majeur mis en évidence sur les ouvertures/fermetures de 10 sachets minigrip contenant des fioles de cocaïne. C______ a été avisé d'une correspondance entre ses empreintes et sept traces relevées sur un sachet noir contenant de la marijuana, un sac en plastique contenant des flacons de MDMA et un sachet noir contenant des sachets minigrip avec du cannabis "de type THC". Tous deux ont en substance contesté leur mise en cause en lien avec ces correspondances.

h. Le 13 juin 2025, le Ministère public a demandé au TMC la prolongation de la détention provisoire de A______ pour une durée de 3 mois.

i. Le 16 juin 2025, A______ s'y est opposé, subsidiairement a conclu à ce que sa durée soit limitée à un mois au maximum.

j. S'agissant pour le surplus de sa situation personnelle, A______ a indiqué être marié depuis 2006 à D______. Il avait une fille, âgée de 50 ans, née d'un précédent mariage, qui vivait en France, il ignorait où. Il considérait C______ comme son fils, car il vivait avec lui depuis ses 12 ans. Il avait une sœur qui habitait en Roumanie. Ses deux frères étaient décédés. Il avait un cousin à Genève avec lequel il n'avait aucun contact. Il vivait à Genève depuis 1978. Il avait dû renoncer à la nationalité roumaine après être arrivé en Suisse comme réfugié politique.

Son casier judiciaire suisse est vierge.

C.            Dans sa décision querellée, le TMC, se référant à son ordonnance du 21 mars 2025, a retenu la suffisance des charges à l'encontre de A______. En effet, depuis lors, aucun élément n'était intervenu dans la procédure justifiant une reconsidération de cette appréciation en faveur du prévenu. Au contraire, lors de l'audience du
16 avril 2025, ce dernier avait admis avoir rencontré E______ dans le parking du no. ______, rue 2______, à la demande de son épouse, pour lui remettre des clés de voiture qui se trouvaient dans une enveloppe ouverte et, une autre fois, un sachet de pharmacie. Il avait également confirmé s'être rendu parfois dans le box loué à la même adresse, mis à la disposition de son beau-fils, pour y chercher ses outils.

L'instruction se poursuivait. Le Ministère public était dans l'attente : du rapport sur les mesures de surveillances secrètes dont avait fait l'objet A______, afin de confronter ce dernier à ses échanges avec E______; de l'issue de la procédure de levée de mise sous scellés des appareils électroniques appartenant à C______. A______ devait ainsi encore être confronté à l'ensemble de ces résultats, des audiences d'instruction ayant d'ores et déjà été fixées le 30 juin, et les 10 et 22 juillet 2025.

Par ailleurs, malgré ses attaches principales en Suisse et nonobstant son âge, A______ était né en Roumanie, pays où vivait sa sœur et où il s'était rendu encore en 2024, de sorte qu'il ne pouvait être exclu qu'il aille s'y réfugier compte tenu des charges pesant à son encontre. Le risque de fuite ne pouvait donc être écarté, même si, à terme, il semblait envisageable que ce risque soit contenu par des mesures de substitution.

Le risque de collusion demeurait tangible vis-à-vis des autres participants au trafic, à ce stade encore initial de l'instruction, vu l'ampleur des éléments à analyser, nonobstant les confrontations survenues jusqu'ici. A______, qui contestait toute implication dans les faits reprochés, devait notamment être confronté aux observations de la police s'agissant de ses échanges avec E______, sans pouvoir préalablement se concerter avec lui, avec D______, voire C______.

Aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre le but de la détention, au vu des risques retenus, à ce stade de la procédure. En particulier, l'interdiction qui serait faite à A______ de s'entretenir avec les susvisés et d'accéder à l'immeuble sis rue 2______ no. ______ était clairement insuffisante, le simple engagement du concerné en ce sens ne présentant aucune garantie particulière et le respect de cette mesure ne pouvant pas être concrètement vérifié.

D.           a. Dans son recours, A______ conteste l'existence de charges suffisantes. Aucun élément nouveau, ni aucune pièce recueillie au cours des trois derniers mois d'enquête, n'était venu confirmer son implication dans les infractions reprochées. Son rôle avait été abordé uniquement lors de l'audience du 16 avril 2025 et son audition n'avait rien révélé laissant supposer une quelconque participation de sa part, même indirecte, à un réseau de trafic de stupéfiants. Il avait spontanément reconnu avoir rencontré, à plusieurs reprises, E______, lui avoir remis des clés, à la demande de son épouse, et s'être rendu dans un box situé à la rue 2______, pour récupérer des outils. Le TMC se bornait à faire état d'un prétendu renforcement des charges à l'encontre d'autres prévenus – D______, C______ et E______ – sans pour autant établir le moindre lien concret entre ces développements et sa situation à lui. Or, les soupçons pesant sur lui s'affaiblissaient au fil de la procédure et aucun des récents actes d'enquête menés ne l'impliquait. Ainsi, le seul élément subsistant à sa charge, à teneur du rapport d'arrestation du 20 mars 2025, évoquait, de manière accessoire, qu'il aurait été vu récupérant de l'argent dans le box précité. Toutefois, aucun rapport d'analyse, ni aucune exploitation d'images, de données de surveillance ou de téléphonie, n'était venu corroborer ce point de manière crédible.

Un risque réel de fuite ne pouvait être retenu. Il avait renoncé à la nationalité roumaine, et était exclusivement ressortissant suisse. Il ne s'était rendu en Roumanie qu'à raison d'une visite tous les 2 à 3 ans, sans y disposer de ressources ni de réseau de soutien. Il résidait depuis 47 ans à Genève où il percevait sa rente AVS, complétée par des prestations sociales. Sa vie personnelle, sociale et administrative était entièrement ancrée en Suisse.

Le risque de collusion était inexistant. La précocité de l'instruction et l'inertie de l'enquête concernant ses liens avec E______ – aucune confrontation n'ayant été organisée alors que les éléments à l'origine des observations policières remontaient à septembre 2024 – ne permettaient pas de justifier une détention préventive. Le TMC ne démontrait, à aucun moment, comment sa mise en liberté pouvait créer un danger concret d'entrave à l'enquête. Les derniers actes de procédure ne révélaient par ailleurs aucun élément établissant qu'il aurait été en contact ou aurait eu connaissance d'autres membres du réseau. Aucun échange compromettant, ni donnée téléphonique ou bancaire ne l'impliquait. L'argument selon lequel il pouvait se concerter avec les autres co-prévenus apparaissait dénué de pertinence, ceux-ci étant eux-mêmes incarcérés.

Des mesures telles que le retrait des documents d'identité, une interdiction de contact avec les autres co-prévenus, un engagement à demeurer en Suisse, une obligation de pointage régulier ou un bracelet électronique suffisaient à prévenir tout risque allégué.

Une éventuelle prolongation de sa détention pour un mois apparaissait pleinement suffisante afin de permettre l'exploitation de son téléphone et sa confrontation au rapport de police concernant les mesures de surveillance secrètes réalisées dès septembre 2024.

b.a. Le Ministère public conclut au rejet du recours et se réfère intégralement à la motivation de l'ordonnance querellée.

Des nouveaux éléments concrets au dossier – les déclarations de R______, lors de l'audience du 30 juin 2025, contestées par le concerné – permettaient de renforcer les soupçons de son implication dans le réseau "K______".

b.b. Selon le procès-verbal d'audience du 30 juin 2025, auquel fait référence le Ministère public, R______, entendue en qualité de prévenue, a reconnu A______. Elle l'avait rencontré, pour la première fois, le 17 janvier 2025, au no. ______, rue 11______, lorsqu'il lui avait apporté CHF 9'000.- ou CHF 8'000.‑. Cet argent représentait le solde dû par C______ pour une transaction de 1 kg de cocaïne. Lors de leur rencontre, A______ ne lui avait pas parlé et lui avait remis l'argent dans un sac plastique, sans enveloppe. Elle ignorait si A______ savait ce que contenait le sac en question.

A______ a nié avoir remis de l'argent à R______.

c. Le TMC maintient son ordonnance.

d. Dans sa réplique, A______ relève qu'il était présent à chacune des audiences qui s'étaient tenues jusqu'alors. Aucun élément probant permettant de le relier aux faits reprochés n'avait été révélé lors de celles-ci, pas plus que de l'analyse de son téléphone portable. Ainsi, le seul élément – périphérique – qu'on pouvait lui reprocher et qu'il contestait était la remise d'un sac contenant de l'argent à R______, sans même que cette dernière fût sûre qu'il savait ce qu'il lui remettait. Les soupçons à son égard ne s'étaient donc pas renforcés. Vu son âge avancé et sa santé fragile, sa détention ne devait pas être prolongée outre mesure.

Le risque de collusion apparaissait largement dépassé, dès lors que la presse relatait régulièrement l'état de l'instruction et que tous les éventuels protagonistes qui n'auraient pas été identifiés à ce stade avaient été prévenus depuis longtemps de l'enquête en cours et des principaux éléments en possession du Ministère public.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste l'existence de charges, lesquelles se seraient amoindries au cours de l'instruction.

2.1.       À ce stade, la Chambre de céans doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant la prolongation de la détention provisoire
(ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_571/2024 du 6 juin 2024 consid. 2.2 et l'arrêt cité).

Dans son précédent arrêt, la Chambre de céans a retenu que les charges, suffisantes et graves, justifiaient une mise en détention provisoire, au sens de l'art. 221 al. 1 CPP (ACPR/291/2025 précité consid. 2.2).

Depuis lors, contrairement à ce qu'affirme le recourant, les soupçons, le concernant, ne se sont pas amoindris, au contraire. Ainsi, il a admis avoir, à la demande de son épouse, dans le parking du no. ______, rue 2______, remis des clés de voiture, à E______ – l'un des "lieutenants" présumé du réseau "K______" – et, à une autre occasion, un sachet de pharmacie. Il a confirmé s'être rendu dans le box du même parking – endroit où ont été saisi 2 kg de cocaïne, une caméra et deux sprays "O______" –, à chaque fois qu'il avait besoin d'outils qu'il y avait entreposés, ce qui rend ses dénégations au sujet de sa participation au trafic de stupéfiants mis à jour plus que douteuses. En outre, lors de l'audience du 30 juin 2025, R______ l'a reconnu comme étant la personne qui lui avait remis, le 17 janvier 2025, un sac contenant plusieurs milliers de francs correspondant à une livraison de cocaïne impliquant C______. Le fait qu'il conteste cette remise ou que, selon R______, il ait pu ne pas savoir ce que contenait le sac, n'est pas de nature à atténuer les soupçons qui pèsent sur lui d'une participation active au trafic de stupéfiants en cause, impliquant au demeurant son épouse, avec laquelle il vivait, et son beau-fils qui demeurait une dizaine de jours par mois chez eux.

La fréquence et la teneur des échanges avec E______ est encore en cours d'instruction.

Partant, à ce stade de l'enquête, des soupçons suffisants demeurent quant à la participation du recourant à un trafic de stupéfiants d'envergure, s'étant inscrit dans la durée, bien organisé et structuré.

3.             Le recourant conteste le risque de fuite.

3.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

3.2.       En l'occurrence, le recourant soutient qu'un risque de fuite à son égard serait purement spéculatif.

Or, depuis le précédent arrêt de la Chambre de céans, qui a retenu l'existence d'un tel risque (ACPR/291/2025 précité consid. 2.2, auquel il est expressément renvoyé et rappelé ci-dessus), aucun élément au dossier ne permet de considérer que la situation commanderait, à ce stade, d'apprécier différemment la situation. Les soupçons des charges pesant contre le recourant n'apparaissent pas s'être amoindries, au contraire, au vu de ses propres déclarations, susmentionnées (cf. consid. 2.1) et de celles de R______. Partant, le risque perdure qu'il cherche à se réfugier en Roumanie, pays dans lequel il a encore sa sœur, à laquelle il a encore rendu visite en 2024, voire ailleurs à l'étranger. En outre, le recourant indique avoir renoncé à sa nationalité roumaine du fait de sa naturalisation suisse, ce qui n'est toutefois pas établi. On peut enfin douter que l'absence de nationalité dudit pays exclut qu'il puisse y séjourner.

Le risque de fuite demeure donc patent.

4.             Le recourant considère que le risque de collusion serait inexistant.

4.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

4.2. In casu, le recourant est fortement soupçonné d'avoir participé à un important trafic de stupéfiants.

L'instruction se poursuit sans relâche et le recourant doit encore être confronté aux résultats d'actes d'enquête en cours, ainsi que, le moment venu, aux autres prévenus, voire aux autres participants au trafic encore non identifiés. Ainsi, le risque reste grand, compte tenu de ses dénégations, de l'important enjeu pour lui et de la gravité des faits reprochés, qu'il tente à tout le moins d'entrer en contact avec son épouse, C______, E______, voire R______, notamment pour faire coïncider leurs versions, voire, s'agissant de cette dernière, de la convaincre de revenir sur les déclarations le concernant.

C'est donc à bon droit que le TMC a retenu l'existence d'un risque de collusion qu'aucune mesure de substitution ne serait à même de pallier.

5.             L'admission de ces deux risques indiscutables dispense l'autorité de recours d'examiner si un risque de réitération – alternatif – existe également (arrêts du Tribunal fédéral 7B_144/2025 du 24 mars 2025 consid. 3.3 ; 7B_188/2024 du 12 mars 2024 consid. 6.3.1 et 1B_197/2023 du 4 mai 2023 consid. 4.5).

6.             Le recourant propose les mêmes mesures de substitution (art. 237 al. 1 CPP) que celles traitées par la Chambre de céans dans son précédent arrêt et jugées inaptes à empêcher les risques considérés (cf. not. ACPR/291/2025 précité consid. 3.2 et 4.2) –, de sorte qu'il sied de s'y référer.

Aucune mesure de substitution ne permet ainsi, en l'état, de pallier les risques de fuite et de collusion.

7.             Le recourant invoque, subsidiairement, le principe de la proportionnalité.

7.1.       À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282; 125 I 60; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

7.2. En l'espèce, la durée de la détention provisoire ordonnée jusqu'au
19 septembre 2025 s'avère nécessaire pour permettre au Ministère public de procéder aux actes d'instruction annoncés.

Elle n'apparaît pas excessive compte tenu de l'infraction reprochée pouvant être constitutive, à ce stade, d'un cas grave compte tenu des quantités de drogue retrouvées, des bénéfices réalisés au vu des dizaines de milliers de francs saisis, du nombre d'acteurs concernés et de la structure mise en place. Une fois les divers actes d'enquête en cours effectués, il appartiendra au Ministère public, indépendamment de tout autre acte qu'il pourrait décider d'ordonner dans l'intervalle, de confronter le recourant à leur résultat ainsi qu'à ses co-prévenus, et de se déterminer sur la suite de l'instruction.

Ce grief est rejeté.

8.             Le recours s'avère donc infondé et doit être rejeté.

9.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

10.         Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

10.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

10.2. En l'occurrence, même si le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.‑.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/22169/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

795.00

 

 

Total

CHF

900.00