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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11762/2019

ACPR/169/2025 du 28.02.2025 sur OCL/1554/2024 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.04.2025, 7B_294/2025
Descripteurs : DROIT D'ASILE;ADOLESCENT;CURATEUR;ÉTABLISSEMENT(DOMAINE SOCIAL);SUICIDE;VIOLATION DU DEVOIR D'ASSISTANCE OU D'ÉDUCATION;POSITION DE GARANT
Normes : CPP.319; CP.219; CPP.354; CP.34; CP.12; CP.11; CC.306; CP.117; CP.125; CP.127

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11762/2019 ACPR/169/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 28 février 2025

 

Entre

A______, B______ et C______, représentés par Me Laïla BATOU, avocate, BOLIVAR BATOU & BOBILLIER, rue des Pâquis 35, 1201 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de classement partiel et l'ordonnance de classement rendues le 4 novembre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 18 novembre 2024, A______, B______ et C______ recourent contre l'ordonnance du 4 novembre 2024, notifiée le 7 suivant aux prénommés, par laquelle le Ministère public a, en lien avec le suicide de leur proche parent, D______, rejeté leurs réquisitions de preuves, ordonné le classement partiel de la procédure en tant qu'il concernait les infractions d'entrave à l'action pénale (art. 305 CP), de faux dans les titres commis dans l'exercice d'une fonction officielle (art. 317 CP), d'abus d'autorité (art. 312 CP), de violation du secret de fonction (art. 320 CP), de violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP) et d'exposition (art. 127 CP), dit que la procédure se poursuivait à l'égard de E______ et F______ s'agissant des faits constitutifs de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 CP), rejeté les conclusions civiles formées par A______, B______ et C______, donné acte à E______ et F______ qu'ils renonçaient à toute indemnité au sens de l'art. 429 CPP et laissé les frais de procédure à la charge de l'État.

Les recourants concluent à l'annulation de l'ordonnance querellée, au renvoi de la cause au Ministère public pour suite d'instruction et à ce qu'un délai de trois mois soit imparti à celui-ci pour qu'il donne suite aux réquisitions de preuves du 15 avril 2024.

b. Les recourants, ayant formulé une demande d'assistance judiciaire par courrier du 10 janvier 2025, ont été dispensés de verser des sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. D______, né le ______ 2000, était un citoyen afghan, réfugié d'abord en Iran avec sa famille. Là, il aurait subi des violences sexuelles et / ou commis des actes pénaux (selon ses dires) qui l'avaient obligé à fuir, seul, ce pays en 2015, pour arriver en Suisse, où il a été assigné au foyer G______, à Genève. Il avait obtenu un permis F, correspondant à une admission provisoire, en 2017. Il a été retrouvé pendu dans sa chambre le ______ 2019 et est décédé de ses blessures à l'hôpital quelques jours plus tard.

b. Par courrier du 4 juin 2019, A______, C______ et B______ ont déposé plainte pénale pour le compte du défunt D______, soit leur fils, respectivement frère, des chefs de violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP), lésions corporelles simples commises sur un enfant sur lequel l'auteur avait le devoir de veiller (art. 123 ch. 2 al. 3 CP), entrave à l'action pénale (art. 305 CP), violation du secret de fonction (art. 320 CP), faux dans les titres commis dans l'exercice d'une fonction officielle (art. 317 CP) et abus d'autorité (art. 312 CP).

En substance, les plaignants ont reproché à des agents de sécurité privés du foyer G______ d'avoir frappé D______, alors qu'ils étaient ses garants, ainsi qu'à l'Hospice général d'avoir délégué sa prise en charge auxdits agents et de ne pas l'avoir protégé correctement après les violences subies (absence de consultation médicale et de plainte pénale), voire d'avoir fait obstacle à une prise en charge.

c. À la suite de cette plainte pénale, le Ministère public a procédé à de nombreux actes d'enquêtes.

Il a ainsi entendu, ou fait auditionner par la police, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______ et P______, tous résidents du foyer G______ à l'époque des faits, ainsi que de Q______, intervenante en protection de l'enfant du Service de Protection des Mineurs (ci-après : SPMi) et curatrice de D______, R______, infirmière, S______, éducateur, T______, éducatrice, U______, éducatrice, V______, éducateur, W______, éducateur, X______, médecin psychiatre, Y______, éducateur, et Z______, chef de groupe au SPMi, tous ayant contribué à la prise en charge de D______.

Le Ministère public a, en outre, ordonné le dépôt :

·         à la fondation AA_____, du dossier complet de D______ ;

·         à l'Hospice général, du cahier des charges ainsi que de tout règlement applicable aux éducateurs affectés au foyer G______ entre la date d'arrivée de D______ et le ______ mars 2019, de la correspondance entre le personnel du foyer et l'Hospice général le concernant ainsi que, plus généralement, l'accueil des mineurs non accompagnés pour la période allant de l'ouverture du foyer au ______ mars 2019, le dossier complet de D______ et toute autre pièce utile ;

·         aux HUG, du dossier médical complet de D______, notamment auprès des unités programme santé migrants (PSM), unité santé jeunes (USJ), Centres ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées (CAPPI) AB_____, dispositif santé mentale enfant-adolescent migrant et ethno-psychanalyse (MEME) et toute autre unité concernée ;

·         au Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), du dossier complet de D______ ;

·         au SPMi, du dossier complet de D______, du cahier des charges ainsi que tout règlement applicable au curateur chargé du jeune homme, de la correspondance entre le personnel du foyer G______ et le SPMi le concernant ou plus généralement l'accueil des mineurs non-accompagnés entre l'ouverture du foyer et le ______ mars 2019, et de toute autre pièce utile ;

·         à AC_____ SA, du contrat de prestation conclu entre l'Hospice général et la société s'agissant du foyer G______ en vigueur entre l'année 2016 et 2017, du cahier des charges des agents de sécurité engagés sur le site du foyer entre l'année 2016 et 2017, du protocole d'intervention des agents de sécurité engagés sur le site du foyer et des exigences de formations imposées aux agents engagés sur le site du foyer en 2016 et 2017.

Il ressort de l'administration de ces preuves les éléments suivants, qui seront, par souci de clarté, repris dans l'ordre chronologique.

d. D______ est entré en Suisse en septembre 2015 pour demander l'asile.

Selon ses propres déclarations, dès avant son entrée en Suisse, soit en 2013 déjà, il aurait connu des épisodes de violences auto-agressives (se frapper la tête ou les poings contre les murs, se scarifier).

Après son entrée en Suisse, il a continué à exprimer des crises de même nature.

e. Attribué au canton de Genève, D______ y est arrivé le 2 octobre 2015. Une curatrice lui a été désignée le 20 octobre 2015 en la personne de Q______. Ils se sont rencontrés pour la première fois en juillet 2016.

Il est noté dans le journal social de l'Hospice général, à la date du 14 octobre 2015, que le moral de l'intéressé est "au plus bas".

Fin novembre 2015, il est pris en charge par les urgences psychiatriques à Genève où il est hospitalisé pendant deux jours à la suite d'une crise où il s'était frappé la tête contre les murs après qu'un compatriote lui avait parlé d'un attentat en Afghanistan ayant touché les proches de celui-ci. Il était alors en attente d'un suivi psychologique à l'unité de crise pour les adolescents en souffrance aux HUG.

f. Le 31 octobre 2016, une bagarre a éclaté entre D______ et un agent de sécurité du foyer G______. Le jeune, très alcoolisé, avait notamment tenté d'étrangler l'agent de sécurité, ce qu'il a admis tout en soutenant avoir seulement répondu à des provocations. Il a été maîtrisé par l'agent, puis menotté par la police. Un constat médical de ses blessures a été réalisé le 3 novembre 2016. Il a été entendu par la police le 28 novembre 2016, à la suite de la plainte de l'agent de sécurité, en l'absence de sa curatrice, pourtant avisée.

De manière globale, nonobstant les difficultés liées à son intégration et à sa scolarité (absentéisme, bagarres avec ses camarades), ainsi qu'à la consommation de stupéfiants, D______ se portait mieux durant cette période.

g. Le 1er novembre 2016, D______ a été auditionné par le SEM, assisté par sa curatrice.

À cette occasion, il a révélé pour la première fois l'agression sexuelle dont il avait été victime en Iran en 2010.

h. Le 31 janvier 2017, une bagarre est survenue entre des agents de sécurité, dont notamment E______ et F______, et des résidents du foyer G______, dont D______ et H______.

Pour ces faits, D______ a été reconnu coupable de lésions corporelles simple (art. 123 CP) par le Tribunal des mineurs.

Sur plainte de H______, E______ a été reconnu coupable de contrainte (art. 181 CP) et de lésions corporelles simples aggravées (art. 123 ch. 2 al. 2 CP).

E______ et F______ ont été encore condamnés par ordonnance pénale pour les actes commis au préjudice de D______ (cf. attendu C.b. ci-après).

Accompagné par sa curatrice lors de son audition par la police, D______ n'avait pas déposé plainte pénale. Le procès-verbal de cette audition contient notamment le passage suivant : "Intervention de Mme Q______ qui stipule qu'il n'est pas nécessaire que M. D______ dépose plainte étant donné que son ami a déjà déposé plainte. Et qu'au vu des faits, selon elle, la situation a dégénéré des deux côtés, il n'est donc pas nécessaire d'en rajouter". Elle a déclaré à la police et au Ministère public, lors de ses auditions en qualité de personne appelée à donner des renseignements dans la présente procédure, qu'elle avait exposé au jeune homme la possibilité de déposer plainte pénale, mais qu'il avait souhaité que cette situation appartienne au passé et, d'un commun accord avec elle, il n'avait pas déposé plainte. Elle ne l'avait pas dissuadé, mais n'avait pas non plus insisté, par crainte de répercussion sur sa santé mentale.

Un rapport de "fait de maltraitance" avait été établi par la curatrice et cosigné par sa cheffe de groupe au SPMi le 20 février 2017.

i. Par décision du 28 février 2017, la demande d'asile de D______ a été rejetée, mais il a été admis provisoirement en Suisse puisque son renvoi n'était pas raisonnablement exigible.

j. Entre mars et novembre 2017, la Cour des comptes a conduit un audit de gestion et de conformité portant sur l'accueil des requérants d'asile mineurs non accompagnés à Genève.

Elle a, entre autres, constaté que la charge de travail du SPMi durant la période de 2015 à 2017 ne permettait pas d'organiser un premier entretien entre les curateurs et les mineurs non accompagnés pendant plusieurs mois (jusqu'à neuf mois dans certains cas) après leur arrivée dans le canton.

Le foyer G______ était une structure d'accueil initialement prévue pour l'accueil de familles issues de la migration, mais, face à l'arrivée massive de mineurs non accompagnés, il avait été transformé en un centre d'hébergement collectif. Sa capacité était de ______ personnes. Il était composé de containers maritimes empilés et réaménagés en logements. Un bâtiment était dédié aux mineurs et un autre aux requérants devenus majeurs depuis leur arrivée. Chaque module abritant seize personnes était composé de huit chambres, deux salles de bains, une cuisine commune et un espace commun équipé d'un canapé. Chaque chambre comprenait deux lits, un espace de rangement, un bureau, une chaise et un réfrigérateur. Une salle commune utilisée pour le petit-déjeuner était disponible : elle était équipée d'une télévision, de tables de ping-pong, etc. Cette salle était fermée pour éviter les déprédations, mais accessible sur demande. Les conditions de logement étaient rudimentaires. La promiscuité et le nombre d'individus dans un espace réduit engendraient des problèmes de bruit, d'insécurité et de cohabitation entre populations de cultures et d'origines différentes. La liberté laissée aux jeunes de préparer leurs repas mettaient en péril l'hygiène liée à la nourriture.

Des agents de sécurité assuraient le contrôle des entrées et des sorties. La structure était propice à des "difficultés de sécurité".

Alors que le foyer accueillait des mineurs non accompagnés depuis janvier 2016, l'autorisation provisoire pour ce faire avait été délivrée le 16 mars 2017. Le Service d'autorisation et de surveillance des lieux de placement (SASLP) avait autorisé conditionnellement la directrice à diriger l'établissement jusqu'au 31 décembre 2017 (sous condition d'établir une grille horaire, clarifier les rôles hiérarchiques, établir les procédures internes concernant la collaboration avec les partenaires, la gestion des urgences médicales, la gestion des faits graves et la communication interne, constituer les équipes, définir les lieux de vie, rendre un projet institutionnel).

Le rapport décrit le fonctionnement du foyer : chaque jeune bénéficiait d'un référent, les éducateurs assuraient une permanence depuis le bureau des éducateurs de 6h30 à 22h00 et deux "intervenants" étaient présents la nuit depuis mars 2017.

La Cour constatait, entre autres, qu'il n'existait pas de dispositif d'hébergement pour les jeunes vulnérables de 15 ans et plus, présentant notamment des pathologies somatiques ou psychiques. Il manquait "cruellement" de familles d'accueil externes au foyer. La structure d'hébergement de G______ était inadaptée aux mineurs non accompagnés (trop grande, mauvaise localisation, regroupement trop important en nombre, mélange de cultures et d'ethnies, bruit, éloignement entre équipe éducative et jeunes). Les conditions de vie et l'encadrement social étaient insatisfaisants au sein du même centre : absence de concept pédagogique, de projet institutionnel et de cahier des charges en matière d'encadrement, absence d'accompagnement dans l'élaboration d'un projet de vie, exigences indifférenciées en fonction des individus et de leurs particularités. L'équipe éducative n'était pas proactive et était constituée de profils hétérogènes ; la vie en communauté était peu étoffée ; l'information contenue dans les dossiers personnels était peu fournie et hétérogène.

S'agissant de la santé, un double bilan était effectué dès l'arrivée des jeunes migrants dans le canton. Un réseau de soins spécifiques à l'asile avait été mis en place. L'organisation demeurait toutefois complexe et confuse pour les intervenants de ce réseau, les bénéficiaires et leurs représentants (tuteurs, curateurs, éducateurs, enseignants). La Cour constatait ainsi que l'ensemble des intervenants n'avait pas posé une définition claire et formalisée des besoins en matière de santé, notamment psychique. Les professionnels de la santé avaient relevé que les intervenants auprès des mineurs non accompagnés n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur les faits ou symptômes inquiétants qui devraient faire l'objet d'un suivi psychologique. Les avis divergeaient en matière de prise en charge et de traitement à appliquer et aucune consigne n'existait quant au dépistage de situations pouvant traduire un état psychique perturbé sous-jacent (par exemple, comportements agressifs, absentéisme scolaire, idées suicidaires). De façon générale, la prise en charge des aspects psychiques des mineurs restait floue au regard des besoins "pressentis" de cette population et de l'urgence nécessaire à leur identification. À l'époque de la rédaction du rapport, seuls les cas de décompensation aiguë ou avec violence étaient rapidement pris en charge au sein du centre G______. Les structures d'hébergement et l'encadrement avaient une forte incidence sur la santé des jeunes. En effet, la structure du centre G______ ne favorisait pas la prise en charge des besoins de protection et de repos : il aurait fallu un environnement se rapprochant de la cellule familiale. L'absence d'horaires imposés, de règles d'hygiène, de surveillance de l'alimentation, de la prise des médicaments et de la tenue des chambres montrait une lacune dans l'encadrement de certains aspects de la vie courante.

k. Le 16 novembre 2017, D______, en proie à une consommation excessive de cannabis notamment, a débuté un suivi à la fondation AA_____, spécialisée dans la lutte contre les addictions, au pôle "adolescents et jeunes adultes".

Dans ce cadre, et selon les notes tenues par le psychiatre de la fondation, il avait exprimé des idées de mort le 5 mai 2017. Lors d'une discussion avec Z______ le 18 décembre 2017, sa "suicidalité" avait été identifiée et faisait l'objet d'un suivi. De même, une discussion avec un représentant de l'Office médico-pédagogique le 10 janvier 2018 rapporte une "idéation suicidaire" présente de longue date, avec des propos inquiétants, mais sans passage à l'acte. Le 26 février 2018, juste avant son audition par la police concernant la bagarre avec les agents de sécurité, il avait exprimé son souhait que "cette histoire [c'est-à-dire la procédure pénale] se termine". Le médecin psychiatre qui le suivait à la fondation AA_____ a attesté, le 4 avril 2018, de la dégradation de son état psychique avec des épisodes de passage à l'acte auto- et hétéro-agressifs. Au terme du suivi à la fondation AA_____ en juin 2018, D______ était stable au niveau psychique, sans décompensation thymique, ni débordement du comportement.

l. D______ a séjourné à [l'hôpital] AD_____ du 14 au 26 mars 2018, à la suite d'un conflit au foyer survenu avec un autre jeune qui aurait volé ses affaires et manqué de respect à sa copine. Il a fugué des urgences à l'annonce de son hospitalisation sous contrainte.

Selon la lettre de sortie correspondant à ce séjour en psychiatrie, il avait, dans le cadre du conflit avec l'autre jeune susmentionné, proféré des menaces auto- et hétéro-agressives, menacé de se scarifier, cassé un miroir et se serait approché de la fenêtre en menaçant de se défénestrer. À la sortie de l'hôpital, il n'avait plus d'idées suicidaires ni de propos auto- ou hétéro-agressifs.

Le 6 avril 2018, il a été pris en charge après s'être cogné la tête contre les murs à la suite d'une dispute avec sa copine. Il est retourné au foyer après évaluation, car il ne remplissait pas les critères pour une hospitalisation.

Le 25 mai 2018, D______ s'est fracturé le 5ème métacarpe de la main gauche et infligé un hématome frontal gauche de 3 mm en se frappant la tête et la main gauche contre un mur. Malgré les propos suicidaires du jeune homme, un retour au foyer a été préconisé.

Le 29 mai 2018, il a été admis aux urgences après avoir mis le feu à son attelle et à la poubelle de sa chambre et s'être frappé la tête et la main contre le mur dans un contexte de dispute avec sa copine, au cours de laquelle il a proféré des menaces de mort envers elle et de suicide. Il a été par la suite transféré aux urgences psychiatriques puis hospitalisé au sein de AD_____ du 30 mai au 9 juillet 2018.

Lors de ce second séjour, D______ a fugué à de nombreuses reprises, y revenant après avoir suivi des amis, rendu visite à sa copine et consommé cannabis et alcool. Lors de la préparation de sa sortie et de la mise en place du suivi psychologique destiné aux jeunes en souffrance, le jeune homme a verbalisé qu'il n'en comprenait pas l'intérêt mais s'était présenté aux rendez-vous d'évaluation.

Dès le 9 juillet 2018, un traitement médicamenteux de RISPERDAL a été mis en place par le biais de l'IMAD, lequel a été interrompu à la fin du mois de novembre 2018 par suite d'absences répétées du patient. Un traitement au SEROQUEL en réserve a été introduit dès le 22 mars 2019, dans le cadre de sa gestion des angoisses. Il pouvait lui être remis 5 comprimés du traitement, le surplus étant conservé par son éducatrice vu la présence des traits de personnalité impulsive du patient.

Le 16 juillet 2018, D______ a été pris en charge aux urgences à la suite d'une altercation survenue la veille au soir lors de laquelle un homme l'avait frappé au niveau du front, de la tempe et de la bouche avec une bouteille, lui causant une tuméfaction, une dermabrasion superficielle et une légère cassure de la 11ème dent.

Dès juillet 2018, sa prise en charge psychiatrique s'est poursuivie auprès du CAPPI AB_____ en raison de son trouble mixte des conduites et troubles émotionnels. Le rapport de suivi final, consécutif à son décès, relève la difficulté de mettre en place un lien thérapeutique, le travail thérapeutique étant axé sur la gestion de son impulsivité violente et l'addiction au cannabis.

Les notes de l'infirmière du foyer et de sa psychiatre confirment l'adhésion fluctuante du patient aux soins proposés. Au cours des séances, D______ a expliqué avoir quitté l'Iran après s'être vengé des auteurs de son agression sexuelle en les attaquant avec un couteau, ce qui avait mené à son départ en compagnie d'un ami, lequel avait été tué sous ses yeux pendant le trajet. Il a également fait part de son rejet du suicide pour des motifs religieux et de ses difficultés à contrôler sa colère, préférant s'en prendre à lui-même pour décharger ses tensions internes. Le diagnostic principal posé est celui de personnalité émotionnellement labile type borderline et le diagnostic secondaire celui de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de dérivés du cannabis, utilisation nocive pour la santé.

m. L'état de santé psychique de D______ a été rapporté de la façon suivante par les différents témoins.

Selon le témoin H______, D______ était triste et révolté après la bagarre survenue le 31 janvier 2017, car il avait le sentiment d'être incompris et victime d'injustice. Cet état d'esprit était demeuré jusqu'à sa mort : il faisait souvent part de son mal-être dans les discussions.

Le témoin I______ a confirmé que D______ était déprimé, frappait les murs et ne parlait pas beaucoup de ses problèmes. Il avait changé de comportement lorsqu'on l'avait découragé à déposer plainte pénale contre les agents de sécurité.

Le témoin K______, proche de D______, a décrit son état psychique dégradé, en raison de problèmes avec sa copine, avec qui il se fâchait souvent, et qu'il se sentait seul loin de sa famille. D______ était déprimé, n'aimait pas ses conditions de vie, qu'il considérait carcérales, et avait des problèmes avec les agents de sécurité ; il lui avait demandé pourquoi ils étaient dans un foyer, alors qu'ils auraient dû avoir un appartement. Le jour de sa mort, il avait vu D______ une heure et demi avant son décès, fâché et quittant le foyer : il ignorait pourquoi son ami se comportait ainsi.

Le témoin P______ a décrit que D______ n'avait pas de bonnes relations avec les agents de sécurité. Ce n'était pas un ami proche.

Le témoin O______ a décrit D______ comme une personne déprimée de manière générale, mais toujours souriant. Il ne lui disait pas la vérité sur ses émotions, mais il parlait parfois de sa famille qui se trouvait dans son pays. Il avait de mauvais rapports avec les agents de sécurité. Il l'avait senti déprimé à la suite de la bagarre avec certains de ceux-ci.

Le témoin N______ était l'ami de D______. Celui-ci pensait trop. La bagarre avec les agents de sécurité n'était pas la cause de sa mort, mais une raison de plus. Le témoin considérait voir assez souvent les représentants du SPMi, soit quatre ou cinq fois par année, car il avait, en plus, un assistant social.

La témoin T______, éducatrice, était présente le jour du décès. Ce jour-là, D______ était très en colère, car il s'était disputé avec sa copine. Il n'avait pas communiqué "d'idées noires" ; et elle n'avait rien entendu de la part de ses collègues. D______ était un jeune qui était triste et en colère ; il allait vraiment mal. Il se mutilait, se tapait la tête contre les murs et se scarifiait. Le cadre du foyer G______ n'était pas adapté : encadrement et soins insuffisants et logement inadéquat. Il y avait une peur parmi les éducateurs qu'un suicide survienne. La hiérarchie avait été interpelée à ce sujet.

Le témoin R______, infirmière au foyer G______, présente le soir du décès, n'avait pas vu D______, qui était, selon elle, "assez tourmenté" en général. Deux éducateurs s'étaient adressés à elle à son sujet ce jour-là : l'un pour obtenir du sparadrap et du désinfectant – sans lui communiquer la teneur des blessures –, le deuxième pour l'informer de ce que le jeune homme avait ingéré dix tablettes de SEROQUEL d'un coup alors que la posologie était de deux par jours. La témoin avait appelé la psychiatre du jeune homme à cause de son inquiétude quant au geste lui-même, mais aussi quant à la toxicité. La psychiatre s'était montrée rassurante et l'avait invitée à le surveiller : il n'y avait pas risque d'intoxication, mais il pouvait être somnolent et chuter. Il était alors environ 17h00. D______ était sorti. Elle avait fait circuler l'information. Elle s'en était remise au médecin. Les éducateurs ne pensaient pas, malgré les conditions de vie dans le foyer, qu'il y aurait un suicide. D______ venait régulièrement la voir. Il avait des pics d'agressivité, mais sinon il était comme tous les adolescents avec sa copine et ses consommations de drogue. Il essayait d'oublier le passé et les agressions qu'il avait subies avant de venir en Suisse. Après sa deuxième hospitalisation, il était suivi par un infirmier de l'IMAD qui lui remettait son traitement, puis il avait cessé de le prendre et avait accepté d'être suivi par le CAPPI.

Le témoin U______, assistante sociale et éducatrice depuis 2016 au Foyer G______, était la co-référente de D______ avec V______. Celui-ci était en "recherche de liens" : elle avait l'impression que cela fonctionnait avec elle et qu'il l'écoutait. Elle avait réussi à le convaincre de poursuivre un suivi au CAPPI. Il pouvait être doux et à d'autres moment en colère et agressif. Elle était présente le jour du décès et avait constaté qu'il n'allait pas bien, ce qui était régulièrement le cas. Ils avaient discuté, ce qui l'avait calmé. Elle avait transmis cette information à l'équipe présente le soir. Elle l'avait vu pour la dernière fois vers 17h00, calme et installé dans sa chambre.

Le témoin V______ assumait plusieurs fonctions au sein du foyer G______ : éducateur social, assistant social et animateur. Il y était resté jusqu'en mars 2020. Il se souvenait qu'en 2015, durant l'été, il avait assisté à une crise d'un jeune afghan, en présence de D______. Celui-ci n'avait pas particulièrement réagi, mais avait commencé à se cogner la tête contre le mur pour se faire du mal. Cela montrait dans quel état il était. Le jour du décès de D______ – dont il était co-référent avec U______, car il s'agissait d'un dossier difficile nécessitant une prise en charge particulière –, il l'avait vu vers midi, calme, mais triste ("comme si rien n'allait"), puis, vers 14h00 ou 15h00, on l'avait averti qu'il était en train de crier et de taper contre les murs alors qu'il était au téléphone avec sa copine. Il faisait régulièrement de telles crises impressionnantes. Il déambulait en hurlant. Comme il était impossible de le calmer, lui-même et sa collègue U______ l'avaient suivi et vu détruire son téléphone en le projetant sur le sol et en le piétinant. Il avait remarqué que sa guitare était elle aussi détruite. D______ était sorti du foyer à 15h00 : il avait décidé de le suivre pour s'assurer qu'il n'allait pas "faire de bêtise" et lui avait acheté des cigarettes pour tenter de le calmer. Ils s'étaient ensuite assis sur un banc et ils étaient rentrés, sans vraiment parler. Arrivés au foyer, vers 16h00, il avait remarqué que les murs de sa chambre, dans laquelle régnait le désordre, étaient tachés de sang et enfoncés. Le jeune n'arrêtait pas de faire des allers et retours. Il avait alors décidé de lui ranger sa chambre. Il avait reçu un téléphone de la Dresse AE_____ qui avait été informée de cette crise. Il avait eu une discussion avec l'infirmière présente et sa collègue U______, toutes deux étant d'avis de ne pas faire venir la doctoresse susmentionnée. Ils avaient alors remarqué qu'une boîte de médicaments était vide et avaient appelé la psychiatre du CAPPI, la Dresse X______, pour obtenir un avis médical. Elle les avait rassurés et déclaré qu'il allait "redescendre en pression" et se calmer. Il était alors 16h30. Ensuite, D______ était revenu avec un autre téléphone et avait discuté calmement avec sa petite amie, dans sa chambre. Il l'avait observé un moment, le jeune faisant abstraction de lui. Il était ensuite resté dans le couloir pour s'assurer que tout n'allait pas recommencer. Il était 18h15. Toutes les informations avaient été transmises aux collègues présents le soir, puis il avait quitté le foyer. Il n'était donc pas présent lorsque le jeune avait été découvert pendu.

Le témoin W______, éducateur spécialisé au foyer G______ jusqu'en mars 2020, avait appris, le soir du décès de D______, qu'il était "un peu perturbé", à la suite d'un différend avec sa petite amie. Vu "les soucis" qu'il y avait eu avec lui par le passé, la Directrice, AF_____, lui avait demandé, ainsi qu'à son collègue S______, de s'assurer qu'il aille bien et qu'il soit en sécurité. Ils avaient donc mis en place des rondes toutes les 15 à 20 minutes, consistant à se rendre devant sa chambre pour ne pas le déranger et s'assurer qu'il soit en sécurité et ne se fasse pas de mal. À la première ronde, le jeune homme avait vu les deux éducateurs, leur avait souri et avait répondu que tout allait bien. Alors qu'ils s'apprêtaient à faire leur seconde ronde, ils avaient été alertés par un autre résident et une personne travaillant temporairement sur place qu'il y avait "un problème". Ils avaient alors découvert le jeune homme pendu dans sa chambre et avaient tenté de le réanimer. Ce jour-là, il n'avait pas entendu D______ exprimer des idées noires ou une volonté de se faire du mal. Il le considérait comme un jeune respectueux, souriant, solitaire, un rêveur, mais à qui il avait aussi dû rappeler quelques fois le règlement du foyer.

Le témoin S______, éducateur, était présent le jour du décès de D______. Celui-ci était un très bon camarade qui se mêlait avec les autres et s'entendait bien avec tout le monde, quand il allait bien. Quand il allait mal, il était dans la destruction en se montrant violent vis-à-vis de lui-même et des objets. Il fumait énormément et se retrouvait dans des bagarres, y allant plutôt pour prendre des coups que pour en donner. Sa relation amoureuse le mettait dans un état tel que ses hurlements s'entendaient hors du bâtiment. L'encadrement (les lieux et le personnel qui n'étaient pas adaptés ou suffisants) avait eu un impact sur son état. Le jour du décès, il avait appris, lorsqu'il avait commencé son travail, que D______ n'allait pas bien et qu'il avait fait une crise. Il était difficile de dire s'il allait mieux : il lui avait ouvert la porte de sa chambre et il y était entré ; il était calme. C'était la dernière fois que quelqu'un le voyait vivant. Après l'avoir retrouvé pendu, il avait constaté une scarification sur un bras, sans pouvoir déterminer si elle datait du jour même. Lorsqu'il avait appris de l'hôpital que le cœur du jeune homme avait recommencé à battre, il avait été soulagé et avait pensé que son cas serait "vraiment pris enfin en charge et que son mal-être serait reconnu à la hauteur de sa souffrance". Le médecin l'avait cependant informé qu'il avait peu de chances de s'en sortir en raison de graves lésions cérébrales.

Le témoin Y______, assistant social au foyer G______ de 2017 à 2020, était présent le jour du décès. Il avait appris que D______ était très agité, qu'il avait détruit sa guitare et son téléphone et qu'il était en conflit avec sa copine, ce qui était connu et régulier. Il savait qu'il fallait aller le voir régulièrement, ce dont étaient chargés ses collègues W______ et S______ : ils étaient allés le voir environ dix minutes avant qu'il soit retrouvé pendu. Il était arrivé le premier sur les lieux, alerté par K______ qui l'avait découvert. Il avait entendu parler après coup d'une ingestion trop importante de médicaments. Il considérait qu'il était très difficile d'assurer un suivi individualisé dans l'apprentissage et la gestion des tâches quotidiennes, mais il y avait une grande disponibilité de la part des éducateurs pour être à l'écoute, présents et empathiques auprès des jeunes. Le nombre d'éducateurs par jeune était insuffisant (un éducateur pour quinze jeunes contre un pour deux jeunes dans de plus petites structures). Il considérait que D______ était plutôt quelqu'un d'avenant, soutenant et souriant.

Le témoin X______, médecin psychiatre des HUG, avait suivi D______ depuis septembre 2018 jusqu'à la date de son décès, en raison d'une pathologie de la personnalité de type "borderline" et pour une dépendance au cannabis. La création d'un lien thérapeutique était très compliquée, car le patient ne comprenait pas pourquoi il était pris en charge. La demande provenait plutôt du foyer. Progressivement, il y avait eu une amélioration. En parallèle, il bénéficiait d'un suivi infirmier au CAPPI, dont le but était la gestion des émotions et de la violence, ainsi que de la consommation de cannabis. Le patient commençait à s'investir dans ce suivi psychothérapeutique. Le jour du décès, elle avait été appelée vers 17h00 par l'infirmière du foyer qui lui avait expliqué qu'il s'était disputé avec sa copine, s'était scarifié le bras et avait, par la suite, volé dix comprimés de SEROQUEL – médicament qu'elle lui avait prescrit pour diminuer son angoisse, mieux gérer ses émotions et son agressivité, précisément pour éviter qu'il ne se fasse du mal – et qu'il avait avalés. L'infirmière s'inquiétait du risque d'intoxication (qui était nul) et, à la question de la médecin sur l'état du patient, l'infirmière avait répondu qu'il allait mieux, qu'il était plus calme et qu'il était en contact avec l'équipe. Le médecin avait préconisé de le surveiller en raison d'éventuels troubles de l'équilibre, de vertiges ou d'autres signes d'inquiétude, cas échéant de contacter les urgences. Elle avait rappelé l'infirmière à 18h00 pour suivre l'évolution et avait appris que le patient avait quitté le foyer et allait bien. Ces démarches avaient été validées par sa responsable. À la lecture du dossier de D______, elle avait constaté qu'il était connu pour des gestes auto-agressifs depuis 2013, soit même avant son arrivée en Suisse. Il lui en avait parlé, expliquant qu'il s'agissait dans ce cas de décharger un trop-plein de tensions internes. Il lui avait parlé plutôt de coups contre les murs. Il avait une tendance à l'agressivité et à se battre, car il se montrait interprétatif envers les tiers. Par contre, il réprouvait le suicide, comme il l'avait exprimé lors d'une consultation où il évoquait le fait qu'un ami s'était jeté dans le vide. Son état de santé était fluctuant et dépendait de ses liens avec les tiers, en raison de sa personnalité "borderline". Elle n'avait pas "pu avoir accès" au traumatisme lié aux violences sexuelles subies en Iran. Son rôle n'était pas d'examiner ses conditions de vie, mais de créer un lien avec lui pour l'aider à verbaliser sa souffrance. Elle interprétait le suicide comme un acte impulsif, à la suite d'une dispute avec sa copine. Il était probable que le SEROQUEL ingéré n'avait pas eu le temps de faire effet.

Le témoin Z______, chef de groupe au SPMi, a déclaré que D______ était un jeune homme qui aidait ses amis et avait un fort sentiment de justice : il se sentait traité comme un citoyen de "deuxième zone". Il pouvait aussi être isolé et refuser de se mêler aux autres. Il avait un lien de confiance avec très peu de personnes. S'il refusait un suivi médical, psychique ou scolaire, il était très difficile de le mobiliser. Il était l'objet d'une attention régulière et intense. Le témoin savait que le jeune avait commis des actes auto-agressifs en 2015 déjà, comme se scarifier ou se taper la tête contre un mur. Au sujet de son diagnostic, le témoin savait qu'il souffrait d'un syndrome de stress post-traumatique, sans plus. Il s'agissait d'un jeune qu'il aurait classé comme étant "à risque", soit à risque de passage à l'acte. Il y avait eu des démarches faites pour tenter de le changer de lieu de vie, comme un logement étudiant. Ce genre de démarches relevaient de la compétence des éducateurs, mais non de la curatrice.

n. Entendue par la police le 22 juin 2020 en qualité de personne appelée à donner des renseignements Q______, curatrice au SPMi depuis 2006, a exposé qu'elle était chargée depuis 2013 des requérants d'asile mineurs.

Elle avait suivi D______ dès son arrivée. Le prénommé avait été scolarisé au cycle d'orientation dès octobre 2015. Puis, en 2017, il avait eu de nombreuses absences non justifiées, résultant de troubles du sommeil et de consommation de cannabis. Il avait alors consulté la fondation AA_____. Entre 2017 et 2018, il avait adopté un comportement inquiétant, marqué par des crises lors desquelles il montrait une grande agitation et une confusion mentale. Il avait menacé de se suicider en se défénestrant et s'était frappé la tête contre les murs. Il avait donc été hospitalisé contre sa volonté aux HUG pendant plus d'un mois. Il s'était ensuite orienté, en 2018-2019, vers les métiers du bâtiment, sa formation aux ateliers de l'Hospice Général se passant très bien. Puis, il avait travaillé aux ateliers "______" de cette institution, mais avait quitté ce poste après quelques semaines à la suite d'une remarque de son chef d'équipe qui lui avait déplu. Une année avant son accès à la majorité, il lui avait été proposé une famille relais qui lui donnerait un cadre familial bienveillant, mais il avait toujours refusé. À sa majorité, soit le ______ 2018, il avait été mis fin au mandat de la curatrice. Une prise en charge thérapeutique individuelle avait été mise en place, car D______ avait confié que son état psychique empirait. Dans les mois suivant la majorité, tout se passait bien (comportement adéquat, présence aux activités proposées et aux repas en commun, gestion adéquate de son argent). Il vivait une histoire sentimentale avec une jeune afghane et avait pour projet de se marier avec elle.

Le rapport final du 7 novembre 2018, couvrant la période allant du 20 octobre 2017 au ______ août 2018 et rédigé par Q______, contient les éléments essentiels ressortant de sa déposition à la police. Il précise néanmoins le ressenti de D______ dès son arrivée en Suisse : il avait le sentiment de ne pas être entendu par les autorités fédérales quant aux raisons ayant conduit à son voyage vers la Suisse ; il s'était alors réfugié dans le mutisme et marginalisé en érigeant "des remparts invincibles" entre lui et les intervenants sociaux, ceux-ci étaient dans une situation d'"impuissance phénoménale" les forçant, pour leur sécurité, à mettre de la distance avec lui. Il était suivi tous les deux mois par un médecin généraliste ; sa prise en charge psychiatrique était laborieuse, étant précisé que ses hospitalisations avaient eu un effet délétère sur lui en raison de l'enfermement forcé et de l'obligation de se confier sur sa vie passée à des personnes inconnues ; le suivi à la fondation AA_____ n'avait eu que peu d'influence sur son état de santé. Le SPMi avait donc intensifié les entretiens individuels.

Q______ a été entendue à nouveau par le Ministère public le 16 janvier 2024. Elle a déclaré qu'à la suite de la bagarre survenue entre les agents de sécurité et les résidents du foyer le 31 janvier 2017, il y avait eu une réunion sur place avec la directrice et des entretiens avec des interprètes. La réunion-bilan s'était étendue sur plusieurs semaines pour que chacun ait l'occasion de s'exprimer. Les curateurs avaient demandé des postes supplémentaires pour assurer une présence des éducateurs la nuit. Elle-même avait trouvé une place dans un autre foyer pour l'un des jeunes, ce qui était très difficile. Il avait aussi été demandé de sortir tous les jeunes du foyer G______, car elle estimait que la sécurité et l'accompagnement étaient insuffisants. Le but était que la direction du SPMi interpelle l'Hospice Général pour améliorer les conditions d'accueil. Elle avait demandé à D______ s'il souhaitait changer de lieu de vie : il lui avait déclaré vouloir rester au foyer, car ses amis y étaient. Elle avait à de nombreuses reprises attiré l'attention des intervenants et de la direction sur le fait qu'il fallait faire attention à lui en raison de son parcours et de ses difficultés. Après la bagarre du 31 janvier 2007, elle l'avait rencontré plusieurs fois avec son référent. Un suivi psychologique pour les jeunes avait été mis en place. D______ s'y était opposé : il pensait ne pas pouvoir être aidé au vu de son vécu traumatique avant son arrivée en Suisse. Il avait été hospitalisé contre sa volonté en psychiatrie, mais lui demandait de le faire sortir. Il faisait peur aux intervenants lorsque son comportement dérapait, mais elle n'avait jamais eu peur de lui. Il était par exemple très difficile de mettre en place la distribution de ses médicaments par l'IMAD, car cela présupposait qu'il soit présent lors du passage des soignants. Elle avait connaissance du fait qu'il frappait les murs et s'était même brisé la main par un tel geste. Elle ignorait son diagnostic, car il ne collaborait pas lors des moments de thérapie.

o. Par avis de prochaine clôture du 15 février 2024, le Ministère public a annoncé aux parties qu'il entendait rendre une ordonnance pénale à l'encontre de E______ et F______ du chef de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 3 CP) en lien avec l'altercation du 31 janvier 2017 et que les autres faits visés par la plainte pénale déposée le 4 juin 2019 par A______, C______ et B______, feraient l'objet d'une ordonnance de classement.

p. F______ et E______ n'ont pas donné suite à l'avis de prochaine clôture.

q. Par courrier du 15 avril 2024, les plaignants se sont opposés au classement. Ils ont sollicité les actes d'instruction suivants:

·      dépôt de l'intégralité du dossier de l'Hospice général relatif à D______ ;

·      dépôt des actes et résultats d'enquête consécutifs aux violences subies par D______ les 30 octobre 2016 et 31 janvier 2017 ;

·      dépôt de la décision de placement de D______ au Foyer G______ ;

·      dépôt de toute directive en lien avec la "curatelle requérant d'asile 1" ;

·      dépôt du dossier relatif à la procédure d'autorisation et de surveillance du Foyer G______ ; dépôt du troisième rapport de la task force "Conditions d'existence des mineurs dans les centres d'accueil" ; dépôt de la procédure devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant relative à la protection de D______ ;

·      audition en qualité de témoins de Monsieur AG_____ et des Dresses AH_____, AI_____ et AJ_____ ;

·      audition en qualité de témoins d'un doyen du Cycle d'orientation AK_____, et de l'enseignante référente de D______ (2016-2017) ; audition en qualité de témoin d'une éducatrice au Foyer G______ ;

·      nouvelle audition de H______ sur l'implication de Q______ en tant que curatrice dans sa propre prise en charge ;

·      audition en qualité de personnes appelées à donner des renseignements des supérieures hiérarchiques et curatrice suppléante de Q______ durant la période pénale ;

·      audition en qualité de prévenues de Q______, AF_____ et du "chef de service" du SASLP durant la période pénale ; l'audition des plaignants à l'appui de leur prétentions civiles.

Ils ont en outre sollicité une indemnité de CHF 20'000.- à titre de tort moral pour les souffrances subies par D______ ainsi qu'une indemnité pour tort moral de CHF 20'000.- en faveur de chacun des parents et de CHF 10'000.- en faveur de la sœur.

C. a. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public ordonne le classement des faits faute de prévention pénale suffisante, pour des motifs qui seront repris ci-après dans la partie EN DROIT.

Les preuves requises ont été rejetées car elles tendaient à établir l'état psychique et physique de la victime, déjà suffisamment prouvé, et une éventuelle responsabilité des institutions étatiques, qui ne pouvait entrer en considération que dans le cadre d'une action en responsabilité civile.

b. Parallèlement, le Ministère public a rendu deux ordonnances pénales à l'encontre de E______ et de F______.

Ils ont tous deux été déclarés coupables de lésions corporelles simples causées sur une personne sur laquelle ils avaient le devoir de veiller (art. 123 ch. 1 et 2 al. 2 aCP) et condamné à verser, conjointement et solidairement, CHF 1'000.- aux proches de D______ à titre de tort moral.

Les faits retenus sont des coups donnés à D______ lors de la bagarre au foyer G______ du 31 janvier 2017.

D. a. À l'appui de leur recours, les recourants se plaignent d'une constatation inexacte des faits. Ils reprochent aussi au Ministère public une enquête insuffisante au regard des exigences posées par le droit conventionnel en la matière. S'agissant des infractions entrant en considération, ils soutiennent que l'agression (art. 134 CP) devait être examinée, concernant les violences dont leur parent avait été victime de la part des agents de sécurité. Quant aux intervenants sociaux, soit Q______, curatrice, AF_____ et le "Chef du SALSP", ils devaient être poursuivis pour violation du devoir d'éducation et d'assistance (art. 219 CP), ainsi que pour lésions corporelles par négligence (art. 123 CP), respectivement, homicide par négligence (art. 125 CP) et exposition.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des proches du lésé décédé qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b, 118 al. 1 et 121 al. 1 CPP ; voir ACPR/1007/2019 du 18 décembre 2019 et arrêt du Tribunal fédéral 1B_40/2020 du 18 juin 2020 rendus dans la présente procédure), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Par un bref grief, les recourants reprochent au Ministère public de ne pas avoir qualifié d'agression (art. 134 CP) les coups portés à leur parent par des agents de sécurité le 31 janvier 2017.

3.1. Selon l'art. 354 al. 1 CPP, peuvent former opposition contre l'ordonnance pénale devant le ministère public, par écrit et dans les dix jours, le prévenu (let. a), la partie plaignante (let. abis, en vigueur depuis le 1er janvier 2024) les autres personnes concernées (let. b) et, si cela est prévu, le premier procureur ou le procureur général de la Confédération ou du canton, dans le cadre de la procédure pénale pertinente (let. c). La partie plaignante ne peut pas former opposition contre la sanction prononcée dans l'ordonnance pénale (art. 354 al. 1bis CPP, en vigueur depuis le 1er janvier 2024). L'opposition doit être motivée, à l'exception de celle du prévenu (art. 354 al. 2 CPP).

L'introduction de l'art. 354 al. 1 let. abis et al. 1bis CPP formalise la jurisprudence antérieure, selon laquelle, comme pour la qualité pour recourir selon l'art. 382 al. 1 CPP, il doit exister un intérêt juridique (ATF 141 IV 231 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_250/2021 du 19 juillet 2021 consid. 3.1 ; 6B_233/2018 du 7 décembre 2018 consid. 6.2.1). Étaient ainsi notamment considérés comme des autres personnes concernées la partie plaignante qui invoque une violation de l'art. 433 CPP en se plaignant ne pas avoir obtenu d'indemnité ou une indemnité insuffisante sous l'angle de cette disposition (ATF 139 IV 102 consid. 5.2 et les références) ou encore la partie plaignante qui vise à obtenir une qualification juridique plus sévère des faits (ATF 141 IV 231 consid. 2.3 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_613/2021 du 3 mars 2022 consid. 3.1).

3.2. Aux termes de l'art. 134 CP, se rend coupable d'agression celui qui aura participé à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers aura trouvé la mort ou subi une lésion corporelle. L'agression se caractérise ainsi comme une attaque unilatérale de deux personnes au moins, dirigée contre une ou plusieurs victimes, qui se contentent de se défendre.

3.3. En l'espèce, les recourants remettent en cause la qualification juridique des actes commis par deux agents de sécurité.

Or, ces actes ont fait l'objet de deux ordonnances pénales contre lesquelles aucune opposition n'a été formée et qui sont désormais entrées en force, condamnant les agents de sécurité pour des lésions corporelles simples. Il aurait été loisible aux recourants de former opposition à ces ordonnances s'ils entendaient remettre en cause la qualification juridique retenue par le Ministère public, mais ils ne l'ont pas fait.

Il s'ensuit que la voie du recours contre l'ordonnance de classement n'est pas appropriée pour le but recherché et que les griefs des recourants seront rejetés, dans la mesure de leur recevabilité.

4.             La partie la plus substantielle des griefs des recourants vise trois fonctionnaires de l'État de Genève, à savoir la curatrice de leur défunt parent, la Directrice du foyer G______ et le "Chef" du SASLP.

Ils leur reprochent, en premier lieu, la commission d'une infraction de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP).

4.1. Conformément à l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci, qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et qui s'impose également à l'autorité de recours, signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 et 138 IV 86 consid. 4.1.2).

4.2. Selon l'art. 219 al. 1 CP, en vigueur depuis le 1er juillet 2023, quiconque viole son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il met ainsi en danger le développement physique ou psychique, ou qui manque à ce devoir, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. L'auteur est puni d'une peine pécuniaire s'il agit par négligence (al. 2). La teneur antérieure de cette disposition était similaire pour les points qui sont pertinents ici.

Cette disposition protège le développement physique et psychique du mineur, à savoir d'une personne âgée de moins de 18 ans (ATF 126 IV 136 consid. 1b ; 125 IV 64 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1199/2022 du 28 août 2023 consid. 3.1.1).

Pour que l'art. 219 CP soit applicable, il faut d'abord que l'auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d'assistance, c'est-à-dire de protection, ou un devoir d'éducation, c'est-à-dire d'assurer le développement – sur le plan corporel, spirituel et psychique – du mineur. Cette obligation et, partant, la position de garant de l'auteur, peut être fondée sur la loi, sur une décision de l'autorité ou sur un contrat, voire sur une situation de fait ; ainsi, sont notamment des garants, les parents naturels ou adoptifs, le tuteur, le maître d'école, le responsable d'une institution, et le directeur d'un home ou d'un internat (ATF 125 IV 64 consid. 1a et les références citées). Il faut ensuite que l'auteur ait violé son devoir d'assistance ou d'éducation ou qu'il ait manqué à ce devoir. Le comportement délictueux peut donc consister en une action ou en une omission ; dans le premier cas, l'auteur viole positivement son devoir, par exemple en maltraitant le mineur ou en l'exploitant par un travail excessif ou épuisant ; dans le second cas, l'auteur manque passivement à son obligation, par exemple en abandonnant l'enfant, en négligeant de lui donner des soins ou en ne prenant pas, face à un danger, les mesures de sécurité qui s'imposent. Il faut encore, sur le plan objectif, que la violation du devoir d'assistance ou d'éducation ou le manquement à ce devoir ait eu pour effet de mettre en danger le développement physique ou psychique du mineur (ATF 125 IV 64 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1220/2020 du 1er juillet 2021 consid. 1.2). L'infraction réprimée par l'art. 219 CP est un délit de mise en danger concrète ; il n'est donc pas nécessaire que le comportement de l'auteur aboutisse à un résultat, c'est-à-dire à une atteinte à l'intégrité corporelle ou psychique du mineur ; la simple possibilité abstraite d'une atteinte ne suffit cependant pas ; il faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 consid. 1b et l'arrêt cité ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_586/2021 du 26 janvier 2022 consid. 1.2 ; 6B_138/2021 du 23 septembre 2021 consid. 1.4.2).

En pratique, il sera souvent difficile de déterminer quand il y aura un risque pour le développement du mineur. Il sera en particulier difficile de distinguer les atteintes qui devront relever de l'art. 219 CP des traumatismes qui font partie de la vie de tout enfant. Vu l'imprécision de la disposition, la doctrine recommande de l'interpréter de manière restrictive et d'en limiter l'application aux cas manifestes. Des séquelles durables, d'ordre physique ou psychique, devront apparaître vraisemblables, de telle sorte que le développement du mineur sera mis en danger. Pour provoquer un tel résultat, il faudra normalement que l'auteur agisse de façon répétée ou viole durablement son devoir ; une transgression du droit de punir de peu d'importance ne saurait déjà tomber sous le coup de l'art. 219 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1199/2022 du 28 août 2023 consid. 3.1.3 ; 6B_457/2013 du 29 octobre 2013 consid. 2).

4.3. L'art. 12 al. 3 CP décrit la négligence comme la commission, par une imprévoyance coupable, d'un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.

Deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence. En premier lieu, il faut que l'auteur viole les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires. Un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui. Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si une personne raisonnable, dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur, aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable. Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles analogues émanant d'associations spécialisées sont généralement reconnues, leur violation fait présumer la violation du devoir général de prudence
(ATF 145 IV 154 consid. 2.1). La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (ATF 135 IV 56 consid. 2.1). L'attention et la diligence requises sont d'autant plus élevées que le degré de spécialisation de l'auteur est important (ATF 138 IV 124 consid. 4.4.5 et 136 IV 76 consid. 2.3.1).

En second lieu, pour qu'il y ait négligence, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reprocher à l'auteur une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 145 IV 154 consid. 2.1).

4.4. Aux termes de l'art. 11 CP, un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir (al. 1). Reste passif en violation d'une obligation d'agir celui qui n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu de la loi, d'un contrat, d'une communauté de risques librement consentie ou de la création d'un risque (al. 2). Celui qui reste passif en violation d'une obligation d'agir n'est punissable à raison de l'infraction considérée que si, compte tenu des circonstances, il encourt le même reproche que s'il avait commis cette infraction par un comportement actif (al. 3). Le juge peut atténuer la peine (al. 4).

N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut qu'elle ait découlé d'une position de garant, c'est-à-dire que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (ATF 141 IV 249 consid. 1.1).

La distinction entre une infraction de commission et une infraction d'omission improprement dite (commission par omission) n'est pas toujours aisée et l'on peut souvent se demander s'il faut reprocher à l'auteur d'avoir agi comme il ne devait pas le faire ou d'avoir omis d'agir comme il le devait. Dans les cas limites, il faut s'inspirer du principe de la subsidiarité et retenir un délit de commission dès que l'on peut imputer à l'auteur un comportement actif (ATF 129 IV 119 consid. 2.2). Le manque de diligence est un élément constitutif de la négligence et non une omission au sens d'un délit d'omission improprement dit. Si une activité dangereuse est entreprise sans prendre les mesures de sécurité suffisantes, il y a lieu, en principe, de considérer un comportement actif. En pareille hypothèse, l'élément déterminant ne réside pas dans l'omission des mesures de sécurité en tant que telle, mais dans le fait d'accomplir l'activité en cause sans les observer (arrêt du Tribunal fédéral 6B_64/2023 du 14 juillet 2023 consid. 1.1.2).

4.5. Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non, c'est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit ou du moins pas de la même manière (ATF 139 V 176 consid. 8.4.1). Le rapport de causalité est qualifié d'adéquat lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3). La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe en effet que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145 consid. 5.2 p. 148).

Il y a toutefois rupture du lien de causalité si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.2)

Pour examiner le lien de causalité dans le cas d'une violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèse et se demander si l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s'est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.1). L'existence de cette causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance ; autrement dit, elle n'est réalisée que lorsque l'acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat (ATF 116 IV 182 consid. 4a). La causalité adéquate est ainsi exclue lorsque l'acte attendu n'aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu'il serait simplement possible qu'il l'eût empêché (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1333/2022 du 2 octobre 2023 consid. 2.2.4).

4.6. À teneur de l'art. 306 al. 2 CC, si les père et mère sont empêchés d'agir ou si, dans une affaire, leurs intérêts entrent en conflit avec ceux de l'enfant, l'autorité de protection de l'enfant nomme un curateur ou prend elle-même les mesures nécessaires.

Il incombe au curateur de veiller à ce que la personne sous curatelle bénéficie de l'hébergement, des soins et de l'encadrement qui lui sont nécessaires. Même si la prise en charge personnelle est déléguée dans une large mesure à une institution, le curateur doit impérativement maintenir des contacts personnels périodiques avec la personne suivie et avec le personnel soignant (P. PICHONNAZ / B. FOËX / C. FOUNTOULAKIS (éds), Commentaire romand : Code civil I, 2ème éd., Bâle 2023, n. 11 ad art. 406 CC). Ces principes sont applicables au droit de la protection de l'enfant (A. LEUBA / M. STETTLER / A. BÜCHLER / C. HÄFELI (éds), Protection de l'adulte, 2013, Berne, n. 2 ad art. 406 CC).

4.7. En l'espèce, les recourants visent trois personnes : Q______, curatrice, AF_____, directrice du foyer G______, et le "Chef du SASLP", qui reste anonyme. Il s'agit donc de traiter les griefs soulevés en lien avec chacune de ces personnes.

4.8. Concernant Q______, elle revêtait, selon les recourants, une position de garante de D______, pour le moins tant qu'il était mineur. Or, elle avait attendu neuf mois après sa nomination pour prendre contact avec son protégé, le recevoir et évaluer ses besoins. Elle avait en outre failli à ses devoirs en laissant le jeune homme être hébergé au foyer G______, alors que ce lieu d'hébergement n'était pas autorisé et ne remplissait pas les conditions pour l'être. Malgré les déboires rencontrés par le jeune homme et les alertes lancées par les spécialistes, elle n'avait pas pris la décision de le déplacer. Elle ne lui avait donc pas fourni la protection nécessaire, notamment en lien avec les bagarres survenues avec les agents de sécurité. Ainsi, elle ne l'avait pas protégé des maltraitances et de la dépendance au cannabis, ni assuré ses besoins vitaux.

En premier lieu, il est constant que la curatrice revêtait envers le mineur, vu l'incapacité de ses parents d'agir pour lui, la qualité de garante, dans les limites de sa mission et de la loi. Il lui incombait, ainsi que l'affirment les recourants à juste titre, de s'assurer que son protégé recevait les soins nécessaires et était hébergé correctement.

La prise en charge concrète du mineur était cependant déléguée à la structure du foyer G______, par conséquent à de multiples intervenants exerçant dans plusieurs disciplines. Il s'ensuit que la curatrice ne peut être tenue directement responsable de tous les faits qui se sont déroulés à cet endroit. De plus, les possibilités de relogement étaient excessivement restreintes à l'époque, comme en témoigne l'audit de la Cour des comptes rendu à la période où D______ était résident dudit foyer. En effet, comme l'attestent les magistrats de la Cour des comptes, il n'existait tout simplement pas de solutions alternatives pour des jeunes migrants atteints de pathologies somatiques ou psychiques. Quoi qu'en disent les recourants, l'affirmation de la curatrice selon laquelle le jeune homme avait refusé d'accepter la recherche d'une solution alternative, car il ne voulait pas quitter ses amis, apparaît crédible, en l'absence de tout élément contraire. Le fait que D______ ait souhaité, selon l'un de ses camarades d'alors, entendu comme témoin, être relogé dans un appartement, n'est pas contradictoire. Il est plausible que D______ ait souhaité être relogé ailleurs, mais en compagnie de ses amis, ce qui n'était pas possible. Ainsi, quoiqu'inadéquat, le foyer G______ apparaissait comme le seul lieu apte à loger des migrants non-accompagnés mineurs à cette époque, vu leur nombre, de sorte qu'il ne saurait être reproché à la curatrice de n'avoir pas relogé D______ ailleurs. En tout état, il serait excessif de poursuivre pénalement la curatrice pour des circonstances sur lesquelles elle n'avait aucune prise.

Dans le même ordre, les liens qu'entretenaient la curatrice avec son protégé étaient soumis aux contraintes de la surcharge de travail subie par les collaborateurs du SPMi en lien avec l'afflux de jeunes migrants, comme l'atteste ici encore la Cour des comptes. Celle-ci a en effet souligné cette surcharge : il n'était pas possible d'organiser un premier entretien avant plusieurs mois (jusqu'à neuf mois, comme ce fut le cas de D______). De plus, de nombreux éducateurs étaient présents au foyer et la prise en charge quotidienne des jeunes migrants leur était déléguée. D'ailleurs, comme l'ont attesté les éducateurs en question, D______ bénéficiait d'une prise en charge renforcée. Il s'ensuit que, dans une telle configuration, il ne saurait être retenu que la curatrice aurait failli à ses devoirs au point de mettre concrètement le développement du jeune homme en danger, pour ne l'avoir rencontré que de manière irrégulière.

Les recourants reviennent longuement sur les diverses altercations survenues entre les agents de sécurité et les jeunes résidents au foyer G______, parmi lesquels D______. Cette problématique révèle le caractère inextricable des difficultés rencontrées dans l'accueil des jeunes migrants dans le canton de Genève. Comme s'en plaignait D______, il existait de grandes difficultés à faire régner l'ordre dans le foyer. En effet, les jeunes occupants, marqués par leurs parcours individuels précédant leur entrée en Suisse, pouvaient se montrer violents, par exemple lorsqu'il leur arrivait de consommer de l'alcool ou des stupéfiants. Dans le même temps, ces jeunes âgés de plus de quinze ans et aspirant à de l'indépendance, ne pouvaient être surveillés en permanence – et ne le souhaitaient d'ailleurs pas – : cela est prouvé par leur ressentiment contre les conditions jugées trop strictes de leur hébergement. Enfin, les caractères propres à chacun pouvaient encore compliquer ce tableau, par exemple dans le cas de D______ qui se montrait "interprétatif" face aux comportements de tiers et avait une propension à se bagarrer (y compris dans la rue ou à l'école) pour "prendre des coups". Dès lors, s'il est constant que des violences ont éclaté entre les résidents et les agents de sécurité, ces violences ne sont pas imputables à la curatrice : il serait excessif de prétendre qu'elle pouvait mettre fin à cette situation ou qu'elle supportait l'obligation de le faire, voire qu'elle devait assumer les comportements des agents.

Dans ce cadre, les recourants font grief à la curatrice d'avoir découragé le mineur à déposer plainte lorsque ces bagarres ont éclaté. Il peut d'emblée être retenu que l'absence d'une plainte déposée par le mineur n'est pas un acte de nature à mettre en danger son développement au sens de l'art. 219 CP. Il sera précisé que le jeune homme était âgé de plus de seize ans dans la période considérée et qu'il a été entendu plusieurs fois par la police et par des médecins, sans avoir jamais exprimé de volonté de déposer plainte pénale. Au contraire, il a plutôt déclaré à son psychiatre d'alors, ce qui corrobore les dires de la curatrice, qu'il souhaitait mettre fin "à cette histoire", soit à la procédure pénale liée à une bagarre. Certes, il a pu exprimer à ses camarades, comme ceux-ci l'ont attesté, son souhait de former une plainte, mais rien dans le dossier ne permet de retenir qu'il aurait exprimé ce souhait à un adulte qui avait la charge de veiller sur lui. Le fait pour la curatrice de lui avoir, par hypothèse, conseillé de ne pas le faire ne relève pas du droit pénal.

Les recourants omettent, lorsqu'ils reprochent à la curatrice de n'avoir pas correctement pris soin de leur proche, que celui-ci a été suivi de manière étroite par des spécialistes, tant en lien avec sa dépendance (suivi à la fondation AA_____), qu'avec sa santé en général (nombreuses consultations médicales) et sa santé mentale plus particulièrement (suivi au centre de consultation spécialisé pour les jeunes en souffrance des HUG, hospitalisations à AD_____, suivi psychiatrique ambulatoire). La curatrice pouvait légitimement s'en remettre à l'avis des médecins, par exemple, lorsque ceux-ci ont mis fin aux hospitalisations à AD_____, après stabilisation de l'état de santé de son protégé. Il ne ressort pas du dossier que les éducateurs ou l'adolescent auraient signalé des problèmes médicaux et que ceux auraient été ignorés par l'intéressée.

Enfin, la position de garante de la curatrice a pris fin avec l'accession à la majorité par son protégé, le ______ 2018, de sorte que les événements survenus dans les derniers mois de sa vie ne lui sont pas imputables.

Ainsi, la curatrice ne peut être mise en cause pour avoir failli dans les tâches qui lui étaient confiées, même au titre d'une omission par négligence. En effet, au vu de la situation personnelle de son protégé et des conditions d'accueil concrètement à disposition, elle a agi conformément à sa mission ou, à tout le moins, sans mettre en danger le développement du mineur dont elle assurait le suivi.

4.9. La Directrice du foyer G______ devrait, selon les recourants, être assimilée à un "parent nourricier" de D______. Elle avait durablement accueilli des jeunes gens dans un foyer qui ne respectait pas les conditions requises. Ses manquements étaient assimilables à ceux décrits ci-dessus au sujet de la curatrice de D______. Enfin, le "Chef du SASLP" revêtait une position de garant similaire.

S'agissant de ces deux personnes, les recourants entendent en réalité leur faire supporter de manière causale la responsabilité des conditions globales d'accueil des mineurs non-accompagnés au foyer G______.

La recevabilité du recours sous cet angle est donc douteuse. Quoi qu'il en soit, le recours devrait de toute manière être rejeté, pour les raisons qui suivent.

En effet, pour être lésés et donc disposer de la qualité pour recourir, les recourants, par l'entremise de leur proche décédé, devraient être touchés directement dans leurs intérêts particuliers, sans pouvoir faire valoir des intérêts collectifs (parmi plusieurs, arrêt du Tribunal fédéral 7B_75/2023 du 10 décembre 2024 consid. 1.5.1). Or, ici, comme l'atteste l'écriture de recours qui se réfère à "des dizaines d'enfants" ou "des centaines de mineurs", les recourants visent l'encadrement général des jeunes migrants au foyer G______. Or, il leur aurait fallu, au contraire, souligner en quoi précisément cet encadrement était problématique pour D______. Ainsi, les recourants invoquent par exemple les questions d'hygiène corporelle, dont rien au dossier ne permet de retenir qu'elles auraient posé un problème à D______. Il s'ensuit que les recourants s'en prennent aux prestations fournies par le foyer G______ dans son ensemble et à tous les résidents. Ils démontrent par là une volonté de défendre un intérêt collectif et non pas individuel et de faire le procès de l'accueil de ces jeunes en général. Ainsi, la recevabilité sous cet angle est douteuse, faute de poursuivre un intérêt particulier.

En tout état, une infraction à l'art. 219 CP n'entre pas en considération.

La question de savoir si les deux personnes précitées avaient une position de garant envers D______ peut être laissée ouverte. En effet, elles n'ont pas violé, même par omission, leurs devoirs. Comme l'a constaté le Ministère public, sans être remis en cause sur ce point par les recourants, le foyer G______ a été affecté, sur décision des autorités compétentes, à l'accueil des migrants mineurs non accompagnés. Il s'ensuit que la Directrice du centre de même que le "Chef du SASLP" ou toute autre personne située dans la ligne hiérarchique ne peut pas être tenue responsable des défaillances éventuelles dans l'accueil de ces mineurs, car cela reviendrait à mettre en cause pénalement l'État, qui n'est pas sujet de droit pénal, ou à faire supporter à des individus les conséquences d'une activité étatique sur laquelle ils n'ont pas prise. La responsabilité de l'État ne peut être engagée que par des poursuites de nature civile (art. 6 et 7 de la loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes – LREC). Rien ne permet de retenir, et les recourants ne le prétendent pas, qu'il aurait été possible aux mis en cause de perfectionner l'accueil des mineurs avec les ressources dont ils disposaient. En l'absence de moyens mis à disposition par l'État, que ce soit en termes de terrains, de locaux ou de ressources humaines, il est exclu de faire supporter une responsabilité pénale individuelle à ces personnes.

D'ailleurs, lors de l'instruction, ces deux personnes n'ont jamais été appréhendées comme pénalement responsables d'une quelconque infraction commise au préjudice de D______. Elles n'ont d'ailleurs pas même été entendues ; les réquisitions de preuve les visant ont été formulées après l'avis de prochaine clôture seulement. C'est donc, pour ainsi dire, "par défaut" que les recourants entendent les mettre en accusation et les faire condamner.

Or, il n'existe pas le moindre indice d'un comportement répréhensible qu'elles auraient commis dans leur activité.

Les griefs des recourants seront rejetés.

5. Les recourants font grief aux mêmes personnes d'avoir causé, par négligence, la mort de leur proche ou des lésions corporelles à celui-ci.

5.1. L'art. 117 CP prévoit que quiconque, par négligence, cause la mort d'une personne est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

5.2. L'art. 125 CP réprime, sur plainte, le comportement de quiconque, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé (al. 1). Si la lésion est grave, l'auteur est poursuivi d'office (al. 2).

5.3. En l'espèce, D______ était majeur au moment de son suicide.

Il est erroné de soutenir que les personnes visées par les recourants auraient eu, sous cet angle, une position de garant envers lui. Ni l'ex-curatrice (la curatelle ayant été levée lorsqu'il a accédé à la majorité), ni la directrice du foyer, ni le "Chef du SASLP" ne supportaient d'obligation de préserver la vie de ce jeune adulte contre lui-même. N'étant même pas présents sur les lieux au moment fatidique, l'on ne discerne pas comment ils auraient pu empêcher le geste désespéré.

En tout état, les griefs des recourants tombent à faux, étant relevé que leur proche était suivi régulièrement par un psychiatre et un infirmier. Rien ne permet de retenir que le suicide aurait été causé par des comportements des personnes susmentionnées ou une abstention de leur part. Les arguments contraires des recourants s'apparentent à des hypothèses qui ne reposent sur aucun élément tangible, ni sur des moyens de preuves qui auraient été administrés ou qui pourraient l'être.

Il s'ensuit que la commission d'une infraction aux art. 117 et 125 CP est exclue.

6. Les recourants soulèvent encore une infraction d'exposition.

6.1. L'art. 127 CP réprime, du chef d'exposition, quiconque, ayant la garde d'une personne hors d'état de se protéger elle-même ou le devoir de veiller sur elle, l'expose à un danger de mort ou à un danger grave et imminent pour la santé ou l'abandonne en un tel danger.

À teneur de l'art. 127 CP, est punissable celui qui, ayant la garde d'une personne hors d'état de se protéger elle-même ou le devoir de veiller sur elle, l'aura exposée à un danger de mort ou à un danger grave et imminent pour la santé, ou l'aura abandonnée en un tel danger.

Cette disposition suppose l'existence d'un lien de causalité entre le comportement de l'auteur, lequel doit se trouver dans une position de garant face au lésé, et la mise en danger. La victime doit être hors d'état de se protéger ; est visé le cas d'une personne qui, dans une situation concrète, n'est pas elle-même en mesure de sauvegarder ou de retrouver son intégrité corporelle ou sa santé, en raison de diverses circonstances, telles que le jeune âge, l'infirmité, la maladie ou l'ivresse (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1098/2017 du 5 avril 2018 consid. 4.3 et 6B_473/2016 du 22 juin 2017 consid. 1.2.1 ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 6 et 13 ad art. 127).

Dans le cas d'un suicide, l'application de l'art. 127 CP ne peut être envisagée que si la victime est incapable de se protéger elle-même, c'est-à-dire que, dans une situation concrète, celle-ci n'est pas elle-même en mesure de sauvegarder ou de retrouver son intégrité corporelle ou sa santé, en raison de diverses circonstances telles que, notamment, l'infirmité ou la maladie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1098/2017 du 5 avril 2018 consid. 4.3 et les références citées et 6B_174/2019 du 21 février 2019 consid. 2.5).

6.2. En l'occurrence, D______ était majeur au moment de son suicide. Il n'était pas incapable de se protéger lui-même, car, suivi par un psychiatre et hospitalisé psychiatriquement quelques mois plus tôt, rien ne laissait présager qu'il tenterait de commettre un tel acte. Certes, il avait une tendance à s'automutiler, mais il n'avait exprimé des idées suicidaires que de manière très épisodiques et n'avait jamais tenté de le faire, excluant même plutôt un passage à l'acte pour des motifs religieux.

En tout état, les recourants ne formulent aucun grief concret sur ce point, se contenant de renvoyer à leur argumentation en lien avec les art. 123 et 125 CP, qui a déjà été traitée ci-dessus. Partant, aucune violation de leurs devoirs par les personnes visées par la plainte ne saurait être retenue.

Ainsi, une infraction à l'art. 127 CP n'entre pas en considération.

7. Le Ministère public a conduit une instruction complète comme le démontrent les considérants qui précèdent. Il s'ensuit que les réquisitions de preuve des recourants, dont l'administration ne serait pas en mesure de changer de quelque façon que ce soit les motifs évoqués ci-dessus, seront rejetées.

8. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

9. Les recourants sollicitent l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

9.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 let. a CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite, sur demande, à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a) ; à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

9.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec (arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

9.3. En l'espèce, force est de retenir que le recours était voué à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours ne sont pas remplies.

La demande sera donc rejetée.

10. Les recourants, qui succombent, supporteront solidairement les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), compte tenu de leur situation personnelle.

Le refus d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite est, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______, B______ et C______ solidairement entre eux les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, B______ et C______, soit pour eux, leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges ; Monsieur Zidane DJEBALI, greffier.

 

Le greffier :

Zidane DJEBALI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110) ; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/11762/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

895.00

Total

CHF

1'000.00