Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/133/2025 du 20.02.2025 sur JTPM/64/2025 ( TPM ) , ADMIS
république et | canton de Genève |
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POUVOIR JUDICIAIRE
PM/81/2025 ACPR/133/2025
COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 20 février 2025 |
Entre
A______, actuellement détenu à l'Établissement fermé de la Brenaz, chemin de Favra 10, 1241 Puplinge, agissant en personne,
recourant,
contre la décision rendue le 3 février 2025 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,
et
LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
Vu :
- la demande de libération conditionnelle formulée le 17 janvier 2025 par A______;
- le courrier du Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) du 23 janvier 2025, notifié le 3 février suivant à A______;
- la lettre de A______ du 29 janvier 2025, parvenue au TAPEM le 3 février 2025;
- la lettre de A______ datée du même jour, mais vraisemblablement rédigée et expédiée le 3 février 2024, parvenue au TAPEM le 4 février 2025;
- la décision du 3 février 2025, notifiée le 6 suivant, par laquelle le TAPEM a refusé la libération conditionnelle de A______;
- le courrier envoyé le 6 février 2025 par le TAPEM à A______;
- le recours formé par A______, expédié le 10 février 2025 à la Chambre pénale de recours, contre la décision du TAPEM du 3 février 2025.
Attendu que :
- dans son courrier du 23 janvier 2025, le TAPEM a imparti à A______ des délais aux 28 et 30 janvier 2025 pour solliciter la tenue d'une audience, respectivement transmettre ses éventuelles observations écrites;
- dans sa première lettre du 29 janvier 2025, A______ a indiqué attendre "avec impatience" sa libération conditionnelle, afin de pouvoir se projeter et prendre les meilleures décisions quant à son avenir, ajoutant être resté handicapé suite à un accident survenu en 2011, être depuis lors suivi par les HUG et souhaiter continuer les soins entamés afin de ne pas rester lourdement handicapé;
- dans sa seconde lettre datée du même jour, A______ – après avoir expliqué, preuve à l'appui, n'avoir reçu que le 3 février 2025 la lettre du TAPEM du 23 janvier 2025 lui impartissant des délais aux 28 et 30 suivant – faisait part de son souhait d'"être appelé" lors de la "décision par rapport à [sa] libération conditionnelle", dès lors qu'il avait de nombreuses informations à partager concernant sa situation, sollicitant par ailleurs la désignation de Me B______ en qualité de défenseur d'office;
- dans sa décision querellée du 3 février 2025, le TAPEM relève qu'il "n'a pas ordonné de débats et statuera sur la base du dossier, le cité ayant choisi de se déterminer par écrit";
- dans son courrier du 6 février 2025, le TAPEM a répondu à A______ que la procédure était désormais "close" et "ne [pouvait] être rouverte", au vu du jugement qu'il avait rendu le 3 février 2025, après avoir considéré que celui-ci s'était déterminé dans le cadre de sa première lettre datée du 29 janvier 2025. Il l'informait également que sa demande tendant à la nomination d'un avocat d'office n'aurait de toute façon pas été admise, vu le solde de la peine et l'absence de complexité particulière de la cause;
- dans son recours, A______ se plaint de ne pas avoir pu s'exprimer lors d'une audience et de ne pas s'être vu désigner un défenseur d'office, nonobstant les demandes formulées dans sa demande de libération conditionnelle et dans la lettre qu'il avait adressée le 4 février 2025 au TAPEM, en réponse au courrier de cette autorité du 23 janvier 2025 – qu'il n'avait reçu que le 3 février 2025 – lui impartissant un délai au 30 janvier 2025 pour solliciter la tenue d'une audience ou faire parvenir ses observations. Il trouvait le refus de sa libération conditionnelle sévère et injuste et souhaitait la tenue d'une audience, dans le cadre de la procédure de recours, et qu'un avocat lui fût désigné afin de pouvoir expliquer les raisons de sa demande;
- les deux tiers des peines que A______ exécute actuellement sont intervenus le 26 novembre 2024, la fin des peines étant fixée au 13 juillet 2025.
Considérant que :
- le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 42 al. 3 LaCP cum 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision judiciaire ultérieure indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1463/2017 du 29 mai 2018 consid. 3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1) rendue par le TAPEM (art. 41 al. 1 LaCP), ordonnance sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1; art. 393 al. 1 let. b CPP), et émaner du condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP);
- le droit d'être entendu, garanti par l'art. 3 al. 2 let. c CPP et 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour le justiciable de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1);
- la violation du droit d'être entendu doit entraîner l'annulation de la décision, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 I 187 consid. 2.2; 122 II 464 consid. 4a). Une violation du droit d'être entendu, pour autant qu'elle ne soit pas particulièrement grave, peut être considérée comme réparée lorsque la partie concernée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours disposant d'un pouvoir d'examen complet quant aux faits et au droit. Par ailleurs, même si la violation du droit d'être entendu est grave, une réparation du vice procédural devant l'autorité de recours est également envisageable si le renvoi à l'autorité inférieure constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; ATF 137 I 195 consid 2.3.2 = SJ 2011 I 347 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2; 133 I 201 consid. 2.2);
- aux termes de l'art. 86 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits (al. 1). L’autorité compétente examine d’office si le détenu peut être libéré conditionnellement. Elle demande un rapport à la direction de l’établissement. Le détenu doit être entendu (al. 2);
- en l'espèce, par lettre du 23 janvier 2025, le TAPEM a imparti au recourant des délais aux 28 et 30 janvier 2025 pour solliciter la tenue d'une audience, respectivement transmettre ses éventuelles observations écrites. Or, ce n'est que le 3 février 2025 que le recourant s'est vu notifier ce courrier, si bien qu'on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir répondu au TAPEM dans les délais lui ayant été impartis à cet effet. Au contraire, l'intéressé a immédiatement réagi à réception de cet envoi, sa lettre par laquelle il sollicitait la tenue d'une audience étant parvenue au TAPEM le lendemain, soit le 4 février 2025. C'est dès lors à tort – sans s'être au préalable assuré que le recourant avait été en mesure de se déterminer dans le délai lui ayant été imparti – que cette autorité a considéré que celui-ci avait renoncé à la tenue d'une audience et qu'elle a rendu sa décision sans l'avoir au préalable entendu, en violation de l'art. 86 al. 2 CP;
- la violation du droit d'être entendu qui en découle est trop importante pour être réparée devant l'instance de recours, qui ne tient pas d'audience et procède par écrit (art. 397 al. 1 CPP; ACPR/724/2023 du 20 septembre 2023 consid. 2.4; ATF
134 I 140 consid. 5.3 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 6B_883/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.2);
- si une garantie procédurale n'a pas été respectée, il convient, autant que possible, de remettre la personne lésée dans la situation qui aurait été la sienne si l'exigence en cause n'avait pas été méconnue. Lorsqu'il s'agit d'une violation du droit d'être entendu, comme en l'espèce, la réparation consiste à renvoyer le dossier à l'autorité intimée pour qu'elle rende une nouvelle décision après avoir donné à la personne intéressée l'occasion de s'exprimer (arrêt du Tribunal fédéral 1B_85/2010 du 19 avril 2010 consid. 4.2);
- au vu de ces considérations, le recours sera admis, la décision entreprise annulée et le dossier renvoyé au TAPEM pour qu'il rende, à bref délai, une nouvelle décision après avoir entendu le recourant, conformément à l'art. 86 al. 2 CP, et s'être déterminé sur sa demande tendant à la désignation d'un défenseur d'office;
- au regard de la nature procédurale du vice examiné et dans la mesure où la Chambre de céans n'a pas traité la cause sur le fond, ne préjugeant ainsi pas de l'issue de celle-ci, il pouvait être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures (ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_662/2020 du 18 août 2020 consid. 2 et 6B_30/2020 du 6 avril 2020 consid. 2);
- au vu de l'issue du recours, les frais de l'instance seront laissés à la charge de l’État;
- le recourant plaide en personne, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'indemniser pour le recours.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet le recours.
Annule la décision du TAPEM du 3 février 2025 et renvoie la cause à cette autorité pour qu'elle procède dans le sens des considérants.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.
Le communique, pour information, au Service de la réinsertion et du suivi pénal.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier :
Julien CASEYS |
| La présidente :
Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).