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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2945/2024

ACPR/124/2025 du 17.02.2025 sur OMP/492/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : MOTIVATION DE LA DEMANDE;RESTITUTION DU DÉLAI;EMPÊCHEMENT NON FAUTIF
Normes : CPP.93; CPP.94; CPP.354

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2945/2024 ACPR/124/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 17 février 2025

 

Entre

A______, représentée par Me Fabrice COLUCCIA, avocat, Étude de Me BERSIER, quai Gustave-Ador 4, case postale 3082, 1211 Genève 3,

recourante,

 

l'ordonnance de refus de restitution de délai, rendue le 9 janvier 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 22 janvier 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 janvier 2025, notifiée le 13 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé de lui restituer le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 13 septembre 2024.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance pénale du 13 septembre 2024, le Ministère public a reconnu A______ coupable d'injure (ch. 1 du dispositif), l'a condamnée à une peine pécuniaire de 20 jours-amende, à CHF 130.- le jour, et l'a mise au bénéfice du sursis avec un délai d'épreuve de 3 ans (ch. 2). Il l'a également condamnée à une amende de CHF 300.- pour voies de fait (ch. 3 et 4).

b. L'ordonnance a été envoyée à l'adresse indiquée par A______ lors de son audition par la police, soit à la rue 1______ no. ______, [code postal] Genève.

c. Selon le suivi des envois recommandés de la Poste suisse, le pli a été envoyé le 16 septembre 2024, avisé pour retrait le lendemain et retourné à l'expéditeur le 25 suivant avec la mention "non réclamé".

d. Par lettre recommandée du 7 octobre 2024, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale. Elle affirme ne pas avoir été en mesure de retirer l'envoi.

e. Par ordonnance sur opposition tardive du 15 octobre 2024, le Ministère public a transmis la procédure au Tribunal de police.

f. Par ordonnance du 28 octobre 2024, le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté de l'opposition à l'ordonnance pénale, laquelle était donc assimilée à un jugement entré en force. Il a renvoyé la cause au Ministère public pour qu'il statue sur une éventuelle restitution de délai.

g. Par courrier du 1er novembre 2024, A______ a formé une requête en restitution du délai d'opposition.

Elle se trouvait à l'étranger lors de la notification de l'ordonnance pénale et l'affaire datait de plusieurs mois. Lors de son retour à son domicile, le 3 octobre 2024, elle avait trouvé un avis de retrait. Le lendemain [soit le dernier jour du délai d'opposition] elle avait contacté le Ministère public et s'était rendue le lendemain au greffe pour récupérer une copie du pli qui lui avait été adressé. Elle avait alors appris qu'il s'agissait d'une ordonnance pénale, mais le collaborateur du Ministère public qui l'avait reçue avait refusé de lui en remettre une copie. Elle avait ainsi été empêchée de former opposition sans sa faute.

À l'appui, elle a produit une photographie d'une affiche officielle du Pouvoir judiciaire concernant le Bureau de médiation, ainsi qu'une photographie d'un avis de retrait.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public relève que l'ordonnance pénale était réputée avoir été notifiée à A______ le 24 septembre 2024, soit à l'issue du délai de garde postal de sept jours. Le délai pour la contester était arrivé à échéance le 4 octobre 2024, de sorte que l'opposition formée le 7 suivant était tardive, ce qu'avait constaté le Tribunal de police.

Les conditions d'une restitution de délai pour former opposition n'étaient pas réalisées. A______ avait pris connaissance, selon ses propres dires, le 4 octobre 2024 que le document qui lui avait été adressé par pli recommandé était une ordonnance pénale du Ministère public. Elle aurait ainsi pu former opposition par une simple mention au greffe lors de son passage dans les locaux du Ministère public ou par pli recommandé du même jour. Elle avait dès lors été en mesure de respecter le délai d'opposition et n'avait, au demeurant, aucunement démontré avoir été absente de Suisse jusqu'au 3 octobre 2024.

D. a. Dans son recours, A______ explique être rentrée à Genève le 29 septembre 2024 et, étant enceinte, avoir dû séjourner durant quelques jours chez son conjoint pour qu'il l'assiste. Elle n'avait ainsi pu prendre connaissance de l'avis de retrait que le 3 octobre 2024 et de l'existence de l'ordonnance que le lendemain, lorsqu'elle s'était rendue dans les locaux du Ministère public. De nationalité américaine, elle méconnaissait le système juridique suisse et n'avait pas pu faire opposition puisque, n'ayant pas pris connaissance de l'ordonnance pénale, elle n'était pas informée de cette possibilité – inscrite au pied du document dont l'accès lui avait été injustement refusé.

Le Ministère public avait constaté les faits de manière erronée et en avait fait une mauvaise appréciation en estimant qu'elle aurait pu respecter le délai légal. Il n'avait en effet pas tenu compte de sa situation particulière, soit qu'elle se trouvait à l'étranger lors de la notification de l'ordonnance pénale portant sur une affaire datant de plusieurs mois, qu'elle était de nationalité américaine et qu'il ne pouvait être attendu d'elle connaisse les délais légaux.

Par ailleurs, elle avait agi conformément à l'art. 94 al. 1 CPP et avait fait preuve de bonne foi et de diligence en s'adressant au Ministère public dès son retour en Suisse.

b. Par pli du 29 janvier 2024 (recte: 2025) elle a spontanément complété son recours et joint quelques pièces.

EN DROIT :

1.        1.1 Le recours daté du 22 janvier 2025 est recevable pour avoir été déposé selon la forme dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La motivation d'un acte de recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même, qui ne saurait dès lors être complétée ou corrigée ultérieurement (arrêts du Tribunal fédéral 7B_57/2022 du 27 mars 2024 consid. 7.3.1 ; 5A_357/2019 du 27 août 2021 consid. 4.1 ; 6B_510/2020 du 15 septembre 2020 consid. 2.2 ; 6B_120/2016 du 20 juin 2016 consid. 3.1 ; 1B_363/2014 du 7 janvier 2015 consid. 2.1).

Par conséquent, adressé postérieurement à l'échéance du délai de recours et en dehors de tout échange d'écritures ordonné par la direction de la procédure, le complément de recours adressé le 29 janvier 2025 par la recourante est irrecevable, tout comme les pièces déposées en même temps.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante se prévaut d’une constatation inexacte de certains faits par le Ministère public.

Dès lors que la juridiction de recours jouit d'un plein pouvoir de cognition (art. 393 al. 2 let. b CPP), d'éventuelles inexactitudes entachant la décision querellée auront été corrigées dans l’état de fait établi ci-avant.

Partant, le grief sera rejeté.

4.             La recourante conteste le refus de restitution de délai.

4.1.  Une partie est défaillante si elle n'accomplit pas un acte de procédure à temps (art. 93 CPP).

4.2.  Selon l'art. 94 al. 1 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part.

La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3 et 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute (arrêt du Tribunal fédéral 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1).

Par empêchement non fautif, il faut comprendre toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d’agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014). Il s'agit non seulement de l’impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l’erreur (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 94 CPP).

4.3.  En l'espèce, la recourante affirme avoir été empêchée d'agir dans le délai légal de dix jours (art. 354 al. 1 CPP) pour n'avoir pas eu connaissance de l'ordonnance pénale. Elle prétend s'être trouvée aux États-Unis lorsque cette décision lui avait été notifiée et avoir dû, à son retour, séjourner chez son conjoint car, étant enceinte, elle avait besoin de soins et d'assistance.

Or, la question n'est pas de savoir si elle pouvait et devait s'attendre à une notification officielle durant son absence à l'étranger, mais si – pendant le délai d'opposition déclenché par le délai de garde – elle a été en mesure d'identifier l'objet de la notification et de s'y opposer.

La recourante allègue avoir appris l'existence d'un pli recommandé provenant du Ministère public le 3 octobre 2024 au moyen de l'avis de retrait et s'être rendue le lendemain au greffe de cette autorité pour en connaître le contenu. Elle était donc de retour en Suisse ce jour-là au plus tard – voire, selon l'acte de recours, le 29 septembre 2024 déjà – et son état de grossesse ne l'a pas empêchée de se rendre au Ministère public le lendemain. À cette occasion, un collaborateur l'a informée que le pli comportait une ordonnance pénale. Peu importe qu'il ait refusé de lui en remettre une copie, car la recourante a formé opposition le 7 octobre 2024 alors même qu'elle n'en était, selon ses dires, pas non plus en possession. Ainsi, elle connaissait la nature de la décision et la voie de droit à sa disposition en matière d'ordonnance pénale. Par conséquent, rien ne l'empêchait de former opposition immédiatement au Ministère public, le 4 octobre 2024, dernier jour du délai pour ce faire, ce d'autant plus qu'elle se trouvait alors sur place et pouvait agir, sans avoir à motiver sa décision (art. 354 al. 2 CPP).

Du reste, la recourante ne donne aucune explication sur l'écoulement des trois jours qui séparent encore son déplacement au Ministère public et l'envoi de sa lettre d'opposition.

Ainsi, c'est à juste titre que le Ministère public a retenu que la recourante aurait pu former opposition dans le délai.

Ainsi, faute d'avoir été empêchée, en raison d'un évènement l'ayant objectivement ou subjectivement mise dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, de former opposition à l'ordonnance pénale dans le délai légal, elle ne saurait bénéficier d'une quelconque restitution du délai d'opposition.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/2945/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1000.00