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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23593/2024

ACPR/943/2024 du 13.12.2024 sur OTMC/3534/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;PROPORTIONNALITÉ;RISQUE DE COLLUSION;RISQUE DE RÉCIDIVE;CASIER JUDICIAIRE;RADIATION(EFFACEMENT)
Normes : CPP.221; CPP.197; CPP.212; CP.369; LCJ.34

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23593/2024 ACPR/943/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 13 décembre 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par Me B______, avocate,

recourant

 

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 19 novembre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 2 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 novembre 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 21 décembre 2024.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance précitée; principalement, à sa mise en liberté avec effet au 21 novembre 2024; subsidiairement à sa mise en liberté immédiate; plus subsidiairement, à sa mise en liberté avec effet au 5 décembre 2024; encore plus subsidiairement, au prononcé de mesures de substitution, qu'il énumère, en lieu et place de sa détention provisoire. Il sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours, une indemnité en CHF 2'020.- (hors taxe) pour son défenseur d'office et une indemnisation de son tort moral pour la détention subie à tort.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, ressortissant suisse, né le ______ 1985, est père de deux enfants, C______ (né le ______ 2020) et D______ (né le ______ 2022). Il a été arrêté le 10 octobre 2024 et placé en détention provisoire le 13 suivant jusqu'au 21 novembre 2024.

b. Il est prévenu de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 2 al. 2 CP) et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP) pour avoir, à Genève, depuis une date indéterminée, régulièrement été violent avec son fils C______ lui causant de nombreuses ecchymoses et cicatrices sur le corps.

Il est également prévenu de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) pour avoir régulièrement consommé du haschich et été retrouvé en possession de 4.5 grammes de cette substance lors de son interpellation le 10 octobre 2024.

c. Selon le rapport de renseignements du 11 octobre 2024, le Service de protection des mineurs (ci-après, SPMi) a adressé une dénonciation à la police le 10 octobre 2024 concernant C______. Lors d'une visite chez le pédiatre, le 30 septembre 2024, ce dernier avait constaté des lésions sur le corps de l'enfant. A______ s'était montré étonné mais avait refusé d'investiguer davantage sur le moment. En fin de journée, lorsque A______ était allé récupérer son fils au parascolaire, un membre de ce service lui avait dit avoir constaté des marques sur C______, notamment sur les deux oreilles, le bras gauche et le dos. Suite à l'insistance du pédiatre, A______ s'était rendu le soir même aux urgences, où des photographies avaient été prises et un constat médical effectué.

A______ est connu des services de police pour deux affaires, survenues l'une en 2006 (contrainte sexuelle et agression), l'autre en 2007 (contrainte sexuelle et empêchement d'accomplir un acte officiel). Il apparait également comme prévenu dans des affaires de violences domestiques en 2015 et 2024.

C______ a expliqué au pédiatre que son père pouvait entrer dans des colères, lui tirer la tête et les oreilles mais qu'il n'était toutefois pas autorisé à en dire plus.

d. Le constat médical effectué par les HUG sur C______ le 2 octobre 2024 met en évidence divers lésions croûteuses et hématomes au niveau des membres inférieurs, de la fesse droite, du dos, du coude gauche, des oreilles, du front et du cuir chevelu, lesquels sont attestées par diverses photographies.

e. Entendu le 10 octobre 2024 en audition EVIG, C______ a déclaré que son père ne voulait pas qu'il se rendît aux urgences. Il jouait à la bagarre avec son père, qui avait beaucoup de force et "gagnait". Son père l'avait puni à plusieurs reprises en lui donnant une grosse fessée et en le tirant, ce qui lui avait fait très mal. Il l'avait également tapé à plusieurs reprises avec des chaises, ce qui lui avait fait très mal sur tout le corps. Il avait également fait mal à plusieurs reprises à son frère D______.

f. Lors de la perquisition du domicile de A______, survenue le 10 octobre 2024, la police a saisi 4.5 grammes de haschich, un ordinateur portable et deux téléphones portables.

g. Entendu par la police et le Ministère public le 11 octobre 2024, A______ a contesté être à l'origine des lésions constatées sur le corps de C______, ne parvenant pas à les expliquer. Il n'avait jamais frappé ses enfants, même s'il admettait leur avoir parfois donné des fessées ou encore leur avoir tiré les oreilles lorsqu'il était fâché. Il lui arrivait de consommer parfois du haschich et du Xanax.

h. Le 15 octobre 2024, le Ministère public a ordonné l'établissement de constats de lésions traumatiques sur les enfants D______ et C______.

i. Contactée par le Ministère public le 14 novembre 2024, la Dre E______ lui a indiqué oralement avoir constaté, lors de l'examen effectué sur C______, la présence de nombreuses ecchymoses au niveau des bras, oreilles, tête, dos, fesses, front de même que des cicatrices au niveau du thorax et du dos, ces diverses lésions et cicatrices étant évocatrices de maltraitance. Des frottis et prises de sang avaient été réalisés en vue de possibles analyses.

j. Le Ministère public a requis et obtenu du SPMi la production du dossier des enfants C______ et D______.

k. Le 16 octobre 2024, statuant sur mesures provisionnelles, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après, TPAE) a retiré à A______ son droit de garde et de déterminer le lieu de résidence de ses deux enfants, tout en confiant ces derniers à leur grand-mère paternelle, F______, dans l'attente d'un placement ou jusqu'à la sortie de prison de leur père.

l. La police a procédé aux auditions des grands-parents maternels des enfants, de F______, de G______ et de H______. Bien que les procès-verbaux y relatifs n'aient pas encore été versés au dossier à ce stade, le Ministère public a résumé leurs déclarations dans sa demande de prolongation de la détention provisoire.

Lors de leurs auditions, les grands-parents maternels des enfants, F______ et G______ ont en substance déclaré n'avoir jamais constaté de comportements violents de A______ sur ses enfants, ni de marques suspectes sur le corps de ces derniers, si ce n'est les problèmes de boutons de C______. A______ s'occupait très bien de ses enfants.

H______ a expliqué que A______ avait de la peine à gérer sa colère et qu'il criait souvent sur C______. Elle l'avait vu à une occasion, alors qu'il était fâché contre ce dernier, le secouer par le bras. Elle avait gardé les enfants à deux reprises, une première fois peu après la naissance de D______ et une seconde fois lors de la soirée du 29 septembre 2024. A son arrivée, elle avait trouvé la porte palière ouverte. D______ était assis par terre en train de pleurer et elle avait entendu le prévenu crier sur C______, qui avait l'oreille rouge. Plus tard, C______ lui avait montré son dos et elle y avait rapidement aperçu des rougeurs.

Bien que le Ministère public indique dans sa demande de prolongation de la détention provisoire que les auditions de I______ et du frère du prévenu étaient en cours, celles-ci semblent avoir eu lieu dans l'intervalle.

m. Le Ministère public a appointé une audience pour le 16 décembre 2024, afin d'entendre une nouvelle fois A______.

n. S'agissant de sa situation personnelle, A______ indique travailler depuis février 2019 au Service ______ [auprès de] K______ comme chargé d'admission. Il était séparé de la mère de ses enfants et vivait actuellement en couple avec I______.

Aucune condamnation ne figure à l'extrait de son casier judiciaire. Il a toutefois été condamné, le 16 mars 2009, par le Tribunal de police, à une peine privative de liberté de dix mois, avec sursis pendant quatre ans, pour tentative de viol et violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires, jugement confirmé par arrêt de la Cour de justice du 16 novembre 2009, lequel a été versé au dossier.

C.            Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient l'existence de charges suffisantes et graves eu égard à la dénonciation du SPMI, au rapport de la police, aux constatations médicales, à l'audition EVIG de C______ et à celle de H______. Il y avait un risque de collusion à l'égard de C______, de D______, du frère de A______, de I______ et de H______, ainsi que des autres témoins susceptibles de devoir être entendus. Il existait également un risque de réitération au vu de la répétition d'actes de violence reprochés à A______, par ailleurs connu des autorités pour des affaires de contrainte sexuelle et d'agression et condamné en 2009 pour tentative de viol et violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires. Il convenait de contrôler l'ensemble de ses antécédents, sa consommation de stupéfiants n'étant pas rassurante quant à ses comportements futurs. Aucune mesure de substitution n'était apte à pallier les risques précités. Le principe de proportionnalité demeurait respecté et une prolongation de la détention pour une durée d'un mois était justifiée pour obtenir les procès-verbaux d'audition, les rapports de la police, les constats de lésions traumatiques du CURML, les analyses des frottis et des prises de sang réalisés sur C______ et D______, poursuivre l'analyse du matériel électronique saisi, confronter le prévenu à ces éléments et se déterminer sur la suite de la procédure.

D.           a. Dans son recours, A______ considère que son maintien en détention est disproportionné. Il conteste l'existence d'un risque de collusion. L'ensemble des personnes devant être entendues l'avaient déjà été et ne risquaient pas de l'être à nouveau. Il leur avait déjà parlé des lésions sur le corps de C______ et n'avait jamais tenté d'influencer leurs déclarations. A son âge (2 ans), D______ ne pouvait de toute façon être entendu. Une nouvelle audition de C______ était peu probable vu la procédure applicable aux mineurs. Quant au risque de collusion résiduel à l'égard de H______, il pouvait être pallié par une interdiction de contact.

S'agissant du risque de réitération, la crainte des autorités, qu'il partageait au demeurant, apparaissait légitime. Un tel risque existait pour autant qu'il fût l'auteur des violences, ce qu'il contestait. Aucune lésion n'avait été constatée sur D______. Dans la mesure où une procédure était pendante par devant le TPAE et où il ne pourrait voir ses enfants, une fois sorti de prison, que dans un espace protégé et médiatisé, ce risque était parfaitement contenu, ce d'autant qu'il pourrait résider dans l'appartement de son frère, et pourrait, cas échéant, être pallié par une obligation de se conformer aux mesures prises par le TPAE, respectivement par le SPMi, et par la poursuite de son traitement psychologique à sa sortie de détention, voire par un suivi auprès de l'association J______.

Le Ministère public n'avait pas fait preuve de célérité dans son instruction – notamment en ne répondant pas à certaines de ses demandes ou en tardant à requérir le dossier du SPMi –, malgré le délai de six semaines imparti par le TMC. Les actes d'instruction évoqués à l'appui de la demande de prolongation de la détention provisoire avaient déjà été accomplis et le Ministère public n'avait plus qu'à attendre la transmission des renseignements y relatifs. Le fait qu'il dût être confronté à ces éléments ou que l'analyse du matériel électronique fût encore en cours ne justifiait pas son maintien en détention, lequel risquait par ailleurs de lui faire perdre son emploi et de le désocialiser.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre remarque.

c. Dans ses observations, le Ministère public conclut à la confirmation de l'ordonnance querellée. Il contestait les allégations de A______ selon lesquelles il n'aurait pas fait le nécessaire pour retrouver sa carte bancaire. Ce dernier n'avait pas donné suite à son courrier du 13 novembre 2024 concernant la levée du secret médical des différents pédiatres ayant pris en charge les enfants C______ et D______.

d. A______ persiste et réplique. Ce n'était qu'après plusieurs relances que le Ministère public avait entrepris des démarches en lien avec sa carte bancaire. Il ne s'opposait pas à la levée du secret médical, laquelle pourrait intervenir le lendemain, soit le 6 décembre 2024, lorsque son conseil lui rendrait visite.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne se prononce pas sur les charges pesant à son encontre, lesquelles apparaissent suffisantes et se sont même renforcées au vu des déclarations de H______. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir et il peut être intégralement renvoyé à la motivation adoptée par le premier juge sur ces aspects (art. 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références).

3.             Le recourant conteste l'existence d'un risque de collusion.

3.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2.       En l'espèce, bien que les auditions des grands-parents maternels des enfants, de F______, de G______, de H______, de I______ et du frère du recourant soient déjà intervenues, le Ministère public pourrait être amené à devoir les confronter au recourant, selon ce que ce dernier déclarera lors de la prochaine audience appointée pour le 16 décembre 2024.

Quant aux enfants du recourant, bien que le Ministère public ne le dise pas expressément, il laisse entendre qu'il pourrait être amené à les auditionner, malgré leur jeune âge, que ce soit lors d'une première audition EVIG, s'agissant de D______, ou lors d'une seconde audition EVIG en contradictoire, s'agissant de C______.

Au vu des liens familiaux et des enjeux pour le recourant, il ne peut à ce stade être exclu que ce dernier prenne contact avec elles et tente d'influencer leurs déclarations. Ce risque est particulièrement concret vis-à-vis des enfants du recourant, que ce dernier pourrait chercher à approcher et à rallier à sa cause, quand bien même son droit de visite s'exercerait dans un espace protégé et médiatisé, cas échéant en les menaçant ou en exerçant sur eux des pressions de quelque autre nature que ce soit.

Dans ces conditions, l'interdiction de contact apparaît insuffisante pour pallier ce risque concret de collusion, une telle mesure paraissant en outre particulièrement difficile à contrôler, compte tenu du nombre des personnes potentiellement concernées, et ne permettant pas, à ce stade, de pallier le risque d'atteinte à la recherche de la vérité.

Le risque de collusion pourra donc être confirmé. Il appartiendra toutefois au Ministère public de se déterminer rapidement sur la suite de la procédure, plus particulièrement s'agissant de l'audition éventuelle des enfants, et de confronter le prévenu à l'une et/ou l'autre des autres personnes sus-évoquées, le cas échéant en procédant promptement aux auditions.

4.             Le recourant estime que les conditions pour un risque de réitération ne sont pas retenues.

4.1.       L'art. 221 al. 1 let. c CPP, relatif au risque de récidive, dans sa nouvelle teneur au 1er janvier 2024 (RO 2023 468), présuppose désormais que l'auteur compromette sérieusement et de manière imminente la sécurité d'autrui en commettant des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.

Selon la jurisprudence relative à l'art. 221 al. 1 let. c aCPP (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881]) – transposable au nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 7B_155/2024 du 5 mars 2024, destiné à la publication, consid. 3.1 s.) –, trois éléments doivent être réalisés pour admettre le risque de récidive : en premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre, et il doit s'agir de crimes ou de délits graves; deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise; troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre (ATF 146 IV 136 consid. 2.2; 143 IV 9 consid. 2.5).

Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4).

4.2.       Le nouvel art. 221 al. 1bis CPP prévoit pour sa part que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut exceptionnellement être ordonnée si le prévenu est fortement soupçonné d'avoir porté gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui en commettant un crime ou un délit grave et s'il y a un danger sérieux et imminent qu'il commette un crime grave du même genre (cf. arrêts du Tribunal fédéral 7B_155/2024 susmentionné, consid. 3.2 et 7B_1025/2023 du 23 janvier 2024 consid. 3.2).

Comme il est renoncé à toute infraction préalable (seul indice fiable permettant d'établir un pronostic légal), il semble justifié de restreindre les infractions soupçonnées aux crimes et délits graves contre des biens juridiques particulièrement importants (par ex., la vie, l'intégrité physique ou l'intégrité sexuelle). L'exigence supplémentaire de l'atteinte grave a pour objectif de garantir que lors de l'examen de la mise en détention, on prendra en considération non seulement les peines encourues, mais aussi les circonstances de chaque cas. Ces restrictions sont de plus requises en ce qui concerne le risque de crime grave du même genre. En effet, la détention préventive ne paraît justifiée que si le prévenu risque de mettre gravement en danger les biens juridiques des victimes potentielles (comme lorsque le motif de mise en détention est le passage à l'acte). Enfin, ces restrictions ont pour objectif d'exclure que ce motif de mise en détention soit avancé en cas de dommages purement matériels ou de comportements socialement nuisibles (Message du Conseil fédéral du 28 août 2019 [19.048] concernant la modification du Code de procédure pénale – mise en œuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États « Adaptation du code de procédure pénale » –, FF 2019 6351, p. 6395).

4.3.       L'art. 369 aCP régissait l'élimination des inscriptions portées au casier judiciaire suisse jusqu'au 22 janvier 2023 (cf. consid. 3.3. ci-après). Selon son al. 7, 2ème phrase, les jugements éliminés ne pouvaient plus être opposés à la personne concernée. Cette disposition prévoyait ainsi une interdiction d'utiliser les données éliminées du casier judiciaire. Il découlait de la volonté du législateur qu'en raison d'une réhabilitation complète, les jugements éliminés ne pouvaient pas être utilisés à charge de la personne concernée, que ce soit pour fixer la peine ou pour établir un pronostic (arrêt du Tribunal fédéral 6B_631/2021 du 7 février 2022 consid. 3.1.1).

La jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 369 al. 7 aCP a apporté des exceptions à cette interdiction. Ainsi, les experts médicaux peuvent utiliser des informations contenues dans les dossiers de condamnations radiées et plus particulièrement les anciennes expertises. Des condamnations antérieures éliminées du casier judiciaire peuvent ainsi être utilisées pour apprécier la personnalité du prévenu, pour autant qu'elles ne constituent pas le seul critère des traits de personnalité (arrêts du Tribunal fédéral 6B_877/2014 du 5 novembre 2015 consid. 8.4 relatif à la conscience par le délinquant de son problème d'alcool et de violence et 6B_875/2009 du 22 mars 2009 consid. 2.4 concernant la propension à se livrer à des actes sexuels avec des enfants). Il convient dès lors de distinguer le pronostic réel (médical) et le pronostic légal (judiciaire). L'expertise doit clairement indiquer dans quelle mesure les anciens délits sont en rapport avec les nouveaux qui doivent être jugés (connexité) et comment ces éléments qui remontent loin se répercutent encore sur le pronostic médical réel contenu dans l'expertise (pertinence). De cette manière, il est aussi possible de garantir, pour le pronostic judiciaire, que d'éventuels pronostics défavorables ne soient pris en considération que dans la mesure des condamnations inscrites (ATF 135 IV 87 consid. 2.5 p. 92; arrêts du Tribunal fédéral 6B_154/2021 du 17 novembre 2021 consid. 2.1 et 6B_1339/2016 du 23 mars 2017 consid. 1.1.3).

Par ailleurs, dans un arrêt récent rendu en matière d'internement, le Tribunal fédéral a relativisé la distinction entre le pronostic réel et le pronostic légal et admis que le juge peut prendre en considération, pour émettre un pronostic, les condamnations antérieures éliminées du casier judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_589/2021 du 19 novembre 2021 consid. 5.4).

Le 23 janvier 2023 est entrée en vigueur la Loi fédérale sur le casier judiciaire informatique VOSTRA (LCJ ; RS 330) abrogeant les 365 à 371a aCP (RO 2022 600). Cette loi traduit une volonté de réduire la portée du droit à l'oubli (Y.  JEANNERET, Le droit à l'oubli et l'envie de se souvenir, in Cimes et Châtiment: Mélanges en l'honneur du Pr Laurent Moreillon, Berne 2022, p. 209; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, Partie spéciale: art. 111-392 CP, Bâle 2017, N. 4 ad Rem. prél. aux art. 365-371). Les délais d'élimination sont globalement allongés, tandis que certaines condamnations sont maintenues jusqu'à la mort du condamné. Ainsi l'art. 30 al. 2 let. c LCJ dispose que les condamnations à raison d'une liste d'infractions définies – dont l'art. 140 ch. 4 CP – perdurent jusqu'au décès du condamné. Cette réforme marque un rétrécissement du droit à l'oubli par rapport au droit actuel.

Par ailleurs, l'interdiction d'utiliser les données éliminées du casier judiciaire figurant à l'art. 369 al. 7 2ème phrase aCP n'a pas été reprise dans l'art. 34 al. 2 LCJ. Il ressort en effet de son message qu' "[a]près analyse approfondie de la jurisprudence et des résultats de la consultation, le Conseil fédéral renonce à une telle interdiction […]. Le fait qu'un expert ou un juge ait ou non le droit de prendre en considération une peine antérieure éliminée ne devrait pas découler d'une interdiction schématique fondée sur l'expiration d'un délai mais être laissé à la libre appréciation de l'expert médical ou du juge lui-même. La proportionnalité est garantie par le contrôle judiciaire de la décision (obligation de motiver cette dernière et garantie de l'accès au juge). Ce contrôle permet de s'assurer lorsque la sécurité publique entre en jeu, que des décisions objectivement correctes, également défendables sur le plan de la politique criminelle, soient prises. Si le but du futur casier judiciaire est d'offrir, notamment aux autorités de la justice pénale, une source d'informations plus importante et donc un meilleur outil afin non seulement de fixer les peines de manière plus précise mais aussi d'établir des pronostics fondés, une interdiction schématique d'utiliser les données éliminées est difficilement envisageable […]. [Le droit à l'oubli et la réhabilitation] sont préservés principalement par le fait qu'une inscription cesse de figurer sur les extraits du casier judiciaire – notamment l'extrait destiné aux particuliers – au bout d'un certain temps […]. Une interdiction schématique peut par contre empêcher un expert ou un juge qui doit établir un pronostic de procéder à une appréciation objective et appropriée de la situation. Le droit à l'oubli et la réhabilitation sont pris en considération dans la mesure où le lien de connexité et la pertinence de la condamnation antérieure doivent être démontrés minutieusement. Plus une condamnation est ancienne et moins l'infraction est grave, plus la motivation sera soumise à des exigences élevées" (FF 2014 5591).

4.4.       En l'espèce, aucune condamnation n'est inscrite au casier judiciaire du recourant. Il a toutefois été condamné en 2009 pour tentative de viol et violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires, soit des infractions graves impliquant une atteinte à l'intégrité sexuelle, pour l'une, et à l'intégrité corporelle, pour l'autre.

La question de savoir si, au vu de la suppression de l'art. 369 al. 7 aCP et à l'introduction de l'art. 34 LCJ, dont la teneur est différente, on peut encore lui opposer cette condamnation conformément à la jurisprudence sus-rappelée, peut toutefois souffrir de demeurer indécise au vu des considérations ci-après.

Les faits pour lesquels le recourant a été mis en prévention sont graves, s'agissant d'actes de violence dirigés contre un enfant âgé de quatre ans, qui lui ont occasionné des lésions et sont par ailleurs susceptibles d'avoir mis en danger son développement physique et psychique. Le recourant ne le conteste d'ailleurs pas, puisqu'il indique partager la crainte des autorités, concédant par ailleurs que le risque de réitération pourrait être retenu s'il devait être reconnu coupable de ces agissements.

Certes, plus aucune condamnation ne figure à l'extrait de son casier judiciaire. S'ajoute toutefois à ces faits particulièrement graves la consommation de stupéfiants et le fait que le recourant bénéficie actuellement d'un traitement psychologique, autant d'éléments venant renforcer le risque de réitération.

Si le recourant conteste être l'auteur des lésions constatées sur le corps de C______, mettant en avant le principe de la présomption d'innocence, il sera relevé qu'à ce stade, le juge de la détention doit évaluer le risque de réitération en fonction de la solidité des charges et des indices permettant de redouter une récidive. En l'occurrence, les charges sont sérieuses et il existe un risque de récidive concret que le recourant, en liberté, ne commette des faits similaires pour les raisons sus-évoquées, risque qu'il y a lieu de prendre au sérieux au regard du bien juridique protégé.

C'est donc à bon droit que le TMC, sans violer le principe de la présomption d'innocence, a considéré que le recourant présentait un risque de réitération.

Les mesures de substitution proposées par le recourant, à savoir l'obligation de se conformer aux mesures prises par le TPAE et le SPMi, d'une part, et la poursuite de son traitement psychologique à sa sortie de détention, voire un suivi auprès de l'association VIRES, d'autre part, ne sont pas aptes à pallier ce risque.

5.             Le recourant invoque une violation du principe de proportionnalité.

5.1.       À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282; 125 I 60; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

5.2.       En l'espèce, la prolongation de la détention provisoire jusqu'au 21 décembre 2024 s'avère nécessaire pour permettre au Ministère public et à la police de procéder aux divers actes annoncés dans la demande de prolongation de la détention provisoire.

Certes, le TMC n'avait initialement ordonné la détention provisoire du recourant que pour une durée de six semaines, bien que le Ministère public l'eût requise pour trois mois. Cela n'empêchait toutefois pas cette autorité de solliciter, si elle l'estimait opportun, une prolongation de la détention au-delà de ces six semaines.

Au vu des actes encore en cours, d'une part, et à la gravité des faits reprochés au recourant, d'autre part, la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 21 décembre 2024 n'apparait pas excessive et est par ailleurs parfaitement conforme au principe de la proportionnalité.

6.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté, rendant sans fondement la demande d'indemnisation du tort moral allégué.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2.       En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/23593/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

 

Total

CHF

985.00