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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21789/2023

ACPR/695/2024 du 27.09.2024 sur OTMC/2664/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : PROLONGATION;DÉTENTION PROVISOIRE;TENTATIVE(DROIT PÉNAL);MEURTRE;LÉSION CORPORELLE GRAVE;RISQUE DE COLLUSION;FUITE;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CP.22 cum 111; CP.22 cum 122; CP.133; CP.134; CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21789/2023 ACPR/695/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 27 septembre 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 4 septembre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 16 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 4 septembre 2024, notifiée le 6 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé sa détention provisoire jusqu’au 8 décembre 2024.

Le recourant conclut, principalement, à sa libération immédiate, moyennant des mesures de substitution, qu'il énumère. Il conclut à sa mise au bénéfice de l'assistance juridique pour la procédure de recours et la mise des frais à la charge de l'État.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, né le ______ 2004, de nationalité française, est prévenu de tentative de meurtre (art. 22 cum 111 CP), subsidiairement tentative de lésions corporelles graves (art. 22 cum 122 CP), ainsi que d'agression (art. 134 CP), subsidiairement rixe (art. 133 CP), pour avoir, le 8 octobre 2023 vers 4h35, à proximité de la discothèque "D______" dans le quartier des E______, à Genève, de concert avec plusieurs autres personnes, participé à une agression dirigée contre F______, G______, H______ et I______. Il lui est en particulier reproché d'avoir porté plusieurs coups à F______ avec un œil de remorquage, le touchant à la tête et dans le dos et lui avoir ainsi causé i) six plaies au niveau du crâne, dont deux présentant des fractures embarrures ayant entraîné un pneumocrâne [épanchement d'air dans la cavité crânienne], ii) une fracture de la dure-mère et iii) une plaie au niveau de l'omoplate gauche.

Il lui et aussi reproché une entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) en Suisse le 8 octobre 2023, sans être au bénéfice de documents d'identité valable, et une infraction de faux dans les certificats (art. 252 cum 255 CP) pour s'être, au moment de son interpellation, légitimé dans un premier temps avec un permis de conduire français au nom de J______.

b. Il ressort des rapports d'interpellation et d'arrestation du 8 octobre 2023 qu'au moment de l'intervention de la police à 4h37, F______ gisait au sol, ensanglanté et présentait plusieurs plaies au niveau de la tête et une blessure dans le dos, pouvant provenir d'un objet tranchant. Son pronostic vital n'avait pas été engagé. G______, H______ et I______ s'étaient présentés aux policiers et avaient expliqué avoir été pris à partie par un groupe de huit à dix personnes. Une partie de l'altercation avait été filmée par un témoin, K______.

Une seconde patrouille avait interpellé A______ à hauteur du no. ______, rue 1______. Son t-shirt et ses mains étaient maculés de sang, il transpirait et était essoufflé. Il détenait, dans la poche intérieure gauche de sa veste, un œil de remorquage, dont la pointe comportait du sang. Il ressortait du visionnage de la séquence filmée, que A______ s'était avancé vers F______ et avait "armé" sa main droite vers le haut, dans sa direction, sans qu'il ne soit possible de distinguer s'il tenait un objet.

Selon le constat de lésions de la médecin légiste, A______ présentait notamment une plaie de 1 cm, profonde d'environ 0.4 cm, au niveau de la face latérale du poignet gauche, évocatrice d'un "trauma contondant".

c. Lors de sa première audition par la police, le 8 octobre 2023, A______ a pour l'essentiel contesté les faits, exposant avoir été sous l'influence de l'alcool. Il avait voulu aider son meilleur ami, qui se faisait "embrouiller", et s'était retrouvé au milieu du conflit. Il avait reçu un coup de poing à la tête qui avait provoqué sa chute au sol. Une fois qu'il avait pu se relever avec l'aide d'un tiers, il avait asséné plusieurs coups de poings à un seul individu, pour se défendre. Il ne s'était pas légitimé avec le permis de conduire français au nom de J______. Il a refusé d'indiquer l'identité des personnes qui l'accompagnaient ce soir-là.

Un ami lui avait "donné" l'œil de remorquage pour changer la roue d'une voiture dont le pneu présentait une crevaison lente.

d. Devant la police, le 8 octobre 2023, G______, H______ et I______ ont déclaré que cinq ou six personnes avaient frappé à coups de pied et de poing F______, alors même qu'il était au sol et n'était plus à même de se défendre (selon H______). L'un des agresseurs, vêtu d'un haut foncé, tenait un objet métallique à la main (selon I______).

e. Devant le Ministère public, le 9 octobre 2023, A______ a déclaré que "cela n'avait rien à voir avec une tentative de meurtre". Un de ses amis s'était fait agresser par quatre ou cinq personnes et il l'avait rejoint "pour arranger les choses". Il avait été frappé et n'avait fait que se défendre. Il n'avait pas sorti l'œil de remorquage lors de la bagarre. Cet objet devait comporter son sang car il saignait énormément de la main gauche. Il ne se souvenait pas qu'il aurait donné un coup de pied à la tête de F______. Il avait beaucoup bu et consommé du cannabis.

J______ n'était pas présent au moment des faits. Lui-même se trouvait avec trois amis dont il ne voulait pas donner le nom.

f. Il ressort des rapports de l'Unité forensique du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après, CURML) du 7 décembre 2023 et de la Brigade de police technique et scientifique (ci-après, BPTS) du 3 janvier 2024 notamment que, l'œil de remorquage, d'une longueur totale d'environ 25.5 cm, dont un "bec" de 1 cm environ, comportait à la pointe du pas de vis le profil ADN de mélange compatible avec les profils ADN de F______ et A______, la base du pas de vis comportant un profil complet correspondant à celui de F______. Les deux traces avaient réagi positivement au test indicatif de sang. A______ portait une veste noire à capuche au moment des faits.

g. Entendu par la police le 9 octobre 2023, L______, chargé de veiller à la sécurité extérieure du "D______", a indiqué que lorsqu'il était sorti de l'établissement – où il avait rejoint un collègue – en raison du raffut, F______ était torse nu et avait déjà la tête et le torse ensanglantés. Il était poursuivi par cinq ou six hommes. Après l'avoir rattrapé, deux d'entre eux avaient continué à lui donner des coups de poing. De l'autre côté du trottoir, ses amis "prenaient" également des coups. F______ était tombé à terre après avoir pris un coup à la tête, et ses agresseurs avaient continué à lui donner des coups de pied, dont l'un – vêtu tout en noir et ayant pris la fuite en courant dans la rue 1______ – comme pour écraser sa tête.

h. Sorti des hôpitaux universitaires de Genève le 10 octobre 2023 et entendu le jour même par la police, F______ a déclaré n'avoir aucun souvenir de l'agression en raison des traumatismes subis.

i. Selon M______, agent de sécurité au "D______", entendu par la police le 16 novembre 2023, une simple bagarre avait dégénéré en une agression violente de manière très soudaine. Alors qu'il avait essayé de s'interposer entre F______ et deux ou trois agresseurs qui avaient acculé ce dernier contre un mur et lui donnaient des coups, A______ – qu'il a reconnu sur planche photos – était "sorti de nulle part" et avait porté deux coups très violents à F______ – qui n'était nullement agressif –: le premier à la tête et le second, alors que celui-ci s'était légèrement tourné et se protégeait le visage avec ses bras, à l'omoplate ou sur le haut de son dos. L'individu s'était pour cela servi d'une sorte de burin en métal galvanisé. Une fois la victime à terre, cet agresseur lui avait encore asséné un violent coup de pied à la tête.

j. Lors d'une audience de confrontation avec F______, prévenu de rixe, devant le Ministère public le 12 décembre 2023 – au cours de laquelle ont aussi été entendus G______, H______ (également mis en prévention pour rixe) et I______, ainsi que M______ –, A______ a indiqué qu'ayant eu connaissance de l'état de santé de la victime, il regrettait énormément ce qui s'était passé. C'était probable qu'il fût celui qui avait utilisé l'outil. Il avait agi sous l'emprise de l'alcool et des stupéfiants. Il avait à un moment donné entendu "couteau, couteau" et avait alors donné des coups avec cet outil car il avait eu peur pour sa vie. Il avait "tap[é]" pour qu'on le lâche. Il n'était pas disposé à donner le nom de ses amis.

N______, O______, P______ – qui lui avaient écrit des courriers à la prison – et le prénommé Q______ – qui lui avait versé de l'argent – n'étaient pas présents la nuit des faits.

k. Par ordonnance du 18 décembre 2023, le TMC a refusé la demande de mise en liberté formée par A______, considérant les risques de collusion, fuite et réitération. L'enquête se poursuivait afin d'identifier les personnes avec lesquelles le prévenu se trouvait au moment des faits, notamment celle portant le t-shirt blanc de marque R______ [marque de luxe] sur les images de vidéosurveillance. Il existait également un risque de collusion avec N______, O______ et P______, lesquels à teneur de leurs courriers, semblaient être courant des faits. Le risque de fuite était concret et très élevé, A______ étant de nationalité française, domicilié en France, pays qui n'extradait pas ses ressortissants et où vivait sa famille, et sans aucune attache avec la Suisse. Le risque de réitération était tangible, A______ étant connu de la police française et ayant été condamné en France, le 24 janvier 2022, par le Juge des enfants, pour violence ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas 8 jours. Le comportement qui lui était reproché compromettait sérieusement la sécurité publique, quand bien même il alléguait avoir agi pour "séparer et/ou défendre". Ce risque était renforcé par sa consommation régulière de toxiques. Une assignation à résidence chez S______ à T______, Vaud, l'obligation de se rendre à un poste de police les jours où il n'était pas présent à la formation de l'association U______, le port d'un bracelet électronique, le versement d'une caution de CHF 10'000.- et l'interdiction de contacter toutes les personnes liées à la procédure étaient clairement insuffisants pour pallier ces trois risques.

l.a. Le 11 janvier 2024, le Ministère public a procédé aux auditions de V______, caporale à la police, sur les circonstances de l'interpellation de A______.

l.b. Ce dernier, interrogé sur des éléments susceptibles de permettre l'identification des personnes présentes avec lui le 8 octobre 2023, a derechef indiqué vouloir taire leurs noms. Confronté au résultat de l'analyse ADN sur l'œil de remorquage, il a soutenu qu'il avait utilisé le bout arrondi de cet outil contre F______. Il était possible, en lien avec sa blessure à l'omoplate, que ce dernier se soit avancé et ait touché le pas de vis de l'objet.

l.c. F______, G______, H______ et I______ ont également répondu à diverses questions.

m.a. Le Ministère public a procédé à l'audition de L______ le 6 février 2024. Il a confirmé dans les grandes lignes ses précédentes déclarations, relevant qu'il avait "de vagues souvenirs mais ne pouvait pas décortiquer la scène" […] C'[était]t lointain". Deux personnes avaient donné des coups de pied à la victime alors qu'elle était allongée, à savoir le prévenu et l'individu portant un t-shirt R______.

m.b. Lors de cette même audience, M______ a confirmé avoir vu la scène lors de laquelle la victime avait pris deux coups avec un objet contondant puis un coup de pied une fois au sol.

m.c. A______ a réaffirmé ne pas connaître l'individu qui portait le t-shirt R______.

n. Il ressort du rapport d'expertise du 27 mars 2024 du CURML, à la suite de l'examen de A______ le 8 octobre 2023, que la plaie qu'il présentait au poignet gauche, du fait de sa localisation et de ses caractéristiques, n'évoquait pas en première hypothèse une lésion consécutive à une chute sur un trottoir, tel que proposée par l'expertisé, sans que cette hypothèse ne puisse être formellement exclue. Elle pourrait avoir été causée par l'arme présentée par la BPTS.

o. Il ressort du rapport du CURML du 28 mars 2024 que la victime présentait six zones d'impacts distinctes au niveau de la tête, que les plaies cutanées n° 1, 2, 4 à 7 et 10 évoquaient un impact avec l'extrémité "en bec plat" de l'œil de remorquage et que les plaies cutanées n° 1, 2, 4 et 5 se situaient en regard de fractures de la voute crânienne et évoquaient des traumatismes d'une force certaine.

p. Confronté le 26 avril 2024 à ce rapport, A______ a indiqué qu'il ne savait pas avec quel côté de l'œil de remorquage il avait frappé F______. "Avec l'effet de l'alcool et des stupéfiants…[il] n'avai[t] aucune envie de frapper fort". Il avait frappé juste pour qu'on le lâche.

S'agissant de sa propre blessure au poignet, il avait dit n'importe quoi au médecin, à cause de sa consommation d'alcool et de stupéfiants. On l'avait blessé en lui tenant la main, peut-être avec un ongle. Il ne souhaitait pas donner le nom de la seule personne avec laquelle il se trouvait la nuit des faits.

q. J______ – identifié par la police comme étant l'homme portant le t-shirt R______ (cf. rapport du 23 avril 2024) et n'ayant pas déféré au mandat de comparution pour une audition prévue à la police le 25 janvier 2024 – ne s'est pas présenté à l'audience devant le Ministère public du 15 août 2024. Un avocat a demandé à pouvoir le représenter, tout en mettant en cause les conditions de sa nomination d'office. Le Ministère public a refusé cette requête et l'a invité à quitter l'audience.

r. A______ a refusé de s'exprimer, tant devant la police le 24 mai 2024, que le Ministère public le 15 août 2024, sur une possible implication de J______ dans l'altercation du 8 octobre 2023.

s. S'agissant pour le surplus de sa situation personnelle, A______ a déclaré être sans formation, travailler comme plombier, sans être déclaré, de 15 à 20 heures par semaine pour un salaire horaire de EUR 10.-. Il souhaitait venir travailler en Suisse. Il vivait chez ses parents à X______ (France).

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu et motivé, outre des charges suffisantes et graves, l'existence de risques de fuite, collusion – vis-à-vis de J______, ainsi que des autres personnes présentes, toujours non identifiées – et de réitération qu'aucune mesure de substitution n'était susceptible de pallier. Une prolongation de la détention provisoire pour une durée de 3 mois était nécessaire pour que le Ministère public puisse procéder aux auditions de l'appointé W______ et de J______, prévues le 24 septembre 2024, puis confronter celui-ci au prévenu. Selon toute vraisemblance, d'autres audiences de confrontation seraient nécessaires. Le principe de proportionnalité de la détention provisoire demeurait largement respecté.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que sa seule condamnation – un avertissement – du 24 janvier 2022, de nature contraventionnelle, prononcée par le Juge des enfants, ne suffisait pas pour retenir un risque de réitération. Il avait de plus entamé un suivi psychologique en prison qu'il entendait poursuivre une fois libéré. Il s'y engageait. Par ailleurs, le TMC avait outrepassé ses prérogatives en retenant un risque de réitération qualifié au sens de l'art. 221 al. 1bis CPP, alors même que le Ministère public ne l'avait pas invoqué.

Il était invraisemblable de considérer que le risque de collusion, dans le cadre d'une rixe, n'existerait qu'à l'égard d'un seul des participants. Les autres participants à la rixe, identifiés et mis en prévention, étaient en effet libres et avaient amplement eu la possibilité de se concerter. Vis-à-vis de J______, l'existence d'un tel risque n'était pas soutenable, dans la mesure où le Ministère public était disposé à lui octroyer un sauf-conduit. Lui-même avait pleinement reconnu sa part de responsabilité et ne voyait pas de quelle manière il pourrait influencer l'instruction de la cause "d'une manière différente des autres participants". Il pouvait lui être fait interdiction de contact avec les personnes visées par la procédure.

Quant au risque de fuite, il était âgé de 19 ans et dépendait financièrement de ses parents. Il entreprenait de nombreuses recherches pour trouver un emploi et une formation professionnelle. Il pouvait lui être fait obligation d'entreprendre des démarches dans ce sens. Sa famille le soutenait. À son âge, une année de détention était propre à causer un préjudice irréparable à son avenir professionnel. Il voulait s'intégrer dans la société et rien n'indiquait qu'il chercherait à se soustraire à la justice ni même qu'il soit objectivement en mesure de vivre dans la clandestinité. Une caution d'un montant de EUR 10'000.-, vu le revenu mensuel de son père de EUR 4'500.- et ses propres économies, de même que sa dépendance à l'égard de ses parents, était suffisamment importante et dissuasive pour éviter toute velléité de fuite.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

c. Le TMC se réfère à son ordonnance.

d. A______ réplique pour ajouter que F______, G______, H______ et I______ avaient été en contact avec un cinquième individu que l'on voyait sur les images de vidéosurveillance – dont il produit des extraits – en train d'asséner un coup à l'aide d'un objet d'apparence métallique en direction de la tête d'une personne au sol. Cet individu, à la suite de la rixe, avait quitté les lieux en compagnie de I______.

Il revient pour le reste sur les éléments déjà développés dans son recours quant aux risques de réitération, de collusion et de fuite, respectivement la caution proposée.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne conteste, à juste titre, pas l'existence de charges suffisantes et graves, au sens de l'art. 221 al. 1 CPP, de sorte qu'il peut être renvoyé, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références), qui expose les indices graves et concordants pesant sur le prévenu (rapport d'arrestation, images de vidéosurveillance, déclarations de M______ et celles du prévenu devant le Ministère public le 12 décembre 2023, conclusions du rapport du CURML faisant suite à l'examen de F______).

3.             Le recourant conteste l'existence d'un risque de collusion.

3.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2.       En l'espèce, le risque de collusion demeure patent avec les individus présents aux côtés du recourant au moment des faits. Celui-ci a reconnu dans un premier temps qu'ils étaient cinq ou six, puis qu'il était avec trois amis, pour finalement dire qu'il ne se trouvait qu'avec une personne, dont il n'a pas voulu donner le nom. La pluralité de protagonistes impliqués dans ce qui a commencé comme une simple bagarre, est corroborée par les déclarations de L______, en charge de la sécurité extérieure du "D______ CLUB", qui a dit avoir vu F______ torse nu, la tête et le torse ensanglantés et être poursuivi par cinq ou six hommes. Ce nombre a également été articulé par G______, H______ et I______, les amis de la victime. Toujours selon L______, alors que ces hommes avaient rattrapé la victime, deux d'entre eux avaient continué à lui donner des coups de poing, et, alors qu'il gisait au sol, à lui donner des coups de pied, dont l'un – vêtu tout en noir et ayant pris la fuite en courant dans la rue 1______, à savoir le recourant, – "comme pour écraser sa tête".

Le second de ces individus pourrait être J______, qui portait alors un t-shirt avec une inscription R______, étant rappelé que le recourant était en possession d'un permis de conduire à son nom au moment de son interpellation, mais cherche encore à le mettre hors de cause.

Aussi, et quand bien même J______ pourrait avoir été entendu par le Ministère public le 24 septembre 2024, tout risque de collusion n'en aurait pas pour autant disparu, vu l'identification des autres protagonistes encore en cours, mais aussi les indispensables confrontations à venir pour chercher à déterminer le rôle de chacun. Sur ce point, le refus du recourant de collaborer en donnant des indications pour identifier les personnes avec lesquelles il a passé la soirée des faits, quand bien même il ne peut le lui être reproché, n'en constitue pas moins une posture générant un risque patent de collusion.

4.             Le recourant conteste l'existence d'un risque de fuite.

4.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

4.2.       En l'espèce, le recourant n'était que de passage à Genève, dans le cadre d'une soirée festive. Son centre de vie est à X______, en France. Il est de nationalité française, pays qui n'extrade pas ses ressortissants. L'instruction doit pouvoir se poursuivre en Suisse et le recourant y être, le cas échéant, jugé. Au vu de la peine-menace et concrètement encourue, le risque de fuite est tangible.

5.             Le recourant conteste tout risque de réitération.

5.1.       L'art. 221 al. 1 let. c CPP, relatif au risque de récidive, dans sa nouvelle teneur au 1er janvier 2024 (RO 2023 468), présuppose désormais que l'auteur compromette sérieusement et de manière imminente la sécurité d'autrui en commettant des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.

Selon la jurisprudence relative à l'art. 221 al. 1 let. c aCPP (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881]) – transposable au nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 7B_155/2024 du 5 mars 2024, destiné à la publication, consid. 3.1 s.) –, trois éléments doivent être réalisés pour admettre le risque de récidive : en premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre, et il doit s'agir de crimes ou de délits graves; deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise; troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre (ATF 146 IV 136 consid. 2.2; 143 IV 9 consid. 2.5).

Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4).

5.2.       Le nouvel art. 221 al. 1bis CPP prévoit pour sa part que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut exceptionnellement être ordonnée si le prévenu est fortement soupçonné d'avoir porté gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui en commettant un crime ou un délit grave et s'il y a un danger sérieux et imminent qu'il commette un crime grave du même genre (cf. arrêts du Tribunal fédéral 7B_155/2024 susmentionné, consid. 3.2 et 7B_1025/2023 du 23 janvier 2024 consid. 3.2).

Comme il est renoncé à toute infraction préalable (seul indice fiable permettant d'établir un pronostic légal), il semble justifié de restreindre les infractions soupçonnées aux crimes et délits graves contre des biens juridiques particulièrement importants (par ex., la vie, l'intégrité physique ou l'intégrité sexuelle). L'exigence supplémentaire de l'atteinte grave a pour objectif de garantir que lors de l'examen de la mise en détention, on prendra en considération non seulement les peines encourues, mais aussi les circonstances de chaque cas. Ces restrictions sont de plus requises en ce qui concerne le risque de crime grave du même genre. En effet, la détention préventive ne paraît justifiée que si le prévenu risque de mettre gravement en danger les biens juridiques des victimes potentielles (comme lorsque le motif de mise en détention est le passage à l'acte). Enfin, ces restrictions ont pour objectif d'exclure que ce motif de mise en détention soit avancé en cas de dommages purement matériels ou de comportements socialement nuisibles (Message du Conseil fédéral du 28 août 2019 [19.048] concernant la modification du Code de procédure pénale – mise en œuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États « Adaptation du code de procédure pénale » –, FF 2019 6351, p. 6395).

5.3.       En l'espèce, il sera en préambule rappelé que le TMC n'est nullement lié par les motifs invoqués par le Ministère public dans ses demandes de mise en détention – respectivement de prolongation. Comme autorité pénale, il est indépendant et n'est soumis qu'aux règles du droit (art. 4 al. 1 CPP). Il en va évidemment de même pour la Chambre de céans (ACPR/309/2017 du 11 mai 2017, consid. 6.2).

Le recourant se trouve en détention provisoire en raison de soupçons, s'étant renforcés au fil de l'enquête, de sa participation à une agression d'une grande violence, avec usage d'un outil contondant ayant causé à la victime huit plaies ouvertes à la tête et une dans le haut du dos. Le recourant est aussi soupçonné d'avoir, alors que la victime gisait au sol, asséné à tout le moins un coup de pied à la tête.

S'y ajoute que le prévenu a été condamné en France, le 24 janvier 2022, par le Juge des enfants, pour violence ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas 8 jours. Que cette infraction ne lui ait valu qu'un avertissement du fait de son jeune âge ne change pas au fait que ce premier épisode, au terme duquel il a été sanctionné pénalement, ne l'a pas dissuadé de se montrer une nouvelle fois violent avec autrui. Il a, qui plus est, fait usage d'un outil en métal pour en frapper à plusieurs reprises la victime, essentiellement à la tête, ce qu'il a fini par reconnaître, confronté aux éléments confondants de l'enquête. Un tel comportement compromet sérieusement la sécurité publique. Le fait que le recourant soutienne n'avoir en définitive fait que se défendre et avoir agi sous l'influence de l'alcool, voire du cannabis, n'y change rien.

Ces éléments permettent de retenir un risque de réitération même en l'absence d'antécédents spécifiques du recourant depuis qu'il est majeur.

6. Le recourant propose des mesures de substitution, à savoir le dépôt de sûretés, qu'il lui soit fait obligation de trouver un emploi ou une formation ainsi que de suivre une psychothérapie, et qu'il lui soit fait interdiction d'entrer en contact avec les personnes visées par la procédure.

6.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention.

6.2. En l'occurrence, au rang des mesures de substitution proposées par le recourant, le dépôt de suretés de EUR 10'000.- ne suffit pas à pallier le risque patent de fuite tel que retenu, vu les enjeux de la procédure pour le prévenu, pas plus qu'une obligation de se présenter régulièrement dans un poste de police ou sur un lieu de formation.

Une interdiction faite au recourant d'entrer en contact en particulier avec les personnes présentes à ses côtés la nuit des faits serait illusoire et impossible à vérifier et clairement insuffisante au regard de l'intensité du risque de collusion constaté. Une telle mesure paraît en outre particulièrement difficile à contrôler, compte tenu du nombre des personnes potentiellement concernées, pour la plupart encore non identifiées, et ne permettrait pas, en l'état, de pallier le risque d'atteinte à la recherche de la vérité.

L'obligation pour le recourant de reprendre une formation et/ou un emploi ne serait pas suffisante à exclure qu'il ne se présente pas aux prochains actes d'instruction et à l'éventuelle audience de jugement. Sur le plan du risque de réitération, il sera relevé qu'au moment de son interpellation, le recourant disait avoir un emploi à temps partiel dans la plomberie. Au demeurant, même un emploi à temps complet n'empêcherait pas qu'il se retrouve en soirée dans des conditions identiques à celle ayant donné lieu aux violences qui lui sont reprochées. Enfin, si un suivi psychologique initié en prison peut être favorable au recourant, on en ignore les motifs, la nature et la fréquence. S'il dit vouloir poursuivre des consultations une fois libéré, il ne l'étaye nullement. Au demeurant, un suivi psychothérapeutique reposerait sur sa seule volonté, de sorte qu'il serait insuffisant à pallier le risque de réitération.

C'est ainsi à juste titre que le TMC a retenu qu'il n'existait en l'état pas de mesures de substitution à même de contenir les risques de collusion, fuite et réitération.

7. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

8. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

9. Le recourante plaide au bénéfice d'une défense d'office.

9.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus. Malgré l'issue du recours, un premier contrôle des conditions de l'art. 221 CPP par l'autorité de recours pouvait se justifier.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/21789/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

 

Total

CHF

900.00