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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18473/2024

ACPR/618/2024 du 21.08.2024 sur OTMC/2438/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION;RISQUE DE FUITE
Normes : CPP.221; CP.140

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18473/2024 ACPR/618/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 21 août 2024

 

Entre

A______, actuellement détenue à la prison de B______, représentée par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 12 août 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte déposé le 14 août 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 12 précédent, notifiée immédiatement, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 10 octobre 2024.

La recourante conclut à l'annulation de cette ordonnance et à sa mise en liberté, moyennant des mesures de substitution, qu'elle énumère.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ est prévenue de brigandage (art. 140 CP) et d'infraction à l'art. 33 al. 1 let. a LArm, pour avoir, à Genève, le 10 août 2024 vers 03h45, pénétré dans l'hôtel D______, route 1______, avec E______, alors que F______ attendait dans la voiture, prête au départ, et y avoir menacé le réceptionniste, G______, avec une arme de poing, tandis que E______ menaçait de le gazer au moyen d'un spray, et de l'avoir attaché au moyen de liens de type colson, dans le but de fouiller la réception et d'y dérober la somme de CHF 1'782.95, avant de prendre tous trois la fuite en voiture.

b. Les trois protagonistes ont été interpellés dans leur fuite au niveau de la douane de Perly, après qu'un barrage eut été mis en place sur la route. G______ a en effet pu se libérer de ses liens et donner l'alerte.

Les trois prévenus étaient en possession notamment de leur butin, de liens de type colson, d'une arme factice en plastique, d'une gazeuse, d'un pied de biche et d'une paire de gants en latex noir.

c. Les images de vidéosurveillance de l'hôtel D______ montrent E______ et A______ pénétrer dans le hall, s'adresser au réceptionniste, le premier dirigeant un spray contre ce dernier et la seconde le pointant de l'arme de poing.

d. Lors de leur audition à la police, les trois prévenus ont reconnu les faits. Ils ne se connaissaient pas avant les faits. Ils avaient agi à la demande du dénommé "H______", qui les avait contactés via Snapchat. "H______" avait réparti les rôles, A______ devant effrayer le réceptionniste avec l'arme, E______ pointer le spray lacrymogène, prélever l'argent de la caisse et immobiliser l'intéressé au moyen de liens colson. F______ devait les véhiculer de I______ [France] à Genève et retour.

A______ a en particulier indiqué qu'elle ignorait que l'arme était factice, pour ensuite dire que "H______" lui avait dit qu'elle était factice. "Le monsieur" avait dû penser que c'était une vraie et qu'il allait mourir. Elle voulait lui présenter ses excuses.

Sa mère était en danger car "ils [avaien]t son adresse".

e. Les trois prévenus ont été confrontés devant le Ministère public où ils ont confirmé ces explications et la mise en cause du commanditaire, "H______". Ils avaient ignoré jusqu'au moment du braquage le rôle de chacun.

A______ a affirmé qu'elle n'avait pas eu le choix de refuser la "mission". "H______" et un inconnu étaient venus la voir après qu'elle eut donné son adresse "pour une autre raison". Elle craignait de représailles si elle refusait.

f. S'agissant de sa situation personnelle, A______, née en France le ______ 2005, est originaire de France et du Sénégal. Elle est domiciliée à I______. Elle est lingère dans un établissement pour personnes âgées et veut suivre une formation d'aide-soignante. Aide étatique comprise, elle touche un revenu mensuel d'environ EUR 2'000.-.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu, outre des charges graves et suffisantes, des risques de collusion et de fuite.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que selon le Ministère public, la procédure était à bout touchant, ce que le TMC n'avait à tort pas retenu. Elle n'avait aucun antécédent, ni en Suisse, où elle était venue pour la première fois le 10 août 2024, ni en France.

Le TMC avait violé la jurisprudence en se contentant d'un raisonnement général et abstrait en lien avec le risque de collusion, inexistant en l'espèce et pouvant le cas échéant être pallié par une interdiction d'entrer en contact avec les personnes impliquées. Il n'avait pas analysé ses caractéristiques personnelles, à savoir qu'elle n'était pas une délinquante d'habitude, avait reconnu les faits, collaboré avec la justice et maintenu sa conduite même lors de la confrontation avec ses co-prévenus. Son attitude (aveux, regrets, excuses) tendait à établir une prise de conscience, ce qui diminuait le risque qu'elle contacte la partie plaignante et/ou le commanditaire. Elle ne voyait pas quel intérêt elle aurait à entrer en contact avec la partie plaignante, étant relevé que leur confrontation – dans la mesure où les faits avaient été filmés et étaient reconnus – n'était qu'une étape formelle. Concernant le commanditaire, "dire qu'il [étai]t au courant de l'interpellation des prévenus était une lapalissade", puisqu'il était en contact avec ces derniers alors qu'ils avaient été arrêtés à la douane. Une fois libérée, sans son téléphone portable, elle n'aurait pas de contact avec lui, puisqu'elle ignorait où se trouvait son domicile. Elle ne pouvait être détenue jusqu'à son hypothétique localisation. Il n'y avait aucune possibilité de compromettre les preuves, puisque les téléphones portables avent été saisis.

Si un risque de fuite apparaissait donné vu sa nationalité, son domicile français et l'absence d'attaches avec la Suisse, son caractère, sa moralité et son attitude dans la procédure ainsi que des mesures de substitution – obligation de déférer à toutes les convocations du pouvoir judiciaire – permettaient de contrebalancer les éléments négatifs. Elle aurait tout à perdre à ne pas se présenter aux convocations de la justice suisse, puisqu'elle s'exposerait à une procédure par défaut ou à une délégation de la poursuite aux autorisé françaises. Sa mère, auprès de laquelle elle vivait, était prête à l'accueillir dès sa sortie de détention. Elle devait reprendre le travail le 19 août 2024, sous peine d'être exposée à un licenciement.

b. Le MP conclut au rejet du recours et fait sienne la motivation du TMC.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.

d. Dans sa réplique, A______ ajoute avoir été entendue par la police le 14 août 2024, en urgence, et avoir poursuivi, malgré la crainte de représailles, sa démarche de collaboration. Elle avait notamment identifié sur planche photographique une personne du "groupe SNAP", voire une seconde. Son contrat de travail se renouvelait de mois en mois, s'agissant – à lire les captures d'écrans de courriel produites – d'une proposition de remplacement du 19 août au 18 septembre 2024.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante ne conteste à juste titre pas l'existence de charges suffisantes et graves. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir et il peut être renvoyé, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge sur ce point (art. 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références).

3.             La recourante conteste un risque de collusion.

3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, quand bien même le déroulement proprement dit du braquage est connu dans les grandes lignes, vu les déclarations des trois protagonistes en cause, la description de la victime et les images issues de la vidéosurveillance, l'instruction ne fait que commencer. Une audience de confrontation doit intervenir avec la victime. L'extraction des données des téléphones portables des prévenus est en cours. Elle est d'autant plus importante que tous trois mettent en cause un certain "H______" comme le commanditaire et prétendent ne pas s'être connus avant la nuit des faits. Autrement dit, il y a lieu de circonscrire le degré de préparation et d'anticipation du brigandage et d'identifier ce prétendu commanditaire. Les investigations doivent donc se poursuivre afin de déterminer l'ampleur exacte de l'activité illicite de la recourante, comprenant en outre l'obtention de son casier judiciaire français.

Aussi, en l'état de l'instruction, le risque de collusion est patent à l'égard des deux co-prévenus de la recourante, quand bien même ils ont dans les grandes lignes donné une version concordante de leur implication à chacun, mais aussi de "H______", qui doit être identifié. La recourante confirme dans sa réplique que l'enquête de police se poursuit et qu'elle aurait été en mesure de reconnaître un ou deux protagonistes du "groupe SNAP", à la base de l'organisation du braquage.

Il est ainsi impératif d'éviter que la recourante ne puisse entrer en contact avec ces personnes ou ne fasse disparaître des preuves. À cet égard, si elle soutient n'avoir aucun moyen de contacter "H______", elle a aussi affirmé qu'elle n'avait pu se soustraire au projet de brigandage par peur de "H______" qui savait, tout comme un inconnu, où elle habitait.

4.             La recourante considère que risque de fuite est ténu.

4.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

4.2.       En l'espèce, la recourante n'était que de passage à Genève, dans le seul but de commettre le brigandage qui lui est reproché. Son centre de vie est à I______. Elle est notamment de nationalité française, pays qui n'extrade pas ses ressortissants. Au vu de la peine-menace et concrètement encourue, si les charges devaient être confirmées, le risque de fuite est tangible.

5.             La recourante propose des mesures de substitution.

5.1.       Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention.

5.2.       En l'occurrence, les mesures de substitution proposées par la recourante, sous la forme d'une interdiction d'entrer en contact avec ses deux co-prévenus et le dénommé "H______", voire d'autres personnes du "groupe SNAP", est clairement insuffisante au regard de l'intensité du risque de collusion constaté. Une telle mesure paraît en outre particulièrement difficile à contrôler, compte tenu du nombre des personnes potentiellement concernées, pour la plupart encore recherchées, et ne permet pas, en l'état, de pallier le risque d'atteinte à la recherche de la vérité.

L'obligation de déférer à toute convocation ne suffirait par ailleurs pas à exclure que, précisément, la recourante ne se présente pas aux prochains actes d'instruction, dont l'audience de jugement, ni pour l'exécution de sa sanction si la peine à laquelle elle pourrait être condamnée ne devait pas être assortie du sursis total.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

7.             La recourante plaide au bénéfice d'une défense d'office.

7.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

7.2. En l'occurrence, quand bien même la recourante succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus. Un premier contrôle des conditions de l'art. 221 CPP par l'autorité de recours pouvait se justifier en début de détention.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Valérie LAUBER, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/18473/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

 

Total

CHF

900.00