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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/18/2024

ACPR/405/2024 du 31.05.2024 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE;RISQUE DE RÉCIDIVE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CP.59.al3

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/18/2024 ACPR/405/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 31 mai 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par
Me Daniela LINHARES, avocate, MALBUISSON Avocats, Galerie Jean-Malbuisson 15, case postale 1648, 1211 Genève 1,

recourant,

 

contre la décision rendue le 2 février 2024 par le Service de l'application des peines et mesures,

et

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, route des Acacias 82, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 12 février 2024, A______ recourt contre la décision du 2 février 2024, communiquée selon lui par courriel le même jour, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a révoqué l'exécution de sa mesure thérapeutique institutionnelle en milieu ouvert et ordonné que celle-ci soit exécutée en milieu fermé (ch. 1 et 2 du dispositif).

Le recourant conclut, sous suite de frais, préalablement, à l'apport du dossier du SAPEM et à ce qu'il soit autorisé à compléter son recours après consultation de celui-ci ; et, principalement, à l'annulation des chiffres 1 et 2 du dispositif de la décision querellée et à l'exécution de la mesure dans un établissement ouvert, hors du canton de Genève.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant suisse né en 1992, a été condamné, par jugement du Tribunal de police du 20 décembre 2012, à une peine privative de liberté de 15 mois – sous déduction de 216 jours de détention avant jugement –, pour brigandage (art. 140 CP) et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 a al. 1 LStup). Cette peine a été suspendue au profit d'une mesure institutionnelle sous la forme d'un traitement des addictions (art. 60 CP), comportant un suivi médical ainsi qu'une aide à la réinsertion.

b. Cette condamnation était notamment fondée sur une expertise psychiatrique rendue le 4 octobre 2012 par le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), à teneur de laquelle A______ souffrait de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de drogues multiples ; d'un syndrome de dépendance ainsi que de troubles mixtes de la personnalité avec prédominance de traits émotionnellement labiles et psychopathiques.

c. Dans le cadre du réexamen de la mesure, le prénommé a fait l'objet d'une seconde expertise psychiatrique par le Département de santé mentale et de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) le 30 juin 2014. Il a alors été diagnostiqué comme souffrant de troubles mentaux, de troubles du comportement liés à l'utilisation d'alcool, d'opiacés, de dérivés du cannabis, de cocaïne y compris de "crack", d'autres psychostimulants ("ecstasy" et méthylphénidate) ainsi que de tabac. Il souffrait également d'un épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques, d'un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline, d'un trouble du déficit attentionnel avec hyperactivité (TDAH) associé à des troubles de conduite, ainsi que d'une déficience intellectuelle légère avec troubles du comportement.

Selon les experts, le risque de récidive demeurait très élevé, A______ présentant une "forte dangerosité potentielle". Ses "symptômes de manque et envies impulsives" de consommer des stupéfiants constituaient des facteurs de risque de récidive violente. Son parcours démontrait l'insuffisance des mesures thérapeutiques qui lui avaient été proposées jusqu'alors, ses séjours auprès de la Fondation C______ et de la Fondation D______ s'étant soldés par un échec. Seule une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP semblait dès lors adéquate pour traiter ses "nombreuses comorbidités psychiatriques".

d. Par jugement du 17 juillet 2014, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a ordonné la levée, pour cause d'échec, de la mesure de traitement des addictions et ordonné une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'article 59 al. 2 CP.

Le 5 septembre 2014, A______ a été placé au Centre d'accueil E______ en Valais.

e. Le 21 décembre 2018, en raison d'un risque de passage à l'acte, le SAPEM a ordonné, à titre de mesure conservatoire, le placement de A______ au sein de la prison de B______ jusqu'au 28 décembre suivant, date à laquelle celui-ci a intégré la clinique de psychiatrie de F______. L'intéressé s'était en effet montré menaçant, tant verbalement que physiquement, à l'égard du personnel du [Centre] E______, ayant conduit celui-ci à demander l'intervention de la police.

f. Le 11 juin 2019, le SAPEM a, à nouveau, ordonné, à titre de mesure conservatoire, le placement du prénommé en milieu fermé, au motif qu'il s'en était pris physiquement à un soignant et avait violemment agressé une patiente en chaise roulante, en lui assénant un coup de tête de toutes ses forces, avant de proférer des menaces de mort à son encontre.

g. Par décision du 20 suivant, le SAPEM a ordonné l'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle en milieu fermé et révoqué le placement de A______ en milieu ouvert, ainsi que tous les allègements dont il bénéficiait.

Après avoir été incarcéré à la prison de B______ jusqu'au 26 juillet 2019, l'intéressé a été transféré à la Colonie fermée des Établissements de G______ (ci-après, les G______).

h. Un plan d'exécution de la mesure (ci-après : PEM), validé par le SAPEM le 11 juin 2019, prévoyait cinq phases, à savoir un passage à la Colonie ouverte des G______ (COO) (phase 1), un régime de conduites sociales (phase 2), des conduites institutionnelles (phase 3), des stages ou congés institutionnels (phase 4) et enfin un placement en institution (phase 5). Les conditions générales à respecter par A______ en vue de la progression étaient notamment d'éviter les comportements transgressifs selon le cadre en vigueur au sein de l'établissement ; de se soumettre à des contrôles d'abstinence aux stupéfiants et à l'alcool ; de se rendre régulièrement aux entretiens thérapeutiques ; et de collaborer avec l'ensemble des intervenants afin d'élaborer un projet de réinsertion concret et réaliste.

i. Par décision du 21 octobre 2022, le SAPEM a ordonné le placement de A______ en milieu ouvert, comprenant des sorties accompagnées par le personnel de l'établissement.

Depuis le 2 mars 2022, l'intéressé n'avait fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire, adoptait un bon comportement et les derniers tests toxicologiques réalisés s'étaient révélés négatifs. De plus, il se rendait régulièrement aux entretiens thérapeutiques et collaborait avec l'ensemble des intervenants pour élaborer un projet de réinsertion concret, réaliste et adapté.

Il a ainsi été transféré, le 26 octobre 2022, à F______.

j. Par jugement du 24 janvier 2023, le TAPEM a ordonné la prolongation de la mesure thérapeutique institutionnelle pour une durée de 3 ans, soit jusqu'au 20 février 2026, sans préjudice des contrôles annuels.

k. Selon l'évaluation criminologique établie le 21 mars 2023 par le Service de probation et d'insertion (ci-après, SPI), le risque de récidive présenté par A______ demeurait élevé, tandis que le risque de réitération de comportements violents était considéré comme modéré dans le cadre d'une ouverture de régime, telle l'octroi de sorties non-accompagnées "hors domaine". L'intéressé évoluait positivement depuis son transfert à F______, où il effectuait un travail thérapeutique important. Le travail sur l'abstinence devait toutefois persister, A______ étant notamment encouragé à recourir à d'autres méthodes que l'évitement pour prévenir une rechute dans la consommation de stupéfiants.

l. Dans son rapport médical du 18 juillet 2023, le Service des mesures institutionnelles (ci-après, SMI) a relevé que A______ se montrait soucieux du respect du cadre et des règles imposées par l'institution. L'alliance thérapeutique était par ailleurs bonne. Preneur des activités qui lui étaient proposées, il s'investissait dans son suivi thérapeutique, se montrait compliant à la médication prescrite, dont il reconnaissait la nécessité, et faisait preuve d'abstinence aux toxiques et à l'alcool.

m. Par décision du 20 octobre 2023, le SAPEM lui a octroyé un régime de sorties non accompagnées.

n. Dans un rapport médical du 23 novembre suivant, le SMI a constaté que, si A______ présentait une "anxiété exacerbée" en cas d'imprévus en lien avec sa prise en charge, il parvenait néanmoins à identifier et à verbaliser ses angoisses. De plus, il demeurait abstinent aux toxiques et avait conscience du fait que ses consommations constituaient un facteur de risque.

o. Plusieurs incidents ont cependant, par la suite, été rapportés au SAPEM par le SMI :

- le 20 décembre 2023, un programme pavillonnaire a été mis en place, A______ ayant été testé positif au cannabis et à la cocaïne. Ce dernier avait pu établir un lien entre sa consommation de stupéfiants et la période de fin d'année, qui était difficile à vivre pour lui (son père s'étant suicidé le 30 décembre 2019). Son comportement s'était, depuis, détérioré, puisqu'il se montrait plus agressif et provocateur envers le personnel soignant de son unité ;

- le 24 suivant, A______ a proféré des menaces à l'encontre d'une soignante ;

- le 26 suivant, après que l'équipe médicale l'eut informé qu'il ne pourrait pas bénéficier des prochains congés prévus, au vu de ses résultats positifs aux stupéfiants, A______ a présenté des idées suicidaires, de sorte qu'il a été transféré dans une autre unité, où il a été placé en "chambre de soins intensifs", sous surveillance accrue ;

- le 30 du même mois, l'intéressé a été surpris dans sa chambre en possession d'une pipe pour consommer des stupéfiants, s'est ensuite montré menaçant et insultant à l'égard d'une infirmière, puis a fugué de son unité entre 19h30 et 19h49. Lors de l'entretien médico-infirmier du même jour, il s'est montré agité et a parlé de "tout casser". Ayant été menaçant à l'égard des deux agents de sécurité présents, ceux-ci l'ont maîtrisé – non sans subir des coups, des griffures, des crachats, et des menaces de représailles et de mort – puis placé de force en "chambre de soins intensifs", où il a, à nouveau, menacé l'un des agents de sécurité, ce qui a incité le personnel soignant à lui administrer sous contrainte un antipsychotique ;

- le 4 janvier 2024, après stabilisation de son état et son engagement à faire preuve d'abstinence aux toxiques, il a réintégré son unité. Cependant, il a reconnu par la suite une consommation de cocaïne dans le but d'apaiser ses difficultés de concentration ; puis, le 10 suivant, il a spontanément indiqué vouloir intégrer l'unité H______ afin de se mettre à l'écart de la consommation de stupéfiants; il a ainsi séjourné du 12 au 23 janvier 2024 dans cette unité.

p. Le 23 janvier 2024, le SAPEM a été avisé que A______ avait fugué le jour-même (de 14h40 à 14h50).

q. Lors d'une séance de réseau qui s'est tenue le 25 suivant – dont le but était de recadrer A______ – les intervenants ont constaté que le séjour à [l'unité] H______ du prénommé s'était bien passé, mais qu'il présentait une intolérance à la frustration, avait tendance à remettre en cause les règles de l'établissement et manifestait une attitude rebelle et très provocatrice à l'égard du personnel soignant. L'alliance thérapeutique demeurait fragile, malgré le fait qu'il se montrait compliant à son traitement médicamenteux – dont le dosage avait été augmenté – et acceptait de se soumettre aux contrôles toxicologiques.

Lors de son audition du même jour, alors que le SAPEM a sommé A______ de modifier son comportement, précisant qu'aucun autre acte de violence ne serait toléré, le précité s'est montré provocateur, avec une tendance à se poser en victime, ajoutant qu'il pouvait facilement se procurer des stupéfiants à F______ et reprochant au personnel soignant son inaction face à cette situation. Il a indiqué vouloir être placé dans un foyer, considérant qu'il y aurait moins de risque qu'il y consomme des stupéfiants.

r. Par courriel du lendemain, le SMI a signalé au SAPEM que le prénommé avait été testé positif à la cocaïne la veille (alors que son contrôle toxicologique s'était révélé négatif le 23 précédent).

De plus, lors d'un entretien le jour-même, l'intéressé avait persisté à adopter une attitude offensive et à minimiser ses actes, se considérant comme la victime des évènements survenus le 30 décembre 2023 et refusant de présenter des excuses aux deux agents de sécurité blessés. Il avait également proféré des menaces à l'encontre de l'un de ces derniers – qui l'aurait insulté –, en disant : "quoi qu'il arrive, même s'il porte plainte et que je vais en prison, je le retrouverai".

Selon le SMI, l'absence d'alliance thérapeutique et les propos menaçants proférés "dans un contexte de poursuite de consommations de toxiques" laissaient craindre un passage à l'acte hétéro-agressif.

s. Le même jour, le SAPEM a, à titre de mesure conservatoire, ordonné le placement de A______ en milieu fermé, son maintien en milieu ouvert n'étant plus compatible avec les exigences de sécurité publique.

Il a été incarcéré à la prison de B______ ce jour-là, où il demeure encore à ce jour.

t. Le 31 janvier 2024, invitée par le SAPEM à formuler des observations, la curatrice de représentation et de gestion du patrimoine de A______ a expliqué que ce dernier reconnaissait avoir consommé des stupéfiants, adopté un comportement menaçant et agressé un agent de sécurité, mais contestait avoir tenu des propos menaçant à l'égard de ce dernier.

Il considérait les évènements du 30 décembre 2023 comme liés à un moment de crise et isolés, de sorte que la décision de placement en milieu fermé était disproportionnée. Il était motivé à "s'en sortir" et se disait prêt à fournir des efforts et à accepter le cadre qui lui serait imposé. Son maintien en milieu fermé constituerait un facteur important de démotivation, tandis qu'un retour en milieu ouvert serait "vécu comme une nouvelle opportunité de faire ses preuves".

u. Dans son rapport médical du même jour, le SMI a considéré que le maintien de A______ en milieu ouvert était compromis et qu'un passage en milieu fermé devait être envisagé. Malgré une évolution favorable jusqu'en décembre 2023, les évènements survenus au cours des deux derniers mois démontraient que son état demeurait instable. Il n'existait plus d'alliance thérapeutique et l'intéressé peinait à rester abstinent. De plus, ses propos menaçants et son absence de remise en question concernant ses agissements du 30 décembre 2023 laissaient craindre un "fort risque de récidive" d'actes hétéro-agressifs.

C. Dans sa décision querellée, le SAPEM, après avoir rappelé les éléments qui précèdent, considère que le maintien de A______ en milieu ouvert n'était plus compatible avec les exigences de sécurité publique. La situation allait en effet au-delà de simples refus de respecter le cadre thérapeutique et institutionnel et de difficultés d'encadrement. Les récents comportements violents de l'intéressé, son incapacité à se remettre en question durant la réunion de réseau du 25 janvier 2024 et les menaces de mort proférées contre un agent de sécurité démontraient que son potentiel de violence était élevé.

La rupture du lien thérapeutique avec le personnel médical et sa rechute dans la consommation de stupéfiants – après plusieurs années d'abstinence – aggravaient le risque de récidive, lequel était jugé concret et imminent.

En définitive, seul un placement en milieu fermé apparaissait à même de protéger la société, tout en garantissant la poursuite de la prise en charge de A______ dans le cadre de la mesure dont il faisait l'objet, laquelle était toujours nécessaire, adéquate et proportionnée.

D. a. Par courriers des 9 et 10 février 2024, rédigés en personne, A______ a indiqué au SAPEM avoir pris connaissance de sa décision de placement en milieu fermé, qu'il acceptait. Il souhaitait néanmoins être transféré aux G______, où il avait séjourné pendant trois ans, considérant que la prison de B______ n'était pas adaptée à sa situation.

b. Dans son recours, sous la plume de son conseil, A______ se plaint d'une violation des art. 59 al. 3 CP et 5 al. 2 Cst.

Il avait respecté les règles imposées durant des années. Son évolution avait été favorable entre les mois d'octobre 2022 et décembre 2023, preuve en était que le SAPEM lui avait accordé le bénéfice de sorties non accompagnées le 20 octobre 2023.

La période de fin d'année était toujours difficile à vivre pour lui et accroissait son besoin d'aide et de suivi médical. Aussi, l'incident de fin d'année 2023 devait être considéré comme un évènement isolé, qui ne permettait pas de retenir l'existence d'un risque de récidive.

Afin de respecter le principe de la proportionnalité, il aurait appartenu au SAPEM de prononcer son passage dans un autre établissement ouvert, hors du canton de Genève, puisqu'il était "problématique" qu'il soit détenu dans celui-ci. Dans ces conditions, la décision querellée devait être annulée.

c. Dans ses observations du 21 mars 2024, le SAPEM persiste dans sa décision.

C'était bien l'appétence du recourant aux stupéfiants qui s'était manifestée en décembre 2023 qui était problématique, et non l'accès aux toxiques en lui-même.

Le SMI n'avait pas été en mesure de mettre en œuvre un suivi médical "plus intensif" à l'approche de la fin d'année, au vu de la détérioration du comportement du recourant.

L'incident du 30 décembre 2023 ne pouvait pas être considéré comme un évènement isolé, étant rappelé que l'intéressé avait encore proféré des menaces à l'encontre d'un agent de sécurité le 26 janvier 2024 et qu'il s'était déjà montré insultant et menaçant envers le personnel soignant de son unité avant l'évènement concerné.

Au vu de l'attitude menaçante et violente du recourant – dans un contexte "de rupture de l'alliance thérapeutique sur fond de consommations de stupéfiants avec un risque de récidive concret " – une demande de placement en milieu ouvert, y compris dans un autre canton, n'aurait pas abouti et aurait été inappropriée.

Par conséquent, la décision querellée ne violait pas le principe de la proportionnalité, étant encore précisé qu'une demande de placement à l'Établissement I______, où le recourant n'avait pas encore séjourné (hormis quelques brefs séjours à H______), avait été déposée le jour-même.

d. Le recourant n'a pas souhaité répliquer.

e. Par pli du 11 avril 2024, la Chambre de céans a transmis au conseil du recourant pour détermination une copie du compte rendu d'une séance de réseau du 9 avril précédent, à teneur duquel son client exprimait notamment des regrets quant aux actes commis, déclarait avoir pris conscience de leur gravité et être investi dans son travail thérapeutique. Il ajoutait faire preuve d'abstinence aux toxiques depuis son transfert à B______. Enfin, il expliquait accepter son placement en milieu fermé à I______ ou aux G______, où il avait déjà séjourné.

f. Par lettre du 25 suivant, l'avocate du recourant a confirmé les termes de son recours du 12 février 2024 et le souhait de son mandant d'être transféré à la COO des G______, où il avait bénéficié d'un suivi thérapeutique lui convenant.

Lors de la réunion de réseau du 9 avril 2024, il avait été surpris de se retrouver seul face aux divers intervenants, sans sa présence ou celle de sa curatrice, ce qui avait eu pour conséquence qu'il n'en avait pas compris les tenants et aboutissants.

g. Par lettre du 13 mai 2024, le SAPEM a informé A______ qu'il avait été placé sur liste d'attente en vue de son admission à I______.

EN DROIT :

1.             1.1. Conformément à l'art. 128 al. 2 let. a et al. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05), la Chambre de céans exerce les compétences que le CPP et la loi d'application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP ; RS E 4 10) lui attribuent.

1.2. En vertu de la délégation figurant à l'art. 439 al. 1 CPP, le législateur genevois a attribué à la Chambre pénale de recours la compétence de statuer sur les recours dirigés contre les décisions rendues par le département, ses offices et ses services conformément à l'art. 40 LaCP (art. 42 al.1 let. a LaCP). Les procédures de recours sont notamment régies par les art. 379 à 409 CPP (art. 42 al. 3 LaCP).

1.3. Le département est compétent pour prendre toutes les décisions relatives à l'exécution des peines privatives de liberté et des mesures entraînant une privation de liberté (art. 74 à 91 CP), à l'exclusion des décisions visées aux art. 75 al. 6 et 86 à 89 CP (art. 5 al. 2 let. h LaCP; art. 11 al. 1 let. e Règlement sur l'exécution des peines et mesures du 19 mars 2014 [REPM ; RS E 4 55.05]). La loi ne désigne pas l'autorité compétente pour ordonner le placement en milieu fermé selon l'art. 59 al. 3 CP. Selon la jurisprudence, le choix du lieu d'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle constitue une modalité d'exécution de la mesure qui relève de la compétence de l'autorité d'exécution. Aussi, la compétence de placer le condamné dans une institution fermée ou un établissement pénitentiaire appartient à l'autorité d'exécution (ATF 142 IV 1 consid. 2.5; ACPR/679/2023 du 30 août 2023 consid. 3.1).

1.4. En l'espèce, le recours est recevable pour être dirigé contre une décision rendue par le SAPEM, sujette à recours auprès de la Chambre de céans, avoir été déposé dans la forme et le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al 1 CPP) et émaner du condamné visé par la décision déférée, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le dossier du SAPEM ayant été transmis à la Chambre de céans par cette autorité, la conclusion préalable du recourant est sans objet.

3.             Le recourant demande à pouvoir compléter son recours.

Or, il est communément admis en procédure que la motivation d'un recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même, qui ne saurait dès lors être complété ou corrigé ultérieurement (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 et 2.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2010 consid. 5; ACPR/373/2022 du 27 mai 2022 consid. 3; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3 ad art. 385), de sorte que sa demande sera rejetée, ce d'autant qu'il lui a été donné la possibilité de répliquer et de s'exprimer sur la pièce produite par le SAPEM ensuite de ses observations (compte rendu de réseau du 9 avril 2024).

4.             Le recourant conteste son placement en milieu fermé.

4.1.  Conformément à l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel, si l'auteur a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble et qu'il est à prévoir que la mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble.

En principe, le traitement institutionnel s'effectue dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures (art. 59 al. 2 CP). Il peut toutefois aussi s'effectuer dans un établissement fermé, tant qu'il y a lieu de craindre que l'auteur ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions. Il peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76 al. 2 CP dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié (art. 59 al. 3 CP).

4.2.  L'art. 59 al. 3 CP subordonne le traitement dans un établissement fermé à un risque de fuite ou de récidive. Il doit s'agir d'un risque qualifié, puisque toutes les mesures supposent un risque de récidive (cf. art. 56 al. 1 let. b CP). Le risque est qualifié quand il est concret et qu'il est hautement probable que le condamné commette d'autres infractions dans l'établissement ou en dehors de celui-ci. Il s'agit d'un danger qui ne peut être combattu que par le placement dans un établissement fermé. Conformément au principe de la proportionnalité, l'exécution de la mesure dans un établissement fermé suppose une sérieuse mise en danger de biens juridiques essentiels (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1216/2018 du 16 janvier 2019 consid. 1.1; 6B_1243/2017 du 13 mars 2018 consid. 1.1; 6B_319/2017 du 28 septembre 2017 consid. 1.1; 6B_845/2016 du 29 juin 2017 consid. 3.1.2; 6B_1040/2015 du 29 juin 2016 consid. 5.1). 

Le risque de récidive doit être concret et hautement probable, c'est-à-dire résulter de l'appréciation d'une série de circonstances. Il vise la dangerosité interne du prévenu. Il s'agit d'un danger qui ne peut être combattu que par le placement dans un établissement fermé. Au regard du principe de la proportionnalité, le placement dans un établissement fermé ne peut être ordonné, respectivement maintenu, que lorsque le comportement ou l'état du condamné représente une grave mise en danger pour la sécurité et l'ordre dans l'établissement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1216/2018 du 16 janvier 2019 consid. 1.1; 6B_1243/2017 précité consid. 1.1; 6B 319/2017 du 28 septembre 2017 consid. 1.1).

4.3.  En l'espèce, le SAPEM justifie le placement du recourant en milieu fermé en raison du risque de récidive.

Lorsqu'il a, le 21 octobre 2022, ordonné le passage en milieu ouvert, ledit service s'était fondé sur l'évolution favorable – constatée par l'ensemble des intervenants – du recourant depuis plusieurs mois, en particulier en raison de son abstinence aux stupéfiants et à l'alcool et d'un meilleur investissement dans les soins. Cette progression était prévue par le PEM, dont le recourant remplissait à ce moment-là les conditions.

Cependant, son comportement s'est fortement dégradé depuis le mois décembre 2023, le rapport du SMI du 31 janvier 2024 faisant état de plusieurs transgressions graves et répétées.

Le recourant a en effet consommé du cannabis et de la cocaïne, acte considéré comme un facteur aggravant de réitération et donc de dangerosité. Il a également adopté à plusieurs reprises un comportement agressif et provocateur à l'égard du personnel soignant de son unité. Par ailleurs, lorsqu'il a été informé qu'il ne pourrait pas bénéficier des congés prévus, en raison de sa consommation de stupéfiants, il a présenté des idées suicidaires, qui ont conduit à son transfert dans une autre unité, où il a été placé en chambre de soins intensifs sous surveillance accrue. Le 30 décembre 2023, il a en outre fugué de son unité, proféré des propos menaçants et injurieux à l'endroit d'une soignante, s'est montré agité durant son entretien médico-infirmier et a parlé de "tout détruire", ce qui a nécessité, une nouvelle fois, son placement en chambre de soins intensifs. À cela s'ajoute qu'il a commis un acte violent ce jour-là, puisqu'il s'en est pris physiquement aux deux agents de sécurité venus le maîtriser – lesquels ont été blessés durant l'intervention –, puis s'est montré menaçant à l'égard de l'un d'entre eux, ce qui a incité le personnel soignant à lui administrer de force un antipsychotique.

Début janvier 2024, malgré la stabilisation de son état psychique et son engagement à faire preuve d'abstinence aux toxiques, il a reconnu avoir à nouveau consommé de la cocaïne. Le 23 janvier 2024, il a par ailleurs fugué de son unité durant dix minutes. De plus, lors de la séance de réseau qui s'est tenue le 25 suivant, il a été relevé que le recourant, qui adoptait toujours une attitude rebelle et offensive à l'égard du personnel soignant, présentait une importante intolérance à la frustration et remettait en cause les règles de l'établissement. Aussi, lorsque le SAPEM l'a sommé de modifier immédiatement son comportement – précisant qu'aucun autre acte de violence ne serait toléré –, le recourant s'est montré provocateur et s'est positionné en victime.

Le lendemain, le SMI a encore signalé au SAPEM que l'intéressé, qui persistait à adopter une attitude offensive et à minimiser ses actes, avait été testé positif à la cocaïne la veille et avait proféré des menaces concrètes à l'encontre de l'un des agents de sécurité blessé le 30 décembre 2023.

Ce n'est que quelques jours plus tard que le recourant, placé provisoirement en milieu fermé au sein de la prison de B______, s'est finalement engagé à respecter le cadre et a affirmé vouloir travailler sur son comportement et maintenir une abstinence aux toxiques. Or, ses réflexions – a posteriori – sur l'inadéquation de son comportement n'effacent pas les atteintes survenues, qui outrepassent de toute évidence un simple moment de crise ou un comportement récalcitrant, et représentent un risque de réitération qualifié de violences à l'égard de tiers.

Dans ces circonstances, son maintien en milieu ouvert n'était à l'évidence pas compatible avec le besoin de protection de la collectivité. Son passage en milieu fermé apparaissait nécessaire, adéquat et proportionné – compte tenu des biens juridiques menacés, à savoir l'intégrité corporelle, voire la vie – à la situation du recourant et permettait de garantir la poursuite de sa prise en charge dans le cadre de la mesure dont il fait l'objet.

Le risque de récidive étant réalisé, point n'est besoin d'examiner si le risque de fuite – alternatif – l'est également, étant souligné que le SAPEM semble l'exclure.

Enfin, il sera rappelé qu'il n'appartient pas à la Chambre de céans de déterminer le lieu de placement, puisque le choix du lieu d'exécution constitue une modalité d'exécution de la mesure, qui relève de la seule compétence de l'autorité d'exécution, en l'occurrence du SAPEM (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_705/2015 du 22 septembre 2015 consid. 1.4.1, avec référence à l'arrêt 6B_629/2009 du 21 décembre 2009 consid. 1.2.3 et à l'ATF 130 IV 49 consid. 3.1).

5.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

6.             Vu l'issue de la cause, il a été renoncé à demander des observations au Ministère public.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Service de l'application des peines et mesures.

Le communique pour information, au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/18/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

505.00

Total

CHF

600.00