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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/14471/2023

AARP/237/2025 du 25.06.2025 sur JTDP/475/2024 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : VOL(DROIT PÉNAL);PRÉSOMPTION D'INNOCENCE;LIBRE APPRÉCIATION DES PREUVES;FRAIS JUDICIAIRES
Normes : CP.139.al1.leta; CPP.10; CPP.428; CPP.429.al1.leta
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14471/2023 AARP/237/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 25 juin 2025

 

Entre

A______, domiciliée ______, France, comparant par Me B______, avocat,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/475/2024 rendu le 23 avril 2024 par le Tribunal de police,

 

et

C______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/475/2024 du 23 avril 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable de vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal, dans sa teneur au 28 mai 2023 [aCP]) ainsi que de tentative de vol (art. 22 al. 1 aCP cum art. 139 ch. 1 aCP), et l'a condamnée à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction de dix jours de détention avant jugement, rejetant ses conclusions en indemnisation, frais de la procédure à sa charge.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, à l'indemnisation de la détention subie avant jugement et de ses frais d'avocat pour la procédure préliminaire, de première instance et d'appel, qu'elle chiffre à CHF 6'000.- (soit 10h00 au tarif de chef d'étude en CHF 400.-/h [dont 07h30 d'activité en 2023 au taux TVA de 7.7%] et 5h00 à celui de collaborateur, fixé également au même montant) (ndr : jusqu'au 25 octobre 2024).

b. Selon l'ordonnance pénale du 14 juillet 2023, il est reproché ce qui suit à A______ :

À Genève, au domicile de C______ sis rue 1______ no. ______, elle a dérobé, le 28 mai 2023 entre 17h00 et 18h00, divers objets appartenant au précité (huit montres, dont certaines de marque et avec leur coffret de rangement, un briquet plaqué or, un coupe-cigare plaqué or et une boîte contenant 20 pièces de cinq francs des années 60), dans le but de se procurer un enrichissement illégitime.

Il lui est également reproché d'avoir, dans les mêmes circonstances, tenté de dérober la montre de marque D______ que portait alors C______ à son poignet.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 31 mai 2023, C______ a déposé plainte pénale contre inconnu à la police.

Il expliquait s'être fait héler par une femme, le 28 mai précédent vers 17h00, sur le marché de E______, laquelle cherchait du travail. Il lui avait proposé quelques heures de ménage chez lui, puis ils en avaient discuté autour d'un verre au restaurant F______. Après que l'intéressée lui avait demandé de voir le studio qu'elle aurait à nettoyer, ils s'étaient rendus à son domicile où il lui avait offert un premier café, puis un deuxième avec du cognac. La femme avait fait plusieurs allers-retours aux toilettes et consommé une grande partie de son cognac. À un moment, il lui avait demandé de partir car elle était trop alcoolisée et s'incrustait. Tandis qu'il l'accompagnait vers la sortie, elle était tombée devant la porte palière. Lorsqu'il avait voulu l'aider à se relever, elle lui avait agrippé le poignet gauche, où il portait sa montre D______, tentant, lui avait-il semblé, de la lui dérober. Elle avait ensuite quitté l'immeuble. De retour dans son logement, il avait constaté que des montres (ndr : au nombre de sept), dont deux avec leur coffret, et quelques objets énumérés dans sa plainte et son complément du 5 juin 2023, avaient disparu.

a.b. Le 15 juin 2023, C______ a donné à la police le signalement de la femme qui l'avait abordé à E______ et qui lui avait dit s'appeler "G______", d'origine anglaise mais ne comprenant pas la langue, qui s'exprimait dans un français approximatif sans accent et comprenait très bien l'italien. Il n'a pas reconnu, sur planche photographique, l'auteure présumée que la police pensait avoir identifié suite aux investigations menées en lien avec un raccordement téléphonique français, enregistré au nom de A______, laquelle avait adressé un message SMS au plaignant le 29 mai 2023. Ce message avait la teneur suivante : "Salut J______, quand est-ce qu'on se revoit? J'espère que tu vas bien et que l'on se revoit bientôt. G______.".

C______ estimait son préjudice à plus de CHF 200'000.-. Il n'a produit aucun justificatif.

b. Selon le rapport d'arrestation, la police, d'entente avec C______, avait adressé le 29 juin précédent, à l'aide du téléphone du précité, un message SMS à A______, lui proposant un rendez-vous au restaurant F______ le 5 juillet 2023 à 14h00. Le 3 juillet 2023, C______ avait confirmé avoir été atteint, le jour-même, par "G______", qui lui avait dit qu'elle viendrait le voir exprès depuis H______[France] deux jours plus tard, tout en lui demandant de lui avancer ses frais de déplacement. Le jour venu, la police avait mis en place un dispositif d'observation discrète aux alentours du restaurant. Après que C______ s'était attablé sur la terrasse vers 13h50, il avait été rejoint par deux femmes vers 14h30, qui l'avaient salué. Celles-ci avaient alors été interpellées et amenées au poste de E______. Elles avaient été identifiées sur la base de leur passeport roumain comme deux sœurs, A______ [recte : A______], née le ______ 1985, et N______, née le ______ 1983. La fouille de la première avait permis de la saisie de valeurs patrimoniales, d'un [téléphone portable] I______ – dont le numéro correspondait à celui qui avait été en contact avec C______ – et de deux e-billets de train H______ – Genève, avec la quittance associée (ndr : ces objets ayant été placés sur son dépôt à la prison). Elle faisait l'objet d'une inscription au RIPOL concernant une ordonnance pénale du Ministère public neuchâtelois qui devait lui être notifiée pour des faits de mendicité, devant s'acquitter d'une amende de CHF 200.- et de frais de CHF 50.-. A______ était connue en France pour des faits de vol en réunion, vol à l'étalage et escroquerie.

c. Le 5 juillet 2023, C______ a confirmé à la police que l'une des deux femmes venues à sa rencontre au restaurant F______ était celle qui s'était rendue à son domicile le 28 mai 2023, après l'avoir rencontrée au marché de E______, la reconnaissant au demeurant sur une photo du jour qui lui avait été présentée par le gendarme qui l'interrogeait. Elle l'avait salué en lui disant : "Salut J______, tu m'as manqué". Il ne connaissait pas l'autre dame. "G______" lui avait adressé un message, à 11h26, pour l'informer de son retard ("Bonjour J______ c'est G______ je suis dans le TGV il avait du retard je serai à Genève a 14h alors du coup je t'appelle dès que je descends bisous").

C______ a précisé que le 28 mai 2023, à son domicile, "G______" lui avait également proposé des prestations sexuelles. Elle avait levé sa jupe et lui avait dit : "ça te tente J______?". Il y avait mis court immédiatement, n'étant pas intéressé. Il ne s'était rendu compte qu'après plusieurs heures que des objets de valeur lui manquait. Il rajoutait au butin dérobé une montre de marque O______ en or, type ______, de 1936, valant plus de CHF 26'000.- selon une vendeuse de la boutique éponyme. C'était "G______" qui lui avait demandé son numéro de téléphone.

d. À la police, N______ a expliqué que, la veille au soir, sa sœur et elle, après s'être disputées avec leurs maris, avaient décidé de prendre le train pour aller voir de la famille à K______ [France] – des cousins dont elle avait du mal à se souvenir du nom, alors qu'elle ne disposait plus de leur adresse. Comme sa sœur connaissait "J______", un ami, il avait été prévu d'aller prendre un café avec lui. Ensuite, elles devaient régler un problème avec un pasteur à K______, puis voir leurs cousins, avant de rentrer à H______.

e.a. Au poste, A______ a déclaré avoir croisé C______, qu'elle appelait "J______", un peu plus d'un mois auparavant "au marché sur la grande place". Il l'avait abordée, tandis qu'elle était en train de se promener, croyant qu'elle était sa voisine. Il lui avait donné son numéro de téléphone et ils s'étaient échangés des messages. Elle ne le connaissait pas plus que cela. Elle lui avait dit s'appeler "G______" car tout le monde l'appelait ainsi. Elle n'était jamais allée chez lui et ne savait même pas où il habitait. Une semaine auparavant, C______ lui avait envoyé un message pour qu'ils se rencontrent, ce qu'elle avait accepté. Elle était venue de H______ le jour même. En réalité, elle escomptait sur le fait qu'il l'aide à payer une amende qui lui avait été infligée à Neuchâtel. Elle ne lui avait pas proposé de relation sexuelle ; ce n'était pas son genre.

Avant de quitter H______, elle avait appelé sa sœur pour lui faire part de son rendez-vous avec C______, qui était d'accord de lui prêter de l'argent. Elle lui avait demandé de l'accompagner parce qu'elle ne voulait pas voyager seule. Elle ne savait pas pourquoi sa sœur n'avait pas donné la même explication qu'elle sur la raison de leur venue à Genève. Elles devaient repartir directement à H______ après leur café avec C______ ; elles n'avaient rien prévu d'autre et n'avaient pas de famille dans la région chez qui passer la nuit. Elle ignorait pourquoi sa sœur avait dit le contraire.

Interpellée sur le fait qu'elle avait payé EUR 130.- pour son billet de train dans la perspective de recevoir une aide de CHF 200.- de C______, elle a indiqué être en réalité partie de chez elle parce qu'elle s'était disputée avec son mari.

e.b. Devant le Ministère public (MP), A______ a confirmé ses déclarations à la police.

Elle ignorait pourquoi C______ l'accusait à tort. Comme elle l'avait expliqué, elle s'était fortement disputée avec son mari qui l'avait trompée. Elle avait donc appelé sa sœur pour lui demander si elle pouvait l'accompagner pour "passer le temps et oublier". Elle ne savait pas pourquoi celle-ci avait dit qu'elle l'avait présenté comme un ami.

Lorsqu'elle avait rencontré C______, un mois auparavant, elle se trouvait à Genève avec son mari. Au marché de E______, elle l'avait perdu de vue pendant cinq minutes ; c'était à ce moment-là qu'elle avait rencontré C______, avec lequel elle était restée "environ 30 secondes". Elle ne s'était jamais rendue chez lui.

f.a. À l'audience de confrontation prévue par le MP le 14 juillet 2023 à 10h35 (ndr : convoquée pour 09h00), C______ ne s'est pas présenté. Il est mentionné ce qui suit au procès-verbal d'audience :

"Note du Procureur :

La greffière tente de joindre à plusieurs reprises le plaignant. Le plaignant a indiqué qu'il était perdu et qu'il arrivait. A 10h30 le plaignant n'est toujours pas là et ne répond pas au téléphone."

À cette audience, une ordonnance pénale a été notifiée à A______, laquelle a été mise en liberté le jour même.

f.b. C______ ne s'est pas non plus présenté à l'audience du MP du 5 septembre 2023 (ndr : convoquée à 14h30). Le procès-verbal mentionne :

"Note du Procureur :

La greffière a tenté de joindre C______ à 14h45, il a indiqué qu'il était perdu à M______ [GE] et qu'il ne connaissait pas cette dame et qu'il n'avait rien d'autre à ajouter."

g. Par courrier de son conseil du 24 juillet 2023, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale et fait savoir au MP que C______ avait pris contact avec son avocat aux fins d'attester qu'elle n'était pas la personne qui lui avait dérobé des valeurs à domicile, ce qui ressortait d'un échange de messages SMS du 21 juillet 2023. Son avocat avait ainsi écrit à C______ : "Bonjour Monsieur, mon stagiaire m'a Dit que vous êtes passé à l'étude hier. Il semblerait que Madame A______ ne soit pas la personne qui vous ait dérobé. Voulez-vous qu'on se voie la semaine prochaine?", qui avait répondu : "Bonjour Monsieur je suis effectivement passé hier à votre étude votre stagière vous a rapporté avec exactitude mes propos je suis à votre disposition pour en parler veuillez s'il vous plaìt me suggérer un jour et une heure ainsi qu'un lieu bien entendu en attendant de vous connaître recevez mes salutations ! C______".

h. Le 18 avril 2024, A______ a déposé des conclusions en indemnisation pour ses frais d'avocat.

i. Devant le TP, C______, bien que dûment convoqué, n'a pas comparu.

A______ a persisté dans ses déclarations et contesté les faits reprochés. Elle a tergiversé sur la question d'avoir eu l'intention d'aller rendre visite à sa "famille" à K______[France] suite à leur venue, sa sœur et elle, à Genève, finissant par dire qu'il s'agissait d'amis de celle-là et que c'était la version soutenue par cette dernière. Lorsqu'elle était présente à Genève à l'époque où elle avait rencontré pour la première fois C______, c'était dans le but d'acheter un véhicule avec son mari.

C. a. Aux débats, A______, son époux et C______ ont été entendus.

a.a. Le 28 mai 2023, A______ s'était rendue à Genève avec son époux parce que la ville était sur leur chemin pour aller rendre visite à un ami à L______[VS]. Ils s'étaient arrêtés le temps d'acheter quelques victuailles au marché de E______. À un stand, alors qu'il lui manquait un peu d'argent pour régler des emplettes, C______ s'était proposé de l'aider. Ce dernier avait cru qu'elle était sa voisine. La questionnant sur le fait qu'elle semblait à cours de liquidités et apprenant qu'elle n'avait pas de travail, il lui avait offert d'accomplir quelques heures de ménage chez lui. Ils s'étaient échangés leurs numéros de téléphone. Elle ne l'avait pas rendu attentif au fait qu'il se trompait de personne parce qu'elle s'était dit qu'elle allait ainsi gagner un peu d'argent. Il devait l'appeler un peu plus tard dans l'après-midi. Lorsqu'elle en avait parlé à son époux, celui-ci lui avait dit que ce ne serait pas possible puisqu'ils devaient se rendre à L______ [VS]. Elle avait essayé de joindre C______ pour l'en informer, mais il n'avait pas répondu. Ils avaient ensuite quitté Genève.

A______ a maintenu ses explications sur sa venue à Genève, le 5 juillet 2023.

Elle ne savait pas pourquoi C______ la mettait en cause, l'accusant à tort d'un vol qu'elle n'avait pas commis. Elle ne parlait pas l'italien.

a.b. P______ a confirmé les propos de son épouse. Au début du mois de juillet 2023, ils s'étaient disputés la veille du départ de celle-ci pour Genève ; il arrivait parfois que A______ "quitte la maison pour prendre l'air" dans ce genre de situation.

a.c. C______ était formel. A______ n'était pas la dame qui était venue chez lui le 28 mai 2023. Il l'avait toutefois bien rencontrée sur le marché de E______. Ils s'étaient salués, elle lui avait dit être sa voisine, ce à quoi il avait rétorqué : "excusez-moi je ne vous connais pas", et cela s'était arrêté là, il n'y avait pas eu de conversation. Il lui avait cependant laissé son numéro de téléphone. Ils s'étaient recroisés et avaient eu l'occasion d'aller prendre une bière à F______.

La personne qui s'était rendue à son domicile avait dans la cinquantaine et était prête à des avances sexuelles qu'il avait déclinées.

Il était allé voir l'avocat de A______ à son étude pour lui expliquer que la personne arrêtée n'était pas la bonne.

Il avait racheté toutes les montres de sa collection dérobées au moyen de ses deniers.

b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions, complétant celles relatives à ses frais d'avocat par le dépôt d'une liste des prestations recensant, à partir du 26 octobre 2024, 3h45 d'activité par le chef d'étude et 2h30 par l'avocat-stagiaire (au taux de CHF 250.-/h), y compris l'audience d'appel (ndr : dont la durée a été estimée à 0h45, alors que les débats ont pris 1h25).

A______ précise que ses conclusions complétées et chiffrées comprennent aussi bien l'indemnisation de sa détention avant jugement que celle relative à ses frais d'avocat.

c. C______, par son curateur, s'en rapporte à justice.

d. Dans ses déterminations écrites, le MP a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué.

e. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), l'art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et l'art. 10 al. 3 CPP. Il concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

Ce principe signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence ou encore lorsqu'une condamnation intervient au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve. Le juge ne doit pas non plus se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 127 I 38 consid. 2a).

2.1.2. Selon l'art. 139 ch. 1 aCP, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Cette infraction requiert un acte d'appropriation illicite, lequel se définit comme la volonté de se comporter comme un propriétaire d'une chose tout en privant le propriétaire réel des pouvoirs liés à cette qualité (ATF 129 IV 223 consid. 6.2.1).

Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle : l'appropriation doit être volontaire (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1096/2021 du 13 juillet 2022 consid. 4.1 ; 6B_1119/2020 du 21 janvier 2021 consid. 2.2), tout comme la soustraction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_311/2013 du 28 mai 2013 consid. 2.4.1). En outre, l'auteur doit agir dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1043/2015 du 9 décembre 2015 consid. 4.2.1).

2.2. L'appelante a toujours contesté s'être rendue chez C______. Certes, les circonstances de leur rencontre et leurs premières paroles échangées interrogent sur la clarté des intentions de celle-ci, d'autant que son discours n'est pas en phase avec celui de sa sœur, s'agissant des motifs de son retour à Genève à l'époque de son interpellation, de son intention de se rendre à K______ ou de sa relation avec le plaignant (qui, d'après elle, n'était pas un ami, alors que sa sœur avait entendu le contraire).

Il est effectivement pour le moins curieux qu'à la suite d'une rencontre sur un marché local, alors qu'on vient de la région parisienne avec son époux pour se rendre vers L______[VS] et que l'on est de passage dans le canton, d'accepter, le cas échéant, quelques heures de ménage chez un inconnu, sans fournir, au demeurant, sa réelle identité. Il est tout aussi étrange de dépenser plus d'une centaine de francs pour l'achat d'un billet de train pour se rendre de H______ à Genève afin de partager un café avec le plaignant, escomptant sur son aide financière aux fins de régler une amende de CHF 200.-.

Cela dit, aucun autre élément que les déclarations de C______ conforte le soupçon de la venue de l'appelante au domicile du précité, laquelle a dénoncé le caractère lacunaire de l'instruction de cette affaire.

Or C______, qui s'est rendu compte dans les heures qui ont suivi du vol pour lequel il n'a déposé plainte que plusieurs jours plus tard, a été pour le moins fluctuant dans ses affirmations. Après les premières investigations, alors que la police lui soumettait une photographie de A______, il ne l'a pas reconnue. En outre, "G______", soit la personne rencontrée à E______, "d'origine anglaise", ne comprenait pas cette langue, mais s'exprimait "très bien" en italien, ce qui a été démenti par l'appelante. Le jour où cette dernière a été interpellée, il a indiqué à la police qu'elle était bien celle qui s'était rendue à son domicile le 28 mai 2023. Le 5 septembre suivant, il a indiqué à la greffière du Procureur, qui s'enquerrait de son défaut de comparution à l'audience du MP, qu'il ne connaissait pas "cette dame" (ndr : A______). Avant les débats d'appel, il s'est spontanément rendu chez l'avocat de l'appelante pour la mettre hors de cause, ce qu'il a confirmé à l'audience. A______, qu'il avait bien rencontrée sur le marché de E______ et avec qui il avait échangé quelques banalités, n'était pas celle qui était venue chez lui le 28 mai 2023.

Dans ces conditions, il existe un doute suffisant, devant profiter à l'appelante, sur le fait qu'elle soit l'auteure du vol dénoncé par le plaignant.

L'admission de l'appel commande son acquittement du chef de vol, respectivement de tentative de vol, et le jugement attaqué sera réformé en conséquence.

3. L'appel étant admis, les frais de la cause seront laissés à la charge de l'État dans leur intégralité (art. 428 CPP a contrario).

4. 4.1. L'indemnisation du prévenu est régie par les art. 429 à 432 CPP, dispositions aussi applicables à la procédure de recours par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP.

Aux termes de l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu a un droit à une indemnisation et à la réparation de son tort moral s'il est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement.

L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (art. 429 al. 2 CPP).

Il est loisible au prévenu de renoncer à être indemnisé, en principe à la faveur d'une déclaration formelle. Un comportement passif peut être interprété comme une renonciation lorsque le prévenu n'a pas réagi à la suite d'une demande expresse de l'autorité de chiffrer et justifier ses prétentions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.4).

L'autorité pénale amenée à fixer une indemnité sur le fondement de l'art. 429 al. 1 let. a CPP n'a pas à avaliser purement et simplement les notes d'honoraires d'avocats qui lui sont soumises : elle doit, au contraire, examiner, tout d'abord, si l'assistance d'un conseil était nécessaire, puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire, et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conformes au tarif pratiqué à Genève, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). La Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d'étude, de CHF 350.- pour les collaborateurs et de CHF 150.- pour les stagiaires (arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 3 et 2C_25/2008 du 18 juin 2008 consid. 3, en matière d'assistance juridique, faisant référence aux tarifs usuels d'un conseil de choix à Genève ; AARP/125/2012 du 30 avril 2012 consid. 4.2 ; ACPR/178/2015 du 23 mars 2015 consid. 2.1).

4.2. L'appelante, dûment assistée, a renoncé à une indemnisation de son tort moral suite à sa détention avant jugement (art. 429 al. 1 let. c CPP) et il en sera pris acte.

S'agissant de ses frais d'avocat, elle les a justifiés comme suit : 13h45 au tarif de chef d'étude en CHF 400.-/h, 5h00 au même tarif pour un collaborateur et 2h30 au tarif de l'avocat-stagiaire en CHF 250.-/h.

L'assistance de l'appelante par un avocat dans le cadre d'une procédure ayant donné lieu à une mise en prévention de vol – un crime – ainsi qu'à une arrestation, suivie d'une détention, ne se discute pas.

Quant à l'adéquation des activités facturées, seuls les postes suivants de l'état de frais peuvent être défalqués parce que n'étant pas en lien direct avec les besoins de la procédure :

-     1h00 consacrée à un "Rendez-vous avec Q______" (père de l'appelante) le 11 juillet 2023 ; un appel téléphonique (0h15) en vue de mandater l'avocat aurait suffi ;

-     1h00 de "Recherche juridique pour l'audience à la CPAR" le 25 octobre 2024 ; celle-ci n'apparaissant pas justifiée par les enjeux de la procédure et son absence de complexité.

Seront pris en compte les temps effectifs relatifs à la durée des audiences de jugement de première instance et d'appel, laquelle avait fait l'objet d'une estimation (1h00 devant le TP [recte : 1h40] par le collaborateur et 0h45 [recte : 1h25] par l'avocat-stagiaire), soit une durée supplémentaire à indemniser de 1h20.

Les tarifs mis en avant seront corrigés en fonction de la quotité de ceux admis par la jurisprudence.

En définitive, seront prises en compte 12h00 au tarif de chef d'étude en CHF 400.-/h, 5h40 au tarif de collaborateur en CHF 350.-/h et 3h10 au tarif de l'avocat-stagiaire en CHF 150.-/h, et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1%, sous réserve d'un taux différencié de 7.7% pour l'activité réalisée avant le 1er janvier 2024, soit 6h45 par le chef d'étude.

L'appelante se verra ainsi indemnisée à hauteur de CHF 7'835.50 (CHF 7'258.35 + TVA [CHF 577.15]) pour ses frais d'avocat.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/475/2024 rendu le 23 avril 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/14471/2023.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de vol (art. 139 ch. 1 aCP) et de tentative de vol (art. 22 al. 1 cum art. 139 ch. 1 aCP).

Alloue à A______, à la charge de l'État de Genève, un montant de CHF 7'835.50 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits durant la procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Laisse l'entier des frais de la procédure à la charge de l'État (art. 426 et 428 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.