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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/15775/2023

AARP/265/2024 du 05.08.2024 sur JTDP/33/2024 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.08.2024
Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ;FIXATION DE LA PEINE
Normes : CPP.399; CP.47
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15775/2023 AARP/265/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 5 août 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______ [GE], comparant par Me C______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/33/2024 rendu le 12 janvier 2024 par le Tribunal de police,

et

D______, ______ [VD],

PARKING E______ S.A., ______ [GE],

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/33/2024 du 12 janvier 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquitté du chef de violation de domicile (art. 186 du Code pénal suisse [CP]) pour les faits décrits sous chiffre 1.1.2 de l'acte d'accusation, tout en le reconnaissant coupable de rupture de ban (art. 291 CP), de vol d'importance mineure (art. 139 CP cum art. 172ter CP), de violation de domicile (art. 186 CP) et d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d de la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup). A______ a été condamné à une peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de la détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de CHF 300.- avec une peine privative de liberté de substitution de trois jours. Le TP a en outre condamné A______ aux frais de la procédure en CHF 2'244.-, émolument de base (CHF 300.-) et émolument complémentaire (CHF 600.-) compris, et a prononcé les confiscations d'usage. Par ordonnance du même jour, le TP a en outre maintenu A______ en détention pour des motifs de sûreté considérant le risque de fuite (nationalité étrangère, aucune attache sérieuse avec la Suisse), voire qu'il demeure sur le territoire en se soustrayant aux autorités pénales et qu'il convenait de garantir l'exécution de la peine prononcée.

A______ entreprend partiellement ce jugement, contestant "les faits tels que présentés sous lettre (sic) B.g et B.h" du jugement attaqué (ndr : se rapportant à la violation de domicile au préjudice de PARKING E______ SA) et concluant pour le surplus à sa condamnation à une peine privative de liberté n'excédant pas six mois, sous déduction de la détention déjà effectuée, à ce qu'il soit renoncé à lui infliger une amende et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'État.

b. Selon l'acte d'accusation du 10 novembre 2023 et l'acte d'accusation complémentaire du 11 décembre 2023, il était reproché à F______ (alias A______) d'avoir :

- du 30 juin au 20 juillet 2023, du 21 juillet au 4 août 2023, du 6 août au 8 septembre 2023, puis du 9 septembre au 11 novembre 2023, persisté à séjourner sur le territoire suisse alors qu'il faisait l'objet de deux décisions d'expulsion judiciaire prononcées à son encontre, d'une durée de cinq ans dès le 17 mars 2019 pour la première et de dix ans dès le 20 mars 2020 pour la seconde ;

- le 4 août 2023, vers 13h45, dérobé des marchandises appartenant à D______ [magasin de grande distribution], sis 2______ [à Genève], notamment des bouteilles d'alcool, pour une valeur totale de CHF 174.70, se les appropriant sans droit dans le but de s'enrichir illégitimement de leur valeur ;

- le 8 septembre 2023, vers 22h45, place de la Navigation, détenu deux morceaux de haschich d'un poids total de 49.6 grammes et d'avoir tenté de les vendre à un policier en civil ;

- le 11 novembre 2023, vers 15h25, pénétré dans le parking de E______, sis 1______ [à Genève], alors qu'il savait faire l'objet d'une interdiction d'entrée dans ce parking (décision valablement notifiée le 7 novembre 2023 et valable pour une durée de deux ans).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ (alias F______), démuni de documents d'identité, a été contrôlé par la police le 20 juillet 2023, alors qu'il se trouvait sur le territoire suisse en dépit des décisions d'expulsion judiciaire prononcées à son endroit, dont la dernière, ordonnée par jugement JTDP/1095/2019 du TP du 15 août 2019, confirmé par la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR ; AARP/62/2020 du 17 février 2020), est valable pour une durée de dix ans dès le 20 mars 2020. Parmi les pièces de forme relatives à l'intéressé figurent un laisser-passer délivré par le Consul Général d'Algérie le 16 octobre 2018 l'autorisant à rentrer dans ce pays (voyage de retour prévu le 25 octobre 2018) et un courrier du 15 mars 2019 de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) le rendant attentif notamment à son obligation de quitter la Suisse dans les 48h00 à compter de sa mise en liberté.

b. Le 4 août 2023, A______ a été interpellé après avoir pénétré le jour-même dans le magasin D______ sis 2______, malgré le fait qu'il faisait l'objet de diverses interdictions d'entrée dans les commerces de l'enseigne, dont la dernière, notifiée le 12 avril 2022, était valable pour une durée de deux ans, alors qu'il s'apprêtait à quitter le magasin en emportant pour CHF 174.70 de marchandises, dissimulées dans un sac, vol filmé par les caméras de vidéosurveillance de D______, qui a déposé plainte pénale pour ce vol exclusivement. Sur place, A______ s'est acquitté d'une indemnité de CHF 150.- et la marchandise a été restituée au commerce.

c. Le 8 septembre 2023, A______ a une nouvelle fois été arrêté après avoir tenté de vendre deux morceaux de haschisch (d'un poids total de 49.6 grammes) pour CHF 500.- à un policier en civil.

d. Le 11 novembre 2023, la police a interpellé A______ dans la galerie [marchande] G______ de 1______, où il se trouvait malgré l'interdiction d'entrée dans le parking et la galerie marchande prononcée à son encontre le 7 novembre 2023, notifiée le même jour et valable pour une période de deux ans. La décision d'interdiction mentionne qu'il a été contrôlé dans le parking no 8 en situation de "squat nocturne" : "nous vous interdisons l'accès à tous les parkings listés au verso pour une durée de 2 ans. Par ma signature, je déclare avoir pris connaissance de cette notification de défense d'entrer", texte traduit notamment en arabe. Plainte pénale a été déposée pour ces faits par PARKING E______ SA, représentée par H______ AG.

e. Au cours de la procédure préliminaire, A______ a expliqué savoir faire l'objet d'une décision d'expulsion judiciaire. Depuis 2005, il vivait en Suisse, où se trouvaient ses amis, et n'avait pas l'intention de retourner en Algérie. Toute sa vie était en Suisse et il lui était difficile de devoir quitter le pays. À plusieurs reprises, il a mentionné son intention de rejoindre son frère, avec lequel il avait des contacts, qui habitait en France, dans la région grenobloise. Il était conscient que tant qu'il demeurerait en Suisse, il continuerait d'y être interpellé. Lors des débats de première instance, il a indiqué qu'à sa sortie de prison, en juin 2023, il avait consulté un médecin, qui lui avait conseillé de s'adresser également à d'autres confrères en vue de traiter ses diverses pathologies et demandé de rester durant six mois en Suisse, raison pour laquelle il était demeuré sur le territoire. Il a produit à cet égard une feuille de synthèse du 30 juin 2023 du Département de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) mentionnant notamment qu'il a présenté, le 16 juin 2023, une embolie pulmonaire segmentaire droite, pour laquelle il a été traité, impliquant un contrôle angiologique à six mois et deux rendez-vous les 11 juillet et 1er décembre 2023. Outre un diabète de type 2, il souffre également de diverses addictions.

Après avoir indiqué à la police et devant le Ministère public (MP) qu'il avait dérobé, faute d'argent, quatre bouteilles de boissons alcoolisées, ce dont il s'excusait, précisant avoir une addiction à l'alcool et avoir souhaité faire la fête avec des amis le soir-même, il a affirmé lors de l'audience du TP s'être acquitté du prix de la marchandise, et que D______ n'avait pas déposé plainte pénale, selon ce que son conseil lui avait indiqué. À la réflexion, il était exact qu'il avait volé ces bouteilles pour faire la fête avec un ami. Il ignorait que les interdictions d'entrée qui lui avaient été notifiées étaient valables pour l'ensemble des magasins D______. Il était conscient d'avoir commis une faute.

À la police, puis devant le MP, il a expliqué que depuis sa sortie de prison, le 10 juin 2023, il n'avait plus vendu de drogue ("Cela faisait longtemps que je n'avais pas vendu […]"). Il avait trouvé le haschisch et essayé de le vendre pour subvenir à ses besoins. Devant le premier juge, il a exposé que le policier lui avait indiqué qu'il cherchait du haschisch, puis, après qu'il lui avait signifié ne pas en avoir, ce dernier lui avait demandé de lui désigner une personne pouvant lui en fournir, de sorte qu'ils avaient cheminé dans la rue. Il avait refusé de céder la drogue dont il était porteur, préférant la conserver pour sa consommation personnelle.

Après avoir indiqué au cours de la procédure préliminaire qu'il savait faire l'objet d'une décision d'interdiction d'entrée dans la galerie marchande, tout en ignorant que celle-ci s'étendait au parking de 1______, où il s'était rendu pour dormir, il a concédé devant le TP qu'il avait été contrôlé une première fois car il dormait dans ce parking et que, dans la foulée, une interdiction d'entrée lui avait été notifiée, dont il ignorait toutefois qu'elle était valable pour la totalité du parking.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b.a. Dans son mémoire d'appel, A______ modifie ses conclusions en ce sens que "les faits tels que présentés sous lettre (sic) B.g et B.h" du jugement attaqué ne sont plus contestés. Il conclut formellement à ce qu'il soit renoncé à lui infliger une amende pour le vol d'importance mineure, au prononcé d'une peine privative de liberté n'excédant pas six mois, à l'allocation, en sa faveur, d'une indemnité de CHF 5'000.- pour la détention injustifiée subie et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'État. Il ressort également de son mémoire d'appel qu'il conclut à son acquittement du chef de rupture de ban, subsidiairement à une atténuation de la peine pour cette infraction.

b.b. Si A______ ne contestait pas avoir dérobé de la marchandise à D______, celle-ci avait pu être remise en rayon et il s'était acquitté d'une indemnité de CHF 150.-, montant non négligeable vu sa situation financière, de sorte que l'enseigne de grande distribution avait été intégralement indemnisée, ce qui justifiait qu'il soit renoncé à lui infliger une amende.

Il était demeuré en Suisse pour des raisons médicales, eu égard aux pathologies dont il souffrait, non susceptibles d'être adéquatement prises en charge ailleurs, de sorte qu'il avait agi en état de nécessité, circonstance qui avait pour conséquence qu'il devait être déclaré "non coupable" de rupture de ban, subsidiairement conduire à une atténuation de sa peine.

Pour la fixation de cette dernière, il fallait prendre en considération sa situation personnelle et financière très difficile, à l'origine des infractions commises, de peu de gravité, , dès lors qu'il avait été contraint de dormir dans un parking faute de place disponible dans un hébergement d'urgence, ainsi que tenté de vendre de la drogue pour subvenir à ses besoins de base. Ses problèmes de santé le contraignaient également à demeurer en Suisse, comme déjà évoqué. Ses antécédents, certes nombreux, concernaient des infractions mineures, liées à la précarité de sa situation. Le prononcé d'une peine privative de liberté n'excédant pas six mois était justifié et la détention subie en trop devait être indemnisée.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

La recevabilité des conclusions implicites de l'appelant, s'agissant de l'infraction de rupture de ban, était douteuse. Cela étant, ses problèmes de santé n'étaient pas d'une gravité telle qu'ils lui imposaient de demeurer en Suisse, motif qu'il n'avait par ailleurs jamais invoqué jusqu'alors pour justifier sa présence sur le territoire. En outre, aucun élément n'attestait qu'il se conformait au traitement médical préconisé. Les agissements de l'appelant impliquaient le maintien de l'amende prononcée en première instance. Il en allait de même de la quotité de la peine privative de liberté, étant rappelé que l'intéressé, dont les antécédents étaient très nombreux et spécifiques, agissait comme bon lui semblait, au mépris de la loi et de la justice.

d. Le TP se réfère à son jugement.

e. D______ et PARKING E______ SA n'ont pas pris de conclusions.

D. a. A______, ressortissant algérien, est né le ______ 1979. Il est célibataire et sans enfant. Il a effectué sa scolarité obligatoire et a suivi une formation de boulanger en Algérie. Il est arrivé en Suisse en 2005 et y réside depuis lors. Son père est décédé, sa mère vit en Allemagne, tandis que son frère et sa sœur habitent en France. Il subvient à ses besoins grâce à des dons d'amis, de I______ [organisation caritative] et au soutien d'associations, qui le nourrissent et le logent.

b. Il a été condamné en Suisse à vingt-trois reprises depuis 2012, notamment pour vol, infraction à la LStup, infraction à la LEI, rupture de ban, dommages à la propriété, violation de domicile, la dernière fois, par le Tribunal de police, le 15 juin 2022, à une peine privative de liberté de six mois et à une amende de CHF 400.-, pour vol d'importance mineure, rupture de ban et contravention à la LStup.

E. Me C______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 8h40 d'activité de cheffe d'étude, non soumise à la TVA, comprenant notamment quatre parloirs. En première instance, elle a été taxée pour 5h10 d'activité.

EN DROIT :

1. 1.1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

1.1.2. En vertu de l'art. 399 CPP, la déclaration d'appel doit indiquer si le jugement est attaqué dans son ensemble ou seulement sur certaines parties. Dans ce dernier cas, l'appelant est tenu de mentionner, dans sa déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel. L'art. 399 al. 4 CPP énumère, à ses lettres a à g, les parties du jugement qui peuvent être attaquées séparément. L'appel peut ainsi notamment porter sur la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a), sur la quotité de la peine (let. b) ou sur les mesures qui ont été ordonnées (let. c).  

Selon l'art. 404 al. 1 CPP, la juridiction d'appel n'examine que les points attaqués du jugement de première instance. Elle revoit ces points avec un plein pouvoir d'examen (art. 398 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions (sauf en matière civile ; art. 391 al. 1 let. b CPP). Elle peut revoir les points qui ne sont pas contestés, seulement si leur modification s'impose à la suite de l'admission de l'appel ou de l'appel joint (arrêts du Tribunal fédéral 6B_827/2017 du 25 janvier 2018 consid. 1.1; 6B_40/2013 du 2 mai 2013 consid. 2.1). 

1.2. En tant qu'il conteste, dans son mémoire d'appel, le principe de sa culpabilité du chef de rupture de ban, l'appelant prend une conclusion additionnelle qui diffère de celles mentionnées dans sa déclaration d'appel. Or, cette dernière fixe de manière définitive le cadre des débats d'appel, sous réserve de l'abandon de certaines conclusions, comme c'est le cas du grief relatif à l'appréciation du Tribunal de police sur les faits consignés sous lettres B.g et B.h., voire de points qui doivent être examinés d'office par la CPAR en fonction de l'issue de l'appel, à l'instar de l'indemnisation du prévenu pour la détention injustifiée.

Sa conclusion tendant à son acquittement du chef de rupture de ban étant irrecevable, ce grief ne sera pas examiné sur le fond, de sorte que seule la fixation de la peine sera discutée.

2. 2.1.1. Le vol (art. 139 ch. 1 CP) est punissable d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire, à moins que l'acte ne visait qu'un élément patrimonial de faible valeur, auquel cas il est sanctionné d'une amende. La violation de domicile (art. 186 CP) est punie d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire, à l'instar de la rupture de ban et de l'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup.

2.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1; 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1).

2.1.3. L'art. 49 CP prescrit que si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (al. 2).

2.1.4. Aux termes de l'art. 40 CP, la durée minimale de la peine privative de liberté est de trois jours ; elle peut être plus courte si la peine privative de liberté est prononcée par conversion d'une peine pécuniaire (art. 36) ou d'une amende (art. 106) non payées (al. 1). La durée de la peine privative de liberté est de 20 ans au plus. Lorsque la loi le prévoit expressément, la peine privative de liberté est prononcée à vie (al. 2).

2.1.5. À teneur de l'art. 106 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de 10'000 francs (al. 1). Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (al. 2). Le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3).

2.1.6. Aux termes de l'art. 53 CP, lorsque l'auteur a réparé le dommage ou accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort qu'il a causé, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine, s'il encourt une peine privative de liberté d'un an au plus avec sursis, une peine pécuniaire avec sursis ou une amende (let. a), si l'intérêt public et l'intérêt du lésé à poursuivre l'auteur pénalement sont peu importants (let. b) et si l'auteur a admis les faits (let. c).

La possibilité offerte par l'art. 53 CP fait appel au sens des responsabilités de l'auteur en le rendant conscient du tort qu'il a causé et doit contribuer à améliorer les relations entre l'auteur et le lésé et rétablir ainsi la paix publique (ATF 135 IV 12 consid. 3.4.1). L'auteur doit ainsi démontrer par la réparation du dommage qu'il assume ses responsabilités et reconnaît notamment le caractère illicite ou du moins incorrect de son acte. Si l'auteur persiste à nier tout comportement incorrect, on doit admettre qu'il ne reconnaît pas, ni n'assume sa faute ; l'intérêt public à une condamnation l'emporte donc. Par ailleurs, la réparation du dommage ne peut conduire à une exemption de peine que si l'intérêt public et celui du lésé à la poursuite pénale sont de peu d'importance. Lorsque l'infraction lèse des intérêts privés et plus particulièrement un lésé, qui a accepté la réparation de l'auteur, l'intérêt à la poursuite pénale fait alors la plupart du temps défaut (arrêt du Tribunal fédéral 6B_488/2022 du 11 octobre 2022 consid. 2.1).

Lorsque les conditions cumulatives de l'art. 53 CP sont réunies, l'exemption par le juge est obligatoire. Si elles ne sont réalisées qu'en instance de jugement, il y a lieu de déclarer l'auteur coupable, tout en renonçant à lui infliger une peine (ATF
135 IV 27 consid. 2.3). L'autorité compétente doit prendre en compte toute réparation, quand bien même celle-ci n’intervient qu’après que le délinquant se sache identifié et qu’elle ne soit pas le fruit de sa propre volonté mais celle d’un tiers (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 19 ad art. 53). En outre, l’auteur n’est pas tenu de réparer complètement le dommage par sa compensation, l’important étant qu’il ait accompli tous les efforts que l’on puisse "raisonnablement" attendre de lui (Message CP 1998, 1874). S'il faut partir du principe que la réparation diminue l’intérêt public à poursuivre le délinquant, la gravité des faits ou d’autres circonstances peuvent toutefois toujours s’avérer suffisamment importantes pour maintenir l’intérêt public d’infliger une sanction à celui-ci (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS, op. cit., n 17 ad art. 53).

2.2.1. La faute de l'appelant n'est de loin pas négligeable. Il a persisté à séjourner en Suisse en dépit de la mesure d'expulsion dont il savait faire l'objet, a porté atteinte à la liberté d'autrui en se rendant dans un lieu dont l'entrée lui était interdite, s'est livré à un trafic de stupéfiants en proposant du haschisch à un policier en civil et a dérobé des marchandises dans un supermarché.

L'appelant a agi pour des motifs essentiellement égoïstes, par appât d'un gain facile, soit encore pour des raisons de convenance personnelle, faisant fi des règles et interdits en vigueur.

Certes, sa situation personnelle en Suisse est précaire, vu son statut administratif irrégulier. Toutefois, depuis son arrivée sur le territoire en 2005, il n'a rien entrepris pour remédier à cet état de fait et a adopté un mode de vie dénotant qu'il est, depuis de nombreuses années, durablement ancré dans la délinquance. Or, il lui aurait été possible de changer cette situation, notamment en rentrant en Algérie en octobre 2018, voyage pour lequel il bénéficiait alors d'un laisser-passer de son pays d'origine, voire encore de se rendre en France auprès de son frère, avec lequel il a indiqué être demeuré en contact. Il sera encore relevé que l'appelant n'a jamais mis en avant les pathologies dont il souffre pour justifier son séjour sur le territoire, qu'il a toujours motivé par le fait qu'il s'agissait du pays où se trouvait son centre de vie, ses amis en particulier, de sorte qu'il n'avait pas l'intention de le quitter. Les addictions qu'il présente ne justifient pas non plus ses actes.

Sa collaboration a été fluctuante. En dépit de ses aveux initiaux, l'appelant a ensuite fourni des explications destinées à le disculper devant le premier juge, puis encore en appel.

Sa prise de conscience de l'illicéité de ses agissements est nulle. Preuve en est qu'il considère s'être abstenu pendant longtemps de s'adonner au trafic de stupéfiants, alors que sa détention s'est terminée fin juin 2023 et qu'il a récidivé moins de trois mois plus tard. Il a exprimé à une seule reprise des excuses et n'a pour le surplus montré aucun esprit de repentir.

Ses antécédents sont très nombreux et spécifiques. Aucune des 23 condamnations dont il a fait l'objet par le passé ne l'a conduit à remettre en question son mode de vie, à s'amender, et à prendre des mesures pour ne pas récidiver.

Il y a concours d'infractions, ce qui justifie une augmentation de la peine dans une juste proportion, et cumul d'infractions punissables de peines de genre différent.

2.2.2. Au vu de ce qui précède, seul le prononcé d'une peine privative de liberté est susceptible de sanctionner les délits dont l'appelant s'est rendu coupable.

L'infraction objectivement la plus grave est la rupture de ban, qu'il se justifie de sanctionner par une peine privative de liberté de trois mois et demi, à laquelle il convient d'ajouter les trois autres occurrences, à raison de deux mois chacune (peine hypothétique de trois mois et demi pour chacune des infractions), l'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup justifie une sanction de deux mois (peine hypothétique de trois mois), quant à la violation de domicile, il convient de la punir d'une peine privative de liberté d'un mois (peine hypothétique d'un mois et demi), soit un total de 12 mois et demi.

Compte tenu du principe de l'interdiction de la reformation in pejus, la peine privative de liberté de 12 mois prononcée par le premier juge sera confirmée.

Il en ira de même de l'amende de CHF 300.-, avec une peine privative de liberté de substitution de trois jours, qui sanctionne adéquatement le vol d'importance mineure commis par l'appelant.

À cet égard, les conditions de l'exemption de peine de l'art. 53 CP ne sont nullement réalisées, l'appelant n'ayant spontanément effectué aucune démarche afin de réparer le préjudice causé. En effet, la marchandise a pu être remise en rayon en raison de l'interpellation de l'appelant et non en lien avec un geste volontaire de sa part. Quant à l'indemnité de CHF 150.- versée, elle était destinée à compenser des frais administratifs de D______ lié au larcin commis et ne s'apparente pas à une sanction pénale, pas plus qu'à une quelconque forme de réparation du dommage.

L'appel sera ainsi rejeté et le jugement entrepris confirmé.

3. Les autres points du dispositif de première instance n'étant pas contestés en appel, ils seront confirmés dans la mesure de leur conformité avec les règles juridiques applicables.

4. L'appelant, qui succombe, sera débouté de ses conclusions en indemnisation.

5. Vu l'issue de l'appel, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais en première instance.

6. L'appelant, qui succombe, sera condamné en tous les frais de la procédure de la procédure d'appel, en CHF 1’515.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'200.-.

7. Les motifs ayant conduit le premier juge à prononcer, par ordonnance séparée du 12 janvier 2024, le maintien de l'appelant en détention pour des motifs de sûreté sont toujours d'actualité, de sorte que la mesure sera reconduite mutatis mutandis.

8. 8.1.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 110.- (let. a) ; collaborateur CHF 150.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c). En cas d'assujettissement – l'assujettissement du patron de l'avocat au statut de collaborateur n'entrant pas en considération (arrêts du Tribunal fédéral 6B_486/2013 du 16 juillet 2013 consid. 4 et 6B_638/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.7) – l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3).

8.1.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

8.2. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseure d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 2'080.-, correspondant à 8h40 au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'733.35), plus la majoration forfaitaire de 20% en CHF 346.65.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/33/2024 rendu par le Tribunal de police le 12 janvier 2024 dans la procédure P/15775/2023.

Le rejette.

Ordonne le maintien de A______ en détention pour des motifs de sûreté.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'515.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'200.-.

Arrête à CHF 2'080.- le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseure d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Acquitte A______ de violation de domicile (art. 186 CP) s'agissant des faits décrits sous chiffre 1.1.2 de l'acte d'accusation du 10 novembre 2023.

Déclare A______ coupable de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), de vol d'importance mineure (art. 139 ch. 1 cum 172ter CP), de violation de domicile (art. 186 CP), d'infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. d LStup).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de 69 jours de détention avant jugement (art. 40 et 51 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 300.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 3 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de A______ (art. 231 al. 1 CPP).

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 3______ (art. 69 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 2'244.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 1'448.55 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).

Condamne A______ à payer un émolument complémentaire de CHF 600.- à l'État de Genève."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Tribunal de police.

 

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2844.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

240.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'515.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'359.00