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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7232/2021

AARP/131/2024 du 17.04.2024 sur JTDP/1501/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : VIOLATION D'UNE OBLIGATION D'ENTRETIEN;FIXATION DE LA PEINE;TRAVAIL D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
Normes : CP.217; CP.47; RTIG.1; CP.79a.al1.leta; RTIG.4.al1.letA
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7232/2021 AARP/131/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 17 avril 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, FRANCE, comparant par Me Pascal JUNOD, avocat, rue de la Rôtisserie 6, case postale 3763, 1211 Genève 3,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1501/2023 rendu le 23 novembre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 23 novembre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a condamné à une peine privative de liberté de 60 jours pour violation d'une obligation d'entretien (art. 217 al. 1 du Code pénal [CP]), frais de la procédure en CHF 1'698.- à sa charge, émoluments de jugement (CHF 300.-) et complémentaire (CHF 600.-) compris.

A______ entreprend intégralement ce jugement et conclut à son acquittement, frais et dépens à la charge de l'État, notes d'honoraires à l'appui.

Le Ministère public (MP) et le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA) concluent au rejet de l'appel et la confirmation du jugement entrepris.

b. Selon l'ordonnance pénale du 2 mai 2022, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, entre les mois de juillet 2020 et octobre 2021, omis de verser en main du SCARPA la contribution due pour l'entretien de son fils B______, né le ______ 2013, fixée à CHF 2'800.- par mois et d'avance, par jugement du Tribunal de première instance (TPI) du 20 mars 2018, alors qu'il en avait les moyens ou aurait pu les avoir. Le montant total de l'impayé s'élève à CHF 44'800.-.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, né le ______ 1974 à C______ au Burkina Faso, et D______, née en 1977, se sont mariés au Burkina Faso le ______ 2011. Le premier cité s'est installé à Genève en 2003 et son épouse l'a suivi en 2012, un enfant est issu de leur union le ______ 2013. Le couple s'est séparé en janvier 2015.

b. A______, titulaire d'une carte de légitimation E, réside en France voisine, à tout le moins depuis 2018, et est employé depuis le 1er novembre 2010 en qualité de chauffeur par la Mission permanente de la République de E______ auprès des Nations Unies. Ses revenus et charges sont mentionnés infra.

c. Par jugement du 5 juin 2015, le TPI, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment attribué la garde de l'enfant à D______ et condamné A______ à verser en mains de son épouse, au titre de contributions d'entretien, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, CHF 690.- en faveur de l'enfant B______ jusqu'à ses 10 ans révolus. Le concerné a également été condamné à prendre en charge la moitié des frais extraordinaires de l'enfant et à contribuer à l'entretien de son épouse à raison de CHF 1'370.- par mois.

d. Par jugement JTPI/4397/2018 du 20 mars 2018, le TPI a dissous par le divorce le mariage des époux et attribué l'autorité parentale ainsi que la garde de l'enfant B______ à la mère, tout comme la jouissance de l'appartement conjugal, et n'a pas fixé de droit de visite en faveur de A______.

Le juge civil a condamné ce dernier à contribuer à l'entretien de son enfant, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, à hauteur de CHF 2'800.- jusqu'à ses 10 ans révolus et CHF 2'400.- jusqu'à ses 16 ans révolus, montants comprenant une contribution de prise en charge de CHF 2'117.-, respectivement de CHF 1'500.-, ainsi que CHF 900.- jusqu'à la majorité de l'enfant, voire au-delà en cas d'études sérieuses et suivies, en retenant pour l'époux un revenu mensuel net de
CHF 5'735.-, ainsi que des charges mensuelles de CHF 2'926.-.

Le revenu mensuel de A______ comprenait son salaire de base de CHF 5'109.62 net, auquel s'ajoutaient CHF 250.- d'heures supplémentaires fixes et CHF 375.38 de prime moyenne (CHF 4'513.- en moyenne par an). De ce montant étaient déduits CHF 168.20 pour le paiement de sa prime d'assurance-maladie et CHF 620.75 pour le paiement de sa prime d'assurance-vie F______.

Ses charges incompressibles s'élevaient au montant de base du minimum vital de CHF 1'020.-, réduit de 15 % vu son domicile en France, à son loyer en CHF 1'450.- (EUR 1'240.- en mars 2018), plus sa prime d'assurance-maladie de CHF 377.95 et ses frais de déplacement de CHF 79.-.

e.a. Le 29 mars 2021, le SCARPA, se fondant sur la cession de droits conclue avec D______ le 11 mars 2015 avec effet au 1er avril 2015, a déposé plainte pénale à l'encontre de A______ du chef de violation d'une obligation d'entretien pour la période de juillet 2020 à mars 2021. L'arriéré pour la période pénale considérée s'élevait à CHF 25'200.-, l'intéressé n'ayant payé aucun montant. Depuis le début du mandat confié, A______ n'avait en tout et pour tout versé que
CHF 2'200.-, de sorte que sa dette s'élevait à CHF 170'835.- en capital, dont
CHF 51'552.- dus à l'État correspondant aux avances versées à D______. À trois reprises, le SCARPA avait agi par la voie pénale à l'encontre du concerné. Malgré ses condamnations, A______ persistait dans son comportement alors que sa situation financière était inchangée.

Interpellé par le MP, A______ a indiqué par écrit, le 1er avril 2021, n'avoir jamais refusé de prendre soin de son fils mais ne pas être en mesure de payer la contribution mensuelle de CHF 2'348.- au vu de son salaire de CHF 4'575.- par mois et du fait qu'il devait contribuer à l'entretien de sa nouvelle famille. Il a proposé le versement d'une pension alimentaire de CHF 400.- à CHF 500.- par mois ou l'attribution de la garde de son fils en sa faveur.

e.b. Ultérieurement, le SCARPA a étendu sa plainte pénale au 30 octobre 2021. A______ n'avait versé aucun montant depuis le dépôt de la plainte pénale.
Le montant total dû était de CHF 44'800.-, ce que le Service a confirmé devant le premier juge, ajoutant que A______ l'avait contacté le 8 juin 2022 et payait, depuis octobre 2022, CHF 400.- par mois, seuls deux versements manquant, conformément au relevé de compte remis. Le montant dû pour la période du
1er juillet 2020 au 30 novembre 2023 s'élevait à CHF 107'651.-.

f.a. En procédure préliminaire, notamment en octobre 2021 au MP, A______ a reconnu ne pas s'être acquitté des contributions d'entretien dues précisant qu'il ne s'agissait pas d'un refus de sa part mais d'un manque de ressources, la pension alimentaire fixée étant trop élevée. Il n'avait pas encore entrepris de démarches concrètes en vue de la faire modifier mais avait consulté un avocat pour ce faire.

Il s'était remarié en décembre 2018. Sa nouvelle épouse, qui résidait au Burkina Faso, ne travaillait pas et était enceinte de lui, de sorte qu'il contribuait à l'entretien de celle-ci. Il travaillait toujours pour le même employeur et son salaire mensuel n'avait pas changé depuis la prise de son emploi. Ultérieurement, il a précisé qu'il percevait CHF 4'545.- par mois. Il payait EUR 1'265.- pour son loyer, EUR 29.- et EUR 224.- de frais d'électricité et d'internet, EUR 639.- pour son crédit à la consommation, CHF 361.45 de primes d'assurance-maladie, étant précisé qu'une partie était directement déduite de son salaire, EUR 15.85 (EUR 190.- par an) de primes d'assurance ménage, CHF 150.- de frais d'essence, EUR 25.- pour l'assurance de son véhicule, EUR 75.- de parking, ainsi que CHF 600.- pour l'entretien de son épouse et CHF 600.- pour le sien. Il n'était soumis à aucun impôt. Il souhaitait trouver un arrangement formel avec le SCARPA avant d'effectuer des versements partiels, auquel cas il était prêt à verser CHF 500.- par mois.

f.b. En audience de jugement, A______ a expliqué être désormais père de trois enfants nés de trois relations différentes, soit B______ âgé de 10 ans depuis
le ______ 2023, qu'il ne voyait plus en raison de l'opposition de la mère, G______ née le ______ 2021 qui résidait à Genève, ainsi que H______ laquelle vivait au Burkina Faso, toutes deux avec leur mère.

Son salaire mensuel net s'élevait à CHF 5'109.-. Depuis 2020, son employeur ne prenait plus en charge ses primes d'assurance-maladie. Il utilisait les TPG. Il contribuait à l'entretien de son épouse ainsi qu'à celui de sa fille H______ au Burkina Faso à raison de EUR 500.- à EUR 600.- par mois, à celui de sa fille G______ à raison d'environ CHF 400.- par mois ainsi qu'en payant le lait et les habits. Il voyait G______ tous les dix jours mais n'avait pas de contact avec B______. Pour lui, il était plus naturel qu'il aide ceux dont il était proche et qu'il voyait régulièrement. Il a toutefois formulé le souhait de voir son fils avant qu'il ne soit trop tard.

Il avait des dettes, soit son crédit à la consommation ainsi qu'un prêt contracté lors de sa détention pour rembourser sa famille, laquelle avait payé les amendes du SCARPA converties en peine privative de liberté de substitution pour lui permettre de sortir de prison. Il était dépourvu de fortune immobilière.

Il n'avait pas encore déposé de demande en modification du jugement de divorce car son ancienne avocate avait quitté le barreau et il n'était pas un homme de droit. Interpellé sur le fait qu'il avait nécessairement été informé de cette possibilité, au vu notamment de ses antécédents, il a répondu que s'il avait su qu'il pouvait modifier cette contribution, il l'aurait fait. Au début, il avait payé CHF 600.- ponctuellement au SCARPA mais avait arrêté car il était "traqué", vivait des moments difficiles, ayant même pensé à mettre fin à ses jours. Il n'avait effectué aucun autre versement avant octobre 2022 car il avait des dettes depuis deux ans et demi et était constamment dans le "rouge", en raison de l'augmentation de ses charges suite à la naissance de ses deux autres enfants. Il était vraiment désolé de la situation.

f.c. Durant la procédure, A______ a produit divers documents, comprenant notamment des attestations de son employeur stipulant que, depuis le 1er novembre 2010, il perçoit un salaire mensuel de CHF 4'545.- net et CHF 5'109.62 brut, un avis de paiement de son loyer en EUR 1'331.25 de 2023, ses primes d'assurance-maladie de 2022 (CHF 361.45) à 2024 (CHF 425.35), deux transferts en octobre 2021, de EUR 392.62 et EUR 100.-, en faveur de I______ au Burkina Faso et deux mises en demeure de EUR 5'919.82 et EUR 34'258.11 en juillet 2023.

C. a.a. En audience d'appel, A______ a expliqué percevoir un salaire mensuel net de CHF 5'109.- en sus d'une prime annuelle d'un montant légèrement inférieur. Ses heures supplémentaires n'étaient plus rémunérées. Son loyer était identique et ses primes d'assurance-maladie s'élevaient à CHF 461.- par mois. Il versait toujours mensuellement CHF 400.- au SCARPA ainsi que cette même somme à la mère de sa fille G______ et envoyait également entre CHF 400.- et CHF 450.- au Burkina Faso pour sa troisième fille. La mère de B______ n'étant pas favorable à ce qu'il voit ce dernier, il communiquait avec son fils uniquement par messages.

Depuis qu'il avait dû s'acquitter de ses peines pécuniaires, en rassemblant environ CHF 28'400.-, il était constamment en négatif de plusieurs milliers de francs et devait également payer tous les mois CHF 500.- à un huissier en raison de cette dette. Il ne lui restait au final presque rien de son salaire. Il avait pensé qu'une partie de l'argent qu'il avait versé avait été affectée aux pensions arriérées. Il lui avait été très difficile de s'acquitter de l'intégralité de la contribution d'entretien due depuis la fixation de celle-ci par la justice et cela avait gâché sa vie. Il n'avait pas demandé, à l'époque et jusqu'au jour de l'audience, la modification du jugement de divorce car son ancienne avocate était incompétente et n'avait pas vu le problème. Il n'avait de son côté pas réalisé qu'il pouvait le faire. Il souhaitait désormais entreprendre des démarches en ce sens mais en raison de ses importants horaires de travail, entre 05h30 et 20h00, lesquels étaient parfois aussi irréguliers, il lui était difficile de rassembler tous les documents demandés par son nouveau conseil, même s'il avait deux jours de congé dans le mois. S'il n'avait pas fait montre d'amendement suite à ses trois condamnations c'était peut-être dû à l'absence de liens avec B______. Il demandait pardon pour ses agissements et s'excusait de son comportement, notamment de ne pas avoir versé des pièces pour prouver ses dires. Il était prêt à effectuer un travail d'intérêt général et en acceptait le principe.

a.b. A______ a produit en appel les récépissés des versement de CHF 400.- effectués en faveur du SCARPA d'août 2023 à février 2024, l'extrait du passeport de son épouse I______ et la copie de l'acte de leur mariage, ainsi qu'une déclaration établie le 1er mars 2024 par la mère de G______, laquelle atteste qu'il verse CHF 480.- par mois et apporte en sus du lait ainsi que de la nourriture pour l'enfant, qu'il voit deux fois par mois.

b. Par la voix de son conseil, A______ précise ne plus contester sa culpabilité mais uniquement la peine prononcée, laquelle devait être réduite à un mois de peine privative de liberté afin de lui permettre de garder son emploi.

Il avait des problèmes sur le plan financier, notamment depuis qu'il avait dû payer l'intégralité de ses peines pécuniaires. La contribution d'entretien était trop élevée vu ses revenus et le fait qu'il devait depuis entretenir deux autres enfants. Il lui était pour l'heure difficile de réunir les pièces en vue de déposer une demande de modification de divorce. Depuis le jugement du TP, il avait néanmoins montré sa volonté de payer, en versant CHF 400.- par mois au SCARPA. Sa prise de conscience était entamée. S'il devait être condamné à 60 jours de prison, il perdrait son emploi ; ses horaires irréguliers au service d'une ambassade ne lui permettaient pas d'aménager sa peine, car il devait être constamment disponible, étant appelé à la dernière minute pour effectuer des transports. Il pouvait arranger son emploi du temps sur une durée maximum de 30 jours, en effectuant sa peine durant ses vacances ou sous forme d'un travail d'intérêt général. Il ne pourrait plus aider aucun de ses enfants s'il était sans emploi. Le jugement querellé devait ainsi être réformé en ce sens.

D. Selon l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamné à cinq reprises depuis le 2 avril 2015, les trois dernières fois pour violation d'une obligation d'entretien par le MP de Genève, à des peines pécuniaires fermes de 60 jours-amende (mai 2016), de 120 jours-amende (octobre 2018) et de 180 jours-amende (juin 2020), variant entre CHF 60.- et CHF 80.- l'unité.

Il s'est acquitté de ses deux dernières peines pécuniaires – celle de 2016 étant prescrite –, dont 21 jours (du 9 au 30 août 2022) en peine privative de liberté, faute d'avoir pu payer l'intégralité du montant dû.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance
(art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404
al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. La violation d'une obligation d'entretien (art. 217 CP) est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

2.2.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

2.2.1.2. Que ce soit par son genre ou sa quotité, la peine doit être adaptée à la culpabilité de l'auteur. Le type de peine, comme la durée de celle qui est choisie, doivent être arrêtés en tenant compte de ses effets sur l'auteur, sur sa situation personnelle et sociale ainsi que sur son avenir. L'efficacité de la sanction à prononcer est autant décisive pour la détermination de celle-ci que pour en fixer la durée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_611/2014 du 9 mars 2015 consid. 4.2). Les peines privatives de liberté, qui portent atteinte à la liberté personnelle de l'intéressé et constituent donc une sanction plus sévère qu'une peine pécuniaire, qui l'atteint dans son patrimoine, ne doivent être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 134 IV 97 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1249/2014 du 7 septembre 2015 consid. 1.2).

2.2.2. Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci. En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue. Il en va de même des antécédents étrangers (ATF 105 IV 225 consid. 2). Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente. En outre, les condamnations passées perdent de leur importance avec l'écoulement du temps (ATF 135 IV 87 consid. 2). Les antécédents judiciaires ne sauraient toutefois conduire à une augmentation massive de la peine, parce que cela reviendrait à condamner une deuxième fois pour des actes déjà jugés (ATF 120 IV 136 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_49/2012 du 5 juillet 2012 consid. 1.2).

2.2.3. La peine privative de liberté est de trois jours à 20 ans au plus (art. 40 CP).

2.2.4. Depuis le 1er janvier 2018, le travail d'intérêt général (TIG) n'est plus une peine mais une forme de l'exécution (FF 2012 4397). Hormis que, dorénavant, le condamné doit avoir demandé à exécuter sa peine sous forme de TIG, pour le reste, celui-ci reste régi par les mêmes règles que sous l'ancien droit
(FF 2012 4402).

Le TIG est notamment admissible pour les peines privatives de liberté (art. 1 al. 2 du Règlement sur l'exécution des peines sous la forme du travail d'intérêt général du 30 mars 2017 [RTIG]), à condition que la peine prononcée ou la durée totale des peines exécutables simultanément soit inférieure ou égale à six mois (art. 79a al. 1 let. a CP et 4 al. 1 let. a RTIG). Il ne faut également pas craindre que le condamné ne s'enfuie ou ne commette d'autres infractions (art. 79a al. 1 CP et
6 let. a et b RTIG). Suite à l'ATF 145 IV 10, l'exigence formelle d'un permis de séjour en Suisse a été supprimée (art. 6 let. d RTIG abrogé par le Conseil d'État le 4 avril 2019 [cf. ACPR/500/2022]).

Quatre heures de TIG accomplies correspondent à un jour de peine privative de liberté (art. 79 al. 4 CP et 3 al. 1 RTIG). Si la peine est prononcée en mois,
un mois équivaut à 30 jours, soit 120 heures (art. 3 al. 2 RTIG). Le condamné dispose d'un délai de deux ans au maximum pour accomplir sa peine sous forme de TIG (art. 79a al. 5 CP).

2.3.1. La faute de l'appelant est conséquente. Il a persisté sur une longue période pénale à ne pas verser la contribution d'entretien dont il était débiteur depuis 2018 dans le cadre de son divorce. Il a ainsi accumulé des arriérés de pension toujours plus importants et fait supporter à l'État ses nombreuses carences, alors qu'il pouvait s'acquitter, à tout le moins partiellement, de ses obligations alimentaires, étant relevé qu'il n'a à ce jour pas davantage entrepris de démarches pour modifier la contribution d'entretien due, ce qu'il aurait pu faire, ses explications à cet égard n'étant guère convaincantes et montrant davantage son peu de sérieux et le fait qu'il s'est en réalité accommodé de la situation.

L'appelant a agi par égoïsme, désinvolture et sans considération pour la loi, étant relevé que ses deux autres enfants sont nés postérieurement à la période pénale et qu'il a omis le fait que la contribution d'un enfant mineur est prioritaire par rapport à celle d'un adulte, soit notamment de sa nouvelle épouse.

Il a par ailleurs sollicité un arrangement de paiement avec le SCARPA en avril 2021 mais n'a procédé qu'une année et demi après à un versement de CHF 400.- par mois, soit dès octobre 2022, une fois confronté à une éventuelle nouvelle condamnation dès lors qu'il était dans l'attente de recevoir la convocation pour l'audience de jugement. Il sera toutefois tenu compte qu'il a, à l'exception de deux mois, maintenu cette démarche jusqu'à ce jour, vu l'absence d'indications contraires du SCARPA, ce qui démontre une certaine volonté d'amendement. Il a également payé ses dernières peines pécuniaires du mieux qu'il le pouvait au vu de sa situation financière délicate, en subissant notamment quelques jours de détention pour s'acquitter de l'intégralité de sa dette. Sa prise de conscience semble ainsi amorcée, étant rappelé qu'il ne conteste plus sa culpabilité. Cela étant, il est souhaitable qu'il entreprenne dès à présent toutes démarches utiles pour améliorer sa situation vu l'âge de son fils B______.

Sa collaboration à la procédure a été inégale dans la mesure où, s'il a admis ses manquements, il n'a fourni que peu de pièces sur sa situation financière, notamment afin de prouver ses dires, ce qui laisse songeur.

Celle-ci n'est certes pas aisée et peut expliquer partiellement ses agissements mais ne saurait les justifier dès lors qu'il n'a cherché aucune solution, en ne prenant pas ses responsabilités, alors qu'il en avait l'obligation, et a sans égard privilégié, à tort, sa nouvelle famille ainsi que son autre enfant.

Des antécédents judiciaires en nombre, dont trois spécifiques, sont à déplorer ; les peines pécuniaires fermes prononcées n'ont pas eu l'effet escompté.

2.3.2. Au vu de l'ensemble des circonstances, seule une peine privative de liberté entre en considération. L'appelant en est conscient ; il ne se risque nullement à plaider le prononcé d'un autre type de peine.

La quotité de la peine fixée par le premier juge (60 jours) apparaît adéquate pour sanctionner la faute du prévenu, sans que cela ne remette en question un équilibre fragile. Cette peine reste en effet compatible avec ses obligations professionnelles, selon ce qu'il a lui-même exposé, dans la mesure où il semble éligible au TIG, conformément à l'art. 6 RTIG, étant relevé que la crainte de la commission de nouvelles infractions peut être écartée, d'une part, vu la prise de conscience relevée supra et, d'autre part, par le fait qu'une récidive impliquerait pour lui l'exécution d'une peine privative de liberté ; l'appelant doit dès lors rapidement entreprendre des démarches pour modifier le jugement de divorce. Par ailleurs, même s'il réside en France, sa situation personnelle n'apparaît pas faire obstacle à une telle modalité d'exécution de la peine puisqu'il exerce un emploi en Suisse depuis près de 15 ans, que deux de ses enfants résident à Genève et qu'il bénéficie d'une carte de légitimation E.

L'appelant aurait ainsi deux ans pour accomplir sa peine (art. 79a al. 5 CP), équivalant à 240 heures de travail d'intérêt général (art. 79a al. 4 CP et 3 al. 1 et
2 RTIG), soit huit heures par jour sur une durée de 30 jours. Dans la mesure où il a indiqué pouvoir disposer de 30 jours consécutifs pour effectuer sa peine, celle-ci n'apparaît ainsi pas incompatible avec son travail.

Au regard de ce qui précède, le jugement entrepris sera ainsi confirmé et l'appel rejeté. Tel que l'a considéré le premier juge et compte tenu de ses antécédents spécifiques, le pronostic est en effet défavorable en l'état, ce que le concerné ne conteste au demeurant pas. Dans ces conditions, le sursis ne peut lui être octroyé.

L'attention de l'appelant est attirée sur le fait que le TIG, qui constitue une modalité d'exécution de la sanction prononcée, ne peut pas être prononcée directement par la Cour, la durée minimale de travail admissible étant par ailleurs de huit heures par semaine (art. 10 al. 2 RTIG). Ainsi, il lui appartiendra d'être proactif et de contacter le Service d'application des peines et mesures pour demander la conversion de sa peine en TIG, étant relevé qu'à défaut, il subira l'entièreté de celle-ci en détention.

3. L'appelant, qui succombe entièrement, supportera les frais de la procédure envers l'État, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP).

Il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance (art.  426 al. 1 CPP).

4.  Vu l'issue de son appel, les conclusions en indemnisation de l'appelant seront rejetées (art. 429 al. 1 let. a CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1501/2023 rendu le
23 novembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/7232/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'435.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'200.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de violation d'une obligation d'entretien (art. 217
al. 1 aCP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 60 jours (art. 40 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'098.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

[…]

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Condamne A______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

Le président :

Pierre BUNGENER

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'698.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

100.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

00.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'435.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'133.00