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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/20468/2019

AARP/61/2024 du 15.02.2024 sur JTDP/550/2023 ( PENAL ) , ADMIS

Recours TF déposé le 18.04.2024, 6B_314/2024
Descripteurs : FAUX TÉMOIGNAGE;IN DUBIO PRO REO;ACQUITTEMENT
Normes : CP.307.al1; CPP.10.al3; CPP.426.al1; CPP.428
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20468/2019 AARP/61/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 15 février 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [VD], comparant par Me B______, avocat,

appelant principal, intimé sur appel joint,

 

contre le jugement JTDP/550/2023 rendu le 10 mai 2023 par le Tribunal de police,

 

et

C______, D______, E______, F______, parties plaignantes, comparant par Me G______, avocat,

appelants joints, intimés sur appel principal,


LE MINISTÈRE PUBLIC
de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 10 mai 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de faux témoignage (art. 307 al. 1 du Code pénal [CP]) et condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 280.- le jour, au bénéfice du sursis (délai d'épreuve : trois ans), ainsi qu'aux frais de la procédure, rejetant ses conclusions en indemnisation fondées sur l'art. 429 du Code de procédure pénale (CPP). En outre, le TP l'a condamné à verser à C______, D______, E______ et F______ CHF 4'635.- à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP). Pour le surplus, les parties plaignantes ont été renvoyées à agir par la voie civile.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et à l'allocation d'une indemnité pour ses frais d'avocat en première et seconde instance (art. 429 CPP).

a.b. C______, D______, E______ et F______ forment appel joint. Ils contestent partiellement le jugement en tant qu'il concerne l'indemnité pour leurs dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Ils sollicitent le versement de CHF 11'925.- (art. 433 al. 1 CPP) et la couverture de leurs frais d'avocat en appel.

b. Selon l'ordonnance pénale du 11 avril 2022, il est reproché ce qui suit à A______ :

Le 27 mai 2019, à Genève, alors qu'il était auditionné comme témoin par le Tribunal des prud'hommes (ci-après : TPH), il a fait deux dépositions erronées sur les faits de la cause n° C/1______/2017 en niant, d'une part, les accusations de mobbing dont il avait fait l'objet de la part de sept autres personnes sur douze dont il était le supérieur hiérarchique direct et, d'autre part, l'existence d'enquêtes diligentées par H______ (ci-après : H______ ou la banque) à son sujet compte tenu de ces accusations.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 3 octobre 2019, I______ – substitué, à son décès, par ses héritiers, C______, D______, E______ et F______ (ci-après : les héritiers/hoirs C____/D____/E____/F______) – a déposé une plainte contre A______ pour faux témoignage. Dans le cadre de son activité professionnelle au sein de H______, il avait été victime du comportement adopté à son égard par le précité, alors son supérieur. Après la fin des rapports de travail, il avait déposé une demande par-devant le TPH contre H______ pour un cas de mobbing dont il avait été la victime, dite demande ayant donné lieu à l'ouverture de la procédure C/1______/2017. Dans le cadre de l'instruction de la cause, A______, entendu en qualité de témoin le 27 mai 2019 et rendu attentif à son obligation de dire la vérité (cf. art. 169 du Code de procédure civile [CPC]), avait nié, d'une part, les accusations de mobbing dont il avait fait l'objet de la part de sept employés sur douze dont il était le supérieur hiérarchique direct et, d'autre part, l'existence d'enquêtes diligentées par la banque à son sujet compte tenu de ces accusations. En agissant de la sorte, sachant qu'il faisait l'objet de telles accusations et enquêtes au sein de la banque, A______ avait sciemment menti au tribunal alors qu'exhorté à dire la vérité, il avait été rendu attentif aux conséquences d'un faux témoignage au sens de l'art. 307 CP.

Déclarations de A______ et des témoins dans la cause C/1______/2017

b.a. Lors de l'audience du 27 mai 2019 susvisée, A______ a déclaré qu'il avait été le responsable direct de I______ depuis début 2010 jusqu'au 31 décembre 2012. Il avait alors entre 22 et 24 personnes sous sa responsabilité. Après la crise de 2008 et 2009, il y avait eu une réorganisation avec un turn over élevé. Les problèmes étaient divers et variés et il y avait eu, par la suite, des licenciements et des changements d'affectation. Il avait indiqué : "Le terme mobbing, je le répète, n'a jamais été utilisé par les collaborateurs, par M. J______ ou K______, ni par les RH [ndr : ressources humaines]. Je précise bien entendu pour ce qui m'a été rapporté".

À propos d'un courriel de L______ (pièce 3a, cf. infra let. b.b.) qui lui était soumis, il s'est exprimé ainsi : "Je constate que ce courriel ne m'a jamais été adressé ni porté à ma connaissance. (…) Je note que je n'ai jamais été approché par ma ligne, ni par les RH, ni par la conseillère sociale, ce qui aurait dû être le cas si j'étais la personne visée dans cet email. Je n'ai jamais été informé de ce courriel".

S'agissant de la pièce 4 (cf. infra let. b.c.), il se souvenait de ce document pour l'avoir rédigé. En revanche, il ne se rappelait pas avoir vu le commentaire figurant sous "Final Employee Comments", qu'il contestait. Soit il avait reçu un courriel indiquant que l'évaluation avait été acceptée et il n'était pas allé lire ce commentaire, soit à partir du moment où l'employé avait quitté son unité, il n'avait plus accès à un tel document. Il demandait à ses collaborateurs de l'informer par courriel lorsqu'ils ajoutaient des commentaires à l'évaluation car, sinon, il ne les consultait pas nécessairement et n'en était pas informé.

b.b. La pièce 3a susmentionnée est un courriel adressé le 19 décembre 2012 par L______, responsable sociale de la banque pour le secteur de Genève, à M______, conseiller juridique de la banque. Elle le sollicitait pour "un cas qui se plaint de mobbing", faisant mention d'une personne souhaitant rester anonyme qui travaillait dans une équipe au sein de laquelle il y avait un turn over très important. La consultation sociale avait eu affaire à plusieurs personnes (7/12) qui étaient venues se plaindre "des mêmes souffrances liées au management du LM [ndr : line manager]". Toutefois, aucune intervention n'avait eu lieu par la consultation sociale puisque tous avaient choisi de quitter le service, étaient tombés malades ou avaient été licenciés. Elle précisait : "De mon analyse propre, je pense qu'il s'agit en effet de mobbing et que la banque pourrait encourir un risque juridique". Le collaborateur en question avait été licencié et avait retrouvé immédiatement un autre poste au sein de H______ ; il souhaitait retirer les documents défavorables émis par son line manager de son dossier personnel et se demandait quelle était sa marge de manœuvre concernant son bonus afin qu'il ne soit pas dévalorisé alors que ses chiffres de production étaient très bons.

b.c. La pièce 4 est l'évaluation finale de l'année 2012 de I______ à la fin de laquelle, sous "Final Employee Comments", ce dernier se plaignait de n'avoir jamais vécu "une telle expérience et une telle souffrance" au cours de sa carrière. Il dénonçait une inégalité de traitement, la mise en place d'un système de surveillance "implacable", l'absence de reconnaissance et le dénigrement constant et insidieux ainsi que les obstacles mis à la bonne gestion des dossiers qui lui étaient confiés. Il contestait ainsi une partie de son évaluation et achevait son propos comme suit : "Je suis détruit. Je me reconstruits. Je ne suis pas, ou pas encore, encore en colère et je ne suis pas, ou plus, courageux au point d'être un justicier ; je suis peut-être même devenu un lâche en privilégiant la continuation de mon emploi et mon rôle de soutien de famille. Je ne peux imaginer quand même que mon employeur ne diligente pas une enquête interne pour faire cesser ces pratiques récurrentes, inhumaines et odieuses".

c. N______ était le responsable RH référent de l'unité supervisée par A______. La pièce 4 lui ayant été soumise, il a confirmé qu'il s'agissait du rapport final d'une évaluation et déclaré qu'il ne se souvenait pas avoir vu le texte figurant sous la rubrique "Final employee comments" auparavant. Toutefois, ce commentaire avait dû faire l'objet d'une discussion au sein du collège. Les évaluations se faisaient sur un outil informatique et les appréciations se discutaient ensuite au sein d'un management circle afin de finaliser les évaluations et décider des promotions, augmentations et bonus. Ce management circle était constitué du supérieur hiérarchique du collaborateur, en l'occurrence A______, de plusieurs autres chefs de service équivalents et du supérieur de A______. S'il avait vu le commentaire de I______, il se serait posé des questions quant au management. Il ne pensait pas que rien n'aurait été fait dans ce cas mais du moment que I______ avait quitté le secteur, les discussions qui avaient dû avoir lieu ne le concernaient plus. Il n'avait pas le souvenir que I______ s'était plaint de mobbing auprès de lui, ce n'était pas le terme qu'il avait utilisé. Il l'avait rencontré et avait eu conscience des difficultés qu'il rencontrait mais pas de sa souffrance telle qu'exprimée dans son évaluation, il ne se souvenait pas qu'il ait parlé de harcèlement moral ou de mobbing.

Des discussions récurrentes avaient lieu au sein du management circle concernant le secteur de A______, toutefois "[c]es discussions ne se faisaient plus avec M. A______ mais avec son supérieur hiérarchique". Le turn over important dans ce secteur avait fait l'objet de discussions au sein des RH et il se heurtait à l'exigence de stabilité exigée par ce secteur en particulier. Des questions avaient été posées à A______ pour comprendre la situation au sein de son équipe et des exigences avaient été formulées parce que ce dernier n'atteignait visiblement pas les objectifs en la matière. Il avait également eu des discussions avec L______ concernant le service en question "comme au sujet d'autres services". Elle pouvait être consultée par des collaborateurs pour une problématique sans qu'une suite y fût nécessairement donnée. Pour que cela soit le cas, il lui fallait l'accord préalable du collaborateur.

A______ avait fait l'objet "de critiques et d'accusations de mobbing de plusieurs personnes" et il y avait eu "des réclamations et des plaintes pour mobbing" dans son secteur. Son souvenir était toutefois diffus car les évènements remontaient à 2012. Selon lui, le terme mobbing "tomb[ait] facilement" mais encore fallait-il en vérifier la véracité. La banque n'était pas tolérante face à de telles accusations et, dans ces cas, il y avait forcément des enquêtes. Il a déclaré : "À l'époque où j'étais en place, il n'y a pas eu d'enquête concernant M. A______ mais il y avait eu des discussions au sein du management quant à la conduite de M. A______ ainsi qu'au turn over de cette unité. Je considère qu'il était dans l'intérêt de la banque de prendre des mesures. J'avais affaire à des professionnels ; enquêtes et discussions il y a eu. Au moment où j'ai quitté H______, M. A______ était toujours en fonction. Demandez-vous ce qu'il est devenu aujourd'hui. Du moment que I______ a quitté l'unité pour une nouvelle fonction, nous pouvions conclure qu'il s'agissait d'une solution convenant aux deux parties et que par conséquent son dossier était clos. Pour les autres collaborateurs, il va de soi que chaque cas a été discuté".

d. O______ était la "RH business partner" du département et la supérieure de N______.

Elle ne se souvenait pas avoir été informée par L______ d'un quelconque mobbing dans le service de A______ et n'avait pas non plus souvenir d'avoir rencontré celui-ci dans le cadre d'une accusation de mobbing. Par contre, elle se souvenait de "cas ou des épisodes" concernant son équipe. Celui-ci avait rencontré des problèmes avec certains employés. Selon elle, I______ avait quitté le service car ses compétences ne "matchaient pas avec les exigences du service". Elle n'avait pas entendu parler d'une problématique de mobbing à son sujet. Elle ne prenait pas connaissance des évaluations annuelles de tous les employés mais seulement de celles qui posaient problème ; le commentaire de I______ dans son évaluation de 2012 ne lui disait rien et elle ne l'avait pas lu. Si le chef ou le collaborateur concerné ne remontait pas oralement ou par écrit le commentaire, les RH n'en avaient pas nécessairement connaissance à moins d'aller voir spontanément dans le système. Elle constatait que le document était daté de 2014 mais ignorait quand I______ avait rédigé son commentaire. Il avait peut-être déjà intégré son nouveau service et elle émettait l'hypothèse que ce soit son nouveau line manager qui l'avait reçu. L'évaluation se faisait entre ce dernier et l'employé, les RH pouvaient y accéder mais ne la recevaient pas. Dans le cadre d'un transfert, l'autorisation d'accès était transmise au nouveau line manager. Elle était intervenue dans la fixation du bonus de I______ pour l'année 2012, ces décisions se prenaient en décembre de chaque année lors d'un meeting en présence des collaborateurs, des responsables comme A______ et d'elle-même. Elle savait que plusieurs personnes avaient quitté l'équipe de A______ mais elle ne pouvait pas dire si le turn over était important ou pas. Elle a déclaré "[P]armi les personnes qui ont quitté l'équipe de M. A______ il y a eu des départs pour accusation de mobbing".

e. L______ a déclaré ce qui suit : "Sept personnes sur les douze que constituaient l'équipe de M. A______ sont venues me voir pour me faire part de ce qui n'allait pas. Mon sentiment à l'époque était qu'il s'agissait bien de mobbing. J'en ai parlé avec M. A______. Mon rôle était de faire comprendre à ces personnes arrogantes et dures que leur comportement pouvait avoir des conséquences pour elles-mêmes aussi. J'ai rencontré à plusieurs reprises M. A______ pour différentes raisons mais toujours en relation avec son team. M. A______ se défendait, il argumentait". Elle en avait parlé aux RH mais elle ignorait si O______ en avait ensuite fait part à A______. S'il y avait eu une enquête, elle aurait dû en avoir connaissance. Or, tel n'avait pas été le cas. La règle en matière de mobbing sexuel ou psychologique était claire, toute plainte devait passer par la consultation sociale qui informait le collaborateur victime des conséquences et des suites qui seraient apportées à sa dénonciation, notamment la mise en place d'une enquête. Pour cela, le collaborateur devait donner clairement son aval. I______ était venu la voir sous le couvert de l'anonymat, il lui semblait qu'il n'était ensuite plus demandeur et que, par conséquent, aucune suite n'avait été donnée à son cas. Les sept employés sur douze dont elle avait fait mention n'avaient pas non plus demandé d'enquête interne à sa connaissance. Il y avait un contexte de méfiance. Elle ne se souvenait pas si O______ avait réagi à son courriel mais son supérieur à la consultation sociale considérait qu'il fallait agir s'il y avait une plainte et non s'il n'y en avait pas. S'agissant du commentaire formulé par I______ à la fin de son évaluation de l'année 2012, elle n'avait pas souvenir de l'avoir lu, il aurait dû lui être soumis et elle aurait pu le voir mais elle ne s'en rappelait pas.

Instruction pénale pour faux témoignage

f. Durant toute l'instruction, A______ a contesté les accusations de faux témoignage. Il n'avait jamais été confronté à des allégations de mobbing, ce mot n'avait jamais été employé par qui que ce soit devant lui et surtout pas par I______. Au sein de la banque, si des accusations de mobbing survenaient, une enquête interne devait être ouverte ; or, il n'avait jamais fait l'objet de la moindre enquête.

Il avait effectivement eu une discussion avec L______ au sujet de I______ mais elle n'avait jamais pu lui dire quelles étaient les doléances formulées par celui-ci à son encontre. D'une manière plus générale, il n'excluait pas avoir eu plusieurs conversations avec L______ concernant des problèmes au sein de son équipe mais ces discussions ne portaient pas sur un problème le concernant lui directement. Elles intervenaient dans le cadre de conflits qu'il devait gérer entre ses collaborateurs, par exemple. En sa qualité de manager, il devait prendre des décisions qui déplaisaient à l'une ou l'autre parties, ce qui donnait ensuite lieu à des plaintes auprès de L______. Toutefois, il n'avait jamais vu le courriel envoyé par celle-ci à M______ et personne ne l'avait jamais informé de son contenu.

S'il y avait eu des accusations de mobbing dans son secteur, elles étaient restées entre les mains de N______, lequel ne lui en avait jamais parlé. Il avait eu des conversations avec le précité concernant son service mais celui-ci se montrait toujours très mesuré et choisissait ses mots avec prudence. Il n'avait pas non plus été informé de départs en lien avec des accusations de mobbing, le service des RH ne l'avait jamais avisé d'une telle cause de départs.

Il n'ignorait pas les divers problèmes survenus au sein de son service, il était d'ailleurs en charge de les régler mais ses interventions n'avaient jamais été qualifiées d'actes de mobbing.

g. N______ a expliqué que l'accusation de mobbing à l'égard de A______ était parvenue aux RH au moment du transfert de I______, lorsque ce dernier avait dénoncé le problème dans un commentaire de son évaluation finale. Il avait alors remonté l'information à la consultation sociale, laquelle s'était inquiétée de savoir ce qui se passait dans cette unité. Le département juridique avait également été impliqué pour définir la stratégie. Il avait aussi eu des échanges à ce sujet avec sa supérieure hiérarchique, O______.

En décembre 2012, dans le cadre d'un management circle, dont faisait partie A______, le problème du mobbing et la situation de I______ avaient été abordés. Les commentaires finaux figurant dans les évaluations étaient visibles par toute l'équipe du management circle. Par la suite, il y avait eu des discussions mais elles ne concernaient pas le cas de I______, d'autres collaborateurs s'étaient ensuite plaints de mobbing. Il avait alors transmis le dossier à O______ afin de mettre en place des entretiens avec les collaborateurs. Suite à ces différentes plaintes, "des enquêtes" avaient été diligentées par la banque. Par enquête, il entendait une procédure visant à éclaircir les faits en entendant les différentes parties.

Il avait discuté avec A______ et son chef hiérarchique de la situation dans le service. Le département des RH avait abordé la problématique du mobbing avec A______ et il y avait eu des conséquences, une promotion qui aurait dû lui être accordée ne l'avait pas été. Interpellé, il a finalement expliqué que la promotion n'avait pas eu lieu en raison du style de conduite de A______ mais non à cause d'accusations de mobbing. Cette promotion concernait celle de directeur-adjoint au poste de directeur ; elle avait été retardée d'une année pour ce motif, lié au style de conduite de l'intéressé.

h. O______ a confirmé avoir eu connaissance de plusieurs départs dans l'équipe de A______. Elle avait entendu parler de mobbing mais elle ne se souvenait pas de plus de détails car elle avait repris ce secteur à la suite de N______. Ce dernier lui avait parlé d'une suspicion de mobbing mais comme elle n'était pas directement impliquée elle n'en savait pas plus. Aux questions de savoir si le problème du mobbing avait été abordé avec A______ et s'il avait fait l'objet d'enquêtes internes, elle a admis à deux reprises que "[s]a mémoire n'[était] pas claire" ; elle ne se souvenait pas si le problème du mobbing avait été abordé avec lui mais "imaginait" qu'il eût été au courant et qu'il y avait eu des discussions. Elle avait déclaré au TPH que des employés avaient quitté l'équipe de A______ en raison d'accusations de mobbing car c'était ce qu'elle avait entendu mais elle n'en avait pas eu la confirmation. En outre, si A______ avait fait l'objet d'accusation de mobbing en 2012, il y aurait dû y avoir une enquête interne.

i. L______ a expliqué avoir eu affaire à A______ en ce qui concernait des "situations avec son personnel". Il avait toujours gardé une ligne qui lui était propre et qui la heurtait. S'agissant des accusations de mobbing, la répétition des faits lui avait fait penser qu'il s'agissait de cette problématique ; une majorité des membres de son équipe se plaignait et les faits se recoupaient, il était "implacable". Toutefois, ceux-ci remontaient à 2012 et elle ne pouvait pas donner d'exemples concrets d'accusations. Confronté à ce qu'elle avait dit exactement à A______ lors de leurs rencontres, elle a déclaré : "J'ai dû le rendre attentif au problème", précisant qu'étant soumise au secret de fonction, il s'agissait d'un "jeu habile entre faire passer le message sans dire ce qu'on n'a pas le droit de dire", mais que cela tournait certainement autour de l'équité de traitement. À son avis, A______ était au courant de l'existence d'accusations de mobbing car il n'était pas sans savoir qu'il y avait des difficultés au sein de son équipe et un turn over assez fréquent. Elle avait abordé le problème du mobbing avec lui car c'était son rôle s'il y avait des suspicions. Dans la mesure où A______ maintenait que le terme mobbing n'avait jamais été utilisé à son égard, qu'il avait été convoqué par elle suite à l'intervention de I______ mais qu'elle ne s'était pas prononcée sur la nature des griefs formulés à son égard, elle a indiqué ne pas se souvenir du déroulement des faits et des termes qu'elle avait employés mais que, si elle avait utilisé celui de "griefs", et non pas celui de harcèlement, c'était qu'elle avait de bonnes raisons. Dans la banque, il fallait être prudent car tout pouvait être retenu contre vous. Le cas de I______ était très sensible, il était donc plausible qu'elle se soit montrée prudente. Par contre, s'agissant des problèmes liés au management du team, ils avaient été relatés à A______, lequel "était très fort et pouvait comprendre que les problèmes de management tombaient dans la sphère du mobbing". Elle avait parlé de la "problématique" lors de ses entretiens globaux avec A______, elle se rappelait de lui avoir parlé de son "intransigeance et de [sa] dureté par rapport à [un] jeune qui a[vait] été victime de sextorsion" dans son équipe. Dans le cadre de leurs échanges, elle avait "certainement" utiliser le terme mobbing ou du moins celui de harcèlement.

j. K______, supérieur hiérarchique de A______, entendu pour la première fois devant le MP, a déclaré n'avoir pas eu connaissance d'accusations de mobbing formulées à l'encontre de son subalterne. Lui-même n'avait pas été abordé par N______ à ce titre. Il faisait partie d'un comité qui passait en revue les évaluations des collaborateurs, notamment celles de l'équipe de A______. Toutefois, il ne se souvenait pas d'un comité au cours duquel avait été passée en revue une évaluation de I______ faisant mention d'une problématique de mobbing, ni que le précité en aurait dénoncé une aux RH. La banque n'était absolument pas tolérante face à ce genre d'accusations. Il lui était déjà arrivé de dire à A______ que son style de conduite n'était pas approprié pour l'avoir constaté lors de séances ou dans le cadre d'échanges de courriels. Ce dernier avait un style très direct, très transparent et s'exprimait sans nuances, ce qui pouvait être blessant. Il était possible que le responsable RH lui ait parlé du roulement important au sein de cette unité mais cela n'était pas étonnant car il y avait beaucoup de pression sur la manière de travailler dans ce secteur de la banque en particulier. Aucune enquête n'avait été diligentée par H______ à l'encontre de A______.

k. Par courrier du 17 juin 2021, en réponse à l'ordre de dépôt du MP, H______ a fait état de ce que les recherches menées auprès de ses différents services n'avaient pas permis de retrouver une quelconque trace de l'ouverture d'une procédure ou enquête liée à un cas de mobbing, respectivement de harcèlement, à l'encontre de A______ pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2015.

l. A______ a produit un courrier de H______ du 16 février 2011, à teneur duquel il avait été promu au poste de Managing Director à compter du 1er mars 2011.

m. Aux débats de première instance, A______ a maintenu que durant son activité au sein de la banque, ni ses collaborateurs ni sa hiérarchie ni les RH ne lui avaient reproché des faits de mobbing. Bien entendu, des problématiques en lien avec des collaborateurs avaient été abordées avec ses supérieurs ou les RH mais il n'avait pas compris qu'on lui reprochait du mobbing.

À son arrivée à la banque, il avait repris une équipe rencontrant des problèmes de différente nature, à l'instar de problèmes de compétences et d'animosité entre collègues, sa mission ayant consisté à les solutionner. Ceux de management étaient relatifs au fait qu'il avait dû précisément les évoquer concrètement avec des subalternes en vue de les résoudre. Parfois, il n'y avait pas d'entente et il avait dû opérer des changements de poste pour certains collaborateurs. Il n'avait jamais eu l'impression que son management avait été remis en question. N______ l'avait constamment accompagné et aidé à gérer la situation. Il n'avait pas le souvenir que ce dernier eût fait mention de cas constitutifs de mobbing. Si des collaborateurs avaient remonté de telles plaintes, il n'en avait pas été informé.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 CPP).

b.a. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Il n'avait jamais été confronté au terme mobbing ; or, celui-ci avait une importance capitale. Il était défini par la jurisprudence comme "un enchaînement de propos ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail". Tant dans la jurisprudence que dans l'esprit des justiciables, le mobbing n'était pas un simple antagonisme entre un employé et son supérieur ou même un conflit ponctuel ; il s'agissait d'un harcèlement systématique et de longue durée. Il ne remettait pas en cause que certains de ses subordonnés avaient pu se plaindre auprès des RH, par exemple, de son style de management ou même de mobbing. Toutefois, il contestait fermement en avoir été informé par qui que ce soit. C'était précisément ce qu'il avait déclaré devant le TPH. Le TP avait violé le principe in dubio pro reo en ne retenant que les éléments à charge des déclarations de L______, N______ et O______, lesquelles étaient d'ailleurs confuses et émaillées de contradictions. Le TP avait complètement passé sous silence les éléments qui démontraient que le terme mobbing ne lui avait jamais été rapporté. Il existait des doutes plus que sérieux sur le fait qu'il avait été confronté à de telles accusations.

En outre, il n'avait pas fait l'objet d'une enquête interne au sein de H______, ce que la banque elle-même avait confirmé ainsi que K______. Le jugement entrepris ne disait d'ailleurs ni quand ni en quels termes il aurait nié l'existence d'une telle enquête. Dans tous les cas, il n'aurait pas pu se rendre coupable de faux témoignage à ce propos.

Enfin, il n'avait aucun intérêt à mentir au TPH. Le jugement entrepris passait totalement sous silence le mobile qui l'aurait poussé à commettre un faux témoignage. Il ne s'était jamais caché de son style de management ni des difficultés rencontrées avec certains de ses subordonnés, il n'avait donc aucun intérêt à prendre le risque de mentir sur un point extrêmement précis, à savoir la connaissance d'accusations de mobbing.

b.b. Plaidant son acquittement, il sollicite une indemnité pour la couverture de ses frais d'avocat. À l'appui de ses prétentions, il produit une liste des opérations détaillées faisant état de 32 heures d'activité du chef d'étude et de 68 heures et 55 minutes d'activité de collaborateur, soit un total de 100 heures et 55 minutes d'activité pour l'intégralité de la procédure, en première et seconde instance.

c.a. À teneur de leur mémoire d'appel, les hoirs de feu I______ persistent dans leurs conclusions. Le TP avait procédé à un déni justice formel (art. 29 al. 1 Cst.) et violé leur droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). Il avait retenu une indemnité de CHF 4'635.- sans indiquer pourquoi celle-ci avait été divisée par deux. Leurs frais d'avocat s'élevaient à CHF 11'925.-, ce qui correspondait à 26 heures et 30 minutes d'activité au tarif de CHF 450.-/heure.

c.b. En réponse à l'appel, ils précisent que A______ avait été condamné pour avoir menti sous serment en affirmant : "le terme mobbing, je le répète, n'a jamais été utilisé par les collaborateurs, par M. J______ ou K______, ni par les RH. Je précise bien entendu pour ce qui m'a été rapporté" et en indiquant n'avoir jamais été approché par sa ligne, par les RH ou par la conseillère sociale. Il n'avait donc pas été condamné pour "avoir prétendument nié les accusations de mobbing dont il avait fait l'objet de la part de certaines personnes dont il était le supérieur" ni pour "avoir prétendument nié l'existence des enquêtes diligentées par la banque (..) à son sujet compte tenu de ces accusations de mobbing". La démonstration de l'appelant était ainsi impropre à établir que le TP avait mal jugé puisque la cause ne concernait pas ce qui avait été retenu dans le jugement.

Lors de son audition par-devant le TPH, A______ n'avait admis aucun problème en lien avec son style de management, et avait affirmé qu'il n'avait jamais été approché par la consultation sociale ou par les RH à ce propos. Il avait, depuis lors, changé de version en admettant "avoir eu des soucis de management avec des collaborateurs". Il se réfugiait derrière la définition juridique du mobbing en soutenant que ce terme n'avait jamais été prononcé en lien avec son style de management et dénaturait le principe in dubio pro reo en affirmant qu'aucun élément au dossier ne permettait de retenir qu'il aurait dû savoir que les reproches portés à sa connaissance constituaient des actes de mobbing. Compte tenu des pièces 3a et 4 produites au TPH, ainsi que des témoignages concordants de L______, O______ et N______, il était impossible que A______ n'ait jamais été confronté au terme de mobbing et de surcroît impossible qu'il n'ait jamais été approché par sa ligne, la conseillère sociale ou les RH. Les déclarations des témoins devant le TPH n'avaient rien de contradictoire, raison pour laquelle A______ n'avait jamais sollicité leur confrontation, et tous étaient venus confirmer leur témoignage par-devant le MP. Les témoignages concordaient. L'affirmation de l'appelant selon laquelle il n'aurait pas fait l'objet d'une enquête interne au sein de H______ était fausse et contredite par le témoignage de N______. A______, encore employé de H______ au moment de son audition, avait tout intérêt à mentir pour se protéger lui-même ainsi que protéger son employeur.

d. Dans le cadre de sa réplique, A______ maintient que la double accusation dont il fait l'objet avait été circonscrite par les plaignants eux-mêmes comme suit (cf. plainte, page 2) : "La présente dénonciation vise la thèse négationniste présentée par [l'appelant] le 27 mai 2019 au sujet d'une part des accusations de mobbing dont celui-ci a fait l'objet de la part de sept autres personnes sur les douze dont il était le supérieur hiérarchique direct, et d'autre part des enquêtes diligentées par la banque à son sujet compte tenu de ces accusations". L'ordonnance pénale, valant acte d'accusation, reprenait d'ailleurs cette terminologie, le MP ayant estimé que "la question de savoir si la question du mobbing avait été abordée avec [l'appelant]" était celle pertinente dans cette affaire. Prétendre que le TP l'avait condamné pour autre chose que cette double accusation signifierait que celui-ci avait violé la maxime d'accusation.

En outre, il n'avait pas parlé de son style de management lors de son audition au TPH car cela ne concernait pas l'objet du litige opposant feu I______ à H______ et parce qu'on ne lui avait posé aucune question à ce sujet, contrairement aux auditions pénales subséquentes. Il n'avait donc pas changé de version, contrairement à ce qu'évoquaient les plaignants. À compter du moment où les autorités pénales l'avaient interrogé à ce sujet, il n'avait jamais caché les problématiques RH qui existaient au sein de son équipe. Il n'avait toutefois jamais entendu que des actes de mobbing lui étaient reprochés, ce qui constituait précisément l'objet du litige et non pas son style de management.

Les déclarations de N______ étaient contredites par celles de K______, lesquelles apparaissaient plus crédibles, et par d'autres éléments du dossier, et contrairement aux assertions des plaignants, il ne lui appartenait pas de requérir une confrontation entre les deux précités. N______ avait soutenu que son style de management avait eu des conséquences à l'interne et que des enquêtes avaient été diligentées. Toutefois, H______ avait plusieurs fois affirmé le contraire. Une entreprise de cette envergure disposait nécessairement de processus cadrés et documentés pour faire face à des accusations de mobbing. Ces processus, s'ils avaient été mis en œuvre à son endroit, auraient laissé des traces dans les archives de la banque. Toutes les personnes entendues s'accordaient à dire que H______ n'était pas tolérante envers de telles accusations et qu'elle les prenait au sérieux. N______ prétendait que le terme mobbing lui avait été rapporté dans le cadre d'un management circle. Or, K______, qui conduisait ce management circle, avait déclaré n'avoir jamais entendu parler d'accusations de mobbing à l'encontre de l'appelant. Le management circle était d'ailleurs le lieu où se discutaient les évaluations de fin d'année des collaborateurs, dont la sienne, et toutes ses évaluations étaient soit bonnes soit excellentes, aucune accusation de ce type ou de harcèlement n'y figurant. Or, si des actes de mobbing avaient été évoqués lors d'un management circle, il en aurait été fait état dans son évaluation.

e. Les parties plaignantes ont dupliqué. La version de A______ avait changé depuis son audience au TPH. Il avait violé le principe de la bonne foi en tentant de tirer parti de prétendues contradictions entre le témoignage de N______ et celui de K______, alors qu'il n'avait jamais requis leur confrontation.

f. Le MP conclut au rejet de l'appel principal et de l'appel joint.

EN DROIT :

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 127 I 28 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_804/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.2.3.1).

Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.1).

2.2. Se rend coupable de faux témoignage au sens de l'art. 307 al. 1 CP, celui qui, en qualité de témoin, aura fait en justice une déposition fausse sur les faits de la cause. Le comportement punissable suppose que la déclaration du témoin soit fausse, c'est-à-dire objectivement non conforme à la vérité. La fausseté de la déclaration n'est pas déterminée selon la conviction subjective de l'auteur, mais selon l'état de fait objectif, auquel le témoignage doit correspondre. Commet ainsi un faux témoignage le témoin qui dit ne plus se souvenir d'un événement alors que tel n'est pas le cas. L'information fausse peut porter non seulement sur des faits objectivement constatables, mais aussi sur des faits relevant du for intérieur, tels que des sentiments ou des intentions. En outre, la déclaration incriminée doit concerner les faits de la cause, soit l'élucidation ou la constatation de l'état de fait qui constitue l'objet de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_700/2008 du 2 décembre 2008 consid. 3.1).

L'infraction réprime une mise en danger abstraite du bien juridiquement protégé. Il n'est pas nécessaire pour que l'infraction soit consommée que le juge ait été concrètement influencé (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd., Berne 2010, n. 4 ad art. 307).

Sur le plan subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement, le dol éventuel étant suffisant. L'intention doit porter sur tous les éléments objectifs de l'infraction. Il faut donc que l'auteur sache ou du moins accepte l'éventualité qu'il intervient en justice comme témoin, et qu'il sache ou du moins accepte que ce qu'il dit en cette qualité ne correspond pas à la vérité objective (arrêts du Tribunal fédéral 6B_249/2017 du 17 janvier 2018 consid. 1.1 et les références ; 1C_614/2015 du 5 février 2016 consid. 3.3 ; 6S.425/2004 du 28 janvier 2005 consid. 2.5).

2.3. Il sied, à titre liminaire, de délimiter le cadre des débats.

La question pertinente n'est pas de savoir si une problématique de mobbing existait ou non au sein du service de A______ – question qu'il appartiendra au TPH de trancher. Le reproche fait à l'appelant est celui d'avoir nié avoir fait l'objet d'accusations de mobbing de la part de plusieurs de ses subalternes lors de son audition devant le TPH, c'est donc sur la connaissance de ce fait par l'appelant qu'il revient à l'autorité pénale de se déterminer.

En outre, dans le cadre de ses déclarations par-devant le TPH, lorsque l'appelant a affirmé ne jamais avoir été approché par sa ligne, les RH ou la conseillère sociale, il se référait aux faits dénoncés dans le courriel figurant en pièce 3a, qui lui était alors soumise pour détermination. Dans ce courriel, L______, sans citer de noms, dénonçait un cas de mobbing présumé. C'est donc en lien avec cette accusation de mobbing que l'appelant a nié avoir été approché ; déduire de ses propos devant le TPH qu'il aurait nié avoir été approché en ce qui concerne son style de management ou tout autre chose s'éloigne du cadre de l'accusation.

2.4. En l'espèce, l'appelant a maintenu tout au long de la procédure qu'il ignorait avoir fait l'objet d'accusations de mobbing. Si de tels griefs avaient été soulevés à son encontre par des collaborateurs auprès des RH ou de la conseillère sociale, il a fermement démenti en avoir eu connaissance. D'ailleurs, ni sa ligne, ni les RH, ni la conseillère sociale ne l'avaient approché au sujet des accusations de mobbing évoquées dans le courriel de L______.

L'appelant ne nie toutefois pas avoir eu des discussions, notamment avec N______ et L______, concernant les problèmes divers et variés qui avaient cours dans son service, mais il a toujours maintenu que le terme mobbing ne lui avait jamais été rapporté. Ses interventions pour solutionner les problèmes à l'interne avaient été discutées mais n'avaient jamais été qualifiées comme du mobbing.

Ces dénégations de l'appelant sont confortées par le témoignage de K______, son supérieur hiérarchique à l'époque. En effet, ce dernier a déclaré ne pas avoir eu connaissance de telles accusations à l'égard de l'appelant et ne pas avoir été abordé par N______ à ce sujet. N'en ayant pas eu connaissance, il n'avait pas pu approcher l'appelant pour lui en référer. A contrario, il n'a pas caché avoir eu des discussions avec ce dernier concernant son style de conduite qu'il jugeait inapproprié car parfois trop direct, transparent et blessant.

Contrairement à ce que soutiennent les parties plaignantes, il n'est pas possible de déduire du témoignage de O______ un quelconque élément à charge. S'il n'est pas contesté que, par-devant le TPH, elle a indiqué que des départs avaient eu lieu dans l'équipe de A______ en raison d'accusations de mobbing, elle a ensuite expliqué au MP que ses précédentes déclarations se fondaient sur des suspicions et ouï-dires qui lui avaient été rapportés par N______. Elle n'avait jamais eu confirmation de la cause des départs. Du reste, son témoignage est fluctuant et elle a répété à plusieurs reprises, en réponse aux questions posées, que sa "mémoire n'était pas claire". Elle a déclaré dans un premier temps au MP qu'elle n'avait jamais rencontré l'appelant en rapport avec une accusation de mobbing, puis, au cours de la même audience, elle a dit ne pas se souvenir si la problématique du mobbing avait été abordée avec lui mais elle "imaginait" qu'il eût été au courant et qu'il y avait eu des discussions. Elle a finalement affirmé que si l'appelant avait fait l'objet de telles accusations, il aurait dû faire l'objet d'une enquête interne, ce qui n'a manifestement pas été le cas.

Le témoignage de N______ est assez confus. Il a d'abord déclaré n'avoir jamais été au courant de faits constitutifs de mobbing concernant I______ mais il a ensuite affirmé que de telles accusations avaient été discutées lors d'un management circle après avoir pris connaissance du commentaire formulé par ce dernier dans son évaluation, étant relevé qu'il avait expliqué au TPH, lorsque ce commentaire lui avait été soumis pour la première fois, ne pas se souvenir en avoir eu connaissance. En outre, sa version d'une discussion ad hoc lors d'un management circle doit être confrontée à celles, concordantes, de l'appelant, de K______ et de O______, tous présents lors de ce management circle, alors qu'aucun d'eux ne se souvenait pourtant du commentaire sous la rubrique "Final Employee Comments" ni d'une discussion avec l'appelant s'agissant de mobbing. Toujours à suivre N______, ces accusations à l'égard de l'appelant auraient été portées à sa connaissance lors d'un management circle en présence de nombreux supérieurs hiérarchiques et du personnel des RH de la banque, mais aucune suite n'y aurait été donnée. Le témoin a affirmé en parallèle que la banque, très soucieuse de cette problématique, ouvrait toujours une enquête si de telles accusations étaient formulées. Ces déclarations sont contradictoires. Enfin, il prétend qu'après le départ de I______, en 2013, d'autres accusations de mobbing avaient fait surface et qu'il y avait eu une discussion à ce sujet avec l'appelant et K______, ce que ceux-ci démentent, donnant lieu à conséquence, soit la non-promotion de l'appelant au poste de directeur. Pourtant, les pièces au dossier démontrent que l'appelant a été promu au rang de Managing Director avec effet au 1er mars 2011, soit bien avant les faits dénoncés par le témoin et en raison desquels, d'après lui, la promotion aurait été refusée. À nouveau, il y a confusion. Comme l'ont affirmé les parties plaignantes, le témoin a bien déclaré par-devant le TPH "enquêtes et discussions il y a eu", mais sans préciser avec qui. Il a par ailleurs expliqué que des discussions avaient régulièrement lieu au sein du management circle concernant le secteur de l'appelant, précisant toutefois qu'elles ne se faisaient plus avec ce dernier mais avec son supérieur. Il ressort également de son témoignage qu'il aurait discuté de la problématique avec L______ et O______ ; ceci ne signifie toutefois pas encore qu'il peut être tenu pour établi que l'appelant aurait eu vent de ces discussions. Il n'est également pas contesté qu'il a dit qu'il y avait eu des critiques et des accusations de mobbing de plusieurs personnes à l'encontre de A______ ; mais, à nouveau, il n'est pas possible d'inférer au-delà de tout doute que celles-ci auraient été portées à la connaissance du principal intéressé, qui plus est en étant caractérisée sous la forme d'un mobbing. Toutes ces suppositions et contradictions viennent mettre à mal la crédibilité de son témoignage.

L______, confrontée à la question de savoir si elle avait utilisé le terme mobbing lors de ses discussions avec l'appelant, a répondu par l'affirmative. Néanmoins, le solde de son témoignage reste plutôt évasif sur les termes adoptés et exprime la difficulté, liée à sa position de l'époque, de faire comprendre les choses sans pouvoir trop en dire. Cette approche corrobore les dires de l'appelant, qui a confirmé avoir eu une discussion avec elle au sujet de I______ mais n'avoir jamais su avec précision quels étaient les griefs de ce dernier à son égard. Elle a d'ailleurs fait part dans son témoignage du fait d'avoir rendu l'appelant attentif aux problèmes de management dans son unité et précisé qu'il "était très fort à l'époque et pouvait comprendre que les problèmes de management tombaient dans la sphère du mobbing". Elle a déclaré lui avoir parlé de son intransigeance, de sa dureté, de l'égalité de traitement, des difficultés au sein de son équipe et du turn over élevé. La question de déterminer si toutes ces accusations sont constitutives de mobbing n'est pas pertinente dans la présente procédure, seule l'étant, comme relevé ci-avant, celle de savoir si des accusations de mobbing ont été rapportées à l'appelant par L______. Or, il apparaît peu probable que cette dernière, qui a déclaré qu'il fallait être prudent avec les termes utilisés dans le secteur bancaire, se soit explicitement avancée à ce sujet dans le cadre de discussions avec l'appelant, alors qu'aucun de ses subalternes n'avait souhaité déposer de plainte formelle donnant lieu à l'ouverture du protocole mené par la consultation sociale.

S'il ressort des témoignages de L______ et N______ que des discussions ont manifestement eu lieu au niveau des RH au sujet de suspicions de mobbing liées au comportement de l'appelant, il n'est toutefois pas possible d'en déduire à satisfaction de droit qu'elles ont été formellement portées à la connaissance de ce dernier.

Le commentaire formulé par I______ dans son évaluation de l'année 2012 ne permet pas encore d'admettre que l'appelant savait qu'il faisait l'objet de telles accusations. Il nie par ailleurs en avoir eu connaissance, ce qui est également le cas de O______, L______, K______ et également de N______ à l'occasion de ses premières déclarations.

La deuxième accusation à l'encontre de l'appelant est celle d'avoir fait une déposition erronée en niant l'existence d'enquêtes diligentées par la banque à son sujet compte tenu d'accusations de mobbing. La CPAR peine à discerner en quels termes l'appelant l'aurait soutenu lors de son audition par-devant le TPH, ce que le premier juge n'a pas précisé. Il n'est toutefois pas nécessaire d'analyser ce complexe plus en détails dans la mesure où il est admis, à teneur des éléments au dossier, qu'aucune enquête interne n'a été ouverte à l'encontre de l'appelant en regard de telles accusations. Au demeurant, tous les témoins s'accordent à dire qu'il n'y a pas eu d'enquête interne, à l'exception de N______ qui mentionne "des enquêtes" mais, par ce terme, semble plutôt faire allusion à des entretiens menés par les RH auprès des collaborateurs qui s'étaient plaints du comportement de l'appelant, sans que ceux-ci n'aient amené à l'ouverture d'une enquête interne cadrée en bonne et due forme. Tous les témoins entendus ont d'ailleurs confirmé que la banque n'était pas tolérante face à de telles accusations et qu'en présence de suspicions, une enquête était ouverte. Il apparaît ainsi peu probable qu'un employé des RH ou la conseillère sociale aient informé l'appelant que des accusations de mobbing avaient été portées contre lui mais que la discussion n'ait pas été protocolée ni documentée au sein de H______. Si un processus interne avait été mis en œuvre, il aurait nécessairement pu être retracé ; or, la banque a affirmé, en réponse à l'ordre de dépôt, qu'aucune enquête interne n'avait jamais été diligentée à l'encontre de l'appelant.

En définitive, il ne ressort d'aucun témoignage que le terme mobbing aurait été rapporté à l'appelant en lien avec son comportement. Au contraire, l'ensemble des témoignages, les affirmations de la banque sur l'absence d'enquête, la promotion de l'appelant en 2011 constituent plutôt un faisceau d'indices à décharge. S'il apparaît que des rumeurs circulaient à ce propos, il n'est pas possible de déduire des preuves à disposition qu'une des personnes s'étant adressée à l'appelant ait fait plus que de "tourner autour du pot". Il est crucial ici de distinguer un mauvais management d'une accusation de mobbing, laquelle prend tout son sens dans le cadre d'une procédure prud'homale. Le fait, non contesté, que des responsables RH ou la conseillère sociale aient attiré son attention sur son style de management, trop dur et directif, qui était problématique, ne suffit pas à admettre qu'il savait que son comportement s'apparentait à du mobbing et qu'une telle accusation était formulée à son égard par certains de ses subordonnés.

Il n'est ainsi pas possible de retenir, au-delà de tout doute sérieux, que l'appelant a menti dans le cadre de ses déclarations litigieuses par-devant le TPH. Le principe in dubio pro reo commande l'admission de l'appel et l'acquittement du chef de faux témoignage.

3. 3.1. L'appelant obtenant gain de cause, les frais de la procédure préliminaire et de première instance ainsi que les frais d'appel seront laissés à la charge de l'État (art. 426 al. 1 et 428 CPP a contrario).

3.2. Dans la mesure de l'admission de l'appel principal, les parties plaignantes succombent et leur appel joint sera rejeté.

Dans la mesure où, d'une part, l'infraction de faux témoignage se poursuit d'office et, d'autre part, les conclusions civiles des plaignants – pour autant qu'il eût fallu considérer leur demande d'indemnisation pour leurs frais d'avocat comme telles – n'ont pas causé de frais, il n'y a pas de motif pour leur imputer partie de ceux-ci (cf. art. 427 al. 1 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_538/2021 du 8 décembre 2021 consid. 1.1.1). Il s'ensuit qu'aucune indemnité pour leurs frais de défense ne leur sera allouée sur le fondement de l'art. 433 al. 1 CPP.

4. 4.1. L'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable également au stade de l'appel via le renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP, prévoit que s'il est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

4.2. La décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation
(ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.1).

L'autorité pénale doit examiner, tout d'abord, si l'assistance d'un conseil était nécessaire, puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées (ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

La Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d'étude (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 3 et 2C_25/2008 du 18 juin 2008 consid. 3 ; AARP/415/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7.3) et CHF 350.- pour un collaborateur (AARP/65/2017 du 23 février 2017).

4.3. Dès lors que les frais de la procédure préliminaire, de première instance et d'appel sont laissés à la charge de l'État et que le prévenu est entièrement acquitté, il peut prétendre à la couverture de ses honoraires d'avocat, pour autant que ceux-ci répondent aux critères de nécessité et d'adéquation, y compris au plan tarifaire, dégagés par la jurisprudence fédérale et cantonale.

4.4. En l'espèce, l'appelant a déposé une liste des opérations détaillées des activités menées par ses avocats pour la procédure préliminaire, de première instance et d'appel correspondant à 100 heures et 55 minutes effectuées entre le 28 octobre 2019 et le 3 octobre 2023. Le taux horaire n'étant pas précisé dans la liste ad hoc, la Cour retiendra un tarif de CHF 400.-/heure pour le chef d'étude et de CHF 350.-/heure pour le collaborateur.

Si la procédure a certes duré quatre ans, l'appelant n'a été entendu qu'à une seule reprise par la police et seulement au cours de deux audiences par le Ministère public, lesquelles ont duré respectivement deux heures et 30 minutes et deux heures. Les débats devant le TP ont duré une heure. Le dossier est bien connu des avocats dans la mesure où la majorité des pièces produites ont été extraites de la procédure prud'homale dans laquelle ils représentent également leur client. Le dossier n'est pas particulièrement volumineux et les faits de la cause ne relèvent pas d'une complexité particulière.

Ainsi, les prestations effectuées apparaissent disproportionnées dans leur ensemble au vu de l'activité nécessaire que la procédure impliquait. Une activité équivalente à 60 heures, soit 32 heures par le chef d'étude et 28 heures par le collaborateur, est adéquate et légitime dans cette affaire.

Partant, l'indemnité allouée à l'appelant pour ses frais d'avocat couvrant l'intégralité de la procédure, sera arrêtée à CHF 24'340.20 (CHF 22'600.- + CHF 1'740.20 de TVA à 7.7%), à la charge de l'État.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ et l'appel joint formé par C______, D______, E______ et F______ contre le jugement JTDP/550/2023 rendu le 10 mai 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/20468/2019.

Admet l'appel principal.

Rejette l'appel joint.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de faux témoignage (art. 307 al. 1 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation des parties plaignantes C______, D______, E______ et F______ (art.  433 al. 1 CPP).

Renvoie pour le surplus les parties plaignantes à agir par la voie civile (art. 126 al. 2 CPP).

Prend acte de ce que les frais de la procédure préliminaire et de première instance ont été arrêtés à CHF 1'232.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, ainsi qu'un émolument de jugement complémentaire de CHF 600.-.

Laisse ces frais à la charge de l'État.

Laisse l'ensemble des frais de la procédure d'appel à la charge de l'État.

Alloue à A______, à charge de l'État, un montant de CHF 24'340.20, TVA comprise, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure au cours de la procédure préliminaire, de première instance et d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.