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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/6855/2019

AARP/31/2024 du 15.01.2024 sur JTDP/627/2023 ( PENAL ) , ADMIS

Normes : CP.219
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6855/2019 AARP/31/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 15 janvier 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/627/2023 rendu le 22 mai 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/627/2023 du 22 mai 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 du Code pénal [CP]) et condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 200.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), frais de procédure à sa charge. Ses conclusions en indemnisation ont été rejetées.

A______ conclut à son acquittement ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure pour les deux instances, frais à charge de l'État.

b. Selon l'acte d'accusation du 29 juin 2022, il lui est reproché d'avoir, à Genève, entre 2017 et 2019, violé son devoir d'assistance et d'éducation à l'égard de ses fils, C______ et D______, nés le ______ 2003 et ______ 2005, en les mêlant ou en les exposant au conflit qui l'opposait à E______, son ex-épouse et la mère des précités. Il les a notamment amenés, lors des semaines de garde de celle-ci, à refuser de manger la nourriture qu'elle préparait, à lui donner des coups, voire des gifles, à refuser d'entretenir une conversation courante avec elle et à la traiter de "folle".

B. Les faits suivants, encore pertinents au stade de l'appel, ressortent de la procédure :

Du contexte familial et des procédures civiles

a. A______ et E______ se sont mariés le ______ 2001. De leur union sont nés trois enfants : les deux garçons cités dans l'acte d'accusation (cf. supra A.b), ainsi que F______ née le ______ 2011.

b. Le 10 mai 2017, E______ a quitté le logement familial et déposé une plainte pénale contre A______, notamment pour violences conjugales et injures (faits dont il a été acquitté) (procédure P/1______/22017).

c.a. Le 16 mai 2017, A______ a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale (MPUC), concluant à l'instauration d'une garde alternée sur les trois enfants.

c.b. D'après le rapport du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP) du 6 octobre 2017, les aînés semblaient pris dans un conflit de loyauté envers leurs parents avec une tendance à reprendre les propos de leur père, mais les trois enfants affirmaient bien s'entendre avec leurs deux parents et souhaiter partager leur temps entre eux.

c.c. Entendus par le juge civil le 8 novembre 2017, C______ et D______ ont indiqué qu'une garde alternée d'une semaine à l'autre leur conviendrait.

d. À teneur du rapport d'expertise du groupe familial du 18 septembre 2018 diligenté par les Dres G______ et H______, C______ et D______ étaient pris dans un conflit de loyauté qui affectait négativement leur développement affectif. Les parents ne présentaient aucun trouble psychiatrique, mais E______ avait des "traits de personnalité de type émotionnellement labile" ainsi que des défenses de type "manipulatoire et de caractère", tandis que A______ des "traits de personnalité de type obsessionnels et sensitifs". Tous deux pouvaient fonctionner sur un mode "narcissique". Malgré cela, ils avaient bonnes capacités parentales et étaient en mesure d'exercer l'autorité parentale ainsi qu'une garde partagée 50/50 avec l'accompagnement d'une curatelle d'organisation.

e. Par jugement sur MPUC du 22 mars 2019, une garde alternée a été ordonnée, étant précisé qu'une garde partagée était organisée depuis la séparation (à 40/60 en faveur de la mère d'abord, puis, dès l'été 2018, une semaine sur deux).

f. En avril 2019, C______ et D______ ont rédigé deux courriers dans lesquels ils expliquaient ne plus supporter les cris et les coups de leur mère, et souhaiter vivre à temps plein chez leur père, le second précisant ne pas manger à sa faim chez elle.

g. En mai 2020, E______ a déposé une demande de divorce et, dès le 8 octobre suivant, les adolescents ont vécu chez leur père, les parties ayant trouvé un accord ultérieurement sur ce point dans le cadre de la procédure civile, un divorce d'accord ayant été prononcé le 22 octobre 2021 et la garde des aînés confiée exclusivement à A______ (cf. PP C-49 et ss.).

De la présente procédure pénale

h.a. Le 16 mars 2019, A______ et E______ ont été entendus par-devant le Ministère public (MP) dans le cadre de la procédure P/1______/22017 (cf. supra B.b.).

h.b. A______ a déclaré que les enfants se portaient mieux depuis la mise en place de la garde alternée, même s'ils continuaient à requérir plus de temps en sa compagnie et relataient régulièrement des épisodes de "maltraitance", soit des coups de leur maman. Il ne fallait pas s'étonner des difficultés relatées par leur mère (cf. infra B.i.) dans la mesure où elle élevait leurs fils "à coups de baffes". Pour sa part, il avait une bonne relation avec C______ et D______, même si ceux-ci se comportaient parfois comme des adolescents (ils ne disaient pas bonjour aux invités ou étaient trop souvent sur leurs téléphones, et il fallait les reprendre).

h.c. E______ a relaté que la garde alternée ne se passait pas bien et qu'elle "pens[ait]" que son conjoint avait effectué un travail de "sape" sur les enfants. Ils étaient très désagréables, et elle n'avait plus de relation avec eux : ils rentraient à la maison sans dire bonjour, ne parlaient pas, refusaient de manger, ne saluaient pas les invités, ni les voisins. Dès qu'elle demandait leur aide, ils la traitaient de "folle", de "radine". Elle était la "méchante". Lorsqu'elle pleurait, ils ne manifestaient aucune empathie. Leur hostilité se portait également sur leurs grands-parents, dont ils étaient proches avant la séparation.

Dans le cadre de la présente procédure, E______ a expliqué que dès la première fois que les enfants étaient revenus de chez leur père, ils étaient transformés, parlaient de garde alternée et étaient devenus difficiles. Ils profitaient de chaque prétexte pour la critiquer. D______ désignait son compagnon comme "l'autre frouze", la traitait de "mongole" et se montrait incohérent en exprimant qu'il ne voulait pas être chez elle, alors qu'il la réclamait le soir. C______ prétendait qu'elle ne les aimait pas si elle inversait leurs prénoms. Elle avait constaté une amélioration avec ce dernier avant le divorce, mais cela avait pris fin dès l'introduction de la procédure devant le juge civil, de sorte qu'elle supposait que A______ en avait parlé aux garçons.

i. Entendu par la police, le MP et le TP, A______ a expliqué qu'au début de la séparation, il y avait eu beaucoup d'histoires entre ses fils et leur mère, ce qui rendait les changements de garde très difficiles. Les enfants étaient énervés et se disputaient à leur retour. Ils relataient ce qui était arrivé, et lui-même répondait qu'il ne pouvait pas s'en mêler. Il avait mis en en place un "sas de décompression" (ou "conseil Jedi"), car ils étaient "contaminés", afin d'extérioriser et de passer à autre chose pour la semaine à venir. Les garçons partageaient leur ressenti, et il écoutait. Puis, il avait instauré la règle de ne plus "trop parler" de ce qu'il s'était passé chez elle pour ne pas que cela péjore leur temps ensemble. Confronté aux déclarations de son ex-épouse (cf. supra B.h.c.), A______ a affirmé qu'il n'était certain ni que leurs fils s'étaient comportés de la sorte, ni que leur attitude avait véritablement changé depuis la séparation, et relevé qu'il ne s'agissait que de l'avis de la mère.

Lors de l'expertise de 2018, son ex-conjointe et lui-même étaient en "guerre judiciaire", raison pour laquelle il avait expliqué à l'experte qu'il ne pouvait pas défendre celle-là et n'en avait pas envie. Contrairement à l'avis des expertes, il ne "validait" pas tout ce que les enfants déposaient, mais concédait qu'il ne prenait pas position. Il avait fait son maximum pour préserver les enfants et ne leur avait pas parlé du litige avec leur mère. Il ne parlait jamais d'elle, sauf si ceux-ci avaient quelque chose à raconter. Dès l'instauration de la garde exclusive, requise en raison de la souffrance de ses fils, ceux-ci avaient mûri, s'étaient sentis mieux et les choses s'étaient "tassées". Ils entretenaient désormais une bonne relation avec leur maman.

j. Le 14 juillet 2020, C______ et D______ ont été entendus par la police selon la procédure EVIG. Ils ont déclaré que leur temps chez leur mère ne se passait pas bien et vouloir vivre chez leur père. En substance, elle criait, s'énervait pour tout et, parfois, les tapait. C______ a relaté que sa mère s'en prenait à lui une à deux fois par semaine en tirant ou tapant son bras pour lui arracher son téléphone ou qu'elle leur donnait des claques, tandis que D______ a expliqué que les épisodes violents avaient lieu deux à trois fois par an : elle l'avait giflé, à une reprise, lorsqu'il avait voulu sortir et, à une autre occasion, pour lui arracher son portable (il avait eu mal, avait été "sonné" et souffert d'un acouphène). D______, bouleversé, a pleuré lors de l'audition.

k.a. À teneur du rapport de victimologie du 14 juillet 2021 diligenté par la Dre H______ et la psychologue I______ (établi sur la base d'un rendez-vous avec C______ et de deux entretiens avec D______), les expertes ont mis en évidence les éléments suivants.

D______ présentait un discours contrôlé et centré sur le fait qu'il souhaitait poursuivre une garde exclusive chez son père et évincer sa mère de sa vie. Son discours envers sa mère était centré sur les allégations de violences physiques à son égard et une idéalisation massive était notable envers son père. Ses affects paraissaient anesthésiés et l'expression d'émotions et de désirs propres était empêchée. Il présentait un "trouble de l'adaptation" et une communication intrafamiliale inadéquate ou distordue. Il évitait toute évocation de la figure maternelle ou en parlait de manière accusatrice, et n'éprouvait aucune tristesse, compassion ou empathie à l'égard de sa mère, ce qui faisait penser à une instrumentalisation émanant du père dans sa campagne de disqualification de la mère et son objectif d'annihiler les liens mère-fils, même s'il prétendait le contraire. D______ était ainsi pris dans un conflit de loyauté extrême. Sur le plan des violences, l'impact des coups ne pouvait être évalué car, dans le discours de l'enfant, ils n'avaient pas d'existence. On observait "une forme de sidération psychologique chez D______, sorte de point d'arrêt dans son développement", ce dernier étant encore fortement aux prises d'une instrumentalisation de sa parole par son père, ce qui comportait des répercussions graves sur son devenir post-adolescentaire et de jeune adulte, telles qu'une atteinte de l'estime de soi, de la confiance en soi, de la constitution de son identité propre, de l'épanouissement personnel, et venait prétériter les sphères professionnelle, amoureuse, sociale et amicale à plus long terme.

C______ avait été en mesure d'adopter une attitude de dégagement du conflit parental, parvenant à parler en son nom, à reprendre contact avec sa mère et à la voir de manière plus régulière. Il avait néanmoins présenté des difficultés scolaires et le lien avec sa mère avait été rompu un temps. Cela avait laissé une trace dans son psychisme et, même si celle-ci tendait à s'effacer, cet impact restait effectif à moyen terme, via notamment une atteinte de l'estime de soi, de la confiance en soi, de la constitution de son identité propre, de l'épanouissement personnel, et venait prétériter, à l'instar de son frère, les sphères professionnelle, amoureuse, sociale et amicale à plus long terme.

Les faits reprochés étaient de l'ordre de l'instrumentalisation, progressive et graduelle, de la parole des enfants, ce qui correspondait à une forme de maltraitance psychologique grave et persistante. Depuis la séparation parentale, A______ était engagé dans un processus de dénigrement parental de E______ et présentait une extrême difficulté à accepter que ses fils aient besoin de leur mère. La mise en place d'un "sas de décompression" et d'un "conseil Jedi" à chaque retour de chez la mère était d'ailleurs le porte-symptôme d'une recherche de relation exclusive père-fils. Même s'il s'en défendait fortement, A______, de par ses agissements, visait à exclure E______ de sa vie et de celle de ses fils, et rabaissait ses compétences et capacités maternelles.

En réponse à la question de savoir si les "faits allégués par les mineurs avaient durablement mis en danger leur développement physique ou psychique", les expertes ont affirmé que le comportement de A______ avait durablement mis en danger le développement de ses deux fils (cf. PP C-1'048).

k.b. Entendues par le MP, les expertes ont confirmé leur rapport et précisé que le trouble de l'adaptation de D______ provenait du conflit de loyauté entre les parents. Il s'agissait d'une '"instrumentalisation de la parole de l'enfant" par le père, et cela se manifestait notamment par le refus de la nourriture chez la mère, l'exclusion des grands-parents maternels et le fait que le jeune homme rapportait des maltraitances de sa mère, sans pouvoir développer à ce sujet. D______ était déconnecté de ses ressentis et n'était pas en mesure de nommer ses émotions. Il parvenait à dire que sa mère ne lui manquait pas, comme si elle était à retirer de sa vie, et ne percevait aucun intérêt à poursuivre un lien avec elle. Il parlait de sa mère de manière accusatrice et dénigrante. Il n'avait pas de considération pour elle, en parlait tel un objet et n'avait pas d'empathie à son égard. Il était difficile d'évaluer sa souffrance puisqu'il n'était pas maître de sa pensée/de son vécu. Il serait difficile pour D______ de réaliser qu'il avait coupé ses liens avec une mère qui ne l'avait pas maltraité. À la question de savoir si les facultés psychiques de D______ et C______ avaient été mises en danger, les expertes ont mesuré leur réponse s'agissant de C______, car celui-ci était en train de sortir de la relation d'emprise, mais confirmé que tel était le cas de D______. Elles ont relevé qu'il y aurait, malgré tout, des conséquences à long terme pour l'aîné, lequel avait vécu la même atteinte que son petit frère, telles qu'évoquées dans leur rapport.

l. Par courrier du 22 octobre 2021, le curateur de représentation de D______ a déposé plainte au nom de son protégé et manifesté la volonté de ce dernier de participer à la procédure en tant que partie plaignante au civil et au pénal
(cf. PP C-153). Par-devant le TP, le curateur a déclaré ne jamais avoir rencontré le jeune homme, lequel n'avait jamais donné suite à ses demandes de contact et avoir déposé plainte conformément à son mandat, et non sur instruction de celui-ci.

m. À teneur du rapport du Service de protection des mineurs (SPMI) portant sur la période du 6 mai 2021 au 6 mai 2023, le droit de visite entre D______ et sa maman s'était bien déroulé. Ils étaient convenus de moments à partager, notamment au ski. Les curatrices proposaient la fin de leur mandat, ce qui a été approuvé par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE) par décision du 15 août 2023.

n. Par lettre du 27 novembre 2023 adressée à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), D______, majeur depuis août 2023, s'est dit surpris de ce qui s'était "fait dans [son] dos selon des paroles contraires aux [s]iennes". Il pensait avoir été clair avec son curateur, en ce sens qu'il n'avait rien souhaité "activer comme procédure ou quoi que ce soit" contre son père. Il répétait, soulignant l'avoir affirmé à maintes reprises à divers intervenants, qu'il était heureux de vivre chez ce dernier et se sentait aujourd'hui bien avec ses deux parents.

C. a. À l'ouverture des débats d'appel, A______ a requis une contre-expertise ainsi que l'audition de la Dre G______ (comme il l'avait demandé à tous les stades de la procédure). La Cour a rejeté les réquisitions de preuve au bénéfice d'une brève motivation orale, renvoyant, au surplus, à la motivation du présent arrêt (cf. infra consid. 3.1).

b. A______ a expliqué que ses fils évoluaient bien : ils avaient terminé leur troisième année d'école de commerce, D______ effectuait un stage, tandis que C______ s'apprêtait à commencer son service militaire. Les relations personnelles avec leur mère étaient bonnes et plus intenses, mais avaient dû être reconstruites. Le premier jugement ne reflétait pas la réalité, en ce sens qu'il avait tout de suite proposé un système de garde alternée et avait constamment motivé les enfants à retourner chez leur mère, quand bien même, parfois, C______ se mettait à pleurer. Il avait été difficile d'assumer leur garde exclusive, compte tenu des défis professionnels qu'il devait gérer, mais lui-même et les enfants avaient trouvé un équilibre, et ceux-ci étaient allés mieux progressivement. S'il avait entrepris un processus de dénigrement de la mère, les enfants ne seraient jamais retournés auprès d'elle. En réalité, il avait mis les choses en place pour qu'ils renouent avec leur mère, de même qu'avec leur belle-famille et leurs grands-parents maternels. Il expliquait les déclarations de son ex-conjointe devant le MP (cf. supra B.h.c) comme la manifestation de ce qu'elle l'avait érigé en fautif de tout ce qui se passait dans son foyer. Il n'avait jamais dit de ses fils qu'ils étaient "contaminés" par leur séjour chez leur mère, mais avait voulu exprimer que les enfants revenaient de chez celle-ci avec des tensions qui "contaminaient" le temps à passer ensemble qu'ils avaient à disposition. Il n'avait pas présenté D______ à un thérapeute, car le jeune homme avait manifesté un ras-le-bol de s'exprimer devant des intervenants, et il l'avait donc encadré du mieux qu'il avait pu en favorisant la communication, ce qui avait fonctionné puisqu'il évoluait favorablement. Questionné quant à la plainte déposée contre ex-épouse en 2019 pour des maltraitances, l'appelant a répondu en avoir assez des procédures et ne pas ressentir de dessein de vengeance. Après que la cause a été gardée à juger, il a fait savoir, par l'entremise de son conseil, qu'il avait retiré cette plainte.

c.a. Par la voix de son conseil, l'appelant persiste dans ses conclusions.

L'acte d'accusation ne répondait pas aux exigences de l'art. 9 du Code de procédure pénale (CPP) et présentait un important vice en ce sens qu'il ne permettait pas d'identifier quelle action ou omission était reprochée à l'appelant dans le cadre de l'art. 219 CP. En prolongement, les éléments constitutifs de l'infraction ne pouvaient avoir été réalisés puisque le MP n'avait pas été en mesure de cibler la conduite à réprimer. Même à considérer qu'il avait effectivement été "amené" aux différents actes décrits dans l'acte d'accusation, cela ne constituait pas une infraction pénale. Le rapport de victimologie était incomplet et inexact : les expertes s'étaient érigées, en violation de leur mandat, en accusatrices. Sur cette seule base, le TP l'avait condamné alors que les conclusions du rapport, en décalage total avec sa vie de famille, ne pouvaient remplacer un acte d'accusation en bonne et due forme, et fonder une culpabilité.

Il requiert une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits de procédure de CHF 30'838.10 (soit près de 70 heures de travail au tarif de CHF 400.-), TVA et intérêts à 5% en sus. Il produit trois notes d'honoraires pour l'activité déployée par son conseil du 20 juin 2019 au 30 novembre 2023. Il se prévaut également d'un dommage économique de CHF 3'000.- en raison du fait qu'il a dû prendre congé pour se rendre aux six audiences de la procédure.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Aux termes de l'art. 120 al. 1 CPP, le lésé peut en tout temps déclarer par écrit ou par oral qu'il renonce à user des droits qui sont les siens ; la déclaration orale est consignée au procès-verbal. La renonciation est définitive. Si la renonciation n'a pas été expressément restreinte à l'aspect pénal ou à l'aspect civil, elle vaut tant pour la plainte pénale que pour l'action civile (art. 120 al. 2 CPP).

La renonciation de la partie plaignante à ses droits procéduraux doit être exprimée de façon claire et sans équivoque (arrêts du Tribunal fédéral 1B_694/2021 du 8 août 2022 consid. 3.1 et 1B_446/2018 du 14 novembre 2018 consid. 4.4). L'autorité devra s'assurer que la partie plaignante entend bel et bien renoncer à ses droits (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, N 6a et 7 ad art. 120).

2.2. D______, désormais majeur, a fait état à la Cour de céans que son curateur était intervenu contre sa volonté, lui-même n'ayant jamais eu l'intention d'agir contre son père. En première instance, le curateur a indiqué avoir agi conformément à son mandat, et non sur instruction de son protégé.

Vu les circonstances, il convient d'interpréter les propos de D______ comme une renonciation à sa qualité de partie plaignante au civil et au pénal au sens de l'art. 120 CPP. Dès lors, l'intéressé ne revêt plus la qualité de partie plaignante, et les conclusions civiles déposées par l'ancien curateur deviennent sans objet.

3. 3.1. Après l'ouverture des débats d'appel, la Cour ou les parties peuvent soulever des questions préjudicielles, notamment concernant le dossier et les preuves recueillies (art. 339 al. 2 et 3 CPP cum art. 405 al. 2 CPP).

3.2. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance ; l'administration des preuves du tribunal de première instance n'est répétée (al. 2) que si les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes (let. a), l'administration des preuves était incomplète (let. b) ou les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables (let. c). L'art. 389 al. 3 CPP règle les preuves complémentaires. Ainsi, la juridiction de recours peut administrer, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).

3.3. En l'occurrence, il ne se justifie ni d'entendre la Dre G______, ni de diligenter une contre-expertise de victimologie, dans la mesure où aucun de ces moyens de preuve n'apparaît utile au traitement de l'appel : la médecin a exposé son opinion sur la situation familiale de manière circonstanciée dans son rapport de 2018, de sorte que son audition, cinq ans plus tard, est sans pertinence ; les faiblesses de la seconde expertise, telles que plaidées par la défense, seront examinées au fond en application du principe de la libre appréciation des preuves, si bien que celui d'économie de procédure impose de renoncer à ce second moyen qui retarderait vainement la cause.

Les questions préjudicielles sont donc rejetées.

4. 4.1. Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur ainsi que les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; ATF 141 IV 132 consid. 3.4.1). Des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée, dans la mesure où le prévenu ne peut avoir de doute sur le comportement qui lui est reproché (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1498/2020 du 29 novembre 2021 consid. 2.1).

4.2. La Cour relève d'emblée que l'acte d'accusation souffre de plusieurs imprécisions, lesquelles rendent discutable sa validité au sens des art. 9 et 325 CPP.

On peine en particulier à identifier quel comportement (ou quelle omission) est reproché au prévenu, l'utilisation de l'expression "amener à" n'étant pas satisfaisante. Cette question peut néanmoins demeurer ouverte, étant observé que cet éventuel vice n'a pas empêché l'appelant de préparer convenablement sa défense, dans la mesure où celui-ci sera acquitté au fond pour les motifs développés infra (cf. infra consid. 5).

5. 5.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a).

5.2. Le principe de la libre-appréciation des preuves (art. 10 al. 2 CPP) implique qu'il revient au juge de décider ce qui doit être retenu comme résultat de l'administration des preuves en se fondant sur l'aptitude de celles-ci à prouver un fait au vu de principes scientifiques, du rapprochement des divers éléments de preuve ou indices disponibles à la procédure, et sa propre expérience (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2) ; lorsque les éléments de preuve sont contradictoires, le tribunal ne se fonde pas automatiquement sur celui qui est le plus favorable au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2 ; 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1 ; 6B_1363/2019 du 19 novembre 2020 consid. 1.2.3). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a). Lorsque dans le cadre du complexe de faits établi suite à l'appréciation des preuves faite par le juge, il existe plusieurs hypothèses également probables, le juge pénal doit choisir la plus favorable au prévenu (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.2).

5.3. À l'instar des autres moyens de preuve, le juge apprécie librement la force probante de l'expertise. Cette liberté trouve sa limite dans l'interdiction de l'arbitraire. Si le juge n'est, en principe, pas lié par les conclusions de l'expert, il ne peut s'en écarter, sous peine de violer l'art. 9 Cst., qu'en exposant les motifs déterminants et les circonstances bien établies qui lui commandent d'agir de la sorte. En se fondant sur une expertise non concluante, le juge pourrait violer l'art. 9 Cst. Tel serait le cas si des motifs suffisants ou de sérieux indices lui faisaient douter de l'exactitude d'une expertise (ATF 129 I 49 consid. 4 ; 118 Ia 144 consid. 1c).

5.4.1. Selon l'art. 219 CP, quiconque viole son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il met ainsi en danger le développement physique ou psychique, ou qui manque à ce devoir, est passible des peines de droit.

5.4.2. Pour que cette disposition soit applicable, il faut d'abord que l'auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d'assistance, c'est-à-dire de protection, ou un devoir d'éducation, soit d'assurer son développement, sur le plan corporel, spirituel et psychique. Cette obligation et, partant, la position de garant de l'auteur peut être fondée sur la loi, sur une décision de l'autorité ou sur un contrat, voire sur une situation de fait. Sont notamment considérés comme des garants les parents naturels (ATF 125 IV 64 consid. 1a).

5.4.3. Il faut ensuite que l'auteur ait violé son devoir d'assistance ou d'éducation ou qu'il ait manqué à ce devoir. Le comportement délictueux peut donc consister en une action ou en une omission ; dans le premier cas, l'auteur viole positivement son devoir, par exemple en maltraitant le mineur ou en l'exploitant par un travail excessif ou épuisant ; dans le second cas, l'auteur manque passivement à son obligation, par exemple en abandonnant l'enfant, en négligeant de lui donner des soins ou en ne prenant pas, face à un danger, les mesures de sécurité qui s'imposent (ATF 125 IV 64 consid. 1a).

5.4.4. La violation du devoir d'assistance ou d'éducation ou le manquement à ce devoir doit avoir eu pour effet de mettre en danger le développement physique ou psychique du mineur. L'infraction réprimée par l'art. 219 CP est un délit de mise en danger concrète. Il n'est donc pas nécessaire que le comportement de l'auteur aboutisse à un résultat, c'est-à-dire à une atteinte à l'intégrité corporelle ou psychique du mineur. La simple possibilité abstraite d'une atteinte ne suffit cependant pas ; il faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 consid. 1b).

5.4.5. En pratique, il sera souvent difficile de déterminer quand il y aura un risque pour le développement du mineur. Il sera en particulier difficile de distinguer
les atteintes qui devront relever de l'art. 219 CP des traumatismes qui font
partie de la vie de tout enfant. Vu l'imprécision de la disposition, la doctrine
recommande de l'interpréter de manière restrictive et d'en limiter l'application aux cas manifestes. Des séquelles durables, d'ordre physique ou psychique, devront apparaître vraisemblables, de telle sorte que le développement du mineur sera mis en danger. Pour provoquer un tel résultat, il faudra normalement que l'auteur agisse
de façon répétée ou viole durablement son devoir (arrêts du Tribunal fédéral 6B_457/2013 du 29 octobre 2013 consid. 1.2 ; 6B_539/2010 du 30 mai 2011
consid. 4.2).

5.4.6. Dans la mesure du possible, les parents doivent faire tout ce qui est nécessaire afin de garantir l'épanouissement de l'enfant. Il s'ensuit qu'ils doivent s'efforcer de distinguer leur relation parentale conflictuelle, d'une part, et la relation parent-enfant, d'autre part. Ils doivent s'efforcer de maintenir l'enfant en dehors du conflit parental (arrêt du Tribunal fédéral 5A_616/2020 du 23 novembre 2020 consid. 2.1.1).

Il y a mise en danger concrète du développement du mineur notamment lorsque les parents, dans le cadre d'une séparation houleuse, impliquent leur enfant de manière grave, durable et répétée dans le conflit parental (A. MACALUSO /
L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, N 14 ad art. 219). Ainsi, un conflit parental massif – à l'occasion duquel les enfants sont régulièrement exposés à des disputes, vociférations et intimidations – peut constituer une violation du devoir d'assistance et d'éducation de nature à mettre en danger le développement d'un mineur (arrêts de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois 228 du 13 novembre 2013 consid. 3.2.3 ; 291 du 15 septembre 2016 consid. 4.4.2).

5.4.7.1. Dans un arrêt 6B_586/2021 du 26 janvier 2022, le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d'une mère qui avait, selon les expertises produites, persisté, par des manœuvres dilatoires et oppositionnelles à l'égard des thérapeutes et des autorités de protection de l'enfant, à empêcher la mise en œuvre d'un droit de visite entre sa fille et le père de celle-ci, les privant de manière consciente et volontaire de la possibilité d'entretenir des relations personnelles. La condamnée avait notamment allégué sur le plan pénal que sa fille avait subi des scarifications et des abus sexuels de la part de son père et, au plan civil, instrumentalisé les professionnels entourant la famille ainsi que déposé recours contre toutes les décisions visant à l'introduction d'un droit de visite (cf. consid. 1.3).

5.4.7.2. Dans un arrêt 6B_582/2023 du 12 septembre 2023, notre Haute Cour a confirmé la condamnation d'un père qui avait tout mis en œuvre pour démontrer la culpabilité de son épouse de sévices sur leur fille, bien que toute forme de maltraitance maternelle avait été écartée. L'expertise familiale avait relevé que l'attitude du recourant avait eu des conséquences considérables sur ses enfants qui, pris dans un grave conflit de loyauté, avaient souffert d'un risque d'aliénation parentale, ce qui s'était concrétisé par un trouble chez la fillette (cf. consid. 1.4).

5.5.1. La Cour tient pour établi, dans la mesure où l'appelant ne le conteste pas, que celui-ci et son ex-épouse ont traversé une séparation très conflictuelle et que leurs fils ont souffert à cette occasion d'un important conflit de loyauté.

L'appelant concède que, lorsque C______ et D______ faisaient valoir des doléances à l'égard de leur mère ou dénonçaient des violences de celle-ci, il lui était impossible, vu les différentes procédures qui l'opposaient à son ex-épouse, de prendre sa défense ou position en sa faveur. C'est donc sous cet angle qu'il s'agit d'examiner la commission de l'infraction, étant entendu qu'au-delà de l'expertise de victimologie aucun élément du dossier ne permet de conclure que le prévenu aurait adopté un comportement activement dénigrant à l'égard de la mère des enfants devant ces derniers.

5.5.2. Sera, tout d'abord, retenu en faveur de l'appelant son attitude dans la procédure civile, laquelle ne dénote pas une intention de couper ses enfants de leur mère. Dès la séparation, il a déposé des conclusions visant la mise en place d'une garde alternée et, malgré le fait que les aînés, à en croire le prévenu, manifestaient leur souhait de vivre chez lui, ce système de garde a perduré jusqu'en octobre 2020, soit après la fin de la période pénale. Le prévenu n'a pas contesté la décision sur MPUC, ni l'arrêt de la Cour, alors que les deux jugements ordonnaient une garde alternée. Plaide encore en faveur de l'appelant le fait que la benjamine a toujours été gardée de manière alternée, sans que cela ne pose problème, ni intervention judiciaire du père. Le constat aurait été tout autre si l'appelant avait mené un combat acharné, à l'instar de ce qui prévalaient dans les jurisprudences précitées (cf. supra consid. 5.4.7.1 et ss.), de manière à couper la relation entre les trois enfants et leur maman.

5.5.3. Certes, la première expertise (2018) a confirmé que C______ et D______ souffraient d'un conflit de loyauté imputable à leur père, lequel était incapable, à suivre les expertes, de faire abstraction du litige conjugal. Elles ont toutefois conclu à de bonnes capacités parentales chez les deux parents, en dépit de leurs fragilités respectives, et préconisé la mise en place d'une garde alternée, ce qui aurait été inenvisageable si elles avaient craint pour le bon développement des adolescents.

5.5.4.1. Est plus délicate la question de l'appréciation de la seconde expertise, pourtant co-signée par la même experte, laquelle retient de manière catégorique que le comportement de l'appelant a mis en danger le développement de ses deux fils.

5.5.4.2. Le rapport d'expertise présente plusieurs faiblesses, lesquelles permettent de douter de sa valeur probatoire ainsi qu'a fortiori, de la conclusion à laquelle sont parvenues les deux expertes.

Il existe plusieurs imprécisions qui suggèrent que les expertes n'ont pas pris en considération tous les faits pertinents ou ont manqué de distance avant d'établir leur rapport. À titre d'exemples, elles n'ont pas considéré que l'appelant avait été acquitté des violences conjugales envers son ex-épouse (cf. pp. 5-6) ; elles ont confondu des dates, notamment celle, pourtant décisive, du début de la garde exclusive (cf. p. 30 "septembre 2019" ou p. 32 "automne 2020") ; elles ont soutenu que les coups de la mère n'avaient pas d'existence dans le discours de D______ et ne pouvaient pas être évalués, alors qu'il avait dit recevoir à l'époque une gifle par mois (cf. pp. 16 et 30).

À l'unique question posée dans le cadre de la mission impartie (cf. supra B.k.a), les expertes ont répondu que le comportement de l'appelant avait mis en danger le développement des adolescents. Or, ceux-ci ne se sont jamais plaints de faits en lien avec le père, de sorte que cette réponse n'est manifestement pas en adéquation avec leur mission, sans compter qu'en tirant une conclusion juridique de leur diagnostic clinique, les expertes semblent avoir outrepassé leur mandat.

5.5.4.3. S'il n'y a aucune raison de douter de ce que C______ et D______ ont beaucoup souffert de la séparation de leurs parents, en particulier du conflit de loyauté dans lequel ils étaient pris, un doute subsiste, au vu des imprécisions du rapport, quant au lien entre l'attitude de leur père et une mise en danger causale du développement des deux adolescents. À cet égard, on relèvera que les expertes n'ont reçu D______ qu'à deux reprises, quelques minutes à en croire l'appelant, avant de conclure à l'existence d'un trouble de l'adaptation et n'ont pas observé de trouble concret chez C______, nuançant d'ailleurs dans une mesure importante leurs conclusions à propos de ce dernier devant le MP.

Au demeurant, une mise en danger d'une intensité suffisante pour remplir les exigences légales et jurisprudentielles n'apparaît pas réalisée, étant rappelé que la violation de l'art. 219 CP doit s'examiner de manière restrictive et se limiter aux cas manifestes.

5.5.4.4. Même à suivre les expertes et à retenir que les jeunes hommes auraient subi une mise en danger de leur développement en raison de l'attitude de leur père, le rapport d'expertise ne permet pas d'établir si cette atteinte a eu lieu durant la période pénale qui lie la CPAR (2017-2019). Aucun élément de la procédure civile, pas même le rapport de 2018 (quand bien même il mettait en exergue un conflit de loyauté), ne suggère un risque concret de mise en danger pour les adolescents (la garde a toujours été partagée entre les parents et les enfants ont répété leur accord avec cette organisation). La garde exclusive, laquelle a marqué une rupture d'avec la mère comme le concède l'appelant, n'a, en revanche, débuté qu'en octobre 2020, ce qui ne saurait servir de base à une condamnation, sous peine de violer l'art. 9 CPP.

5.5.5. Enfin, plaide encore en faveur de l'appelant le fait qu'aujourd'hui, les jeunes hommes semblent avoir bien évolué (scolarité et vie personnelle notamment) et ont renoué avec leur mère (cf. dernier rapport du SPMI et lettre de D______ de novembre 2023), ainsi qu'avec leurs grands-parents maternels et leur belle famille, la situation apparaissant désormais apaisée.

5.5.6. Par surabondance, on relèvera enfin qu'aucun élément ne permet de retenir que l'appelant aurait envisagé et se serait accommodé du fait qu'il pouvait mettre en danger le développement de ses fils, en les écoutant et en s'abstenant de prendre position en faveur de leur mère. Il en aurait été autrement s'il avait adopté une attitude dénigrante à l'égard de cette dernière ; or, celle-ci n'est pas démontrée.

5.5.7. Au vu de ce qui précède, il n'est pas établi que l'appelant ait concrètement et de manière causale mis en danger le développement de C______ et D______, de sorte que son acquittement du chef de l'art. 219 CP doit être prononcé.

6. L'appel ayant été admis en grande partie, l'appelant assumera 5% des frais de la procédure d'appel, y compris un émolument de jugement de CHF 1'800.-, pour tenir compte du rejet partiel de sa demande d'indemnisation (cf. infra consid. 7).

Les frais de la procédure préliminaire et de première instance seront laissés intégralement à charge de l'État.

7. 7.1. À teneur de l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a notamment droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a) et à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b).

La question de l'indemnisation doit être traitée après celle des frais, la décision sur les frais préjugeant de celle à rendre sur l'indemnisation. En d'autres termes, si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue, alors que le prévenu y a en principe droit si l'État supporte les frais de la procédure pénale (ATF 147 IV 47 consid. 4.1 ; 144 IV 207 consid. 1.8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1169/2022 du 30 juin 2023 consid. 4.1.2).

L'État doit en principe indemniser la totalité des frais de défense, ceux-ci devant toutefois demeurer raisonnables compte tenu de la complexité et de la difficulté de l'affaire (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.2 ; 6B_706/2021 du 20 décembre 2021 consid. 2.1.1). Le juge ne doit ainsi pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

7.2.1. Dans le prolongement de ce qui vaut pour le frais, l'appelant peut prétendre à l'indemnisation de l'intégralité de ses honoraires d'avocat pour la procédure préliminaire et de première instance, ainsi que 95% de ceux pour la procédure d'appel, pour autant que ces frais étaient objectivement nécessaires à sa défense.

7.2.2. En l'occurrence, l'appelant requiert l'indemnisation de près de 70 heures d'activité au tarif de CHF 400.-/heure entre le 20 juin 2019 et le 30 novembre 2023, dont 16 heures et 40 minutes pour la procédure d'appel.

7.2.3.1. La Cour relève d'emblée que ce volume d'activité paraît largement disproportionné par rapport à la complexité du cas et à l'importance de l'affaire.

7.2.3.2. Pour la procédure préliminaire, les besoins objectifs de la défense requéraient au maximum, par audience d'instruction (trois au total), un temps de travail à évaluer comme suit : deux heures de préparation d'audience, y compris un entretien avec l'appelant, diverses consultations du dossier (déplacement inclus) (un total de quatre heures et demi allégué par l'avocat), le temps effectif de chaque audition (déplacement inclus) (sept heures alléguées par l'avocat), total auquel il sera ajouté le volume consacré aux diverses activités liées au rapport de victimologie (cinq heures et 30 minutes alléguées par l'avocat), soit un total de 23 heures.

Devant le TP, ces besoins nécessitaient le temps de la rédaction des réquisitions de preuve (réduit à une heure et 30 minutes puisque l'appelant avait déjà proposé un des moyens devant le MP), une consultation du dossier (déplacement inclus) (réduite à une heure et 30 minutes), un entretien client en amont des débats (une heure maximum), la préparation des débats (cinq heures alléguées par l'avocat) et leur durée effective (quatre heures et 45 minutes plus 30 minutes pour la reddition du verdict), ainsi qu'une heure de déplacement alléguée par le défenseur, soit un total de 15.25 heures.

7.2.3.3. En appel, la défense des intérêts de l'appelant demandait objectivement la rédaction de l'annonce d'appel (réduite à 15 minutes dans les mesure où l'acte n'a pas à être motivé, cf. notamment AARP/184/2016 du 28 avril 2016 consid. 5.2.3.2 et 5.3.1 ; AARP/149/2016 du 20 avril 2016 consid. 5.3 et 5.4 ; AARP/146/2013 du 4 avril 2013) et de la déclaration d'appel (réduite à une heure car l'avocat a réitéré ses réquisitions de preuve), un entretien avec le client avant les débats d'appel (maximum une heure), la préparation de l'audience (réduite à trois heures dans la mesure où l'avocat a repris son argumentaire de première instance et connaissait déjà bien le dossier pour l'avoir suivi depuis le début) ainsi que la durée des débats d'appel
(trois heures et 15 minutes), soit 8.5 heures en tout.

7.2.4. Au vu de ce qui précède, seront allouées : pour la procédure préliminaire et de première instance, une indemnité de CHF 17'232.- correspondant à 40 heures de travail (23 heures plus 15.25 heures arrondies à la dizaine supérieure) au tarif horaire de CHF 400.- (CHF 4'000.-), TVA à 7.7% en sus (CHF 1'232.-) ; pour la procédure d'appel, une indemnité de CHF 4'092.60 correspondant à 95% de 10 heures de travail (8.5 heures arrondies à la dizaine supérieure) audit tarif horaire (CHF 3'800.-), TVA à 7.7% en sus (CHF 292.60). La créance en remboursement des honoraires n'est toutefois pas productive d'intérêts, contrairement à l'avis de l'appelant
(cf. ATF 143 IV 495 consid. 2).

7.3. L'appelant fait encore valoir, en vain, un dommage économique du fait qu'il a dû prendre congé pour se présenter aux audiences. Il perd de vue qu'en tant qu'employé, ses congés sont rémunérés et qu'il ne subit donc aucun dommage chiffrable dû à ses absences. À cela s'ajoute le fait que la participation à une audience sur mandat de comparution fait partie, en principe, des congés dits usuels qui doivent être accordés au travailleur. En prolongement, le prévenu ne saurait pas non plus prétendre à l'indemnisation de la perte d'une chance à d'autres vacances. Ses prétentions en réparation du dommage économique seront donc rejetées.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/627/2023 rendu le 22 mai 2023 par Tribunal de police dans la procédure P/6855/2019.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP).

Alloue une indemnité à A______ de CHF 17'232.-, TVA incluse, pour ses dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure durant la procédure préliminaire et de première instance (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Alloue une indemnité à A______ de CHF 4'092.60, TVA incluse, pour ses dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en appel (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Rejette ses conclusions en indemnisation pour le surplus.

Prends acte de ce que le Tribunal de police a arrêté les frais de la procédure préliminaire et de première instance à CHF 9'383.10, y compris un émolument complémentaire de CHF 800.-, et laisse ces frais à la charge de l'État.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'025.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'800.-, et met 5% de ces frais, soit CHF 101.25, à la charge de A______, tout en laissant le solde de ceux-ci à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

9'383.10

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

90.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'800.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'025.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

11'408.10