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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/8931/2020

AARP/460/2023 du 07.11.2023 sur JTDP/1554/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : EXEMPTION DE PEINE;CONTRAVENTION;VOIES DE FAIT;LÉGITIME DÉFENSE
Normes : CP.126; LOJ.129.al4; CP.15; CP.54; CP.177.al3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8931/2020 AARP/460/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 7 novembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me B______, avocate,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/1554/2022 rendu le 13 décembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

C______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 13 décembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable de voies de fait (art. 126 al. 1 du code pénal suisse [CP]) et condamnée à une amende de CHF 300.-, assortie d'une peine privative de liberté de substitution de trois jours, ainsi qu'aux frais de la procédure de CHF 1'584.-, émoluments de jugement (CHF 300.-) et complémentaire (CHF 600.-) compris.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement du chef de voies de fait, sous suite de frais et dépens, subsidiairement, en cas de verdict de culpabilité, à ce qu'elle soit condamnée à une amende n'excédant pas CHF 100.-.

b. Selon l'ordonnance pénale du 22 juin 2021, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 8 avril 2020, aux alentours de 17h10, dans le jardin commun, sis chemin 1______ no. ______, attrapé le bras gauche de sa voisine C______ et griffé cette dernière.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. La police est intervenue, le 8 avril 2020, à 17h10, au chemin 1______ no. ______, pour un conflit de voisinage, opposant A______ et C______. Sur place, D______ a expliqué aux policiers que sa mère, A______, présentait des difficultés respiratoires en raison d'une querelle liée à l'emplacement d'une table dans le jardin commun. Cette dernière était en conflit avec le voisinage depuis plusieurs années et, de par son fort caractère, ne voulait rien lâcher.

b.a. Le lendemain, C______ a déposé plainte pénale et a autorisé que soient versées à la procédure deux photographies de l'intérieur de son avant-bras gauche qui présentait plusieurs dermabrasions, prises par la police lors de son intervention.

Elle a ultérieurement produit une attestation médicale du 9 avril 2020, à 15h00, établie par le Dr E______, dont il ressort qu'elle présentait une éraflure superficielle récente au niveau de l'avant-bras gauche, sur sa face antérieure, de cinq centimètres de longueur, un hématome récent sur la face externe du bras gauche d'un centimètre de diamètre, ainsi qu'une éraflure superficielle de la face antérieure du poignet droit de deux centimètres de longueur.

b.b. En cours de procédure et lors des débats de première instance, elle a expliqué que le 8 avril 2020, vers 16h00, elle s'était rendue dans le jardin commun avec son époux, F______, pour déposer une table sur leur emplacement situé à l'arrière de l'immeuble. Sur place, elle avait demandé à D______, qui était assise en compagnie d'une amie et de G______, une voisine, si elle pouvait déplacer les chaises de la famille A______/D______, situées à proximité, afin de pouvoir installer son mobilier de jardin. Avant que D______ n'ait eu le temps de répondre, A______ avait hurlé depuis la fenêtre de son appartement de ne pas toucher à ses affaires. Elle s'était ainsi abstenue de déplacer lesdites chaises et s'était rendue à la cave pour chercher le reste de son mobilier de jardin. À son retour, A______, qui était dans l'intervalle descendue dans le jardin, avait relancé le conflit en lui répétant qu'elle n'avait pas à toucher à ses affaires et que ce n'était pas leur place. Elle lui avait répondu "s'il te plaît A______, on ne veut pas de problème avec toi ni avec personne, on veut juste pouvoir se poser comme d'habitude à notre emplacement", puis, comme celle-ci ne se calmait pas, elle avait ajouté "calme-toi et va prendre ton traitement", sachant qu'elle était malade, ce qui lui avait déplu. A______ s'était alors approchée d'elle, dans l'intention de la saisir malgré le fait qu'elle l'avait priée de garder ses distances. Cette dernière lui avait dans la foulée attrapé le bras gauche, griffée et blessée, lésions qu'elle ne s'était pas infligées elle-même, pas plus qu'elle n'avait demandé à un tiers de les lui occasionner, ni empêché A______ d'accéder au jardin. Pour se défendre et repousser cette dernière, elle l'avait saisie à son tour par le t-shirt. Son époux les avait immédiatement séparées ce qui avait mis fin à l'altercation. Ce dernier avait ensuite tenté de calmer A______, pendant qu'elle prévenait de son côté la police. De retour dans le jardin, elle lui avait demandé de mettre un terme à la discussion, qui était inutile, A______ cherchant malgré tout à la poursuivre. Avant de regagner son domicile, cette dernière lui avait encore indiqué qu'elle n'avait pas intérêt à appeler la police.

Elle n'avait aucune raison d'en vouloir à A______, mais souhaitait qu'elle comprenne qu'elle ne pouvait pas impunément se comporter de la sorte avec son voisinage, auquel cette situation pesait, ajoutant qu'elle n'était pas responsable des maux ainsi que des problèmes de sa voisine.

c.a. Durant la procédure préliminaire et en première instance, A______ a contesté les faits reprochés.

c.a.a. À la police, elle a exposé que la plainte déposée à son encontre par C______ était mensongère. Elle ne s'était pas approchée de celle-ci en dépit du fait qu'elle lui demandait de rester à distance. Au contraire, alors qu'elles étaient distantes d'environ un mètre cinquante, cette dernière l'avait empoignée par son t-shirt, de sorte qu'elle l'avait repoussée de la main droite au niveau de l'épaule, ce qui constituait le seul contact physique qu'elles avaient eu. Elle avait ainsi refusé d'entrer dans le jeu de C______ qui souhaitait qu'elle la frappe, raison pour laquelle celle-ci s'était ensuite fait des marques sur le bras qu'elle avait ultérieurement montrées aux voisins présents dans le jardin, en indiquant "regardez ce que A______ m'a fait". F______, témoin de toute la scène, n'avait rien fait, alors qu'il n'aurait pas manqué d'intervenir si elle avait agressé son épouse. Elle ne comprenait pas pour quelle raison ce dernier n'avait pas spontanément expliqué que tout était faux. C'étaient les ambulanciers, qu'elle avait sollicités pour une détresse respiratoire due au conflit avec sa voisine, qui avaient appelé la police.

Au terme de son audition de police, A______ a déposé plainte pénale contre C______ et contre H______, un autre voisin, au motif qu'il aurait révélé des informations confidentielles la concernant.

c.a.b. En confrontation, A______ a précisé que le jour en question elle était particulièrement calme et avait souhaité discuter avec C______ à la demande de F______, intervenu auprès d'elle à cet effet. Lors de la discussion, C______ reculait, tandis qu'elle-même avançait dans sa direction. F______ se trouvait à sa gauche. Parvenue derrière les buissons, cette dernière s'était subitement tue et l'avait attrapée par le t-shirt, si bien qu'elle l'avait repoussée au niveau de l'épaule, sans toucher son bras. Hystérique et criant, C______ l'avait insultée et menacée, indiquant qu'elle était "malade mentale", qu'elle devait aller prendre des calmants et qu'elle allait lui "fracasser la tête avec le pied de sa table" pour lui remettre les idées en place. Elle a réaffirmé que les griffures étaient soit le fait de cette dernière, soit encore celui d'un tiers.

Depuis lors, elle n'osait plus retourner dans le jardin, était particulièrement stressée, ayant été agressée physiquement et verbalement par sa voisine, au point de se sentir en danger. Elle avait refusé la médiation pour ces motifs et du fait que tout le monde mentait. Elle était également surprise que C______ fût informée de sa maladie, s'agissant d'une information confidentielle.

c.a.c. Devant le premier juge, A______ a ajouté que le jour des faits, C______ avait manipulé une de ses chaises sans lui demander préalablement l'autorisation de la déplacer, bien qu'elle sût qu'elle ne tolérerait pas un tel comportement. Avant l'altercation, cette dernière avait tenu des propos déplacés à son égard, avait hurlé dans le jardin et l'avait insultée "pendant deux heures", raison pour laquelle elle avait également crié. Celle-ci l'avait très certainement "chauffée" afin qu'elle "pète un câble", pour pouvoir ensuite déposer plainte pénale contre elle. Durant l'altercation, elle n'avait pas agressé C______ qu'elle s'était contentée de repousser au niveau de l'épaule pour se défendre. Après les faits, cette dernière avait regagné son appartement, tandis qu'elle se trouvait elle-même en état de sidération. Par la suite, elle avait montré l'état de son t-shirt à sa fille et aux personnes se trouvant avec celle-ci, puis s'était dirigée vers F______, lequel avait admis que son épouse avait initié l'agression. Cette dernière, dans le "stress du truc" et afin de justifier ses actes, s'était infligée elle-même les griffures ou avait demandé à un tiers de le faire, de façon à retourner la situation en sa faveur.

Sa fille et les amies assises avec elle, étaient les seules personnes à proximité de l'altercation, tandis que celles ayant témoigné pour C______ se trouvaient à une distance de 20 mètres des lieux. Les témoins en sa défaveur avaient raconté des mensonges, inventé des histoires et s'étaient consultés et accordés sur leurs déclarations. Elle avait entendu H______ inciter C______ à déposer plainte pénale contre elle, ce qu'il avait lui-même fait à plusieurs reprises. Elle avait refusé la médiation, procédure à laquelle elle avait déjà recouru avec H______. Malgré celle-ci, ce dernier lui avait ensuite volé son chat et l'avait bousculée, dans le but de lui nuire. Les problèmes dans l'immeuble s'étaient accumulés avec l'emménagement des voisins H______ et I______, lesquels avaient eu des conflits partout où ils avaient habité, ce qu'elle avait appris par le biais de leurs anciens voisins.

Les faits avaient eu des répercussions extrêmement violentes sur sa santé. Elle avait fait un malaise, puis une rechute dépressive. Elle avait des pensées récurrentes, ne comprenait pas ce qu'elle avait fait pour être attaquée de la sorte, souffrait d'insomnies et devait prendre des somnifères pour dormir. Par ailleurs, C______ avait parlé de ce qui s'était passé à tout le monde et s'était renseignée à son sujet. C______ et les deux autres voisins impliqués l'avaient empêchée d'accéder au jardin ainsi que de profiter de son emplacement. Ils avaient en outre invité plusieurs personnes, bruyantes, alors qu'elle avait vraiment besoin de repos.

c.b. A______ a produit divers documents médicaux, dont il ressort que le 31 mai 2021, elle a été admise aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) en raison d'un traumatisme crânien avec perte de connaissance et amnésie circonstancielle, qu'elle attribue à ses relations délétères avec ses voisins. Depuis 2007, elle est suivie par le Dr J______, spécialiste FMH en médecine interne et maladies rhumatismales, auquel elle a rapporté depuis 2014 de sérieux conflits de voisinage qui la mettaient de plus en plus sous pression, contexte dans lequel son état de santé s'était certainement dégradé au fil des années, d'après ce praticien. Depuis une agression survenue le 8 avril 2020, qu'elle lui a également relatée, la santé psychique de A______ s'était dégradée, au point qu'elle présentait de plus en plus de symptômes anxiodépressifs qui nécessitaient un traitement de Sertralin ainsi qu'un suivi chez un spécialiste. Selon le Dr K______, psychiatre et psychothérapeute FMH, qui la suit depuis le 14 août 2015 pour une dépression sévère avec anxiété, qui s'est amendée avec le traitement. Toutefois, le cadre de vie délétère de A______, marqué par le harcèlement et les menaces qu'elle subit de son voisinage, qui a culminé suite à une agression en avril 2020 et s'était poursuivi depuis lors, l'a fortement atteinte et se manifeste par des ruminations et préoccupations permanentes menant à une importante anxiété, de la fatigue et des difficultés à se lancer dans d'autres projets personnels.

d. Deux clichés du jardin commun ont été joints à la procédure. Ils comportent les indications fournies par les deux parties en audience s'agissant du lieu de l'altercation. Selon A______, C______ l'avait insultée dans le pré, puis saisie par le t-shirt derrière des buissons cachant la vue sur le jardin depuis l'immeuble. Pour C______, l'altercation avait débuté dans le pré, puis A______ l'avait saisie par le bras entre les deux principaux arbres donnant sur le pré, situé en face de l'immeuble.

e.a. Six témoins ont été entendus, d'abord à la police peu après les faits, puis au Ministère public (MP), deux ans après ceux-ci. Ils confirment que l'altercation du 8 avril 2020 est survenue dans le jardin commun de l'immeuble, vers 17h00, au motif que C______ souhaitait déplacer les chaises de A______ pour installer son propre mobilier de jardin, ce que cette dernière refusait, de sorte qu'une dispute avait éclaté entre les précitées, d'abord verbale et à distance lorsque A______ se trouvait à la fenêtre de son appartement, située au 1er étage de l'immeuble, puis verbale et physique, lorsque cette dernière avait rejoint sa voisine dans le jardin. Suite à l'altercation, F______ avait tenté de calmer la situation, puis C______ avait regagné son domicile pendant une dizaine de minutes, avant de retourner dans le jardin commun et de montrer aux personnes présentes les griffures qu'elle présentait sur l'avant-bras droit.

e.b. I______ a précisé avoir été alertée par des cris provenant de l'extérieur. Depuis la fenêtre de son appartement, situé au 1er étage de l'immeuble, elle avait constaté que ses deux voisines criaient fortement. C______ avait demandé à plusieurs reprises à A______, sa voisine de palier, qui était très virulente, de ne pas s'approcher d'elle ("éloigne-toi", "ne t'approche pas"). Cette dernière avait ensuite sauté sur la première "comme un animal", en lui agrippant le bras. Après avoir dans un premier temps indiqué que C______ avait repoussé A______, elle a affirmé dans un second temps celle-ci n'avait rien fait pour se défendre lorsque la précitée l'avait saisie. Après le départ de C______, qui était sous le choc, A______, demeurée sur place, avait indiqué à sa fille, D______ que C______ n'avait pas intérêt à appeler la police. Parvenue elle-même en bas de l'immeuble, elle avait constaté que cette dernière saignait des deux avant-bras. Elle n'avait pas entendu C______ déclarer qu'elle allait frapper A______ avec le pied d'une table.

Elle avait eu plusieurs conflits avec A______, qui l'effrayait, et avait déjà déposé plainte pour injures et menaces. Lorsqu'elle avait croisé A______ le 10 avril 2020, vers 21h00, dans les escaliers de l'immeuble, celle-ci l'avait poussée sans raison en lui donnant un coup d'épaule, tout en ajoutant qu'elle n'avait "pas intérêt à cafeter aux flics".

Avant son audition devant le MP, elle avait demandé à ses voisins et notamment à C______, s'ils assisteraient également à l'audience et si celle-ci se rapportait à cet événement.

e.c. H______ avait également été alerté par des cris alors qu'il se trouvait dans son appartement, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble. Depuis sa fenêtre, il avait vu C______ et A______, à une distance d'environ dix mètres, discuter vivement dans le jardin. La première avait demandé à plusieurs reprises à la seconde de ne pas l'approcher ("recule" ou "ne t'approche pas"). Malgré cela, A______ avait sauté sur C______, si bien qu'il y avait eu un contact entre les deux femmes, ce dont il était affirmatif, sans pouvoir préciser s'il y avait eu un coup ou s'il s'agissait juste d'une empoignade, A______ ayant saisi C______ par le bras, les bras ou au niveau du corps. Celle-ci avait dû reculer ou repousser sa voisine mais il ne se souvenait pas de quelle manière. Il n'avait pas vu de blessures, vu la distance à laquelle il avait assisté à l'altercation. Il avait entendu sa voisine du dessus, I______, dont l'appartement était décalé d'une fenêtre seulement du sien, déclarer qu'elle avait tout vu et qu'elle était témoin. Il avait été assez choqué par cette scène.

Il n'avait jamais eu de conflit avec C______. En revanche, il ne laissait jamais son fils de huit ans seul lorsque A______ était présente. Celle-ci avait en effet tendance à manifester des signes d'agressivité et à faire preuve d'intimidations. Elle avait déjà déposé plainte à son encontre pour l'enlèvement de son chat, procédure qui avait été classée. Il en avait fait de même pour le vol d'un colis, mais pas suite au coup de pied qu'elle lui avait assené à la cuisse.

H______ a concédé avoir discuté des faits avec une voisine avant son audition devant le MP.

e.d. D______ se trouvait dans le jardin collectif avec ses amies, L______ et G______, à l'arrivée de C______. Lors de la première phase de la dispute, il lui avait semblé que C______ était plus agressive que sa mère, qui criait pour que leur voisine ne déplace pas leurs affaires, tandis que cette dernière demandait à A______ de la laisser tranquille. Arrivé sur place, F______ avait demandé à sa femme de se calmer. Souhaitant récupérer le chat coincé dans l'arbre, sa mère s'était rendue dans le jardin, où les deux femmes avaient recommencé à se disputer. Sa mère reprochait à C______ d'être de connivence avec I______ et H______, qui complotaient contre elle, ce que C______ et son époux avaient réfuté. À un moment donné, sa mère s'était rapprochée de la voisine et l'avait repoussée de la main au niveau du haut du bras. Plus précisément, elle avait trébuché vers l'avant, en direction de cette dernière, et avait "[tendu] le bras sur l'épaule" de celle-ci pour éviter de tomber. Si elle n'avait pas assisté au début de l'altercation, étant positionnée derrière sa mère, elle avait en revanche constaté, lorsque celle-ci s'était retournée, que son t-shirt était étiré au niveau de la poitrine. Selon les explications que sa mère lui avait fournies ultérieurement, c'était dû au fait que C______ l'avait agrippée par le t-shirt, si bien qu'elle l'avait repoussée pour se défendre. F______ avait tenté d'apaiser la situation et avait profité de ce que C______ avait regagné son domicile pour discuter avec A______. Après avoir indiqué que sa mère avait demandé à F______ s'il admettait que C______ était à l'origine de l'agression physique, ce à quoi il avait acquiescé tout en précisant que ce n'était pas une raison pour continuer la bagarre, elle a indiqué que ce dernier avait reconnu que son épouse était énervée, ajoutant qu'il ne fallait pas "en faire toute une histoire". De retour dans le jardin une dizaine de minutes plus tard, C______ avait indiqué à son époux qu'il était inutile de discuter avec A______ et leur avait montré une ou deux petites griffures, visibles sur son avant-bras gauche. À leur vue, sa mère avait indiqué que c'était n'importe quoi, si bien que C______, devenue hystérique, lui avait rétorqué qu'elle devait se soigner, prendre son traitement, était schizophrène ainsi que bipolaire, et que si elle pouvait enlever le pied de la table, elle le ferait pour la frapper sur la tête et lui remettre le cerveau en place. C______ avait continué à tenir des propos dénigrants après que sa mère s'était mise à pleurer et ce, malgré l'intervention de sa fille de 12 ans et de son mari, ce dernier l'ayant finalement éloignée tandis qu'elle continuait de crier. Sur ses conseils, sa mère était retournée dans leur appartement pour prendre un calmant. Une fois de retour dans leur logement, elle avait constaté que sa mère se sentait très mal, était couchée sur le lit, en pleurs et peinait à respirer. Par la suite, les urgences, puis la police, avaient été contactées.

Elle a précisé que l'altercation n'était pas visible depuis l'immeuble en raison de la présence de buissons.

Hormis un différend verbal survenu quelques jours auparavant en lien avec la position des tables dans le jardin, C______ et sa mère n'avaient jamais eu de conflit, à l'inverse de ce qui était le cas entre cette dernière et I______ ainsi que H______, qui la harcelaient.

D______ a admis avoir discuté avec sa mère avant sa déposition au MP.

e.e. F______ a indiqué qu'après la première partie, verbale uniquement, de l'altercation, il avait regagné son appartement pour y récupérer un outil. Sur le palier, il avait croisé A______, à laquelle il avait signifié qu'il était ridicule de se disputer pour une histoire de table et qu'il était préférable de parler calmement. Sur ces faits, I______ avait ouvert sa porte pour expliquer qu'il était inutile de parler avec A______, ce à quoi celle-ci avait répondu "toi, ta gueule", avant de se diriger vers l'extérieur de l'immeuble en déclarant qu'elle devait récupérer son chat. De retour dans le jardin, il avait tenté de discuter avec sa femme et leur voisine. Si son épouse avait assuré ne pas vouloir de problème, ni prendre parti dans les conflits de voisinage existants, A______ n'avait en revanche aucune envie de discuter. D______, qui était attablée avec ses amies derrière A______, qui leur tournait le dos, à une distance d'environ trois mètres, avait demandé à sa mère de se calmer, car elle commençait à l'énerver. Les trois jeunes filles étaient toutefois restées assises. À un moment donné, de manière agressive, cette dernière s'était approchée de très près de son épouse, si bien que celle-ci avait dû reculer et lui demander de garder ses distances, ajoutant qu'elle devrait aller prendre son traitement et les laisser tranquilles. A______ avait alors agrippé C______ par les bras, de sorte que cette dernière l'avait repoussée, ajoutant qu'elle avait dépassé les bornes. Il avait, pour sa part, tenté d'éloigner sa voisine de son épouse, sans constater à ce moment-là de griffures sur son avant-bras, n'y ayant pas prêté attention. Cette dernière n'était pas hystérique et n'avait pas insulté A______ avant de s'éloigner pour appeler la police. Elle s'était contentée de lui dire une phrase du type de "je ne sais pas ce qui me retiens de t'en mettre une". La scène s'était produite à environ cinq ou six mètres de l'immeuble. I______ s'était adressée, depuis sa fenêtre, à son épouse, pour lui indiquer qu'elle avait été témoin de la scène. Il était resté pour discuter avec A______, laquelle répétait qu'ils prenaient parti des voisins avec lesquels elle était en conflits, ce qu'il avait contesté. Il n'avait en revanche pas évoqué avec A______ qui était à l'origine de l'altercation physique. De retour sur place, son épouse les avait informés avoir contacté la police. Il avait alors constaté que l'un de ses bras était rouge et complètement griffé, sans écoulement de sang. Il leur avait fallu beaucoup de "self control", à son épouse et à lui-même, pour pouvoir conserver leur calme, ce que sa femme avait fait, même si elle avait indiqué à A______ d'aller prendre ses médicaments, ce qui n'était certes guère sympathique, mais pas surprenant après dix minutes d'agression.

Ils n'avaient pas eu de dispute auparavant avec A______ car ils évitaient les conflits. Depuis cette altercation, il n'était pas rassuré pour ses enfants.

Il avait discuté avec son épouse de l'audience devant le MP avant la tenue de celle-ci.

e.f. Selon G______, A______ avait commencé à être agressive, en criant depuis sa fenêtre. C______ n'avait rien fait pour calmer les choses. Elle était de dos lors de l'altercation, si bien qu'elle n'avait rien vu, mais avait constaté que suite à celle-ci, le t-shirt de A______ était détendu, du fait selon cette dernière que C______ l'avait agrippée à cet endroit. L'altercation avait eu lieu à environ quatre mètres de l'immeuble, des fenêtres duquel il n'était pas possible de voir l'altercation en raison de la présence de buissons. Après le départ de C______, F______ avait discuté calmement avec A______ et confirmé que son épouse s'était montrée agressive. C______ était revenue dans le jardin quelques minutes plus tard en montrant son bras, sur lequel elle n'avait pas vu de griffure, étant trop éloignée. Elle était intervenue lorsque cette dernière avait tenu des propos choquants à l'égard de A______ ("Si je pouvais prendre le pied de la table, je te taperais la tête avec pour te remettre le cerveau en place", "va prendre ton traitement, tu es malade mentale"), pour lui demander de se calmer, à l'instar de la fille de C______.

Avant l'arrivée de la police, A______ lui avait confié avoir mal réagi, car la veille, elles avaient déjà eu un désaccord.

e.g. L______ a expliqué n'avoir pas vu l'entier de l'altercation dans le jardin, si ce n'était que A______ avait assené une légère frappe, avec la main ouverte, sur le bras gauche de C______, geste dont elle avait compris ultérieurement, en discutant avec ses amies, qu'il était consécutif au fait qu'elle avait été empoignée par la précitée. Seul F______ était intervenu pour calmer la situation. Au retour de C______ dans le jardin, le conflit avait repris et celle-ci avait dit à A______ "tu es folle, tu devrais prendre ton traitement" et "je jure sur la tête de mes filles, que si je pouvais, je pendrais le pied de la table et je frapperais la tête pour te remettre le cerveau en place", propos qui l'avaient marquée.

Par écrit du 29 mars 2022, L______ a expliqué n'avoir jamais indiqué que C______ avait été agressée par A______, laquelle ne s'était pas jetée sur elle et ne l'avait ni griffée, ni attrapée par le bras, ce dont elle était incapable, étant trop choquée pour ce faire. Cette dernière avait davantage cherché à calmer la situation en acceptant de discuter avec F______. C______, qui était extrêmement agressive, avait dit des "choses horribles" ("malade mentale", "bipolaire") et avait menacé A______ de lui "fracasser sa tête avec le pied de la table".

f. Une ordonnance de non-entrée en matière a été prononcée le 22 juin 2021 en lien avec la plainte pénale de A______ du 6 juillet 2020, confirmée par arrêt de la Chambre pénale de recours du 1er mars 2022.

g. Le 17 avril 2020, C______ a informé la régie de son immeuble du conflit l'opposant à A______. Le 18 octobre 2020, elle a ajouté que la concernée l'avait agressée verbalement dans les escaliers, en lui chuchotant "tu sais ce que tu es, t'es une sous merde". Elle craignait cette dernière en raison de son comportement inapproprié qui la plaçait, à l'instar de ses proches, dans un climat de peur.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite, avec l'accord des parties.

b. Dans son mémoire d'appel, puis de réplique, A______ persiste dans ses conclusions, précisant qu'en cas de verdict de culpabilité, elle devrait être exemptée de toute peine et, plus subsidiairement, condamnée à une amende de CHF 100.- maximum.

Le TP avait établi les faits de manière arbitraire. Il avait omis de prendre en considération le lieu de l'altercation, situé derrière des buissons qui bloquaient la vue depuis l'immeuble, ce que les témoins D______, G______ et L______ avaient confirmé, tout comme la plaignante, et qui ressortait également des photographies du jardin commun. Les déclarations des témoins H______ et I______ n'étaient partant pas crédibles puisqu'ils étaient tous deux dans l'immeuble en question lors de l'empoignade et n'avaient ainsi pas pu assister à la scène. Ces deux derniers avaient également évolué dans leurs déclarations, ce qui dépréciait davantage leur crédibilité. En tenant compte uniquement de leurs auditions à la police, le TP avait fait fi de leurs déclarations au MP, pourtant douteuses au vu du temps écoulé et d'une potentielle collusion, argument qui n'était aucunement contradictoire mais complémentaire dès lors que pour apprécier leur crédibilité, l'ensemble de leurs déclarations devait être pris en compte. Au MP, ils avaient tous deux confirmé avoir discuté avant l'audience avec certains voisins, dont faisait partie la plaignante. La témoin I______ avait également ajouté qu'elle avait vu du sang alors même qu'elle était éloignée de la scène, qui plus est cachée par les buissons, ce qu'aucun autre témoin n'avait mentionné, sans compter que les égratignures de la plaignante étaient incompatibles avec une effusion de sang. Le TP ne pouvait ainsi établir les faits en se basant sur leurs récits. Il avait également omis de prendre en considération les certificats médicaux établis par le Dr K______, desquels il ressortait que la santé de l'appelante s'était dégradée en raison du conflit de voisinage dans lequel s'était également inscrit l'agression d'avril 2020. Le portrait dressé par la plaignante était ainsi incompatible avec l'état de santé de l'appelante.

Au fond, le TP avait violé le principe de la présomption d'innocence. Les éléments au dossier ne permettaient pas d'établir avec une certitude suffisante qu'elle avait causé les lésions de la plaignante, l'attestation médicale ayant été établie le lendemain des faits, tandis que les photographies des griffures n'étaient pas datées. Le TP s'était fondé sur les déclarations des témoins I______, H______ et F______ alors que ces derniers n'étaient pas suffisamment crédibles, la première citée étant la seule qui aurait vu les lésions directement après l'empoignade, alors même qu'elle se trouvait à une dizaine de mètres de la scène, séparée de l'immeuble par des buissons. Le récit de ces personnes ne permettait ainsi pas de déterminer quand les éraflures avaient été causées et si elle en était l'auteur. Les témoins D______, G______ et L______ avaient de surcroît corroboré sa version des faits, étant précisé que sa fille n'avait pas varié quant aux dégâts du t-shirt, dès lors qu'elle n'avait fait aucune allusion à une quelconque déchirure et que les divergences au sujet du déplacement des chaises étaient insuffisantes pour remettre en question la crédibilité de ces témoins, lesquels avaient tous attesté que la plaignante ne présentait aucune griffure directement après l'altercation. Le sens des égratignures était de surcroît difficilement compatible avec la description des faits relatée par la plaignante. D'après les photographies, celles-ci allaient de bas en haut alors qu'elles devraient aller dans le sens opposé, dès lors que les parties étaient face à face. Elle ne remettait pas en cause la question de l'existence des lésions mais le moment exact et la cause de leur survenance, points qui ne pouvaient être établis avec certitude au vu des éléments contradictoires figurant au dossier. En tout état, le doute devait lui profiter et son acquittement prononcé.

Si elle devait être considérée comme étant l'auteur des lésions, il conviendrait de faire application de l'art. 15 CP. La procédure ne permettant pas d'établir l'exact déroulement de l'échauffourée, soit en particulier qui avait empoigné l'autre en premier, si bien qu'en vertu du principe in dubio pro reo, sa version devait prévaloir et la légitime défense être retenue.

En cas de verdict de culpabilité, une exemption de peine en application de l'art. 54 CP, subsidiairement de l'art. 177 al. 3 CP, devait être prononcée. Sa santé psychique s'était particulièrement dégradée depuis l'altercation litigieuse comme attesté par les Drs J______ et K______. Elle avait ainsi été directement atteinte par les conséquences de son acte, lesquelles étaient à tout le moins équivalentes à la faute commise, considérée comme légère à moyenne par le TP et non d'une gravité certaine. Elle avait également été injuriée et menacée par la plaignante avant l'empoignade, ce que les témoins D______, G______ et L______ avaient confirmé, de sorte qu'elle avait riposté immédiatement à des injures par des voies de fait au sens de l'art. 177 al. 3 CP.

Au vu de sa faute légère, des conséquences de l'acte sur son état de santé et de sa situation financière obérée, l'amende de CHF 300.- fixée par le premier juge était excessive et devait à tout le moins être réduite à CHF 100.-.

c. Dans son mémoire réponse, le MP conclut au rejet de l'appel, sous suite de frais.

Contrairement à ce que soutenait l'appelante, il n'était pas établi que l'altercation avait eu lieu derrière des buissons qui cachaient la vue depuis l'immeuble de sorte que les témoins H______ et I______ avaient bien pu assister à la scène, étant relevé que les dires de la fille de la prévenue et de G______ n'étaient pas crédibles, celle-ci ayant notamment parlé que d'un buisson. L'appelante reprochait au TP de ne pas avoir tenu compte des auditions au MP des deux premiers témoins cités, tout en indiquant en parallèle que leurs déclarations devant cette institution étaient douteuses, ce qui était en soi contradictoire. Le TP avait établi les faits sur le base des déclarations de témoins et du récit convaincant de la plaignante, corroborés par les éléments médicaux produits, ce qui n'était aucunement arbitraire.

En ce qui concernait les voies de faits, l'appelante remettait en question un certificat médical établit le lendemain des faits, les photographies des lésions, la concordance de déclarations d'à tout le moins trois témoins et la cohérence entre ces différents éléments qui allaient pourtant dans le même sens, puisqu'ils confirmaient qu'elle était l'auteur des lésions infligées à la plaignante. Aucun élément n'appuyait la thèse de la légitime défense, la condition de l'attaque imminente faisant défaut, des témoins ayant même affirmé que la plaignante avait demandé à plusieurs reprises à l'appelante de ne pas s'approcher d'elle et de s'éloigner, avant même l'altercation.

Les conditions d'une exemption de peine en application de l'art. 54 CP n'étaient pas remplies au vu de la faute de l'appelante, qui persistait à contester les faits reprochés. Il en allait de même de celles découlant de l'art. 177 al. 3 CP, les prétendues injures proférées par la plaignante n'ayant pas été établies.

d. Le TP ne formule pas d'observations et se réfère au jugement entrepris.

e. Bien qu'interpellée, C______ ne s'est pas positionnée en appel.

D. a. A______, de nationalité suisse, née le ______ 1969 à M______ aux Pays-Bas, est séparée et mère d'une fille majeure, née le ______ 2001, dont elle a la charge. Sans emploi et au bénéfice de l'aide sociale, elle indique percevoir CHF 1'300.- par mois pour son entretien et celui de sa fille, laquelle ne reçoit plus de pension alimentaire. Elle a des dettes. Son loyer et son assurance-maladie, dont elle ignore les montants, étant sous curatelle de représentation et de gestion depuis 2018, sont pris en charge par l'Hospice général, dont l'attestation fiscale 2021 mentionne CHF 26'340.85 de prestations versées à des tiers, pour le compte de la concernée, comprenant l'assurance-maladie. Elle avait souffert d'une dépression et faisait un burn-out dès qu'elle était confrontée à un conflit de voisinage. Elle avait subi plusieurs agressions physiques et verbales, dont elle n'était jamais à l'origine, étant une personne de nature calme. Elle résidait à la même adresse depuis 1989.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, elle n'a pas d'antécédent. Elle indique n'avoir aucune condamnation à l'étranger.

E. Me B______, défenseure d'office de A______, dont l'activité en première instance a été taxée pour 19 heures et 30 minutes, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 11 heures d'activité de cheffe d'étude et une heure et 30 minutes d'activité de stagiaire, dont 30 minutes pour la rédaction de l'annonce d'appel et de la déclaration d'appel, 45 minutes pour l'étude du jugement de première instance, six heures et 45 minutes pour la rédaction du mémoire d'appel motivé de 15 pages, page de garde et de conclusions comprises (trois en tout), ainsi qu'une heure et 30 minutes pour la rédaction de la réplique.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

1.2. Conformément à l'art. 129 al. 4 LOJ, lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la magistrate exerçant la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétente pour statuer.

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 127 I 38 consid. 2a p. 40).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique. Une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait ; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 134 IV 189 consid. 1.2 et 1.3).

L'art. 126 CP décrit une infraction de nature intentionnelle. Le dol éventuel suffit (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 7 ad art. 126).

2.3. Quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente, a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances (art. 15 CP).

La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 consid. 2a ; 104 IV 232 consid. c). Celui qui est visé par une attaque imminente à son intégrité n'a pas à attendre jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour se défendre ; il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. La seule perspective qu'une querelle pourrait aboutir à des voies de fait ne suffit pas. Par ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à la défense. Un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense. Il en va de même du comportement qui tend à prévenir une attaque certes possible mais encore incertaine, c'est-à-dire à neutraliser l'adversaire selon le principe que la meilleure défense est l'attaque (ATF 93 IV 81 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_130/2017 du 27 février 2018 consid. 3.1 = SJ 2018 I 385 ; 6B_346/2016 du 31 janvier 2017 consid. 2.1.2).

Celui qui invoque un fait justificatif susceptible d'exclure sa culpabilité ou de l'amoindrir doit en rapporter la preuve, car il devient lui-même demandeur en opposant une exception à l'action publique. Si une preuve stricte n'est pas exigée, l'accusé doit rendre vraisemblable l'existence du fait justificatif. Il convient ainsi d'examiner si la version des faits invoquée par l'accusé pour justifier la licéité de ses actes apparaît crédible et plausible eu égard à l'ensemble des circonstances (G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd., Zurich 2011, n. 555, p. 189).

2.4.1. Il est établi que le 8 avril 2020, une altercation a eu lieu entre les parties dans le jardin commun de leur immeuble et que l'intimée a présenté des éraflures (griffures) ainsi qu'un hématome, situés sur son avant-bras gauche, comme cela ressort de l'attestation médicale et des photographies versées à la procédure, lésions constitutives de voies de fait, ce que les parties ne contestent pas.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, les éléments au dossier attestent que les blessures de l'intimée ont été faites le jour de l'altercation. En effet, bien que non datées, les photographies des lésions ont été prises par la police lors de son intervention juste après l'altercation. En outre, l'attestation médicale du lendemain fait état d'une éraflure et d'un hématome récents. Hormis en appel, l'appelante n'a au demeurant pas contesté ce fait.

Contrairement à ce que prétend l'appelante, il n'est pas établi que l'altercation a eu lieu derrière des buissons obstruant la vue sur le jardin depuis l'immeuble. La position donnée par l'appelante a été contestée tant par l'intimée, laquelle a précisé que la dispute avait débuté dans le pré, puis entre les deux principaux arbres, en face de l'immeuble, que par les témoins I______ et H______, lesquels ont affirmé avoir vu l'échauffourée depuis leur fenêtre respective, ce dernier ayant même déclaré avoir entendu sa voisine du dessus s'exclamer avoir été témoin de la scène, juste après celle-ci, paroles que le témoin F______ a également entendues. Par ailleurs, seul ce dernier était proximité directe des parties, si bien qu'il apparaît peu probable que les témoins G______ et D______, qui étaient assises à une distance de trois ou quatre mètres de la scène, fait confirmé tant par cette dernière que par le témoin F______, aient pu constater que les parties n'étaient pas visibles depuis l'immeuble, soit plus précisément depuis les fenêtres des deux premiers témoins cités, étant relevé qu'elles ont pointé ce fait uniquement au MP, deux ans après les faits. À cela s'ajoute que la scène a été dynamique, l'intimée ayant dans un premier temps reculé afin de tenir l'appelante à distance, selon ce qui ressort de ses déclarations, qui sont corroborées par d'autres témoignages sur ce point.

La Cour tient ainsi pour établi que les témoins I______ et H______ ont pu assister à la scène depuis leur domicile, au vu de la précision et de la concordance de leur témoignage, notamment avec celui du témoin F______.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, leurs déclarations n'ont pas fondamentalement évolué. Ils ont tous deux indiqué avoir entendu les parties se disputer, tant à distance que dans le jardin, avoir vu l'appelante s'approcher de l'intimée, alors que celle-ci lui demandait de garder ses distances, puis l'agripper au niveau des bras, déroulement des faits confirmé par le témoin F______. La témoin I______ n'a de surcroît jamais prétendu avoir vu les blessures de l'intimée depuis sa fenêtre, mais uniquement une fois qu'elle s'était elle-même rendue dans le jardin, la témoin D______ ayant confirmé la présence dans le jardin, après la dispute, de plusieurs voisins avec lesquels sa mère avait discuté. Le fait que la témoin I______ ait mentionné avoir vu du sang sur le bras de l'intimée est insuffisant pour écarter son témoignage, tout comme les éventuelles discussions qui auraient pu avoir lieu entre voisins avant l'audience au MP, dans la mesure où celle-ci s'est déroulée deux ans après l'altercation et qu'aucun d'eux n'a modifié radicalement sa version des faits. On notera sur ce point que la témoin D______ a également admis avoir discuté avec sa mère, avant son audition. Les déclarations constantes et concordantes des témoins F______, H______ et I______ sont partant crédibles.

L'appelante prétend avoir été attaquée par l'intimée et que celle-ci se serait infligée elle-même ses lésions pour justifier son comportement. Or, cette version ne convainc pas. On peine en effet à comprendre pourquoi l'intimée, qui a formellement contesté ce fait, aurait agi de la sorte dans la mesure où elle n'avait jamais eu de conflit avec l'appelante avant les faits, autre que celui en lien avec l'emplacement du mobilier de jardin, contrairement à ce qui était le cas d'autres voisins, ce que tant les témoins D______ que F______ ont confirmé.

À cela s'ajoute que l'appelante n'a aucunement eu une position défensive, comme elle le prétend pourtant. Tant l'intimée que les témoins I______, H______ et F______ ont affirmé qu'elle s'était au contraire avancée vers l'intimée, obligeant celle-ci à reculer et à lui demander de garder ses distances, avant de se jeter sur elle et de lui agripper le bras. L'appelante a d'ailleurs confirmé en cours de procédure que sa voisine reculait alors qu'elle-même avançait en sa direction. Dans la mesure où la fille de celle-ci a aussi indiqué aux policiers, ce qui ressort de leur rapport, que sa mère, qui était en conflit depuis plusieurs années avec le voisinage, avait un fort caractère et ne voulait rien lâcher, la santé fragile de celle-ci n'exclut en aucun cas qu'elle ait pu adopter un comportement agressif le jour des faits. Il en va de même de son état psychologique après l'altercation dès lors que toute dispute, quelle que soit l'implication des uns et des autres, entraîne un certain stress, amplifié chez une personne fragile psychologiquement, d'autant plus si l'on songe que l'intimée l'a saisie par le t-shirt pour la repousser, comme elle l'a reconnu.

Il n'est pas non plus surprenant qu'aucun témoin n'ait vu les blessures de l'intimée avant qu'elle ne retourne dans le jardin après avoir regagné dans un premier temps son domicile, au vu de leur peu de gravité et du fait que sur le moment, celle-ci ne les a manifestement pas non plus constatées, dès lors qu'elle n'en a pas immédiatement fait état. On songera également que la distance et le positionnement des différents protagonistes lors de l'échauffourée, par ailleurs brève, rendait difficile un tel constat et que voyant ce qui venait de se passer, le témoin F______, qui était le plus proche des deux protagonistes, a dans un premier chercher à les séparer, puis à calmer l'appelante, une fois son épouse partie. Aucune conclusion ne saurait enfin être tirée du sens que l'appelante donne au positionnement des égratignures visibles sur l'avant-bras de l'intimée, qui relève de sa propre interprétation des lésions constatées et convainc d'autant moins que l'on ignore le positionnement des bras de l'intimée avant l'altercation.

Toujours contrairement à ce que soutient l'appelante, les témoins D______, L______ et G______ n'ont pas corroboré sa version des faits, dès lors qu'aucune d'elles n'a assisté à l'entier de l'altercation de leurs propres aveux, G______ concédant même n'avoir rien vu. D______, qui n'avait qu'entrevu la fin de la scène, a expliqué avoir aperçu sa mère s'approcher de la voisine, qu'elle avait repoussée d'une main, tandis que L______ a expliqué, avant de revenir sur ces propos bien après les faits, avoir vu l'appelante asséner une légère frappe, de la main ouverte, sur le bras gauche de l'intimée, ce qui tend à confirmer la version de cette dernière. À cela s'ajoute que la témoin G______ a relaté que l'appelante lui avait confié, avant l'arrivée de la police, avoir mal réagi, ce qui tend également à appuyer la thèse de l'intimée quant au fait que c'est bien cette dernière qui l'a agressée en premier lieu, avant que celle-ci ne l'agrippe à son tour par le t-shirt, ce qui a pu être de nature à l'étirer, comme elle l'a toujours admis, à l'instar du fait qu'elle avait suggéré à l'appelante de "prendre son traitement", avant tout contact physique. Il n'est en revanche pas établi, au vu des déclarations contradictoires des protagonistes, que d'autres propos peu amènes ou insultants auraient été proférés à ce stade de la dispute. Peu importe ensuite les éventuelles paroles désobligeantes tenues par l'intimée après l'altercation, dès lors qu'ils n'ont eu aucune incidence sur le déclenchement et le déroulement de celle-ci.

Ainsi, les éléments au dossier tendent à confirmer la version donnée par l'intimée.

À la lumière de l'ensemble des témoignages recueillis, la Cour a acquis l'intime conviction que l'altercation s'est déroulée de la manière suivante :

Après que les parties ont commencé à se disputer à distance au sujet de l'emplacement du mobilier de jardin, l'appelant a rejoint l'intimée dans le jardin commun. La dispute a continué, d'abord verbalement, puis l'appelante s'est approchée de l'intimée de manière agressive, si bien que celle-ci a été contrainte de reculer et de lui demander de garder ses distances, puis de lui suggérer de prendre ses médicaments constatant qu'elle ne se calmait pas, propos qui ont eu pour conséquence que l'appelante s'est jetée sur l'intimée, qu'elle a saisie au niveau du bras gauche en la griffant, lui occasionnant des éraflures ainsi qu'un hématome. En réaction, l'intimée a attrapé le t-shirt de l'appelante, qu'elle a étiré. L'appelante a ensuite poussé de la main droite l'épaule gauche de l'intimée, pour se dégager. Sur ces faits, l'époux de cette dernière est intervenu pour les séparer, ce qui a mis fin à l'altercation physique.

Au vu de ce qui précède, la légitime défense n'entre pas en considération. C'est bien l'appelante qui a attaqué l'intimée en premier et non l'inverse, de sorte qu'elle échoue à démontrer l'existence d'un fait justificatif.

2.4.2. Ainsi, en se jetant sur l'intimée et en attrapant son bras gauche, de façon à la griffer et à lui causer des éraflures ainsi qu'un hématome, l'appelante s'est rendue coupable de voies de fait.

L′appel sera donc rejeté sur ce point.

3. 3.1. Les voies de fait (art. 126 al. 1 CP) sont sanctionnées par une amende.

3.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5 ; 134 IV 17 consid. 2.1).

3.2.2. Selon l'art. 106 CP, le montant maximum de l'amende est de CHF 10'000.- (al. 1). Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (al. 2). Celle-ci, de même que la peine privative de liberté de substitution, doit être fixée en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3).

À l'instar de toute autre peine, l'amende doit être fixée conformément à l'art. 47 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_337/2015 du 5 juin 2015 consid. 4.1 ; 6B_988/2010 du 3 mars 2011 consid. 2.1 et 6B_264/2007 du 19 septembre 2007 consid. 4.5). Le juge doit ensuite, en fonction de la situation financière de l'auteur, fixer la quotité de l'amende de manière qu'il soit frappé dans la mesure adéquate (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 in JdT 2005 IV p. 215). La situation économique déterminante est celle de l'auteur au moment où l'amende est prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_547/2012 du 26 mars 2013 consid. 3.4).

3.3. Selon l'art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à la renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

Ne peut se prévaloir de l'art. 54 CP que celui qui est directement atteint par les conséquences de son acte. Tel est notamment le cas si l'auteur a subi des atteintes physiques résultant de la commission même de l'infraction, – par exemple s'il a été blessé lors de l'accident qu'il a provoqué – ou psychiques – comme celles qui affectent une mère de famille devenue veuve par suite de l'accident de la circulation qu'elle a causé (ATF 119 IV 280 consid. 2b p. 283). Selon le Conseil fédéral, les répercussions psychiques de l'acte sur l'auteur proviennent des lésions corporelles causées à autrui, voire des morts ainsi provoquées, d'autant plus s'il s'agit de ses proches (Message concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire du 26 juin 1985, FF 1985 II 1021 p. 1030).

Cette disposition doit s'appliquer dans le cas où une faute légère a entraîné des conséquences directes très lourdes pour l'auteur et, à l'inverse, ne doit pas être appliquée lorsqu'une faute grave n'a entraîné que des conséquences légères pour lui. Entre ces extrêmes, le juge doit prendre sa décision en analysant les circonstances concrètes du cas d'espèce. Il dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Lorsque l'application de l'art. 54 CP n'est pas d'emblée exclue, le juge doit d'abord apprécier la culpabilité de l'auteur conformément à l'art. 47 CP, sans égard aux conséquences que l'acte a entraînées pour celui-ci, puis mettre en balance la faute commise et les conséquences subies. Si cet examen révèle que l'auteur a déjà été suffisamment puni par les conséquences de son acte et qu'une autre sanction ne se justifie plus, il renoncera à prononcer une peine (ATF 137 IV 105 consid. 2.3 ; 121 IV 162 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_515/2019 du 11 juin 2019 consid. 2.1).

3.4. L'art. 177 al. 3 CP permet au juge d'exempter de toute peine les deux délinquants ou l'un d'eux si l'injurié a riposté immédiatement par une injure ou par des voies de fait. Cette disposition ne constitue qu'un simple motif facultatif d'exemption de peine (ATF 109 IV 39 consid. 4b) et ne garantit donc pas automatiquement une exemption de peine, mais confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Dans ce contexte également, la notion d'immédiateté est une notion de temps dans le sens que l'auteur doit avoir agi sous le coup de l'émotion provoquée par la conduite de l'injurié, sans avoir eu le temps de réfléchir tranquillement (ATF 83 IV 151 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_938/2017 du 2 juillet 2018 consid. 5.3.2).

3.5.1. La faute de l'appelante n'est pas anodine. Même si l'acte est unique et n'a infligé aucune souffrance physique particulièrement intense à l'intimée, s'agissant de voies de faits, de par son comportement impulsif et agressif, pour des motifs futiles liés à l'emplacement du mobilier de jardin dans l'espace commun réservé aux résidents, alors même qu'elle ne s'y trouvait alors même pas, l'appelante a perturbé plusieurs voisins, en particulier l'intimée et son époux, avec lesquels elle n'était préalablement pourtant pas en conflit, et a étendu à leur endroit le climat de peur préexistant au sein de l'immeuble s'agissant des réactions qu'elle était susceptible d'avoir, de sorte qu'ils craignent désormais de la croiser, d'autant plus en présence de leurs enfants.

Son mobile, tel que déjà exposé, est futile. Elle a en effet agi de la sorte en raison du fait que l'intimée avait souhaité déplacer du mobilier de jardin, afin de pouvoir bénéficier de l'espace commun en cette période de pandémie et de confinement, où la liberté de déplacement était limitée, à l'instar de ce que faisaient notamment sa propre fille et ses amies.

Sa collaboration a été mauvaise. Elle a persisté à nier les faits durant toute la procédure, n'a exprimé aucun regret ou repentir, ni présenté de quelconques excuses. Elle s'est retranchée derrière son état de fragilité psychologique, certes avéré, mais non imputable à l'intimée, pour se victimiser et rejeter la faute sur cette dernière ainsi que ses autres voisins, témoins, qu'elle accuse de comploter contre elle, sans remettre en cause son propre comportement. Elle n'a pas non plus cherché à régler la situation à l'amiable, refusant toute médiation durant la procédure préliminaire, alors même que l'intimée y était favorable afin d'apaiser la situation et d'éviter tout futur conflit. Sa prise de conscience est ainsi inexistante.

Sa situation personnelle, certes obérée et difficile, ne saurait justifier ses agissements, même si elle les explique en partie. Contrairement à ce que soutient l'appelante, la dégradation de son état de santé ne saurait lui permettre de bénéficier de l'exemption de peine prévue à l'art. 54 CP, dans la mesure où il ressort des certificats médicaux produits que son état psychologique était fragile, en raison notamment de conflits de voisinage survenus dès 2014, et non uniquement suite à l'altercation du 8 avril 2020, postérieure de six ans aux premiers événements. À cela s'ajoute que l'intensité des souffrances psychiques évoquées n'est pas suffisante, conformément à la jurisprudence citée, pour considérer qu'une peine serait inappropriée. En toute hypothèse, vu la nature de la faute et la prise de conscience inexistante de l'intéressée, ainsi qu'à des fins de prévention spéciales, dès lors qu'il semblerait que l'appelante a continué à être inadéquate envers l'intimée après les faits, celle-ci ayant dû même en avertir la régie, une telle exemption de peine ne se justifie nullement.

L'appelante n'a pas d'antécédent, facteur neutre dans la fixation de la peine.

L'application de l'exemption de peine prévue à l'art. 177 al. 3 CP n'entre pas davantage en considération. L'intimée n'a pas été renvoyée en jugement et a fortiori condamnée pour injures. Des propos consistant à suggérer à l'appelante d'"aller prendre son traitement", s'ils peuvent être certes vexatoires, ne sont toutefois pas constitutifs d'injures, d'autant moins que cette dernière a reconnu être fragile psychologiquement et devoir suivre un traitement médicamenteux à cet effet, ce qui était su de son voisinage. Si la souffrance psychologique de l'appelante est avérée et ses difficultés d'interactions de ce fait avec son voisinage doivent être reconnues, il n'en demeure pas moins que sa réaction, face à une situation tellement anodine et courante dans les relations usuelles entre voisins, était clairement disproportionnée et non justifiée d'un point de vue objectif, ce qui exclut le prononcé d'une exemption de peine.

C'est ainsi à juste titre que le TP n'a pas exempté l'appelante de toute peine. Le jugement sera confirmé sur ce point.

3.5.2. La Cour considère que l'amende, fixée à CHF 300.- par le premier juge, apparaît adéquate et conforme aux critères de l'art. 47 CP. Ce montant est adapté, compte tenu de son mobile futile, ainsi que de son absence de collaboration et de prise de conscience. Le montant de l'amende tient également compte de manière adéquate de sa situation personnelle et financière précaire.

Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé dans son intégralité et l'appel rejeté.

4. L'appelante, qui succombe intégralement, supportera les frais de la procédure envers l'État, comprenant un émolument de jugement de CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP).

Sa culpabilité étant acquise, la mise à sa charge des frais de première instance sera aussi confirmée (art. 426 al. 1 CPP a contrario).

5. 5.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé selon le tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. Devant les juridictions genevoises, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire, débours de l'étude inclus, de CHF 110.- pour l'avocat stagiaire (let. a) et de CHF 200.- pour le chef d'étude (let. c). En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. REISER / B. CHAPPUIS [éds], Commentaire romand, Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, Bâle 2010, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

5.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20 % jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2), sous réserve d'exceptions possibles, pour des documents particulièrement volumineux ou nécessitant un examen poussé, charge à l'avocat d'en justifier (ACPR/756/2016 du 24 novembre 2016 consid. 5.2). Ainsi, les communications et courriers divers, y compris l'annonce et la déclaration d'appel, sont en principe inclus, de même que d'autres documents ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, tels de brèves observations ou déterminations.

5.3. Au l'aune de ces principes, il convient de retrancher de l'état de frais de la défenseure d'office la facturation relative à la rédaction de l'annonce d'appel et de la déclaration d'appel ainsi qu'à l'étude du jugement motivé, activités couvertes par le forfait correspondance/téléphone, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les indemniser en sus, puis deux heures et 45 minutes pour la rédaction du mémoire d'appel de 12 pages (hors page de garde et de conclusions), quatre heures devant suffire, vu la seule infraction reprochée, à une cheffe d'étude, supposée rapide et expéditive, qui connaît bien le dossier.

L'indemnisation sera ainsi arrêtée à CHF 2'022.65, correspondant à une heure et 30 minutes d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 165.-) et sept heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'400.-), plus la majoration forfaitaire de 20 % (CHF 313.-) et la TVA (CHF 144.65).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1554/2022 rendu le 13 décembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/8931/2020.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'415.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'200.-.

Arrête à CHF 2'022.65, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de voies de fait (art. 126 al. 1 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 300.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 3 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 984.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 4'208.90 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP)

[…]

Met à la charge de A______ un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.-."

 

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et au Service des contraventions.

 

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'584.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'415.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'999.00