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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/156/2021

AARP/462/2023 du 07.12.2023 sur JTDP/752/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : APPRÉCIATION DES PREUVES
Normes : CP.123; CPP.139; CPP.389
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/156/2021 AARP/462/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 7 décembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me B______, avocate,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/752/2023 rendu le 12 juin 2023 par le Tribunal de police,

 

et

C______, comparant par Me D______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/752/2023 du 12 juin 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 1 et 4 du code pénal suisse [CP]) et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis assorti d’un délai d’épreuve de trois ans. Les frais de procédure ont été mis entièrement à sa charge, de même qu'un émolument complémentaire de jugement de CHF 300.-.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et à l'octroi d'une indemnité de CHF 5'000.- pour ses frais d'avocat.

b. Selon l'ordonnance pénale du 2 juin 2021, tenant lieu d'acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, au domicile conjugal sis à Genève, le 23 décembre 2020 vers 21h00, jeté une bouteille de bière entamée au niveau de la poitrine de son époux, C______, et frappé entre cinq et dix fois ce dernier au niveau du ventre et des flancs avec ses poings et ses pieds, lui causant plusieurs hématomes et ecchymoses, alors qu'elle savait qu'il s'était fait opérer les 11 et 21 décembre 2020 et que des cicatrices n'avaient pas encore cicatrisé à cet endroit.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 24 décembre 2020, C______ a déposé une plainte pénale à l'encontre de son épouse, A______, avec laquelle il était en instance de divorce, mais partageait toujours le même domicile.

b. Plus tôt dans la soirée, lorsqu'il était rentré, A______ était ivre. Suite à une altercation verbale entre les deux époux, elle lui avait jeté une bouteille de bière entamée à la poitrine, avant de lui asséner entre cinq et dix coups sur les flancs et au ventre avec ses poings et ses pieds, précisément là où il s'était fait opérer trois jours auparavant.

À l'appui de ses déclarations, C______ a produit un constat médical du 24 décembre 2020, établi par la Dre E______, laquelle avait observé plusieurs hématomes et ecchymoses au niveau du ventre et sur les flancs, certains compatibles avec les lésions du jour-même rapportées par le patient et d'autres datant probablement de quelques jours. Selon le constat, les observations cliniques étaient compatibles avec les dires du patient.

Il a également produit diverses photographies prises le soir des faits.

c. A______ a quant à elle nié les faits, admettant uniquement une dispute verbale. Il lui était impossible de donner des coups de pied, ayant une fracture du pied droit. Confrontée au certificat médical précité, elle a soutenu que les hématomes ne pouvaient être dus qu'à la liposuccion que C______ avait récemment subie.

Elle a dans un deuxième temps indiqué que les hématomes pouvaient également provenir du fait que le jour précédant l'altercation, C______ était revenu au domicile conjugal maculé de sang et "presque mort". Son mari l'accusait à tort car il souhaitait divorcer, ce qu'elle refusait.

e. Une amie de la prévenue, présente le soir des faits, a expliqué qu’elle se trouvait aux toilettes lorsque les époux avaient commencé à se disputer et ne pas avoir assisté à un jet de bouteille. La fille de la prévenue, présente lors de ces faits, avait demandé à sa mère de se calmer.

f. Le Tribunal administratif de première instance (TAPI) a prononcé une mesure d'éloignement à l'encontre de A______ le 25 décembre 2020 (JTAPI/1166/2020). Devant cette autorité, A______ a indiqué que la dispute avait commencé après qu'elle a fait tomber une bouteille de bière, qui aurait roulé jusqu'à son époux.

g. Le TP a refusé de procéder à l’audition de la Dre E______ et du médecin ayant procédé à la liposuccion de la partie plaignante, réquisitions de preuve que l’appelante a renouvelées à l’appui de sa déclaration d’appel et qui ont été rejetées par la Présidente par renvoi à la motivation du premier juge.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. A______ persiste dans ses conclusions et réquisitions de preuve. Le TP avait violé le droit d'être entendu en refusant l'audition de la Dre E______ ainsi que du médecin ayant opéré la liposuccion. Le constat du 24 décembre 2020 ne permettait notamment pas d'exclure que les hématomes proviendraient de l'opération et ne revêtait pas la forme des certificats caviardés, provenant du même hôpital, produits dans le cadre de la procédure. Le principe de présomption d'innocence avait également été violé, la prévenue ayant toujours nié les faits et les éléments à charge n'étant pas suffisants pour une condamnation.

c. C______ conclut au rejet des réquisitions de preuve et de l'appel et à ce qu'une indemnité de CHF 1'077.- lui soit versée pour ses frais d'avocat. Le droit d'être entendu n'avait pas été violé, l'audition des médecins ne permettant d'apporter aucune nouvelle preuve. Le constat du 24 décembre 2020 était objectif et précis et il n'y avait aucune raison de mettre en doute la capacité de la Dre E______ à établir un tel document. Le principe in dubio pro reo avait également été respecté, la culpabilité de la prévenue étant établie par des éléments objectifs et des déclarations inconsistantes et contradictoires de cette dernière tout au long de la procédure.

d. Le MP conclut au rejet des réquisitions de preuve et de l'appel avec suite de frais et à la confirmation du jugement querellé.

Aucune raison ne permettait de douter de la présence de la Dre E______ aux urgences le 24 décembre 2020 ni du fait qu'elle avait bien ausculté C______. Sa légitimité à établir un constat médical ne pouvait être niée, cette dernière ayant obtenu son diplôme de médecine. C'était donc à juste titre que le TP avait retenu que le constat médical litigieux était conforme et probant. Son contenu ainsi que la constance des déclarations de la partie plaignante et, à l'inverse, le récit contradictoire de la prévenue, permettaient d'établir que les violences avaient bien eu lieu comme décrites par cette dernière.

e. Le TP, se référant à son jugement, n'a pas formulé d'observations.

D. A______, de nationalité colombienne, est née le ______ 1992. Elle est arrivée en Suisse en juin 2018, quelques jours avant son mariage à C______, avec lequel elle est en instance de divorce. Elle a une fille âgée de dix ans issue d'une première union. Elle travaille en qualité de serveuse dans un restaurant à F______ [GE] et perçoit un salaire mensuel d’environ CHF 1’700.-, des allocations familiales et une pension mensuelle de CHF 3’400.- versée par son époux. S’agissant de ses charges, elle paie CHF 375.65 pour son assurance maladie et CHF 1'221.- pour son loyer. Elle n’a ni fortune, ni dettes.

D’après l’extrait de son casier judiciaire suisse, elle n’a pas d’antécédent. À la procédure figure toutefois une ordonnance pénale et de non-entrée en matière partielle du Ministère public du 24 avril 2020 dont il découle que A______ a été condamnée à une amende de CHF 200.-, pour voies de fait au sens de l'art. 126 al. 1 CP, en lien avec le fait d’avoir giflé son époux le 14 février 2020.

E.  Me B______, défenseure d'office de A______, a produit un état de frais pour une activité en appel de cinq heures ; celle en première instance a été taxée à hauteur de 7h30.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

Question préjudicielle

2. 2.1.1. Conformément à l'art. 389 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance (al. 1) ; l'administration des preuves du tribunal de première instance n'est répétée (al. 2) que si les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes (let. a), l'administration des preuves était incomplète (let. b) ou les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables (let. c) ; l'autorité de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (al. 3). Par ailleurs, selon l'art. 343 al. 3 CPP, applicable aux débats d'appel par le renvoi de l'art. 405 al. 1 CPP, le tribunal réitère l'administration des preuves qui, lors de la procédure préliminaire, ont été administrées en bonne et due forme lorsque la connaissance directe du moyen de preuve apparaît nécessaire au prononcé du jugement. Seules les preuves essentielles et décisives dont la force probante dépend de l'impression qu'elles donnent doivent être réitérées. Afin de déterminer quel moyen de preuve doit l'être, le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.3 et 6B_484 2012 du 11 décembre 2012 consid. 1.2). L'autorité peut notamment refuser des preuves nouvelles qui ne sont pas nécessaires au traitement du recours, en particulier lorsqu'une administration anticipée non arbitraire de la preuve démontre que celle-ci ne sera pas de nature à modifier le résultat de celles déjà administrées, lorsque le requérant peut se voir reprocher une faute de procédure ou encore lorsque son comportement contrevient au principe de la bonne foi en procédure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.3 et 6B_509/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.2).

2.1.2. Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés.

Le législateur a ainsi consacré le droit des autorités pénales de procéder à une appréciation anticipée des preuves. Le magistrat peut renoncer à l'administration de certaines preuves, notamment lorsque les faits dont les parties veulent rapporter l'authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 141 I 60 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_891/2018 du 31 octobre 2018 consid. 2.1).

Ni l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.), ni l'art. 6 § 3 let. d de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) n'imposent l'interrogatoire d'un témoin lorsque les faits sont déjà établis ou lorsque la déposition sollicitée n'est pas pertinente à la suite d'une appréciation anticipée des preuves ; un interrogatoire ne peut en effet être exigé que s'il doit porter sur des faits pertinents et si le témoignage est un moyen de preuve apte à les établir ; aussi, il peut être refusé, au terme d'une appréciation anticipée des preuves, si le juge parvient sans arbitraire à la constatation, sur la base des éléments déjà recueillis, que l'administration de la preuve sollicitée ne peut plus modifier sa conviction (arrêt du Tribunal fédéral 1P.679/2003 du 2 avril 2004 consid. 3.1 ; ATF 121 I 306 consid. 1b ; CourEDH Ubach Mortes Antoni c. Andorre du 4 mai 2000, § 2).

Il peut être renoncé à des actes d'instructions jugés disproportionnés en rapport avec les intérêts en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_67/2012 du 29 mai 2012 consid. 3.2 ; cf aussi ACPR/540/2012 du 28 novembre 2012).

2.2. En l'espèce, la partie plaignante a produit un constat médical détaillé à l'appui de sa plainte pénale, qui constate des hématomes et ecchymoses datant du jour-même et compatibles avec le récit de cette dernière ainsi que des plus anciens, probablement dus à la liposuccion. Le médecin ayant établi le constat était employé par le service des urgences au moment des faits, diplômé de la faculté de médecine et dès lors habilité à délivrer un tel document. Il n'y a aucun motif de douter de son impartialité et de son sérieux. Le constat médical a été effectué en toute objectivité, se référant même au fait qu'il avait été établi "selon les dires du patient" et à la demande de ce dernier et que l'usage qu'il en ferait resterait sous sa propre et entière responsabilité. Le fait que le constat distingue les hématomes plus anciens est quant à lui tout à fait cohérent. Il est en effet notoire que ce type de lésion évolue rapidement dans le temps, particulièrement les premiers jours, changeant de couleur en à peine 48h. Enfin, l'absence de tampon officiel de la clinique ne constitue pas un indice probant en comparaison des autres documents produits par la prévenue, tous deux datés du 28 juillet 2021. En effet, aucun tampon n'a été apposé sur le constat médical tandis que le certificat médical en comporte un. Ces éléments confirment que les constats doivent être différenciés des certificats médicaux, seuls ces derniers étant apparemment munis d’un tampon.

Dans la mesure où aucun élément ne permet de remettre en question la fiabilité du constat médical, c'est à juste titre que le premier juge s'est basé sur celui-ci et a refusé l'audition du médecin qui l'a établi.

Concernant le médecin qui a opéré la liposuccion, l'on peine à comprendre quelles informations pertinentes ce dernier pourrait fournir, dans la mesure où il est incontestable – et incontesté – que des hématomes soient survenus après la liposuccion. Ce dernier n'a cependant pas ausculté le plaignant suite à l'altercation, de sorte qu'il ne peut se prononcer sur ses conséquences. Ici encore, l'audition qui n'aurait aucune valeur probante a été rejetée à juste titre.

Au surplus, bien que la CPAR considère que ces actes d'instruction ne s'avèrent pas utiles pour établir les faits, il sera relevé que le plaignant a refusé de relever ses médecins du secret médical.

Ainsi, les questions préjudicielles soulevées par la défense doivent être rejetées.

Établissement des faits

3. 3.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst. et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, elle signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 ; 145 IV 154 consid. 1.1).

3.1.2. Les cas de "déclarations contre déclarations", dans lesquelles les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et les déclarations contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement, sur la base du principe in dubio pro reo, conduire à un acquittement. L'appréciation définitive des déclarations des participants incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122 consid. 3.3 = JdT 2012 IV ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1306/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1.1 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2ème éd., Bâle 2014, n. 83 ad art. 10).

Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_942/2017 du 5 mars 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.5).

3.1.3. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_623/2012 du 6 février 2013 consid. 2.1 ; 6B_642/2012 du 22 janvier 2013 consid. 1.1). Rien ne s'oppose à ce que le juge ne retienne qu'une partie des déclarations d'un témoin globalement crédible (ATF 120 Ia 31 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_637/2012 du 21 janvier 2013 consid. 5.4).

Faute d'aveux de l'auteur, le juge ne peut, en règle générale, déduire la volonté interne de l'intéressé qu'en se fondant sur des indices extérieurs et des règles d'expérience. Font partie de ces circonstances l'importance, connue de l'auteur, de la réalisation du risque, la gravité de sa violation du devoir de diligence, ses mobiles et sa façon d'agir (arrêt du Tribunal fédéral 6B_38/2021 du 14 février 2022 consid. 3.3).

3.2. L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. À titre d'exemples, la jurisprudence cite notamment tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

3.2.1. En l'espèce, les versions des parties s'opposent diamétralement, si bien qu'il convient d'examiner les autres éléments figurant à la procédure ainsi que la crédibilité des déclarations de chacune.

3.2.2.1. Les explications de l'intimé paraissent en elles-mêmes crédibles. Il s'est montré clair et constant devant les autorités pénales et n'a pas cherché à exagérer la situation. Il a par ailleurs admis avoir des cicatrices et hématomes résultant de la liposuccion et que les coups reçus n'avaient pas aggravé son état postopératoire. Il s'est de plus vu délivrer un constat médical – exploitable pour les raisons évoquées ci-dessus (cf. supra. 2.2.) – selon lequel des hématomes datant du jour de l'altercation étaient visibles et compatibles avec le récit du plaignant. Les deux photographies produites permettent également de soutenir sa version, selon laquelle de la nourriture avait été jetée sur le sol. Enfin, l'épisode de la gifle, pour laquelle l'appelante a été condamnée à payer une amende, constitue un indice des relations tendues existant entre les époux et des comportements explosifs de cette dernière, donnant encore plus de poids aux déclarations de l'intimé.

3.2.2.2. L'appelante a quant à elle été inconsistante et contradictoire dans ses déclarations devant les différentes autorités pénales et administratives. Elle a tout d'abord expliqué qu'il était impossible qu'elle ait pu donner des coups de pied en raison d'une fracture à l'orteil datant de plusieurs mois, sans se prononcer sur les coups de poing. Confrontée au certificat médical, elle a indiqué que les hématomes étaient dus à l'opération, puis qu'elle avait vu son époux rentrer au domicile conjugal la veille de l'altercation transpirant, plein de sang et paraissant "presque mort". Elle ne lui avait pas posé de question puisqu'à cette époque, ils ne se parlaient plus. Elle ignorait de plus où se trouvaient les cicatrices de son époux, mais supposait que la liposuccion avait eu lieu au niveau du ventre, vu qu'il portait une gaine. Elle a également nié avoir jeté la nourriture par terre, blâmant son époux. Les photographies ont toutefois pu démontrer que la nourriture se trouvait bien sur le sol et que l'amie de la prévenue et sa fille (laquelle a invité sa mère à se calmer, élément significatif) s'étaient chargées de nettoyer. Il paraît invraisemblable que l'intimé ait lui-même jeté son repas par terre afin de pouvoir par la suite le reprocher à son épouse, ce d'autant plus en présence de témoins.

La version présentée au TAPI (elle aurait fait tomber une bouteille de bière, qui aurait roulé jusqu'à son époux), est également contradictoire.

Enfin, l’appelante soutient que l'intimé aurait orchestré toute cette mise en scène afin de créer des éléments à sa charge dans le cadre de la procédure de divorce. Or, elle n'explique pas quelles conséquences la procédure pénale aurait dans le cadre de l'action civile. Une procédure de divorce est bien en cours, des mesures provisionnelles ont été prononcées et l'intimé verse une contribution d'entretien conséquente à son épouse qu'il n'a pas laissée totalement démunie.

En définitive, la crédibilité de l’appelante est mauvaise et ne saurait l’emporter sur celle du plaignant, vu l’examen qui précède et les éléments objectifs du dossier.

3.3. En conclusion, il est retenu que les faits reprochés par l'intimé, tels que résumés dans l’acte d’accusation, sont établis.

C'est donc à juste titre que le TP a reconnu l'appelante coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 1 et 4 CP), de sorte que l'appel sera rejeté sur ce point et le jugement confirmé.

4.  4.1. L'auteur d'une infraction de lésions corporelles simples est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

4.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1).

4.2.2. La peine pécuniaire ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (art. 34 al. 1 CP). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus (al. 2).

4.3. En l'espèce, la faute de l'appelante n'est pas négligeable. Elle s'en est prise à l'intégrité corporelle de son époux. Ses mobiles sont inconnus, puisqu'elle les tait. Son action semble découler d'une mauvaise entente du couple qui, malgré la séparation devait continuer de partager le même logement, et la situation aurait dégénéré suite à une réaction impulsive de la prévenue, accentuée par la consommation d'alcool.

Elle continue de nier être l'auteur des faits reprochés, n'hésitant pas à jeter l'opprobre sur le plaignant pour tenter de convaincre, sans succès, des motivations de ce dernier à l'accuser à tort.

Il n'y a ainsi aucune prise de conscience.

Son absence d'antécédents est un facteur neutre dans la fixation de la peine.

Sa responsabilité pénale est entière. Aucune circonstance atténuante n'est réalisée, ni plaidée.

Sa situation personnelle ne justifie en aucun cas ses actes.

L'appelante ne conteste pas, à juste titre, au-delà de l'acquittement plaidé, la quotité de la peine pécuniaire de 30 jours-amende, qui sanctionne adéquatement les infractions de lésions corporelles simples et sera, partant, confirmée. Il en ira de même du montant du jour-amende, fixé à CHF 30.- par le premier juge.

Le sursis prononcé est acquis à l'appelante (art. 42 al. 1 CP et art. 391 al. 2 CPP). Le délai d'épreuve, arrêté à trois ans, n'est pas critiquable.

5.  L'appelante, qui succombe intégralement, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP et art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale), comprenant un émolument de décision de CHF 1’500.-.

Il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance.

66.1. Vu l'issue de la procédure, l'appelante sera débouté de ses conclusions en indemnisation (art. 429 al. 1 CPP a contrario).

6.2. L'intimé, qui obtient gain de cause, peut prétendre à l'indemnisation de ses frais de défense par l'appelante (art. 433 al. 1 let. a CPP).

L'activité déployée pas un stagiaire est cependant limitée à CHF 150.-/heure (AARP/208/2021 du 29 juin 2021), de sorte que l'indemnisation doit être réduite à CHF 600.-, TVA en sus, soit CHF 646.20.

L'appelante sera dès lors condamnée à verser à l'intimé ce montant pour ses frais de défense en appel.

7.  Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseure d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 1'292.40, correspondant à 5h d'activité, au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'000.-), plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 200.-), et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 92.40.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/752/2023 rendu le 12 juin 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/156/2021.

Le rejette.

Condamne A______ à verser à C______ CHF 646.20, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'625.-, qui comprennent un émolument de CHF 1’500.-.

Arrête à CHF 1'292.40, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 1 et 4 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d’épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d’épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d’une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Fixe à CHF 2'326.30 l’indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d’office de A______ (art. 135 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s’élèvent à CHF 1’269.- y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1269.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

50.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'625.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'894.00