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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/21887/2019

AARP/400/2023 du 18.10.2023 sur JTDP/164/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : CP.320
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21887/2019 AARP/400/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 18 octobre 2023

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

intimé sur appel joint,

 

contre le jugement JTDP/164/2023 rendu le 10 février 2023 par le Tribunal de police,

 

et

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,

intimé,

appelant sur appel joint.

 


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) et A______ appellent du jugement du 10 février 2023 par lequel le Tribunal de police (TP) a acquitté le second de violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 al. 1 du code pénal suisse [CP]) s'agissant des extraits de messages échangés nos 15, 16, 22 et 32, l'a reconnu coupable de cette même infraction s'agissant des extraits nos 23 et 41, l'a exempté de toute peine et condamné à un quart des frais de la procédure de CHF 1'177.-, le solde étant laissé à la charge de l'État, qui a été condamné à verser une indemnité de CHF 14'380.- à A______ pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, les conclusions en indemnisation de ce dernier ayant été rejetées pour le surplus.

Le MP entreprend partiellement ce jugement, concluant à ce que A______ soit reconnu coupable de violation du secret de fonction pour l'ensemble des comportements visés dans l'ordonnance pénale, à ce qu'il soit condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 160.- l'unité, avec sursis, délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende, à titre de sanction immédiate, de CHF 3'200.-, assortie d'une peine privative de liberté de substitution de 20 jours, de même qu'aux frais de la procédure et à ce qu'il soit débouté de ses conclusions en indemnisation.

A______ conclut au rejet de l'appel principal et forme appel joint, concluant à son acquittement du chef de violation du secret de fonction s'agissant des extraits nos 23 et 41, à ce que l'intégralité des frais de la procédure soit laissée à la charge de l'État et à ce qu'il lui soit alloué une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

b. Selon l'ordonnance pénale du 30 août 2021, valant acte d'accusation, il est reproché à A______, en sa qualité de policier affecté au groupe prostitution de la Brigade de lutte contre la traite d'êtres humains et la prostitution illicite (BTPI), d'avoir, entre le 12 mars 2017 et le 30 novembre 2018, divulgué, par messages sur l'application WhatsApp, à son ami C______, gérant de salons érotiques dans le quartier D______ à Genève, des informations acquises dans l'exercice de ses fonctions, soit plus précisément :

- le 12 mars 2017, que E______ faisait l'objet d'une interdiction d'exploiter un salon de massages pour une période de dix ans et que celui-ci n'avait pas reçu l'autorisation d'exploiter à la rue 1______ no. ______ (extrait no 15) ;

- le 18 avril 2017, à 10h58, que F______, travailleuse du sexe, faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse valable du 10 octobre 2016 au 9 octobre 2018 (extrait no 16) ;

- le 15 septembre 2017, qu'une travailleuse du sexe, non identifiée, avait travaillé à G______ [VD] pendant 63 jours entre le 10 mars et le 11 mai 2017 (extrait no 22) ;

- du 1er novembre 2017, dès 22h20, au 2 novembre 2017 à 00h47, que H______, travailleuse du sexe, faisant l'objet d'une intervention policière en cours, ne voulait pas laisser les policiers entrer dans les locaux où elle se trouvait, qu'elle avait bénéficié d'une autorisation de travail jusqu'au 16 octobre 2017, qu'elle ne pouvait plus demander une autorisation de travail de courte durée dès lors qu'elle avait, cette même année, été titulaire d'une autorisation de séjour et qu'elle était ressortissante d'un État européen (extrait no 23) ;

- le 8 janvier 2018, des informations sur l'existence d'une inscription au système de recherches informatisées de police (RIPOL) concernant une travailleuse du sexe de nationalité dominicaine, pour le recouvrement d'une amende de CHF 300.- (extrait no 32) ;

- le 30 novembre 2018, l'indication que la police procédait au contrôle des appartements de I______, gérant de salons érotiques, à la rue 2______ no. ______ (extrait no 41).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 12 novembre 2019, l'Inspection générale des services (IGS) a remis au MP un rapport établi suite à une enquête ouverte par ses soins après la découverte, dans le cadre de l'arrestation de C______, gérant de salons de massages dans le quartier D______, par la Brigade financière (BFIN), que l'inspecteur A______ de la BTPI avait été étroitement en contact avec l'intéressé, auquel il avait transmis, tant pendant ses heures de service que durant ses congés, des informations notamment sur le statut administratif et droit des étrangers de personnes privées ou de travailleuses du sexe, ainsi que divers renseignements de police.

L'acronyme de "immigration, intégration, émigration suisse" (IMES), utilisé par les protagonistes dans leurs échanges, désigne, dans le jargon policier, la procédure d'annonce, au Secrétariat d'État aux migrations (SEM), d'activités lucratives de courte durée afin d'obtenir une autorisation de travail temporaire (maximum de 90 jours) en faveur d'un travailleur ressortissant d'un État de l'espace Schengen.

a.b. L'analyse des données extraites de l'ordinateur et du téléphone portable de C______ (+41_3______) a notamment révélé les éléments suivants :

- C______ entretenait de nombreux contacts avec des membres des services de police genevois, tant au niveau cantonal que municipal, dont A______ ;

- le raccordement professionnel de A______ (+41_4______), figurait sur la liste de contacts du téléphone portable de C______, sous l'indication "Brigade A______", tout comme son courriel professionnel "A______@police.ge.ch" et l'inscription "Anniversaire A______" dans le calendrier au ______ ;

- en février, juin et octobre 2015, C______ a créé trois groupes WhatsApp dans lesquels figure comme unique contact A______. Seul le deuxième a été utilisé de manière active et comprend 10'158 messages échangés entre le 15 juin 2015 et le 12 février 2019 ;

- C______ et A______ ont également échangé en sus, entre mars 2016 et avril 2018, trois SMS ;

- A______ a été cité à plusieurs reprises par C______ dans sept autres groupes WhatsApp, créés par ce dernier entre juillet 2013 et février 2017. Il apparaît également sur plusieurs clichés aux côtés de C______, dont quatre pris à l'occasion d'un repas en commun avec plusieurs membres de la Brigade des mœurs (BMOE, ancien nom de la BTPI).

a.c. L'extraction des données des raccordements professionnel (+41_4______) et privé (+41_5______) de A______ a mis en exergue les éléments suivants :

- le numéro de téléphone de C______ (+41_3______) apparaît uniquement sur le raccordement professionnel de A______, sous l'indication "C______" ;

- A______ a effacé, à une date indéterminée, le contenu des conversations des groupes WhatsApp dans lesquels il échangeait avec C______.

a.d. Selon l'IGS, parmi les 10'158 messages entre C______ et A______ (cf. let. B.a.b.), 55 d'entre eux, annexés au rapport, étaient problématiques sur le plan pénal et déontologique.

b.a. Après analyse des conversations, le MP a ouvert une instruction pénale en lien avec 13 échanges de messages. Seuls six d'entre eux ont finalement fait l'objet d'une ordonnance pénale, le reste des faits initialement reprochés a été classé par ordonnance du 20 août 2021. Bien qu'interpellé par le MP, A______ n'a pris aucune conclusion en indemnisation en lien avec ce classement.

b.b. Les six échanges retenus par le MP ont la teneur suivante :

- le 12 mars 2017, entre 21h16 et 21h52, extrait no 15 des échanges entre les protagonistes qui mentionnent le prénommé "J______", identifié comme étant J______, gérant de salons de massages au quartier D______, ainsi que "le Portugais", identifié comme étant E______, propriétaire d'un bien immobilier au no. ______, rue 1______ et qui a fait l'objet, en décembre 2016, d'une interdiction d'exploiter des salons érotiques pour une durée de dix ans pour en avoir ouvert un illégalement, selon la fiche personnelle du fichier K______ "______" :

C______ écrit : "le Portugais du 3éme au-dessus de J______ a put ouvrir? Car j'ai l'impression qu'il a mis des filles". A______ répond : "Non il a pris 10 ans d interdiction", "Il a trouvé un pote à lui qui a fait une demande au DALE pour reprendre un salon à la route 6______", "Mais rien à no. ______, rue 1______". C______ réplique : "route 6______ je sais pas mais je pense qu'il a mis du monde a [la rue] 1______". A______ rétorque : "Ok ben merci pour l info", "Je vais voir ca". C______ termine : "Oui regarde toi, si vraiment il exploite, qlq bon point pour toi…", ce à quoi son interlocuteur répond : "Haha" ;

- le 18 avril 2017, entre 10h58 et 11h25, extrait no 16 des échanges entre les protagonistes dont le sujet est une travailleuse du sexe, identifiée par la suite comme étant F______ :

C______ écrit : "Avant elle avait la résidence aujourd'hui Le passeport". A______ rétorque : "Elle est interdite de séjour en Suisse", "Depuis le 10.10.2016 jusqu au 09.10.2018". C______ réplique : "Donc Elle peut pas y rentrer", ce à quoi A______ répond : "Non". Après quelques autres échanges, C______ remercie son interlocuteur pour lui avoir évité "un gros problème" ;

- le 15 septembre 2017, entre 15h27 et 16h07, extrait no 22 des échanges entre les protagonistes au sujet des jours de travail d'une travailleuse du sexe, non identifiée :

A______ écrit : "Total 2017: 93 jours utilisés". C______ répond : "Ok merci mais ou?". A______ précise : "63 jours à G______ [VD] entre le 10 mars et le 11", puis "une fois 32 j et une fois 31 j", "Ensuite c est toi (du 32)", "Puis toi 6 et 27 refusés". C______ rétorque : "Je comprend plus rien. Bon bein vait lui faire un permis mais elle me répète qu'elle était pas en suisse", ce à quoi A______ répond : "Sais pas.. je te dis juste ce que je vois dans le système", "Elle a fait 2 Imes à G______, un de 31 et un de 32 jours..". C______ termine : "Ok vais lui rafraîchir la mémoire", "Merci pour tout".

- dans la nuit du 1er au 2 novembre 2017, entre 22h17 et 00h47, extrait no 23 des échanges entre les protagonistes au sujet d'une femme, identifiée par la suite comme étant L______, conduite au poste de M______ pour exercice illicite de la prostitution, selon l'inscription au journal de l'IGS du 1er novembre 2017 (7______), ainsi que d'une travailleuse du sexe, identifiée par la suite comme étant H______, qui n'était pas en règle suite à un contrôle effectué le jour même au salon de massages


N______, situé au-dessus de l'arcade détenue par C______, contrôle mentionné dans le fichier K______ "______" :

C______ écrit : "Coucou comment ça va? Suis au [quartier] D______ si jamais". A______ répond : "Coucou", "On ramène une conne du [quartier] O______ à M______", "Le temps de faire la paperasse et on vient à D______". C______ réplique : "Ok", "Elle est en robe de nuit", ce à quoi A______ répond : "Haha ok", "On fait la paperasse au Poste de M______ et on descend". Environ une heure après, C______ écrit : "Elle y était? Ou pas ouvert?". A______ répond : "Oui oui", "Dans le mille" et précise : "On a failli devoir défoncer la porte mais on est entrés". C______ rétorque : "T'es trop toi", "Du coup elle fait sa demande demain". A______ explique : "Non, un IMES jusqu au 16 octobre sauf que : 1. On est en novembre 2. Elle peut pas faire d IMES si elle a eu un permis dans la même année", "Je dirai à P______ d appeler la responsable car moi suis en cours demain", "Mais je ferai la bûche moi", "Et le rapport au département". Lorsque C______ demande si cette femme doit, dans ces conditions, quitter le salon où elle travaille, A______ répond : "Non c est une européenne c est un peu limite de la dégager", "Surtout à minuit".

Après quelques autres échanges au sujet de la femme, A______ fait notamment un message vocal à C______ : "Je te confirme qu'il y a rien du tout. Elle est annoncée partie à l'étranger depuis la fin de validité de son permis, donc en juin et puis le dernier IMES qui a été fait et encore, elle ne peut même pas en faire normalement vu que quand tu as fait un permis tu ne peux pas faire d'IMES. il a été fait du 10 au 16 donc il y a déjà deux semaines de retard et en plus il avait été refusé parce qu'il avait été fait le jour même donc là c'est sûr… allez goal quoi" ;

- le 8 janvier 2018, entre 15h39 et 15h58, extrait no 32 des échanges entre les protagonistes au sujet d'une travailleuse du sexe dominicaine, non identifiée, avec laquelle un rendez-vous a été fixé pour qu'elle s'enregistre auprès de la police :

A______ écrit : "Tu as les noms pour les rdv?", "Au cas où la dominicaine que tu m as envoyé est sous mandat des zurichois", "3 jours de trou ou 300.- à payer". C______ répond : "Ok", "Le 16 pour 10h00", "j'avertis la fille pour les 300.-", "Juste ça pas d'autre problème". A______ rétorque : "Si elle veut venir à Genève qu elle vienne avec les 300.- ou une brosse à dent / pyjama", "Pour le 16 tu as date de naissance?", ce à quoi C______ répond : "Ok", "2min", "Pour le 16". A______ confirme le rendez-vous : "Noté mardi 16 à 10h".

Après vérification par l'IGS, aucune travailleuse dominicaine n'avait été recensée pour l'un des salons de C______ le 16 janvier 2018.

- le 30 novembre 2018, entre 22h39 et 22h40, extrait no 41 des échanges entre les protagonistes au sujet d'un contrôle de police en cours au salon de massages "Q______", appartenant à I______ :

A______ écrit : "rue 2______ no. ______ on contrôle les appart à I______". C______ répond : "Ok".

c. Par le biais de divers documents ainsi que de deux rapports complémentaires des 19 février et 26 mars 2020, l'IGS a notamment fourni les renseignements suivants :

- une note non-datée de l'adjoint R______, responsable de la BTPI, décrivant le processus auquel étaient astreints les gérants de salons érotiques en matière de recrutement de travailleuses du sexe, dont il ressort que le gérant doit prendre un rendez-vous avec un inspecteur de la BTPI. L'entretien se déroule à l'hôtel de police, afin d'enregistrer l'employée, conformément à la loi genevoise sur la prostitution (LProst). Le responsable du salon doit s'assurer que son employée est en droit de travailler en Suisse, en vérifiant notamment si elle est au bénéfice d'un permis valable ou, à défaut et si elle est ressortissante d'un pays de l'espace Schengen, en effectuant une procédure d'annonce (PA) en ligne, sur le site du SEM, afin d'obtenir une autorisation de travail de maximum 90 jours (IMES). Dès l'annonce effectuée et l'autorisation de travail obtenue, conditions qui font l'objet d'un contrôle par la BTPI, la personne est en droit d'exercer la prostitution à Genève. À défaut, le gérant, qui a le devoir de vérifier ces éléments, est dénoncé par le biais d'un rapport au service des contraventions ainsi qu'au département pour le prononcé d'éventuelles sanctions administratives ;

- en lien avec l'extrait no 16, un échange de messages écrits et vocaux WhatsApp en espagnol, survenu le 17 et le 18 avril 2017 entre C______ et F______. Cette dernière lui demande si elle peut travailler pour lui, l'informant avoir été expulsée par les autorités zurichoises en automne 2016 mais qu'elle disposait dorénavant d'un passeport valable. C______ lui répond, le 18 avril 2017, à 10h57, qu'il allait demander des informations à son sujet à la police, puis à 11h04, qu'elle fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse pour la période du 10 octobre 2016 au 9 octobre 2018 et qu'il était navré de la situation. Elle le remercie et lui indique qu'elle passera le voir une fois le problème réglé. Le contrôle du service de la sécurité de l'information de la police (SSIP), joint aux rapports de l'IGS, relève que le 18 avril 2017, à 10h58, A______ a lancé, sur l'application S______, une recherche au nom de F______ ;

- en lien notamment avec l'extrait no 22, le service de gestion de l'information et des projets de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) a expliqué, par courriel du 12 novembre 2019, qu'un exploitant de salons ne pouvait accéder en ligne qu'aux informations relatives aux jours de travail qu'il avait demandés pour son employée. Pour connaître les jours restants d'autorisation de travail d'une travailleuse du sexe, les gérants devaient contacter l'OCPM au moyen du formulaire en ligne, étant précisé que, dans son premier rapport, l'IGS a indiqué que le contact pouvait être fait par courriel ou par téléphone. Le gérant n'était toutefois pas informé des autres PA réalisées par les autres salons. En principe, les exploitants devaient effectuer une telle procédure d'annonce et, s'il ne restait aucun solde disponible pour la future employée en question, l'OCPM les en informait ;

- en lien avec l'extrait no 23, l'inscription au journal du 3 novembre 2017 (8______), accompagnée des rapports de contravention et de renseignements du même jour, mentionne qu'une patrouille composée notamment de A______ a procédé au contrôle, le 1er novembre à 23h20, au salon de massages érotiques N______, sis no. ______, rue 9______, de deux travailleuses du sexe, dont H______, démunie d'une autorisation de travail valable, de sorte que la responsable du salon a été déclarée en contravention et qu'un rapport sera adressé au département. Selon l'IGS et grâce à une recherche effectuée sur le fichier K______ "______", annexée aux rapports, A______ a opéré, le 2 novembre 2017 à 00h33 et à 00h35, deux inscriptions dans le journal des contrôles portant sur l'établissement N______ et sur H______. Le contrôle des demandes d'autorisation d'activité lucrative de courte durée (IMES) confirme que la concernée s'était vue refuser une première demande, pour la période du 10 au 16 octobre 2017, dès lors que l'annonce n'avait pas été émise avant la prise d'activité. À teneur de la base de données de l'OCPM (T______), elle avait été titulaire d'une autorisation de courte durée (permis L) jusqu'au 11 juin 2017.

d.a. Au cours de la procédure, les deux principaux protagonistes ont été entendus :

d.b. À la police, puis au MP, C______ a déclaré connaître A______, qui était devenu depuis un ami, par le biais de son travail à la BTPI. Il s'entendait également bien avec les autres inspecteurs de la brigade. Il n'avait toutefois jamais obtenu d'avantage de la part du concerné.

Lorsqu'une travailleuse du sexe lui faisait part de son intérêt à venir exercer chez lui, il lui demandait si elle avait déjà travaillé en Suisse, ce qui était rarement le cas. Il devait alors effectuer des démarches pour l'enregistrer, sachant qu'elle avait 90 jours à disposition. Il s'occupait de tout pour l'engager. Elle devait lui envoyer une copie de son passeport afin qu'il puisse prendre un rendez-vous avec la brigade. La secrétaire de la BTPI contrôlait alors l'identité de la concernée, ainsi que tout éventuel enregistrement, et relayait cette information aux exploitants, tout comme le solde de jours restant. Il lui était toutefois déjà arrivé de prendre un rendez-vous et de constater que la travailleuse du sexe était en réalité déjà enregistrée. Si celle-ci lui communiquait cette information au préalable, il lui demandait combien de temps elle avait travaillé en Suisse pour obtenir le solde de jours restant.

S'agissant de l'extrait no 15, il avait uniquement dénoncé à l'inspecteur "un Portugais", qui effectuait des travaux dans un appartement afin d'y faire travailler des prostituées. Il ignorait si une enquête avait été ouverte, qui était l'individu en question et que celui-ci faisait l'objet d'une interdiction d'exploiter. Au MP, il a concédé connaître désormais "E______" qu'il croisait dans le quartier D______.

Pour ce qui était de l'extrait no 16, il avait l'habitude, avant d'engager une travailleuse du sexe, de se renseigner à son sujet pour savoir si elle était déjà enregistrée auprès de la BTPI, afin de ne pas se rendre lui-même coupable d'une infraction. Dans le cas précis, la concernée s'était vue notifier une interdiction d'entrée en Suisse, raison pour laquelle il ne l'avait pas acceptée. Elle avait très certainement déjà épuisé les 90 jours annuels. La réponse de l'OCPM se limitait à indiquer si la demande était acceptée ou refusée sans donner d'autres détails, information que communiquait aussi la BTPI. Le nom de F______ ne lui disait rien et il ne se rappelait pas d'avoir eu une conversation antérieure à son sujet avec A______.

L'extrait no 22 concernait une travailleuse du sexe qu'il avait employée. La première demande d'IMES, qu'il avait déposée pour 32 jours, avait été acceptée mais non la seconde pour six jours supplémentaires, ce qu'il ne comprenait pas car sa recrue lui avait assuré n'avoir jamais travaillé en Suisse. Il obtenait ce genre d'informations, non confidentielles selon lui, car il devait être en règle, auprès de n'importe quel inspecteur, parfois même auprès de la secrétaire de la BTPI. Il ne s'adressait pas à l'OCPM, qui était injoignable. Il souhaitait seulement confronter la travailleuse du sexe avec les informations obtenues afin de savoir s'il fallait déposer une demande de permis ou encourager la personne à quitter la Suisse.

Dans l'extrait no 23, il avait lui-même dénoncé la travailleuse du sexe à A______ car il savait qu'elle était en situation irrégulière. Il ne s'agissait pas d'une personne travaillant pour lui, concédant toutefois par la suite connaître H______ car elle avait exercé chez lui, avant ou après l'épisode dont il était question. Il n'avait tiré aucun bénéfice des informations transmises par A______, celui-ci ayant dû les lui communiquer machinalement.

S'agissant de l'extrait no 32, il avait pris un rendez-vous avec A______ pour le "cartage" d'une travailleuse du sexe, dont il ignorait le nom. Il lui était arrivé à deux ou trois reprises d'être informé par un inspecteur d'une inscription au RIPOL. Celle-ci faisait visiblement l'objet d'un mandat zurichois et était recherchée pour le paiement d'une amende impayée. Il l'en avait alors informée afin qu'elle connaisse les risques encourus et qu'elle s'acquitte de la contravention. Elle s'était présentée au rendez-vous si bien qu'il supposait qu'elle avait réglé le montant.

Pour ce qui était de l'extrait no 41, A______ l'avait avisé du contrôle des appartements de I______, certainement car il se trouvait à côté de son établissement. Il ne voyait pas d'autre raison à cette communication. Lorsque la police contrôlait un salon, l'information ne circulait pas immédiatement mais ils savaient que cela arrivait régulièrement et qu'ils devaient être en ordre. Le groupe WhatsApp entre gérants était uniquement utilisé pour dénoncer les filles incorrectes et non pour annoncer les contrôles.

d.c.a. Durant la procédure, A______ a expliqué avoir plus de 14 ans de service et avoir été affecté à la BTPI, anciennement BMOE, de juin 2012 au 14 avril 2019, avant d'être transféré à la Brigade de renseignements criminels (BRC).

Dès 2017, les salons avaient été attribués au groupe de prostitution et non plus à un seul inspecteur. Auparavant, le but était d'établir un lien de confiance avec les exploitants afin d'obtenir des renseignements et de ne pas agir uniquement en tant que police répressive. Il n'avait jamais été chargé d'inspecter les salons de C______, qu'il avait connu dès son arrivée à la brigade et qui était une personne de confiance ainsi qu'une source fiable de renseignements. Sa collaboration s'était avérée précieuse tant pour la BTPI que pour les autres brigades. Il avait sympathisé avec lui sans pour autant le considérer comme un ami. Il s'était souvent rendu disponible, même durant ses vacances, afin de pouvoir obtenir par la suite des renseignements parfois cruciaux pour son travail. Il n'avait toutefois jamais accordé de faveur à C______. Il avait toujours travaillé de manière professionnelle et avait même renseigné la BFIN dans le cadre de l'enquête fiscale contre C______. Il avait effacé les conversations litigieuses pour des questions de mémoire de stockage et ne les avait aucunement supprimées suite à l'arrestation de ce dernier.

S'agissant de l'extrait no 15, C______ avait simplement dénoncé E______ qui avait déjà occupé les services de police. Ce dernier s'était lancé dans la prostitution, en tentant en 2016 de reprendre sans autorisation un salon situé à la route 6______, ce qui avait conduit à son interdiction d'exploiter pour une période de dix ans. Après cet échec, connu de tous, y compris de C______, il en avait fait de même à la rue 1______. C______ ne l'appréciait guère car il ne respectait pas les règles. Ce dernier connaissait cet individu, qu'il avait dénoncé, tout comme son nom pour l'avoir désigné à plusieurs reprises dans la rue. C______ n'avait pas confirmé qu'il connaissait E______ uniquement pour minimiser son rôle et ses connaissances car il souhaitait être discret, de peur de représailles. Dans le milieu de la prostitution, la dénonciation était courante mais personne ne l'assumait. Au MP, C______ avait admis en savoir plus que ce qu'il disait.

Concernant l'extrait no 16, en vertu de l'art. 12 let. b LProst, l'exploitant avait l'obligation de s'assurer que la travailleuse du sexe, qu'il souhaitait engager, était en règle en matière du droit des étrangers, raison pour laquelle C______ avait pris contact avec la BTPI pour obtenir ces informations. Les inspecteurs vérifiaient si la personne était déjà enregistrée dans le fichier K______ "______", puis consultaient S______ ou le Système d'information central sur la migration (SYMIC) pour contrôler si elle était interdite d'entrée ou si elle bénéficiait d'un permis valable. Il avait procédé de la sorte pour F______ et avait communiqué à C______ le résultat de sa recherche. Il avait donné les dates de l'interdiction d'entrée tant afin que ce dernier soit informé de la date jusqu'à laquelle il ne pouvait l'employer que pour rappeler à la concernée cette interdiction. Dans la majorité des cas, les gérants sollicitaient directement un rendez-vous pour enregistrer les travailleuses du sexe mais s'ils avaient connaissance d'un problème, comme cela avait été le cas avec F______, ils se renseignaient au préalable sur son statut. Il n'existait pas de formulaire par lequel la travailleuse du sexe autorisait l'exploitant à se renseigner sur son compte, ni de procédure écrite particulière. Ses collègues et lui partaient du principe que les personnes qui approchaient un exploitant savaient que celui-ci allait se renseigner sur leur statut afin de respecter les règles en vigueur. La travailleuse du sexe donnait ainsi mandat à son gérant d'effectuer les diverses démarches nécessaires à la mise en conformité de son dossier. Il considérait donc avoir communiqué les informations à son représentant. Ces données pouvaient également être obtenues auprès de l'OCPM.

Concernant l'extrait no 22, le fait de renseigner un gérant, en l'occurrence C______, sur les jours restants d'un IMES pour une travailleuse du sexe faisait partie du travail de la brigade. Pour sa part, il le faisait avec tous les gérants. Si un problème se posait en lien avec un refus d'autorisation, l'exploitant était alors renvoyé auprès de l'OCPM. Au demeurant, ces informations pouvaient être obtenues directement auprès de cet Office et C______ aurait pu se les procurer par ce biais. De manière générale, ils essayaient de renvoyer les exploitants à l'OCPM afin d'éviter d'être submergés mais il leur arrivait ponctuellement de fournir ce genre de données. En pratique, leurs interlocuteurs contactaient directement un collaborateur de l'OCPM, qui les renseignait par courriel ou par téléphone, mais il était plus compliqué d'être en contact avec un de ces derniers qu'avec un policier.

L'extrait no 23 concernait tout d'abord une "folle" qui occupait le service et qui avait dû être conduite au poste de M______. La seconde personne mentionnée, soit la travailleuse du sexe, avait voulu travailler pour C______ mais ne remplissait pas les conditions exigées. Ce dernier l'avait dénoncée car elle exerçait au sein d'un autre salon, juste en dessus de son arcade, de manière illégale. Pour sa part, il avait renseigné C______ afin de lui confirmer qu'ils avaient traité sa dénonciation, laquelle était fondée puisqu'elle avait abouti à une contravention. Quant aux aspects techniques fournis, il s'agissait d'un rappel des règles en vigueur auxquelles C______, en sa qualité d'exploitant, était également astreint. Il aurait pu s'abstenir d'être aussi précis dans les données transmises, certes inutiles mais qu'il ne lui était pas interdit de communiquer pour autant. Il n'était pas obligé de lui expliquer que la personne refusait d'ouvrir la porte, cette information n'était en revanche pas secrète, dès lors que la police avait tambouriné à la porte, de façon à ce que tous les résidents entendent. C______ occupant le rez-de-chaussée et une partie des studios dans les étages, il supposait qu'il avait été témoin de la scène.

Pour ce qui était de l'extrait no 32, il avait simplement avisé C______ du mandat zurichois, qui concernait en tant que telle la contravention même, conformément à l'art. 12 let. b LProst. Cette donnée se trouvait sur le fichier SYMIC qui contenait un onglet avec le résumé des informations au RIPOL. Il était ensuite possible d'utiliser le portail S______ pour avoir accès au RIPOL. Il avait communiqué ce renseignement à C______ pour que sa future recrue ne soit pas surprise à son arrivée dans les locaux de police et fasse le nécessaire pour obtenir la somme due, sans qu'elle n'ait notamment besoin de solliciter son exploitant pour qu'il lui avance de l'argent. Le but étant que la personne s'acquitte de la contravention avant de venir s'enregistrer afin d'éviter toute peine de prison de substitution et que les associations de défense des prostituées ne les accusent d'avoir tendu un piège. En communiquant cette donnée au préalable, par le biais du gérant, tout le monde était gagnant. La travailleuse du sexe en question était probablement venue au rendez-vous et avait réglé le montant. Lorsqu'il s'agissait d'un mandat d'arrêt en tant que tel, il n'informait bien évidemment pas la personne concernée. Chaque inspecteur avait accès à l'agenda des prises de rendez-vous et les collaborateurs présents s'occupaient de recevoir les travailleuses du sexe, sans qu'il n'y ait de rendez-vous avec un policier en particulier. Il ne disposait pas d'information selon laquelle la concernée l'autorisait à renseigner C______ de l'existence de la contravention. Le règlement d'exécution de la loi sur la prostitution (RProst) faisait toutefois de la BTPI l'instance en charge de faire appliquer la LProst. L'indication de l'existence d'une contravention entrait dès lors dans le champ d'application de l'art. 12 let. b LProst. C______ aurait dans tous les cas très certainement fini par apprendre l'existence de la contravention puisqu'il avait été mandaté par la prostituée pour effectuer les démarches administratives. Il n'avait toutefois aucun moyen de vérifier si un tel mandat avait été confié aux exploitants par leurs futures recrues.

Dans l'extrait no 41, il signalait simplement à C______ où il se trouvait, soit dans l'immeuble voisin de son établissement. Il avait mentionné I______ afin de l'informer qu'il était juste à côté. C______ avait très certainement dû demander à le voir au préalable. Il aurait en effet pu lui dire simplement qu'avec son collègue, ils se trouvaient à proximité. La présence de la police était quoiqu'il en soit immédiatement relayée par le réseau dès son arrivée dans le quartier D______, C______ ayant notamment la vue depuis son arcade, sise rue 9______, sur la rue 2______ no. ______.

Au TP, il a admis le contenu des messages, dont il était l'auteur, tels qu'ils ressortaient du dossier. Il a toutefois contesté l'intégralité des faits reprochés dans la mesure où il n'estimait pas avoir violé son secret de fonction. À son arrivée au sein de la brigade en 2012, l'objectif était de tisser un réseau avec les acteurs de la prostitution, qui étaient également des partenaires, de manière à éviter que des réseaux criminels ne s'installent. Il n'y avait ni instructions écrites ni orales quant à la manière dont il fallait communiquer les informations. Le métier s'apprenait sur le tas, par mimétisme des anciens. Personne n'avait validé la manière dont les inspecteurs procédaient. Le chef et le sous-chef de brigade partageaient toutefois les mêmes locaux qu'eux et entendaient les renseignements qu'ils transmettaient. Il n'avait pas eu vent d'un quelconque changement de pratique depuis 2019 ou 2020 dès lors qu'il n'était plus affecté à la brigade à cette période. Il avait cependant eu connaissance du fait que la méthodologie de travail avait été remise en question et qu'il y avait eu une réforme en partenariat avec le département.

d.c.b. Lors de l'audience de jugement, A______ a produit une note d'honoraires valant conclusions en indemnisation à hauteur de CHF 27'650.-, frais de débours et TVA inclus, pour une activité de 55 heures et 30 minutes – dont 32 heures et 10 minutes avant la notification de l'ordonnance de classement, comprenant notamment la prise de connaissance de cette décision et un courriel au client (20 minutes) –, ainsi qu'un cahier des charges générique d'un poste similaire à celui qu'il occupait. Il ressort de ce dernier document que le policier devait maintenir un contact étroit avec les différents intervenants des milieux sensibles, comme la nuit et la prostitution, effectuer toute vérification utile concernant les personnes et les lieux en lien avec l'exercice de la prostitution, ainsi que contrôler la légalité de l'exercice de la prostitution pour les personnes et les établissements dédiés, en vertu de différents lois et règlements comme la LProst et le RProst.

e.a. Trois témoins ont également été entendus à différents stades de la procédure :

e.b. Au MP, U______ a indiqué travailler à la police depuis juin 2008, en qualité de secrétaire à la BMOE, puis à la BTPI. Il appartenait au gérant de fournir toutes les informations utiles sur la travailleuse du sexe qu'il souhaitait engager, notamment si elle était titulaire d'un titre de séjour ou si une demande d'autorisation de courte durée allait être déposée, informations inscrites dans un calendrier partagé au sein de toute la brigade. Un rendez-vous devait être ensuite fixé avec la BTPI pour recueillir les renseignements nécessaires en vue de l'enregistrement et effectuer des contrôles sur la base de données de la police. Jusqu'en 2020, l'OCPM statuait sur les demandes de courte durée dès que la personne était enregistrée, ce que contrôlait la BTPI. La gestion du nombre de jours encore à disposition de la recrue, détentrice d'un IMES, demeurait de la compétence de l'OCPM.

Jusqu'en 2019 ou 2020, la BTPI renseignait les exploitants de salons sur les enregistrements des travailleuses du sexe, ce qui n'était plus le cas actuellement pour cause de protection des données. Avant les restrictions de communication, il n'y avait pas de directive indiquant ce qu'il était autorisé de communiquer aux exploitants de salons. Ainsi, il lui était arrivé d'informer un gérant sur le nombre de jours restants pour une personne souhaitant travailler au bénéfice d'une autorisation de courte durée, afin d'éviter que celle-ci ne s'enregistre pour rien. Les exploitants de salons n'avaient pas la possibilité d'obtenir ailleurs cette information, que la BTPI ne communiquait plus aujourd'hui, tout comme n'importe quel autre renseignement sur une travailleuse du sexe. Elle n'avait jamais fourni de données figurant sur RIPOL et ignorait si d'autres le faisaient. Si cela concernait une simple recherche du lieu de séjour, elle l'inscrivait dans le calendrier partagé, sinon, lors de cas plus graves, elle informait le chef de brigade ou les inspecteurs mais n'en parlait pas à l'exploitant. Pour ce qui était des contraventions, elle les annotait dans le calendrier partagé afin que l'inspecteur soit informé que l'enregistrement pouvait prendre plus de temps. Il fallait alors expliquer la situation à la concernée puis l'accompagner pour qu'elle règle l'amende, ce que les inspecteurs faisaient. Si la travailleuse du sexe ne pouvait le faire, il arrivait qu'une connaissance intervienne pour payer à sa place. Cette donnée n'était en revanche jamais partagée avec l'exploitant du salon.

Depuis la création de la BTPI, elle avait constaté que certains exploitants passaient par les inspecteurs pour accélérer la prise de rendez-vous et que C______ prenait notamment des rendez-vous en dehors des heures prévues à cet effet.

e.c. Au TP, V______ a déclaré avoir travaillé de 2014 à 2018 à la BMOE avec A______. Il n'y avait aucune instruction écrite quant aux informations qui pouvaient être communiquées aux exploitants de salons. Il avait appris sur le tas, aux côtés des anciens, qui lui avaient expliqué que la priorité était de nouer des contacts avec les acteurs du monde de la prostitution, la répression étant secondaire.

Les travailleuses du sexe ne comprenaient pas vraiment le système et passaient souvent par l'exploitant. Pour certaines d'entre elles, le montant payé au gérant comprenait l'enregistrement et l'obtention du permis de travail. Ainsi, les exploitants leur téléphonaient pour savoir si la travailleuse du sexe était enregistrée et si elle était au bénéfice d'une autorisation de travail, afin d'effectuer, le cas échéant, les démarches nécessaires. Ils ne fournissaient toutefois aucune date. Le système pouvait être complexe à comprendre pour les non-initiés et il arrivait, afin d'anticiper tout problème, que la secrétaire indique à un exploitant un solde faible de jours d'IMES ou que l'employée ne disposait plus de jours. La secrétaire avait des contacts avec un employé de l'OCPM. La pratique de l'époque ne consistait pas à renvoyer systématiquement les exploitants auprès de cet office mais à procéder de la sorte si les tenanciers le demandaient. Ils ne donnaient toutefois pas de détails quant aux interdictions de travail ou d'entrée prononcées à l'encontre des travailleuses du sexe mais uniquement l'information que la personne ne pouvait pas être en Suisse, si les exploitants ne parvenaient pas à obtenir un rendez-vous en vue de l'enregistrement et leur en demandaient les raisons. Pour sa part, il n'avait jamais donné de renseignements sur les contrôles des salons. Il n'avait pas non plus le souvenir d'avoir informé un exploitant d'éventuelle contravention que la recrue devait payer, ni qu'une telle pratique existait afin d'anticiper tout problème. À une occasion, il avait toutefois vu une travailleuse du sexe demander à son gérant de lui avancer de l'argent pour régler une amende.

Il avait connu C______ dans le cadre de son travail. Celui-ci lui avait donné des informations utiles car il surveillait le quartier D______ et y était bien implanté. C______ était mécontent de la présence de E______, qui lui faisait de la concurrence, et lui rappelait régulièrement que ce dernier faisait l'objet d'une interdiction d'exploiter. Les informations circulaient très vite aux D______. Les travailleuses du sexe, tout comme les exploitants, utilisaient des groupes WhatsApp pour se relayer les informations.

e.d. Au TP, W______ a expliqué qu'auparavant elle était travailleuse du sexe, avant de devenir réceptionniste dans un salon érotique. A______ avait contrôlé à plusieurs reprises l'établissement dans lequel elle travaillait. C______ était le "patron" [du quartier de] D______. E______ avait ouvert plusieurs salons, notamment à la rue 1______, alors même qu'il avait une interdiction d'exploiter, ce que tout le monde savait. Elle en avait discuté avec de nombreuses personnes, dont C______. Lorsque la police intervenait dans le quartier D______, ils avaient l'habitude de s'appeler entre eux pour se relayer l'information.

C. a.a. En appel, en lien avec l'extrait no 15, A______ a rappelé que C______ connaissait E______ tant du monde de la nuit que de celui du bâtiment. C______ l'avait informé que ce dernier était sur le point d'ouvrir un salon de massages, vu les travaux effectués dans les appartements, sis rue 1______, dans lesquels le tenancier avait installé des "filles". Ses collègues et lui avaient alors dénoncé l'intéressé qui faisait l'objet d'une interdiction d'exploiter, ce que C______ savait, sa réponse étant ironique et formulée de façon à savoir comment son concurrent avait alors pu obtenir l'autorisation d'ouvrir en dépit de cette interdiction. De son côté, il lui avait simplement rappelé ce fait, en mentionnant le salon situé à la route 6______, donnée que C______ détenait également pour avoir dénoncé au préalable les travaux effectués. Aucun dénonciateur du quartier D______ n'assumait ses actes, raison pour laquelle C______ avait minimisé son implication et ses connaissances lors de ses auditions.

S'agissant de l'extrait no 16, C______, qui avait été préalablement contacté par F______, avait informé celle-ci qu'il allait se renseigner pour savoir si elle pouvait travailler dans un de ses salons. Son interlocuteur l'avait alors contacté dans ce contexte. De son côté, il lui avait répondu que l'interdiction de séjour de la concernée était toujours en cours, information que C______ aurait pu aussi se procurer auprès de l'OCPM ou de la secrétaire du BTPI lors de la prise du rendez-vous. Préalablement avec son interlocuteur, ils avaient discuté de vive voix ou par téléphone de l'autorisation de celui-ci de se renseigner sur le statut de sa future recrue. Le but était de savoir si cette dernière pouvait travailler et, à défaut, de lui recommander de s'adresser au SEM afin de lever toute éventuelle interdiction. V______ n'avait jamais été confronté à ce type de cas en pratique.

Concernant l'extrait no 22, il arrivait que les travailleuses du sexe quittaient sans payer les salons dans lesquels elles exerçaient de sorte que les exploitants se vengeaient en annonçant une période de travail plus longue que celle réellement effectuée pour les empêcher de travailler. Après un refus d'autorisation, celles-ci dénonçaient souvent l'erreur, si bien que la BTPI tentait de savoir ce qu'il en était. Le but n'était pas fournir des informations interdites mais de comprendre et de régler une situation donnée. En pratique, les travailleuses du sexe, qui parlaient rarement le français ou l'anglais, mandataient les tenanciers de salons de massages pour qu'ils effectuent toutes démarches utiles pour elles. Les exploitants ne pouvaient effectivement que se renseigner sur leurs propres demandes mais, en s'adressant directement à l'OCPM ou à la police, ils pouvaient obtenir davantage d'informations.

L'extrait no 23 concernait une travailleuse du sexe dépourvue de jours disponibles sur son IMES, qui avait refusé que C______ dépose une demande de permis pour son compte en raison des impôts qu'elle aurait dû alors payer. Après avoir constaté qu'elle avait été engagée dans un autre salon situé dans son immeuble, C______ l'avait dénoncée, mécontent du non-respect des règles par certains tenanciers. De son côté, il avait précisé à son interlocuteur qu'elle était européenne car celui-ci souhaitait qu'elle soit renvoyée, situation délicate vu sa nationalité. Il a admis que le reste des données fournies au sujet de la concernée était inutile.

Pour ce qui était de l'extrait no 32, lorsqu'un tenancier prenait rendez-vous pour annoncer une de leurs futures recrues, les inspecteurs de la BTPI effectuaient des vérifications préalables, notamment en s'assurant que celle-ci n'avait pas d'amende à payer, information qu'ils fournissaient directement aux exploitants, leurs seuls interlocuteurs, afin d'éviter de devoir régler ce problème lors du rendez-vous. Il était incohérent d'imposer d'un côté des obligations aux tenanciers et de refuser de l'autre de les renseigner. Dans l'absolu, les informations inscrites au RIPOL n'étaient en effet pas dévoilées. Cela étant, cette manière de procéder arrangeait tout le monde, vu notamment la pression induite par les associations de défense des prostituées. Il n'était pas possible de faire signer aux futures recrues une procuration en faveur des gérants, raison pour laquelle cette pratique s'était développée au sein de la BTPI.

S'agissant de l'extrait no 41, il ignorait pourquoi il avait informé C______ du contrôle en question dès lors que celui-ci savait très certainement où se trouvait la police, cette donnée étant instantanément relayée au sein D______. Il lui avait toutefois uniquement indiqué qu'il finissait le contrôle avant de le rejoindre, sans intention de le prévenir d'une éventuelle inspection de ses salons dès lors que ni son binôme ni lui n'étaient chargés de les vérifier. V______ fournissait également ce type de renseignements mais s'était abstenu de l'admettre devant le premier juge.

Depuis près de quatre ans, cette procédure pénale, lourde de conséquences, avait eu un impact tant sur sa vie professionnelle que sur sa vie privée. Il avait toujours essayé d'être précis dans ses réponses et n'avait eu aucune intention de révéler des données indues, ayant simplement œuvré dans la continuité des pratiques existantes.

a.b. A______ a produit une note d'honoraires de son conseil à hauteur de CHF 5'200.- valant conclusions en indemnisation pour une activité de 10 heures et
30 minutes en appel, frais de débours et TVA inclus.

b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.

Il ne fuyait en aucun cas ses responsabilités mais tentait simplement d'expliquer le contexte et les pratiques de l'époque. Les travailleuses du sexe, qui ignoraient tout des aspects administratifs, mandataient les exploitants afin qu'ils effectuent les démarches requises pour qu'elles puissent exercer au sein de leurs salons. Cette manière de procéder permettait aux futures recrues de s'assurer un travail sans devoir se soucier des formalités et aux exploitants de respecter leurs obligations légales. La BTPI renseignait ainsi les tenanciers dans ce contexte, pratique cautionnée par la hiérarchie dans la mesure où cela protégeait aussi les travailleuses du sexe, lesquelles étaient ainsi informées de leur statut administratif et légal.

Les extraits nos 15, 16, 22 et 32 n'avaient à juste titre pas été retenus par le TP. C______ n'avait pas été sincère car il connaissait bien évidemment son concurrent E______ pour l'avoir dénoncé compte tenu de son interdiction d'exploiter, ce que deux témoins avaient confirmé. Ces éléments devaient conduire à son acquittement en vertu du principe in dubio pro reo. Pour ce qui était de F______, il avait simplement informé le mandataire qu'elle ne pouvait travailler en Suisse, renseignement que la concernée était en droit de connaître et qui entrait dans le mandat confié à l'exploitant. Il en allait de même de l'extrait no 22 puisque cette communication était couverte par le mandat confié par la travailleuse du sexe à C______. À suivre le MP, il était en droit d'informer le tenancier du solde de 30 jours de l'IMES mais non que la concernée avait déjà exercé "63 jours à G______", alors que ces données étaient équivalentes. La transmission de cette information était dans l'intérêt de la recrue qui pouvait ainsi mieux comprendre la décision. L'extrait no 32 ne concernait pas directement des données inscrites au RIPOL mais faisait uniquement l'objet de la contravention impayée, information que l'exploitant était en droit de connaître vu son mandat et ses obligations légales. Son acquittement devait ainsi être confirmé pour ces quatre extraits, aucune violation du secret de fonction n'entrant en considération.

Il en allait de même des deux seuls extraits litigieux. L'occurrence no 23 avait été scindée en deux par le premier juge alors même que l'intégralité de la conversation n'était pas secrète. L'intervention policière était connue de C______ qui avait dénoncé la travailleuse du sexe en question, dont il connaissait le statut administratif pour ne pas l'avoir employée pour ce motif. Il n'avait ainsi de son côté que confirmé des informations dont l'exploitant disposait déjà. Pour ce qui était de l'extrait no 41, le terme "contrôle", seul aspect problématique de cette conversation, était dans les faits connu dès lors que tous savaient que les policiers effectuaient des vérifications dans le quartier D______. Il était ainsi hypocrite de considérer que ce seul mot était couvert par le secret de fonction.

Ayant été impliqué dans deux procédures pénales, en sus de la procédure disciplinaire, les répercussions avaient été pour lui très éprouvantes, tant sur sa vie professionnelle que privée. Bien que le juge de première instance avait retenu à tort ces deux derniers extraits, il avait fait globalement preuve d'humanité vu le contexte particulier, en tenant compte des conséquences déjà subies et en prononçant une exemption de peine afin de lui laisser la possibilité de se reconstruire. Cette décision devait à tout le moins être suivie.

c. Le MP persiste dans ses conclusions.

Plusieurs policiers avaient eu une très grande proximité avec C______ et en avaient subi les conséquences. Cette dernière se traduisait par le partage d'informations couvertes par le secret de fonction. L'hypothèse du mandat conféré à l'exploitant, qui déboucherait sur un consentement général sur le plan pénal, ne tenait pas dès lors qu'elle impliquait que la travailleuse du sexe renonçait à toute protection de ses données et à ses droits. Il y avait au contraire certaines informations qui n'étaient pas couvertes par ce mandat. Le secret de fonction servait également les intérêts de l'État, de sorte qu'il fallait analyser si l'éventuel consentement pouvait entrer en considération au vu du contenu de chaque conversation. En tenant compte de cette situation particulière, le MP avait déjà effectué un tri des échanges litigieux, ayant notamment reconnu qu'une pratique existait sur la communication du solde de jours à disposition de l'IMES, ce qui excluait dans ce seul cas la réalisation de l'infraction.

Pour ce qui était de l'occurrence no 15, il était surprenant que C______, source fiable de renseignements et dénonciateur d'infractions, ait minimisé ses connaissances sur E______. Les informations concernant ce dernier avaient peut-être été rendues publiques par la suite mais rien n'indiquait qu'au moment de l'échange entre les concernés tel était le cas, étant relevé qu'une simple rumeur était insuffisante, seule une connaissance certaine excluant l'infraction. Pour engager une travailleuse du sexe, C______ devait uniquement savoir si celle-ci détenait un permis ou un IMES. Ni l'éventuelle interdiction d'entrée de la concernée en Suisse (extrait no 16) ni le lieu de son ancien travail (extrait no 22), voire de l'IMES déposé par son ancien gérant (extrait no 23), n'entraient dans le champ du mandat conféré. Il suffisait à A______ d'indiquer à son interlocuteur qu'il ne pouvait pas employer la travailleuse du sexe dans ces conditions, sans fournir d'autres données sur celle-ci, qu'elle aurait potentiellement souhaité garder secrètes. Le lien d'amitié entre les deux protagonistes avait poussé A______ à renseigner davantage son interlocuteur. L'intervention policière en cours (extrait no 23) confirmait ce fait. Si C______ avait été réellement présent et avait assisté à la scène, il n'aurait pas posé de questions au policier, étant relevé que ce dernier n'avait aucunement besoin de justifier pourquoi il ne pouvait pas "mettre dehors" la travailleuse du sexe en question, comme il l'avait pourtant prétendu. S'agissant des données inscrites au RIPOL (extrait no 32), U______ avait confirmé qu'elles n'étaient pas transmises aux tenanciers et que toute éventuelle contravention était communiquée directement à la travailleuse du sexe, sans avoir besoin de passer par l'exploitant. La BTPI s'organisait ensuite pour que la concernée puisse régler l'amende, si bien qu'un système avait été mis en place. Aucun élément ne permettait de retenir que la recrue avait donné son consentement également à la transmission de ce genre d'informations, qui plus est des plus sensibles, et ne faisant pas partie des données que les gérants avaient l'obligation d'obtenir. Pour ce qui était du contrôle (extrait no 41), le TP avait parfaitement compris l'enjeu de sorte qu'il fallait également retenir la culpabilité du prévenu.

Les agissements de A______, qui avaient nui à la réputation de la police, ne pouvaient être couverts par les pratiques de la BTPI. En tant que policier, il devait respecter ses devoirs, comprenant tant le respect du secret de fonction que la protection des données. Il était ainsi erroné de conclure qu'il n'y avait eu aucun dommage.

L'exemption de peine ne pouvait être prononcée, le licenciement et le divorce n'étant pas des conséquences directes des actes commis. Les conditions n'étaient ainsi pas remplies.

A______ s'était certes comporté correctement mais n'avait eu aucune prise de conscience et aucune réflexion sur ce qui aurait pu être fait différemment.

Alors qu'il avait bénéficié d'un classement à l'époque en lien avec plusieurs occurrences, le prévenu avait renoncé à une quelconque indemnité de sorte qu'il ne pouvait aujourd'hui réclamer davantage et être indemnisé pour le travail y afférant.

D. a. A______, ressortissant suisse né le ______ 1984, est séparé et père d'une fille de quatre ans, dont il a la garde alternée. En 2005, il a intégré l'école de police et a travaillé en tant qu'inspecteur principal au sein du groupe de prostitution de la BTPI, anciennement BMOE, de juin 2012 au 14 avril 2019. Il a été au chômage dès la fin de ses rapports de service intervenue le 28 février 2022. Lors de ses recherches d'emplois dans la sécurité, à la police du commerce et comme adjoint administratif, les employeurs intéressés par son profil se rétractaient dès qu'il les informait de la procédure pénale en cours, cause principale de la résiliation de ses rapports de service. Certains de ses collègues avaient été licenciés malgré le classement de leur procédure. Depuis le 1er décembre 2022, il exerce en qualité de cadre dans une entreprise de sécurité privée pour un salaire net de CHF 7'300.- par mois. Il déclare payer mensuellement CHF 388.- pour ses primes d'assurance-maladie ainsi que CHF 3'000.- pour son appartement situé à X______ [GE], dont il est l'unique propriétaire et qui est grevé d'une hypothèque de CHF 720'000.- qu'il amortit à raison de CHF 12'000.- par année. Il ignore le montant des frais de cantine et du parascolaire de sa fille, faute d'avoir reçu de factures à ce jour, mais ceux-ci devraient être moins élevés que les frais de garde de CHF 1'476.50 qu'il réglait auparavant.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il est sans antécédent.


 

EN DROIT :

1. L'appel et l'appel joint sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a). Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2.1. La violation du secret de fonction, au sens de l'art. 320 ch. 1 al. 1 CP, réprime le comportement de celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi. La révélation demeure punissable alors même que la charge ou l'emploi a pris fin.

L'art. 320 CP protège principalement l'intérêt de la collectivité à la discrétion des fonctionnaires et membres des autorités nécessaires à l'accomplissement sans entrave des tâches de l'État. L'intérêt des particuliers au secret peut toutefois également être touché (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1369/2016 du 20 juillet 2017 consid. 4.3.1).

2.2.2. L'infraction de violation du secret de fonction est un délit propre pur. Elle ne peut être commise que par un fonctionnaire ou par un membre d'une autorité. Sont notamment des fonctionnaires les employés d'une administration publique et de la justice (art. 110 al. 3 CP ; ATF 142 IV 65 consid. 5.1).

Pour que l'art. 320 CP s'applique, il faut que le secret ait été confié à l'auteur en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire ou qu'il en ait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi (ATF 115 IV 233 consid. 2c aa). Ne sont dès lors pas couverts par le secret de fonction les faits touchant l'activité officielle de l'auteur que celui-ci a appris ou aurait pu apprendre, comme tout autre citoyen, en dehors de son service, ceux qu'il aurait pu apprendre sans autre à titre privé ou encore dont il aurait eu le droit d'être informé (ATF 115 IV 233 consid. 2c/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_532/2017 du 28 février 2018 consid. 2.1 = SJ 2018 I 260).

Il n'y a ainsi pas de violation du secret si le destinataire en a déjà une connaissance fiable et complète (arrêts du Tribunal fédéral 6B_825/2019 et 6B_845/2019 du 6 mai 2021 consid. 5.4.1).

2.2.3. Le secret est un fait qui n'est connu que d'un nombre restreint de personnes, que son détenteur veut maintenir secret et dont le maintien répond à un intérêt. Il se définit matériellement, de sorte qu'il n'est pas nécessaire que l'autorité concernée ait déclaré secret le fait en question. Révèle un secret celui qui le confie à un tiers non habilité à le connaître ou qui permet que ce tiers en prenne connaissance (ATF 142 IV 65 consid. 5.1). Il ne peut s'agir d'un fait ayant déjà été rendu public ou qui est accessible sans difficulté à toute personne souhaitant en prendre connaissance (ATF 114 IV 44 consid. 2). Il faut en outre qu'il existe un intérêt légitime à ce que le fait soumis au secret ne soit connu que d'un cercle déterminé de personnes, et que le détenteur du secret veuille maintenir celui-ci (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 et
127 IV 122 consid. 1). Cet intérêt peut être celui de la collectivité publique (Confédération, canton ou commune) ou celui de particuliers. Un indice de la présence d'un intérêt légitime au maintien du secret est donné lorsqu'une loi prévoit un devoir de discrétion du fonctionnaire ou du membre d'une autorité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_105/2020 du 3 avril 2020 consid. 1.1). La volonté de tenir une information secrète peut résulter de la nature de l'information, des intérêts en jeu et de l'usage qui doit en être fait (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 19 ad art. 320).

Il n'y aura violation de la loi que si le tiers a effectivement pris connaissance du secret (M. DUPUIS et al. [éds], op. cit., n. 1 ad art. 320).

2.2.4. Dans une affaire récente (arrêt 6B_1034/2022 du 21 avril 2023), le Tribunal fédéral a notamment confirmé le reproche fait au prévenu d'avoir révélé l'existence et le contenu de pièces à conviction versées à un dossier d'investigation policière, soit d'avoir divulgué le fait même que la police disposait au dossier d'une investigation policière de photographies d'une manifestation, respectivement de moyens de preuves susceptibles de permettre l'identification de certains manifestants (consid. 1.4.1).

La communication d'un fait négatif, tel que le fait qu'une personne n'est pas visée par une enquête ou qu'il n'y a pas de constatations policières contre une personne spécifique, constitue également un secret au sens de l'art. 320 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_825/2019 et 6B_845/2019 du 6 mai 2021 consid. 5.3.3).

2.2.5. Au plan subjectif, l'infraction réprimée par l'art. 320 CP est intentionnelle. Le dol éventuel suffit (ATF 127 IV 122 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1369/2016 du 20 juillet 2017 consid. 4.1).

La négligence n'est pas punissable d'un point de vue pénal, mais peut avoir des conséquences disciplinaires (M. DUPUIS et al. [éds], op. cit., n. 32 ad art. 320). La négligence est l'imprévoyance coupable commise par celui qui, ne se rendant pas compte des conséquences de son acte, agit sans user des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).

2.2.6.1. L'art. 320 ch. 2 CP prévoit que la révélation du secret n'est pas punissable dans la mesure où elle a été faite avec le consentement écrit de l'autorité supérieure. D'autres faits justificatifs légaux (par exemple les art. 74-75 CPP, 3c LStup, 104 LCR) ou extralégaux (consentement de la victime, sauvegarde d'intérêts légitimes) sont également susceptibles d'entrer en ligne de compte (arrêt du Tribunal fédéral 6B_572/2018 du 1er octobre 2018 consid. 3.5.1). Dans la mesure où la révélation est licite en vertu d'une loi (art. 14 CP), il n'y a plus besoin d'obtenir le consentement de l'autorité supérieure afin de révéler le secret (M. DUPUIS et al. [éds], op. cit., n. 39 ad art. 320).

2.2.6.2. Le maître du secret est en principe l'autorité et non un particulier. Cela étant, on peut admettre comme fait justificatif – sur un plan purement pénal – le consentement de l'intéressé, lorsque la révélation porte sur les données personnelles d'un seul administré, que le secret ne touche que sa seule sphère privée et que ce dernier a donné son consentement à la divulgation desdites données. On ne peut en revanche pas l'admettre dans d'autres circonstances, et notamment lorsqu'il y a un intérêt indépendant au maintien du secret (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 52 ad art. 320 ; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd., Berne 2010, n. 47 ad art. 320).

Même si la collectivité est en principe considérée comme le maître du secret, il reste à examiner dans chaque cas concret si, outre l'intérêt privé de l'individu, il existe effectivement un intérêt public autonome au maintien du secret. En l'absence d'un tel intérêt autonome de la collectivité, le consentement de la personne à la révélation du secret de fonction la concernant exclusivement doit avoir un effet justificatif
(M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 137-392 StGB, Jugendstrafgesetz, 4ème éd., Bâle 2019, n. 13 ad art. 320).

Le consentement n'est en effet susceptible d'avoir un effet justificatif que si l'ayant-droit peut valablement disposer des intérêts lésés. Il faut en conséquence que l'acte lèse des intérêts particuliers. S'il s'agit d'une infraction au préjudice de la collectivité ou de l'État, le consentement du particulier lésé ne permettra pas de rendre l'acte licite. Quant au "consentement" de la collectivité, respectivement de l'État, il doit être analysé sous l'angle de l'autorisation et de l'exigence de la base légale (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 66 à n. 70 ad art. 14).

Le consentement peut être donné tacitement ou par actes concluants. Il peut aussi être donné sous réserve de la réalisation de conditions. Il est évident que pour être couverte par le consentement, l'action incriminée devra rester dans le cadre fixé par celui-ci. Ainsi, le consentement donné de manière générale, par exemple dans le cadre de conditions générales, ne sera en principe pas valable en droit pénal (L. MOREILLON et al. [éds], op. cit., n. 71 ad art. 14).

2.2.6.3. Le devoir de fonction peut constituer un fait justificatif (ATF 114 IV 44 consid. 3b = JdT 1989 IV 51). L'exercice d'une profession déterminée ne suffit cependant pas pour supprimer le caractère illicite d'un acte car celui qui l'exerce ne jouit pas pour autant de droits plus étendus que les autres citoyens. Encore faut-il pour rendre l'acte licite que le devoir de profession invoqué découle d'une norme juridique, écrite ou non (arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2007 du 11 octobre 2007 consid. 4.2).

L'agent de police qui commet une infraction dans le cadre de l'accomplissement de ses fonctions peut faire valoir cette disposition s'il a agi dans le respect du principe de la proportionnalité (sur la question, cf. ATF 141 IV 417 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_689/2012 du 3 avril 2013 consid. 2.4 ; 6B_288/2009 du 13 août 2009 consid. 3.3 et 3.5 ; 6B_20/2009 du 14 avril 2009 consid. 4.1 et 4.4.2). Il faut donc se demander si le préjudice porté aux droits de tiers n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre le but qui le justifie (ATF 107 IV 84 consid. 4 et 4a ;
94 IV 5 consid. 1 et 2a).

2.2.6.4. L'existence d'un motif justificatif non prévu par la loi, telle la sauvegarde d'intérêts légitimes, ne doit être admise que restrictivement. Sa reconnaissance est soumise à des exigences particulièrement sévères dans l'appréciation de la subsidiarité et de la proportionnalité. Ces conditions ne sont réunies que lorsque l'acte illicite ne constitue pas seulement un moyen nécessaire et approprié pour la défense d'intérêts légitimes d'une importance nettement supérieure à celle des biens protégés par la disposition violée, mais si cet acte constitue, en outre, le seul moyen possible pour cette défense. Ces conditions sont cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1369/2016 du 20 juillet 2017 consid. 6.1).

2.3.1. Celui qui croit pouvoir révéler un secret en raison de sa mission croit à l'existence d'un fait justificatif prévu par l'art. 14 CP et invoque en définitive une erreur sur l'illicéité (art. 21 CP) ; il faut donc qu'il ait eu des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir, c'est-à-dire que l'on ne puisse lui reprocher de ne pas avoir correctement élucidé la question (B. CORBOZ, op. cit., n. 44 ad art. 320).

2.3.2. Aux termes de l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable.

L'erreur sur l'illicéité vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite. La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels. Pour exclure l'erreur de droit, il suffit que l'auteur ait eu le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit ou qu'il eût dû avoir ce sentiment. Toutefois, la possibilité théorique d'apprécier correctement la situation ne suffit pas à exclure l'application de l'art. 21, 1ère phr., CP. Ce qui est déterminant, est de savoir si l'erreur de l'auteur peut lui être reprochée (ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2019 du 11 février 2019 consid. 2.1 non publié aux ATF 145 IV 17).

Les conséquences pénales d'une erreur sur l'illicéité dépendent ainsi de son caractère évitable ou inévitable. L'auteur qui commet une erreur inévitable est non coupable et doit être acquitté (art. 21, 1ère phr., CP). Tel est le cas s'il a des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir, c'est-à-dire lorsqu'aucun reproche ne peut lui être adressé parce que son erreur provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur tout homme consciencieux. Celui dont l'erreur sur l'illicéité est évitable commet une faute, mais sa culpabilité est diminuée. Il restera punissable, mais verra sa peine obligatoirement atténuée (art. 21, 2ème phr., CP). L'erreur sera notamment considérée comme évitable lorsque l'auteur avait ou aurait dû avoir des doutes quant à l'illicéité de son comportement ou s'il a négligé de s'informer suffisamment alors qu'il savait qu'une réglementation juridique existait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_428/2021 du 18 novembre 2021 consid. 2.1).

2.4. Selon l'art. 24 de la loi genevoise sur la police (LPol), le personnel de la police est tenu au devoir de réserve (al. 1). Il est tenu au secret pour toutes les informations dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions dans la mesure où la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001, ou les instructions reçues ne lui permettent pas de les communiquer à autrui (al. 2). L'art. 73 CPP, qui fait obligation aux membres des autorités de poursuite pénale de garder le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle, est réservé (al. 3). La violation du secret de fonction est sanctionnée par l'art. 320 CP, sans préjudice du prononcé de sanctions disciplinaires (al. 5). Le chef du département est l'autorité compétente pour lever le secret de fonction (al. 6).

2.5.1. L'art. 12 LProst oblige le responsable d'un salon à tenir constamment à jour et en tout temps à disposition de la police, à l'intérieur du salon, un registre mentionnant l'identité, le domicile, le type d'autorisation de séjour et/ou de travail et sa validité, les dates d'arrivée et de départ des personnes exerçant la prostitution dans le salon ainsi que les prestations qui leur sont fournies et les montants demandés en contrepartie (let. a). Il doit notamment s'assurer qu'elles ne contreviennent pas à la législation, notamment celle relative au séjour et au travail des étrangers (let. b).

2.5.2. À teneur de l'art. 2 al. 2 RProst, la police cantonale, soit pour elle la BTPI, est compétente pour recevoir les personnes qui se prostituent et procéder à leur enregistrement ainsi qu'à leur inscription dans le fichier des personnes qui se prostituent (let. a) ; recevoir les annonces des personnes qui cessent toute activité liée à la prostitution (let. b) ; recevoir les personnes responsables de salons et d'agences d'escorte et procéder à leur enregistrement (let. c) ; recevoir les communications et informations des personnes responsables de salons et d'agences d'escorte ainsi que les alertes en cas de constat d'infractions (let. d).

2.6. Selon l'art. 301 CPP, chacun a le droit de dénoncer des infractions à une autorité de poursuite pénale, par écrit ou oralement (al. 1). L'autorité de poursuite pénale informe le dénonciateur, à sa demande, sur la suite qu'elle a donnée à sa dénonciation (al. 2). Le dénonciateur qui n'est ni lésé, ni partie plaignante ne jouit d'aucun autre droit en procédure (al. 3).

Si le dénonciateur en fait la demande, il doit être informé de la suite qui a été donnée à sa dénonciation, notamment lorsque celle-ci a été déposée auprès de la police, compétence appartenant à l'autorité de poursuite pénale qui statue sur le sort de la dénonciation, à savoir le ministère public ou à l'autorité compétente en matière de contravention. L'autorité ne peut pas communiquer au dénonciateur le jugement qui a été rendu, mais doit se limiter à lui communiquer la décision prise, à savoir une ordonnance de non-entrée en matière, une ordonnance pénale, un classement ou encore une mise en accusation. L'autorité n'a pas à fournir d'autres éléments et n'a pas à se justifier, sauf à commettre une violation du secret de fonction (art. 320 CP) et de la procédure (art. 73 CPP) (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds.], Commentaire romand, Code de procédure pénale, 2ème éd., 2019, Bâle, n. 3 ad art. 301).

2.7.1. En l'occurrence, il est établi qu'en sa qualité de policier, le prévenu a envoyé à C______ les messages incriminés des 12 mars 2017, 18 avril 2017, 15 septembre 2017, 1er au 2 novembre 2017, 8 janvier 2018 et 30 novembre 2018, via l'application WhatsApp de son téléphone professionnel, sans qu'il n'y ait lieu de douter que ce dernier les ait reçus et ait ainsi eu tout le loisir d'en prendre connaissance, au vu du fil de discussions entre les précités versé à la procédure.

Ces messages contenaient des données personnelles et sensibles relatives à des travailleuses du sexe ainsi qu'à des exploitants, obtenues par le prévenu dans le cadre de ses fonctions et inscrites notamment dans le fichier K______ "______", au journal des événements de la police ou encore au système RIPOL, dont la teneur est la suivante : E______, gérant de salons érotiques, était interdit d'exploiter pour une durée de dix ans (extrait no 15) ; F______ était interdite de séjour en Suisse du 10 octobre 2016 au 9 octobre 2018 (extrait no 16) ; une travailleuse du sexe, non identifiée, avait déposé deux IMES à G______, le détail du nombre de jours effectués et le solde disponible étant également mentionnés (extrait no 22) ; H______, européenne et qui avait annoncé son départ à l'étranger à la fin de la validité de son permis, en juin 2017, refusait d'ouvrir la porte lors d'un contrôle de police au sein d'un salon de massages et n'avait plus la possibilité de déposer un IMES dans la mesure où la dernière autorisation sollicitée, pour la période du 10 au 16 octobre 2017, lui avait été refusée, si bien que la concernée allait être amendée (extrait no 23) ; une travailleuse du sexe dominicaine, non identifiée, était sous mandat zurichois pour une amende de CHF 300.- impayée (extrait no 32) ; I______, gérant de salons érotiques, était en train de faire l'objet d'un contrôle de police (extrait no 41).

2.7.2. Il ressort incontestablement du dossier et de la nature même du fichier K______, du système RIPOL et du journal des évènements de la police, que ceux-ci sont hautement sensibles, puisqu'ils répertorient des données policières de particuliers, ainsi que, pour le premier cité, de travailleuses du sexe, et les informations personnelles concernant leur identité et leur situation administrative (soit notamment leur nom, prénom, date et lieu de naissance, origine, adresse, alias, date de recensement, numéros de téléphone et informations relatives au titre de séjour). Le simple fait de figurer dans ces fichiers constitue déjà, une donnée personnelle sensible, raison pour laquelle leur accès est limité.

L'intérêt légitime que les personnes figurant dans ces fichiers ont à ce qu'ils soient maintenus secret est manifeste, en particulier en ce qui concerne les travailleuses du sexe au vu de leur position vulnérable liée à la nature de leurs activités.

De surcroît, ces informations ont trait à l'activité policière et sont donc par définition sensibles, l'institution n'ayant pas vocation à partager les détails de son activité mais devant au contraire en préserver la confidentialité pour pouvoir remplir sa mission.

Ainsi, les données transmises revêtent manifestement la qualité de secret au sens de l'art. 320 CP.

Reste à déterminer si le prévenu était en droit de divulguer ces informations. À cet égard et contrairement à ce qu'il soutient, l'art. 12 let. b LProst ne vise que les exploitants de salons érotiques et ne lui confère ainsi aucun droit. Seul le consentement de l'intéressé à la divulgation de renseignements le concernant peut éventuellement entrer en considération, ni le devoir de fonction, ni la sauvegarde d'intérêts légitimes n'étant applicables au vu des faits reprochés et des circonstances du cas d'espèce.

2.7.3.1. L'extrait no 15 concerne des données personnelles touchant à la seule sphère privée de E______ et il ne ressort pas du dossier qu'il aurait consenti à la divulgation de telles informations, ce qui exclut ainsi un quelconque fait justificatif.

Cela étant, au vu des témoignages de W______ et de V______, qui corroborent la version du prévenu, un doute subsiste quant à savoir si l'interdiction d'exploiter dont faisait l'objet le concerné était connue d'un large cercle de personnes, dont C______ et ce, malgré les déclarations contraires de ce dernier. En effet, même s'il était considéré comme une source fiable de renseignements par la police, il n'apparaît pas invraisemblable qu'il n'ait pas souhaité s'exposer davantage lors de son audition, étant relevé qu'il faisait également l'objet d'une procédure pénale en cours, de sorte qu'il n'est pas surprenant qu'il ait minimisé ses connaissances. C______ n'a semblé par ailleurs en aucun cas surpris de cette communication lors de l'échange litigieux. Au contraire, la manière dont il a engagé la conversation, puis répondu, laisse penser qu'il s'est étonné que le concerné ait pu ouvrir un salon, ce qui tendrait à démontrer qu'il était déjà en possession de cette information, même si le dossier ne permet pas de l'établir de manière certaine, en particulier au vu des déclarations contradictoires des protagonistes.

Ainsi, en vertu du principe in dubio pro reo, il convient donc de retenir la version la plus favorable au prévenu et il doit être considéré que ce dernier n'a pas violé son secret de fonction dès lors que son interlocuteur connaissait déjà l'information divulguée. L'acquittement de l'intimé sera donc confirmé pour cette occurrence.

2.7.3.2. Pour ce qui est des échanges nos 16 et 22, il sied de préciser que les données communiquées concernent exclusivement la sphère privée des deux travailleuses du sexe, de sorte que le maintien du secret ne sert ici pas les intérêts de l'État mais bien ceux des administrées.

À l'instar du TP, la Cour considère qu'il convient de tenir compte du contexte particulier du fonctionnement de la BTPI à l'époque des faits litigieux et des pratiques mises en place et tolérées par la hiérarchie, ce dont le MP a également conscience pour avoir classé une partie des occurrences reprochées pour ce motif.

Or, il ressort du dossier, s'agissant de l'extrait no 16, que F______ avait préalablement contacté C______ pour qu'il se renseigne sur sa situation, notamment administrative, ce qu'il a fait, dès lors qu'elle souhaitait travailler dans un de ses salons mais qu'étant dépourvue d'un passeport valable en automne 2016, elle avait été renvoyée de Suisse à l'époque par les autorités zurichoises, information qu'elle a communiquée au gérant. Agissant pour le compte de la travailleuse du sexe et en accord avec celle-ci, à laquelle il a confirmé qu'il allait se renseigner auprès de la police genevoise, il a contacté l'intimé.

Il s'ensuit que C______ s'est adressé à ce dernier avec le consentement de la travailleuse du sexe, si bien qu'il faisait partie des tiers autorisés à recevoir ce renseignement, ce qui exclut la révélation d'un secret. Une telle façon de procéder apparaît également conforme aux obligations des gérants, lesquels doivent s'assurer que leurs recrues ne contreviennent pas à la législation, notamment en matière du droit des étrangers, en vertu de l'art. 12 let. b LProst.

Tant le prévenu que les témoins V______ et U______ ont par ailleurs confirmé qu'il appartenait au gérant de fournir toutes les informations utiles sur les travailleuses du sexe et qu'il était parfois difficile pour celles-ci de comprendre la législation en la matière, raison pour laquelle elles mandataient l'exploitant pour qu'il effectue, pour leur compte, toutes les démarches utiles à l'obtenir d'une autorisation d'exercer.

Il importe peu de savoir si le prévenu s'était préalablement assuré que C______ était en droit de recevoir ces informations dans la mesure où tel était bien le cas. Ses agissements n'ont ainsi pas lésé des intérêts particuliers.

Dans ces conditions et compte tenu de la pratique existante à l'époque, il ne peut être considéré que le prévenu a violé son secret de fonction en communiquant une information qu'il était en droit de révéler.

Il en va de même de l'échange no 22. Le MP a reconnu que la communication aux gérants du solde de jours de l'IMES était usuelle. Une telle pratique, qui existait notamment au sein de la BTPI, impliquait que l'exploitant connaissait également le nombre de jours déjà utilisés, ce qui a été confirmé par les témoins V______ et U______.

Or, il ressort de la conversation litigieuse que la travailleuse du sexe souhaitait exercer au sein de l'un des salons appartenant à C______, lequel était le cas échéant prêt à demander un permis pour son compte en l'absence d'un solde de jours disponibles. La concernée avait ainsi mandaté l'exploitant pour qu'il effectue ces démarches, qui impliquaient nécessairement qu'il obtienne des renseignements sur l'IMES en cours.

Le prévenu n'était certes pas légitimé de manière générale à informer un exploitant de l'ancien lieu de travail de sa future recrue. Cela étant, dans le cas présent, le prévenu a uniquement précisé qu'elle avait travaillé précédemment à G______, soit en Suisse, sans mentionner ni le nom du gérant, ni celui du salon dans lequel elle avait exercé, afin que C______ dispose des informations nécessaires pour les démarches à effectuer pour sa future recrue, celle-ci ne disposant pas de toutes les données utiles. De par le mandat qu'elle avait conféré à C______, la travailleuse du sexe a ainsi implicitement consenti à ce que ce dernier obtienne également ce type de renseignements.

Par conséquent, C______ faisait partie des tiers autorisés à recevoir cette information, si bien qu'il n'y a pas eu de révélation d'un secret et ce, en dépit du fait que le prévenu n'a effectué aucune vérification à cet égard.

Partant, il ne peut être considéré que le prévenu a violé son secret de fonction. Son acquittement sera donc confirmé également pour ces deux occurrences.

2.7.3.3. Il en va toutefois différemment concernant H______ (extrait no 23). Contrairement aux deux autres occurrences, la concernée n'avait pas mandaté C______ pour qu'il se renseigne à son sujet. Le prévenu n'avait ainsi aucun droit de communiquer à ce dernier des données la concernant, qui plus est sensibles car inscrites tant dans le ficher K______ que dans le journal des événements de la police et que C______ ne pouvait pas obtenir par une autre voie, n'étant pas le gérant employant la travailleuse du sexe en question.

Il importe peu que cette dernière ait préalablement souhaité exercer chez C______, ce qui n'est au demeurant pas établi au vu des déclarations contradictoires de ce dernier. En effet, à teneur de la conversation entre les protagonistes et des questions posées par C______, on perçoit que celui-ci ignorait tant les détails du statut administratif que la provenance de l'intéressée, données que le prévenu n'avait pas besoin de communiquer, étant relevé qu'il n'avait en tout état pas à expliquer, encore moins justifier, si des mesures administratives devaient ou non être prises à l'égard de l'intéressée.

En fournissant spontanément ces renseignements, le prévenu a ainsi violé son secret de fonction, ce qu'il a eu demeurant reconnu, concédant que certaines des informations transmises étaient inutiles.

Il en va de même de l'intervention policière en cours et des sanctions infligées. Il est en effet notoire qu'un policier ne peut communiquer ce type de renseignements, quand bien même le dénonciateur est en droit d'être informé du sort d'une dénonciation pénale. Contrairement au TP, la Cour considère que le déroulement d'une telle intervention est couvert par le secret de fonction, nécessaire à l'accomplissement sans entrave des tâches de l'État. L'intervention policière est inscrite de surcroît dans le journal des événements de la police, ce qui tend à confirmer l'importance de sa confidentialité. Quand bien même C______ était informé de la présence de la travailleuse du sexe dans l'immeuble pour l'avoir vue en robe de nuit dans l'escalier, comme le soutient le prévenu, rien n'indique qu'il était certain qu'elle exerçait au sein d'un autre salon de massages de manière illégale, information que le prévenu lui a pourtant confirmée, à l'instar de la stratégie policière déployée pour arrêter la concernée. Peu importe que ces dernières données, la travailleuse du sexe refusant initialement d'ouvrir la porte, les policiers envisageant de défoncer cette dernière, apparaissent anecdotiques dès lors qu'elles restent couvertes par le secret de fonction. Les questions posées par C______ démontrent par ailleurs qu'il ignorait le déroulement des faits, en dépit de son éventuelle présence dans l'immeuble. Le prévenu n'avait ainsi aucun droit de dévoiler ou même de confirmer ces éléments.

Aucune erreur sur l'illicéité n'entre en considération (art. 21 CP). Au vu des pratiques policières de l'époque, le prévenu ne pouvait ignorer qu'il n'était pas en droit de divulguer de tels renseignements à un tenancier tiers. Il a au contraire agi intentionnellement, conscient de l'illicéité de ses actes, dans l'unique but de satisfaire la curiosité de C______, dénonciateur reconnu des services de police, afin d'entretenir, certainement, un contact étroit avec celui-ci.

Ainsi, le prévenu sera reconnu coupable de violation du secret de fonction
et le jugement de première instance modifié en ce sens.

2.7.3.4. S'agissant de l'extrait no 32, l'information divulguée sur la travailleuse du sexe, sous mandat zurichois pour une amende de CHF 300.- impayée, provient du système RIPOL, dont l'accès est extrêmement limité vu la confidentialité des données y figurant. Les témoins U______ et V______ ont confirmé que ces renseignements n'étaient jamais transmis à des tiers, y compris ceux relatifs aux contraventions impayées. Selon les précités, aucune pratique n'avait été mise en place au sein de la BTPI afin d'anticiper tout problème lors de l'enregistrement d'une travailleuse du sexe. Au contraire, les inspecteurs, qui étaient prévenus à l'avance via le calendrier partagé, s'organisaient directement avec la concernée lors du
rendez-vous pour qu'elle règle la contravention, en l'accompagnant afin qu'elle s'acquitte de l'amende ou en prévenant, en accord avec celle-ci, un tiers pour qu'il vienne la payer pour son compte. Il existait ainsi une procédure au sein même de la BTPI qui ne nécessitait en aucun cas d'avertir au préalable les tenanciers, lesquels, contrairement à ce que soutient le prévenu, n'ont aucune d'obligation d'obtenir ce type de données, tâche incombant uniquement à la BTPI qui procède à des vérifications avant toute procédure d'annonce.

Au vu de ce qui précède, la Cour considère que le mandat conféré par la travailleuse du sexe au gérant de salons n'englobait pas la transmission de ce type d'informations dans le mesure où la communication de cette donnée est uniquement du ressort de la BTPI, de sorte que les agissements du prévenu ne sont pas couverts par le consentement de l'intéressée.

De surcroît, ces données ne servent pas uniquement les intérêts privés des particuliers, dès lors qu'il existe un intérêt indépendant et prépondérant de l'État au maintien du secret des informations issues du système RIPOL, ne serait-ce que pour éviter que les personnes concernées ne se soustraient aux autorités.

L'erreur sur l'illicéité (art. 21 CP) n'entre pas non plus en considération pour cette occurrence compte tenu de la procédure mise en place par la BTPI, ce que le prévenu ne pouvait ignorer. Il a en effet confirmé que, dans l'absolu, les informations inscrites au RIPOL n'étaient pas dévoilées et qu'il avait procédé de la sorte uniquement pour faciliter le processus. Il a ainsi agi intentionnellement, contournant la procédure usuelle pour gagner du temps.

Ainsi, le prévenu sera également reconnu coupable de violation du secret de fonction pour cette occurrence et le jugement de première instance modifié en ce sens.

2.7.3.5. L'extrait no 41 fait état du contrôle de police en cours dans l'un des salons de massages de I______.

Ici encore, le prévenu n'a pas su expliquer la nécessité de cette communication, alléguant que son interlocuteur était certainement déjà informé de l'arrivée de la police dans le quartier D______, vu la transmission instantanée de ce type de renseignement. On peine également à comprendre l'utilité de cette communication si le but était uniquement d'avertir C______ de sa présence afin de convenir d'un prochain rendez-vous, comme il le prétend pourtant. Il aurait en effet pu simplement lui confirmer qu'il était bientôt disponible, sans mentionner ses faits et gestes, qui plus est en lien avec le contrôle d'un salon à proximité du sien. Même si, comme il le soutient, il avait agi par mégarde, sans aucune intention de prévenir son interlocuteur d'une éventuelle inspection, il a communiqué à un tiers des données couvertes par le secret de fonction, et ce, sans un quelconque fait justificatif, le témoin V______, ayant en particulier indiqué qu'il n'était pas d'usage de communiquer une telle information.

Aucun élément au dossier ne permet de mettre le prévenu au bénéfice de l'art. 21 CP de sorte qu'il a violé son secret de fonction intentionnellement ou à tout le moins par dol éventuel.

2.7.4. Partant, l'appelant joint sera reconnu coupable de violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 al. 1 CP) en lien avec les extraits nos 23, 32 et 41, et acquitté pour le surplus. Le jugement de première instance sera réformé en ce sens.

3. 3.1. La violation du secret de fonction est réprimée d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2. Le nouveau droit des sanctions, entré en vigueur après la commission de certains faits (1er janvier 2018), est plus favorable au prévenu lorsque seule une peine pécuniaire entre en ligne de compte, puisque le quantum de la peine menace est de 180 jours amende (art. 34 al. 1 CP) et non plus de 360 jours amende (arrêt du Tribunal fédéral 6B_712/2018 du 18 décembre 2019 consid. 3.1).

Au regard de la peine qui sera fixée ci-après (cf. consid. 3.4), il convient d'appliquer celui-ci pour l'ensemble des faits reprochés afin de tenir compte du concours réel d'infractions (art. 2 al. 2 CP).

3.3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.3.2. Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, il peut être réduit à CHF 10.-. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

3.3.3. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Si le juge suspend totalement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

3.3.4. Le juge peut prononcer, en plus d'une peine avec sursis, une amende selon l'art. 106 CP (art. 42 al. 4 CP). L'amende immédiate se justifie lorsque le sursis peut être octroyé, mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2 ; 134 IV 60 consid. 7.3.2).

3.3.5. Aux termes de l'art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à la renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

Ne peut se prévaloir de cette disposition que celui qui est directement atteint par les conséquences de son acte. Tel est notamment le cas si l'auteur a subi des atteintes physiques résultant de la commission même de l'infraction, – par exemple s'il a été blessé lors de l'accident qu'il a provoqué – ou psychiques – comme celles qui affectent une mère de famille devenue veuve par suite de l'accident de la circulation qu'elle a causé. En revanche, les désagréments dus à l'ouverture d'une instruction pénale, le paiement de frais de procédure, la réparation du préjudice, ainsi que la dégradation de la situation financière, le divorce ou le licenciement consécutifs à l'acte délictueux, ne constituent que des conséquences indirectes de l'infraction, sans pertinence au regard de l'art. 54 CP (ATF 117 IV 245 consid. 2a).

3.4.1. Malgré l'acquittement partiel de l'appelant joint, sa faute n'est pas anodine. À trois reprises, il a transmis à un tiers non autorisé, par messages via son téléphone professionnel, des informations sensibles concernant tant des gérants de salons érotiques, potentiellement concurrents, que des travailleuses du sexe exerçant une profession dans laquelle elles sont particulièrement vulnérables, après avoir obtenu ces données dans le cadre de ses fonctions de policier. Ce faisant, il s'en est pris au bon fonctionnement des institutions publiques, à la confiance placée dans les autorités et à la protection de la sphère privée garantie à chaque citoyen.

Il a agi par convenance personnelle, très certainement dans le but de maintenir des contacts étroits avec un dénonciateur reconnu afin de faciliter ses futures enquêtes, sans se soucier des conséquences potentielles de la transmission de telles informations à un tiers, et sans considération pour le droit à la protection des données des personnes concernées, ni pour la confidentialité des renseignements de la police.

La situation personnelle de l'appelant joint ne justifie en rien son comportement. Au contraire, ses nombreuses années d'expérience dans la police, qui plus est pour la majorité d'entre elles dans un quartier sensible, auraient dû l'amener à agir conformément à la loi.

Sa collaboration à la procédure a été partielle. Il a répondu à toutes les questions de manière précise, tout en cherchant à justifier et à légitimer ses agissements jusqu'en appel. Bien qu'embryonnaire, sa prise de conscience apparaît toutefois amorcée, l'appelant joint ayant concédé devant la CPAR un certain laxisme de sa part, concernant notamment les extraits nos 23 et 41 des conversations litigieuses.

Il n'a pas d'antécédent, ce qui est un facteur neutre pour la peine.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'exemption de peine en application de l'art. 54 CP n'entre pas en considération dès lors que, conformément à la jurisprudence susvisée, la séparation ou le licenciement consécutif à l'acte délictueux et ce, pour autant qu'un lien de causalité avec les actes commis soit établi, ne constituent que des conséquences indirectes de l'infraction, sans pertinence au regard de l'art. 54 CP. En toute hypothèse, vu la faute et la faible prise de conscience de l'intéressé, ainsi qu'à des fins de prévention spéciale, une telle exemption de peine ne se justifie nullement.

3.4.2. Le prononcé d'une peine pécuniaire, assortie du sursis, est acquis à l'appelant joint (art. 34 et 42 al. 1 CP, art. 391 al. 2 CPP). Une quotité de 50 jours-amende, à CHF 160.- l'unité, tient adéquatement compte de sa faute et de sa situation personnelle et économique, le montant du jour-amende retenu dans l'ordonnance pénale n'ayant du reste fait l'objet d'aucun grief. Un délai d'épreuve de deux ans apparaît suffisant (art. 44 al. 1 CP), compte tenu de la durée de la procédure et du fait que l'intéressé ne travaille plus dans la police.

La sanction prononcée permettant d'atteindre les objectifs de prévention spéciale, il sera renoncé à infliger à l'appelant joint une amende à titre de sanction immédiate.

Par conséquent, l'appel du MP est partiellement admis et le dispositif sera réformé dans la mesure qui précède.

4. 4.1. Selon l'art. 428 al. 1, première phrase, CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. Selon l'al. 3, si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure.

Pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_369/2018 du 7 février 2019 consid. 4.1 non publié aux ATF 145 IV 90).

4.2.1. Le prévenu, appelant joint, qui succombe par moitié dans la mesure où il est condamné pour trois des six occurrences retenues dans l'ordonnance pénale, supportera 50 % des frais de la procédure préliminaire et de première instance.

Le solde de ces frais sera laissé à la charge de l'État.

4.2.2. Il en va de même en appel, la moitié des frais, comprenant un émolument de jugement de CHF 2'000.-, sera mise à la charge du prévenu, le solde étant laissé à celle de l'État.

5. 5.1.1. La question de l'indemnisation doit être tranchée après celle des frais. Dans cette mesure, la question sur les frais préjuge de celle de l'indemnisation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_262/2015 du 29 janvier 2016 consid. 1.2).

5.1.2.1. L'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable à l'appel via le renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP, prévoit que s'il est acquitté totalement ou en partie le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

L'autorité pénale doit examiner, tout d'abord, si l'assistance d'un conseil était nécessaire, puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire, et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conformes au tarif pratiqué à Genève, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 = SJ 2012 I 172 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) ou de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné avait lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013).

5.1.2.2. L'art. 429 al. 2 CPP prévoit que l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu.

Il incombe à l'autorité pénale, à tout le moins, d'interpeller le prévenu sur la question de l'indemnité et de l'enjoindre au besoin de chiffrer et justifier ses prétentions en indemnisation. L'autorité pénale n'a en revanche pas à établir d'office tous les faits pertinents pour le jugement des prétentions en indemnisation (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1142/2016 du 18 mai 2017 consid. 2.1 ; 6B_477/2016 du 22 mars 2017 consid. 2.1). Il est certes loisible au prévenu de renoncer à être indemnisé, en principe à la faveur d'une déclaration formelle. Un comportement passif peut être interprété comme une renonciation lorsque le prévenu n'a pas réagi à la suite d'une demande expresse de l'autorité de chiffrer et justifier ses prétentions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012). 

5.2. S'agissant de l'indemnité sollicitée par le prévenu pour ses frais d'avocat, il convient de considérer, au vu du dossier, que l'assistance d'un avocat était, sur le principe, nécessaire. Eu égard à la quotité, dès lors que le prévenu doit assumer la moitié des frais de la procédure (cf. consid. 4.2), il sera fait droit à une telle indemnité dans la même mesure, en prenant toutefois en considération le classement partiel de la procédure intervenu au stade de la procédure préliminaire (cf. let. B.b.a.), ainsi que le temps effectif des audiences de jugement et d'appel.

5.2.1. Pour la procédure de première instance, il convient en effet de prendre en compte la renonciation du prévenu à être indemnisé pour une partie de l'activité déployée par son conseil, dès lors qu'il n'a pas réagi à la demande expresse du MP de chiffrer et justifier ses prétentions lors du classement partiel de la procédure.

Au vu de l'impossibilité de distinguer les activités de son avocat concernant les différentes occurrences initialement retenues jusqu'au classement partiel de la procédure (activités sur une période de 32 heures et 10 minutes ; cf. let. B.b.a. et B.d.c.b.), à l'exception du temps consacré à la prise de connaissance de l'ordonnance de classement et du courriel transmis au client à cet effet (20 minutes), lequel sera déduit de l'activité déployée, il convient de réduire de 30 % l'indemnité réclamée sur cette période, soit pour une activité de 31 heures et 50 minutes au tarif de
CHF 450.-/heure (CHF 14'325.-). Le montant de la note d'honoraires retenu jusqu'au classement partiel sera ainsi de CHF 10'027.50 [CHF 70 % de CHF 14'325.-].

Pour le reste de l'activité déployée en première instance (23 heures et 20 minutes sur un total de 55 heures et 30 minutes ; cf. let. B.d.c.b.), il convient de ramener à 200 minutes la durée de l'audience de jugement, estimée dans la note d'honoraires à 240 minutes. Le montant sera ainsi arrêté à CHF 10'200.-, correspondant à 22 heures et 40 minutes d'activité au tarif de CHF 450.-/heure.

Le montant total de l'activité déployée en première instance s'élève ainsi à CHF 20'227.50 (CHF 10'027.50 + CHF 10'200.-), auxquels s'ajoutent les frais de débours (CHF 751.90) et la TVA (CHF 1'615.45), soit CHF 22'594.85 en tout.

Le prévenu ayant été acquitté pour la moitié des occurrences reprochées, l'indemnité sera réduite de 50 %.

Ainsi, c'est un montant de CHF 11'297.45 [CHF 22'594.85 / 2] qui sera alloué au prévenu au titre d'indemnité pour la procédure de première instance.

5.2.2. En appel, la note d'honoraires fait état d'une activité de 10 heures et 30 minutes à CHF 450.-/heure (cf. let. C.a.b.). La durée de l'audience, estimée à 120 minutes, sera portée à 160 minutes.

Le montant sera ainsi arrondi à CHF 5'531.65, comprenant 11 heures et 10 minutes d'activité (CHF 5'025.-), les débours (CHF 111.15) et la TVA (CHF 395.50).

Le prévenu ayant été acquitté pour la moitié des occurrences reprochées, l'indemnité sera également réduite de 50 %.

Ainsi, c'est un montant de CHF 2'765.85 [(5'531.65) / 2] qui sera alloué au prévenu au titre d'indemnité pour la procédure d'appel.

5.2.3. Ces montants seront compensés sur la dette de l'intéressé envers l'État en lien avec les frais de la présente procédure (cf. art. 442 al. 4 CPP et ATF 139 IV 243 consid. 5.2).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par le Ministère public et l'appel joint de A______ contre le jugement JTDP/164/2023 rendu le 10 février 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/21887/2019.

Admet partiellement l'appel du Ministère public.

Rejette l'appel joint de A______.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 al. 1 CP) s'agissant des extraits no 15, 16 et 22.

Déclare A______ coupable de violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 al. 1 CP) s'agissant des extraits no 23, 32 et 41.

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 50 jours-amende.

Fixe le montant du jour-amende à CHF 160.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à deux ans.

Avertit A______ de ce que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Alloue à A______ CHF 11'297.45 à titre d'indemnité à l'exercice raisonnable de ses droits de défense jusqu'au jugement de première instance, débours et TVA inclus.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'177.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-.

Alloue à A______ CHF 2'765.85 à titre d'indemnité à l'exercice raisonnable de ses droits de défense en procédure d'appel, débours et TVA inclus.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'255.-, comprenant un émolument de jugement de CHF 2'000.-.

Met la moitié de ces frais à la charge de A______, soit CHF 1'127.50.

Compense à due concurrence la créance de l'État portant sur les frais de la procédure avec les indemnités accordées à A______ aux titres d'indemnités à l'exercice raisonnable de ses droits de défense en première instance et en appel.

Rejette pour le surplus les conclusions en indemnisation de A______.

Laisse le solde des frais de la procédure à la charge de l'État.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office fédéral de la police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'177.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

120.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'255.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'432.00