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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/14521/2020

AARP/249/2023 du 17.07.2023 sur JTDP/1129/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ESCROQUERIE;FAUX INTELLECTUEL DANS LES TITRES;LOI COVID-19;EXEMPTION DE PEINE
Normes : CP.146; CP.251; CP.53
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14521/2020 AARP/249/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 28 juin 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Lorenzo PARUZZOLO, avocat, route des Acacias 6, case postale 588, 1211 Genève 4,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1129/2022 rendu le 16 septembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 16 septembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'escroquerie (art. 146 al. 1 du Code pénal [CP]) et de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de quatre ans, et a révoqué le sursis octroyé le 19 juillet 2019 par le Ministère public du canton de Genève (MP) à la peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 80.-.

Par ce même jugement, le TP a également constaté que A______ acquiesçait aux conclusions civiles de la partie plaignante B______, l'a condamné à payer à cette dernière CHF 33'580.-, avec intérêts à 5% dès le 12 février 2021, à titre de réparation du dommage matériel, a prononcé une créance compensatrice de CHF 33'580.- et l'a allouée à la partie plaignante. Enfin, le TP a constaté que A______ acquiesçait, aux fins de recouvrement de la créance compensatrice, au virement de CHF 4'850.- figurant sous chiffre 8 de l'inventaire n° 1______ du 5 octobre 2020 et de CHF 3'798.37 figurant au crédit du compte bancaire n°2______ au nom de A______ ouvert auprès de C______, maintenant le séquestre sur ce compte pour le surplus, en garantie du paiement de la créance compensatrice.

A______ entreprend ce jugement dans son ensemble, concluant à son acquittement des chefs d'escroquerie et de faux dans les titres, à ce qu'il soit renoncé à la révocation du sursis antérieur, à ce qu'il soit constaté qu'il acquiesce aux conclusions civiles de la partie plaignante B______ uniquement s'agissant de la somme de CHF 50'000.- et non sur les intérêts à 5%, acquiesçant par ailleurs à la mise à sa charge des frais de la procédure préliminaire et de première instance, à l'exception de l'émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- et des frais de la procédure d'appel, et à son indemnisation au sens de l'art. 429 al. 1 let. b CPP.

b. Selon l'ordonnance pénale du 16 novembre 2021, il est reproché ce qui suit à A______ :

Le 2 avril 2020, à Genève, en sa qualité d'associé de la société D______ Sàrl, inscrite au Registre du commerce de Genève et active dans la préparation et le commerce de pâtisseries artisanales, dans les circonstances facilitées du mécanisme de cautionnement solidaire mis en place par la Confédération pour venir en aide aux personnes morales touchées par les conséquences économiques de la pandémie COVID-19, tablant sur l'absence de vérifications par l'établissement bancaire, rendue nécessaire pour assurer une libération rapide des crédits COVID-19, et sachant qu'il n'utiliserait pas le prêt selon les termes de la convention de crédit, il a signé une convention de crédit COVID-19 en déclarant de manière mensongère et contraire à la réalité que la société avait quatre employés, une masse salariale de CHF 188'462.- et un "chiffre d'affaires estimé" de CHF 500'000.-, et obtenu de C______, dans l'erreur, un crédit de CHF 50'000.-, montant qu'il a affecté à d'autres fins que celles autorisées et convenues, dans le but de se procurer un enrichissement illégitime, causant corrélativement à C______ un dommage de CHF 50'000.-.

B. Les faits pertinents au stade de l'appel sont les suivants, étant renvoyé pour le surplus au jugement entrepris (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale [CPP]) :

a.a. D______ Sàrl est une société inscrite au Registre du commerce du canton de Genève depuis le ______ 2017 qui exploitait initialement une entreprise de nettoyage automobile, mais dont le but a été modifié le 27 novembre 2019 pour se vouer à la préparation et au commerce de pâtisseries artisanales ainsi qu'à l'exploitation d'un tea-room. Le siège social a été déplacé à la rue 3______ no. ______, à Genève. A______ en était l'associé gérant, avec signature individuelle de sa création jusqu'au 23 septembre 2019.

Dès cette dernière date, E______ était l'associé gérant président de D______ Sàrl, avec signature individuelle, jusqu'à radiation de celle-ci au ______ 2022, et F______, l'épouse de A______, en a été la gérante, avec signature individuelle jusqu'au 23 août 2021.

F______ a signé le 1er mars 2020 une procuration en faveur de A______ lui permettant d'agir en son nom pour D______ Sàrl.

D______ Sàrl est titulaire d'un compte n°4______ auprès de C______. A______, détenteur de contrôle de la société à teneur des documents bancaires, est au bénéfice d'un pouvoir de signature individuelle sur ce compte.

a.b. A______ est également l'associé gérant, avec signature individuelle, de G______ Sàrl, inscrite au Registre du commerce depuis le ______ 2018, laquelle est active dans la production et le commerce de bretzels et exploite notamment des franchises H______ à Genève.

G______ Sàrl était également détentrice et exploitante du fonds de commerce d'une arcade sise rue 3______ no. ______ à I______, mais dont l'activité avait cessé en été 2018, suite à une fermeture par la police du commerce.

a.c. Un contrat de remise de gérance et vente de fonds de commerce entre G______ Sàrl, représentée par A______, et D______ Sàrl, représentée par F______, a été signé le 28 avril 2020. L'acquéreur devait prendre possession des locaux de la rue 3______ en date du 1er mai 2020 moyennant le versement d'un acompte de CHF 30'000.-.

a.d. Le 28 janvier 2020, D______ Sàrl a signé un contrat de travail avec E______, prévoyant que l'engagement de ce dernier en qualité d'exploitant et chef pâtissier prendrait effet à la date à laquelle l'autorisation d'exploiter l'établissement serait délivrée par le service cantonal de la police du commerce.

b.a. Le 26 mars 2020, A______ a rempli et signé, au nom et pour le compte de G______ Sàrl, un formulaire de convention de crédit COVID-19 avec C______, indiquant dans la case relative au montant du crédit intitulée "Bloc 1" un chiffre d'affaires de CHF 362'898.-. Sur la base de cette convention, C______ a concédé un crédit de CHF 36'000.- à G______ Sàrl.

b.b. Le 2 avril 2020, A______ a rempli et signé, au nom et pour le compte de D______ Sàrl, un formulaire de convention de CREDIT COVID-19 avec C______, indiquant dans la case relative au montant du crédit intitulée "Bloc 2 (seulement si le bloc 1 n'est pas rempli)" une masse salariale de CHF 188'462.- et un chiffre d'affaires estimé de CHF 500'000.-. Selon les indications du formulaire, ledit bloc 1 devait contenir le chiffre d'affaires définitif à fin 2019, à défaut celui provisoire et, encore à défaut, le chiffre d'affaires réalisé en 2018. Sur la base de cette convention de crédit, C______ a concédé un crédit de CHF 50'000.- à D______ Sàrl.

Le 29 avril 2020, cette somme de CHF 50'000.- a été transférée sur le compte courant de la société (n°4______). Le 30 avril 2020, CHF 30'000.- ont été versés sur le compte de G______ Sàrl auprès de C______ (n°5______) avec la mention "PAIEMENT DU MATRIELE" (sic).

Le 19 mai 2020, CHF 20'100.- ont été retirés en espèces au guichet de la banque C______ à J______.

Le 23 juillet 2020, G______ Sàrl a reversé sur le compte de D______ Sàrl CHF 1'000.- avec mention "DETTE POUR L'ENTREPRISE D______".

c.a. Le 29 juillet 2020, E______ a écrit un courrier à C______ indiquant avoir constaté qu'un crédit COVID-19 avait été contracté à son insu par A______, alors que ce dernier ne disposait pas du pouvoir de signature pour engager la société. La banque a procédé au signalement de la relation, lequel a abouti à une dénonciation du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) auprès du MP le 13 août 2020.

Le 14 août 2020, C______ a résilié le crédit COVID-19 octroyé à D______ Sàrl avec effet au 15 septembre 2020, puis mis en demeure cette dernière de lui rembourser la somme de CHF 50'000.- d'ici au 14 octobre 2020, délai prolongé ensuite au 14 novembre 2020. Le 24 novembre 2020, C______ a fait appel à la caution du B______, laquelle a remboursé la banque le 12 février 2021.

c.b. Par courrier du 21 octobre 2020, l'Office cantonal des assurances sociales a indiqué que D______ Sàrl était affiliée depuis le 1er janvier 2018 et n'avait jamais eu de personnel à teneur des attestations de salaires disponibles.

À teneur de la comptabilité de D______ Sàrl pour les années 2018 et 2019, notamment produite à l'appui des déclarations fiscales pour les années visées, D______ Sàrl a réalisé un chiffre d'affaires de CHF 67'161.48, avec un résultat à pertes de CHF 5'338.15 en 2018, et un chiffre d'affaires de CHF 15'089.11, avec un résultat à pertes de CHF 15'938.17 en 2019.

G______ Sàrl a, quant à elle, réalisé un chiffre d'affaires de CHF 311'493.74 en 2018.

c.c. À teneur du contrat de bail relatif à l'arcade, dont tant A______ que E______ étaient titulaires depuis le 28 octobre 2019, le loyer se montait à CHF 3'000.- par mois, charges de CHF 150.- en sus.

Il ressort du jugement du Tribunal des baux et loyers du 4 mai 2021 produit par A______ que ce dernier a informé la régie, les 30 mars et 6 avril 2020, ne pas être en mesure de payer le loyer de l'arcade en raison de la pandémie de COVID-19. La régie a accepté le 13 mai 2020 de reporter le paiement des loyers des mois d'avril et mai 2020, une réévaluation de la situation devant intervenir fin juin 2020. En parallèle, A______ a demandé une exonération de loyer auprès du conseil d'Etat, laquelle a été refusée le 19 mai 2020, les critères n'étant pas réalisés. L'autorisation d'exploiter l'établissement dans ces locaux a finalement été délivrée le 13 juillet 2020 par le service compétent, mais l'arcade n'a jamais été ouverte au public. Le 14 août 2020, E______ a versé les loyers correspondants aux mois d'avril à juin 2020 à la régie. Les loyers de juillet à septembre 2020 ont été versés par F______, pour le compte de A______, fin septembre 2020.

d.a. E______ a expliqué, à la police et devant le premier juge, avoir appris en juillet 2020, suite à la réception d'un pli de la banque, que A______ avait demandé un crédit COVID-19 pour D______ Sàrl. En sa qualité d'associé de la société, il n'avait jamais approuvé le prêt et il ignorait ce qu'il était advenu des fonds issus de cet emprunt. Il savait que A______ avait formulé une telle demande pour son autre société G______ Sàrl. Il a contesté qu'il ait été question d'engager quatre employés ou de réaliser un chiffre d'affaires de CHF 500'000.-. Si des projections avaient pu être évoquées, cela avait été fait brièvement et non sérieusement.

d.b. Le comptable K______ a indiqué à la police qu'il ne s'occupait plus de la comptabilité de D______ Sàrl depuis que E______ avait intégré la société. Les désaccords entre le précité et A______ au sujet de l'exploitation de l'arcade sise rue 3______ avait engendré une situation peu claire à laquelle il n'avait pas voulu donner suite. D______ Sàrl devait racheter le fonds de commerce détenu par G______ Sàrl et, à cette fin, A______ avait demandé une reconnaissance de dette que E______ avait refusé de signer. A______ l'avait informé par téléphone qu'il allait déposer une demande de crédit COVID-19 pour D______ Sàrl et il avait auparavant eu une discussion avec l'intéressé au sujet d'un tel crédit pour la société G______ Sàrl.

e.a. Entendu par la police le 5 octobre 2020, A______ a admis avoir rempli et signé la convention de crédit COVID-19 pour D______ Sàrl.

Il a expliqué qu'il avait repris, par le biais de G______ Sàrl, l'arcade de la rue 3______ au début de l'année 2018, laquelle était jusqu'ici exploitée comme épicerie, dans le but d'en faire un tea-room, mais il avait eu des difficultés avec la police du commerce en lien avec cette affectation. En mars 2019, il avait rencontré E______, lequel était intéressé à s'associer avec lui afin de faire de la pâtisserie dans cette arcade. En septembre 2019, il avait intégré E______ à la société D______ Sàrl dans l'intention de changer le but de cette entreprise et d'exploiter ladite arcade. E______ se trouvait alors au chômage et il souhaitait être salarié de la société à 50% et les 50% restants seraient payés par le chômage. L'intéressé avait également imposé de figurer sur le bail de l'arcade à ses côtés, sans quoi il refusait de travailler, ce qu'il avait ainsi accepté au mois d'avril ou mai 2020. E______ semblant motivé, il avait acheté beaucoup de matériel à sa demande. Alors en pleine période de la pandémie de COVID-19, il avait proposé de prendre un crédit COVID-19 auprès de la banque C______, ce que E______ avait accepté. Son épouse, alors gérante de D______ Sàrl, lui avait fait une procuration pour qu'il puisse agir en ce sens. C'était toutefois lui-même qui avait accès aux comptes bancaires. S'agissant des chiffres inscrits sur le formulaire de convention de crédit, il s'était basé sur les dires de E______, concernant le nombre d'employés qu'ils souhaitaient engager et les charges salariales en découlant.

Après avoir obtenu les fonds, son épouse et lui avaient signé un contrat de remise de gérance et vente de fonds de commerce entre G______ Sàrl et D______ Sàrl concernant l'arcade de la rue 3______, pour un prix total de CHF 220'000.-. Un acompte de CHF 30'000.- était prévu à la conclusion du contrat. Les fonds reçus du crédit COVID-19 avaient servi, s'agissant du virement de CHF 30'000.- effectué le 29 avril 2020, à payer ledit acompte. Les CHF 20'000.- restants avaient été utilisés pour l'achat de matériel (environ CHF 7'000.- à CHF 8'000.-), le paiement de factures pour la chambre froide (CHF 3'500.-) et des loyers (de CHF 3'500.- et CHF 9'000.-). En réalité, E______ n'avait rien fait et était toujours au chômage, il n'avait vendu aucune pâtisserie et rien n'était déclaré.

D______ Sàrl n'avait jamais eu d'employé, ni réellement été active. Elle était déjà à perte en tant qu'entreprise de nettoyage automobile et avait été complètement inactive depuis son changement de but.

e.b. Par pli de son conseil du 15 octobre 2020, A______ a expliqué que l'acompte de CHF 30'000.- versé à G______ Sàrl visait à "garantir la location du fonds de commerce et du matériel" afin de pouvoir exploiter l'arcade. Le solde du crédit retiré en espèces avait été utilisé pour régler diverses factures et des frais d'exploitation de D______ Sàrl, soit, pièces à l'appui :

-        CHF 2'000.- avaient été recrédités le 27 mai 2020 sur le compte bancaire de D______ Sàrl et utilisés pour plusieurs menues dépenses auprès de L______ SA, M______, N______ ou des SIG ;

-        CHF 7'500.- pour l'achat de matériel de cuisine et cuisson (four, cellule et divers) ;

-        CHF 706.60 auprès de O______ SA et CHF 1'551.95 auprès de N______ pour l'achat de produits alimentaires (étant précisé qu'il achetait la marchandise avec la carte P______ de G______ Sàrl puis remboursait cette dernière en espèces avec la somme prélevée des comptes de D______ Sàrl) ;

-        CHF 4'686.45 avaient été prélevés dans la caisse par E______ pour le paiement des loyers à la régie Q______. Il ressort pourtant du décompte produit qu'aucun loyer n'a été acquitté après paiement du loyer de mars 2020 le 25 février 2020. Le 18 août 2020 et le 8 octobre 2020, l'équivalent de six mois de loyer a été versé en deux fois, mettant à jour les loyers impayés jusqu'à septembre 2020.

e.c. Devant le MP, A______ a indiqué n'avoir pas vraiment pris connaissance des conditions d'octroi du crédit COVID-19 stipulées dans la convention qu'il avait signée. Il avait posé des questions en lien avec ce crédit à son comptable, K______, et son épouse lui avait expliqué qu'il ne devait pas utiliser le crédit à des fins privées, mais uniquement pour "le bien de l'entreprise".

Selon lui, le paiement d'un acompte de CHF 30'000.- pour l'achat du fonds de commerce n'était pas une utilisation exclue par la convention de crédit.

e.c. Devant le premier juge, A______ a expliqué en substance que dans la mesure où D______ Sàrl allait commencer une nouvelle activité en 2020, il avait fait une estimation de son chiffre d'affaires à venir, raison pour laquelle il avait rempli le bloc 2. L'entreprise n'avait pas eu d'activité en 2019. Il avait ainsi procédé à une projection sur l'année en cours s'agissant de la masse salariale et du chiffre d'affaires mentionnés.

Il est revenu en partie sur ses précédentes déclarations, indiquant qu'il n'avait pas eu l'intention dès le départ de verser l'argent obtenu par le crédit COVID-19 dans la société G______ Sàrl et que, par ailleurs, les CHF 30'000.- finalement versés à celle-ci étaient destinés à l'achat de matériel et non au rachat du fonds de commerce. Il avait agi ainsi afin de ne pas perdre ce qu'il avait investi dans le projet D______ Sàrl. Son comptable lui avait expliqué qu'il s'agissait d'aider l'entreprise à payer les loyers, les employés et les produits nécessaires. Il n'avait malheureusement pas bien saisi cette notion de besoins courants à l'époque mais avait compris les choses plus clairement aujourd'hui. Il admettait enfin que ce n'était pas la pandémie de COVID-19 qui avait empêché l'ouverture de D______ Sàrl mais le comportement de E______.

f.a. B______ s'est constitué partie plaignante le 6 avril 2021 et a fait valoir des conclusions civiles tendant à la condamnation de A______ à lui payer CHF 50'000.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 12 février 2021.

f.b. Dès le début de la procédure (cf. courriers de son Conseil adressés à C______ et au MP dès le 14 octobre 2020), A______ a fait part de sa volonté de rembourser le crédit COVID-19 consenti à D______ Sàrl. Aucun accord n'a toutefois été trouvé avec le MP afin de libérer les avoirs séquestrés à cette fin.

Le 26 août 2022, A______ a remboursé CHF 16'420.- au B______.

À l'audience de jugement, A______ a acquiescé aux conclusions civiles de B______. Il consentait au versement de CHF 3'700.- par le débit du compte bancaire n° 2______ séquestré, ainsi qu'au virement des CHF 4'850.- saisis à son domicile en faveur de la partie plaignante B______, aux fins de recouvrement d'une éventuelle créance compensatrice.

B______ a modifié ses conclusions civiles, concluant à la condamnation de A______ à lui payer CHF 33'580.- (CHF 50'000.- - CHF 16'420.-), avec intérêts à 5% dès le 12 février 2021.

C. a. À la suite du jugement querellé et parallèlement à sa déclaration d'appel, A______ a continué le remboursement de la somme due au B______. Au 1er novembre 2022, CHF 45'100.- avaient été remboursés.

Sur requête de A______, la direction de la procédure a levé, le 23 décembre 2022, le séquestre sur le compte n°6______ au nom de D______ Sàrl auprès de C______ aux fins de remboursement du solde de CHF 4'900.- en faveur du B______. Un débit de CHF 4'622.28 a eu lieu le 12 janvier 2023 et A______ a complété ce montant par un virement de CHF 300.- le 13 janvier 2023.

Par courrier du même jour, B______ a retiré sa constitution de partie plaignante, informant la CPAR avoir été entièrement remboursée.

Le 30 janvier 2023, A______ a versé sur le compte de consignation du Pouvoir judicaire CHF 1'650.-, correspondant au solde de son compte personnel n° 2______ auprès de C______, afin de permettre la clôture de celui-ci.

Le 13 février 2023, la direction de la procédure a levé avec effet immédiat les séquestres prononcés sur les comptes n°2______ et n°7______ au nom de A______ et n° 8______ au nom de A______ et de E______ auprès de C______.

b. Aux débats d'appel, A______ a ajouté qu'il avait eu le projet d'ouvrir un tea-room dans l'arcade de la rue 3______ avec son épouse mais avait rencontré plusieurs difficultés. Il avait déjà engagé beaucoup de travail et d'argent dans D______ Sàrl lorsqu'il avait rencontré E______. Ce dernier lui avait proposé de s'associer, amenant son travail et ses qualités de pâtissier, alors que lui-même devait fournir les apports financiers. L'investissement avait été fait en majorité par G______ Sàrl, mais E______ n'avait jamais été d'accord de reconnaître que celle-ci devrait être remboursée des sommes investies, soit environ CHF 170'000.- à CHF 180'000.-. E______ bénéficiait encore du chômage et voulait profiter de tout, figurer sur le bail, mais sans rien signer.

Dans ce contexte, la pandémie de COVID-19 était survenue. G______ Sàrl n'avait plus de revenus car, du jour au lendemain, plus aucun client ne passait par la gare à J______. De ce fait, il n'arrivait plus à payer les charges de D______ Sàrl. Il avait demandé une exonération de loyer auprès de la régie, mais celle-ci avait refusé et il n'entrait pas dans les barèmes fixés pour les aides de l'État. Il se trouvait dans une impasse. E______ lui avait alors parlé de la possibilité de contracter un crédit COVID-19. Celui-ci avait réalisé un business plan pour D______ Sàrl. Il était prévu qu'ils engagent deux employés, au salaire minimum genevois, ce qui représentait environ CHF 90'000.-, que E______ soit rémunéré CHF 65'000.- par an, le reste représentant l'aide qu'il devait lui-même apporter. Le chiffre d'affaires de CHF 500'000.-, qui lui paraissait tout à fait réaliste, avait été calculé en lien avec un chiffre d'affaires moyen journalier de CHF 1'500.-, en étant ouvert 7 jours sur 7.

Par la conclusion du crédit COVID-19 pour D______ Sàrl, il avait en tête de sauver l'investissement qu'il avait fait dans cette arcade et leur permettre d'enfin se lancer pour l'ouverture. Il n'avait jamais voulu utiliser l'argent à d'autres fins, pour s'enrichir, ni tromper qui que ce soit.

c. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.

D______ Sàrl avait changé son but du tout au tout et intégré un nouvel associé fin 2019, de sorte qu'il était correct de considérer la société comme une entreprise nouvelle, les comptabilités 2018 et 2019 n'étant pas représentatives de l'activité qui était envisagée en tant que tea-room. Le bail avait été modifié en vue de cette nouvelle exploitation en octobre 2018 et un contrat de travail avait été signé avec E______ pour prendre effet en février 2020, de sorte que l'activité avait bien commencé avant le 16 mars 2020, conformément aux conditions d'octroi d'un crédit COVID-19. Il avait investi une somme conséquente dans D______ Sàrl par le biais de G______ Sàrl et ne pouvait plus soutenir l'entreprise en raison des pertes conséquentes de revenus dues aux restrictions liées à la pandémie. Il avait ainsi rempli le bloc 2 du formulaire à bon escient. Le chiffre d'affaires indiqué était plausible pour un tel commerce et la masse salariale justifiée par ses explications. Il avait en tous les cas mentionné ces chiffres de bonne foi, sans intention de tromper. Il se trouvait dans une situation d'urgence et, à l'époque, personne ne savait ce qui allait se passer.

Les dépenses effectuées par le biais du crédit obtenu étaient légitimes puisqu'il s'agissait de payer du matériel et les loyers de l'arcade. Il n'avait poursuivi aucun dessein d'enrichissement illégitime, ayant eu l'intention de rembourser le prêt dès le départ. Aujourd'hui, cela avait enfin pu être fait alors qu'un arrangement aurait pu être trouvé plus tôt au sujet des séquestres prononcés. Les conditions de l'escroquerie et du faux dans les titres n'étaient ainsi pas remplies.

Il admettait que les frais de la procédure préliminaire et de première instance soient mis à sa charge dans la mesure où il avait provoqué fautivement l'ouverture de la procédure pénale, sans que cela ne relève toutefois d'une infraction pénale.

À titre subsidiaire, il estimait que la révocation du sursis ne se justifiait pas, vu les faits insignifiants pour lesquels il avait été condamné précédemment.

Il conclut à son indemnisation à hauteur de CHF 5'865.16 pour la procédure d'appel et produit un état de frais correspondant à 15 heures et 25 minutes d'activité de chef d'étude à un tarif de CHF 350.-/h, hors débats d'appel lesquels ont duré deux heures, dont trois heures et 30 minutes d'entretien avec le client, cinq heures d'étude du dossier et préparation de l'audience d'appel et deux heures de correspondance avec le client. Des frais de dossier de CHF 50.- sont également compris.

d. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement querellé.

D. A______ est né le ______ 1985 au Liban, pays dont il a la nationalité. Marié, il est père de trois enfants mineurs, dont l'un né d'une précédente union. Il a effectué ses écoles dans son pays d'origine jusqu'à l'obtention du brevet à l'âge de 15 ans. Il a ensuite travaillé dans le domaine de la restauration au Liban. Il est arrivé en Suisse, à Berne, en 2006, où il a poursuivi dans le domaine de la restauration en tant que serveur et aide de cuisine. En 2010, il a travaillé avec H______, prenant une arcade en franchise à R______ [VD], puis à Soleure, puis à nouveau à R______ [VD] et enfin à Genève en 2014 ou 2015.

Il est gérant et salarié de la société G______ Sàrl qui exploite la franchise de H______ dans deux arcades à Genève, dont il a tiré un chiffre d'affaires d'environ CHF 60'000.- en 2022. Son revenu mensuel est de CHF 2'500.- par mois, sans compter le bonus de fin d'année. Son épouse n'a plus de travail depuis octobre 2022 et la naissance de leur deuxième enfant. Son loyer mensuel se monte à CHF 2'680.- et sa prime d'assurance maladie à CHF 324.-. Il verse également une contribution d'entretien pour son fils d'environ de CHF 630.- par mois.

Selon extrait du casier judiciaire suisse, il a été condamné :

-        le 29 mai 2015 par le Ministère public du canton de Fribourg, pour rixe, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 70.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, et à une amende de CHF 700.- ;

-        le 10 février 2016 par le Ministère public du canton de Genève, pour emploi d'étrangers sans autorisation, à une peine pécuniaire de 50 jours-amende à CHF 60.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, et à une amende de CHF 700.- ;

-        le 7 février 2017 par le Ministère public de l'arrondissement de La Côte, Morges, pour circulation sans permis de circulation ou plaques de contrôle et circulation sans assurance-responsabilité civile, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- le jour et à une amende de CHF 300.- ;

-        le 19 juillet 2019 par le Ministère public du canton de Genève, pour injure, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 80.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Selon l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et a de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

2.1.2. L'escroquerie consiste à tromper la dupe. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas ; il faut qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 143 IV 302 consid. 1.3 ; 142 IV 153 consid. 2.2.2 ; 135 IV 76 consid. 5.2).

Il y a notamment astuce lorsque l'auteur recourt à une mise en scène comportant des documents ou des actes ou à un échafaudage de mensonges qui se recoupent de façon si raffinée que même une victime critique se laisserait tromper. Il y a manœuvre frauduleuse, par exemple, si l'auteur emploie un document faux ou fait intervenir, à l'appui de sa tromperie, un tiers participant ou manipulé (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 ; 122 IV 197 consid. 3d).

L'astuce n'est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. L'utilisation abusive de documents appartient aux manœuvres frauduleuses qui constituent la tromperie astucieuse, du moins lorsqu'un contrôle n'est pas possible ou qu'il apparaît probable que la victime n'y procèdera pas (ATF 120 IV 122 consid. 6b, JdT 1996 IV 98). Une coresponsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF
143 IV 302 consid. 1.4 ; 142 IV 153 consid. 2.2.2 ; 135 IV 76 consid. 5.2). L'astuce sera également admise lorsque l'auteur exploite un rapport de confiance préexistant propre à dissuader la dupe d'effectuer certaines vérifications (ATF 126 IV 165 consid. 2a ; ATF 125 IV 124 consid. 3a ; ATF 122 IV 246 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_130/2016 du 21 novembre 2016 consid. 2.2.2).

Enfin, pour que le crime d'escroquerie soit consommé, l'erreur dans laquelle la tromperie astucieuse a mis ou conforté la dupe doit avoir déterminé celle-ci à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

2.1.3. Celui qui promet une prestation sans avoir l'intention de l'exécuter agit astucieusement parce qu'en promettant, il donne le change sur ses véritables intentions, ce que sa victime est dans l'impossibilité de vérifier (ATF 118 IV 359 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1141/2017 du 7 juin 2018 consid. 1.2.1). Une tromperie sur la volonté affichée n'est cependant pas astucieuse dans tous les cas, mais seulement lorsque l'examen de la solvabilité n'est pas exigible ou est impossible et qu'il ne peut par conséquent être tiré aucune conclusion quant à la volonté de l'auteur de s'exécuter (ATF 125 IV 124 consid. 3a). L'emprunteur qui a l'intention de rembourser son bailleur de fonds n'agit pas astucieusement lorsqu'il ne l'informe pas spontanément de son insolvabilité (ATF 86 IV 205). Il en va en revanche différemment lorsque l'auteur présente une fausse vision de la réalité de manière à dissuader le prêteur de se renseigner sur sa situation financière ou lorsque des circonstances particulières font admettre à l'auteur que le prêteur ne posera pas de questions sur ce point (ATF 86 IV 206 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_817/2018 du 23 octobre 2018 consid. 2.4.1 ; 6P.113/2006 du 27 septembre 2006 consid. 6.1).

Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle, l'intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction, le dol éventuel étant suffisant. L'auteur doit en outre agir dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ATF 134 IV 210 consid. 5.3).

2.2.1. L'art. 251 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

2.2.2. L'art. 251 CP vise tant le faux matériel, qui consiste dans la fabrication d'un titre faux ou la falsification d'un titre, que le faux intellectuel, qui consiste dans la constatation d'un fait inexact, en ce sens que la déclaration contenue dans le titre ne correspond pas à la réalité.

Le faux intellectuel vise l'établissement d'un titre qui émane de son auteur apparent, mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond pas à la réalité. Un simple mensonge écrit ne constitue pas un faux intellectuel punissable. Pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel, il faut que le document ait une valeur probante plus grande que dans l'hypothèse d'un faux matériel. Sa crédibilité doit être accrue et son destinataire doit pouvoir s'y fier raisonnablement. Une simple allégation, par nature sujette à vérification ou discussion, ne suffit pas. Il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée (ATF 144 IV 13 consid. 2.2.3 ; 142 IV 119 consid. 2.1 ; 138 IV 130 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_55/2017 du 24 mars 2017 consid. 2.2).

Tel est le cas lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration. Il peut s'agir, par exemple, d'un devoir de vérification qui incombe à l'auteur du document ou encore de l'existence de dispositions légales qui définissent le contenu du document en question (ATF 132 IV 12 consid. 8.1 ; 129 IV 130 consid. 2.1). Ainsi, par exemple, un formulaire A, simple déclaration écrite non sujette à vérification, dont le contenu est inexact quant à la personne de l'ayant-droit économique, constitue un faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_383/2019 du 8 novembre 2019 consid. 8.3.3.2 non publié aux ATF 145 IV 470 ; 6B_261/2020 du 10 juin 2020 consid. 4.2 ; 6B_891/2018 du 31 octobre 2018 consid. 3.3.1). Il en va de même de la formule officielle prévue par les art. 269d CO et 19 de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF), dont l'usage est rendu obligatoire par certains cantons pour la conclusion de tout nouveau bail (cf. art. 270 al. 2 CO). Au regard des caractéristiques de la formule officielle, dont le caractère obligatoire et le contenu sont en l'occurrence strictement définis par la législation, il apparaît indéniable que ce document se voit conférer une valeur probante accrue, le locataire destinataire devant ainsi pouvoir raisonnablement s'y fier au moment d'envisager une contestation du loyer initial, sans avoir à cet égard à vérifier l'exactitude des informations données par le bailleur quant au montant du loyer précédemment payé par l'ancien locataire (ATF 148 IV 288 consid. 4.4.3).

Sur le plan subjectif, le faux dans les titres est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs. Le dol éventuel suffit (ATF 141 IV 369 consid. 7.4). L'art. 251 CP exige de surcroît un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou le dessein de procurer à un tiers un avantage illicite (ATF 138 IV 130 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_736/2016 du 9 juin 2017 consid. 2.1). L'avantage est une notion très large : il suffit que l'auteur veuille améliorer sa situation (ATF 133 IV 303 consid. 4.4).

2.2.3. Lorsque le faux dans les titres est un moyen de commettre ou de dissimuler une autre infraction et que la définition de celle-ci n'englobe pas déjà le faux, l'art. 251 CP doit être appliqué en concours (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Vol. II, n. 188-189 ad art. 251). Ainsi, il y a concours entre les art. 146 et 251 CP lorsque l'auteur utilise des titres falsifiés pour commettre une escroquerie (ATF 129 IV 53 in JdT 2006 IV 7 consid. 3 et références citées).

2.3.1. Dans le contexte de la pandémie de coronavirus (COVID-19), les autorités fédérales ont pris de nombreuses mesures fondées sur le droit d'urgence (art. 185 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse [Cst.]) et notamment des mesures visant à atténuer les conséquences économiques de celle-ci. Le 25 mars 2020, le Conseil fédéral a publié un communiqué de presse relatif à l'ordonnance fédérale sur les cautionnements solidaires liés au COVID-19 (OCaS-COVID-19), adoptée le même jour et entrée en vigueur le lendemain. Il y est notamment expliqué que les entreprises concernées doivent pouvoir accéder rapidement et simplement à des crédits représentant jusqu'à 10% de leur chiffre d'affaires ou d'un montant de 20 millions de francs au plus ; les montants jusqu'à 0,5 million de francs seront versés immédiatement par les banques et couverts en totalité par la garantie de la Confédération. Ainsi, la Confédération garantit aux banques prêteuses, par l'intermédiaire des organisations de cautionnement, la totalité du montant des crédits accordés aux PME selon le mécanisme mis en place par l'ordonnance, qui impose notamment aux banques d'utiliser exclusivement, pour l'octroi du crédit, un formulaire type mis en ligne par le Secrétariat d'État à l'économie (SECO), sans modification aucune.

Selon le commentaire de l'Administration fédérale des finances (AFF), publié avec l'OCaS-COVID-19, pour les crédits COVID-19 allant jusqu'à CHF 500'000.-, la Confédération prend en charge le risque de perte total, plus un intérêt annuel. Grâce à cette couverture, la banque peut appliquer une procédure de contrôle sommaire :

-        la personne exerçant une activité indépendante ou l'entreprise remplit la convention de crédit COVID-19 standardisée fournie par voie électronique, déclarant ainsi qu'elle remplit les conditions d'octroi. Elles soumettent la convention de crédit à leur banque ;

-        le crédit de transition ne peut dépasser 10% du chiffre d'affaires d'une année. La banque vérifie si le requérant est client et s'il remplit les conditions pour bénéficier d'un crédit COVID-19 sur les bases de sa déclaration. Aucun autre contrôle n'est effectué. Si les conditions sont remplies, la banque envoie la convention de crédit aux organisations de cautionnement. Dès que la convention est envoyée à l'organisation de cautionnement, celui-ci est considéré comme approuvé et la banque peut mettre les fonds à disposition immédiatement. En principe, la libération des fonds du crédit entraîne également l'entrée en vigueur du cautionnement.

Cette procédure simplifiée est destinée à fournir une aide d'urgence rapidement et sans formalités. Elle est appliquée pour les travailleurs indépendants et les PME dont le chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas 5 millions de francs.

2.3.2. À teneur de l'art. 3 al. 1 de l'OCaS-COVID-19, une organisation de cautionnement accorde sans formalités un cautionnement solidaire unique pour des crédits bancaires jusqu'à concurrence de CHF 500'000.-, si des entreprises individuelles, sociétés de personnes ou personnes morales ayant leur siège en Suisse (requérant) déclarent qu'elles ont été fondées avant le 1er mars 2020 (let. a), qu'elles ne se trouvent ni en faillite, ni en procédure concordataire, ni en liquidation au moment du dépôt de la demande (let. b), qu'elles sont substantiellement affectées sur le plan économique en raison de la pandémie de COVID-19, notamment en ce qui concerne leur chiffre d'affaires (let. d).

En vertu de l'art. 6 OCaS-COVID-19, le cautionnement solidaire a pour seul but de garantir les crédits bancaires destinés à satisfaire les besoins courants en liquidités du requérant (al. 1). L'octroi d'un cautionnement solidaire est notamment exclu si le crédit à cautionner doit permettre au preneur de crédit d'effectuer de nouveaux investissements dans des actifs immobilisés qui ne constituent pas des investissements de remplacement (al. 2 let. b). Sont en particulier exclus pendant la durée du cautionnement solidaire, le remboursement de prêts intragroupes (al. 2 let. c).

L'art. 11 al. 1 à 3 OCaS-COVID-19 prévoit que la transmission à la banque de la convention de crédit signée par le requérant est réputée demande. Le requérant confirme par écrit ou par tout autre moyen permettant d'en établir la forme par un texte que les données figurant dans le formulaire de demande sont complètes et véridiques. Les organisations de cautionnement vérifient l'exhaustivité et l'exactitude formelle des demandes de cautionnement solidaire.

Ladite ordonnance prévoit également une disposition pénale en son art. 23, lequel dispose que quiconque, intentionnellement, obtient un crédit en vertu de la présente ordonnance en fournissant de fausses indications ou utilise les fonds en dérogation à l'art. 6 al. 3 OCaS-COVID-19 est puni d'une amende de CHF 100'000.- au plus, à moins qu'il n'ait commis une infraction plus grave au sens du code pénal. Dans son commentaire du 14 avril 2020, le Département fédéral des finances indique ce qui suit s'agissant de cette disposition :

« Il n'est pas sûr qu'on puisse faire valoir facilement les traditionnels éléments constitutifs de l'escroquerie et de faux dans les titres. En ce qui concerne l'escroquerie au sens de l'art. 146 du code pénal (CP), il s'agirait notamment de se demander si une simple fausse déclaration du requérant compte tenu de l'absence de contrôle peut être qualifiée de dol. On peut partir du principe qu'il n'y a généralement pas de faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP, car les informations fournies par le requérant n'ont pas valeur de titre. Si les autorités de poursuite pénale et les tribunaux devaient néanmoins retenir l'existence d'une infraction pénale plus grave en ce qui concerne l'ordonnance sur les cautionnements solidaires, les éléments constitutifs d'une infraction au CP primeraient la disposition pénale de l'art. 23. L'infraction nouvellement établie dans l'ordonnance s'apparente en particulier à la soustraction d'impôt en ce qui concerne la manière dont elle est commise et les biens juridiques protégés (voir art. 175 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct). Dans les deux cas, le contrevenant veut obtenir un avantage pécuniaire par son comportement aux dépens de la collectivité […]. Dans les deux cas, il n'y a pas non plus d'infraction qualifiée (en particulier, pas de faux dans les titres) à laquelle s'appliquent des éléments constitutifs plus stricts. Par analogie avec le droit fiscal, il est donc justifié que l'obtention frauduleuse d'un crédit en fournissant intentionnellement de fausses indications constitue également une infraction passible d'amende ».

Il faut relever que ces considérations ne sont pas reprises dans le Message du Conseil fédéral du 18 septembre 2020 relatif à la loi fédérale sur les crédits garantis par un cautionnement solidaire à la suite du coronavirus du 18 décembre 2020 (LCaS-COVID-19), dans laquelle est transposée l'OCaS-COVID-19. Concernant l'art. 25 LCaS-COVID-19, qui reprend fondamentalement l'art. 23 OCaS-COVID-19 (cf. FF 2020 pp. 8165 ss, p. 8215), le Conseil fédéral indique que si les autorités de poursuite pénale et les tribunaux cantonaux devaient retenir l'existence de faits plus graves en lien avec l'ordonnance sur les cautionnements solidaires liés au COVID‑19, les infractions définies dans le CP, par exemple l'escroquerie, l'infraction de faux dans les titres ou le blanchiment d'argent, primeraient l'art. 25 LCaS-COVID-19 (cf. FF 2020 p. 8215).

2.3.3. La doctrine qui s'est penchée sur la question (notamment B. MÄRKLI et L. GUT, Missbrauch von Krediten nach COVID-19-Solidarbürgschaftsverordnung, in Pratique Juridique Actuelle 6/2020 p. 722ss) relève que dans le cas d'une demande de crédit COVID-19, l'astuce peut résulter de simples mensonges sur la nécessité du crédit. En effet, l'urgence rend impossible la vérification du mensonge, ce que le preneur de crédit sait pertinemment en raison des circonstances. Par ailleurs, le fait que les prêts sont généralement obtenus auprès de la banque principale permet également de considérer qu'une relation de confiance existe dans ces cas avec la banque. En définitive, la coresponsabilité de la banque est éliminée par le mécanisme mis en place par le législateur et la responsabilité pénale de l'art. 146 CP doit être évaluée au cas par cas. De même, ces auteurs retiennent que le formulaire de prêt COVID peut être considéré comme un titre, puisque celui-ci fonde l'existence de la dette de l'emprunteur vis-à-vis de la banque, de sorte que les informations communiquées dans ledit formulaire entraînent une conséquence juridique considérable. Si l'emprunteur demande un prêt COVID en fournissant de fausses informations, il pourrait être poursuivi pour faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP, tout en laissant la question ouverte au vu de la jurisprudence restrictive en matière de faux intellectuel.

Selon d'autres auteurs (M. JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL / A. JUG-HÖHENER, Die Profiteure der Krise, in : Jusletter 3. August 2020, n° 32 et 33, pp. 11-12), le requérant déclare les faits essentiels pour l'octroi du crédit lorsqu'il remplit et signe le formulaire de demande précité. Ce document signé sert d'unique preuve des conditions de versement d'un crédit. Les renseignements qu'il fournit entraînent donc une conséquence juridique importante, à savoir la conclusion d'une convention de crédit, le versement du montant du crédit en fonction des informations fournies sur le formulaire et, partant, l'existence et l'obligation de remboursement de la dette du preneur de crédit envers la banque. Ainsi, l'importance de cette déclaration écrite et son traitement dans le texte de l'ordonnance permettent de conclure que les garanties objectives de vérité exigées par la jurisprudence pour retenir qu'il s'agit d'un titre au sens de l'art. 251 CP sont données et que cette disposition s'applique aux crédits COVID-19 obtenus de manière abusive.

2.3.4. Le Tribunal fédéral ne s'est pas encore prononcé sur la question, ayant uniquement confirmé une condamnation pour blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 CP) ayant pour objet le produit d'une escroquerie et un faux dans les titres en lien avec un crédit COVID-19 frauduleux (arrêt du Tribunal fédéral 6B_295/2022 du 15 septembre 2022 consid. 1).

Pour les autorités zurichoises, les fausses déclarations faites lors de la formulation d'une demande de crédit COVID-19 constituent une tromperie astucieuse au sens de l'art. 146 CP, car il est notoire que les crédits COVID-19 ont été octroyés sur la seule base de la propre déclaration du requérant, sans examen des conditions ou de l'intention dans laquelle ils devaient être utilisés. Il n'y a pas de coresponsabilité de la dupe qui exclurait l'astuce, car il s'agissait de rendre possible l'octroi à court terme et de manière standardisée des crédits dans une situation d'urgence. De même, la demande d'octroi d'un tel crédit COVID-19 bénéficie d'une crédibilité accrue, dans la mesure où la loi impose en règle générale de renoncer à une vérification plus approfondie des indications fournies, la banque ou ses collaborateurs étant en droit de se fier au contenu constaté dans le titre (cf. décision du Bezirksgericht de Dietikon du 27 avril 2020, publiée in forumpoenale 5/2022 n. 32 p. 326-336).

La CPAR ayant déjà eu à se prononcer sur la question a suivi le même raisonnement, les formulaires de demande de prêts COVID-19 revêtaient une force probante accrue de par la loi, en l'occurrence l'OCaS-COVID-19, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'était pas nécessaire et ne pouvait être exigée (AARP/62/2023 du 28 février 2023 consid. 2.4.2 et AARP/135/2022 du 5 mai 2022 consid. 2.6).

2.4.1. En l'espèce, l'appelant affirme que les informations figurant dans le formulaire de crédit COVID-19 étaient conformes à la réalité, puisque ressortant d'une projection de bonne foi de l'activité future de D______ Sàrl suite à son changement d'affectation.

Il n'en demeure pas moins que, comme rappelé supra, les crédits COVID-19 ont été mis en place dans le but d'aider des entreprises en activité qui ne pouvaient plus faire face à leurs besoins courants en raison de la pandémie, ce qui était notoire et rappelé sur le formulaire que l'appelant a rempli et signé. En particulier, il a coché la mention selon laquelle le preneur de crédit était gravement atteint sur le plan économique en raison de la pandémie COVID-19, notamment en ce qui concernait son chiffre d'affaires.

Dans ce cadre, les explications de l'appelant selon lesquelles il s'estimait en droit de faire une projection sur l'activité future, tablant sur un chiffre d'affaires de CHF 500'000.- pour 2020 sont contradictoires. D______ Sàrl avait réalisé un chiffre d'affaires de seulement CHF 15'089.- en 2019 et se lançait dans l'exploitation d'un tea-room qui n'avait même pas encore ouvert avant le prononcé des restrictions liées à la pandémie de COVID-19 le 16 mars 2020. Aussi, soit l'appelant considérait avoir droit à un crédit garanti par le Confédération car l'activité de la société était particulièrement affectée par la pandémie et son chiffre d'affaires allait en pâtir ; soit il estimait pouvoir multiplier son chiffre d'affaires par trente en 2020, malgré la situation de pandémie, et n'avait ainsi pas droit à une telle aide étatique.

Il y a en réalité lieu de retenir que, dans la mesure où D______ Sàrl n'avait encore déployé aucune activité en rapport direct avec son nouveau but social, en tous les cas aucune lui permettant d'escompter le chiffre d'affaires susmentionné, elle n'avait pas été impactée par la pandémie, l'appelant reconnaissant d'ailleurs lui-même que les difficultés n'étaient pas dues à celle-ci mais bien au conflit qui l'opposait à E______. De plus, il ressort de ses propres déclarations que les charges de D______ Sàrl étaient assumées par le biais de G______ Sàrl qui, elle, était effectivement impactée par la pandémie de COVID-19, puisqu'elle exploitait un commerce de bretzels à la Gare de J______. L'appelant avait déjà obtenu, quelques jours plus tôt, un crédit COVID-19 de CHF 36'000.- pour la société G______ Sàrl, laquelle employait sept personnes, en indiquant le chiffre d'affaires réel de celle-ci. Il a ensuite, le 2 avril 2020, demandé un crédit plus important pour D______ Sàrl, alors que cette dernière n'avait aucun employé et aucune activité depuis son changement d'affectation. Il a pourtant indiqué pour D______ Sàrl un chiffre d'affaires plus important que celui de G______ Sàrl, ce qui laisse à penser qu'une fois le premier crédit obtenu, l'appelant a pu constater la facilité avec laquelle un tel crédit pouvait être obtenu et a estimé être en droit de se refinancer de la sorte.

L'appelant a sciemment rempli et signé le formulaire de convention de crédit COVID-19 avec des informations mensongères, sachant qu'il n'avait pas droit à un tel crédit pour D______ Sàrl. Le chiffre d'affaires indiqué ne correspondait pas à la réalité puisque le tea-room à exploiter n'a jamais été ouvert et n'aurait pu réaliser de telles recettes, alors que le chiffre d'affaires 2019 selon les états financiers était de seulement CHF 15'089.11. La masse salariale, indiquant pourtant un montant très précis de CHF 188'462.-, était également incorrecte et ne se basait sur aucune pièce, alors que D______ Sàrl n'avait aucun employé, puisque le seul contrat de travail signé avec son associé-gérant n'avait pas encore pris effet, faute de délivrance de l'autorisation d'exploiter.

L'appelant a ensuite utilisé le crédit obtenu de manière non conforme à sa destination, alors que celui-ci aurait dû être consacré aux dépenses courantes de la société au sens de l'art. 6 al. 1 OCaS-COVID-19. Le montant de CHF 30'000.- a été destiné au rachat du fonds de commerce de G______ Sàrl le 30 avril 2020, comme cela ressort du contrat signé par les parties la veille du versement et des premières déclarations de l'appelant à la police et au MP. Le libellé du paiement, soit "PAIEMENT DU MATRIELE", ne correspond en réalité qu'au rachat de ce qui a été avancé à la société par G______ Sàrl. Cette utilisation s'écarte du but de la convention COVID-19, qui n'avait pas pour vocation de financer une aide au démarrage d'une entreprise. Il ne s'agissait pas de besoins courants d'une société naissante, étant rappelé que les nouveaux investissements dans des actifs immobilisés n'étaient pas autorisés.

Le solde de CHF 20'000.- a été retiré en espèces sans que son utilisation ne puisse être établie avec certitude. Les pièces produites par l'appelant montrent des dépenses dans un four et du matériel de cuisson (CHF 7'500.-) et des dépenses en denrées alimentaires auprès de O______ et N______ (environ CHF 2'260.- au total), alors que D______ Sàrl n'avait même pas reçu d'autorisation d'exploiter. La seule charge fixe à laquelle devait faire face la société était le paiement du loyer de son arcade. Or, contrairement à ce que l'appelant allègue, cette somme n'a pas été utilisée pour payer les loyers, puisque l'appelant a sollicité une exonération du paiement de ceux-ci alors qu'il avait déjà obtenu les fonds du crédit COVID-19 litigieux et que ces mêmes loyers sont restés impayés jusqu'en août 2020, alors que le retrait d'espèces date du 19 mai 2020.

L'appelant a d'ailleurs admis qu'il avait souhaité, par le biais des fonds ainsi obtenus, sauver l'investissement consenti dans D______ Sàrl via G______ Sàrl, ce qui démontre qu'il avait dès le départ, l'intention d'utiliser le montant obtenu non pour les besoins courants en liquidités de D______ Sàrl mais pour la survie de son autre société.

L'appelant a, de la sorte, trompé C______ par l'indication d'informations fallacieuses sur le formulaire de convention de crédit COVID-19, en obtenant un prêt auquel D______ Sàrl n'aurait jamais pu prétendre. Il a profité de la situation, tablant sur l'absence de contrôle, puisque conformément aux obligations découlant de l'OCaS-COVID-19, la banque devait faire droit à la demande de crédit sans effectuer de vérifications et libérerait immédiatement les fonds, de sorte qu'une éventuelle coresponsabilité de la dupe n'entre pas en considération.

Il s'est ainsi procuré de manière indue le montant perçu de CHF 50'000.-, enrichissant D______ Sàrl et G______ Sàrl de façon illégitime à hauteur de cette somme et causant corrélativement un dommage à C______, respectivement au B______ d'un montant équivalent. À cet égard, le fait que le prévenu ait eu l'intention de rembourser le prêt à l'échéance n'exclut pas l'infraction, un dommage temporaire étant suffisant.

Les éléments constitutifs de l'escroquerie sont ainsi remplis et, partant, le verdict de culpabilité du jugement querellé sera confirmé.

2.4.2. La demande de prêt COVID-19 remplie par l'appelant constitue manifestement un faux intellectuel, vu son contenu mensonger.

Ce document était nécessaire et suffisant, à lui seul, à engager l'appelant et l'établissement concerné dans un prêt portant sur un montant important. En effet, de par la loi, ce document est digne de confiance, à l'instar d'un formulaire A ou d'une formule officielle en matière de bail à loyer. Compte tenu de la nature particulière de ce prêt, le document que l'appelant a signé est bien un titre faux, en raison de la valeur probante accrue résultant de l'art. 11 OCaS-COVID-19, disposition légale qui permet de considérer que l'auteur endosse la conformité du contenu de la demande de crédit avec la vérité, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'était pas requise.

Ainsi, l'appelant, qui a rempli sciemment faussement le formulaire ad hoc, dans le but d'obtenir le versement d'une somme d'argent à laquelle il n'avait pas droit, remplit les éléments constitutifs de l'art. 251 CP.

Partant, la condamnation du prévenu pour faux dans les titres sera également confirmée.

2.4.3. Les faits reprochés à l'appelant tombant sous le coup de dispositions du CP, l'application subsidiaire de l'art. 23 OCaS-COVID-19 est exclue.

2.4.4. Partant, l'appel doit être rejeté sur ce grief.

3. 3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.1.2. Aux termes de l'art. 53 CP dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2019, lorsque l'auteur a réparé le dommage ou accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort qu'il a causé, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine, s'il encourt une peine privative de liberté d'un an au plus avec sursis, une peine pécuniaire avec sursis ou une amende (let. a), si l'intérêt public et l'intérêt du lésé à poursuivre l'auteur pénalement sont peu importants (let. b) et si l'auteur a admis les faits (let. c).

La possibilité offerte par l'art. 53 CP fait appel au sens des responsabilités de l'auteur en le rendant conscient du tort qu'il a causé – la notion est plus large que celle du dommage occasionné à des tiers et englobe d'autres intérêts, publics et non matériels notamment – et doit contribuer à améliorer les relations entre l'auteur et le lésé et rétablir ainsi la paix publique. Il convient cependant d'éviter de privilégier les auteurs fortunés susceptibles de monnayer leur sanction (ATF 135 IV 12 consid. 3.4.1). L'auteur doit ainsi démontrer par la réparation du dommage qu'il assume ses responsabilités et reconnaît notamment le caractère illicite ou du moins incorrect de son acte. Si l'auteur persiste à nier tout comportement incorrect, on doit admettre qu'il ne reconnaît pas, ni n'assume sa faute ; l'intérêt public à une condamnation l'emporte donc. Par ailleurs, la réparation du dommage ne peut conduire à une exemption de peine que si l'intérêt public et celui du lésé à la poursuite pénale sont de peu d'importance. Lorsque l'infraction lèse des intérêts privés et plus particulièrement un lésé, qui a accepté la réparation de l'auteur, l'intérêt à la poursuite pénale fait alors la plupart du temps défaut (arrêt du Tribunal fédéral 6B_488/2022 du 11 octobre 2022 consid. 2.1 et les références citées).

3.2.1. En l'espèce, le premier juge a retenu à juste titre que la faute de l'appelant n'était pas anodine.

Ce dernier a profité de la pandémie du COVID-19 et de la situation d'urgence qui en a découlé pour tromper les autorités dans le but de disposer indûment de montants importants, sans égard pour la collectivité et pour le but premier de la mise en place de ces crédits extraordinaires, à savoir la préservation du tissu économique suisse. Les fonds obtenus ont été utilisés pour couvrir des dépenses relevant d'autres activités de l'appelant, sans lien avec la vocation des crédits COVID-19, son mobile pouvant ainsi être qualifié d'égoïste. Sa collaboration est sans particularité.

Cela étant, il peut être mis à son crédit que, bien qu'il ait agi indirectement en sa faveur en favorisant des sociétés dans lesquelles il avait un intérêt, il n'a pas affecté l'argent à des dépenses futiles mais a voulu persévérer dans son projet. Il a agi par un acte unique et dans un contexte particulier de crise sanitaire qui a secoué le monde entier et fait craindre le pire aux petits et moyens entrepreneurs comme lui.

Il s'est, dès le départ de la procédure, montré prêt à réparer le dommage causé, ce qu'il a, à ce stade de la procédure, pu faire puisqu'il a entièrement désintéressé la partie plaignante, laquelle a retiré sa plainte et sa qualité de partie plaignante avant les débats d'appel, de sorte que le lésé n'a plus d'intérêt à la poursuite pénale. L'appelant remplit les conditions du sursis, lequel lui a été octroyé par le jugement querellé et lui est ainsi acquis (art. 391 al. 2 CP). Même si l'appelant persiste à nier la commission d'une infraction pénale, il a reconnu avoir commis une erreur et devoir prendre à sa charge les frais de la procédure préliminaire et de première instance et, par la réparation du dommage, le caractère incorrect des actes perpétrés.

Il sera dès lors retenu qu'une exemption de peine au sens de l'art. 53 CP se justifie en l'espèce.

Dans ces circonstances, il n'y a pas matière à révoquer le sursis accordé le 19 juillet 2019 par le MP.

3.2.2. L'appel sera donc partiellement admis et le jugement entrepris modifié en ce sens.

4. B______ ayant retiré sa plainte ainsi que sa constitution de partie civile, il y a lieu de réformer le jugement entrepris sur ce point également pour annuler le dispositif en tant qu'il statuait sur ses conclusions civiles et en indemnisation.

Il sera de même renoncé à une créance compensatrice.

5. Les séquestres ordonnés sur les relations bancaires pourront tous être levés, dans la mesure où ils ne l'ont pas déjà été au cours de la procédure.

Sont encore sous séquestre l'équivalent de CHF 6'500.-, soit CHF 4'850.- saisis au domicile de l'appelant et CHF 1'650.- versés par l'intéressé sur le compte de consignation des Services financiers du Pouvoir judiciaire. Le séquestre des fonds saisis chez l'appelant demeure justifié par sa condamnation au paiement d'une partie des frais de la procédure, de sorte qu'il sera maintenu en garantie du paiement de ceux-ci (art. 268 al. 1 let. a et 267 al. 1 a contrario CPP) et compensé à due concurrence (art. 442 al. 4 CPP).

6. 6.1.1. Selon l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. L'art. 428 al. 2 CPP régit les cas dans lesquels les frais de la procédure peuvent être mis à la charge de la partie recourante qui obtient une décision qui lui est plus favorable.

Pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance. Lorsqu'une partie obtient gain de cause sur un point, mais succombe sur un autre, le montant des frais à mettre à sa charge dépend de manière déterminante du travail nécessaire à trancher chaque point. Dans ce cadre, la répartition des frais relève de l'appréciation du juge du fond (arrêt du Tribunal fédéral 6B_369/2018 du 7 février 2019 consid. 4.1 non publié aux ATF 145 IV 90).

6.1.2. En appel, l'appelant succombe s'agissant de sa culpabilité mais obtient gain de cause puisqu'il se voit exempté de toute peine, toutefois pour un motif non plaidé. Il se verra dès lors condamné à 60% des frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument d'arrêt de CHF 2'000.-, le solde étant laissé à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP).

6.1.3. Les frais de la procédure préliminaire et de première instance seront en revanche laissés intégralement à sa charge, ce que l'appelant admet au demeurant, dans la mesure où la qualification juridique de l'infraction est confirmée et l'exemption de peine n'a pas eu d'influence sur ces frais (art. 428 al. 3 CPP).

7. 7.1. Aux termes de l'art. 436 CPP, les prétentions en indemnité et en réparation du tort moral dans la procédure de recours (y inclus l'appel) sont régies par les art. 429 à 434 CPP (al. 1). Si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure ne sont prononcés mais que le prévenu obtient gain de cause sur d'autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépenses (al. 2).

À teneur de l'art. 429 CPP, le prévenu a droit, s'il est acquitté totalement ou en partie ou bénéficie d'une ordonnance de classement, à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a).

La question de l'indemnisation doit être tranchée après la question des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2).

7.2. En l'espèce, l'appelant obtient partiellement gain de cause sur la peine et a donc droit à une indemnisation partielle pour la procédure d'appel, dans la même proportion de 60% que celle appliquée aux frais. Cela étant, le frais de dossiers, non justifiés, ne seront pas indemnisés.

Ainsi, l'indemnité accordée se montera à 40% de CHF 5'811.30, soit CHF 2'324.55, TVA incluse.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1129/2022 rendu le 16 septembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/14521/2020.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP) et de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP).

L'exempte de toute peine (art. 53 CP).

Renonce à révoquer le sursis octroyé le 19 juillet 2019 par le Ministère public du canton de Genève à la peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 80.-.

Confirme, en tant que de besoin, la levée des séquestres prononcés sur les comptes bancaires suivants :

-        n°2______ au nom de A______ ouvert auprès de C______ ;

-        n°7______ au nom de A______ ouvert auprès de C______ ;

-        n°8______ au nom de A______ et de E______ ouvert auprès de C______ ;

-        n°4______ au nom de D______ Sàrl ouvert auprès de C______ ;

-        n°6______ au nom de D______ Sàrl ouvert auprès de C______.

Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffres 1 à 7, 9 et 10 de l'inventaire n° 1______ du 5 octobre 2020 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance arrêtés à CHF 2'074.-, y compris un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- (art. 426 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que l'État de Genève est condamné à verser à E______ et D______ Sàrl CHF 1'341.- à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure préliminaire et de première instance (art. 434 al. 1 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'435.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 2'000.-.

Met 60% de ces frais, soit CHF 1'461.-, à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Maintient, en vue du paiement des frais de la procédure, le séquestre de la somme de CHF 4'850.- figurant sous chiffre 8 de l'inventaire n°1______ du 5 octobre 2020 (art. 268 al. 1 let. a CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'État portant sur les frais de la procédure avec les valeurs patrimoniales séquestrées et, cela fait, libère tout solde en faveur de A______ (art. 442 al. 4 CPP).

Lève le séquestre sur la somme de CHF 1'650.- déposée au nom de A______ sur le compte de consignation des Services financiers du Pouvoir judiciaire (SFPJ).

Octroie à A______ une indemnité de procédure liée à ses frais de défense pour la procédure d'appel de CHF 2'324.55 (art. 429 al. 1 let. b et 436 al. 2 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à E______, à D______ Sàrl ainsi qu'à C______.

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'074.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

280.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

80.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'435.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'509.00