Skip to main content

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/18502/2020

AARP/247/2023 du 14.07.2023 sur JTDP/1492/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : LÉGITIME DÉFENSE
Normes : CP.123; CP.286; CP.54; CPP.10; CP.15
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18502/2020 AARP/247/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 28 juin 2023

 

Entre

A______, né le ______ 1991 (alias A______, né le ______ 1995), sans domicile fixe, comparant par Me Roxane SHEYBANI, avocate, ORATIOFORTIS Avocates, rue Etienne-Dumont 22, 1204 Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1492/2022 rendu le 2 décembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

B______, partie plaignante, représenté par C______, curatrice, [société] D______, curatelles privées,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1492/2022 du 2 décembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 du Code pénal [CP]) et de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP) et l'a condamné à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 10.- l'unité. Les frais de la procédure ont été mis à sa charge.

b. A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, subsidiairement à sa condamnation pour voies de fait (art. 126 al. 1 CP), et à son indemnisation au sens de l'art. 429 CPP. Il sollicite par ailleurs la production des images de vidéosurveillance prises au no. ______, rue 1______ et no. ______, rue 2______ le 9 janvier 2022 aux alentours de 20h30.

c. Selon l'ordonnance pénale du 10 janvier 2022, il est reproché à A______ d'avoir, le 3 juillet 2020 à la Paroisse catholique de E______, asséné plusieurs coups de poing au visage de B______, lui occasionnant de la sorte des blessures.

Il lui est également reproché d'avoir, le 9 janvier 2022, au niveau de la rue 1______ no. ______ à Genève, empêché les agents de police de procéder à son interpellation et à son identification, et compliqué les actes entrant dans leurs fonctions, en prenant la fuite au moment où ils lui ont demandé de les suivre au poste, faisant fi des injonctions "Stop police", étant précisé qu'il a finalement été interpellé, l'usage de la force ayant été rendu nécessaire, dans un commerce rue 2______ no. ______, puis, une fois au poste de police de F______, en refusant de se soumettre au test AFIS en dissimulant ses mains.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. La police est intervenue, le 3 juillet 2020 au soir, à la Paroisse catholique de E______, suite à une agression. Sur place, elle a été mise en présence de B______ qui saignait légèrement au niveau du visage et qui a expliqué avoir eu un conflit avec un individu se prénommant A______, lors duquel il avait reçu deux grandes gifles au visage.

a.b. Le soir même, B______ s'est rendu dans une permanence médicale. À teneur du certificat qui y a été établi, il souffrait d'une plaie à l'arcade sourcilière gauche suturée, ainsi que d'une plaie à la racine du nez. Ces lésions étaient d'origine traumatiques et pouvaient, selon toute vraisemblance, avoir été causées par les sévices qu'il disait avoir subis.

b. Dans un courrier du 6 septembre 2020 adressé à B______, A______ s'est excusé de l'avoir "injustement agressé", ajoutant espérer être pardonné pour ses "gestes inacceptables".

c. Le 1er octobre 2020, par l'entremise de sa curatrice, B______ a déposé plainte pénale contre A______. L'altercation avait débuté car ce dernier avait refusé de lui remettre les clés de la Paroisse. Après qu'il avait insisté, A______ s'était emporté et l'avait frappé au visage, lui occasionnant des saignements. La police avait été appelée, mais à son arrivée, A______ avait déjà quitté les lieux.

d. Le 9 février 2021, un ordre d'arrestation provisoire a été établi à l'encontre de A______, suivi d'un avis de recherche et d'arrestation le 25 mai 2021.

e. Le 9 janvier 2022, la police a procédé au contrôle d'un individu correspondant au signalement de A______ à la rue 1______ no. ______. Selon le rapport d'interpellation, l'individu, qui n'avait pas pu être identifié formellement, avait pris la fuite en courant, faisant fi des injonctions "Stop police". Retrouvé dans une épicerie à la rue 2______ no. ______, il avait à nouveau tenté de prendre la fuite, contraignant les policiers à faire usage de la force pour l'appréhender. Au poste de police, il avait été soumis au test AFIS, lequel s'était révélé positif au nom de A______. Comme au moment d'être conduit en salle d'audition il semblait inconscient, une ambulance avait été appelée et il avait été emmené aux HUG. Selon le rapport d'interpellation, son état était dû à une crise d'hypoglycémie. Toutefois, aucun rapport médical n'a été versé au dossier.

f. Devant le Ministère public (MP) et le TP, A______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés. B______ avait refusé de le laisser discuter avec G______, employée de l'Eglise Catholique H______, dans le bureau de cette dernière, puis lui avait barré le passage et l'avait poussé au moment où il sortait pour lui laisser la place. À la suite de cette bousculade, il l'avait à son tour poussé par l'épaule avec les deux mains, le faisant tomber et se cogner la tête contre une table. Il avait immédiatement regretté son geste et s'était excusé. La scène s'était déroulée dans le couloir, de sorte qu'il ignorait si G______ l'avait vue.

Il ne s'était pas rendu à la rue 1______ le jour des faits et n'avait pas entendu les policiers dire "Stop police". Lors de son contrôle à la rue 2______, il n'avait pas fui, mais s'était laissé faire et avait voulu donner ses papiers d'identité aux policiers, lorsque l'un d'eux lui avait donné des coups, puis passé les menottes. Il était presque inconscient une fois au poste de police.

Afin de prouver ses dires, il a sollicité du MP la production des images de son interpellation, en vain.

g. B______ a indiqué n'avoir gardé aucune séquelle de l'altercation et n'avoir aucune conclusion civile à faire valoir.

h. Selon I______, l'un des policiers ayant procédé à l'interpellation de A______, lors d'un contrôle à la rue 1______, le prévenu s'était enfui, avant d'être retrouvé dans un commerce, rue 2______. Il avait tenté de prendre la fuite une seconde fois, raison pour laquelle l'usage de la force avait été nécessaire. A son arrivée au poste, A______ était très virulent.

i. Le TP n'a pu donner suite à la requête réitérée de A______, tendant à la production des images de vidéosurveillance de son interpellation, celles-ci n'étant plus disponibles.

j. Par courrier du 30 mai 2023, A______ a déposé un bordereau de pièces complémentaires explicitant notamment le contexte de l'altercation avec B______ et l'attitude désobligeante adoptée par ce dernier à l'égard de tiers. Une attestation de G______ du 24 mai 2023 précisait que B______ était insistant le soir des faits et avait refusé de partir quand cela lui avait été demandé. Elle n'avait toutefois pas vu l'altercation. A______ s'était montré désolé à plusieurs reprises, à l'inverse de B______, qui n'avait jamais fait part de ses regrets. Elle pensait qu'une médiation était la meilleure façon d'arranger les choses.

C. a. Aux débats d'appel, A______ a confirmé ses précédentes déclarations.

Il avait écrit une lettre d'excuses à B______ en raison de ses valeurs religieuses et parce que les faits s'étaient déroulés dans une église. Même si le plaignant lui avait bloqué le passage et l'avait poussé, il n'aurait pas dû le repousser et regrettait son geste. Il ignorait, au moment des faits, la fragilité de son interlocuteur.

Il était en outre choqué d'avoir été condamné pour avoir pris la fuite, alors que les images de vidéosurveillance demandées auraient prouvé le contraire. Au moment de sortir du tabac, un policier lui avait dit de s'arrêter, ce qu'il avait fait, avant que celui-ci ne lui donne un coup à l'abdomen et ne lui tire les bras en arrière.

b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.

Il s'était trouvé dans une situation de légitime défense vis-à-vis de B______, dès lors que ce dernier lui avait bloqué le passage et l'avait poussé. C'était en réaction à cette bousculade qu'il avait à son tour poussé B______ qui était tombé sur une table. Sa lettre d'excuses ne constituait pas l'admission d'une culpabilité au sens du droit pénal, mais était la preuve d'un repentir sincère à l'égard des faits. En tout état, B______ n'avait gardé aucune séquelle de l'altercation et les points de suture ne suffisaient pas à retenir l'infraction de lésions corporelles simples, les faits devant être requalifiés en voies de fait.

Par ailleurs, il n'était pas à la rue 1______ le 9 janvier 2022. Lors de son interpellation à la rue 2______, il n'avait en outre pas pris la fuite et n'avait eu que des gestes visant à sa propre protection, lesquels ne justifiaient pas un tel déploiement de force de la part des agents. Le déroulement des faits tel que décrit par la police était invraisemblable.

c. B______ conclut au rejet de l'appel.

d. Le MP, qui n'a pas participé aux débats d'appel, a conclu, par courrier du 1er février 2023, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

D. A______, qui déclare que son vrai nom serait A______, né le ______ 1995, est un ressortissant guinéen né en 1991, célibataire et sans enfant. Il est sans diplôme, n'a pas d'emploi, ne perçoit pas de revenu et est sans fortune. Il vit essentiellement de l'aide d'associations.

A teneur de son casier judiciaire, il a été condamné à huit reprises entre août 2010 et mai 2019, dont :

-          Le 24 novembre 2015, par la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), à une peine privative de liberté de six mois, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.- l'unité, pour délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEtr), opposition aux actes de l'autorité (art. 286 aCP) et dénonciation calomnieuse (art. 303 ch. 1 CP) ;

-          Le 15 mars 2017, par le MP, à une peine privative de liberté de 135 jours, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- l'unité, pour recel (art. 160 ch. 1 al. 1 CP), délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. d LStup), infractions à la loi fédérale sur les étrangers (art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 LEtr) et opposition aux actes de l'autorité (art. 286 aCP) ;

-          le 1er mai 2019, par le MP, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- l'unité, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et opposition aux actes de l'autorité (art. 286 aCP).

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. Il signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes sérieux et irréductibles quant à l'existence de ce fait (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 et 2.2.3.3; 127 I 38 consid. 2a).

2.2. L'art. 10 al. 2 CPP consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3). Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

3. 3.1. L'art. 123 ch. 1 al. 1 CP punit celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé. Cette disposition implique une atteinte importante aux biens juridiques protégés. À titre d'exemples, la jurisprudence cite l'administration d'injections, la tonsure totale et tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 consid. 1.1 p. 191 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1). Il s'agit d'une infraction intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (ATF 119 IV 1 consid. 5a).

3.2. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé (ATF 134 IV 189 consid. 1.2 et 1.3 ; 117 IV 14 consid. 2a/cc ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_693/2017 du 24 août 2017 consid. 2.1 ; 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 4.2 et 4.4 ; 6B_163/2008 du 15 avril 2008 consid. 2 et 6P.99/2001 du 8 octobre 2001 consid. 2b et 2c).

3.3. La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée. Les meurtrissures, écorchures, griffures ou contusions constituent des lésions corporelles simples si le trouble qu'elles apportent, même passager, équivaut à un état maladif, notamment si viennent s'ajouter au trouble du bien-être de la victime un choc nerveux, des douleurs importantes, des difficultés respiratoires ou une perte de connaissance. Par contre, si lesdites lésions ne portent qu'une atteinte inoffensive et passagère au bien-être du lésé, les coups, pressions ou heurts dont elles résultent ne constituent que des voies de fait (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; 107 IV 40 consid. 5c ; 103 IV 65 consid. II 2c p. 70 ; arrêt du Tribunal fédéral 6S_474/2005 du 27 février 2006 consid. 7.1).

Comme les notions de voies de fait et d'atteinte à l'intégrité corporelle, qui sont décisives pour l'application des art. 123 et 126 CP, sont des notions juridiques indéterminées, une certaine marge d'appréciation est reconnue au juge du fait car l'établissement des faits et l'interprétation de la notion juridique indéterminée sont étroitement liés (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 191-192 ; 119 IV 25 consid. 2a p. 27 et les arrêts cités).

3.4. Quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente, a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances (art. 15 CP).

La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 consid. 2a p. 14 ; 104 IV 232 consid. C p. 236 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_600/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.1 non publié in ATF 141 IV 61 ; 6B_632/2011 du 19 mars 2012 consid. 2.1). S'agissant en particulier de la menace d'une attaque imminente contre la vie ou l'intégrité corporelle, celui qui est visé n'a évidemment pas à attendre jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour se défendre ; il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. La seule perspective qu'une querelle pourrait aboutir à des voies de fait ne suffit pas. Par ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à la défense. Un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense (ATF 93 IV 81 p. 83 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_130/2017 du 27 février 2018 consid. 3.1 = SJ 2018 I 385 ; 6B_346/2016 du 31 janvier 2017 consid. 2.1.2).

Celui qui invoque un fait justificatif susceptible d'exclure sa culpabilité ou de l'amoindrir doit en rapporter la preuve, car il devient lui-même demandeur en opposant une exception à l'action publique. Si une preuve stricte n'est pas exigée, l'accusé doit rendre vraisemblable l'existence du fait justificatif. Il convient ainsi d'examiner si la version des faits invoquée par l'accusé pour justifier la licéité de ses actes apparaît crédible et plausible eu égard à l'ensemble des circonstances (G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd., Zurich 2011, n. 555, p. 189).

3.5. En l'espèce, l'appelant ne conteste pas être à l'origine des lésions de l'intimé mais plaide la légitime défense. Or, quand bien même l'intimé aurait adopté un comportement chicanier le soir des faits, ce qui n'est au demeurant pas prouvé, il n'est nullement établi qu'il aurait eu des gestes physiques à l'encontre de l'appelant. Leur version des faits est en effet contradictoire et aucun témoin n'a assisté à la scène ; la description de l'origine de l'altercation dans l'attestation produite aux débats d'appel diverge de la thèse de l'appelant et ne lui est ainsi d'aucun secours. De surcroît, les blessures de l'intimé ne sont pas compatibles avec la version des faits de l'appelant. En effet, si ce dernier l'avait effectivement repoussé en réponse à une première bousculade, l'intimé aurait vraisemblablement dû tomber en arrière. Or, ses blessures se situent au niveau du visage, de sorte qu'il apparaît bien plus vraisemblable qu'il ait reçu des coups.

À teneur du certificat médical produit, l'intimé a dû subir des points de suture au visage, soit plus précisément à l'arcade sourcilière, en plus d'une plaie à la racine du nez. Dans ces circonstances, ses blessures lui ont causé un trouble non négligeable, de sorte que la qualification de lésions corporelles simples doit être confirmée. En tout état de cause, et même à retenir la version des faits de l'appelant selon laquelle les lésions de l'intimé auraient été causées non par des coups mais par sa chute, il devait savoir que pousser l'intimé en arrière était susceptible de lui causer des lésions corporelles simples. Le dol éventuel doit donc a minima être retenu.

La légitime défense ne pouvant pas être retenue, la culpabilité de l'appelant de lésions corporelles simples sera confirmée.

4. 4.1. L'art. 286 al. 1 CP punit celui qui aura empêché une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire d'accomplir un acte entrant dans ses fonctions.

Pour qu'il y ait opposition aux actes de l'autorité au sens de l'art. 286 CP, il faut que l'auteur, par son comportement, entrave l'autorité ou le fonctionnaire dans l'accomplissement d'un acte officiel. La norme définit une infraction de résultat. Il n'est pas nécessaire que l'auteur parvienne à éviter effectivement l'accomplissement de l'acte officiel. Il suffit qu'il le rende plus difficile, l'entrave ou le diffère (ATF 133 IV 97 consid. 4.2 p. 100 ; 127 IV 115 consid. 2 p. 118 ; 124 IV 127 consid. 3a p. 129 et les références citées).

Le comportement incriminé à l'art. 286 CP suppose une résistance qui implique une certaine activité (ATF 133 IV 97 consid. 4.2 p. 100 ; 127 IV 115 consid. 2 p. 117 et les références citées) qui est réalisée, par exemple, par le fait de prendre la fuite (ATF 120 IV 136 consid. 2a p. 140 et les références citées).

L'opposition aux actes de l'autorité, pour autant que ceux-là soient manifestement illégaux et que les voies de droit existantes ne donnent pas de protection suffisante, n'est pas punissable si elle tend au maintien ou au rétablissement de l'ordre légal. Il ne suffit donc pas que les conditions légales de l'acte ne soient pas remplies ; encore faut-il que l'autorité ou le fonctionnaire commette un abus d'autorité, c'est-à-dire qu'il exerce ses pouvoirs coercitifs dans un but étranger à ses fonctions ou d'une manière manifestement disproportionnée (ATF 142 IV 129 consid. 2.1 p. 132 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_206/2010 du 2 septembre 2010 consid. 4.2).

L'infraction réprimée à l'art. 286 CP requiert l'intention ; le dol éventuel suffit.

4.2. L'appelant conteste être l'individu contrôlé à la rue 1______ et prétend que les images de vidéosurveillance de son interpellation auraient pu prouver son innocence.

Celles-ci n'existent toutefois plus et s'il est regrettable que ni la police, ni le MP n'aient donné suite à la requête de l'appelant, il n'en demeure pas moins que le témoignage du policier ayant procédé à son interpellation permet d'écarter tout doute quant à l'identité de l'individu contrôlé à la rue 1______.

En effet, tant le rapport d'interpellation que le témoin indiquent que ce dernier n'avait initialement pas pu être identifié formellement, mais qu'il avait, ensuite de sa fuite, été retrouvé et appréhendé à la rue 2______ no. ______ ; le témoin a confirmé l'avoir personnellement reconnu. À son arrivée au poste de police, la personne interpellée a pu être identifiée formellement comme étant l'appelant.

Dans ces circonstances, force est de constater que c'était bien ce dernier qui se trouvait à la rue 1______ le soir des faits et qui a pris la fuite lors du contrôle de police, de sorte que sa culpabilité doit être confirmée sur ce point.

4.3. En ce qui concerne son interpellation à la rue 2______, tant le rapport de police que le témoin affirment que l'usage de la force a été rendu nécessaire par sa tentative de fuite, puis par son comportement virulent. Aucun élément au dossier ne permet de douter de ce qui précède. En effet, on voit mal pourquoi les policiers auraient fait usage de la force à l'égard de l'appelant s'il n'avait pas tenté de prendre la fuite, avait présenté ses documents d'identité et était resté calme. De surcroît, l'appelant a déjà fait l'objet de nombreuses condamnations pour ce type d'infractions, de sorte que ses allégations apparaissent peu crédibles, étant précisé que la question de savoir si la réaction des policiers, laquelle s'inscrivait dans leurs prérogatives, était disproportionnée ou non n'a pas à être tranchée par l'autorité d'appel, qui n'est pas saisie de ces faits.

Au vu de ce qui précède, A______ s'est bien rendu coupable d'empêchement d'accomplir un acte officiel au sens de l'art. 286 CP.

5. 5.1. L'infraction de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP) est réprimée par une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire, tandis que l'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP) est passible d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende au plus.

5.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

5.3. Le juge atténue la peine si l'auteur a manifesté par des actes un repentir sincère, notamment s'il a réparé le dommage autant qu'on pouvait l'attendre de lui (art. 48 let. d CP). Le seul fait qu'un délinquant ait passé des aveux ou manifesté des remords ne suffit pas (cf. ATF 121 IV 202 consid. 2d/cc p. 206 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1368/2016 du 15 novembre 2017 consid. 5.1 non publié aux ATF 143 IV 469).

5.4. Aux termes de l'art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à la renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

Ne peut se prévaloir de l'art. 54 CP que celui qui est directement atteint par les conséquences de son acte. Tel est notamment le cas si l'auteur a subi des atteintes physiques résultant de la commission même de l'infraction, – par exemple s'il a été blessé lors de l'accident qu'il a provoqué – ou psychiques – comme celles qui affectent une mère de famille devenue veuve par suite de l'accident de la circulation qu'elle a causé (ATF 119 IV 280 consid. 2b p. 283).

Cette disposition doit s'appliquer dans le cas où une faute légère a entraîné des conséquences directes très lourdes pour l'auteur et, à l'inverse, ne doit pas être appliquée lorsqu'une faute grave n'a entraîné que des conséquences légères pour lui. Entre ces extrêmes, le juge doit prendre sa décision en analysant les circonstances concrètes du cas d'espèce. Il dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Lorsque l'application de l'art. 54 CP n'est pas d'emblée exclue, le juge doit d'abord apprécier la culpabilité de l'auteur conformément à l'art. 47 CP, sans égard aux conséquences que l'acte a entraînées pour celui-ci, puis mettre en balance la faute commise et les conséquences subies. Si cet examen révèle que l'auteur a déjà été suffisamment puni par les conséquences de son acte et qu'une autre sanction ne se justifie plus, il renoncera à prononcer une peine (ATF 137 IV 105 consid. 2.3 ; 121 IV 162 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_515/2019 du 11 juin 2019 consid. 2.1).

5.5. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'émission du pronostic sur l'amendement de l'auteur visé par l'art. 42 al. 1 et al. 2 CP. Ce dernier doit toutefois être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 186 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1406/2016 du 16 octobre 2017 consid. 1.1 à 1.3 ; 6B_430/2016 du 27 mars 2017 consid. 3.1).

5.6. En l'espèce, la faute de l'appelant n'est pas légère et dénote d'un certain mépris des lois en vigueur. En effet, il a frappé un individu lors d'une altercation, lui occasionnant des blessures à la tête, dont l'une a nécessité des points de suture, et pris la fuite à deux reprises lors d'un contrôle de police, ce alors-même qu'il a déjà été condamné à de nombreuses reprises pour ce type d'infraction.

Sa collaboration à la procédure et sa prise de conscience ne peuvent être qualifiées de bonnes. L'appelant a persisté à contester, en appel également, les faits qui lui sont reprochés, à mettre en cause l'intimé dans l'altercation et à minimiser les blessures que ce dernier a subies. À cet égard, le simple fait d'avoir écrit une lettre d'excuses n'est pas en soi suffisant pour retenir un repentir sincère, la prise de conscience de l'appelant n'étant visiblement pas encore suffisamment aboutie.

Sa situation personnelle ne permet au demeurant pas de comprendre, encore moins de justifier, ses actes.

S'agissant de l'usage de la force par les policiers lors de l'interpellation de l'appelant sis à la rue 2______ no. ______, rien au dossier ne permet de penser que celui-ci était injustifié et/ou excessif. Cela étant, il apparaît néanmoins qu'il a dû être emmené d'urgence à l'hôpital en raison de son état. Aucun rapport d'intervention médicale n'ayant été versé au dossier, l'on ignore tout des motifs pour lesquels l'ambulance a été appelée, du même que du constat médical qui a été fait à son arrivée à l'hôpital.

Dans ces circonstances, il ne peut être exclu que l'intervention d'un médecin ait été rendue nécessaire par l'usage de la force lors de l'interpellation de l'appelant. Dans le doute, l'appelant sera par conséquent mis au bénéfice de l'art. 54 CP, de sorte qu'il bénéficiera d'un classement s'agissant de la seconde infraction à l'art. 286 CP.

Compte tenu de ce qui précède, la peine privative de liberté de 60 jours pour les lésions corporelles simples prononcée par le premier juge, qui est adéquate et proportionnée aux circonstances, sera confirmée ; la peine pécuniaire sera en revanche réduite à 10 jours-amende à CHF 10.- l'unité s'agissant d'un seul empêchement d'accomplir un acte officiel.

Les conditions du sursis n'étant pas remplies, ni plaidées, celui-ci ne sera pas prononcé.

6. 6.1. Lorsque le classement se fonde sur les art. 52 à 55 CP, il se justifie, au vu de l'acte illicite commis par l’auteur, d’imputer à ce dernier les frais de la cause (art. 426 al. 2 CPP ; ATF 144 IV 202 précité, consid. 2.3).

6.2. En l'espèce, la condamnation de l'appelant pour les chefs de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP) et d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP) est confirmée, de sorte que les frais de la procédure doivent être mis à sa charge.

Le classement de la procédure s'agissant de l'infraction commise à la rue 2______ no. ______ (art. 286 CP) n'y change rien compte tenu de l'acte illicite commis par l'appelant.

Dans ces circonstances, il y a lieu de lui imputer les frais de la cause dans leur intégralité, y compris un émolument de décision de CHF 1'500.-.

7. La décision sur les frais préjuge du sort de l'indemnisation. Il en résulte qu'en cas de condamnation aux frais, il n'y a pas lieu d'octroyer une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 CPP (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1268/2018 du 15 février 2019 consid. 4.1).

Il n'y a dès lors pas lieu d'allouer à l'appelant une indemnité pour ses frais d'avocat.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1492/2022 rendu le 2 décembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/18502/2020.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Classe la procédure s'agissant du chef d'empêchement d'accomplir un acte officiel commis à la rue 2______ no. ______ (art. 54 et 286 CP).

Déclare A______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP) et d'empêchement d'accomplir un acte officiel, s'agissant des actes commis à la rue 1______ no. ______ (art. 286 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement (art. 40 et art. 51 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 10 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.-.

Condamne A______ aux frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'437.-, y compris les émoluments de jugement de CHF 300.- et CHF 600.- (art. 426 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'705.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.- (art. 426 al. 2 et 428 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 430 al. 1 let. a CPP).

Notifie le présent arrêt à A______, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 

 

 

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de Police :

CHF

1'437.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

50.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'705.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'142.00