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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/8994/2018

AARP/238/2023 du 07.07.2023 sur JTDP/218/2021 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : ACQUITTEMENT;DÉCISION DE RENVOI;VIOLATION D'UNE OBLIGATION D'ENTRETIEN
Normes : CP.217
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8994/2018 AARP/238/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 26 juin 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, FRANCE, comparant en personne,

appelant,

 

contre le JTDP/218/2021 rendu le 25 février 2021 par le Tribunal de police,

 

et

SCARPA, domicilié rue Ardutius-De-Faucigny 2, case postale 3429, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 

statuant à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1331/2021 du 11 octobre 2022 admettant le recours de A______ contre l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision AARP/321/2021 du 12 octobre 2021.


EN FAIT :

A. a. Selon l'ordonnance pénale du 22 juillet 2020, il est reproché à A______ d'avoir, de février 2018 à janvier 2019, omis de verser en mains du SCARPA la contribution d'entretien due pour sa fille B______, née le ______ 2001, fixée à CHF 1'200.- par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, jusqu'à sa majorité, voire au-delà, mais jusqu'à 25 ans maximum en cas d'études ou de formation régulières et suivies, alors qu'il disposait des moyens pour le faire, ou aurait pu en disposer, accumulant de la sorte un arriéré de CHF 14'400.- pour la période pénale précitée, faits qualifiés de violation d'une obligation d'entretien, plainte pénale ayant été déposée le 16 mai 2018 (art. 217 al. 1 Code pénal [CP]).

b. Par jugement du 25 février 2021, le Tribunal de police (TP) a reconnu A______ coupable de violation d'une obligation d'entretien, l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec un sursis de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 360.-, le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA) étant renvoyé à agir par la voie civile et A______ condamné aux frais de la procédure.

c. L'appel interjeté par A______ contre ce jugement a été rejeté par arrêt AARP/321/2021 du 12 octobre 2021, frais de la procédure d'appel à sa charge.

d. Par arrêt du 11 octobre 2022, le Tribunal fédéral (TF) a admis le recours de A______, considérant que celui-ci avait toujours contesté avoir eu connaissance du jugement du 8 mars 2016 fixant la pension alimentaire, et qu'il n'en avait pris connaissance qu'à réception du courrier du MP de janvier 2021 (recte: 2020). Il avait expliqué n'avoir jamais été domicilié à l'adresse en Russie où ont été notifiées les convocations du tribunal civil ayant conduit à la notification par voie édictale du jugement, mais à C______ au Kazakhstan où il donnait, durant toute la période pénale, des cours de français, attestations de travail et de salaire à l'appui.

La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) n'avait pas examiné le bien fondé de cet allégué, déterminant s'agissant de la condition subjective de l'infraction retenue (connaissance de l'obligation fixée dans le jugement).

Dans l'hypothèse où elle entendait considérer que l'intention était donnée, au motif qu'il s'agirait d'un cas patent en référence à l'ATF 128 IV 86, la CPAR devait motiver dans quelle mesure les critères permettant de retenir l'intention seraient réunis en l'espèce.

B. Les faits suivants, encore pertinents au stade du renvoi par le Tribunal fédéral, ressortent de la procédure :

a.a. A______ et D______ se sont mariés en 1996 en Russie. De leur union est née B______, en 2001. Les époux ont emménagé à Genève en 2007.

a.b. Leur divorce a été prononcé en août 2011 en Russie et retranscrit à l'état civil de Genève en octobre 2011. Il ressort dudit jugement que la volonté des parties était de divorcer et qu'elles n'étaient au surplus pas en conflit s'agissant des effets accessoires.

a.c. A______ a continué à pourvoir à l'entretien de sa fille et de son ex-épouse jusqu'en juin 2012. Il allègue qu'à cette date cette dernière a subitement décidé de quitter le domicile avec l'enfant, sans l'informer des raisons, ni de sa nouvelle adresse.

a.d. En septembre 2012, A______ a quitté définitivement la Suisse pour s'installer à C______ au Kazakhstan rejoindre sa nouvelle épouse, avec laquelle il a eu un fils en ______ 2013. Après y avoir travaillé de 2014 à 2017 en qualité d'enseignant de français, il a quitté le Kazakhstan pour s'installer à E______ en France afin de suivre un Master en science du langage à l'Université de F______ jusqu'en août 2019.

b.a. Le 8 mars 2016, saisi par D______ d'une requête en complément du jugement de divorce russe, le Tribunal de première instance de Genève a attribué à celle-ci l'autorité parentale et la garde de B______ et a condamné A______ à verser en main de son ex-épouse, par mois et d'avance, le montant de CHF 1'200.- à titre de contribution pour leur enfant.

b.b. À teneur dudit jugement, A______ avait annoncé son départ pour G______ [Russie] le 18 septembre 2012 pour le 28 septembre 2012. La citation à comparaître ainsi que la demande lui avaient été notifiées par commission rogatoire avec demande d'élection d'un domicile de notification en Suisse en avril 2015. L'intéressé n'ayant pas donné suite à la convocation du Tribunal russe, "reçue trois fois", pour se voir remettre les documents de ladite commission rogatoire, celle-ci était réputée notifiée selon la législation russe et son défaut constaté par le juge suisse.

b.c. A______ ne s'acquittant pas de la contribution due, D______ a mandaté le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaire (SCARPA), lequel a déposé plainte le 16 mai 2018 contre A______ pour la période de février 2018 à janvier 2019.

c.a. A______ a toujours contesté avoir eu connaissance du jugement du 8 mars 2016 fixant la contribution d'entretien.

c.b. Dans sa plainte pénale, le SCARPA a expliqué que malgré plusieurs tentatives, en particulier deux courriers adressés à A______ à G______, il n'avait pas été en mesure de contacter l'intéressé.

c.c. Il ressort de la procédure d'entraide pénale russe que A______ n'avait pas pu être localisé à l'adresse mentionnée. La personne qui occupait l'appartement avait déclaré avoir vu l'intéressé pour la dernière fois en 2014, date à laquelle il avait déménagé avec sa famille pour s'établir au Kazakhstan.

c.d. À la faveur d'une recherche internet, le SCARPA a fini par trouver, en novembre 2019, une adresse à E______ [France], qu'il a immédiatement communiquée au MP.

c.e. Dans le cadre de la présente procédure pénale, A______ a, par courrier, indiqué n'avoir pas pris part à la procédure civile genevoise, ayant été convoqué à une mauvaise adresse en Russie. Il a expliqué qu'au vu de la législation russe, il était requis de conserver une adresse dans le pays après un départ à l'étranger. L'adresse à laquelle il avait été convoqué était celle qu'il avait utilisée pour le retrait de ses avoirs de prévoyance professionnelle en Suisse ; ce n'était pas son adresse d'enregistrement officielle, car cette dernière ne garantissait plus l'accès aux courriers, et il ne disposait pas des clés du logement y relatif. Il a affirmé n'avoir jamais caché que son adresse était au Kazakhstan, disant qu'elle aurait figuré sur de nombreux documents et aurait été connue de son ex-épouse. Il n'a toutefois produit aucune preuve allant dans ce sens.

Devant le MP, il a encore souligné n'avoir jamais reçu d'information quant au jugement du 8 mars 2016, ni quant à l'intervention du SCARPA, avant la présente procédure pénale, soit avant le courrier du MP du 10 janvier 2020, notifié le 23 janvier 2020, l'interpellant ensuite de la plainte déposée contre lui.

d. Les éléments suivants ressortent du dossier quant à sa situation financière pendant la période pénale, soit de février 2018 à janvier 2019 :

d.a. A______, ingénieur en aéronautique, titulaire d'un doctorat en économie et d'un MBA, décrivait sa situation financière comme étant alors difficile. Il avait quitté la Suisse le 18 septembre 2012, après son licenciement, pour rejoindre sa nouvelle épouse domiciliée à C______ au Kazakhstan qu'il ne parvenait pas à faire venir à Genève. Il avait retiré l'intégralité de ses avoirs de prévoyance professionnelle pour rembourser les dettes de son premier ménage. Une fois arrivé au Kazakhstan, n'ayant pu trouver un emploi dans ce pays ni même en Russie, il avait pris la décision de devenir enseignant de français, activité qu'il a exercée au Kazakhstan de janvier 2014 à août 2017 pour un salaire mensuel moyen oscillant entre CHF 152.43 et 648.34. Il avait ensuite débuté un Master à l'Université de F______ en septembre 2017 jusqu'en août 2019 et n'avait réalisé aucun revenu durant cette période. Les frais annuels du programme de Master étaient d'EUR 380.-, son loyer s'élevait à EUR 379.- mensuels, allocation déduite et il payait EUR 99.- mensuels de frais d'électricité. Il avait couvert ses autres charges et celles de sa seconde épouse grâce aux économies réalisées au Kazakhstan dès juin 2014 ainsi que grâce à l'aide de leurs amis et de leur famille. Aucune preuve de ses recherches d'emploi infructueuses n'a été produite.

Ainsi, il n'avait eu aucun revenu durant la période pénale car il suivait des cours tous les jours durant quatre ou six heures, soit un programme si intense qu'il n'avait pas de temps à disposition pour travailler. Son statut d'étudiant ne lui permettait au demeurant pas d'exercer une activité lucrative à plus de 60%. La réglementation française ne lui permettait en outre pas d'obtenir un contrat de travail de durée indéterminée dans un établissement étatique dans le domaine de l'enseignement et la ville de E______ n'offrait aucun emploi dans le domaine de ses compétences initiales.

d.b. A______ a confirmé dans un courrier au TP avoir été étudiant durant la période pénale (2018/2019) et n'avoir ainsi réalisé aucun revenu. Il a énuméré ses charges actualisées, pièces à l'appui.

Les avis d'impôts produits faisaient état d'un revenu net de EUR 2'216.- pour l'année 2019 et d'aucun revenu pour l'année 2018, étant précisé que son contrat d'enseignant vacataire a débuté après la période pénale.

d.c. Devant le TP, A______ a maintenu s'être trouvé sans revenu durant la période pénale, comme l'attestait copie des impôts français versés à la procédure.

e. De manière contextuelle, il a encore déclaré considérer que son ex-épouse avait induit en erreur le Tribunal civil genevois et qu'en lui "enlevant" son enfant, elle avait "changé les règles de leur accord" et mis fin à son obligation d'entretien, alors qu'il était jusqu'alors prêt à payer toutes les charges de sa fille, ce qu'il avait du reste fait pendant une année.

Quelques mois après son départ, il avait obtenu la nouvelle adresse de sa fille par courrier de l'Office cantonal de la population le 24 avril 2013. Il lui avait envoyé plusieurs courriers sans jamais recevoir de réponse. Il avait finalement pu reprendre un contact téléphonique à l'insu de son ex-femme. Devant le MP, il est revenu sur cette affirmation, déclarant connaitre l'adresse de sa fille grâce au jugement civil reçu dans le cadre de la présente procédure.

Il souhaitait désormais faire modifier le jugement civil pour ne plus avoir à payer de contribution d'entretien et allait entreprendre les démarches utiles. Cela étant, même s'il avait su qu'il était condamné à verser une contribution d'entretien, il n'aurait de toutes façons pas payé les montants en question pour les raisons exposées.

Il ressort au surplus du dossier que depuis la connaissance effective du jugement, il n'a toujours rien versé pour l'entretien de sa fille.

C. a. À son retour du Tribunal fédéral, la procédure s'est poursuivie devant la CPAR par la voie écrite.

Sollicité, le greffe du Tribunal civil a indiqué que le jugement du 8 mars 2016 avait été notifié par voie édictale. Le tribunal avait indiqué dans sa publication que A______ était domicilié à une adresse à G______ et n'avait pas donné suite à une injonction d'élire un domicile de notification en Suisse.

b. Invitées à formuler leurs observations, les parties se sont déterminées comme suit :

b.a. Le MP conclut au rejet de l'appel.

Indépendamment de la connaissance effective du jugement, l'élément subjectif de l'infraction à l'art. 217 al. 1 CP était rempli dès lors qu'il s'agissait d'un cas patent, conformément à la jurisprudence. En effet, l'appelant ne s'était acquitté d'aucun montant durant toute la période pénale et il ressortait de ses déclarations que c'était suite à l'"enlèvement" de sa fille par son ex-épouse qu'il avait considéré n'avoir plus aucune obligation alimentaire, alors même qu'il était disposé initialement à s'acquitter de dite obligation.

b.b. Le SCARPA s'en rapporte à justice.

b.c. Le pli adressé à A______ a été retourné avec la mention "Pli avisé et non réclamé". Ce dernier ne s'est plus manifesté par la suite, malgré les autres communications qui lui ont été transmises.

EN DROIT :

1. 1.1. Un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral lie l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée, laquelle voit sa cognition limitée par les motifs dudit arrêt, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral (ATF 104 IV 276 consid. 3b et 103 IV 73 consid. 1 ; ATF 131 III 91 consid. 5.2 ; ATF 135 III 334 consid. 2).

1.2. Conformément aux considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral du 11 octobre 2022, la Cour de céans doit ainsi déterminer si l'appelant avait ou non eu connaissance du jugement le condamnant à contribuer à l'entretien de sa fille et dans quelle mesure l'intention pouvait être retenue sur cette base. S'il pouvait être abstraction dudit jugement, la Cour devait motiver si les critères du cas patent étaient réunis en l'espèce.

2. 2.1.1. L'art. 217 al. 1 CP punit, sur plainte, celui qui n'aura pas fourni les aliments ou les subsides qu'il doit en vertu du droit de la famille, quoi qu'il en eût les moyens ou pût les avoir.

D'un point de vue objectif, l'obligation d'entretien est violée lorsque le débiteur ne fournit pas, intégralement, à temps et à disposition de la personne habilitée à la recevoir, la prestation d'entretien qu'il doit en vertu du droit de la famille. Pour déterminer si l'accusé a respecté ou non son obligation d'entretien, il ne suffit pas de constater l'existence d'une obligation d'entretien résultant du droit de la famille, mais il faut encore en déterminer l'étendue. On ne peut reprocher à l'auteur d'avoir violé son obligation d'entretien que s'il avait les moyens de la remplir, ou aurait pu les avoir (arrêt du Tribunal fédéral 6B_739/2017 du 9 février 2018 consid. 2.1). Par-là, on entend celui qui, d'une part, ne dispose certes pas de moyens suffisants pour s'acquitter de son obligation, mais qui, d'autre part, ne saisit pas les occasions de gain qui lui sont offertes et qu'il pourrait accepter (ATF 126 IV 131 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2017 du 12 avril 2018 consid. 6.1 ; 6B_1017/2016 du 10 juillet 2017 consid. 2.2). Le cas échéant, il doit changer d'emploi ou de profession, pour autant qu'on puisse l'exiger de lui (ATF 126 IV 131 consid. 3a/aa = JT 2001 IV 55). Il n'est pas nécessaire que le débiteur ait eu les moyens de fournir entièrement sa prestation, il suffit qu'il ait pu fournir plus qu'il ne l'a fait et qu'il ait, dans cette mesure, violé son obligation d'entretien (ATF 114 IV 124 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2017 du 12 avril 2018 consid. 6.1 ; 6B_1017/2016 du 10 juillet 2017 consid. 2.4).

Lorsque la quotité de la contribution d'entretien a été fixée dans le dispositif d'un jugement civil valable et exécutoire, le juge pénal appelé à statuer en application de l'art. 217 CP est lié par ce montant (ATF 106 IV 36 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2017 du 12 avril 2018 consid. 6.1 ; 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 4.1 ; 6B_739/2017 du 9 février 2018 consid. 2.1 ; 6B_519/2017 du 4 septembre 2017 consid. 3.2 ; 6B_1017/2016 du 10 juillet 2017 consid. 2.2).

Une constatation judiciaire préalable n'est cependant pas nécessaire dans la mesure où l'obligation d'entretien découle directement de la loi (ATF 128 IV 86 consid. 2b). L'autorité pénale, qui est amenée à examiner une violation de l'art. 217 CP et qui ne peut pas se fonder sur un jugement civil entré en force ou une convention conclue entre les parties, doit alors appliquer la méthode dite "directe" et déterminer elle-même la prestation due (ATF 128 IV 86 consid. abb ; ACPR/485/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2.2).

La question de savoir quelles sont les ressources qu'aurait pu avoir le débiteur d'entretien doit être tranchée par le juge pénal s'agissant d'une condition objective de punissabilité au regard de l'art. 217 CP. Il peut certes se référer à des éléments pris en compte par le juge civil. Il doit cependant concrètement établir la situation financière du débiteur, respectivement celle qui aurait pu être la sienne en faisant les efforts pouvant raisonnablement être exigés de lui (arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2017 du 12 avril 2018 consid. 6.1 ; 6B_739/2017 du 9 février 2018 consid. 2.1 ; 6B_1017/2016 du 10 juillet 2017 consid. 2.1 ; 6B_496/2016 du 5 janvier 2017 consid. 1.2 et les références ; 6B_573/2013 du 1er octobre 2013 consid. 1.1).

2.1.2. Sur le plan subjectif, l'infraction réprimée par l'art. 217 CP doit être commise intentionnellement (ATF 70 IV 166). L'intention suppose que l'auteur a connu les faits qui fondent son obligation d'entretien ou qu'il en a accepté l'éventualité. L'intention de ne pas payer le montant dû sera en règle générale donnée si l'obligation a été fixée dans un jugement ou une convention car elle sera alors connue du débiteur. En revanche, l'intention du débiteur sera plus difficile à établir en l'absence de toute décision et de tout accord ; il n'en reste pas moins que le juge pourra prouver l'intention au moins dans les cas patents, notamment lorsque le débiteur n'aura rien payé ou aura versé seulement un montant dérisoire alors qu'il disposait de ressources non négligeables (ATF 128 IV 86 consid. 2b).

2.1.3. Selon l'article 141 du code de procédure civile (CPC), la notification est effectuée par publication dans la feuille officielle cantonale, notamment lorsque le lieu de séjour du destinataire est inconnu et n'a pu être déterminé en dépit des recherches qui peuvent raisonnablement être exigées.

La voie édictale n'est praticable que si le demandeur ignore de bonne foi la résidence ou le domicile du destinataire de l'acte, après avoir accompli toutes les démarches utiles pour le localiser. L'ignorance ne suffit pas. L'autorité doit intervenir d'office pour vérifier que les conditions légales sont bien réunies, mais il appartient au demandeur de justifier préalablement par pièces avoir entrepris des recherches infructueuses (ATF 136 III 571 consid. 4-6 ; 129 I 361 consid. 2).

Une fois accomplie, la notification édictale crée une présomption irréfragable de connaissance de l’acte (BOHNET F., HALDY, J., JEANDIN N., SCHWEIZER P., TAPPY D., Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e édition, Bâle 2019, N 15 ad art. 141).

2.2. En l'espèce, il n'est pas contesté et au demeurant établi que l'appelant n'a objectivement pas contribué à l'entretien de sa fille B______ pendant la période pénale.

La Cour relève que le Tribunal de première instance était fondé à recourir à la notification par voie édictale. En effet, il ressort du jugement du 8 mars 2016 que l'appelant avait annoncé son départ définitif de Suisse pour G______ et non pour le Kazakhstan. L'adresse de convocation était une adresse qu'il avait lui-même communiquée aux institutions suisses, en vue du retrait de ses avoirs de prévoyance professionnelle. Dans la mesure où son enfant mineure continuait à vivre en Suisse, il devait s'attendre à recevoir des communications importantes la concernant et il lui appartenait de prendre toutes les mesures pour s'assurer d'être joignable, ce qu'il n'a manifestement pas fait. L'appelant n'apporte en outre pas la moindre preuve de ce que les autorités suisses et son ex-épouse connaissaient sa véritable domiciliation au moment de la procédure civile. En définitive, rien ne permet de retenir l'existence d'un quelconque vice procédural, de sorte que le jugement du 8 mars 2016 est réputé valablement notifié et lui est objectivement opposable sur le plan civil.

Le juge pénal étant lié par toute décision exécutoire et définitive rendue en matière civile, il n'est pas possible de rediscuter le bien-fondé du jugement du 8 mars 2016. Il appartient donc à l'appelant d'en demander, cas échéant, la révision.

L'appelant soutient qu'il ne pouvait se rendre coupable d'une violation d'obligation d'entretien dès lors qu'il ignorait l'existence du jugement précité. S'il est indéniable que l'appelant n'a entrepris aucune démarche pour se rendre atteignable et qu'il savait avoir un devoir légal d'entretien envers sa fille, il ne pouvait cependant s'attendre à ce que son ex-épouse le poursuivît en Suisse plus de quatre ans après son départ. Certes, sur le principe, l'appelant a violé son obligation d'entretien, l'obligation alimentaire n'étant pas subordonnée au droit de visite et celui-ci ayant clairement manifesté son intention dolosive de cesser tout versement en représailles de ce qu'il qualifie d'"enlèvement". Cela étant, il doit être retenu, faute d'éléments contraires au dossier, qu'il n'a pas eu connaissance effective du montant fixé judiciairement avant la communication du MP du 10 janvier 2020. Partant, pour la période pénale, l'appelant ne peut être condamné sur la base du jugement du 8 mars 2016, faute d'intention.

Par ailleurs, les conditions du cas patent ne sont pas non plus remplies. Il est en effet établi qu'à l'époque des faits, l'appelant venait d'entamer une nouvelle formation à E______ et ne réalisait aucun revenu alors qu'il devait s'acquitter de charges pourtant bien réelles. L'instruction du dossier n'a pas permis d'établir que ses moyens de subsistance, au-delà des revenus qu'il expose, étaient supérieurs à ceux allégués. Dès lors, faute de preuve de ressources financières non négligeables, l'appelant doit être acquitté également sous l'angle du cas patent.

Au vu de ce qui précède, l'appelant sera acquitté du chef de violation d'une obligation d'entretien et le jugement réformé.

3. Vu l'issue de la procédure sur la culpabilité, les frais mis à la charge du prévenu par le jugement du 25 février 2021 et l'arrêt du 12 octobre 2021 seront à mis à la charge de l'État, de même que ceux de la présente procédure en retour du TF (art. 428 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Prend acte de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1331/2021 du 11 octobre 2022 annulant l'arrêt de la Chambre d'appel et de révision AARP/321/2021 du 12 octobre 2021.

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 25 février 2021 par le Tribunal de police dans la procédure P/8994/2018.

L'admet.

Annule ce jugement.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'175.-.

Laisse ces frais à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de Police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Catherine GAVIN

e.r. Pierre BUNGENER

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de Police :

CHF

3'321.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel postérieur au TF :

CHF

1'175.00

Total des frais de la procédure d'appel antérieur au TF :

CHF

1'135.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

5'631.00