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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/9841/2019

AARP/167/2023 du 16.05.2023 sur JTDP/1040/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : VOL(DROIT PÉNAL);FIXATION DE LA PEINE
Normes : CP.139; CP.47
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9841/2019 AARP/167/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 4 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1040/2022 rendu le 29 août 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC, de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

C______ SA, partie plaignante,

intimés.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 29 août 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de vol (art. 139 ch. 1 du code pénal [CP]) et condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 80.- l'unité, sous déduction de 43 jours de détention avant jugement, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), frais de procédure à sa charge. Plusieurs mesures (séquestre, compensation et restitution) ont été ordonnées.

a.b. A______ conclut à son acquittement et à la restitution des valeurs patrimoniales séquestrées, frais de procédure à charge de l'État.

b. Selon l'ordonnance pénale du 21 septembre 2022, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 1er mai 2019, dans les locaux de la société C______ SA, sise chemin 1______ no. ______, [code postal] P______ [GE], au sein de laquelle il travaillait comme livreur, de concert avec E______, manutentionnaire, dérobé deux colis (n° 2______ et n° 3______) contenant vingt [téléphones portables de marque] F______/4______ et cinq coques pour F______/5______, d'une valeur totale de CHF 24'898.56, dans le dessein de se les approprier et s'enrichir illégitimement.

B. Les faits suivants, encore pertinents au stade de l'appel, ressortent de la procédure :

a. Le 8 mai 2019, G______, superviseur de dépôt de la société C______ SA, a convoqué E______, collaborateur temporaire, à la suite de la disparition de deux colis expédiés par la société H______ SA à destination de I______ SA. La police a interpellé l'employé sur place, et une plainte a été déposée par la société de livraison.

b. Entendu par la police et le TP, G______ a expliqué avoir reçu le 3 mai 2019 une réclamation d'un client expéditeur au sujet de deux colis qui n'étaient jamais parvenus à destination et avoir, après des recherches, réalisé qu'ils avaient disparu le 1er mai 2019. Habituellement, les colis étaient déposés sur le tapis (convoyeur) et retirés par chaque livreur en fonction de son secteur pour chargement sur les camions.

Il avait vu, sur les images de vidéosurveillance, E______ récupérer lesdits colis et les cacher sous un sac. L'employé indélicat avait rangé le premier carton au fond du local où il travaillait, l'avait ouvert et avait caché les téléphones dans un sac. Il avait dissimulé le deuxième colis sous une palette, puis dans une poubelle avant de la sortir du local. Il était revenu quelques instants plus tard avec la poubelle vide. Aucune caméra ne couvrait le champ extérieur.

Le 8 mai 2019, il avait convoqué et montré les images de vidéosurveillance à E______, lequel avait reconnu avoir pris les colis. L'employé s'étant toutefois montré incohérent quand il lui avait demandé de les restituer, il avait appelé la police.

Le superviseur soupçonnait la participation de A______, car il avait sorti les cartons du tapis alors qu'ils devaient y rester. Cet employé avait déjà effectué des retraits chez l'expéditeur et savait que la marchandise de ce client avait une forte valeur ajoutée. Devant le TP, il a indiqué ne pas avoir observé de comportement contraire aux tâches du prévenu, la plainte ayant été déposée en raison de l'attitude de E______, laquelle avait permis de remarquer celle de son collègue.

c.a. Entendu par la police et le MP, E______ a spontanément reconnu les faits et immédiatement indiqué avoir agi avec A______. Il avait fait la connaissance de ce dernier, plus ancien dans la société, dans le cadre de leur travail, et ils avaient sympathisé. Il n'avait jamais eu de problème avec lui et ne lui voulait aucun mal. Deux semaines auparavant, ce dernier lui avait dit être en mesure de reconnaître les expéditeurs/clients et les colis contenant des appareils électroniques, et qu'il y avait "de l'argent à se faire". Son collègue lui avait fait comprendre avoir déjà agi de la sorte et lui avait expliqué comment procéder. Durant une pause cigarette, trois jours avant les faits, ils étaient convenus de commettre le vol et de partager le butin. Son collègue avait eu l'idée, mais ils avaient la même responsabilité.

Le 1er mai 2019, durant son tour auprès des chauffeurs, A______ lui avait fait signe qu'il y avait des colis intéressants. Au milieu de la matinée, ce dernier avait prétexté un problème avec deux colis, et lui-même avait compris devoir les mettre de côté. Il avait mis un paquet dans un sac poubelle qu'il avait sorti à l'extérieur de son local, où son collègue l'avait récupéré. Il avait ouvert le deuxième paquet, mis les dix IPhones dans son sac et les avaient ramenés à son studio à J______ [France]. Le reste de la marchandise était en possession de A______, mais il ignorait ce qu'il en avait fait.

Ils s'étaient coordonnés le jour de l'infraction, mais pas par téléphone. Ils avaient parlé après coup du contenu des colis. Plus tard, confrontés aux données téléphoniques, E______ a expliqué ne plus se souvenir de ces appels, ni de leur contenu. Il ne pensait pas avoir échangé des messages avec son collègue. S'ils s'étaient appelés le soir du vol, c'était en lien avec les faits. Ils n'avaient été impliqués ensemble qu'à une seule occasion. Avant cela, il avait volé des objets électroniques dans des colis endommagés, mais jamais une telle quantité.

Le jour de son arrestation, son supérieur avait appelé la police car il refusait de donner l'identité de son comparse. On lui avait demandé si A______ était impliqué, et il avait répondu qu'il l'ignorait. Il n'avait pas vu l'utilité de le dénoncer en présence de leur supérieur puisqu'on voyait A______ pousser des colis sur la vidéosurveillance. Après avoir été questionné sur place pendant une heure par la police, il avait compris que cela ne servait à rien de retenir l'information et avait mis en cause A______. Avant son interpellation, laquelle avait eu lieu devant ses collègues, il avait prévenu sa copine, mais pas A______, ni supprimé de messages. Il ignorait si ce dernier avait été informé de son arrestation.

c.b. La perquisition du domicile de E______ a permis la découverte de dix IPhones XS et trois coques de protection (C-13).

d.a. Interpellé le 13 mai 2019 sur son lieu de travail, après ses vacances, et entendu par la police, le MP et le TP, A______ a contesté les faits reprochés. Il travaillait pour son employeur depuis trois ans et n'avait jamais eu de problèmes, alors qu'il avait transporté notamment des tableaux de valeur, mais, depuis peu, sentait qu'il était "sur la sellette". E______ était un gentil collègue avec lequel il était agréable de travailler. Il avait son numéro de téléphone, et ils s'envoyaient sporadiquement des messages. Il ne comprenait pas les accusations de ce dernier, mais constatait que cela coïncidait avec ses vacances et que cela était "tombé sur lui". À son retour, il ignorait que son collègue avait été arrêté.

Après avoir chargé son camion, il aidait ses collègues à sortir des cartons de la chaîne, de sorte qu'il poussait un grand nombre de colis quotidiennement. Le jour des faits, il avait travaillé de 05h00 jusqu'à 14h00 ou 15h00, étant précisé qu'il ne travaillait jamais le soir. Comme un chauffeur était absent, il avait poussé les paquets en question parmi d'autres, sans en connaître le contenu, les livreurs ne disposant que de l'identité du destinataire. Les gestes qu'il faisait sur les images de vidéosurveillance ne sortaient pas du cadre de son travail, et les contacts téléphoniques qu'il avait eus avec E______ étaient en rapport. Il se rappelait l'avoir appelé le soir des faits au sujet d'une adresse erronée. La brève durée de l'échange s'expliquait par le fait qu'il suffisait de lui transmettre la référence composée de huit chiffres.

A______ a, d'abord, indiqué avoir réinitialisé son téléphone deux ou trois jours avant son arrestation car il fonctionnait mal, puis qu'il l'avait fait la veille de son interpellation. Il ignorait pourquoi des photographies datant de 2018 et 2019 avaient été conservées malgré cette manipulation. Il ne savait pas s'il avait fait une sauvegarde K______ et ne connaissait pas son mot de passe. Plus tard, il a expliqué avoir effectué cette démarche car il ne voulait pas que sa copine, avec laquelle il partait en vacances, tombe sur des photographies compromettantes et ne pas l'avoir dit plus tôt par honte. La suppression desdites photographies n'aurait pas suffi à atteindre cet objectif. Le numéro français de E______ avait dû être supprimé dans la réinitialisation, mais lui-même n'avait pas effectué de tri, étant précisé qu'il avait réinitialisé l'appareil sous le coup de la colère après une dispute avec la précitée.

Il n'avait rien à se reprocher, raison pour laquelle il avait autorisé la perquisition de son domicile et n'avait pas reconnu les faits quand bien même le procureur lui promettait sa remise en liberté.

Il avait acheté les articles trouvés lors de la perquisition de son domicile plusieurs mois plus tôt sur internet dans un but de revente (cf. infra) et n'avait pas de problème d'argent à l'époque des faits. Il avait acquis ses écouteurs des années plus tôt chez H______ SA, où il récupérait des colis.

d.b. La perquisition du domicile de A______ du 13 mai 2019 a permis la découverte de marchandises neuves emballées dans leurs carton d'origine : 20 câbles L______ [marque] et un projecteur (le carton de ce dernier présentant une étiquette avec la mention "Wagen : 9______") (C-37, C-116 et C-124).

e. D'après les données de leurs téléphones, E______ et A______ avaient eu des contacts téléphoniques le 4 avril et le 1er mai 2019 (C-155 ss.). Ce jour-là, ils s'étaient appelés à dix reprises entre 06h57 et 19h34. Les appels effectifs (deux appels manqués et un appel de zéro seconde) avaient duré entre quatre secondes et moins de quatre minutes. Plusieurs appels avaient été passés après la fin de leurs horaires de travail respectifs (à 19h04, à 19h33, à deux reprises, et à 19h34).

A______ avait réinitialisé son téléphone le 12 mai 2019 à 21h30 avec pour conséquence la suppression a minima partielle de ses données. Il avait effectué une sauvegarde K______, mais celle-ci n'avait pas pu être examinée sans son mot de passe. Les appels émis/reçus entre le 5 mars et le 12 mai 2019 avaient été effacés. Le numéro de téléphone de E______ ne figurait pas dans son répertoire.

f. Sur les images de vidéosurveillance, on observe A______ pousser plusieurs colis, notamment deux colis d'un format similaire (07h25) (C-11 et C-31).

g. E______ a été condamné par ordonnance pénale du 21 septembre 2021 à 90 jours-amende avec sursis (délai d'épreuve : trois ans) pour vols commis à réitérées reprises, décision qu'il n'a pas contestée.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, précisant requérir une indemnisation au sens de l'art. 429 du code de procédure pénale (CPP).

Aucune preuve directe ne l'incriminait, alors qu'il avait constamment et de manière cohérente nié son implication. Le dossier ne contenait pas de témoignages objectifs. Les déclarations de son collègue avaient été influencées par le représentant de la partie plaignante et les autorités pénales, ainsi que l'intérêt de E______ à limiter sa responsabilité. Les autres vols de celui-ci démontraient qu'il ne l'avait pas instigué.

Les images de vidéosurveillance n'étaient pas probantes, dès lors qu'il n'était pas établi que l'appelant avait effectivement poussé les colis dérobés et que l'on n'y constatait aucune scène décisive, tel le partage du butin. Le superviseur avait confirmé devant le TP que le comportement de l'appelant sur ces images ne sortait pas de l'ordinaire. Aucune somme d'argent d'origine suspecte n'avait été retrouvée chez l'appelant ou sur ses comptes bancaires, ce qui devait être retenu à décharge.

Il n'était pas établi qu'il avait appris l'arrestation de son collègue, de sorte que la réinitialisation de son téléphone ne pouvait pas être retenue à charge ; il en allait de même des contacts téléphoniques entre les deux hommes faute de preuve de leur lien avec les faits reprochés.

c. Le MP, invité à se déterminer, n'a pas déposé d'écritures responsives dans le délai imparti.

D. A______, ressortissant français, est né le ______ 1990 à N______ (France). Séparé, il n'a pas d'enfants.

Il travaille en qualité de chauffeur-livreur pour un salaire mensuel net de
CHF 4'100.-, impôts déduits. Son loyer est de CHF 1'000.- par mois.

Il n'a pas d'antécédents judiciaires en Suisse.

Selon son casier judiciaire français, il a été condamné à cinq reprises entre 2009 et 2014, soit à six mois d'emprisonnement en mai 2009 pour vol avec violence et des infractions aux règles de la circulation routière.

E. Le défenseur d'office de A______ dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 12 heures et 15 minutes d'activité de chef d'étude, dont la rédaction de la déclaration d'appel (30 minutes), la "reprise de la procédure pour l'appel écrit, étude du dossier" (une heure) et la rédaction du mémoire d'appel (dix heures).

Il a été indemnisé pour 40 heures et 20 minutes d'activité en première instance.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 pp. 248-249).

2.2. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3 p. 248 s.).

2.3. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_623/2012 du 6 février 2013 consid. 2.1 et 6B_642/2012 du 22 janvier 2013 consid. 1.1). Rien ne s'oppose à ce que le juge ne retienne qu'une partie des déclarations d'un témoin globalement crédible (ATF
120 Ia 31 consid. 3 p. 39 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_637/2012 du 21 janvier 2013 consid. 5.4).

Faute d'aveux de l'auteur, le juge ne peut, en règle générale, déduire la volonté interne de l'intéressé qu'en se fondant sur des indices extérieurs et des règles d'expérience. Font partie de ces circonstances l'importance, connue de l'auteur, de la réalisation du risque, la gravité de sa violation du devoir de diligence, ses mobiles et sa façon d'agir (arrêt du Tribunal fédéral 6B_38/2021 du 14 février 2022 consid. 3.3).

2.4. L'art. 139 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.

2.5.1. En l'espèce, il est établi et non contesté que deux colis ont été dérobés dans les locaux exploités par la partie plaignante le 1er mai 2019 par l'ancien collègue de l'appelant (désormais condamné pour ces faits).

2.5.2.1. L'appelant conteste toute implication dans ce vol alors qu'un faisceau d'indices sérieux converge vers sa culpabilité.

Il plaide en vain qu'il n'est pas établi par les images de vidéosurveillance qu'il a poussé les colis dérobés hors du tapis puisqu'il l'a lui-même concédé en expliquant que cela faisait partie de ses tâches ordinaires. En revanche, il est vrai que lesdites images ne suffisent pas à retenir sa culpabilité et doivent être examinées à la lumière des autres éléments de la procédure.

2.5.2.2. L'appelant, qui s'est certes montré constant dans ses dénégations, n'a pas été capable de fournir d'explications crédibles confronté aux preuves matérielles ou a varié. Il n'a pas hésité à sous-entendre que son ancien employeur avait cherché un prétexte à son licenciement. Il a, de son propre aveu, effectué de nombreux retraits chez le client concerné et ne saurait ainsi être suivi lorsqu'il explique ne pas être capable de reconnaître les expéditeurs ou le contenu des paquets. Soulignons encore que le destinataire était une grande entreprise et l'expéditeur un marchand de matériel informatique, de sorte que ces informations suffisaient à imaginer un contenu de valeur.

Les explications quant à la réinitialisation de son téléphone ne convainquent pas non plus puisque la manipulation a eu lieu à la fin des vacances avec sa petite amie et que celle-ci aurait eu tout le temps de voir les photographies compromettantes, à supposer qu'elle eut voulu fouiller dans l'appareil de son compagnon. Rappelons que le prévenu a commencé par évoquer des difficultés avec son téléphone et que cette variation, vu ce qui précède, ne saurait provenir d'un prétendu sentiment de honte vis-à-vis de sa compagne. Au contraire, cela persuade qu'il a tenté maladroitement de dissimuler la réelle motivation de la suppression des données, soit la commission du vol. Même à considérer qu'il ignorait l'arrestation de son comparse, ce qui est douteux vu que celle-ci est intervenue au vu et su de ses collègues, il n'empêche que la réinitialisation a eu lieu la veille du jour où il pouvait s'attendre à devoir fournir des explications quant aux faits reprochés. Il n'est du reste pas décisif qu'il soit allé travailler dès lors que le contraire aurait attiré l'attention.

2.5.2.3. À l'inverse, le comparse de l'appelant l'a mis en cause de manière constante, cohérente et modérée, et a livré des explications détaillées et précises. Les deux hommes s'entendaient bien, ce qui n'est pas contesté et exclut toute volonté de nuire. On ne saurait reprocher à E______ de ne pas avoir dévoilé l'identité de son coauteur hors de la procédure pénale, en particulier en présence de leur supérieur hiérarchique. Au contraire, cela conforte dans l'idée qu'il ne lui voulait pas de mal. Rien ne permet du reste d'établir qu'il eût été influencé d'une quelconque manière. La thèse selon laquelle il aurait cherché à limiter sa propre responsabilité ne trouve pas d'assise dans le dossier vu les autres vols concédés et l'admission explicite d'une responsabilité identique. Cela étant, pour ces mêmes raisons, on ne saurait retenir que l'appelant fut à l'initiative de l'infraction.

Plaident encore et de manière prépondérante en faveur de la version de E______ les nombreux et inhabituels contacts téléphoniques entre eux ce jour-là, y compris après leurs horaires de travail respectifs. Notons que l'un de ces appels est intervenu deux minutes après la sortie de la poubelle hors du local laissant penser qu'ils ont coordonné la réception du second colis. L'appelant ne saurait être suivi lorsqu'il plaide la nature professionnelle de ces interactions vu l'heure à laquelle elles ont eu lieu (quatre appels après 19 heures) et leur durée (quatre secondes pour certaines), étant rappelé que son collègue affirme, sans que l'on ne puisse en douter, ne pas avoir discuté d'une problématique de travail.

2.5.2.4. Le superviseur, lequel n'a pas d'intérêt à la procédure, a livré des déclarations étayées et modérées, de sorte que l'on ne saurait retenir qu'il a insisté sur le nom de l'appelant auprès de son collègue. Il est sans importance qu'il n'a pas relevé de comportement particulier sur la vidéosurveillance puisque ses soupçons étaient, entre autres, fondés sur la connaissance du client concerné et de ses produits par le prévenu.

2.5.2.5. Il n'est pas déterminant que le fruit de l'infraction (marchandise ou contre-valeur financière) ne se trouvât pas au domicile de l'appelant dès lors que la perquisition a eu lieu douze jours après le vol lui laissant le temps de le déplacer ou s'en débarrasser.

2.5.3. Au vu de ce qui précède, les faits décrits dans l'ordonnance pénale du 21 septembre 2021 sont établis et constitutifs d'un vol au sens de l'art. 139 ch. 1 CP.

3. 3.1 Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 p. 147 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2 p. 319).

3.2.1. La faute de l'appelant est non négligeable. Mû par un mobile égoïste (appât du gain), il a profité de la confiance de son employeur pour favoriser ses propres intérêts pécuniaires.

La collaboration a été mauvaise, l'appelant persistant à nier sa responsabilité.

Sa prise de conscience est inexistante. Il n'a pas évoqué de regrets, ni présenté d'excuses ou cherché à réparer le dommage.

Sa situation personnelle n'explique pas ses agissements, lui-même concédant ne pas avoir eu de problèmes d'argent à l'époque des faits.

Il a plusieurs antécédents en France, dont un spécifique, mais ceux-ci sont anciens.

3.2.2. Au vu de ce qui précède, la peine de 60 jours-amende apparaît adéquate et sera confirmée, étant précisé que leur montant correspond à la situation économique de l'appelant.

Le genre de peine et l'octroi du sursis lui sont acquis, de même que la durée appropriée du délai d'épreuve (art. 391 al. 2 CPP).

4. L'appelant, qui succombe, supporte les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), y compris un émolument de décision de CHF 1'800.-. Vu l'issue de la procédure d'appel, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance, y compris l'émolument complémentaire, ni la compensation des frais de la procédure avec les sommes saisies.

5. Dans le prolongement de ce qui précède, l'appelant sera débouté de ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP a contrario).

6. 6.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant : chef d'étude CHF 200.- (débours inclus) (let. c).

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

6.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3).

Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait. Il en va de même d'autres documents ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, telle l'annonce d'appel (AARP/184/2016 du 28 avril 2016 consid. 5.2.3.2 et 5.3.1 ; AARP/149/2016 du 20 avril 2016 consid. 5.3 et 5.4 ; AARP/146/2013 du 4 avril 2013), la déclaration d'appel (ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2014.51 du 21 novembre 2014 consid. 2.1 ; décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.165 du 24 janvier 2014 consid. 4.1.3 et BB.2013.127 du 4 décembre 2013 consid. 4.2).

6.3. En l'occurrence, il convient de retrancher de l'état de frais du défenseur d'office le temps consacré à la rédaction de la déclaration d'appel (30 minutes), l'activité adéquate à ce titre étant couverte par le forfait. Le temps dédié à la rédaction du mémoire d'appel, y compris la "reprise du dossier" (une heure), sera réduit de cinq heures et 45 minutes, compte tenu de ce que l'avocat suivait la procédure depuis ses débuts et de ce qu'elle ne présente pas de difficulté particulière.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 1'421.65 correspondant à six heures d'activité au tarif de CHF 200/heure (CHF 1'200.-) plus la majoration forfaitaire de 10% (vu l'activité déjà indemnisée) (CHF 120.-) et la TVA de 7.7% (CHF 101.65).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1040/2022 rendu le 29 août 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/9841/2019.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, CHF 1'935.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'800.-.

Arrête à CHF 1'421.65, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, sous déduction de 43 jours-amende, correspondant à 43 jours de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 80.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Ordonne la levée du séquestre opérée sur le compte IBAN 6______ au nom de A______ auprès de O______

Ordonne le maintien du séquestre sur les valeurs patrimoniales figurant sous ch. 1 de l'inventaire n° 7______ du 13 mai 2019 (art. 268 al. 1 let. a CP).

Ordonne la restitution au prévenu des objets figurant sous ch. 1 à 3 de l'inventaire n° 8______ du 13 mai 2019 et sous ch. 2 de l'inventaire n° 7______ du 13 mai 2019 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Fixe à CHF 9'571.95 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'208.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec les valeurs patrimoniales séquestrées figurant sous ch. 1 de l'inventaire n° 7______ du 13 mai 2019 (art. 442 al. 4 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM).

 

La greffière :

Yael BENZ

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral
(6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'808.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'800.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'935.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'743.00