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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/25666/2017

AARP/145/2023 du 01.05.2023 sur JTDP/719/2022 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.06.2023, 7B_510/2023
Normes : CP.123
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25666/2017 AARP/145/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 25 avril 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me K______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/719/2022 rendu le 17 juin 2022 par le Tribunal de police,

 

et

B______, comparant par Me L______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/719/2022 du 17 juin 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de lésions corporelles simples et l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 400.- l'unité, avec sursis durant trois ans, ainsi qu'aux frais de la procédure en CHF 1'507.- à hauteur de CHF 1'000.-, solde à la charge de l'État. Le TP l'a encore condamné à payer à B______ CHF 1'000.- à titre de réparation du tort moral et CHF 11'869.80 pour les dépenses obligatoires de celle-ci en première instance. Il l'a en revanche acquitté de violation d'une obligation d'entretien et a classé la procédure relative aux injures.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, sous suite de frais et dépens.

b. Selon l'ordonnance pénale du 1er juin 2021, il est encore reproché à A______ d'avoir :

- déjà antérieurement, mais à tout le moins à compter du mois de janvier 2014 jusqu'au 23 octobre 2017, infligé à de réitérées reprises à son épouse B______ des violences psychologiques, lui causant des atteintes à sa santé psychique, ( ) en la traitant à de multiples reprises, y compris devant leur fille C______, née le ______ 2006, de "merde", de "pute", de "salope", de "monstre", employant de manière systématique des termes dénigrants à son égard, celle-ci ayant présenté à tout le moins depuis le début de l'année 2014 des symptômes psychosomatiques attestés médicalement soit notamment une tension artérielle élevée malgré un traitement médicamenteux précédemment efficace, un état d'épuisement général, des difficultés de sommeil et de concentration.

B. Les faits encore pertinents à ce stade sont les suivants :

a.a. En date du 20 novembre 2017, B______ a déposé plainte pénale contre A______, avec lequel elle était mariée depuis 2004. Le 23 octobre 2017, ils s'étaient disputés dans la matinée car elle souhaitait ranger l'appartement, tandis que celui-ci voulait partir en vacances seul avec leur fille. La tension était montée au cours de la journée et son mari l'avait traitée notamment de "salope" et de "merde" en présence de l'enfant. Lorsqu'elle était allée se coucher vers 22h00, son mari avait continué à l'insulter depuis le salon, la poussant à se lever pour lui adresser un doigt d'honneur. Il avait riposté en crachant dans sa direction, de sorte qu'elle avait reçu quelques postillons au visage. Elle lui avait ensuite jeté le peignoir de leur fille et il l'avait saisie par la nuque d'une seule main pour la diriger face contre terre, avant de très rapidement relâcher son étreinte. À la suite de ces faits, elle avait appelé la police.

Elle a encore indiqué que ce n'était pas la première fois que son mari l'insultait et qu'il avait aussi continué après l'intervention de la police, la traitant notamment de "salope" et de "manipulatrice". Il y avait également eu des épisodes de violence physique, pour lesquels elle n'avait pas fait appel à la police, ni fait constater ses lésions. Elle ne souhaitait aucun mal à son époux. Elle n'était pas à l'aise de rapporter ces faits mais souhaitait simplement que tout s'arrêtât.

Pour corroborer ses propos, elle a diffusé devant les policiers un enregistrement sur lequel l'on pouvait entendre son mari tenir des propos dénigrants à son encontre, en s'adressant à leur fille.

a.b. Lors de son intervention du 23 octobre 2017, la police a relevé que la situation était calme et que personne ne présentait de blessure apparente. La plaignante était toutefois en pleurs, tandis que l'intéressé semblait dépassé par la situation. Aucun signe de détresse n'avait été décelé chez l'enfant.

a.c. Devant la police, A______ a partiellement reconnu les faits. Le conflit verbal avait commencé dans la matinée, son épouse ayant refusé qu'il parte en vacances avec l'enfant. Des insultes avaient pu être proférées, mais il ne s'en rappelait plus les termes exacts. Le conflit avait duré toute la journée, de sorte qu'ils avaient pris leur repas séparément, sa femme ayant mangé dans sa chambre. Lorsqu'elle en était sortie, elle lui avait adressé un doigt d'honneur. En guise de riposte, il avait craché au sol. Sa femme avait alors saisi un peignoir pour le frapper au visage, si bien que ses lunettes s'étaient enfoncées, marquant son visage. Il l'avait alors saisie par la nuque de sa main droite, pour qu'elle cessât de le frapper, l'avait penchée en avant et elle s'était laissée tomber au sol. À ce moment, leur fille était intervenue, de sorte qu'il avait de suite interrompu son geste pour gifler cette dernière. Son épouse avait ensuite immédiatement appelé la police. Auparavant, il ne s'en était jamais pris physiquement à elle, même si elle prétendait le contraire.

b.a. Devant le MP, B______ a confirmé sa plainte pénale. Il y avait eu plusieurs épisodes par le passé, notamment en 2007, 2008, 2009, en décembre 2016 et à Pâques 2017. Lorsqu'il l'avait saisie par la nuque le 23 octobre 2017 pour l'amener au sol, elle s'était retrouvée le visage dans le tapis. Elle avait eu des douleurs à la nuque mais n'était pas allée consulter de médecin. En décembre 2016, elle avait eu un hématome à la hanche et au poignet, sans les faire non plus constater médicalement. Sur question, hormis le doigt d'honneur adressé, elle n'avait pas insulté son mari.

A______ a également confirmé ses précédentes déclarations. Le conflit familial durait depuis des années. Il était conscient qu'il s'énervait de plus en plus et qu'il lui arrivait de proférer des insultes. Il n'avait jamais voulu faire de mal à son épouse et n'en pouvait plus de cette situation. Plusieurs thérapies et/ou médiations avaient été entreprises, sans succès. Le jour des événements, il avait possiblement utilisé les termes "salope" et "merde", mais son épouse l'avait aussi insulté. Il crachait parfois par terre lorsqu'il était énervé. C'était sa manière d'exprimer son "ras-le-bol". Les quelques fois où cela arrivait, ce n'était pas systématiquement dans la direction de son épouse, le but n'étant pas de cracher sur elle. Ce jour-là, il avait craché uniquement en direction du sol. Il contestait l'existence de précédentes violences physiques, se remémorant uniquement d'un épisode où il avait repoussé sa femme alors qu'elle venait de le gifler.

b.b. Lors d'une seconde audience de confrontation, B______ a rapporté qu'un nouvel épisode de violences s'était produit: elle avait été tirée par le pied et traitée de "salope" par A______, de sorte qu'elle n'avait pas eu d'autre choix que de quitter le domicile, la situation n'étant plus supportable. A______ a intégralement contesté ces nouveaux faits.

b.c. Entendue par le MP, la Dresse D______ a déclaré suivre B______ depuis le 14 septembre 2016, en qualité de médecin spécialiste en médecine interne, pour de la fatigue et des problèmes de tensions artérielles. Sa patiente lui avait fait part des violences domestiques qu'elle subissait ; ainsi, celle-ci lui avait rapporté avoir été, notamment, plaquée contre une armoire, ainsi qu'au sol, avoir été giflée, tirée par les pieds, presque bousculée, voire lancée contre une machine à laver, et avoir essuyé menaces, injures, crachats et messages harcelants de la part de son mari. B______ faisait état d'un stress important et était épuisée. En 2018, elle était venue plusieurs fois en consultation et présentait une tension artérielle élevée, des vertiges et des nausées ; elle avait alors rapporté de nouveaux épisodes de violences subies.

La Dresse D______ a encore mentionné que sa patiente lui avait fait écouter un passage d'enregistrement sur son téléphone où un homme, dont sa patiente lui avait dit qu'il s'agissait de son mari, insultait une femme. B______ lui avait aussi montré une salve de messages culpabilisants et dénigrants reçus de son mari, lequel lui disait qu'elle n'était qu'une femme de ménage et que si elle avait été son employée, il l'aurait renvoyée depuis longtemps.

Le témoin a produit ses notes de consultation ainsi qu'un rapport de suivi médical du 11 avril 2018, dont la teneur reflète ses déclarations. Aux termes dudit rapport, il est notamment constaté une tension artérielle inhabituellement élevée en 2018, malgré un traitement médicamenteux régulier de longue date et le fait que cette hypertension artérielle s'est "installée, ainsi que des symptômes aggravés d'un état de stress réactionnel chronique à une situation conjugale qui d'après les événements décrits et certains éléments ( ) observés, semble harcelante, avec des violences verbales, psychologique, économiques et physique croissantes". En outre, il ressortait de dossier médical tenu par l'ancien médecin traitant la mention d'un "stress familial".

b.d. Également entendue par le MP, la Dresse E______, psychiatre, a indiqué suivre B______ depuis le 4 avril 2016. Cette dernière lui avait rapidement fait part d'une relation qu'elle-même qualifierait de très conflictuelle, voire pathologique, dans laquelle une "relation d'emprise" financière, morale et physique s'était instaurée. L'emprise morale s'était installée progressivement depuis le début de l'union, par des phrases dénigrantes et insultantes. En avril 2016, B______ avait confié les paroles extrêmement dévalorisantes, dénigrantes, menaçantes, insultantes et rabaissantes qu'elle essuyait de sorte qu'elle-même l'avait encouragée à enregistrer les insultes et paroles de son mari. Elle avait ainsi pu écouter une trentaine d'enregistrements, réalisés entre le 3 juillet 2016 et le 27 mai 2019, dont le contenu était notamment le suivant: "beurk, malade, victime, salope, poison, monstre, une merde, sale, dégueulasse, le pire être humain, sorcière, malade rempli de pourriture, le diable, un tueur, une pourrie". Ces mots avaient été proférés des dizaines de fois, voire des centaines de fois, de manière hebdomadaire, mais particulièrement le week-end et durant les vacances. Elle les avait retranscrits sur papier, presque mot pour mot. Les phrases suivantes avaient également été dites: "va te faire foutre, ferme ta grande gueule, espèce de malade, espèce de salope, pire monstre, monstre masqué, un boulet à tirer, diable qui manipule, diable manipulatrice, niveau bas, beurk, une saloperie, une merde, tu n'es pas autre chose qu'une merde et encore, une merde, on peut tirer la chasse derrière, je n'arrive même pas à me débarrasser de toi, je ne sais pas comment me débarrasser, éloigner cette poubelle pour ne pas la toucher". Sa patiente lui avait encore fait par des menaces de mort qu'elle recevait, lesquelles ne ressortaient pas des enregistrements. Elle-même avait pu constater, en conséquence, les symptômes suivants chez sa patiente : hypertension, problème de cœur, sentiment de dévalorisation et de manque d'estime de soi, ainsi qu'un sentiment de peur de la personne, peur pour sa vie, pour ses parents, pour sa fille. Quatre épisodes de violences physiques avaient également été évoqués par B______: en 2007, elle avait été prise par le cou et bousculée par son mari, ce qui avait causé notamment des acouphènes, une mâchoire décrochée, des vertiges, des troubles de la vue et des nausées ; en 2008, elle avait été plaquée contre une armoire et étranglée ; en 2016, elle avait été saisie à la gorge, frappée à la tête et au visage, attrapée par les poignets et projetée contre la machine à laver ; le 23 octobre 2017, elle avait été plaquée par terre et la police avait dû intervenir. B______ n'avait auparavant jamais porté plainte, par peur de représailles, de sorte qu'elle-même l'avait encouragée à le faire après l'épisode du 23 octobre 2017. Enfin, sa patiente lui avait également rapporté de fréquents et très humiliants crachats au visage. Elle avait encouragé sa patiente à enregistrer son époux pour "y voir plus clair, pour mieux comprendre la situation et poser [son] diagnostic", puis à déposer plainte pour sortir de son emprise.

b.e. Par courrier ultérieur, la Dresse E______ a transmis au MP la retranscription manuscrite des enregistrements faits par sa patiente, ainsi qu'un résumé dactylographié par cette dernière. Elle-même précisait avoir réécouté les 30 enregistrements afin de présenter une version complète. Selon son propre avis médical, sa patiente souffrait de séquelles sous forme d'un syndrome de stress post-traumatique avec une symptomologie classique.

c. Figurent également à la procédure les documents suivants :

Par témoignage écrit du 30 juillet 2018, F______, psychologue du Centre G______, a rapporté avoir rencontré B______ en janvier 2014 dans le cadre d'une thérapie de couple de deux séances. Cette dernière avait ensuite continué le suivi, mais seule. B______ se plaignait de "beaucoup de reproches, insultes ( ) de [son] mari. Lors d'une dispute, il [l'avait] menacée [de la] tuer ( )". Cette dernière lui avait confié subir des violences tant psychiques que physiques et décrit un état d'épuisement et des troubles somatiques lié à cette situation. Elle-même avait pu constater à l'époque que sa patiente avait des difficultés à se concentrer et à structurer ses idées, liés à un état d'épuisement nerveux et à un grand état d'angoisse.

Par attestation médicale du 4 février 2019, le Dr H______, neurologue, revenant sur une consultation du 14 mars 2008, affirme que des violences conjugales et un état de stress important pouvaient expliquer la symptomatologie observée à l'époque chez B______, à savoir un état de stress chronique, accompagné d'une labilité émotionnelle, d'une asthénie, de palpitations, ainsi que de troubles du sommeil d'ordre psychophysiologique, digestifs et de la concentration.

Enfin, de nombreux messages de A______ envoyés à son épouse ont été versés à la procédure, aux termes desquels il dénigrait notamment sa tenue du ménage – qu'il qualifie de Zoo – et lui prêtait un comportement de manipulatrice.

d.a. Par avis de prochaine clôture du 9 avril 2021, le MP a indiqué qu'une ordonnance pénale allait être rédigée sur les chefs de lésions corporelles simples, injures et violation d'une obligation d'entretien et que l'infraction des voies de fait serait classée.

d.b. Par courrier du 30 avril 2021, le conseil de A______ s'est opposé à ce que le MP retînt à son encontre des "violences psychologiques survenues à tout le moins à compter du mois de janvier 2014" dès lors que la plaignante n'aurait apporté aucun fait susceptible de faire porter l'instruction sur une telle période. Enfin, il a demandé le retrait du dossier des "enregistrements illicites" produits par la Dresse E______, son témoignage dès lors qu'il reposait matériellement sur lesdits enregistrements, ainsi que leur retranscription écrite établie par la plaignante.

d.c. Par ordonnance du 1er juin 2021, le MP a refusé le retrait des pièces.

e.a. À l'ouverture des débats de première instance, A______ a réitéré, sur question préjudicielle, sa demande de retrait.

Interrogé sur cette question, A______ a affirmé que les enregistrements avaient tous été faits à son insu. En particulier, il ne se rappelait pas avoir demandé à sa fille d'en supprimer certains. Il avait appris plus tard l'existence d'enregistrements sans en connaitre le contenu exact car il avait été menacé par ce biais. Il avait découvert leur contenu dans le cadre de la présente procédure. Selon ses dires, il avait été provoqué à la dispute à dessein.

B______ a, pour sa part, confirmé que certains enregistrements avaient été faits par leur fille. Cette dernière avait d'ailleurs été surprise par A______, lequel lui avait immédiatement ordonné leur suppression. Elle-même avait été plus discrète lorsqu'elle avait enregistré son mari, aux fins de montrer à sa propre famille et à sa psychiatre ce qu'elle subissait.

Après avoir brièvement délibéré, le TP a rejeté la demande de retrait.

e.b. A______ était conscient de ce que des injures avaient été commises et s'en excusait. Cependant, il n'avait pas agi pour dévaloriser, lui-même étant constamment rabaissé. Il était possible qu'il eut utilisé les propos énumérés par la Dresse E______. Il admettait que de telles paroles étaient dévalorisantes mais tel n'était pas son but. Lui-même avait été provoqué et dévalorisé durant des années. Il souffrait autant que sa propre épouse de cette situation.

e.c. B______ a intégralement persisté dans ses précédentes déclarations, précisant souffrir encore de nombreuses séquelles. Ayant du mal à avancer et n'arrivant plus à accorder sa confiance, elle avait repris une thérapie. Elle faisait cependant des cauchemars et avait pris du poids.

e.d. I______, collègue et amie de A______, a indiqué que celui-ci, de tempérament calme, serviable et gentil, était très apprécié de tous. L'ayant croisé en compagnie de sa femme à quelques occasions, elle aurait constaté qu'il avait l'air de beaucoup l'aimer, d'en prendre soin.

e.f. La Dresse J______, psychiatre, suivait A______ depuis 2017. Celui-ci l'avait consultée pour un problème de violence au sein du couple. En détresse et très affecté par le conflit, il avait été mis au bénéfice d'un traitement médicamenteux et d'un suivi de soutien. Elle l'avait également adressé à une psychologue cognitivo-comportementale et son évolution était très positive. Son patient lui avait fait part d'un sentiment d'incompréhension et d'injustice, décrivant un joug et une domination de son épouse dont il était victime. Il lui avait rapporté qu'en réaction à une agression de son épouse au moyen d'un peignoir, il l'avait plaquée au sol. Elle avait cru comprendre qu'il y avait des insultes et des interactions pathologiques au sein de ce couple avec des altercations réciproques.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel et sa réplique, A______ conclut préalablement au retrait du dossier des retranscriptions écrites des enregistrements ainsi que des déclarations de la Dresse E______, de même que du résumé dactylographié par la plaignante, dès lors que les conditions cumulatives de l'obtention légale du moyen de preuve et de la pesée des intérêts n'étaient pas réunies. Le Tribunal avait erré en considérant que le moyen de preuve aurait pu être recueilli licitement par un simple travail de mémoire. Il en voulait notamment pour preuve que la plaignante n'avait jamais retranscrit dans l'instant les injures essuyées, d'une part, et la psychiatre avait indiqué avoir dû réécouter les enregistrements pour présenter une retranscription plus complète, d'autre part. En tout état, la gravité requise par l'art. 141 al. 2 CPP n'était pas atteinte. Les déclarations de la psychiatre devaient également être écartées car selon ses propres dires, toute sa compréhension de la situation et son diagnostic reposaient sur ces enregistrements illicites.

Sur le fond, il devait être acquitté dès lors qu'il avait été condamné pour des faits sur lesquels il n'avait jamais été mis en prévention, que le verdict reposait principalement sur des preuves inexploitables et qu'au demeurant l'infraction de lésion corporelles simples n'était pas réalisée faute d'intention et de lien de causalité entre les injures et les séquelles, au vu notamment de suivis psychologiques antérieurs.

A______ conclut à l'octroi d'une indemnité en CHF 27'137.65 pour ses honoraires d'avocat durant la procédure.

c. B______ conclut au rejet de l'appel, relevant que si son auteur avait requis le retrait des retranscriptions écrites des termes dénigrants et violents qu'il avait utilisés, celui-ci n'en contestait toutefois ni la teneur, ni la systématique, lesquelles ressortaient sans ambiguïté notamment du résumé dactylographié par ses propres soins, de l'audition des deux médecins et du résumé que le Tribunal a soumis au prévenu lors de l'audience de jugement. Par ailleurs, pour toute défense, il prétendait à une réciprocité dans l'injure qui ne trouvait aucune assise dans le dossier. En tout état, la Cour avait la faculté de demander l'apport des enregistrements afin de clore définitivement le débat. Au vu des importantes séquelles à sa santé et personnalité, l'infraction pouvait être qualifiée de lésions corporelles graves au sens de l'art. 122 CP, ce qui aurait justifié des mesures techniques de surveillance, de sorte que les enregistrements effectués par ses soins n'étaient pas inexploitables selon la pesée des intérêts en présence. En tout état, les transcriptions établies par ses soins, d'une part, et ses propres souvenirs et déclarations, d'autre part, n'avaient rien d'illégal ; il en allait de même des notes prises par les doctoresses lors des consultations et de leurs témoignages.

Le but d'une instruction était justement d'établir les faits dans leur intégralité, celui d'un avis de prochaine clôture d'informer que ceux présentés sont réputés établis et suffisants pour la poursuite pénale. L'ordonnance pénale à laquelle l'appelant s'était opposée détaillait de manière exhaustive les faits pour lesquels il était poursuivi, permettant à ce dernier de solliciter d'éventuels actes d'instruction complémentaires et préparer sa défense. Ainsi, celui-ci ne pouvait prétendre avoir ignoré les charges retenues contre lui.

B______ requiert une indemnité pour la procédure d'appel en CHF 4'800.-, pour 10h40 d'activité d'avocat à CHF 450.-/heure, à charge de l'appelant.

d. Le MP conclut au rejet de l'appel.

Peu importait que les transcriptions des enregistrements et les déclarations de la Dresse E______ fussent écartées du dossier ou non, celui-ci contenait de nombreux éléments permettant de conclure à un verdict de culpabilité, notamment les témoignages recueillis, les messages dénigrants envoyés par l'appelant à la plaignante même après la séparation et les déclarations crédibles de celle-ci.

Les faits reprochés à l'appelant avaient été intégralement listés dans l'avis de prochaine clôture du 9 avril 2021 et celui-ci s'était, par courrier de son conseil du 30 avril 2021, déterminé, en maintenant essentiellement ses précédentes déclarations, de sorte qu'il n'y avait aucune violation des droits de la défense.

Au demeurant, l'existence de violences psychologiques de longue date était établie à plus d'un titre: les déclarations de la plaignante étaient crédibles et plusieurs médecins avaient constaté la persistance des symptômes décrits malgré des traitements médicaux adaptés. L'appelant était de plus parfaitement au courant de la fragilité psychique de son épouse, soulignant lui-même l'existence de suivis antérieurs à la période pénale. Or, selon la plaignante, leur couple rencontrait déjà des problèmes. L'appelant avait donc persisté dans ses agissements condamnables, aggravant l'état de santé de la plaignante, à tout le moins par dol éventuel, de sorte que le lien de causalité était manifestement donné. Enfin, l'appelant persistait à nier la gravité, l'ampleur et la durée de ses actes, et à se faire passer pour victime, démontrant ainsi une absence totale de prise de conscience.

e. Le TP se réfère intégralement à son jugement.

D. A______, ressortissant suisse, est né le ______ 1973. Il est désormais divorcé de B______ et père de l'enfant mineure née de l'union des parties. Médecin de profession, il perçoit un salaire mensuel net de CHF 18'113.- versé treize fois l'an. Il s'acquitte d'une contribution d'entretien en CHF 1'200.- pour sa fille, d'un loyer en CHF 2'565.-, d'une cotisation d'assurance-maladie de CHF 598.30. Sa fortune s'élève à quelque CHF 450'000.-.

Il n'a aucun antécédent judiciaire.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

Il en va de même de l'écriture responsive et des déterminations spontanées
(art. 91 al. 1 et 2 CPP).

2. 2.1.1. Conformément à l'art. 158 al. 1 let. a CPP, au début de la première audition, la police ou le ministère public informent le prévenu, dans une langue qu'il comprend, qu'une procédure préliminaire est ouverte contre lui et pour quelles infractions. Les auditions effectuées sans que ces informations aient été données ne sont pas exploitables (al. 2).

2.1.2. Le prévenu doit être informé, de manière générale et selon l'état actuel de la procédure, de l'acte délictueux qui lui est reproché. Il ne s'agit pas d'en opérer une description au sens des dispositions pénales, mais de relever les circonstances concrètes de l'acte reproché (ATF 141 IV 20 consid. 1.3.3 p. 29 et les références).

2.2. En l'espèce, l'appelant estime que l'accusation ne pouvait pas porter sur d'autres faits que ceux du 23 octobre 2017, n'ayant pas été d'emblée mis en prévention pour des "violences psychologiques" de janvier 2014 au 23 octobre 2017 et n'ayant fait l'objet d'aucune mise en prévention complémentaire.

L'appelant ne conteste toutefois pas avoir été entendu par la police pour des faits de violences conjugales survenus le 23 octobre 2017. Lors de son audition, il a reconnu avoir injurié son épouse, l'avoir saisie par la nuque et avoir craché. Aussi, l'appelant savait-il parfaitement ce qui lui était reproché à ce stade de la procédure.

Ensuite, l'instruction a permis de mettre en évidence que d'autres violences domestiques avaient été commises à l'encontre la plaignante: celle-ci a d'ailleurs confirmé dès la première audience devant le Ministère public avoir été "victime d'autres épisodes de violence par le passé" ajoutant ne pas souhaiter que l'instruction portât sur ces faits à ce stade, avant de pleurer et d'en énumérer quelques-uns. En réaction aux propos de son épouse, l'appelant a alors admis que la situation durait "depuis des années" et que c'était de "pire en pire", reconnaissant qu'il s'énervait "de plus en plus", qu'il lui arrivait de proférer des insultes car la situation n'était pas "normale", rejetant tout autant la faute sur son épouse. L'appelant est donc mal venu de prétendre n'avoir jamais pu s'exprimer sur les faits antérieurs reprochés. Par ailleurs, différents certificats médicaux et témoignages écrits faisant état de violences antérieures et de souffrances psychiques ont été versés à la procédure, de sorte que l'appelant en avait connaissance. En particulier, il ne pouvait ignorer le contenu du témoignage écrit de la thérapeute de couple consultée conjointement en janvier 2014, dont il ressort que l'intimée se plaignait déjà d'injures et de remarques dénigrantes. Enfin, tous les faits reprochés à l'appelant ont été listés dans l'avis de prochaine clôture et l'ordonnance pénale, ce qui lui aurait permis de solliciter d'éventuels actes d'instruction complémentaires. Il s'en est abstenu.

Au vu de ce qui précède, l'appelant a été adéquatement informé des charges qui pesaient contre lui, selon l'avancement de la procédure. Il sera rappelé, en tant que de besoin, qu'un changement de qualification juridique n'emporte aucune violation de l'art. 158 al. 1 let. a CPP, d'une part, et que les infractions de voies de fait et de lésions corporelles simples sont poursuivies d'office au vu du statut des parties, de sorte que le Ministère public était fondé à instruire les faits antérieurs au 23 octobre 2017, d'autre part. Pour ces motifs, le grief de l'appelant sera rejeté.

3. 3.1.1. Le CPP règle l'exploitabilité des preuves qui ont été obtenues illégalement par les autorités publiques mais ne règle pas expressément la question de savoir dans quelle mesure cette inexploitabilité s'applique également aux preuves recueillies par une personne privée (arrêt du TF 6B_1188/2018 du 26 septembre 2019, consid. 2.1).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les moyens de preuve collectés illégalement par des personnes privées ne peuvent être exploités que lorsque les deux conditions cumulatives suivantes sont remplies : en premier lieu, les moyens de preuve collectés par une personne privée auraient pu l'être de manière légale par les autorités de poursuite pénale et, cumulativement, une pesée des intérêts doit pencher en faveur de leur exploitation, autrement dit les intérêts publics ou privés prépondérants à la découverte de la vérité doivent l'emporter sur la sauvegarde d'intérêts privés de l'auteur présumé (arrêts du Tribunal fédéral 1B_91/2020 du 4 mars 2020 consid. 2.2. ; 6B_1188/2018 du 26 septembre 2019, consid. 2.1 ; 1B_76/2016 du 30 mars 2016 ; 6B_786/2015 du 8 février 2016 consid. 1.2 ; 1B_28/2013 du 28 mai 2013 consid. 2.2.3 ; 1B_22/2012 du 12 mars 2012 consid. 2.4.4). De telles preuves ne peuvent dès lors être exploitées que lorsqu'elles sont indispensables pour élucider des infractions graves. Plus l'infraction à juger est grave, plus l'intérêt public à l'élucider prime sur l'intérêt privé du prévenu à ce que la preuve litigieuse ne soit pas exploitée (ATF 131 272 consid. 4.1.2 ; 137 I 218 consid. 2.3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_323/2013 du 3 juin 2013 consid. 3.5 ; 6B_490/2013 du 14 octobre 2013 consid. 2.4).

3.1.2. En ce qui concerne l'admissibilité des preuves dérivées obtenues par des particuliers grâce à une preuve originaire recueillie de manière illicite, la doctrine est divisée. Selon BENEDICT et TRECCANI, l'art. 141 al. 2 et 4 CPP n'est destiné qu'à sanctionner les actes des autorités pénales, de sorte que les preuves apportées par les particuliers sont inconditionnellement exploitables (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER-DEPEURSINGE [éds], op.cit., n. 27 et 41 ad art. 141). SCHMID et PIQUEREZ estiment en revanche que leur admissibilité doit être examinée au regard des art. 141 al. 2 et 4 CPP. Si la preuve originaire est exploitable car elle répond aux critères de l'art. 141 al. 2 CPP, la preuve qui en découle l'est également. Si la preuve originaire ne remplit pas à satisfaction les conditions, la preuve qui en dérive est néanmoins exploitable si celle-ci satisfait celles de l'alinéa 4, soit en d'autres termes si elle pouvait être obtenue autrement que par l'obtention de la preuve originaire (S. PAREIN, les preuves illégales recueillies par les particuliers sous l'empire du Code de procédure pénale suisse, in Jusletter du 8 octobre 2012, p. 12 et réf. citées).

3.2. A teneur de l'art. 179ter CP, est punissable celui qui, sans le consentement des autres interlocuteurs, aura enregistré sur un porteur de son une conversation non publique à laquelle il prenait part avec un appareil de prise de vues ou fixé sur un porteur d'images un fait qui relève du domaine secret de cette personne ou un fait ne pouvant être perçu sans autre par chacun et qui relève du domaine privé de celle-ci.

3.3. En l'espèce, les enregistrements vocaux – dont les retranscriptions sont litigieuses – ont manifestement été réalisés sans l'accord de l'appelant. L'infraction retenue, dans un contexte de violences conjugales important, se situe à la limite de la gravité requise pour en justifier l'exploitation, toutes circonstances prises en considération. Les retranscriptions constituent ainsi des preuves dérivées au premier degré et les déclarations de la Dresse E______ des preuves dérivées au second degré – recueillies en revanche par une autorité – soumises à des règles d'admissibilité qui leur sont propres. Selon une partie de la doctrine, s'agissant d'une preuve obtenue par des particuliers, les retranscriptions seraient inconditionnellement exploitables, tandis que d'autres auteurs soumettraient la preuve dérivée aux conditions de l'art. 141 al. 4 CPP. Les déclarations recueillies par l'autorité doivent, en tout état, être évaluées selon ces derniers critères.

Le premier juge a considéré que les retranscriptions écrites auraient pu être recueillies de manière licite si la Dresse E______ avait fait faire à sa patiente un travail de mémoire ou lui avait demandé de noter, immédiatement après chaque dispute, la teneur des injures. Pour ce qui est des déclarations de la thérapeute, il a été retenu qu'elles ne se fondaient pas exclusivement sur les enregistrements mais sur l'ensemble de la thérapie, de sorte qu'elles étaient exploitables. L'appelant conteste ce raisonnement, soulignant que la Dresse E______ avait demandé à sa patiente d'enregistrer son mari "pour y voir plus clair" et "poser son diagnostic", puis avait tenu à réécouter les enregistrements pour "présenter une version plus complète", ce qui démontrait que tout son diagnostic reposait en réalité sur les enregistrements, d'une part, et, qu'en tout état, il aurait été impossible de faire un tel travail de mémoire, d'autre part.

La Cour considère que la question de l'admissibilité de ces preuves peut être laissée ouverte, dès lors que le dossier contient de nombreux éléments permettant de retenir un verdict de culpabilité, comme il sera démontré ci-après (infra 4.2.1.)

4. 4.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) et par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 127 I 28 consid. 2a p. 40 s. ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Des doutes seulement abstraits et théoriques sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82 ; ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41 ; ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_634/2018 du 22 août 2018 consid. 2.1 ; 6B_1306/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1.1).

4.1.2. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

4.1.3. Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_942/2017 du 5 mars 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.5).

4.1.4. L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Il n'est pas nécessaire que la victime ait subi une atteinte à son intégrité physique ; une atteinte psychique peut suffire à la réalisation de l'infraction. Pour justifier la qualification de lésions corporelles, l'atteinte doit toutefois revêtir une certaine importance. Il y a lieu de tenir compte, d'une part, du genre et de l'intensité de l'atteinte et, d'autre part, de son impact sur le psychisme de la victime. Une atteinte de nature et d'intensité bénignes et qui n'engendre qu'un trouble passager et léger du sentiment de bien-être ne suffit pas. En revanche, une atteinte objectivement propre à générer une souffrance psychique et dont les effets sont d'une certaine durée et d'une certaine importance peut être constitutive de lésions corporelles. Les effets de l'atteinte ne doivent pas être évalués uniquement en fonction de la sensibilité personnelle de la victime. Il faut bien plutôt se fonder sur les effets que l'atteinte peut avoir sur une personne de sensibilité moyenne placée dans la même situation. Les circonstances concrètes doivent néanmoins être prises en considération ; l'impact de l'atteinte ne sera pas nécessairement le même suivant l'âge de la victime, son état de santé, le cadre social dans lequel elle vit ou travaille, etc. (ATF 134 IV 189 consid. 1.4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1204/2017 du 17 mai 2018 consid. 3.1).

Enfin, l'art. 123 CP protège, outre l’intégrité physique et psychique, la santé. Ainsi, tout acte provoquant ou aggravant un état maladif est susceptible de tomber sous le coup de cette disposition (ATF 103 IV 65).

4.2.1. En l'espèce, les déclarations de l'intimée sont crédibles. Son récit, cohérent et détaillé, est renforcé par le fait que celui de l'appelant évoque un déroulement identique, sous réserve de l'intensité des actes reprochés de part et d'autre. Par ailleurs, les propos de l'intimée sont mesurés, celle-ci n'ayant pas cherché à en rajouter ni à exagérer. Son comportement subséquent consolide également son récit, à savoir que sa décision de se séparer de son époux est intervenue bien après le dépôt de sa plainte, de même qu'elle n'a pas souhaité immédiatement porter plainte contre son mari, auquel elle ne souhaitait aucun mal, le jour des faits mais a dû prendre toute la mesure de ce qu'elle vivait et être encouragée par sa psychiatre pour le faire. Ainsi, la chronologie démontre que la procédure pénale n'avait pas pour dessein d'alimenter une quelconque procédure civile. Enfin, l'intimée n'a pas varié et a répété tant auprès des autorités, qu'auprès des divers professionnels de la santé, les violences qu'elle subissait.

La crédibilité des propos de la partie plaignante est encore renforcée par la symptomatologie observée chez elle et attestée médicalement, à savoir "un état de stress important avec une labilité émotionnelle, une fatigue, des troubles du sommeil, digestif et de la concentration" selon le Dr H______, "un état de grande fatigue et de stress chronique, ainsi qu'une tension artérielle inhabituellement élevée" malgré un traitement médicamenteux usuellement efficace, selon la Dresse D______, laquelle a également relevé qu'il ressortait déjà du dossier médical reçu de l'ancien médecin traitant la mention d'un "stress familial", sans parler du " syndrome de stress post-traumatique avec une symptomologie classique" relevé par la Dresse E______. Il ressort aussi de son témoignage écrit que F______ avait constaté chez sa patiente "des souffrances psychiques avec manifestations psychosomatiques". Enfin, les déclarations de la Dresse D______ sont mesurées et demeurent objectives, de sorte que son propre témoignage emporte une grande force probante.

À cela s'ajoutent les nombreux messages dénigrants et culpabilisants envoyés par l'appelant à sa femme après leur séparation démontrant un certain acharnement de sa part et le peu d'estime qu'il lui porte. La Dresse D______ a par ailleurs confirmé que la plaignante recevait des messages harcelants du même acabit bien avant la séparation.

L'appelant a, pour sa part, admis avoir injurié son épouse et avoir craché par terre dans ses accès de colère. Il s'est toutefois justifié en indiquant que les injures étaient réciproques et que les crachats n'étaient pas "systématiquement" dirigés contre son épouse. Il a contesté avoir été violent physiquement avec sa femme, admettant seulement l'avoir "repoussée" à une reprise et l'avoir saisie par la nuque, mais seulement brièvement. Or, hormis les déclarations de la Dresse J______, laquelle "croi[t] avoir compris", sans jamais avoir vu les époux ensemble, qu'il y avait des interactions pathologiques en son sein avec des altercations et injures réciproques, les insultes du chef de la plaignante ne trouvent aucune assise dans le dossier, de même que le prétendu joug dont se plaint l'appelant, de sorte que ses dénégations n'emportent aucune conviction.

La Cour tient dès lors pour établi que les faits dénoncés par la victime de façon constante et repris dans l'acte d'accusation ont bien eu lieu.

4.2.2. Ainsi, il est établi que l'intimée a régulièrement essuyé des insultes, soit des violences psychologiques, durant de nombreuses années, soit à tout le moins depuis 2014 selon F______, voire 2008 selon le Dr H______. Ces violences, perpétrées dans l'intimité du foyer, l'ont considérablement impactée dans sa santé et ses nombreux maux psychosomatiques, telle que notamment asthénie, hypertension, troubles du sommeil, de la digestion et de la concentration, ont été attestés par plusieurs médecins et psychologues. À ce jour, elle souffre encore de cauchemars, de perte de confiance en soi et en autrui, et peine à reprendre sa vie en main. Au vu de leur intensité, ces séquelles doivent être qualifiées de lésions corporelles simples. Le lien de causalité entre les actes de l'appelant et les atteintes à la santé observées chez la plaignante est donné et confirmé par différents avis médicaux. Par ailleurs, de telles violences domestiques récurrentes sont propres, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à impacter, voire à aggraver l'état de santé d'une personne. L'appelant, en sa qualité de médecin, ne pouvait ignorer les conséquences de ses actes, à plus forte raison puisqu'il connaissait la fragilité de son épouse, soulignant lui-même l'existence de suivis psychologiques antérieurs. Il était au demeurant conscient de ce que la situation n'était pas "normale", selon ses propres termes, ce qui ne l'a pas empêché de continuer ses actes répréhensibles. Au vu de ce qui précède, il sera retenu que l'appelant s'est rendu coupable de lésions corporelles simples, à tout le moins par dol éventuel. Partant, l'appel sera rejeté et le jugement entrepris confirmé.

5. 5.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

5.1.2. Aux termes de l'art. 123 ch. 1 et 2 CP, l'infraction de lésions corporelles simples est réprimée d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

5.2. En l'espèce, la faute du prévenu est relativement grave en ce qu'il s'en est pris, pour des motifs relevant d'une colère ou d'une frustration mal maîtrisées, à l'intégrité psychique et à la santé de son épouse durant une longue période pénale de presque quatre ans. Par ses actes, l'appelant a causé d'importantes souffrances à son épouse, dont les séquelles perdurent encore à ce jour. Par ailleurs, de par sa qualité de médecin, l'appelant aurait mieux que d'autres pu éviter de léser ces biens juridiques qu'il a promis de protéger dans le cadre de sa profession. Pour autant qu'il se fut trouvé dans une situation proche du désarroi face à l'échec de son mariage, aucun motif ne justifie ses actes. Par ailleurs, sa persistance à vouloir minimiser ses actes et les souffrances occasionnées, tout en rejetant la faute sur son épouse et en se faisant passer pour une victime, démontre que sa prise de conscience n'est pas même entamée. L'appelant n'a pas d'antécédent judiciaire, facteur neutre pour la peine. Compte tenu de ce qui précède et du temps écoulé, la peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 400.- l'unité pénale est appropriée, de sorte qu'elle sera confirmée. Le sursis est acquis à l'appelant et le délai d'épreuve fixé à trois ans sera confirmé.

6. Vu le verdict de culpabilité de l'appelant, d'une part, et compte tenu du fait que celui-ci n'a pas formulé de grief particulier en lien avec les conclusions civiles, d'autre part, le tort moral en CHF 1'000.- sera aussi confirmé (art. 47 et 49 CO cum art. 122 CPP).

7. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, lesquels comprendront un émolument de jugement en CHF 2'000.- (art. 428 CPP et art. 14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale).

Il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance.

8. Eu égard à sa condamnation, l'appelant se verra débouter de ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP a contrario). L'indemnité en CHF 4'500.- qui lui avait été allouée par le premier juge pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits lui est en revanche acquise, vu son acquittement partiel en première instance.

9. 9.1. L'art. 433 al. 1 let. a CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause.

La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_549/2015 du 16 mars 2016 consid. 2.3 in SJ 2017 I 37 ; 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 consid. 2.1).

9.2. En l'espèce, les frais d'avocat pour la procédure d'appel présentés par B______, partie plaignante, répondent aux conditions posées par la loi et la jurisprudence, de sorte qu'il sera fait droit à sa demande d'indemnisation.

L'appelant sera ainsi condamné à lui verser une indemnité équitable pour ses frais d'avocat pour la procédure d'appel en CHF 4'800.-, non soumis à TVA, correspondant à 10h40 au tarif de 450.-/heure.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/719/2022 rendu le 17 juin 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/25666/2017.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 2'155.-, qui comprennent un émolument de CHF 2'000.-.

Condamne A______ à verser à B______ CHF 4'800.-, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure d'appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 3 CP).

Acquitte A______ de violation d'une obligation d'entretien (art. 217 al. 1 CP).

Classe la procédure s'agissant de l'accusation d'injure.

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende.

Fixe le montant du jour-amende à CHF 400.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans.

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Condamne A______ à payer à B______ CHF 1'000.-, à titre de réparation du tort moral.

Condamne l'Etat de Genève à verser à A______ CHF 4'500.-, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

Condamne A______ à verser à B______ CHF 11'869.80, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

Condamne A______ aux frais de la procédure, à concurrence de CHF 1'000.-et laisse le solde à la charge de l'Etat.

Met à la charge de A______ un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.-."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

Le greffier :

Alexandre DA COSTA

 

La présidente :

Catherine GAVIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 


Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'307.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'155.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'462.00