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Décisions | Tribunal pénal

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P/18475/2022

JTDP/503/2025 du 05.05.2025 sur OPMP/11866/2023 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.180
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 10


5 mai 2025

 

MINISTÈRE PUBLIC

Madame A______, partie plaignante, assistée de Me C______

contre

Monsieur B______, né le ______ 1991, domicilié ______ [GE], prévenu, assisté de Me D______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à la culpabilité de B______ des chefs d'injure (art. 177 al. 1 CP), de menaces (art. 180 al. 1 et 2 let. a CP) et de voies de fait (art. 126 al. 1 CP), à sa condamnation à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 70.- assortie du sursis avec un délai d'épreuve de 3 ans, d'une amende de CHF 1'260.- assortie d'une peine privative de liberté de substitution de 18 jours, d'une amende de CHF 500.- assortie d'une peine privative de liberté de substitution de 5 jours, ainsi qu'au paiement des frais de la procédure.

A______, par la voix de son Conseil, conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité des chefs de menaces, injure et voies de fait et à l'octroi de ses conclusions civiles.

B______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement, persiste dans ses conclusions en indemnisation et conclut à ce que la partie plaignante soit déboutée de ses conclusions civiles.

EN FAIT

A.a. Par ordonnance pénale du 19 décembre 2023, il est reproché à B______ d'avoir, entre février 2018 et le 26 juillet 2022, en Valais et à Genève, en particulier au domicile conjugal sis ______ [GE], régulièrement menacé son épouse A______ de mort et de la frapper, étant précisé qu'à tout le moins une reprise, il l'a menacée avec un couteau de cuisine, avant de lui couper les cheveux avec ledit couteau, l'effrayant de la sorte.

b. Par cette même ordonnance pénale, il lui est également reproché d'avoir, entre le 26 avril et le 26 juillet 2022, injurié à réitérées reprises A______ en la traitant notamment de "sale pute".

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a. A titre liminaire, il sied de préciser que A______ et B______ ont déposé plainte pénale l'un contre l'autre dans le cadre de la présente procédure pénale. Ne font cependant l'objet du présent jugement que les faits couverts par l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 19 décembre 2023, dans laquelle A______ est partie plaignante et B______ prévenu.

b.a.a Le 26 juillet 2022, A______ a été entendue par la police suite à la plainte pénale déposée par son époux B______ à son encontre. Lors de cette audition, elle a déposé plainte contre B______ pour violences conjugales, avec constitution de partie plaignante au pénal et au civil. En substance, elle a expliqué que son époux avait commencé à la frapper dès son arrivée Suisse en 2018. Il lui donnait des coups de poing sur la tête jusqu'à ce qu'elle tombe dans les pommes. Il l'avait également étranglée à plusieurs reprises. Elle s'était rendue à l'hôpital à une seule reprise et avait obtenu un constat médical, mais B______ l'avait jeté.

Elle n'avait pas de salaire, car B______ ne la laissait pas travailler et ne lui donnait pas d'argent. Il la traitait entre autre de "sale pute" et la menaçait de mort. Elle avait plusieurs vidéos de ces violences. Dans l'une d'elle, B______ la menaçait avec un couteau avec lequel il lui avait coupé une mèche de cheveux.

En voyage en Algérie, Elle avait entendu B______ dire à leur fille, née en 2021, "Maman va bientôt mourir et on pourra s'installer en Arabie-Saoudite".

b.a.b. Par devant le Ministère public, le 24 novembre 2022, A______ a confirmé ses déclarations faites à la police. Elle a précisé que la visite à l'hôpital avait eu lieu un mois après son arrivée en Suisse en 2018. B______ l'avait frappée très fort à la tête. Elle avait des troubles à cause de ses coups. Lors de cette première dispute, il l'avait aussi étranglée. Depuis, il la frappait tout le temps.

S'agissant du voyage en famille en Algérie, elle est revenue sur sa déclaration faite à la police, indiquant que son mari ne s'était jamais rendu dans ce pays avec elle et sa fille. La police s'était trompée, c'était en Suisse et non pas en Algérie que B______ avait prononcé la phrase "Maman va bientôt mourir et on pourra s'installer en Arabie-Saoudite". Si elle avait écrit à B______ le 3 juin 2022 pour lui proposer d'aller vivre en Arabie Saoudite avec leur fille, c'était pour qu'il revienne, car c'était lui qui voulait y aller.

Elle a indiqué ne plus avoir de relation avec B______ et ne plus lui parler, avant de déclarer qu'elle l'appelait en numéro masqué.

Elle a également indiqué qu'il la poussait à divorcer légalement, ce qu'elle voulait également. Puis confrontée aux messages qu'elle avait envoyé à son mari à teneur desquels elle dit ne pas vouloir divorcer, elle a expliqué que c'était quand ils s'étaient disputé à cause de l'exorcisme, mais après en avoir parlé à un ami, elle avait accepté de divorcer. C'était en juillet 2022, avant qu'il rentre d'Arabie Saoudite.

b.a.c. A______ a également, dans le cadre de la procédure, déposé plainte pénale contre son époux pour des faits susceptibles d'être qualifiés de viol (art. 190 al. 1 CP), de lésions corporelles simples (art. 123 CP), et de dommage à la propriété (art. 144 al. 1 CP). Ce pan de la procédure a été classé par le Ministère public par ordonnance du 1er décembre 2023 (OCL/1669/2023).

b.b.a. Entendu par la police le 18 août 2022, B______ a contesté l'intégralité des déclarations de A______. Il a expliqué, concernant la visite à l'hôpital de son épouse et le constat médical correspondant, qu'il l'avait emmenée une fois à l'hôpital car elle avait des problèmes de perte de connaissance, mais ce n'était pas lié à un conflit.

S'agissant des moyens de subsistance de son épouse, c'était lui qui subvenait à ses besoins en déposant CHF 650 par mois dans la boîte aux lettres de A______. Il payait également son assurance-maladie et son loyer. C'était un ami qui hébergeait A______.

Il avait également payé à A______ une formation chez E______, une entreprise formant des personnes pour les rediriger professionnellement. Ladite formation lui avait coûté CHF 800.-.

Il n'était jamais allé en Algérie avec sa femme et sa fille, mais s'y était déjà rendu avec sa femme. Il n'était allé qu'une fois en Arabie-Saoudite, et c'était A______ qui voulait que la famille y déménage.

Interrogé sur le contenu des vidéos déposées par A______, il a d'abord déclaré ne pas se reconnaître sur la vidéo n°1, puis il a exercé son droit de garder le silence.

b.b.b. Par devant le Ministère public, le 24 novembre 2022, B______ a confirmé ses précédentes déclarations, soulignant que selon lui, les vidéos étaient des preuves illicites. Il avait également déposé plainte pénale contre son épouse pour diffamation, dénonciation calomnieuse, atteinte à l'honneur et menaces. Il n'a à nouveau pas souhaité répondre aux questions concernant les six vidéos produites.

S'agissant du divorce, Il a indiqué qu'il avait proposé plusieurs fois à A______ de divorcer, mais qu'elle ne le souhaitait pas. Elle lui avait fait du chantage en lui disant qu'elle allait "lui faire des problèmes" s'il demandait le divorce, et qu'elle ne voulait pas de divorce à l'amiable.

b.b.c. La plainte de B______ contre son épouse pour des faits susceptibles d'être qualifiés de voies de fait a été classé par le Ministère public, par ordonnance du 1er décembre 2023 (OCL/1670/2023).

Éléments matériels versés à la procédure

b.c.a. Les vidéos suivantes ont été enregistrées par A______, et versées à la procédure:

-       vidéo n°1, non datée :

On y voit un homme, couché sur un lit, dire à une femme hors-champ :

"rentre, rentre ou je te tue", puis plus tard: "Ferme ton gueule de pute ! Arrête d'ouvrir ta bouche de pute! [bruit de choc] Tu parles encore une fois je te tue!"

-       vidéo n°2, non datée:

On y voit un homme suivre une femme dans la cuisine avec un couteau à la main, et dire à la femme "tu vas voir qu'est-ce que je vais te faire avec un couteau", puis "la prochaine fois que tu prends un couteau je te coupe la gorge". L'homme tient ensuite la femme par la gorge et lui coupe une mèche de cheveux. En parallèle, la femme dit à plusieurs reprises "arrête" et "tu me fais mal".

b.c.b. Les vidéos suivantes ont par ailleurs été enregistrées en selfie par B______ et versées à la procédure par A______:

-       vidéo n°3, non datée:

On y voit un homme disant notamment face caméra dans une voiture : "si t'as prévu un truc dans mon dos, de prendre tous tes bagages pour rester en Suisse, […] je demande à Allah qu'il te fasse punir très très très cher. […] chais pas qu'est-ce que t'as prévu avec tes bagages, mais sache-le […] si tu crains pas Allah, tu vas le payer".

-       Vidéo n°4, non datée:

On y voit un homme disant notamment face caméra "Faut qu't'arrêtes de penser du mal de moi, si j'voudrais te tromper ou trouver une autre femme, j'l'aurais fait depuis longtemps, tu vois, […] et pense plutôt du bien de ton mari et du [inintelligible]"

-       Vidéo n°5, non datée:

On y voit un plan de travers d'un salon et le bras d'un homme qui dit notamment hors-champ: "Dénoncer un musulman à des kufars, comment c'est grave d'accord? Renseigne-toi, la trahison de ça, ok?".

-       Vidéo n°6, non datée:

On y voit un plan de travers sur le bras d'un homme assis sur une chaise de bureau dans un salon, et ledit homme dit notamment hors-champ "Tout ce que t'as gardé dans ton téléphone pour dénoncer un musulman à des kufars, voilà je demande à Allah et même, t'sais quoi, des choses très graves qui t'arrivent insh'allah, des choses très très graves qui t'arrivent".

b.c.c. A______ a également déposé à la procédure une copie du constat médical concernant sa visite aux HUG du 3 juin 2018. Ce constat fait état d'un traumatisme crânien simple, avec un état général diminué et nauséeux. La radiographie effectuée démontre qu'il n'y a ni hémorragie ni fracture. L'examen neurologique complet est normal.

b.c.d. B______ a produit des messages WhatsApp de A______. Le 3 juin 2022, elle lui avait écrit: "Tout le monde divorce et reviens", "C'est Allah qui décide pas toi", "si tu veu on vie là bas en saoudite avec F______ et inshalah elle grandit là-bas". Au message de B______ indiquant qu'il allait trouver une autre femme, elle avait répondu "Si tu le fais je te tue" et "trouve et tu verras je te tue". A une autre date, elle lui avait aussi écrit "Tu demande le divorce toi seul" et "ne me pousse pas à te faire des pb".

C. a.a. En marge de l'audience de jugement, A______ a déposé le 5 septembre 2023 des conclusions civiles tendant à ce que B______ soit condamné à lui verser la somme de CHF 2'000 à titre de réparation du tort moral subi.

a.b. Par ailleurs, le Tribunal a dispensé par courrier du 17 décembre 2024 A______ de comparaître à l'audience du 5 mai 2025.

b.a À l'audience de jugement et par la voix de son Conseil, B______ a soulevé une question préjudicielle concluant à ce que les vidéos produites par A______ soient écartées de la procédure, dans la mesure où elles constitueraient des preuves illicites. Après délibérations, le Tribunal a rejeté la demande pour les motifs figurant ci-dessous (cf. infra ch. 1.).

b.b Par ailleurs, le Tribunal a autorisé le Conseil de A______ à la représenter lors de l'audience, étant donné que cette dernière se trouvait à l'étranger.

c.a. Entendu par le Tribunal, B______ a en substance réitéré ses précédentes déclarations, contestant les faits dénoncés par son épouse.

Il a refusé de s'exprimer sur le contenu des vidéos n°1 et 2. Il a en revanche accepté de se déterminer sur les vidéos n°3 à 6. Il a indiqué avoir vécu à Genève avec son épouse de février 2018 à octobre 2019. Le 1er novembre 2019, il avait déménagé en Valais avec son épouse. Depuis leur séparation en date du 22 avril 2022, il ne vivait plus avec A______ et il n'y avait plus eu de vidéos depuis cette date.

S'agissant de la vidéo n°1, il a indiqué qu'elle n'avait pas été tournée en Valais, car il n'avait pas le même lit. C'était à Genève. Les faits reprochés en lien avec cette vidéo n'avaient en tout cas pas eu lieu après le 1er novembre 2019.

S'agissant de la vidéo n°2, tout en refusant de s'exprimer, il a relevé que, selon lui, A______ n'avait pas eu peur. Cette vidéo n'avait pas été tournée en Valais avant le 1er novembre 2019.

S'agissant de la vidéo n°3, il avait parlé de Dieu sur lequel il n'avait aucune maîtrise. Les faits étant anciens, il n'avait pas de souvenir sur le lieu ni sur le moment où cette vidéo avait été enregistrée.

c.b. B______ a déposé des conclusions en indemnisation à hauteur de CHF 12'409.20 au titre d'indemnité pour ses frais de défense.

D.a. B______ est né le ______ 1991 à Genève en Suisse, pays dont il possède la nationalité. Il a épousé A______ le 13 novembre 2017 en Algérie et s'est séparé d'elle depuis le 20 avril 2022. Il a une fille, F______, née le ______ 2021 de son union avec A______ et a un autre enfant, G______, né le ______ 2015 de son union avec son ex-compagne H______. B______ verse à cette dernière une contribution mensuelle de CHF 450.- pour l'entretien de son fils.

B______ est sans emploi et bénéficie d'une rente AI d'environ CHF 2'500.-. Son loyer s'élève à CHF 1'000.-, charges comprises. Son assurance-maladie s'élève à CHF 400.-. Il a droit à un subside d'environ CHF 200 pour l'assurance-maladie. Il n'a pas de dettes, mais a déclaré au moment de son audition par la police avoir de la fortune, en particulier CHF 70'000.- sur un compte bancaire, de l'or et de l'argent pour un montant d'environ CHF 160'000.-, des crypto-monnaies pour environ CHF 150'000.- et des biens immobiliers à ______ [EAU] pour un montant de CHF 400'000.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, B______ a été condamné:

- Le 28 février 2013, par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis complet et un délai d'épreuve de 3 ans, et à une amende de CHF 450, pour violation des règles de la circulation routière et violation grave des règles de la circulation routière;

- Le 1er mars 2013, par le Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 60, avec sursis complet et un délai d'épreuve de 3 ans, pour rixe.

 

EN DROIT

1.             Question préjudicielle

1.1.1. A titre préjudiciel, B______ a, par la voix de son Conseil, conclu à ce que les vidéos produites par la partie plaignante soient écartées de la procédure, dans la mesure où elles violeraient l'art. 179quater du Code pénal (RS 311.0 ; CP) et constitueraient dès lors des preuves illicites au sens de l'art. 141 du Code de procédure pénale (RS 312.0 ; CPP).

1.1.2. L'art. 141 CPP règle la question de l'exploitation des moyens de preuve obtenus illégalement. En application de l'art. 141 al. 2 CPP, les preuves qui ont été administrées d'une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves, soit généralement un crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP, et qu'une pesée entre l'intérêt public de la justice, d'une part, et l'intérêt privé protégé par la norme enfreinte, d'autre part, révèle une prépondérance du premier sur le second (Jeanneret/Khun, Précis de procédure pénale, 2ème éd. 2018, n. 9007 p. 240 et les références citées). Les pièces relatives aux moyens de preuves non exploitables doivent être retirées du dossier pénal, conservées à part jusqu’à la clôture définitive de la procédure, puis détruites (art. 141 al. 5 CPP).

1.1.3.1. L'art. 141 al. 2 CPP s'applique par analogie en présence de preuves recueillies non pas par une autorité pénale (art. 12 s. CPP), mais par une partie (ATF 146 IV 226 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_323/2013 du 3 juin 2013 consid. 3.4; Villard/Burgener (éd.), Les preuves illicites en droit pénal, Exploitabilité et voies de droit, 2023, n. 20 p. 75).

La loi pénale ne règle pas, de manière explicite, la situation dans laquelle de telles preuves ont été recueillies non par l'Etat mais par un particulier. Selon la jurisprudence, ces preuves ne sont exploitables que si, d'une part, elles auraient pu être recueillies licitement par les autorités pénales et si, d'autre part, une pesée des intérêts en présence plaide pour une exploitabilité (ATF 147 IV 16 consid. 1.1 et les références citées). Dans le cadre de cette pesée des intérêts, il convient d'appliquer les mêmes critères que ceux prévalant en matière d'administration des preuves par les autorités. Les moyens de preuve ne sont ainsi exploitables que s'ils sont indispensables pour élucider des infractions graves (ATF 147 IV 16 consid. 1.1; 147 IV 9 consid. 1.3.1; 146 IV 226 consid. 2).

1.1.3.2. À teneur de l'art. 179quater al. 1 CP, quiconque, sans le consentement de la personne intéressée, observe avec un appareil de prise de vues ou fixe sur un porteur d’images un fait qui relève du domaine secret de cette personne ou un fait ne pouvant être perçu sans autre par chacun et qui relève du domaine privé de celle-ci, est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

L'art. 179quater CP a pour but de permettre à tout individu de s'épanouir librement, en sécurité et sans être observé non seulement dans sa sphère secrète, mais plus généralement dans sa vie privée. La vie privée d'une personne s'étend à sa vie de famille, soit notamment la sphère domestique au sens de l'art. 186 CP, qui protège tout local fermé tel le lieu de domicile, le jardin ou le bureau (Henzelin/Massrouri, Commentaire romand Code pénal II, n. 7 ad art. 179quater CP; ATF 137 I 327 consid. 6.1; ATF 118 IV 41, p. 49 s.). Selon la doctrine, les conflits familiaux relèvent du domaine secret (Stratenwerth /Bommer, Schweizerisches Strafrecht - Besonderer Teil I: Straftaten gegen Individualinteressen, 8e éd. 2022, n. 54 p. 267). Sont visées par l'infraction notamment les prises de vue à l'aide de caméras de télévision, d'appareils cinématographiques ou de téléphones portables cachés (ATF 118 IV 41, p. 51; Stratenwerth/Bommer, Schweizerisches Strafrecht - Besonderer Teil I: Straftaten gegen Individualinteressen, 8e éd. 2022, p. 266 s.).

1.1.3.3.1. L'art. 280 let. b CPP dispose que le Ministère public peut utiliser des dispositifs techniques de surveillance aux fins d'observer ou d'enregistrer des actions se déroulant dans des lieux qui ne sont pas publics ou qui ne sont pas librement accessibles. Cette disposition légale vise toutes les catégories d'appareils photos, de caméras et de téléphones portables permettant la prise d'images ou de vidéos (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire Code de procédure pénale, 2016, n. 6 ad art. 280 CPP).

1.1.3.3.2. L'art. 281 al. 4 CPP précise que l'utilisation de dispositifs techniques de surveillance est régie par les art. 269 à 279 CPP. Aux termes de l'art. 269 al. 1 CPP, le ministère public peut ordonner la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication aux conditions suivantes: de graves soupçons laissent présumer que l'une des infractions visées à l'al. 2 a été commise (let. a); cette mesure se justifie au regard de la gravité de l'infraction (let. b); les mesures prises jusqu'alors dans le cadre de l'instruction sont restées sans succès ou les recherches n'auraient aucune chance d'aboutir ou seraient excessivement difficiles en l'absence de surveillance (let. c).

Selon l'art. 269 al. 2 let. a CPP, une surveillance peut être ordonnée aux fins de poursuivre l'infraction de menaces au sens de l'art. 180 CP.

1.1.3.3.4. En principe, toute mesure de contrainte doit reposer sur l'existence de soupçons préalables, conformément à l'art. 197 al. 1 let. b CPP. Selon le Tribunal fédéral, dans le contexte de la récolte hypothétique des preuves par un particulier, les soupçons doivent exister avant l'obtention de la preuve litigieuse, même s'il n'est pas nécessaire que l'autorité ait effectivement eu connaissance de ceux-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_53/2020 du 12 avril 2019 consid. 1.3.; Toffel, L'exploitabilité de l'image vidéo en procédure pénale, In dubio pro vidéo? Analyse au regard de la production d'enregistrements vidéo à des fins probatoires, 2025, p. 171 §620 ss, p. 200 §748). Il n'est pas non plus nécessaire de prouver les éléments de la qualification juridique déjà au moment de statuer sur l'admissibilité de la mesure (ATF 142 IV 289 consid. 2.2.1. p. 295, arrêt du Tribunal fédéral 1B_273/2019 du 3 décembre 2019 consid. 2.2.1).

1.1.3.4.1. S'agissant de la pesée des intérêts, la jurisprudence considère que plus l'infraction à élucider est grave, plus l'intérêt public à la manifestation de la vérité l'emporte sur l'intérêt du prévenu à ce que le moyen de preuve litigieux soit jugé inexploitable (ATF 137 I 218 consid. 2.3.4 p. 223; 131 I 272 consid. 4.1.2 p. 279; 130 I 126 consid. 3.2 p. 132; arrêts du Tribunal fédéral 6B_490/2013 du 14 octobre 2013 consid. 2.4.1; 6B_323/2013 consid. 3.5).

1.1.3.4.2. La doctrine et la jurisprudence cantonale retiennent sous la notion de caractère indispensable le fait qu'une condamnation ne serait pas possible sans la preuve litigieuse (OGer ZH, arrêt SB150205 du 2 novembre 2015 consid. 1.5.1.; OGer ZH, arrêt UH150031 du 17 mars 2015 consid. 3c/cc; Villard/Burgener (éd.), Les preuves illicites en droit pénal, Exploitabilité et voies de droit, 2023, p. 47 N 70). A cet égard, la jurisprudence de la CourEDH exige que la preuve litigieuse ne soit pas le seul élément à charge (CourEDH, arrêt Allan c. Royaume-Uni du 5 novembre 2022 §52).

1.1.3.4.3. S'agissant de la notion d'infraction grave au sens de l'art. 141 al. 2 CPP, le Tribunal fédéral avait retenu comme infractions graves dans une jurisprudence datant de 2017 les infractions figurant dans la liste de l'art. 269 al. 2 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_287/2016 du 13 février 2017 consid. 2.4.4.). Une partie de la doctrine considère encore à ce jour que la commission d'un délit listé à l'art. 269 al. 2 CPP peut constituer une "infraction grave" au sens de l'art. 141 al. 2 CPP, rendant en principe la preuve exploitable (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire Code de procédure pénale, 2ème éd. 2016, N 13 ad art. 141 CPP). Parmi les infractions listées à l'art. 269 al. 2 CPP se trouve notamment la menace (180 CP).

Cependant, dans son arrêt ATF 147 IV 9 du 1er septembre 2020, le Tribunal fédéral a retenu pour la première fois que, concernant la notion d'infraction grave, ce n'était pas la peine encourue de manière abstraite, mais la gravité de l'acte commis qui était déterminante (ATF 147 IV 9 consid. 1.4.4. ; Toffel, L'exploitabilité de l'image vidéo en procédure pénale, In dubio pro vidéo? Analyse au regard de la production d'enregistrements vidéo à des fins probatoires, 2025, p. 181 §668 ss). En résumé, il faut, selon la jurisprudence actuelle, tenir compte de la gravité de l'acte concret, des critères tels que le bien juridique protégé, l'ampleur de la mise en danger ou de la violation, le mode opératoire, l'énergie criminelle ou le motif de l'acte étant déterminants (ATF 147 IV 9 consid. 1.4.2). Les infractions graves devraient donc être en premier lieu, mais pas exclusivement, des crimes (Jositsch/Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 4e éd. 2023, N 8 ad art. 141 CPP).

1.1.3.5. Selon une partie de la doctrine, le principe de la non-rétroactivité et la lex mitior ne peuvent pas être invoqués en présence d’un revirement de jurisprudence, lequel déploie ses effets immédiatement. Sans procéder à un examen approfondi de la question, le Tribunal fédéral a également considéré que l'art. 2 CP se limite en effet aux modifications apportées à la loi pénale, si bien que les revirements jurisprudentiels ne peuvent y être assimilés. Partant, qu’il soit favorable ou défavorable au prévenu, le revirement jurisprudentiel s’applique directement au cas d’espèce tranché et il rétroagit, car l'art. 2 CP ne trouve pas à s’appliquer. Cette exclusion de principe est toutefois remise en cause par une importante partie de la littérature (Dongois/Lubishtani, Commentaire romand Code pénal I, n. 25-26 ad art. 2 CP).

1.2. En l'espèce, les enregistrements vidéos portent sur des conversations privées survenues au domicile des parties. Le prévenu n'a pas donné son accord pour être enregistré. Ce faisant, la partie plaignante a a priori transgressé l'art. 179quater CP.

Cela étant, les moyens de preuves récoltés illicitement par des personnes privées sont exploitables si, cumulativement, ils auraient pu être obtenus par les autorités de poursuite pénale conformément à la loi et une pesée des intérêts en présence justifie leur exploitation (TF 6B_911/2017 du 27 avril 2018, consid. 1).

En l'occurrence, si la partie plaignante avait rapporté les faits à la police avant de procéder aux enregistrements, le comportement dénoncé aurait créé de graves soupçons de la commission, par le prévenu, d'une infraction visée à l'art. 269 al. 2 CPP, soit – ce que le Ministère public retient dans son ordonnance pénale – un soupçon d'infraction à l'art. 180 al. 1 CP, ce qui aurait permis à cette autorité d'ordonner l'utilisation d'un dispositif technique de surveillance aux fins d'enregistrer les conversations des parties (art. 280 et 281 CPP). A cet égard, il n'est pas nécessaire de prouver les éléments de la qualification juridique déjà au moment de statuer sur l'admissibilité de la mesure (TF 1B_273/2019 du 3 décembre 2019, consid. 2.2.1). La mesure aurait pu permettre d'élucider les faits et aurait respecté le principe de proportionnalité.

En outre, la pesée des intérêts en présence justifie l'exploitation des enregistrements, car l'intérêt public à la manifestation de la vérité, soit la mise en évidence d'une éventuelle infraction à l'art. 180 al. 1 CP, l'emporte sur l'intérêt privé du prévenu à ce que les preuves incriminées restent inexploitées. Quelle que soit la jurisprudence applicable, l'infraction en cause remplit la condition de l'infraction grave justifiant l'exploitation d'une preuve illicite. D'une part, la menace au sens de 180 al. 1 CP fait partie des infractions listées à l'art. 269 al.2 CP, satisfaisant ainsi la jurisprudence antérieure à 2020. D'autre part, la menace en l'espèce d'un époux par l'autre par le biais d'un couteau, faisant craindre à la victime un réel risque de mort ou à tout le moins de blessure grave, doit être considérée comme grave au sens de l'art. 141 al. 2 CP.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de déclarer les vidéos inexploitables et, partant, de les retirer du dossier (cf. art. 141 al. 5 CPP).

2.             Classement

2.1.1. La direction de la procédure examine si les conditions à l'ouverture de l'action publique sont réalisées (art. 329 al. 1 let. b CPP). Si la procédure ne doit être classée que sur certains points de l'accusation, l'ordonnance de classement peut être rendue en même temps que le jugement (art. 329 al. 5 CPP).

2.1.2 En vertu de l'art. 30 al. 1 CP, si une infraction n'est punie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l'auteur.

Le droit de porter plainte se prescrit par de trois mois. Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction (art. 31 CP).

2.1.3. L'infraction d'injure n'est poursuivie que sur plainte (art. 177 al. 1 CP).

2.1.4. Aux termes de l'art. 109 CP relatif aux contraventions, l'action pénale et la peine se prescrivent par trois ans. L'infraction de voies de fait, punie d'amende, est une contravention (art. 126 al. 1 CP).

2.2. En l'espèce, à défaut d'autres éléments au dossier permettant de dater les vidéos figurant à la procédure, il sera retenu que celles-ci ont été réalisées avant le 1er novembre 2019, version la plus favorable au prévenu en vertu du principe in dubio pro reo. Les faits qualifiés de voies de fait visibles dans lesdites vidéos étant prescrits, ceux-ci seront classés.

S'agissant des faits qualifiés d'injure visibles dans lesdites vidéos, lesquelles ont été réalisées avant le 1er novembre 2019 comme retenu précédemment, la plainte les concernant a été déposée en juillet 2022, soit après le délai de trois mois. Ces faits seront dès lors également classés.

3.             Culpabilité

3.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (RS 0.101 ; CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 ; Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 127 I 28 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_804/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.2.3.1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 138 V 74 consid. 7 ; ATF 127 I 38 consid. 2a ; ATF 124 IV 86 consid. 2a).

3.1.2. Aux termes de l'art. 180 al. 1 CP, quiconque, par une menace grave, alarme ou effraie une personne est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. La poursuite a lieu d'office si l'auteur est le conjoint de la victime et que la menace a été commise durant le mariage ou durant l'année qui a suivi le divorce (art. 180 al. 2 let. a CP). La menace est un délit, puisque la peine-menace est trois ans au plus de peine privative de liberté (art. 10 al. 2 CP; Dongois, Commentaire romand Code pénal I, n. 6 ad art. 10 CP). Dans ce cadre, l'action pénale se prescrit par 10 ans (art. 97 al. 1 let. c CP).

Du point de vue subjectif, l’auteur doit avoir l’intention non seulement de proférer des menaces graves, mais aussi d’alarmer ou d’effrayer le destinataire. Le dol éventuel suffit. Il faut ainsi que l’intéressé ait conscience que son attitude est objectivement de nature à susciter la crainte. L’intention est réalisée même si l’auteur n’envisage pas mettre sa menace à exécution, mais qu’il sait que la victime la prendra au sérieux. En revanche, celui qui entend uniquement se livrer à une plaisanterie de mauvais goût n’est pas punissable (Stoudmann, Commentaire romand Code pénal II, n. 19 ad art. 180 CP).

3.1.3. Selon l'art. 177 al. 1 CP, quiconque, de toute autre manière, attaque autrui dans son honneur par la parole, l’écriture, l’image, le geste ou par des voies de fait, est, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus. L’injure est une infraction intentionnelle. L’auteur doit vouloir ou accepter que son propos soit attentatoire à l’honneur et qu’il soit communiqué à la personne lésée ou à un tiers (Rieben/Mazou, Commentaire romand Code pénal II, n. 15 ad art. 177 CP).

3.2. En l'espèce, les déclarations des parties sont contradictoires et irréconciliables. Le prévenu a été constant dans ses dénégations et a donné des explications détaillées et similaires sur l'essentiel.

A l'inverse, la plaignante a varié dans ses déclarations et la gravité des faits dénoncés a augmenté au fil de ses auditions.

Ainsi, il conviendra d'analyser ses déclarations à l'aune des éléments de preuves matériels.

S'agissant des faits qualifiés d'injure postérieurs au 5 mai 2021, il n'est pas établi à satisfaction de droit que des injures aient été proférées après l'enregistrement des vidéos, soit avant le 1er novembre 2019. Le prévenu sera donc acquitté du chef d'injure (art. 177 al. 1 CP).

S'agissant des menaces, il est établi par les éléments objectifs figurant au dossier, soit les vidéos, que le prévenu a, à tout le moins dans la vidéo n°2, menacé la plaignante de s'en prendre à sa vie au moyen d'un couteau. Les paroles prononcées par le prévenu et ses gestes étaient propres à alarmer et à effrayer la partie plaignante. Il n'y a par ailleurs pas lieu de douter que la plaignante a craint que le préjudice annoncé puisse se réaliser. En effet, le prévenu a fait usage du couteau pour lui couper une mèche de cheveux.

Sur le plan subjectif, le prévenu avait l'intention non seulement de proférer des menaces graves à l'attention de la plaignante mais aussi de l'effrayer, à tout le moins par dol éventuel.

Un verdict de culpabilité sera prononcé à l'égard du prévenu du chef de menaces (art. 180 al. 1 et 2 let. a CP)

4.             Peine

4.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

4.1.2. Selon l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus. Le juge peut exceptionnellement, lorsque la situation personnelle et économique de l'auteur le justifie, réduire le montant du jour-amende à concurrence d’un minimum de 10 francs. Il peut dépasser le montant maximal du jour-amende lorsque la loi le prévoit. Il fixe le montant du jour-amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d’assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

4.1.3. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. Le sursis est la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis (arrêt du Tribunal fédéral 6B_978/2017 consid. 3.2).

4.1.4. A teneur de l'art. 44 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d’une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (al. 1). Le juge explique au condamné la portée et les conséquences du sursis ou du sursis partiel à l'exécution de la peine (al. 3).

4.2. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas légère et son mobile est égoïste. Il s'en est pris à la liberté de la plaignante. Il a fait montre d'un comportement colérique mal maîtrisé au dépens d'autrui.

Sa collaboration a été mauvaise. Il a persisté à contester les faits reprochés, à nier qu'il était bien visible sur les vidéos produites, et à se positionner en victime. Sa prise de conscience est inexistante.

Il a deux antécédents judiciaires, non-spécifiques.

Le pronostic n'est pas défavorable.

Compte tenu de ces éléments, une peine pécuniaire sera prononcée. Sa quotité sera fixée à 30 jours-amende et le montant du jour-amende sera fixé à CHF 50.- pour tenir compte de la situation personnelle et financière du prévenu.

Cette peine sera assortie du sursis total, dont le prévenu remplit les conditions d'octroi.

Il sera renoncé au prononcé d'une amende à titre de sanction immédiate.

5.             Conclusions civiles

5.1.1. En qualité de partie plaignante, la lésée peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP).

5.1.2. En vertu de l'art 126 al. 1 let. a CPP, le Tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu. Il renvoie néanmoins la partie plaignante à agir par la voie civile lorsque la partie plaignante n'a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précises ou ne les a pas suffisamment motivées.

5.2. En l'espèce, s'il n'y a pas lieu de mettre en doute que la partie plaignante a pu ressentir une crainte générée par le comportement du prévenu, il sera relevé qu'aucun élément figurant à la procédure ne permet de retenir que l'intéressée a souffert d'une atteinte suffisamment grave à sa personnalité justifiant l'octroi d'une quelconque indemnité. L'indemnité pour tort moral requise par A______ sera dès lors rejetée.

6.             Indemnités et frais

6.1. Vu le verdict condamnatoire, les conclusions en indemnisation du prévenu seront rejetées (429 CPP).

6.2. Vu l'acquittement et le classement prononcés, le prévenu sera condamné à un tiers des frais de la procédure, lesquels s'élèvent à CHF 1'073.-. Le surplus sera laissé à la charge de l'Etat (art. 426 al. 1 CPP).

6.3. Le défenseur d'office de la plaignante sera indemnisé selon motivation figurant en pied de jugement (art. 135 CPP).

6.4. Enfin, vu l'annonce d'appel du prévenu à l'origine du présent jugement motivé, ce dernier sera par ailleurs condamné à un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- (art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP ; E 4.10.03]).

*****

Vu l'opposition formée le 21 décembre 2023 par B______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 19 décembre 2023;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 16 février 2024;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 19 décembre 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par B______ le 21 décembre 2023;

et, statuant à nouveau et contradictoirement :

Classe la procédure s'agissant de l'injure s'agissant des faits antérieurs au 5 mai 2021 (art. 177 al. 1 CP) et des voies de fait s'agissant des faits antérieurs au 5 mai 2022 (art. 126 al. 1 CP) (art. 329 al. 5 CPP).

Acquitte B______ d'injure (art. 177 al.1 CP).

Déclare B______ coupable de menaces (art. 180 al. 1 et 2 let. a CP).

Condamne B______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met B______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit B______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Déboute A______ de ses conclusions civiles.

Rejette les conclusions en indemnisation de B______ (art. 429 CPP).

Condamne B______ à un tiers des frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'073.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse pour le surplus les frais à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 2'826.85 l'indemnité de procédure due à Me C______, conseil juridique gratuit de A______ (art. 138 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Julie ROULET

La Présidente

Limor DIWAN

 

Vu l'annonce d'appel formée par B______, laquelle entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP),

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-

Met cet émolument complémentaire à la charge de B______ à raison d'un tiers.

 

La Greffière

Julie ROULET

La Présidente

Limor DIWAN

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

620.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

75.00

Frais postaux (convocation)

CHF

21.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1073.00

 

 

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

600.00

 

 

==========

Total des frais

CHF

1673.00

 

Indemnisation du conseil juridique gratuit

Vu les art. 138 al. 1 CPP et 16 RAJ et les directives y relatives ;

Bénéficiaire :  

A______

Avocat :  

C______

Etat de frais reçu le :  

13 janvier 2025

 

Indemnité :

CHF

2'124.15

Forfait 20 % :

CHF

424.85

Déplacements :

CHF

75.00

Sous-total :

CHF

2'624.00

TVA :

CHF

202.85

Débours :

CHF

Total :

CHF

2'826.85

Observations :

- 5h à CHF 150.00/h = CHF 750.–.
- 7h15 admises* à CHF 110.00/h = CHF 797.50.
- 1h à CHF 110.00/h = CHF 110.–.
- 2h20 admises* à CHF 200.00/h = CHF 466.65.

- Total : CHF 2'124.15 + forfait courriers/téléphones 20 % = CHF 2'549.–

- 1 déplacement A/R à CHF 75.– = CHF 75.–

- TVA 7.7 % CHF 186.10

- TVA 8.1 % CHF 16.75

* En application de l'art. 16 al. 2 RAJ réduction de :

- 0h35 (stagiaire) au poste conférences, les conférences internes ne sont pas prises en charge par l'assistance juridique,
- 3h05 (chef d'Etude) au poste procédure, les réception, prise de connaissance, lecture, analyse et examen de documents divers de faible durée constituent des prestations comprises dans le forfait courriers/téléphones appliqué.
- 1h00 admise (collaborateur) pour l'examen du dossier le 02.05.2025
- 2h00 admises (collaborateur) pour la préparation de l'audience de jugement
- les courriers sont compris dans le forfait 20 %
- 1h55 admises (collaborateur) pour le temps d'audience

 

 

Notification à B______, soit pour lui son Conseil
Par voie postale

Notification à A______, soit pour elle son Conseil
Par voie postale

Notification à Me C______, conseil juridique gratuit
Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale