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Décisions | Tribunal pénal

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P/7591/2023

JTDP/1004/2024 du 22.08.2024 sur OPMP/4228/2023 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.138
En fait
En droit
Par ces motifs

République et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 18


22 août 2024

 

MINISTÈRE PUBLIC

A______ AG, partie plaignante

contre

Monsieur B______, né le ______ 1987, domicilié ______, [VD], prévenu, assisté de Me Catarina MONTEIRO SANTOS


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité de B______ du chef d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP), au prononcé d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 60.- le jour, assortie du sursis complet et d'un délai d'épreuve de 3 ans, au prononcé d'une amende de CHF 1'080.- à titre de sanction immédiate et sa condamnation aux frais de la procédure.

B______, par la voix de son conseil, conclut à son acquittement et au renvoi de A______ AG à agir par la voie civile.

*****

Vu l'opposition formée le 25 mai 2023 par B______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 16 mai 2023 ;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 6 juin 2023 ;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition ;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP ;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 16 mai 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par B______ le 25 mai 2023.

statuant à nouveau :

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale valant acte d'accusation, il est reproché à B______ de s'être, à Genève, en août 2022, approprié sans droit le véhicule de marque Z______, n° de matricule 1______, de couleur bleu foncé métallisée, immatriculé GE 2_____, d'une valeur de CHF 42'538.-, qui lui avait été confié par la société A______ AG dans le cadre d'un contrat de leasing conclu le 23 janvier 2020, pour une durée de 60 mois, contrat résilié le 11 août 2022 à la suite du non-paiement des mensualités fixées à CHF 642.30, contrairement à son obligation de le restituer, se procurant de la sorte un enrichissement illégitime, et de l'avoir aliéné à un tiers, soit au dénommé C______, faits qualifiés d'abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 CP.

B. Les faits suivants sont établis, après appréciation des preuves, sur la base des éléments figurant à la procédure.

aa. En novembre 2022, A______ AG a déposé plainte pénale pour abus de confiance contre B______. Il ressort de celle-ci, ainsi que des pièces annexées, qu'en date du 23 janvier 2020, A______ AG a conclu un contrat de leasing avec B______ portant sur un véhicule de marque Z______, n° de matricule 1______, de couleur bleu foncé métallisée, immatriculé GE 2______, pour un montant de CHF 42'538.- moyennant le paiement de loyers mensuels de CHF 642.30 durant 60 mois. Un acompte de CHF 4'000.- a été versé lors de la conclusion du contrat. Il était spécifié que le véhicule ne deviendrait la propriété du client qu'après paiement intégral du prix de vente ainsi que des intérêts et frais éventuels. Une réserve de propriété sur ledit véhicule a ainsi été dûment enregistrée au pacte des réserves de propriété de l'Office des poursuites de Genève, avec l'inscription du code 178, soit l'interdiction de changement de détenteur du véhicule.

B______ a payé les mensualités avec retard, ce qu'il ne conteste pas, de sorte que, par plis du 3 août 2022, A______ AG a annoncé la résiliation du contrat de leasing pour le 11 août 2022, si les arriérés de CHF  2'673.95 n'étaient pas payés d'ici le 5 août 2022 puis a demandé la restitution de la voiture.

B______ a indiqué qu'il n'avait jamais reçu les courriers de résiliation. Certes, il n'a pas retiré le pli recommandé du 3 août 2022 mais ce courrier lui a aussi été adressé par pli simple. Il n'a pas restitué la voiture et a annoncé à A______ AG par téléphone à une date inconnue qu'il avait cédé la voiture à un tiers lequel l'avait emmenée au Kosovo.

ab. Il ressort du rapport de police du 27 mars 2023 qu'un arrangement de paiement a été proposé à B______ fin novembre 2022, suite à la plainte déposée par A______ AG, mais que ce dernier ne l'a pas respecté.

ba. Selon le relevé de compte du 17 novembre 2022 produit par A______ AG, les montants suivants ont été payés en lien avec le contrat de leasing :

5 juin 2020

CHF 642.30

5 juin 2020

CHF 200.00

16 juillet 2020

CHF 642.00

13 août 2020

CHF 642.30

23 septembre 2020

CHF 642.30

23 octobre 2020

CHF 642.30

16 novembre 2020

CHF 642.30

18 décembre 2020

CHF 642.30

11 janvier 2021

CHF 642.30

11 février 2021

CHF 642.30

11 mars 2021

CHF 642.30

14 avril 2021

CHF 642.30

15 avril 2021

CHF 963.45

29 septembre 2021

CHF 2'908.-

26 octobre 2021

CHF 1'428.-

15 novembre 2021

CHF 642.55

20 décembre 2021

CHF 642.55

24 janvier 2022

CHF 642.55

11 février 2022

CHF 642.55

12 avril 2022

CHF 781.55

16 mai 2022

CHF 642.55

12 août 2022

CHF 700.-

12 octobre 2022

CHF 600.-

Toujours selon ce même relevé, un solde de CHF 20'075.40 était encore dû en faveur de A______ AG en date du 17 novembre 2022, ce qui correspond au montant réclamé par cette dernière à titre de conclusions civiles dans sa plainte pénale.

bb. D'après un courrier de A______ AG du 20 février 2024, le véhicule est entré au Kosovo le 17 juillet 2021. Il était conduit par D______ et E______, ce que C______ a confirmé. Il a expliqué à cet égard, lors de l'audience de jugement, qu'il n'avait jamais eu l'intention de vendre le véhicule et qu'il l'avait laissé au Kosovo, chez un ami, pour le préserver et faire peu de kilomètres avec.

ca. A la police, B______ a indiqué qu'il ne parvenait pas à payer les mensualités et avait convenu de remettre la voiture à une "connaissance", soit C______. La voiture avait été transmise à C______ au mois de mai 2021 avec les clés, la facture de l'assurance, ainsi que celle des impôts et les divers bulletins de versement en faveur de A______ AG. C______ devait alors continuer à payer les factures découlant du contrat de leasing et, en fin d'année, reprendre ce contrat au nom de sa société. Lors de cette première audition, B______ n'a pas mentionné l'existence de travaux effectués par C______ mais non payés, ni l'accord y relatif, précisant que C______ ne lui avait rien payé en échange de la remise de la voiture, alors que ce dernier devait payer les mensualités dues à A______ AG.

Au Ministère public, B______ a confirmé ses précédentes déclarations selon lesquelles il avait remis le véhicule à C______ avec les plaques et bulletins de versement ainsi que la facture de l'assurance.

Il a toutefois ajouté que C______ avait fait des travaux chez lui pour environ CHF 5'000.- à 6'000.- de sorte qu'ils avaient convenu que lui-même devait payer les mensualités à concurrence de cette somme, puis que C______ reprendrait le contrat de leasing et paierait le solde dû.

Devant le Tribunal de police, B______ a varié et indiqué que le coût des travaux réalisés chez lui par C______ était en réalité de CHF 3'800.-, faisant référence à un devis, produit par la suite alors que ce dernier est d'un montant de CHF 2'202.45. Il a également indiqué avoir payé une dernière mensualité au mois d'avril 2021, puis, dès septembre 2021, avoir repris les paiements avec l'argent que C______ lui remettait en cash. Interrogé alors sur les mensualités qu'il devait continuer à payer jusqu'à remboursement des travaux, il a expliqué que c'était l'acompte versé au comptant lors de la prise de possession du véhicule, soit CHF 4'000.-, qui devait en réalité servir à payer les travaux effectués par C______.

cb. A la police, C______ a d'emblée déclaré qu'il avait fait des travaux de peinture chez B______ en 2021 pour un montant d'environ CHF 12'000.-. Il devait alors reprendre le paiement des mensualités d'environ CHF 650.- dès que cette somme serait compensée par les versements des mensualités effectués par B______. Il avait ensuite régulièrement versé les mensualités en mains de B______ qui devait les payer directement à A______ AG. Les paiements de B______ et les siens devaient permettre de solder le leasing, à hauteur de CHF 19'500.-. A la demande de B______, il lui avait déjà versé CHF 1'200.- en novembre 2022 avant son départ en vacances. Il s'engageait à payer le solde qu'il devait.

Au Ministère public, C______ a maintenu ses explications, tout en précisant que le véhicule lui avait été remis le 3 juin 2021. A ce moment-là, il pensait qu'il restait 13 ou 14 mois de mensualités à payer. En juillet 2021, il avait donné à B______, à la demande de ce dernier, le montant de CHF 2'800.- afin de payer des mensualités en souffrance. Ensuite, dès avril 2022, il avait versé les mensualités mais pas toujours à la même date chaque mois en mains de B______ car ce dernier lui avait assuré avoir payé à A______ AG l'équivalent du coût des travaux. Il ne détenait toutefois aucune pièce justificative. C______ avait procédé à un dernier versement en mains de B______ en novembre 2022, correspondant à l'équivalent de deux mensualités.

Devant le Tribunal de police, C______ a confirmé ses précédentes déclarations, ajoutant pour le surplus que lorsqu'il avait repris le véhicule, B______ lui avait indiqué que le solde dû se situait entre CHF 19'500.- et CHF 20'500.-, ce qu'il avait déjà expliqué à la police. S'agissant des devis des travaux qu'il avait réalisés chez B______, il a expliqué que les deux devis produits s'additionnaient car suite à quelques travaux initiaux, B______ lui avait demandé de réaliser des travaux supplémentaires, soit notamment des travaux de peinture. Les deux devis produits portaient néanmoins la même date car lorsqu'il avait fallu entreprendre des travaux supplémentaires.

Il avait simplement repris le premier devis en le modifiant, tout en conservant la date initiale. Il avait dû remonter les murs abattus et tout repeindre. C______ a précisé encore qu'il ne faisait pas signer les devis et qu'il avait transmis le premier devis à B______ par WhatsApp et par courriel, puis lui avait remis le second devis après-coup, lorsqu'il avait effectué le premier versement en faveur de A______ AG en septembre 2021. En août 2022, B______ lui avait indiqué qu'il devait lui payer encore environ CHF 10'000.- ce qui lui semblait excessif compte tenu des mensualités déjà versées par ses soins.

d. Figurent encore à la procédure les documents suivants, produits par C______ :

-          une photographie du récépissé d'un versement de CHF 2'900.- en faveur de A______ AG ;

-          un extrait d'un échange WhatsApp entre C______ et B______ du 23 août 2022 dans lequel C______ lui demande "il me reste combien encore", ce à quoi B______ répond CHF 10'272.- et précise qu'il allait passer chez lui pour "tout liquider" ;

-          deux devis datés du 16 mai 2021, d'un montant respectivement de CHF 2'202.45 et de CHF 10'377.97, accompagnés de photos de travaux de peinture, montrant des travaux d'importance, notamment des murs récemment posés et de la peinture en cours de réalisation; et

-            un document récapitulant les paiements effectués par C______ en faveur de B______, à savoir :

27 septembre 2021

CHF 2'908.-

10 février 2022

CHF 640.-

15 mars 2022

CHF 640.-

8 avril 2022

CHF 640.-

13 mai 2022

CHF 640.-

15 juin 2022

CHF 640.-

12 juillet 2022

CHF 640.-

17 août 2022

CHF 640.-

12 septembre 2022

CHF 640.-

13 octobre 2022

CHF 640.-

22 novembre 2022

CHF 1'300.-

Total payé

CHF 9'968.-

 

e. En dernier lieu, par courrier du 20 février 2024, A______ AG a informé le Tribunal de police que C______ était disposé à payer CHF 8'000.- pour solde de tout compte afin d'acquérir définitivement le véhicule, ce qu'elle avait refusé, A______ AG faisant une contre-offre à CHF 15'000.-. Interrogé sur ce point par le Tribunal de police, C______ a confirmé avoir eu un contact avec A______ AG, mais a indiqué lui avoir proposé CHF 10'000.- pour solde de tout compte et ne pas se souvenir avoir reçu une contre-offre à CHF 15'000.-. Il était prêt à payer la somme supplémentaire de CHF 10'000.- pour le rachat du véhicule car il adorait ce dernier et il s'en estimait par ailleurs propriétaire dans la mesure où il avait payé les montants demandés pour l'acquérir. Il avait compris des explications de A______ AG que B______ devait adresser à cette dernière un document acceptant que la propriété du véhicule passe à son nom. Il n'est donc pas établi, si un accord a finalement été trouvé avec C______.

C. Sur la base des déclarations des parties et des éléments figurant au dossier, le Tribunal de police retient que les déclarations de C______ sont plus crédibles que celles de B______.

Tout d'abord, à la différence de B______, C______ a été constant dès le début de la procédure sur le montant des travaux réalisés, soit CHF 12'000.-. Il a rendu vraisemblable à cet égard, par des photographies de l'appartement de B______, que les deux devis produits correspondent à des travaux qu'il avait effectivement réalisés. En particulier, le fait qu'il n'ait pas envoyé le deuxième devis et que les dates des deux devis soient identiques s'explique par le fait qu'il ne travaille pas dans une grande entreprise de travaux, mais à son compte et qu'il reprend les précédents devis en les modifiant, tout en conservant la date initiale.

Ainsi, au jour de la remise du véhicule à C______ début juin 2021, B______ devait encore payer près de CHF 12'000.- de mensualités à A______ AG, soit environ 18 mensualités de CHF 642.-, correspondant à celles de mai 2021 à novembre 2022, montant qu'il n'a pas réglé. En effet, entre le 15 avril 2021 et le 29 septembre 2021, non seulement B______ n'a rien payé mais c'est C______ qui a payé en septembre 2021 la somme de CHF 2'900.- en faveur de A______ AG, ce qui est prouvé par pièce et ce qui ressort également du relevé de compte du 17 novembre 2022 produit par A______ AG.

Compte tenu du fait que les déclarations de C______ sont constantes, elles sont crédibles s'agissant du fait qu'il a ponctuellement versé chaque mois CHF 640.- à B______ en mains propres dès février 2022, persuadé que ce dernier avait versé ce qu'il devait. Il est précisé à cet égard que les dates desdits versements, notées par C______ sur la pièce produite, correspondent aux dates des versements reçus par A______ AG, la différence de dates s'expliquant par le fait que le relevé de cette dernière mentionne la date de réception de la somme. Or rien n'indique que C______ ait eu accès au relevé de compte produit par la partie plaignante.

Cet élément accentue la crédibilité des explications de C______ selon lesquelles il donnait mensuellement, en mains propres, CHF 640.- à B______ qui devait les reverser ensuite à A______ AG.

La crédibilité générale de C______ est encore renforcée par l'échange WhatsApp lors duquel B______ lui a expliqué que le montant encore dû en août 2022 était de CHF 10'272.- alors que, sur la base du relevé de compte de novembre 2022, le solde dû à cette date était de plus de CHF 21'000.-.

A l'inverse, B______ est apparu très inconsistant, notamment au sujet des travaux réalisés chez lui par C______, mais également de leur montant. Il a en effet systématiquement revu à la baisse le montant des travaux – qui correspondait à ce qu'il devait lui-même payer à A______ AG – vraisemblablement pour tenter, en vain, de faire valoir qu'il avait payé sa part.

B______ s'est également contredit au sujet de ce qui avait été convenu avec C______. Il a expliqué, dans un premier temps, qu'il devait payer les mensualités à concurrence du prix des travaux avant que C______ ne paie le solde. Il a varié ensuite devant le Tribunal de police, indiquant pour la première fois que, en réalité, c'était l'acompte versé au comptant lors de la prise de possession du véhicule, soit CHF 4'000.-, qui devait servir à payer les travaux,

Enfin, B______ a caché la réalité à deux reprises à C______ lorsqu'il lui a indiqué, d'une part, lors de la remise du véhicule en juin 2021, que le montant du leasing restant à payer était de CHF 19'500.-, alors qu'il était en réalité de plus de CHF 30'000.- et, d'autre part, que ce montant était de CHF 10'272.- en août 2022, alors que le solde dû à cette date était de plus de CHF 21'000.-.

Au demeurant, B______ ne conteste pas que l'ensemble des versements au-delà d'avril 2021 ont été effectués avec les deniers que C______ lui a remis. Or, il est établi que B______ devait encore payer l'équivalent de CHF 12'000.- de travaux à A______ AG dès juin 2021. Ainsi l'explication donnée à l'audience de jugement concernant l'affectation du versement initial de CHF 4'000.- en janvier 2020 ne fait pas de sens car, d'une part, il est inférieur au montant des travaux, même si ceux-ci ne s'élevaient qu'aux CHF 6'000.- initialement reconnus, et, d'autre part, car les travaux et la remise du véhicule ont eu lieu seulement mi-2021.

D. B______ est né le ______ à Genève, célibataire, père de 2 enfants mineurs encore à charge et vit seul. Il dit travailler en qualité de chef de la circulation F______ pour un salaire brut de CHF 71'800.-. S'agissant de ses charges mensuelles, il indique que son loyer s'élève à CHF 2'100.-, ses primes d'assurance-maladie à CHF 349.- et la pension alimentaire à CHF 850.-. Il expose avoir des dettes à hauteur de CHF 20'000 ou 30'000.- Il ne produit aucune pièce justificative. A teneur du casier judiciaire suisse, B______ n'a pas d'antécédent.

EN DROIT

1. Culpabilité

1.1.1. Selon l'art. 138 ch. 1 CP, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée (al. 1) ; celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d’un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées (al. 2).

Sur le plan objectif, cette infraction suppose que l'on soit en présence d'une valeur patrimoniale ou d'une chose mobilière confiée, ce qui signifie que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il ait reçu la chose ou la valeur patrimoniale à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, en particulier, de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21 consid. 6.2 ; 119 IV 127 consid. 2 ; 109 IV 27 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_233/2013 du 3 juin 2013 consid. 4.2).

S’agissant d’un contrat de leasing, il convient de déterminer, de cas en cas et en fonction du contenu du contrat conclu entre les parties, qui est propriétaire de l’objet remis en leasing sous l’angle du droit civil. Aux termes de la jurisprudence fédérale, lorsque le donneur de leasing est resté propriétaire de la voiture, celle-ci est confiée au preneur de leasing, de sorte que si celui-ci en dispose comme un propriétaire et se l’approprie, il commet un abus de confiance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_827/2010 du 24 janvier 2011 consid. 5.4 ; 6B_586/2010 du 23 novembre 2010 consid. 4.3.1 et 4.3.3).

Le comportement délictueux consiste dans le fait que l’auteur s’approprie la chose mobilière en violation d'un rapport de confiance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_653/2010 du 24 juin 2011, consid. 3.1.3). Une volonté d'expropriation durable doit régulièrement être admise lorsque le preneur d'un leasing vend le véhicule à un tiers (arrêt du Tribunal fédéral 6B_586/2010 du 23 novembre 2010 consid. 4.3.3). Le refus de restituer une chose ne constitue un acte d’appropriation que lorsque ce comportement exprime la volonté de l’auteur de la garder durablement pour soi. Ainsi, le simple fait de continuer à utiliser un véhicule après la fin du contrat de leasing n’est pas toujours suffisant à réaliser l’abus de confiance : il faut encore que d’autres éléments démontrent que le preneur de leasing a la volonté, à tout le moins par dol éventuel, de déposséder durablement le propriétaire. Une telle volonté peut se déduire du refus du preneur de leasing de restituer le véhicule parce qu'il conteste le droit de propriété du donneur de leasing ; une volonté d'appropriation doit également être admise lorsque l'utilisation excède une certaine durée et dépasse une certaine intensité, et que l'on ne peut plus parler d'usage passager (arrêt du Tribunal fédéral 6B_827/2010 du 24 janvier 2011 consid. 5.5).

Bien que cet élément ne soit pas explicitement énoncé à l'art. 138 CP, la disposition exige encore que le comportement adopté par l'auteur cause un dommage, qui représente en l'occurrence un élément constitutif objectif non écrit (ATF 111 IV 19 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_972/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2.1).

1.1.2. Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime. Celui qui dispose à son profit ou au profit d'un tiers d'un bien qui lui a été confié et qu'il s'est engagé à tenir en tout temps à disposition de l'ayant droit s'enrichit illégitimement s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer immédiatement en tout temps. Celui qui ne s'est engagé à tenir le bien confié à disposition de l'ayant droit qu'à un moment déterminé ou à l'échéance d'un délai déterminé s'enrichit illégitimement que s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer à ce moment précis (ATF 118 IV 27 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1268/2018 du 15 février 2019 consid. 2.2). Le dessein d'enrichissement illégitime fait notamment défaut si, au moment de l'emploi illicite de la valeur patrimoniale, l'auteur en paie la contre-valeur (ATF 107 V 166 consid. 2a), s'il avait à tout moment ou, le cas échéant, à la date convenue à cet effet, la volonté et la possibilité de la faire ("Ersatzbereitschaft" ; ATF 118 IV 32 consid. 1a). Un dessein d'enrichissement illégitime temporaire suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_382/2017 du 2 février 2018 consid. 4.3.1.). En outre, la capacité de restituer qui ne repose que sur l’intervention d’un tiers, contre lequel l’auteur n’a pas de créance, n’est pas suffisante (CR CP II-De Preux/Hulliger, art. 138 CP N 50)

Le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel ; tel est le cas lorsque l'auteur envisage l'enrichissement comme possible et agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 105 IV 29 consid. 3a).

1.2. En l'espèce, l'infraction d'abus de confiance est établie sur la base de la plainte pénale ainsi que des pièces annexées. A teneur du contrat de leasing conclu entre le prévenu et la partie plaignante, le véhicule ne devait devenir la propriété du prévenu qu'après paiement intégral du prix de vente ainsi que des intérêts et frais éventuels. Or le prévenu ne s'est pas acquitté des loyers dus, soit des mensualités, et n'a pas restitué le véhicule pris en location, malgré les courriers de résiliation du contrat de leasing qui lui ont été dûment adressés. Plus encore, tout en ne s'acquittant pas des mensualités dues, le prévenu a remis le véhicule à un tiers, dépossédant ainsi durablement son véritable propriétaire. En agissant de la sorte, il s'est approprié sans droit une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée, tout en causant à A______ AG un dommage d'un montant de plus de CHF 20'000.-.

Il est précisé que le fait que A______ AG tente de négocier avec C______ pour le rachat du véhicule ne signifie pas qu'elle le reconnait comme le légitime propriétaire ni qu'elle considère que C______ a repris la dette de B______. Au contraire, d'une part, à teneur du contrat de leasing, A______ AG demeure l'unique propriétaire du véhicule confié en l'absence de paiement intégral du prix de vente.

D'autre part, dans son courrier du 20 février 2024, A______ AG a confirmé ses prétentions à l'encontre du prévenu, à qui le véhicule avait été personnellement confié.

Le prévenu a agi par dol éventuel, dans la mesure où il ne pouvait pas ignorer qu'en remettant le véhicule à un tiers, il ne serait plus en mesure de le restituer, tout en ne versant pas les mensualités dues. Le prévenu savait en outre qu'à teneur du contrat de leasing et de la réserve de propriété dûment inscrite, il n'était pas autorisé à transmettre le véhicule à un tiers. Il a toutefois intentionnellement fait fi de cette interdiction, s'accommodant de l'éventualité de ne pas être en mesure de restituer le véhicule alors qu'il ne s'acquittait pas des mensualités qu'il devait pourtant verser au-delà d'août 2022. Il est ajouté enfin que si le prévenu estimait, ce qui n'est ni établi ni retenu en fait, que C______ n'avait pas versé sa part des mensualités, il lui appartenait le cas échéant d'assigner ce dernier auprès des tribunaux civils compétents, mesure qu'il n'a toutefois pas entreprise, ce qui confirme qu'il s'est accommodé de la situation et de son incapacité à restituer à A______ AG le véhicule dont elle était encore propriétaire, alors que les mensualités n'étaient pas payées.

Le prévenu sera ainsi reconnu coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP).

2. Peine

2.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

Selon l'art. 34 CP, la peine pécuniaire ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus (al. 2).

2.1.2. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (art. 42 al. 2 CP).

Le sursis est la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2). Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'émission du pronostic sur l'amendement de l'auteur visé par l'art. 42 CP. Ce dernier doit toutefois être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1406/2016 du 16 octobre 2017 consid. 1.1 à 1.3).

2.2. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas négligeable. Son mobile est égoïste et il a agi pas pure convenance personnelle. Sa situation personnelle n'excuse pas ses agissements.

Sa collaboration est mauvaise. Il n'a cessé de nier sa culpabilité et de modifier sa version des faits en sa faveur, notamment s'agissant de l'existence et du montant des travaux réalisés chez lui par C______.

La prise de conscience du prévenu est inexistante dans la mesure où, d'une part, il persiste à contester toute infraction et, d'autre part, d'octobre 2022 à août 2024, il n'a pas pris la peine de payer la moindre indemnité à A______ AG pour régler le solde dû, voire réparer une partie du dommage occasionné.

Le prévenu n'a pas d'antécédent judiciaire, facteur neutre sur la fixation de la peine.

Les conditions du sursis sont réunies.

Le prévenu sera ainsi condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 60.- le jour, avec sursis, sur la base d'un revenu et de charges estimés (6'000.-) - [(1800.- (loyer) + 1200.- (min. vital) + 350.- (ass. mal.) + 850.- (pension)] = 1800/30 = 60.-.

3. Conclusions civiles et frais

3.1.1. Selon l'art. 122 CPP, en sa qualité de partie plaignante, le lésé peut déposer des conclusions civiles déduites de l'infraction, par adhésion à l'action pénale.

En vertu de l'art. 126 al. 1 CPP, le tribunal statue sur les prétentions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (let. a) ou lorsqu'il acquitte le prévenu et l'état de fait est suffisamment établi (let. b). L'art. 126 al. 2 CPP prévoit quant à lui que le juge renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile lorsque la partie plaignante n'a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (let. b) ou encore lorsque le prévenu est acquitté alors que l'état de fait n'a pas été suffisamment établi (let. d).

3.1.2. Chacun est tenu de réparer le dommage qu'il cause à autrui d'une manière illicite, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence (art. 41 al. 1 CO). La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO).

3.2. En l'espèce, dans sa plainte pénale, la partie plaignante a fait valoir des conclusions civiles à hauteur de CHF 20'075.40, ce qui correspond à la somme qui lui était encore due par le prévenu en date du 17 novembre 2022 sur la base du contrat de leasing. Néanmoins, le véhicule n'est plus en mains du prévenu, mais d'un tiers auprès duquel la partie plaignante tente de le récupérer, voire de négocier un paiement partiel. Dans ces circonstances et, à ce jour, le dommage causé à la partie plaignante ne peut pas être établi de manière suffisamment précis.

La partie plaignante sera ainsi renvoyée à agir par la voie civile afin de faire valoir ses prétentions civiles.

3.3. Les frais de la procédure seront mis à la charge du prévenu (art. 426 al. 1 CPP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare B______ coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP).

Condamne B______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 60.-.

Met B______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit B______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Renvoie la partie plaignante A______ AG à agir par la voie civile (art. 126 al. 2 CPP).

Condamne B______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'481.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP ; E 4.10.03).

La Greffière

Meliza KRENZI

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

Vu l'annonce d'appel formée par le prévenu le 2 septembre 2024, entrainant la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP) ;

Attendu qu'il se justifie de mettre à la charge du prévenu un émolument complémentaire ;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument de jugement complémentaire à CHF 1'000.-.

Met à la charge de B______ cet émolument de jugement.

La Greffière

Meliza KRENZI

La Présidente

Sabina MASCOTTO

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 


 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

630.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

210.00

Frais postaux (convocation)

CHF

77.00

Emolument de jugement

CHF

500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

14.00

Total

CHF

1'481.00

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

1'000.00

Total

CHF

2'481.00

==========

 

 

Notification à B______, soit pour lui son conseil
Par recommandé

Notification à A______ AG
Par recommandé

Notification au Ministère public
Par recommandé