Décisions | Tribunal pénal
JTDP/353/2024 du 19.03.2024 sur OPMP/8139/2023 ( OPOP ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |
pouvoir judiciaire | ||
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE POLICE Chambre 22
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MINISTÈRE PUBLIC
Madame A______, domiciliée c/o Me Butrint AJREDINI, ______ [GE], partie plaignante
contre
Madame B______, née le ______ 1968, domiciliée ______ [GE], prévenue, assistée de Me Fanny ROULET-TRIBOLET
CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :
Le Ministère public conclut au maintien de son ordonnance pénale.
A______, par la voix de son Conseil, conclut à un verdict de culpabilité et à ce qu'il soit fait droit aux conclusions civiles déposées, mais modifiées quant à leur quotité, portée à CHF 2'000.-, à la prise en charge par la prévenue de la note d'honoraires déposée et à la condamnation de celle-ci aux frais de la procédure.
B______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement, au bénéfice du doute, subsidiairement en application de l'art. 241 al. 3 CPP et à ce qu'il soit fait droit aux conclusions en indemnisation déposées. Elle conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet des conclusions civiles déposées par la partie plaignante. Elle conclut au rejet de la demande de prise en charge de la note d'honoraires de la partie plaignante, subsidiairement à sa réduction.
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Vu l'opposition formée le 9 octobre 2023 par B______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 22 septembre 2023;
Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 17 octobre 2023;
Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;
Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;
A. Par ordonnance pénale du 22 septembre 2023, valant acte d'accusation, il est reproché à B______ une infraction de violation de domicile (art. 186 CP) pour avoir, à Genève, le 19 mars 2020, en sa qualité d'assistante de sécurité publique 3 (ASP3), pénétré sans droit et contre la volonté de A______ dans l'appartement de cette dernière sis 1______ au Grand-Saconnex.
B. Les éléments suivants ressortent de la procédure.
a. A______ a déposé plainte à la police le 19 mars 2020, suite à son audition en tant que personne appelée à donner des renseignements. Elle a expliqué que ce jour-là, des ASP3 avaient sonné chez elle, à la recherche de son fils C______, et avaient demandé à voir le scooter dont elle était la détentrice. Descendus en bas de l'immeuble, les deux ASP3 ainsi que sa fille avaient constaté que le scooter n'était pas là. Après l'avoir appelé au téléphone, son fils C______ était arrivé quelques minutes plus tard. L'agente avait ensuite questionné C______ au sujet du scooter et indiqué qu'il serait emmené au poste de police. L'agente voulait le menotter, ce à quoi A______ s'était opposée en disant "ne t'approche pas de mon fils ou je te crache dessus". Puis, elle et son fils étaient entrés dans leur appartement, suivis de l'agente qui avait bloqué la porte avec sa main. A______ lui avait alors dit "vous n'avez pas le droit de rentrer chez moi, ne rentrez pas, vous enfreignez la loi", étant précisé que l'autre agent n'était pas entré dans l'appartement et était resté dans le couloir. Une fois dans l'appartement, devant la chambre de A______, l'agente avait essayé de lui prendre le téléphone des mains, alors qu'elle était en ligne avec sa sœur. A cet instant, deux policiers étaient arrivés et avaient menotté C______, tandis que l'agente menottait A______ pendant qu'elle se débattait. L'agente criait en permanence, alors que l'autre agent et les policiers étaient restés respectueux.
b. Il ressort du rapport de l'Inspection générale des services (IGS) du 20 mai 2021 que le 19 mars 2020 vers 12h00, les ASP3, B______ et D______ (patrouille 2______), circulaient au volant de leur véhicule de service sur l'avenue Louis-Casaï, en direction de Genève, avec pour mission une relève diplomatique. A l'intersection avec le chemin Terroux, un scootériste avait franchi le carrefour alors que le feu était au rouge, prenant la fuite lorsque la patrouille avait souhaité l'interpeller en enclenchant les feux bleus et les signaux avertisseurs. Les ASP3 avaient alors annoncé la fuite sur les ondes de police. Le scootériste étant resté introuvable, la patrouille de police 3______ composée des agents E______ et F______ avait annoncé sur les ondes qu'elle se rendait au domicile de la détentrice du véhicule, soit A______, sis 1______.
Sur place, constatant que la place de parc était vide, les policiers avaient demandé à A______ d'appeler son fils, C______ – connu des services de police pour diverses infractions à la LCR –, afin qu'il les rejoigne sur place, expliquant qu'ils souhaitaient lever le doute sur le conducteur d'un scooter. La patrouille 3______ avait également demandé à la patrouille 2______, sur les ondes et par téléphone, de les rejoindre. Puis, à un moment, A______ avait annoncé que son fils se trouvait dans le quartier 4______[GE], suite à quoi la patrouille 3______ s'était proposée pour aller effectuer la recherche tout en demandant aux deux ASP3 de rester sur place, afin de s'assurer que C______ ne retourne pas au domicile entre temps. Après le départ de la patrouille 3______, C______ était arrivé sur place en se dirigeant vers sa mère. L'ASP3, B______, l'avait immédiatement reconnu comme étant le scootériste ayant pris la fuite et s'était dirigée vers lui. A______ s'était tout de suite interposée refusant que les ASP3 s'approchent de son fils et procèdent à son interpellation.
Au vu de la situation et du comportement de A______ qui devenait virulente envers les deux ASP3, B______ avait fait appel au commissaire G______ afin de déterminer s'ils pouvaient interpeller le scootériste, ce que ledit commissaire a validé. B______ s'était donc dirigée, menottes en main, vers C______ pour procéder à son interpellation, mais s'était retrouvée face à l'opposition de A______ qui ordonnait à son fils de regagner le domicile. Les deux ASP3 avaient alors suivi le jeune et sa mère jusqu'à l'entrée du domicile et avaient fait appel à des renforts sur les ondes, comme la situation devenait de plus en plus tendue. En entendant la demande de renfort, la patrouille 3______ était retournée sur place.
A leur arrivée, les deux policiers n'avaient vu personne sur l'esplanade et s'étaient dirigés vers le domicile, orientés par l'ASP3, D______. En arrivant dans l'appartement, ils avaient constaté que l'ASP3, B______, faisait face à A______, cette dernière s'interposant les bras écartés devant son fils. Les deux policiers avaient procédé à l'interpellation de C______ dans une chambre, tandis que A______ était retenue par l'ASP3 B______ à l'extérieur de la pièce, puis menottée avec l'aide de l'ASP3 D______. Enfin, A______ et C______ avaient été sortis, menottés, de leur appartement.
c. Dans la rubrique "affaire de circulation – divers" de l'extrait du journal des inscriptions de la police du 19 mars 2020, B______ a résumé les évènements qui ont précédé l'interpellation de C______ et A______, soit l'infraction routière et la fuite du scootériste sans toutefois évoquer l'épisode lié à l'appartement.
d. Il ressort de l'écoute des bandes audios et du trafic téléphone produits par la CECAL concernant l'intervention, les éléments pertinents suivants:
- L'ASP3 B______ annonce à la CECAL qu'un scooter a pris la fuite;
- L'ASP3 D______ confirme à la COPI qu'ils se rendent au domicile du détenteur où une patrouille est déjà sur place;
- L'ASP3 D______ précise qu'ils se trouvent à l'extérieur du domicile lorsque l'opérateur de la COPI lui fait remarquer "vous n'êtes tout de même pas au domicile?", alors qu'au même moment l'ASP3 B______ fait un appel sur les ondes pour demander rapidement une patrouille.
e. Lors de son audition par la police en tant que prévenue, cette fois, le 19 mars 2020 (dans la P/7286/2020), A______ a indiqué qu'elle se trouvait à la maison avec sa fille lorsque deux policiers en uniforme bleu avaient sonné à sa porte. A la demande de la police, ils étaient tous descendus et avaient constaté que le scooter n'était pas là. Ayant appelé son fils, ce dernier lui avait répondu qu'il n'avait rien fait et qu'il ne viendrait pas car la police était là. Entre temps, deux policiers en gris étaient arrivés et étaient restés sur place, tandis que les deux policiers en bleu étaient partis afin de voir s'ils trouvaient son fils. Lorsque son fils était arrivé, après un certain temps, la policière en gris avait voulu le saisir par le bras, mais A______ s'était interposée. Puis, son fils était entré dans l'appartement et elle l'avait suivi. A ce moment, la policière en gris avait posé sa main sur la porte du logement pour l'empêcher de se fermer et y entrer. S'en était suivi l'épisode de l'interpellation, tel que relaté lors de son dépôt de plainte.
f. L'IGS a procédé aux auditions de l'appointé de police F______, du sergent de police E______, de l'ASP3 D______, et du commissaire de police G______.
Entendu le 20 octobre 2020, F______ a déclaré que le 19 mars 2020, il était en patrouille avec le sergent E______. En entendant le signalement du scootériste en fuite sur les ondes radio et après avoir effectué un contrôle des plaques d'immatriculation, puis constaté le nom de la détentrice et le fait qu'elle avait un fils connu pour des infractions à la LCR, la patrouille avait décidé de se rendre au domicile de cette dernière. Sur place, après avoir été mis au contact de A______ et demandé à la patrouille composée des ASP3 de les rejoindre, l'appointé F______ avait montré la photo dudit fils à l'ASP3 B______, laquelle l'avait immédiatement reconnu comme étant le scootériste ayant pris la fuite. Puis la mère avait indiqué que son fils était chez sa copine et se trouvait à l'arrêt du bus du quartier 4______[GE]. F______ et E______ s'étaient alors rendus dans le quartier 4______[GE], étant précisé qu'ils avaient demandé à la patrouille ASP3 de prendre contact avec une patrouille PI pour venir les aider. N'ayant pas trouvé le scootériste, les deux agents de police étaient retournés sur les lieux en entendant l'ASP3 B______ demander de l'aide sur les ondes radio. Sur place, en constatant qu'il n'y avait personne à l'extérieur, ils avaient contacté la patrouille 2______ afin de leur demander leur position. L'ASP3 D______ était alors sorti de l'allée afin de les conduire jusque dans l'appartement qui se situait au rez-de-chaussée. Les deux agents de police s'étaient demandés pourquoi les deux ASP3 se trouvaient dans le domicile de A______. A l'intérieur de l'appartement, en entrant dans la pièce qu'il pensait être le salon, F______ avait constaté que l'ASP3 B______ faisait face à la mère, qui avait les bras ouverts devant son fils et hurlait à l'attention de l'ASP3 "vous ne prendrez pas mon fils! Vous n'avez pas le droit d'être là!". Avec le sergent E______, ils avaient décidé de reprendre l'intervention en main et de procéder à l'interpellation du fils. Au vu de l'opposition de la mère et du fils, l'usage de la force avait été nécessaire.
Entendu le 22 octobre 2020, E______ a relaté, dans les grandes lignes, le même déroulement des faits que son collègue l'appointé F______, en précisant son rôle propre lors de cette intervention. Il était le conducteur de la patrouille et sur place, il avait été sonner au domicile de la détentrice du scooter, laquelle l'avait accompagné à l'extérieur pour constater que le scooter n'était pas stationné sur la place de parc. Avant de se rendre dans le quartier 4______[GE], il avait demandé à la patrouille des ASP3 de rester sur place (sur le parking) car ils avaient vu le pilote et pouvaient le reconnaitre, en leur précisant toutefois que s'ils voyaient l'individu recherché, ils devaient appeler une patrouille PI pour la reprise de l'affaire. Lorsqu'ils étaient revenus sur place, constatant que personne n'était dans la rue, ils avaient aperçu l'ASP3 D______ tenir la porte de l'allée entrouverte et faisant signe de les rejoindre. En entrant dans l'allée, E______ avait entendu un conflit verbal entre deux femmes, qui se déroulait dans l'appartement de la détentrice du scooter où il était précédemment intervenu. La porte étant grande ouverte, les deux agents de police étaient entrés dans l'appartement et E______ avait constaté que l'ASP3 B______ faisait face à la mère. Puis, ils avaient procédé à l'interpellation du fils en usant de la force, tandis que les ASP3 s'occupaient de la mère, dont il n'avait pas observé l'interpellation.
Entendu le 12 janvier 2021, D______ a expliqué qu'il était en patrouille (véhicule 2______) avec sa collègue B______, laquelle conduisait. Ils avaient constaté l'infraction du scootériste et annoncé sa fuite sur les ondes police. Après une course poursuite restée sans succès, la patrouille 3______ leur avait demandé de les rejoindre au domicile de la détentrice, ce qu'ils avaient fait. A un moment, la patrouille 3______ avait quitté les lieux et demandé aux ASP3 de rester sur place pour identifier le conducteur du scooter, mais D______ ne se souvenait plus s'ils leur avaient demandé de faire appel à la PADI, lui-même certifiant ne pas l'avoir fait. Soudainement, un jeune homme était arrivé et sa collègue B______ l'avait tout de suite reconnu comme étant le conducteur du scooter, lui-même n'en étant pas sûr. Ils avaient alors demandé au jeune homme de rester là, le temps que sa B______ prenne contact avec le commissaire pour connaître la suite à donner. Cela fait, elle lui avait alors confirmé qu'ils devaient conduire le jeune homme au poste de l'aéroport pour l'identifier, ce à quoi A______ s'était opposée, expliquant qu'elle souhaitait amener son fils elle-même. Au vu du refus des ASP3, A______ avait alors demandé à son fils de rejoindre le domicile. Les ASP3 les avaient suivis jusque devant la porte de l'appartement, qui se situe dans l'allée de l'immeuble en montant quelques marches au premier niveau, lorsque B______ avait saisi le jeune homme par le bras afin de le retenir à l'extérieur. Au même moment, A______ tirait sur l'autre bras vers l'intérieur de l'appartement. B______ s'était alors retrouvée avec un pied à l'intérieur de l'appartement et l'autre à l'extérieur, les échanges verbaux étant virulents. D______ avait alors fait appel à une patrouille en renfort et l'attendait dans l'allée afin de l'orienter. Une fois la patrouille 3______ sur place, il avait rapidement fait signe à ses collègues de les rejoindre. En rentrant dans l'appartement, avec les deux agents de police, il lui semblait que sa collègue B______ était déjà à l'intérieur de l'appartement. Lui-même n'avait pas toujours gardé un visuel sur la situation mais entendait la discussion entre les deux femmes. Les deux agents de police avaient alors pris le relai pour interpeller le jeune homme. Tout le monde était ressorti une fois que les deux intéressés avaient été menottés.
Entendu le 25 février 2021, G______ a déclaré se souvenir que l'ASP3 B______ l'avait appelé le 19 mars 2020 pour lui demander d'interpeller un jeune qui avait pris la fuite en deux-roues. Il avait validé la demande pour l'interpellation du pilote dans le but que des investigations plus précises soient effectuées (contrôle alcool et stupéfiants notamment).
g. Entendue par l'IGS le 17 février 2021 en qualité de prévenue, B______ a relaté les évènements du 19 mars 2020 de la manière suivante. Elle était en patrouille avec son collègue D______ au moment de constater l'infraction du scootériste. Durant la phase de fuite du scootériste, elle avait pris la radio afin d'annoncer sa fuite. Puis, la patrouille 3______ leur avait demandé de les rejoindre au domicile de la détentrice du scooter. Sur place, soit sur l'esplanade devant le numéro 42, les deux ASP3 avaient été mis en présence des deux agents de police, d'une femme et d'une jeune fille. La femme avait un discours verbal agressif et hurlait. Lorsque les policiers étaient partis rechercher le jeune homme dans le quartier 4______[GE], les deux ASP3 étaient restés sur place avec la femme, qui les menaçait en disant qu'elle leur cracherait dessus, étant précisé que durant toute l'intervention, la femme avait son téléphone allumé et engagé en mode haut-parleur, avec une voix féminine pour interlocutrice. Au bout d'un moment, le jeune homme était arrivé et B______ l'avait reconnu comme étant le pilote du scooter. Alors que les deux ASP3 s'approchaient de lui, la femme s'était immédiatement interposée. Au vu de la situation, B______ avait décidé de prendre de la distance et d'appeler le commissaire G______ pour lui demander s'ils pouvaient interpeller le jeune homme et lui passer les menottes, ce que le commissaire a ordonné. C'est à ce moment-là qu'elle avait pris contact avec la patrouille 3______ afin de leur demander de venir, cette dernière répondant qu'elle viendrait après leur repas de midi. Ne voyant pas la patrouille 3______ arriver et au vu de l'attitude de la femme et du jeune homme qui devenait arrogant, les deux ASP3 avaient alors décidé d'obéir à l'ordre du commissaire en accompagnant le jeune homme au poste de police de l'aéroport. Soudainement, la femme et le jeune homme étaient partis en courant en direction de leur allée, avaient monté une volée de marches et étaient entrés dans leur appartement. La femme était entrée en premier et le jeune homme la suivait. Avant que le jeune homme n'entre dans l'appartement, B______ avait réussi à lui attraper le bras dans le but de l'amener au sol pour lui passer les menottes, tandis que sa mère avait saisi l'autre bras en le tirant vers l'intérieur de l'appartement. Déséquilibrée, B______ avait également été attirée dans cette direction, lâchant prise. La femme s'était mise à hurler que l'agente n'avait pas le droit d'entrer chez elle, désignant le palier sur lequel l'agente avait posé le pied. B______ avait ensuite retiré son pied et fait appel à du renfort en attendant avec son collègue. La patrouille 3______ était arrivée et le gendarme F______ était entré dans l'appartement en premier, suivi de son collègue et des APS3. S'en est suivi l'interpellation des deux intéressés.
h. A l'audience de confrontation du 8 novembre 2022 au Ministère public, B______ a confirmé ses déclarations faites à l'IGS le 17 février 2021 et relaté le même déroulement des faits. Elle était restée sur place avec son collègue à la demande des gendarmes au cas où le fils reviendrait. Lorsqu'il était arrivé, elle l'avait reconnu et expliqué à A______ la raison de leur présence, cette dernière ayant répondu qu'elle leur cracherait dessus s'ils essayaient d'interpeller son fils. B______ avait alors appelé le commissaire, lequel avait validé l'interpellation avec usage des menottes. En entrant dans l'immeuble, la porte de l'appartement était ouverte et B______ avait attrapé le bras de C______ dans le but de l'empêcher de s'enfuir par l'arrière de l'appartement. Déséquilibrée, elle reconnaissait avoir malencontreusement mis un pied à l'intérieur de l'appartement, mais avoir aussitôt lâché le jeune homme. Elle était ensuite restée sur le seuil avec D______ en attendant l'arrivée des renforts. Elle n'était entrée dans l'appartement qu'après que les deux agents de police soient entrés. Elle n'arrivait pas à expliquer pourquoi ses collègues avaient indiqué qu'elle était préalablement entrée dans l'appartement, ce qu'elle contestait, étant précisé que la porte palière donnait, selon elle, directement sur le salon. Elle savait s'être trouvée très proche de A______, car à un moment donné elle lui avait éteint le téléphone, car il était en mode haut-parleur.
A______ a confirmé sa plainte. L'ASP3 B______ et son collègue étaient venus chez elle afin de lui demander de faire venir son fils. Sa fille avait ouvert aux policiers et lorsqu'elle-même était sortie, il n'y avait que B______ et son collègue. Elle ne s'était pas embrouillée avec B______ à ce moment-là mais reconnaissait l'avoir menacée à une seule reprise de lui cracher dessus. Au moment où sa fille était sortie de l'immeuble, son fils en avait profité pour rentrer et elle avait fait de même. Lorsqu'elle était rentrée dans l'appartement avec son fils, D______ avait mis un pied dans la porte et B______ était entrée jusqu'au salon pour essayer d'attraper son fils. Les gendarmes étaient arrivés alors que B______ était au salon. S'agissant du téléphone, elle reconnaissait avoir appelé sa sœur, expliquant que B______ avait essayé de lui arracher le téléphone des mains dans le salon. Contrairement à ce que déclarait B______, il y avait un couloir entre la porte palière et le salon.
h. Sur demande du Ministère public, la police s'est présentée le 14 novembre 2022 au domicile de A______ afin de photographier l'appartement. Il ressort de ces photos que l'appartement est notamment constitué d'un hall d'entrée situé juste devant la chambre du fils, ainsi que d'un couloir menant au salon.
i. Au Ministère public les 22 novembre 2022 et 9 décembre 2022, F______, E______, G______ et D______ ont tous confirmé leurs précédentes déclarations.
F______ a notamment confirmé que son collègue E______ avait sonné à la porte de A______ et était revenu avec elle. Lorsqu'ils étaient revenus sur place suite à l'appel radio d'un des ASP3 et comme il n'y avait personne à l'extérieur, ils avaient appelé les ASP3 par radio et D______ était venu les chercher à l'extérieur. Arrivés au demi-étage de l'immeuble, avec D______, la porte de l'appartement était ouverte et personne n'était à l'extérieur. En entrant dans l'appartement, F______ avait constaté que B______ était à plusieurs mètres de A______ (qui était hors d'elle), à l'entrée du salon qui se trouvait à gauche. C______ se trouvait derrière elle.
E______ a également confirmé qu'en entendant la demande de renforts puis en retournant sur place, ils n'avaient trouvé personne à l'extérieur. Lorsque l'ASP3 D______ leur avait fait signe depuis l'entrée de l'immeuble, ils s'étaient demandés (avec son collègue) ce que les ASP3 faisaient chez A______, sans toutefois savoir précisément où ils se trouvaient dans l'immeuble à ce moment-là. Arrivés dans l'appartement avec D______, la porte de l'appartement était ouverte et personne n'était dans le couloir de l'immeuble. En tournant à gauche dans l'appartement, E______ avait vu A______ au milieu du salon et B______, le fils se trouvant derrière sa mère. E______ était surpris des déclarations de B______ et confirmait que D______ était le seul à l'extérieur de l'appartement.
G______, commissaire, a indiqué qu'il était rare que les ASP3 l'appelle. Ce jour-là, il lui était demandé si les ASP3 pouvaient interpeller le détenteur ou le conducteur du scooter, car la personne à interpeller était à proximité. Les critères pour donner l'autorisation d'interpellation étaient d'abord d'examiner le motif, soit qu'il y ait un soupçon de commission d'un délit, et ensuite que la personne puisse être interpelée sur la voie publique. Si la personne se trouvait dans un lieu privé, il n'y avait plus flagrant délit et il était alors nécessaire de faire appel à la permanence du MP. Ensuite, il devait s'agir d'un ASP3 ou 4 et enfin il fallait s'assurer qu'après l'interpellation, la personne soit remise à une patrouille de police. L'interpellation d'une personne par les ASP se justifiait en cas de risque de fuite ou pour un autre motif d'urgence.
D______ a précisé, concernant l'épisode de l'appartement, que sa collègue B______ tenait le bras du fils et s'était faite embarquée dans le hall d'entrée de l'appartement. B______ et A______ s'étaient beaucoup parlées et de façon animée. Alors que D______ se tenait sur le seuil de la porte, A______ était entrée plus loin dans le salon et B______ se trouvait dans le hall d'entrée. Il leur avait demandé de ressortir pour discuter calmement à l'extérieur. Comme la situation ne se calmait pas, il avait fait appel à la patrouille de renfort. Quand les gendarmes étaient arrivés, il les avait conduits vers l'appartement, entrant avec eux. En entrant, il avait vu B______ et A______ au salon, puis ils avaient interpellé le fils.
j. Au Ministère public le 9 décembre 2022, B______ a expliqué que le motif pour lequel elle voulait interpeller le jeune homme immédiatement était le risque de fuite car l'appartement se situait au rez supérieur et il fallait également vérifier si le suspect était sous l'emprise d'alcool ou stupéfiants. Elle était convaincue de n'avoir mis qu'un pied dans l'appartement et maintenait sa version des faits. Quelques mois après les faits, elle avait été en arrêt maladie pendant une longue période de sorte qu'elle n'avait eu l'occasion de parler à personne. Elle avait l'impression qu'on cherchait à lui faire porter le chapeau alors que les gendarmes étaient entrés en premier dans l'appartement. Elle n'allait pas y entrer seule car c'est ce qu'on lui avait enseigné en matière de sécurité. Enfin, s'agissant de son collègue D______, elle n'avait pas le souvenir de l'avoir vu descendre chercher les gendarmes. Il était resté tout le long sur le seuil de la porte.
k. En date du 20 décembre 2022, le Ministère public a requis la production de l'appel radio évoqué par F______ lors de son audition au Ministère public (procès-verbal du 22 novembre 2022, page 2).
Il ressort toutefois du rapport de l'IGS du 26 janvier 2023 que les fichiers audio du 19 mars 2020 ne sont plus disponibles en raison du fait qu'ils sont effacés après une année de conservation.
C. Lors de l'audience de jugement du 19 mars 2024, B______ a contesté être entrée dans l'appartement avant l'intervention des gendarmes. Elle ne comprenait pas pourquoi ses collègues la mettait en cause. Ce n'était pas rien pour elle que d'être confrontée à la justice. Lorsqu'elle avait mis un pied à l'intérieur, elle pensait s'être trouvée directement dans le salon mais s'était rendue compte qu'il y avait un couloir en revoyant les photos de l'appartement. Après avoir retiré son pied, elle n'était plus entrée dans l'appartement avant l'intervention de la patrouille 3______. Elle reconnaissait avoir effectivement essayé de saisir le téléphone de A______, qui était sur haut-parleur, afin de l'éteindre, sans savoir si elle y était parvenue. A ce moment-là, elle-même se trouvait devant le seuil de porte tandis que A______ était à l'intérieur de l'appartement. Elle était toujours sur le palier au moment d'appeler du renfort. Lorsque l'ASP3 D______ avait accueilli la patrouille 3______, elle l'avait toujours en visuel car il était à deux mètres d'elle. Le 6 novembre 2020, on lui avait annoncé un cancer de stade 3, ce qui expliquait son absence du travail pendant un an. Cette procédure était moralement difficile pour elle et elle ne comprenait pas ce qu'il s'était passé. Elle aimait son travail et désirait le continuer de manière intègre. Elle avait agi au plus propre de sa conscience et de son intégrité, et n'avait jamais eu de procédure disciplinaire. Elle avait toujours fait son travail avec bienveillance et dans le respect des lois et des règlements.
A______ a confirmé sa plainte et précisé qu'au moment où B______ avait tenté de lui éteindre son téléphone – sans succès – elle se trouvait devant le mur de la chambre de son fils, à la fin du couloir. Elle était au téléphone avec sa sœur, qui lui avait conseillé de dire à la policière de ne pas entrer dans l'appartement. B______ avait ensuite pris le micro pour dire "police en danger, j'ai besoin de renfort".
D. B______, de nationalité suisse, née le ______ 1968, est célibataire sans enfants et vit avec sa mère. Elle est ASP armée attribuée au poste diplomatique de la gendarmerie et perçoit un salaire net situé entre CHF 7000.- et CHF 7'500.- en fonction des indemnités des nuits et des piquets. Ses dettes s'élèvent à environ CHF 80'000.- correspondant à des emprunts dans le but de faire des rachats LPP.
Elle n'a pas d'antécédents judiciaires en Suisse ni à l'étranger.
Culpabilité
1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 § 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst. et l'art. 10 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a ; 120 Ia 31 consid. 2c et 2d).
L'autorité de condamnation dispose, en matière d'appréciation des preuves, d'une grande latitude (arrêt du Tribunal fédéral 1P.120/2007 du 25 septembre 2007 consid. 3.1). Lorsqu'elle est confrontée à des versions contradictoires, elle forge sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. En pareil cas, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci, ou même chacun d'eux pris isolément, soit à lui seul insuffisant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_921/2010 du 25 janvier 2011 consid. 1.1 et l'arrêt cité). L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et il n'y a pas arbitraire si l'état de fait retenu peut être déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs soient fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ACAS/25/10 du 11 juin 2010 consid. 3.4 et les arrêts cités).
1.2. Aux termes de l'art. 186 CP, réprimant la violation de domicile, celui qui, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, aura pénétré dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d'une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y sera demeuré au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
La violation de domicile est un délit contre la liberté. Plus particulièrement, le bien protégé est la liberté du domicile qui comprend la faculté de régner sur des lieux déterminés sans être troublé et d'y manifester librement sa propre volonté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_940/2021 du 9 février 2023, consid. 2.1.2.).
L'infraction est consommée dès que l'auteur s'introduit dans le domaine clos sans l'autorisation de celui qui a le pouvoir d'en disposer (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2013 du 20 août 2014, consid. 2.1.).
L'auteur doit encore agir de manière illicite. L'illicéité de l'acte implique que l'auteur s'oppose à la volonté de l'ayant droit. Elle fait défaut lorsque ce dernier donne son accord ou si l'auteur est au bénéfice d'un motif justificatif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2013 du 20 août 2014, consid. 2.1.).
Sur le plan subjectif, la violation de domicile est intentionnelle, le dol éventuel étant toutefois suffisant. Non seulement l'auteur doit pénétrer ou rester volontairement, mais il faut encore qu'il veuille ou accepte que ce soit sans droit et contre la volonté de l'ayant droit ou l'injonction de sortir donnée par celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2013 du 20 août 2014, consid. 2.1.).
1.3. Au sens de l'art. 213 CPP, s’il est nécessaire de pénétrer dans des bâtiments, des habitations ou d’autres locaux non publics pour appréhender ou arrêter une personne, les dispositions concernant la perquisition sont applicables (al. 1). Lorsqu’il y a péril en la demeure, la police peut pénétrer dans des locaux sans mandat de perquisition (al. 2).
Une visite domiciliaire au sens de l'art. 213 al. 1 CPP nécessite un ordre écrit d’arrestation et un mandat écrit de perquisition (CHAIX, CR CPP, N 10 ad art. 213).
Lorsqu’il y a péril en la demeure, la loi supprime l’obligation pour la police de se munir d’un mandat de perquisition. La police peut alors s’introduire sans autre dans le domicile de tiers où se trouvent des personnes recherchées. Dans la mesure où l'art. 213 al. 2 CPP met en place un régime d’exception, même s’il est instauré en faveur d’une poursuite plus efficace des infractions, la notion de « péril en la demeure » doit être interprétée restrictivement. En règle générale, il y a péril en la demeure lorsque le respect des formes ordinaires du mandat compromettrait l’appréhension ou l’arrestation provisoire. Tel est certainement le cas de la personne recherchée qui fuit devant une patrouille de police ou de celle qui s’apprête à détruire des moyens de preuve (op. cit., N 11 et 12 ad art. 213).
L'art. 244 CPP prévoit que les bâtiments, les habitations et autres locaux non publics ne peuvent être perquisitionnés qu’avec le consentement de l’ayant droit (al. 1). L'alinéa 2 précise que le consentement de l’ayant droit n’est pas nécessaire s’il y a lieu de présumer que, dans ces locaux: se trouvent des personnes recherchées (let. a) ; se trouvent des traces, des objets ou des valeurs patrimoniales susceptibles d’être séquestrés (let. b); des infractions sont commises (let. c).
Les « personnes recherchées » au sens de l'art. 244 al. 2 let. a CPP peuvent être non seulement des personnes prévenues visées par un mandat de recherche et d’amener (art. 210 al. 2 CPP et art. 439 al. 2), mais également des tiers, par exemple un témoin objet d’un mandat d’amener (art. 207 al. 1 CPP) (HOHL/CHIRAZI, CR CPP, N 26 ad art. 244)
1.4. Aux termes de l'art. 21 CP, relatif à l'erreur sur l’illicéité, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d’agir que son comportement est illicite n’agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l’erreur était évitable.
2. En l'espèce, il est établi et admis qu'à un moment donné les ASP3 B______ et D______ se sont retrouvés sur le palier devant l'appartement de A______ et qu'ils ont fait appel à la patrouille 3______.
Concernant la suite des évènements, il est vrai que la version de la plaignante est contradictoire sur différents faits, notamment sur la question de qui des policiers ou des ASP3 ont sonné à sa porte en premier, et si elle a demandé ou non à son fils de rentrer dans l'appartement. Elle prête également un rôle bien plus négatif à la prévenue que ce qui est établi au dossier.
Cependant, les témoignages des agents D______, F______, et E______ sont formels et concordent avec elle sur le fait qu'en arrivant dans l'appartement, ils ont tous vu B______ en face de A______, laquelle se tenait devant son fils. Tous déclarent également que la porte de l'appartement était grande ouverte et que la prévenue se trouvait au salon – local séparé du hall d'entrée par un couloir.
Il est certes vrai que l'on observe de légères variations dans certains témoignages, comme le fait que D______ soit sorti ouvrir la porte de l'allée pour guider les gendarmes ou qu'il leur ait uniquement fait signe depuis le palier, ou sur le degré d'ouverture de la porte d'après l'agent E______. De telles variations, de peu d'importance, n'enlèvent aucune crédibilité à leurs auteurs, mais sont au contraire inhérents à de véritables souvenirs relatés par les intéressés, à l'inverse d'une version inventée et apprise par cœur. Quant au fait que D______ n'avait pas vu l'entrée de B______ dans l'appartement, l'on peut relever que dès lors qu'il cherchait à accueillir la patrouille 3______, son regard n'était manifestement pas en permanence fixé sur la porte de l'appartement et sur le comportement de sa collègue. L'absence de trace au dossier de l'appel radio mentionné par F______ ne permet pas de tirer une quelconque conclusion sur les faits reprochés à la prévenue, étant précisé que la seconde demande de renfort émise par B______ alors qu'elle se trouvait prétendument sur le palier n'y figure pas non plus, celle-ci situant le double appel mentionné dans le rapport de police au moment où D______ et elle-même se trouvaient encore sur l'esplanade.
L'argument de la prévenue selon lequel elle serait un bouc émissaire, chargée par ses pairs, n'emporte pas conviction. Quand bien même l'on peut comprendre que chacun désire se protéger de poursuites pénales, l'on ne peut aucunement en déduire systématiquement et sans aucun élément pour cela, que les différents policiers impliqués auraient tenus des propos volontairement contraires à la réalité, ce qui serait non seulement inacceptable mais aussi particulièrement contreproductif en terme d'exposition à d'éventuelles sanction pénales, ce d'autant plus de la part de personnes assermentées et conscientes des conséquences juridiques d'éventuelles fausses déclarations.
A l'inverse, la version selon laquelle la prévenue est bien entrée dans l'appartement est cohérente avec le fait qu'elle admet avoir tenté de saisir le téléphone des mains de la plaignante dans l'appartement – ce que confirme cette dernière – alors qu'à aucun moment elle ne ressort de son appartement. Un tel geste est par ailleurs contradictoire avec les déclarations de la prévenue selon lesquelles elle ne serait jamais rentrée seule par mesure de sécurité. L'on peut aussi se demander pourquoi, si tous les policiers s'étaient réellement trouvés à l'extérieur de l'appartement, la plaignante n'aurait tout simplement pas fermé la porte de son appartement pour éviter le contrôle de son fils. Seule la présence de la prévenue dans l'appartement peut en outre justifier que la patrouille 3______ soit immédiatement entrée, suivie de l'agent D______.
Ainsi, ces éléments constituent un faisceau d'indices convergeant permettant de retenir que la prévenue est bien entrée dans l'appartement malgré l'opposition déclarée de la plaignante, laquelle était l'ayant droit de cet appartement.
Les éléments constitutifs tant objectifs que subjectifs de l'infraction de violation de domicile (art. 186 CP) étant réalisés, il y a lieu de se demander si la prévenue peut être mise au bénéfice d'un motif justificatif.
Force est de constater que les conditions pour une visite domiciliaire (art. 213 CPP) n'étaient pas remplies. En effet, il n'y avait aucun ordre écrit destiné à appréhender une personne recherchée, il n'y avait pas non plus d'objets ou de valeurs patrimoniales à séquestrer et l'éventuelle infraction avait déjà été commise par C______, étant précisé qu'étaient en cause uniquement des contraventions ou délits à la LCR. Bien que la prévenue ait obtenu l'accord du commissaire G______, celui-ci portait uniquement sur l'appréhension du jeune homme sur la voie publique. En effet, s'agissant du domaine privé, il aurait fallu faire appel à la permanence du MP pour demander un mandat, ce que ce commissaire a confirmé lors de l'instruction. Un tel recours au MP aurait d'ailleurs pu être fait sans compromettre la possibilité de procéder à temps à des analyses du taux d'alcool et de stupéfiants, lesquelles peuvent au demeurant faire l'objet d'un calcul rétroactif.
L'on ne se trouvait pas non plus dans une situation de péril en la demeure, étant donné que la prévenue avait déjà identifié le pilote du scooter lorsqu'il était arrivé sur l'esplanade et qu'il lui suffisait d'attendre l'arrivée de la patrouille 3______ lorsque sa mère et lui s'étaient retranchés dans leur appartement. Rien ne justifiait d'entrer dans l'appartement à ce moment-là, le risque de fuite du suspect ou de destruction de moyens de preuve n'étant pas réalisé.
Enfin, on ne peut retenir l'erreur sur l'illicéité étant donné que la prévenue est une professionnelle et connait ses compétences. Elle savait que l'ordre donné par le commissaire G______ ne s'étendait pas à la possibilité d'entrer dans l'appartement, puisqu'elle ne l'avait d'ailleurs pas requis.
Par conséquent, le Tribunal la prévenue sera déclarée coupable de violation de domicile au sens de l'art. 186 CP.
Peine
3.1.1. Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.1). Le facteur essentiel est celui de la faute (arrêt du Tribunal fédéral 6B_992/2008 du 5 mars 2009 consid. 5.1). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_759/2011 du 19 avril 2012 consid. 1.1).
3.1.2. Au sens de l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l’auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus (al. 2).
3.1.3. A teneur de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Si le juge suspend totalement ou partiellement l’exécution d’une peine, il impartit au condamné un délai d’épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).
3.2. En l'espèce, la faute de la prévenue est légère à moyenne. Elle s'en est prise à la liberté d'autrui en entrant dans l'appartement, alors que les circonstances ne le justifiaient pas et ce malgré l'opposition de la plaignante. Il sera toutefois tenu compte du fait qu'elle a agi dans le feu de l'action et non pour des motifs personnels mais en voulant remplir sa mission et respecter l'ordre qui avait été donné par son commissaire, ce qui est tout à son honneur.
Elle n'a pas d'antécédents judiciaires, ce qui est un facteur neutre sur la peine.
Il sera tenu compte de ses bons états de service.
Au vu de ce qui précède, seule une peine pécuniaire avec sursis entre en ligne de compte, le pronostic étant favorable.
La prévenue sera ainsi condamnée à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 160.- avec sursis et délai d'épreuve de 2 ans, rien ne commandant d'aller au-delà du minimum légal.
Conclusions civiles
4.1.1. Selon l'art. 123 al. 2 CPP, le calcul et la motivation des conclusions civiles doivent être présentées dans le délai fixé par la direction de la procédure conformément à l'art. 331 al. 2 CPP.
A teneur de l'art. 331 al. 1 et 2 CPP, la direction de la procédure détermine les preuves qui seront administrées lors des débats. Elle fait connaître aux parties la composition du tribunal et les preuves qui seront administrées (al. 1). Elle fixe en même temps un délai aux parties pour présenter et motiver leur réquisition de preuves en attirant leur attention sur les frais et indemnités qu’entraîne le non-respect du délai. Elle fixe le même délai à la partie plaignante pour chiffrer et motiver ses conclusions civiles (al. 2).
4.1.2. En l'espèce, les conclusions civiles sont irrecevables, car déposées le lendemain du délai qui avait été fixé au 18 mars 2024 par courrier du Tribunal du 29 février 2024.
A toutes fins utiles, elles auraient également été rejetées dès lors qu'une infraction à l'art. 186 CP n'atteint pas une gravité propre à permette la réparation d'un tort moral, la plaignante attribuant au demeurant ses souffrances à son interpellation violente et non pas à la violation de domicile objet de la présente procédure.
Frais et indemnités
5.1. Vu la condamnation de la prévenue, les frais de la procédure qui s'élèvent à CHF 798.-, auxquels s'ajoute l'émolument complémentaire de jugement, seront mis à sa charge (art. 426 al. 1 CPP). Ses conclusions en indemnisation seront rejetées (art. 429 al.1 let. a CPP).
5.2.1. A teneur de l'art. 433 al.1 let. a CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause.
5.2.2. En l'espèce, dans la mesure où l'intervention d'un avocat ne se justifiait pas pour la seule question de l'art. 186 CP, ne permettant que très difficilement de formuler des conclusions civiles, la demande de la partie plaignante de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure sera rejetée.
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant sur opposition :
Déclare valables l'ordonnance pénale du 22 septembre 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par B______ le 9 octobre 2023.
et statuant à nouveau et contradictoirement :
Déclare B______ coupable de violation de domicile (art. 186 CP).
Condamne B______ à une peine pécuniaire de 20 jours-amende (art. 34 CP).
Fixe le montant du jour-amende à CHF 160.-.
Met B______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).
Avertit B______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).
Rejette les conclusions en indemnisation de B______ (art. 429 al. 1 let. a CPP).
Déclare irrecevable les conclusions civiles de A______ (art. 331 al. 2 CPP).
Rejette la demande de A______ de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).
Condamne B______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 798.- (art. 426 al. 1 CPP).
Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office fédéral de la police, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).
Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).
La Greffière | Le Président |
Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.
Met cet émolument complémentaire à la charge de B______.
La Greffière | Le Président |
Voies de recours
Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.
Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation dès la notification du jugement en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).
L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).
Etat de frais
Frais de l'ordonnance pénale | CHF | 360.00 |
Convocations devant le Tribunal | CHF | 60.00 |
Frais postaux (convocation) | CHF | 21.00 |
Emolument de jugement | CHF | 300.00 |
Etat de frais | CHF | 50.00 |
Frais postaux (notification) | CHF | 7.00 |
Total | CHF | 798.00 |
========== | ||
Emolument de jugement complémentaire | CHF | 600.00 |
========== | ||
Total des frais | CHF | 1'398.00 |
Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets
Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.
Notification à B______, soit pour elle son conseil
par voie postale
Notification à A______, soit pour elle son conseil
par voie postale
Notification au Ministère public
par voie postale