Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/89/2025 du 20.02.2025 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/1859/2024-CS DCSO/89/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 20 FEVRIER 2025 |
Plainte 17 LP (A/1859/2024-CS) formée en date du 31 mai 2024 par A______, représenté par Me Andreas FABJAN, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 20 février 2025
à :
- A______
c/o Me FABJAN Andreas
Muller & Fabjan
Rue Ferdinand-Hodler 13
1207 Genève.
- B______
______
______, France.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. B______ a été définitivement condamnée par jugement JTPI/14640/2021 du 18 novembre 2021 du Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) à payer à A______ la somme de 249'210 fr. plus intérêt à 5 % l'an dès le 1er février 2018, puis 3'500 fr. pour tout mois d'occupation supplémentaire de l'appartement qu'elle occupait à la rue 1______ no. ______ à Genève. B______ a également été condamnée à rembourser à A______ l'avance des frais judiciaires effectuée par ce dernier en 12'200 fr. et à payer des dépens de 19'300 fr.
b. B______ a été évacuée de cet appartement le 29 juillet 2022.
c. Elle est néanmoins restée inscrite comme domiciliée à cette adresse auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après l'OCPM).
d. A______ a requis le 17 août 2022 la poursuite de B______ sur la base du jugement du 18 novembre 2021. Il a mentionné dans la réquisition de poursuite, à titre de domicile de la débitrice : "dernier domicile connu : rue 1______ no. ______, [code postal] Genève".
e. Un commandement de payer, poursuite n° 2______, a été établi le 22 août 2022 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) sur la base de cette indication.
Il a été notifié à la débitrice au guichet de l'Office le 26 septembre 2022. Elle a formé opposition à réception.
f. Le Tribunal a prononcé la mainlevée définitive de cette opposition par jugement JTPI/4033/2023 du 27 mars 2023, sur requête de A______.
Ce jugement a été notifié à B______ par voie de publication, faute d'adresse ou de domicile connu.
Le Tribunal a émis un certificat de force exécutoire de ce jugement le 26 avril 2023.
g. A______ a requis le séquestre des comptes de la débitrice, lequel a été prononcé par le Tribunal le 6 avril 2023.
i. Il a également requis la continuation de la poursuite le 1er mai 2023 tout en précisant qu'elle emportait validation du séquestre susvisé.
h. La poursuite n° 2______ s'est finalement soldée par l'émission d'un acte de défaut de biens, le 5 juin 2023, pour un montant impayé de 308'710 fr., 70'133 fr. 34 fr. d'intérêts et 10'702 fr. 85 de frais de poursuite.
i. Sur la base de cet acte de défaut de biens, A______ a requis la continuation de la poursuite sans notification préalable d'un commandement de payer le 5 décembre 2023 en application de l'art. 149 al. 3 LP.
j. L'Office a ouvert une nouvelle poursuite, n° 3______, dans laquelle il a émis, le 12 janvier 2024, un nouvel acte de défaut de biens. Cet acte précisait que nonobstant divers avis de saisie et convocations, ainsi qu'un mandat de comparution délivré à la police, il n'avait pas été possible de rencontrer la débitrice. Les demandes de renseignement auprès des divers établissements bancaires de Genève s'étaient révélées infructueuses.
k. A______ a à nouveau requis la continuation de la poursuite, sans notification préalable d'un commandement de payer, le 25 mars 2024, sur la base de cet acte de défaut de biens. Il a précisé sous la rubrique "observations", que le père de la poursuivie était décédé et était propriétaire d'un bien immobilier sis en France voisine. Il invitait par conséquent l'Office à interpeller la Justice de Paix afin d'obtenir le nom du notaire en charge de la succession et intervenir dans cette dernière. La Justice de Paix refusait en effet de lui fournir directement des informations sur cette succession.
l. L'Office a ouvert une nouvelle poursuite, n° 4______, dans laquelle il a rendu le 4 avril 2024 une décision par laquelle il a refusé de donner suite à la réquisition de continuer la poursuite sur la base de l'acte du défaut de biens du 12 janvier 2024 qui était un "second acte de défaut de biens".
m. A______ a requis une nouvelle poursuite de la débitrice le 10 avril 2024.
n. L'Office a ouvert une nouvelle poursuite, n° 5______, et rendu, le 16 mai 2024, une décision par laquelle il constatait qu'il ne pouvait donner suite à la réquisition, la débitrice n'étant plus domiciliée à la rue 1______ no. ______ à Genève, soit l'appartement dont elle avait été évacuée par le créancier poursuivant. L'inscription d'un domicile à Genève de la débitrice dans les registres de l'OCPM avait été radiée le ______ novembre 2023, sans mention d'un nouveau domicile. Celle-ci demeurait introuvable.
Cette décision a été notifiée à A______ le 21 mai 2024.
B. a. Par acte déposé le 31 mai 2024 auprès du Greffe universel du Pouvoir judiciaire, à l'attention de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'Office de donner suite à sa réquisition de poursuite du 10 avril 2024 et à notifier un commandement de payer.
Il estimait en substance qu'en l'absence d'un nouveau domicile connu de la débitrice, que ce soit en Suisse ou à l'étranger, la poursuite était possible à Genève.
b. Dans ses observations du 19 juin 2024, l'Office a conclu au rejet de la plainte au motif que la débitrice n'avait plus de domicile à Genève, mais, selon ses informations, en France, dans un bien immobilier qui était propriété de son père, route 6______ no. ______, [code postal] C______ / Haute-Savoie.
Il a expliqué avoir obtenu cette information auprès du frère de la débitrice, dans le cadre de ses diverses investigations.
c. Dans une réplique du 26 juin 2024, le plaignant a contesté l'existence de ce domicile de la débitrice qui n'était étayée par aucune pièce fournie par l'Office et ne constituait qu'une supposition.
d. La Chambre de surveillance a convoqué le 18 septembre 2024 une audience aux fins d'entendre les parties et le frère de la débitrice, D______, en qualité de personne entendue à titre de renseignement.
L'Office a exposé qu'il s'était trompé en émettant des actes de défaut de biens dans le cadre des poursuites précédentes et qu'il aurait déjà dû rendre des décisions de non-lieu de poursuite. Il avait obtenu l'information sur le domicile de la débitrice dans le cadre d'autres poursuites à son encontre, le frère de celle-ci ayant eu vent des tentatives de notifications de l'Office et ayant pris contact spontanément avec lui. L'Office avait considéré que la débitrice pouvait être atteinte à l'adresse donnée par son frère, ce qui était suffisant pour considérer qu'il n'y avait plus de for de poursuite à Genève.
La Chambre de surveillance a fait inscrire au procès-verbal d'audience une note par laquelle elle informait les parties du fait que ses convocations adressées à la débitrice à C______ avaient été reçues.
D______ a déclaré en substance être en froid avec sa sœur depuis plusieurs années et ne plus avoir de contacts avec elle. Il ne s'était pas rendu à C______ dans la maison familiale depuis plusieurs années et n'avait donc pas constaté personnellement si sa sœur y vivait. En revanche, il savait qu'il y avait eu un litige entre cette dernière et leur père sur le fait de savoir si la première avait acheté la maison au second. En tout état, ce dernier n'avait plus pu s'y rendre, sa fille lui en interdisant l'accès. D______ a produit des courriers adressés à sa sœur à C______ qui avaient été, selon lui, reçus par elle à cette adresse. Il voyait mal où elle aurait pu vivre ailleurs.
e. A l'issue de l'audience, la Chambre de surveillance a gardé la cause à juger.
1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.
2 2.1.1 Selon l'art. 67 al. 1 ch. 2 LP, la réquisition de poursuite doit énoncer les nom et domicile du débiteur; c'est en premier lieu au poursuivant – et non à l'office – qu'il incombe de rechercher l'adresse du débiteur, respectivement de vérifier si l'adresse dont il dispose correspond encore à celle du domicile du débiteur; pour sa part, l'office doit vérifier les indications relatives au domicile du débiteur fournies par le créancier, dès lors que sa compétence à raison du lieu en dépend; si ces indications se révèlent inexactes ou insuffisamment précises, l'office doit impartir au poursuivant un délai aux fins de rectifier ou compléter les indications viciées, ou de lui demander les renseignements nécessaire (ATF 141 III 173 consid. 2.4 et les références citées; Gilliéron, Commentaire LP, n° 116 ad art. 67 LP).
2.1.2 Le for ordinaire de la poursuite est au domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP), au moment de la notification du commandement de payer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_5/2009 du 9 juillet 2009 consid. 3). Le domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC. Une personne physique a ainsi son domicile au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels.
L'art. 24 al. 1 CC, selon lequel toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, n'est pas applicable en matière de poursuite pour dettes : le débiteur qui quitte son domicile suisse sans s'en créer un nouveau ne peut plus être poursuivi qu'à l'un des fors spéciaux prévus par les art. 48 à 52 LP (ATF 119 III 54 consid. 2a). Toutefois, si le débiteur n'a plus en Suisse ni domicile ni lieu de séjour et que son lieu de séjour étranger est inconnu, la poursuite doit être possible au lieu de son dernier domicile en Suisse. La loi connaît en effet la notion de "for fictif" au dernier domicile connu pour le cas où un débiteur se soustrait à la poursuite par la fuite (art. 54 LP); ce for, prévu pour la faillite, s’applique également au débiteur en fuite qui n’est pas soumis à la faillite. En effet, si le débiteur qui avait constitué un domicile en Suisse ne s'y trouve plus, sans avoir donné connaissance de son nouveau lieu de séjour, le créancier ne saurait se voir imposer l'obligation d'établir lui-même si le débiteur a vraiment constitué un nouveau domicile à l'étranger et où se trouve ce domicile : c'est au débiteur qu'il appartient de rapporter la preuve de son nouveau domicile. Ainsi, l'office doit donner suite à une réquisition de poursuite lorsqu'il n'existe aucune circonstance excluant la permanence du domicile suisse (ATF 120 III 110 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 7B.241/2005 du 6 mars 2006 consid. 3.1 et 3.2; DCSO/73/2019 du 8 février 2019; Stoffel, Chabloz, Poursuite pour dettes et exécution spéciale, 2016, p. 92, n° 112).
2.2 En l'espèce, la procédure a permis d'établir que la débitrice dispose d'un domicile et d'une adresse, à laquelle elle atteignable, en France. Il n'y a pas lieu de maintenir un for "fictif" de poursuite à Genève au sens de la jurisprudence susmentionnée. La décision entreprise est par conséquent justifiée.
La plainte sera ainsi rejetée.
3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte du 31 mai 2024 de A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 16 mai 2024, dans le cadre de la poursuite n° 5______.
Au fond :
La rejette.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Messieurs Alexandre BÖHLER et
Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
Le président : La greffière :
Jean REYMOND Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.