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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3980/2018

DCSO/73/2019 du 08.02.2019 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : FOR; DOMICILE
Normes : LP.46; CC.24
Résumé : Refus de réquisition. Pas de domicile connu du débiteur. Devoir de l'Office des poursuites de se renseigner.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3980/2018-CS DCSO/73/19

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU VENDREDI 8 FEVRIER 2019

 

Plainte 17 LP (A/3980/2018-CS) formée en date du 13 novembre 2018 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 11 février 2019
à :

- B______

Chemin ______

______ Genève.

- Office des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. Le 17 octobre 2018, A______ a requis la poursuite de B______ "c/o anc. adresse rue ______ Genève act. sans domicile ni résidence connus", pour la somme de 6'024 fr., alléguée due au titre de "arriérés de loyers rue ______, mois de mars et mai 2018 + charges pour le système d'alarme + participation remise en état de l'appartement".

b. Par décision du 7 novembre 2018, l'Office des poursuites (ci-après: l'Office) a informé A______ qu'il ne pouvait donner suite à sa réquisition de poursuite, n°1______, en l'absence de for, le principe en vertu duquel une personne conservait son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en était pas créé un nouveau n'étant pas applicable en matière de poursuites pour dettes et faillite.

c. Selon le registre de l'Office cantonal de la population et des migrations, B______ est domiciliée 63, rue Liotard à Genève. Elle est arrivée dans la commune le 17 février 2004.

B. a. Par acte du 13 novembre 2018, A______ a formé plainte contre la décision de l'Office du 7 novembre 2018 de refus de réquisition, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'Office de procéder à la notification du commandement de payer par la voie postale à la dernière adresse connue de la débitrice.

b. Dans son rapport du 12 décembre 2018, l'Office a conclu au rejet de la plainte, faisant valoir que selon les indications fournies par la plaignante elle-même, la débitrice était sans domicile connu.

c. Dans un courrier du 3 janvier 2019, la plaignante a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; 126 al. 2 lit. c LOJ; 6 al. 1 et 3 et 7
al. 1 LaLP) contre des mesures de l'Office non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telle une décision de refus de réquisition.

1.2 Déposée dans le délai de dix jours dès la réception de la décision querellée (art. 17 al. 2 LP) et respectant les exigences de forme prescrites par la loi (art. 9
al. 1 LaLP et art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), la présente plainte est recevable.

2.             La plaignante soutient qu'il existe un for de poursuite à l'ancien domicile connu de la débitrice.

2.1.1 Selon l'art. 67 al. 1 ch. 2 LP, la réquisition de poursuite doit énoncer les nom et domicile du débiteur. C'est ainsi en premier lieu au poursuivant – et non à l'Office (ATF 120 III 110 consid. 1a) – qu'il incombe de rechercher l'adresse du débiteur, respectivement de vérifier si l'adresse dont il dispose correspond encore à celle du domicile du débiteur. Il n'en résulte pas cependant que l'indication dans la réquisition de poursuite d'une adresse erronée aurait pour conséquence la nullité de celle-ci (Kren Kostkiewicz, Schuldbetreibungs- und Konkursrecht,
2ème édition, 2014, p. 124 n° 476). Pour sa part, l'Office doit vérifier les indications relatives au domicile du débiteur fournies par le créancier, dès lors que sa compétence à raison du lieu en dépend (ATF 120 III 110 consid. 1a). Si ces indications se révèlent inexactes, l'Office peut rechercher lui-même, aux frais du créancier, le véritable domicile du débiteur ou le demander au créancier en l'invitant à rectifier sa réquisition de poursuite à cet égard
(ATF 29 I 565 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral du 12 septembre 1988, publié in RJN 1988 p. 258 consid. 2a et les références citées). Il ne saurait en revanche, sous peine de violer l'art. 67 LP, refuser de donner suite à la réquisition de poursuite sans au moins avoir fourni au créancier la possibilité de compléter sa réquisition (cf. RJN 1988 p. 258 consid. 2a; Kren Kostkiewicz, op. cit., pp. 124-125 n° 476-477; arrêt de la Chambre de surveillance DCSO/141/2016 du 12 mai 2016 consid. 2.2).

L'art. 24 al. 1 CC, selon lequel toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, n'est pas applicable en matière de poursuite pour dettes : le débiteur qui quitte son domicile suisse sans s'en créer un nouveau ne peut plus être poursuivi qu'à l'un des fors spéciaux prévus par les art. 48 à 52 LP (ATF 119 III 54 cons. 2a). S'il n'a plus en Suisse ni domicile ni lieu de séjour et que son lieu de séjour étranger est inconnu, la poursuite doit être possible au lieu de son dernier domicile en Suisse (ATF 120 III 110 cons. 1b). L'art. 54 LP, selon lequel la faillite d'un débiteur qui a pris la fuite pour se soustraire à ses engagements est déclarée au lieu de son dernier domicile en Suisse, s'applique aussi à l'égard d'un débiteur absent et dont la résidence nouvelle est inconnue, même si ce débiteur n'est pas soumis à la poursuite par voie de faillite (même référence).

Si le débiteur qui avait constitué un domicile en Suisse ne s'y trouve plus, sans avoir donné connaissance de son nouveau lieu de séjour, le créancier ne saurait se voir imposer l'obligation d'établir lui-même si le débiteur a vraiment constitué un nouveau domicile à l'étranger et où se trouve ce domicile : c'est au débiteur qu'il appartient de rapporter la preuve de son nouveau domicile. Ainsi, l'office doit donner suite à une réquisition de poursuite lorsqu'il n'existe aucune circonstance excluant la permanence du domicile suisse (ATF 120 III 110 cons. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 7B.241/2005 du 6 mars 2006 cons. 3.1 et 3.2).

2.1.2 La notification se fait par publication lorsque le débiteur n'a pas de domicile connu (art. 66 al. 4 ch. 1 LP).

La notification d'un commandement de payer par voie édictale constitue une ultima ratio; il ne peut y être recouru que si le créancier et l'Office ont effectué toutes les recherches adaptées à la situation de fait pour trouver une adresse à laquelle la notification au débiteur pourrait intervenir (ATF 136 III 571 consid. 5, SJ 2011 I 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_305/2009 du 10 juillet 2009 consid. 3; ATF 129 III 556 consid. 4, JdT 2004 II 26; 119 III 60 consid. 2a; 112 III 6).

2.2 En l'espèce, il résulte du dossier, en particulier des informations fournies par la poursuivante elle-même, que la débitrice a effectivement résidé jusqu'à un passé relativement récent au ______ à Genève. Selon les registres officiels, elle y réside toujours et vit à Genève depuis 2004.

Au vu de ces éléments, et en l'absence en l'état d'autres constatations de fait, il convient de retenir que, à tout le moins jusqu'au moment où elle a quitté son logement sis ______, la débitrice avait fait de Genève le centre de ses intérêts personnels et professionnels, partant qu'elle y avait son domicile au sens de l'art. 46 al. 1 LP et pouvait donc y être poursuivie.

Aucun élément du dossier ne permet de retenir que cette situation aurait aujourd'hui changé. Certes, la débitrice a quitté le logement qu'elle occupait au
______. Il n'en résulte cependant nullement qu'elle aurait également quitté le canton, renonçant ainsi à en faire le centre de ses intérêts. Le fait qu'elle n'ait, pour l'heure, pas annoncé sa nouvelle adresse à l'Office cantonal de la population n'est pas déterminant, dans la mesure où il peut s'expliquer aussi bien par une négligence administrative que parce que la débitrice serait toujours à la recherche d'un logement fixe.

Il convient ainsi de retenir d'une part que la débitrice avait son domicile à Genève et d'autre part qu'aucun élément du dossier ne permet en l'état d'admettre qu'elle aurait quitté le canton.

Il appartiendra en conséquence à l'Office d'interpeller la créancière pour savoir si elle dispose d'autres éléments permettant de localiser la débitrice (employeur, adresse mail). Il pourra également de son côté, mais aux frais de la plaignante, entreprendre toutes démarches utiles aux fins d'établir la nouvelle adresse de la débitrice.

Une fois ces démarches entreprises et en fonction des résultats obtenus, il appartiendra à l'Office de procéder, cas échéant, à une notification par voie édictale.

La plainte doit ainsi être admise et la décision de refus de la réquisition de poursuite rendue le 7 novembre 2018 par l'Office annulée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 13 novembre 2018 par A______ contre la décision de refus de réquisition de l'Office du 7 novembre 2018.

Au fond :

Annule cette décision.

Invite l'Office à poursuivre la procédure de notification dans le sens des considérants.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Messieurs Georges ZUFFEREY et Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.